Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-04-01
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
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Description : 01 avril 1894 01 avril 1894
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. - NO 8,112 LE NUMERO CINQ CENTIMES DIMANCHE 1er AVRIL 1394
LE XIX1 SIECLE
REDACTION ET ADIINISTRA no.
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PARIS
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tons les Bureaux de Poste.
LuTJlSriDX IS/LJ^TXlSr
nous commencerons la publication d'un
nouveau grand feuilleton dû à la plume
d'un des maîtres du roman contempo-
rain :
LA
FILLE D'UN USURIER
PAR
ODYSSE BAROT
Nous n'avons pas à faire ici l'éloge
de l'auteur. Les lecteurs du XIXe Siècle
n'ont pas oublié LE GOUFFRE qui,
l'année dernière, a eu dans nos colonnes
un si vif succès.
Dans cette œuvre nouvelle, Odysse
Barot, dans le cadre d'une action tou-
chante et dramatique, fait défiler devant
le lecteur des caractères pris sur le vif,
des types curieux, sympathiques ou gro-
tesques de la vie parisienne, pour ar-
river au plus émouvant, au plus inat-
tendu des dénouements.
LA
FILLE D'UN USURIER
à la fois roman de mœurs et roman
d'amour, n'aura pas moins de retentis-
sement que les nombreux ouvrages qui
ont depuis longtemps établi solidement
la réputation d'ODYSSE BAROT.
PRIME EXCEPTIONNELLE
Bicyclette XIXe SIÈCLE
DERNIER MODÈLE
Voir à la troisième page
DECLASSEIIENT
Que la conversation s'établisse entre
citoyens quelconques sur leur feuille
de contributions, sur la difficulté de
modérer les impôts ou même d'en amé-
liorer la répartition en face de l'énor-
mité des engagements du Trésor —
rentes et pensions — et des exigences
ruineuses de la sécurité nationale, l'ac-
cord ne sera pas long à se faire pour
souhaiter des économies et par suite
pour pester contre la multiplicité des
fonctionnaires. Il y a émulation alors
pour dauber sur la bureaucratie, sur les
ronds-de-cuir. On parle bien aussi par-
fois, un peu de confiance ou par tradi-
tion, des gros traitements. Il n'en existe
plus guère, de traitements assez gros
pour faire scandale, à moins que le mé
rite personnel du fonctionnaire ne soit
par trop au-dessous de ce que suppose
sa situation.
Le défaut de lEtat, au prix où est la
vie, n'est pas en général de faire à ses
agents des existences de nababs. La
vérité est que, dans beaucoup d'admi-
nistrations, tout en payant chichement,
il n'en a pas pour son argent. Il est,
dans ces cas-là, servi comme ne sup-
porterait de l'être ni un particulier ni
le directeur intéressé d'une adminis-
tration privée qui, pour une besogne
réclamant trois employés, n'en pren-
drait pas dix, mais trois, en les rému-
nérant de façon à garder le droit de
demander tout leur temps et tout leur
zèle.
Voilà un thème sur lequel il ne se
rencontrera guère de dissentiments. Sup-
posez maintenant que, dans le même
groupe, on change de propos et que l'on
se mette à échanger ses vues d'avenir
personnelles, ce sera un grand hasard
si ceux qui ne sollicitent pas une place
pour eux-mêmes n'en visent pas une
pour leur fils ou pour le mari qu'ils
destinent à leur fille. C'est très couru.
L'avancement est lent, même incertain;
à moins de chances sur lesquelles il se-
rait fou de tabler, ce sera la grande
gêne pour longtemps, mais au moins
une gêne « sûre », avec la perspective
d'une retraite au bout. On s'est dé-
brouillé dans la vie, soit ; mais on a
couru des risques, on a eu des passes
difficiles, des coups de collier à donner.
Il faut épargner tout risque aux enfants;
on aura fait acte de soUicitude en leur
préparant une médiocrité bien unie. Et
puis, sans cela, est-ce que ce serait la
peine de leur avoir fait donner de
l' « éducation » ?
Ce n'est pas là, sans doute, un travers
nouveau et, à ceux qui sont toujours
empressés de dire : « C'est la faute à
République », comme les prédicateurs
de la Restauration disaient : « C'est la
faute à Voltaire ; c'est la faute à Rous-
seau », il est trop aisé de répondre que
la Manie des places est le titre d'un
vaudeville représenté au Théâtre de
Madame il y a bien près de trois quarts
4e siècle.
Ce qu'il faut reconnaître et savoir
dire, c'est que les prédications qui ten-
dent à faire comprendre les bienfaits
et la nécessité de l'instruction sont
souvent, au bout de peu de temps, dé-
tournées de leur véritable sens. Dites à
des agriculteurs, à de petits commer-
çants : « Vous vous êtes à peu près tirés
d'affaire sans instruction ou avec des
connaissances très élémentaires; mais
vous avez déjà éprouvé des difficultés,
et si vos enfants veulent continuer, il
faudra qu'ils en sachent davantage;
car la concurrence n'a plus de li-
mites que celles du globe. S'ils veu-
lent augmenter le rendement de leur
terre, savoir exactement le complé-
ment qu'elle réclame, ne pas être à
la merci des vendeurs d'engrais, il leur
faudra savoir de la chimie. S'ils veulent
faire du commerce, savoir où s'appro-
visionner à bon compte et chercher des
débouchés, il leur faudra avoir d'autres
notions de géographie que les noms des
sous-préfectures. » Tenez ce langage ou
faites valoir des considérations analo-
gues touchant les industries mécaniques
ou les arts industriels, et vous êtes à
peu près sûr d'être approuvé. Ils de-
viennent rares, les pères de famille qui
restent les tenants déclarés de la rou-
tine et qui ne reportent pas sur leurs en-
fants le besoin des connaissances dont
ils ont ressenti la privation.
Seulement, attendez quelques années,
et retrouvez votre auditeur. « Il va, le
petit, vous dira-t-il.. Il a son certificat
d'études. Il sait de la géographie et
même de la chimie. Ce ne peut pas être
pour rester un laboureur, un boutiquier
ou un artisan comme son père. Il a une
belle main ; il faudrait lui trouver un
petit emploi. »
Autrefois, dans nos campagnes,
quand un enfant apprenait quelque
chose après l'école primaire, comme
c'était généralement un peu de latin
puisé chez le curé ou au petit sémi-
naire, on disait avec admiration : « Il
étudie pour être prêtre ». Après quoi il
faisait toute autre chose.
Il n'y a pas longtemps encore,
quand, dans une petite ville, un garçon
copiait assez lestement un modèle de
Jullien, on croyait devoir à l'honneur
du pays de l'envoyer vivre de pain sec
dans l'atelier d'un peintre en renom,
sans se douter qu'une connaissance du
dessin insuffisante pour percer dans le
monde des arts peut être d'un grand se-
cours dans une industrie.
Il ne faut point médire de la sélec-
tion démocratique, ni railler la force
des vocations réelles; mais le danger
est de prendre pour des vocations ce
qui n'est que des vanités déraison-
nables. Il faut savoir que, non seule-
ment dans les administrations publi-
ques, mais dans toutes les carrières dites
libérales, pour un emploi à prendre il
y a cinquante aspirants et quelquefois
bien plus, qu'une porte qui semble
s'ouvrir grande se trouve brusquement
fermée sous la poussée d'une irruption
de candidats. Il faut se convaincre en-
fin que l'instruction est avantageuse à
tout le monde, même, sinon surtout, à
ceux qui ne songent point à se dé-
classer.
Gustave Isambert.
LES ŒUVRES DE M. MANUEL
INTERDITES EN ALSACE
-
(DE notregorruspondant particulier)
Strasbourg, 30 mars.
Un arrêté de M. de Kœller, secrétaire d'Etat,
directeur de l'intérieur au ministère d'Alsace-Lor-
raine, interdit la pénétration en Alsace-Lorraine
des œuvres poétiques de M. Manuel.
LA MEDAILLE COLONIALE
Prenez patience pendant un mois encore,
titulaires futurs de la médaille coloniale.
C'est à tort que l'on a annoncé que la frappe
de ce glorieux insigne commencerait lundi.
A la Monnaie on n'a pas encore reçu la
commande du gouvernement ni les coins
destinés à la frappe. Quand les deux seront
arrivés, la fabrication ne commencera guère
qu'une quinzaine de jours plus tard; on attend
toutefois des ordres pour la fin de la semaine
prochaine.
LES VINS FRANÇAIS EN AUTRICHE
On se souvient sans doute qu'il y a quelque
temps, à la Chambre, M. Turrel, député de
l'Aude, interpella le gouvernement sur la si-
tuation douanière faite aux vins d'origine
française à leur entrée en Autriche.
Dans la réponse qu'il fit à la tribune, le
président du conseil promit de négocier avec
le gouvernement autrichien pour faire abais-
ser les tarifs appliqués à nos produits.
On annonce aujourd'hui que l'Autriche va
réduire le droit qui est actuellement de 20 flo-
rins, à 12 florins.
C'est un maigre résultat, étant donné que
le droit appliqué aux vins italiens n'est que
de 3 florins 20.
TRAITÉ RUSSO-DANOIS
Berlin, 30 mars.
Le Bulletin commercial du syndicat de la
Bourse publié aujourd'hui annonce que le gou-
vernement russe et le gouvernement danois ont
entamé des négociations en vue de conclure un
traité de commerce sur la base du traitement
accordé à la nation la plus favorisée, pour rem-
placer le traité actuel dont les termes sont équi-
voques sur plusieurs points.
Le ministre des affaires étrangères de. Dane.
mark a déjà élaboré un projet qui sera examiné
par les représentants des deux pays. <'-
LES ORDRES DE M. CARNOT
QUINCAILLERIE PRÉSIDENTIELLE
Les croix et les plaques du président de
la République. — Petits cadeaux
d'empereurs. — Flots de rubans.
M. Carnot doit être d'autant plus flatté
d'avoir reçu de l'empereur d'Autriche les insi-
gnes de l'ordre de Saint-Etienne, qu'il ne pos-
sédait encore aucune décoration de ce pays.
Il est, avec le comte Duchâ tel, ancien ambas-
sadeur, le seul Français grand-croix de cet
ordre dont furent également titulaires le ma-
réchal de Mac-Mahon et M. Waddington.
Cette nouvelle « distinction » complète la
collection européenne du président de la Ré-
publique, dont le nom figure sur le livre d'or
de toutes les grandes chancelleries sérieuses,
hormis, bien entendu, les chancelleries alle-
mandes.
DÉCORATIONS EUROPÉENNES
M. Carnot est, en effet, grand-croix des or-
dres suivants :
Léopold. — Belgique.
Eléphant. — Danemark.
Sauveur. — Grèce.
Saints Maurice et Lazare. — Italie.
St-Charles.- Monaco.
Prince Daniel fer. — Monténégro.
Lion néerlandais. — Pays-Bas.
La Tour et l'Epée. — Portugal.
St-André. — Russie,
Se-Marin. — République de St-Marin.
Aigle blanc. — Serbie.
Le roi de Suède lui a conféré le grade de
chevalier des Séraphins, le seal de l'ordre.
LES INSIGNES
Certaines de ces distinctions comportent
des insignes curieux, souvent très riches, et
parfois un costume de cérémonie dont M.
Carnot a toujours redouté le pittoresque.
Ainsi, les insignes de l'Eléphant de Dane-
mark se composent d'un éléphant émaillé de
blanc, portant sur une housse bleue frangée
d'or et croisée de blanc une tour maçonnée.
Cette décoration se porte à un grand cordon
bleu passé en écharpe de droite à gauche. Les
jours de cérémonie, l'éléphant est suspendu
à un collier formé d'éléphants et de tours en
or.
Le grand costume comprend un justau-
cops avec culotte de satin bleu et un grand
manteau de velours cramoisi, doublé de satin
blanc, dont la queue traîne de deux mètres,
ayant un chaperon par derrière, attaché au
chapeau. Le chapeau est de velours et orné
de plumes.
Plus discrets sont les insignes de l'ordre des
Séraphins de Suède, fondé dans le but de
défendre la religion catholique et qui com-
prend vingt-trois chevaliers suédois et huit
étrangers:
La croix à quatre branches et huit rayons
pommetés d'or est émaillée de blanc et bor-
dée d'or; sur chaque branche se trouve une
croix de Jérusalem; dans les angles, des
têtes d'anges ailées. Elle se porte suspendue
à un large ruban bleu. Le médaillon du mi-
lieu porte sur un fond bleu le monogramme
I. H. S.
Les jours de cérémonie, les chevaliers des
Séraphins dinent à la table du roi en con-
servant leur chapeau sur la tête.
L'ordre du Sauveur de Grèce, @ fondé par
Orthon 1er, a été mis par lui sous l'invocation
de Jésus-Christ, en mémoire de la délivrance
de la Grèce du joug des Turcs.
La décoration consiste en un croix à huit
rayons émaillés de blanc, surmontée de la
couronne royale ; le médaillon du centre porte
l'inscription suivante, en grec : « Seigneur,
ta main droite a été glorifiée dans sa force. »
Le ruban qui supporte la croix est bleu de
ciel moiré, avec une raie blanche à chaque
bord.
La Tour et VEpée, de Portugal, date de
1459 ; il doit son nom aux ornements princi-
paux de la décoration, qui consiste en une
etoile à cinq rayons pommeté3 d'or ; dans un
médaillon du centre se trouve une épée en-
tourée d'une couronne de laurier ; dans le cer-
cle, en exergue : Valor, Lealdade e Merito
(valeur, loyauté, mérite). L'étoile est surmon-
tée d'une tour crénelée et attachée à un ruban
bleu foncé.
La décoration de Saint-Marin, une croix
grecque pommetée, anglée de quatre tours, a
un ruban rayé blanc et bleu.
HORS D'EUROPE
Si nous quittons l'Europe, nous voyons que
M. Carnot est grand'croix du Nicham-Ifti-
khar dont le cuisinier du bey de Tunis est
officier, et grand-croix du Dragon de VAnnam,
à l'instar de MM. Goblet, de Freycinet, Loc-
kroy, Baïhaut et plusieurs autres.
Bien entendu, le shah de Perse a conféré à
son grand cousin parisien l'ordre de 1re classe
du Lion et Soleil qui peut briller sur la poi-
trine présidentielle à côté de l'Etoile du Sud,
la plus appréciée des décorations brésiliennes,
de l'Eléphant blanc de Siam, et du Buste du
Libérateur du Vénézuéla.
Et nous en passons.
C'est déjà, comme on voit, une collection
raisonnable, et le jour où M. Carnot, rom-
pant avec sa modestie native, consentirait à
se parer de tous ces bijoux, il serait terrible-
ment beau.
Mauvaises nouvelles de Madagascar
Marseille, 30 mars.
On lit dans le journal le Madagascar arrivé
ce matin par le Polynésien, courrier d'Aus-
tralie et de la Nouvelle-Calédonie :
On écrit de Maj unga à la date du 8 fé-
vrier :
Les fahavalos ont osé s'avancer jusque
dans un village situé à 6 kilomètres de Ma-
rovoay. Ils ont enlevé plusieurs centaines de
boeufs. L'alarme a été donnée à Marovoay au
son des cloches et du tambour.
On a réuni des soldats qui sont partis sous
lecommandement du gouverneur Rainivoanj a.
Une rencontre a eu lieu. Les Hovas y ont,
assure-t-on, perdu 7 hommes.
Comme on ne doit pas revenir d'une expé-
dition sans otages ni trophées, Rainivoanja,
faute d'avoir fait des prisonniers ou reconquis
des bœufs du côté des fahavalos, a pris sa
revanche sur un village parfaitement pacifi-
que de loyaux Sakalaves.
Il a fait garrotter quelques-uns de ces
malheureux et a opéré une razzia de soixante
bœufs pour se payer do ses peines et de ses
soins.
A Besakoa, dans le nord de Majunga, les
fahavalos ont enlevé douze cents bœufs. Un
juge sakalave a cherché à se défendre avec
un mauvais fusil Snider, mais les cartouches
humides et gonflées ne pouvaient être intro-
duites dans le canon rouillé.
L'infortuné juge a été tué par les bandits
qui lui ont coupé la tête.
Le Madagascar donne les détails suivants
sur le terrible accidont de chemin de fer de
l'ile Maurice ;
L'express de Mahebourg, arrivé ce soir
au pont des Pailles, a été soulevé par une
rafale violente et jeté dans la rivière Saint-
Louis, dont le volume d'eau était considé-
rable.
La locomotive de devant et les deux pre-
mières voitures ayant dépassé le pont restè-
rent sur la voie, les deux wagons étant ren-
versés et la locomotive restant debout.
Les chaînes qui retenaient le reste du train
à la seconde voiture se sont rompues et les
wagons ont été précipités dans la rivière
d'une hauteur de 150 pieds.
La locomotive de derrière, qui n'était pas
attachée au train, a continué sa marche et
est allée frapper contre celle de devant qui
était arrêtée par le choc.
On évalue à 50 à 60 le nombre des voya-
geurs tués ou bléssés.
LES FUNÉRAILLES DE KOSSUTH
Budapest, 30 mars.
La capitale de la Hongrie a manifesté d'une
façon imposante le deuil causé par la mort
de Kossuth.
- Toutes les rues sont garnies de drapeaux
avec crêpes. Les maisons, les fenêtres, les
balcons sont couverts de draperies noires.
D'immenses oriflammes garnies de crêpes
sont suspendues au-desssus des rues les plus
larges.
La gare du chemin de fer de l'Ouest est dé-
corée d'une manière exceptionnelle. La vaste
édifice est, à l'intérieur et à l'extérieur, recou-
vert jusqu'au faite de draperies noires.
Une foule immense, vêtue de noir, remplit
les rues. Les hommes ont des crêpes au bras,
les dames portent des voiles noirs.
Les trains amènent continuellement des
milliers de personnes de toutes les provinces.
Il arrive un grand nombre de députations
des différentes villes.
A une heure, la Bourse et tous les établis-
sements commerciaux ont été fermés sans
que l'ordre en ait été donné par les autorités.
Les candélabres à gaz ont été allumés et re-
couverts de crêpes.
Le premier train contenant les délégations
n'est arrivé qu'un peu avant trois heures.
Quelques instants après on aperçoit la loco-
motive ornée de drapeaux de deuil qui remor-
que le train portant le corps de Kossuth ;
tout le monde se découvre aussitôt. Le
bourgmestre Markus quitte le train et se
rend, accompagné des conseillers municipaux,
au wagon qui contient les dépouilles. Des
conseillers municipaux soulèvent le cercueil
en noyer, très simple, orné d'une croix noire,
et le placent sur une estrade. Ils sont aidés
dans ce travail par un certain nombre de dé-
putés.
Le bourgmestre Markus prononce alors
quelques paroles par lesquelles il déclare con-
fier le cercueil à la ville de Pest. Le vice-
bourgmestre Gerloczy répond d'une voix
émue :
« La capitale veillera sur ce cercueil comme
sur une relique. »
Puis le cercueil est porté sur le char funé-
raire et le cortège se met en marche au mi-
lieu d'un profond recueillement. Les prési-
dents des partis politiques tiennent les cor-
dons du poêle ; en tête marchent trois pas-
teurs évangéliques, puis des vétérans de
1848. Sur tout le chemin, la multitude, tête
nue, attend dans le plus grand silence le pas-
sage du cortège.
Le cortège arrive à quatre heures et demie
au Muséum, sur les marches duquel des cen-
taines de couronnes sont déposées.
Toute la distance qui sépare la gare du lieu
d'arrivée a été faite à pied par les deux fils
de Kossuth, derrière suivaient en voiture Mme
Rutkay avec Mme Helfy.
Le cercueil est enlevé du char devant le
Muséum; il est porté dans la salle, à travers
une haie d'étudiants de l'Université, vêtus
de deuil et tenant le sabre au clair ; là, il est
élevé sur un catafalque ; une foule énorme
entoure le Muséum, demandant avec insis-
tance à y entrer
Les dépouilles mortelles de la femme et de
la fille de Kossuth sont restées à la gare, elles
seront conduites le soir à l'église de There-
sienstadt où elles resteront exposées.
Pendant que le cortège traversait la ville,
les cloches ont sonné à toute volée ; sur
quelques points du parcours, de petits désor-
dres se sont produits, mais en général la cé-
rémonie funèbre a été des plus dignes. rie jfuosr--
A partir des frontières de la Hongrie jus-
qu'à Pest, les habitants des campagnes for-
maient, pour ainsi dire, une baie continue à
à travers la puszta et les champs.
LA SANTÉ DE M. DRESCH
M. Dresch, commissaire de police du quartier
Saint-Martin, qui arrêta Ravachol, était souffrant
depuis quelques jours ; ayant voulu sortir, il a
éprouvé une rechute qui met sa vie en danger.
POUR BENEFICIER D'UNE ASSURANCE
Clermont-Ferrand, 30 mars.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, un terri-
ble incendie a éclaté à Ourceyre, hameau du
canton de Rochefort-la-Montagne.
Il était deux heures du matin et la famille
Verdier, composée de six personnes, surprise
par l'incendie, n'a pu quitter son immeuble
couvert de chaume. Tous ont été atrocement
brûlés.
Actuellement on compte trois morts : Jo-
seph, âgé de neuf ans, Jean, âgé de quatre
ans, et Angèle, âgée de huit mois. Verdier et
sa femme sont considérés comme perdus.
La gendarmerie a arrêté les époux Rouelle,
âgés de 72 et 66 ans, comme auteurs présu-
més du sinistre. Le couple a mis le feu chez
lui pour bénéficier d'une police d'assurance
très fortement majorée.
L'émotion est considérable danè le pays.
Trois bâtiments ont été détruits. Verdier père
aurait pu, peut-être, sauver sa famille, mais
il a d'abord cherché à faire fuir son bétail.
Quand celui-ci a été sauvé, il est alors ren-
tré dans la maison. Le toit s'est effondré et la
famille a été prise dans la fournaise.
L'ANGLETERRE ET LE DESARMEMENT
Londres, 30 mars.
Sir Whitehad a posé aujourd'hui une ques-
tion au gouvernement, à la Chambre des
communes, au sujet du désarmement.
Rappelant les propos prêtés au roi de Da-
nemark d'après lesquels ce souverain aurait
affirmé que la Russie, l'Autriche et proba-
blement l'Italie sont prêtes à entrer en né-
gociations pour réduire les armements, sir
Whitehad a demandé si le gouvernement an-
glais ne voudrait pas provoquer une confé-
rence à ce sujet.
Sir William Harcourt a déclaré qu'il lui
était impossible de rien dire au sujet des pa-
roles prêtées au roi de Danemark et qu'il ne
pouvait affirmer qu'une chose, citait que le
gouvernement anglais était disposé à saisir la
première occasion qui lui paraîtrait favorable
pour réunir cette conférence ;-:.-
CHRONIQUE
LES ODEURS DU NATURALISME
Parmi les critiques qui excellent à érein-
ter leurs contemporains, Max Nordau a
bien vite conquis la première place. Après
avoir fort malmené Renan l'autre jour, il
« empoigne » aujourd'hui le naturalisme
dans la personne de son chef. Il est pour
la nouvelle écoule, avec une malveillance
égale et une brutalité plus grande, ce que
Planche et Nisard furent jadis pour le ro-
mantisme.
Dans son acharnement contre Zola, on
sent la joie féroce du policier qui mène au
poste un anarchiste. Ce n'est plus de la
critique, c'est du « passage à tabac ».
L'auteur des « Rougon-Maquart » est à
ses yeux «un fou », un « dégénéré », un en-
nemi de la société, et « un ennemi de la
pire espèce contre laquelle la société doit
se défendre ». C'est tout juste s'il ne va
pas jusqu'à requérir pour lui la prison ou
l'asile d'aliénés.
Du reste, comme le romancier natura-
liste qu'il attaque avec une grosse verve
germanique, Nordau a des prétentions
scientifiques. Il cherche avec le secours
des médecins à établir que la perversion
de l'odorat est, chez Zola, un des signes
caractéristiques de son déséquilibre men-
tal. « Zola, nous dit-il, montre à la fois
une prédominance maladive des sensa-
tions de l'odorat dans sa conscience et
une perversion du sens olfactif qui lui
font paraître particulièrement agréables
et sensuellement excitantes les plus mau-
vaises odeurs, notamment celles des ex-
crétions humaines. »
Il est bien vrai que les odeurs, bonnes
ou mauvaises, tiennent une place considé-
rable dans le roman naturaliste. Il y a
dans la Terre un personnage atteint d'une
infirmité déplorable pour les narines dé-
licates. Un patient critique, M. Léopold
Bernard, a pris soin de relever tous les
passages des romans de Zola où le sens
de l'odorat se trouve particulièrement mis
à l'épreuve. Il a noté la concupiscence des
relents qui s'échappent du linge sale dans
l'Assommoir et la fameuse symphonie
des fromages dans le Ventre de Paris.
Pour les femmes, au lieu de s'attarder,
comme les romantiques, à décrire en vingt
pages l'éclat de leurs yeux et la délicatesse
de leurs traits, Zola explore volontiers les
dessous. Il nous dit de préférence non ce
qu'on ressent mais ce qu'on sent auprès
d'elles. Nana « dégage une odeur de vie,
une toute-puissance de femme ». Albine,
dans la Faute de l'abbé Mouret, est « un
grand bouquet d'une odeur forte ». Dési-
rée « sent la santé ». Mme Campardon
exhale « une bonne odeur fraîche de fruit
d'automne », tandis que l'oncle Bachelard
a « une odeur de débauche canaille » et
que Françoise, dans le Ventre de Paris,
sent « la terre, le foin, le grand air, le
grand ciel ».
Mais conclure de ce rôle prépondérant
des odeurs à la dégénérescence, à la folie
de Zola, c'est dépasser un peu les bornes
de la fantaisie et chercher bien loin ce
que peut expliquer très simplement la
« poétique » même du roman naturaliste.
Par réaction contre la psychologie à ou-
trance et le spiritualisme des classiques,
contre les sentiments héroïques et les pas-
sions à panache du romantisme, Zola et
ses disciples se sont évertués à décrire sur-
tout les vulgarités de la vie dans ce qu'elle
a de plat, de monotone et, au besoin, de
« nauséeux ». Leurs personnages sont les
produits du milieu. Ils ne s'appartiennent
pas; ils ne sont pas maitres de leurs des-
tinées ni de leurs actes; ils sont les escla-
ves des impressions du dehors. Au lieu
d'agir, ils sont agis, selon l'énergique ex-
pression de Brunetière.
- Dans ces conditions, le rôles des sens
prend une importance exceptionnelle et
les actes des personnages varient au gré
des impulsions qu'ils reçoivent du monde
extérieur. Si les sensations avaient be-
soin d'être rehabilitées, elles l'auraient
été par les naturalistes, et il est à remar-
quer que parmi les sens ils ont relevé de
préférence ceux qui étaient au dernier
échelon de la hiérarchie, comme l'odorat,
le toucher, le goût, leur donnant très vo-
lontiers le pas sur la vue, sur l'ouïe qui
sont, par nature, plus délicats, plus artis-
tiques, partant plus voisins de l'idéal.
Au surplus, pour inférieures que soient
les sensations de l'odorat, elles n'en ont
pas moins une action retlexe et puissante
sur le cours des idées, des souvenirs et
sur bon nombre de prédispositions du
« moi ». Les odeurs de l'encens et des
fleurs dans les églises, par exemple, ne
contribuent pas seulement à la pompe
extérieure des solennités, elles préparent
au recueillement, à la prière. Le mysti-
cisme est fait aux trois quarts de leurs
parfums subtils. « Je ne puis, me disait
l'autre jour un mécréant, passer auprès
d'un marchand de pastilles du sérail sans
entendre les pieux cantiques de ma pre-
mière communion, sans revoir, au milieu
des lumières, devant l'autel éblouissant,
les chapes dorées des prêtres et la longue
théorie des jeunes filles voilées de blanc. »
D'autres, à la seule odeur du foin coupé,
voient repasser dans le lointain leurs es-
capades d'écolier en vacances et le pre-
mier flirt avec l'inévitable cousine.
Et ces impressions de l'odorat n'éveil-
lent pas seulement des souvenirs et des
idées: elles ont une force impulsive qui
s'étend jusqu'aux actes. Un médecin para-
doxal qui avait des théories abracadabran-
tes sur « la mécanique des odeurs », me
soutenait un jour qu'il fallait chercher là
la vraie source de l'amour. Il avait rai-
son. pour les chiens et aussi pour tous
ceux qui, confondant l'amour avec l'ap-
pétit du sexe, ne voient en lui qu'une des
fonctions de l'être physique comme le
manger et le boire. A ce point de vue ma-
tériel et grossier, l'odorat est peut-être,
avec le toucher, le sens qui concourt le
plus à faire naltre l'aiguillon des désirs
charnels.
Ellesle savent bien les belles tendresses,
qui se livrent en toute saison à la chasse
v l'homme sur lea boulevards. Le choix
d'un parfum à la fois discret et tenace est
pour elles une affaire d'état. Ce serait
leur faire injure que de supposer un ins-
tant qu'elles ont recours à ces précaution.
pour combattre des émanations moins
agréables. Elles n'y voient qu'un appât de
plus et une sorte d'excitant qui agit sur
les nerfs comme certains apéritifs agis-
sent sur l'estomac. Et, sans négliger les
autres moyens de séduction, elles comp-
tent sur cette griserie capiteuse des par-
fums pour faciliter l'exercice de leur pro-
fession, attirer et retenir la clientèle. Il y
a tant d'hommes qui ne demandent qu'à
se laisser mener par le nez !
Quoi que pensent nos arrière-neveux
des naturalistes qui arrivent déjà au bout
de leur rouleau et entrent à ej leur tour
dans l'histoire, ils ne leur refuseront pas
sans doute la gloire, si gloire il y a, d'avoir
été les plus grands peintres de la bête hu-
maine, et on ne saurait en conscience leur.
reprocher bien sévèrement d'avoir tant
insisté sur un des attributs les plus pré-
cieux de l'animalité.
André Balz.
EST-CE UNE BOMBE ?
Des gardiens de la paix de service aperce-
vaient hier soir à cinq heures un objet qui
leur parut être. un engin explosible, posé sur
le rebord d'une fenêtre du rez-de-chaussée de
l'hôtel situé au numéro 7 de la rue de Belloy,
près de l'avenue Kléber.
Ils prévinrent aussitôt l'officier de paix de
l'arrondissement, qui établit un service d'or-
dre, interdit la circulation et prévint le pro-
priétaire de l'hôtel, M. Chardonnet, en lui
demandant de faire évacuer la salle du ren»
de-chaussée.
Puis l'officier de paix téléphona au labora-
toire municipal qui envoya la voiture spécia-
lement affectée au transport des engins.
L'objet est une boîte en fer-blanc dont le.
couvercle est percé d'un orifice et muni d'une
mèche.. n
C'est à huit heures du soir que l'engin a
été transporté au laboratoire, où il sera exa-
miné.
LA REVANCHE DE LA BELLE-MÈRE
Hier on retirait de la Seine, à Alforville
près de la route.de IAbreuvoir, le corps d'un
homme âgé d'environ trente ans, vêtu.d'un
pantalon noir et d'une blouse bleue à collet
rouge portant l'inscription : Gaz-11.
L'identité du défunt n'ayant pu être établie
le corps avait été transportés à la Morgue
par les soins de M. Danj ou, commissaire de
police de Charenton.
Dans M journée, une femme jeune encore se
présentait au commissariat et y faisait la dé-
claration de disparition de son gendre, lequel
n'avait pas paru au domicile conjugal depuis
plusieurs jours.
Un inspecteur lui donnant le signalement
du corps trouvé à Alfortville, la bravo fem-
me, qui buvait les pa-roles de l'agent et dont
le visage s'épanouissait à chaque indice nou-
veau, s'écria :
— Quelle chance 1 quelle chance ! Je crois
que c'est lui.
Comme l'inspecteur restait interloqué de
cette manifestation de joie délirante, elle se
leva et, tout en le remerciant, lui dit :
— Je cours à la Morgue ! Que Dieu veuille
que ce soit bien lui ! Quel bon débarras pour
nous; il était joueur, ivrogne, fainéant et,
horreur 1 Il battait sa femme, ma pauvre
fille 1 Avec quel bonheur la charmante enfant
va apprendre cette heureuse nouvelle 1
Pui3 elle se retira et courut prendre le ba-
teau pour aller s'assurer de la présence sur
les dalles de la Morgue de celui qui fut son
gendre.
FRANÇOIS-JOSEPH ET M. CARNOT
Vienne, 30 mars.
L'ambassadeur de France, M. Lozé, a reçu de
Paris une dépêche le chargeant d'exprimer au
comte Kalnoky la haute satisfaction qu'a causée au
gouvernement français la remise de la grand'-
croix de l'ordre de Saint-Etienne au président Car-
not.
LES CONSEILS GÉNÉRAUX
La session de printemps des conseils géné
raux s'ouvrira dans toute la France lundi
prochain. ,
Cinq ministres actuels font partie de ces as-
semblées ce sont : MM. Casimir-Perier, Anto-
nin Dubost, Jonnart, Marty et Viger.
M. Burdeau étant encore absent pour une
quinzaine de jours, la semaine prochaine la
plupart des membes du gouvernement ne se-
ront pas à leur poste. Il s'ensuivra que le
gouvernement ne tiendra qu'un conseii des
ministres au lieu de trois.
M. Casimir-Perier, qui est président du con-
seil général de l'Aube, présidera cette assem-
blée mercredi et jeudi prochains.
La Compagnie Tramilaiitipe
ET LA COMPAGNIE CUNARD
XXII
Comme nous l'avons dit, nors voulons éta-
blir sans aucune réfutation possible que la
Compagnie transatlantique est, dans le monde
entier, la seule entreprise maritime qui ose
prétendre avoir payé la construction doses
paquebots 981 francs par tonneau, et la seule
également qui fasse assez peu de cas du bon
sens public pour attribuer à une flotte âgée
de 14 ans en moyenne une valeur actuelle de
704 francs par tonneau.
Nous avons commencé cette double démons-
tration en rapprochant successivement les
comptes de M. Pereire de ceux des Message-
ries maritimes, du Lloyd de l'Allemagne du
Nord et de la Compagnie péninsulaire et
orientale, et nous avons abouti dans ces trois
premières comparaisons à des conclusions
également écrasantes pour la Compagnie
transatlantique. Nous continuons aujourd'hui,
avec la CompagnieCunard de Liverpool, cette
série instructive de rapprochements.
Ces constatations sans doute sont fatigantes
par leur monotonie, mais elles sont tellement
décisives qu'il faut avoir le courage de les
achever. Nous demandons pour cela un peu
de patience à nos lecteurs. La pratique des
comptes — comme celle de la vertu — est
aride; mais n'oublions pas que les moralistes
affirment, quant à la vertu, qu'on est bien
récompensé lorsqu'on persévère. Nous espé-
rons — sans être aussi affirmatifs — que nos
lecteurs tireront les mêmes jouissances Ana.-
les de leur constance en comptabilité.
La Compagnie Canard existe depais cin.
guante-quatre ans. Elle a constamment dâpt
LE XIX1 SIECLE
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tons les Bureaux de Poste.
LuTJlSriDX IS/LJ^TXlSr
nous commencerons la publication d'un
nouveau grand feuilleton dû à la plume
d'un des maîtres du roman contempo-
rain :
LA
FILLE D'UN USURIER
PAR
ODYSSE BAROT
Nous n'avons pas à faire ici l'éloge
de l'auteur. Les lecteurs du XIXe Siècle
n'ont pas oublié LE GOUFFRE qui,
l'année dernière, a eu dans nos colonnes
un si vif succès.
Dans cette œuvre nouvelle, Odysse
Barot, dans le cadre d'une action tou-
chante et dramatique, fait défiler devant
le lecteur des caractères pris sur le vif,
des types curieux, sympathiques ou gro-
tesques de la vie parisienne, pour ar-
river au plus émouvant, au plus inat-
tendu des dénouements.
LA
FILLE D'UN USURIER
à la fois roman de mœurs et roman
d'amour, n'aura pas moins de retentis-
sement que les nombreux ouvrages qui
ont depuis longtemps établi solidement
la réputation d'ODYSSE BAROT.
PRIME EXCEPTIONNELLE
Bicyclette XIXe SIÈCLE
DERNIER MODÈLE
Voir à la troisième page
DECLASSEIIENT
Que la conversation s'établisse entre
citoyens quelconques sur leur feuille
de contributions, sur la difficulté de
modérer les impôts ou même d'en amé-
liorer la répartition en face de l'énor-
mité des engagements du Trésor —
rentes et pensions — et des exigences
ruineuses de la sécurité nationale, l'ac-
cord ne sera pas long à se faire pour
souhaiter des économies et par suite
pour pester contre la multiplicité des
fonctionnaires. Il y a émulation alors
pour dauber sur la bureaucratie, sur les
ronds-de-cuir. On parle bien aussi par-
fois, un peu de confiance ou par tradi-
tion, des gros traitements. Il n'en existe
plus guère, de traitements assez gros
pour faire scandale, à moins que le mé
rite personnel du fonctionnaire ne soit
par trop au-dessous de ce que suppose
sa situation.
Le défaut de lEtat, au prix où est la
vie, n'est pas en général de faire à ses
agents des existences de nababs. La
vérité est que, dans beaucoup d'admi-
nistrations, tout en payant chichement,
il n'en a pas pour son argent. Il est,
dans ces cas-là, servi comme ne sup-
porterait de l'être ni un particulier ni
le directeur intéressé d'une adminis-
tration privée qui, pour une besogne
réclamant trois employés, n'en pren-
drait pas dix, mais trois, en les rému-
nérant de façon à garder le droit de
demander tout leur temps et tout leur
zèle.
Voilà un thème sur lequel il ne se
rencontrera guère de dissentiments. Sup-
posez maintenant que, dans le même
groupe, on change de propos et que l'on
se mette à échanger ses vues d'avenir
personnelles, ce sera un grand hasard
si ceux qui ne sollicitent pas une place
pour eux-mêmes n'en visent pas une
pour leur fils ou pour le mari qu'ils
destinent à leur fille. C'est très couru.
L'avancement est lent, même incertain;
à moins de chances sur lesquelles il se-
rait fou de tabler, ce sera la grande
gêne pour longtemps, mais au moins
une gêne « sûre », avec la perspective
d'une retraite au bout. On s'est dé-
brouillé dans la vie, soit ; mais on a
couru des risques, on a eu des passes
difficiles, des coups de collier à donner.
Il faut épargner tout risque aux enfants;
on aura fait acte de soUicitude en leur
préparant une médiocrité bien unie. Et
puis, sans cela, est-ce que ce serait la
peine de leur avoir fait donner de
l' « éducation » ?
Ce n'est pas là, sans doute, un travers
nouveau et, à ceux qui sont toujours
empressés de dire : « C'est la faute à
République », comme les prédicateurs
de la Restauration disaient : « C'est la
faute à Voltaire ; c'est la faute à Rous-
seau », il est trop aisé de répondre que
la Manie des places est le titre d'un
vaudeville représenté au Théâtre de
Madame il y a bien près de trois quarts
4e siècle.
Ce qu'il faut reconnaître et savoir
dire, c'est que les prédications qui ten-
dent à faire comprendre les bienfaits
et la nécessité de l'instruction sont
souvent, au bout de peu de temps, dé-
tournées de leur véritable sens. Dites à
des agriculteurs, à de petits commer-
çants : « Vous vous êtes à peu près tirés
d'affaire sans instruction ou avec des
connaissances très élémentaires; mais
vous avez déjà éprouvé des difficultés,
et si vos enfants veulent continuer, il
faudra qu'ils en sachent davantage;
car la concurrence n'a plus de li-
mites que celles du globe. S'ils veu-
lent augmenter le rendement de leur
terre, savoir exactement le complé-
ment qu'elle réclame, ne pas être à
la merci des vendeurs d'engrais, il leur
faudra savoir de la chimie. S'ils veulent
faire du commerce, savoir où s'appro-
visionner à bon compte et chercher des
débouchés, il leur faudra avoir d'autres
notions de géographie que les noms des
sous-préfectures. » Tenez ce langage ou
faites valoir des considérations analo-
gues touchant les industries mécaniques
ou les arts industriels, et vous êtes à
peu près sûr d'être approuvé. Ils de-
viennent rares, les pères de famille qui
restent les tenants déclarés de la rou-
tine et qui ne reportent pas sur leurs en-
fants le besoin des connaissances dont
ils ont ressenti la privation.
Seulement, attendez quelques années,
et retrouvez votre auditeur. « Il va, le
petit, vous dira-t-il.. Il a son certificat
d'études. Il sait de la géographie et
même de la chimie. Ce ne peut pas être
pour rester un laboureur, un boutiquier
ou un artisan comme son père. Il a une
belle main ; il faudrait lui trouver un
petit emploi. »
Autrefois, dans nos campagnes,
quand un enfant apprenait quelque
chose après l'école primaire, comme
c'était généralement un peu de latin
puisé chez le curé ou au petit sémi-
naire, on disait avec admiration : « Il
étudie pour être prêtre ». Après quoi il
faisait toute autre chose.
Il n'y a pas longtemps encore,
quand, dans une petite ville, un garçon
copiait assez lestement un modèle de
Jullien, on croyait devoir à l'honneur
du pays de l'envoyer vivre de pain sec
dans l'atelier d'un peintre en renom,
sans se douter qu'une connaissance du
dessin insuffisante pour percer dans le
monde des arts peut être d'un grand se-
cours dans une industrie.
Il ne faut point médire de la sélec-
tion démocratique, ni railler la force
des vocations réelles; mais le danger
est de prendre pour des vocations ce
qui n'est que des vanités déraison-
nables. Il faut savoir que, non seule-
ment dans les administrations publi-
ques, mais dans toutes les carrières dites
libérales, pour un emploi à prendre il
y a cinquante aspirants et quelquefois
bien plus, qu'une porte qui semble
s'ouvrir grande se trouve brusquement
fermée sous la poussée d'une irruption
de candidats. Il faut se convaincre en-
fin que l'instruction est avantageuse à
tout le monde, même, sinon surtout, à
ceux qui ne songent point à se dé-
classer.
Gustave Isambert.
LES ŒUVRES DE M. MANUEL
INTERDITES EN ALSACE
-
(DE notregorruspondant particulier)
Strasbourg, 30 mars.
Un arrêté de M. de Kœller, secrétaire d'Etat,
directeur de l'intérieur au ministère d'Alsace-Lor-
raine, interdit la pénétration en Alsace-Lorraine
des œuvres poétiques de M. Manuel.
LA MEDAILLE COLONIALE
Prenez patience pendant un mois encore,
titulaires futurs de la médaille coloniale.
C'est à tort que l'on a annoncé que la frappe
de ce glorieux insigne commencerait lundi.
A la Monnaie on n'a pas encore reçu la
commande du gouvernement ni les coins
destinés à la frappe. Quand les deux seront
arrivés, la fabrication ne commencera guère
qu'une quinzaine de jours plus tard; on attend
toutefois des ordres pour la fin de la semaine
prochaine.
LES VINS FRANÇAIS EN AUTRICHE
On se souvient sans doute qu'il y a quelque
temps, à la Chambre, M. Turrel, député de
l'Aude, interpella le gouvernement sur la si-
tuation douanière faite aux vins d'origine
française à leur entrée en Autriche.
Dans la réponse qu'il fit à la tribune, le
président du conseil promit de négocier avec
le gouvernement autrichien pour faire abais-
ser les tarifs appliqués à nos produits.
On annonce aujourd'hui que l'Autriche va
réduire le droit qui est actuellement de 20 flo-
rins, à 12 florins.
C'est un maigre résultat, étant donné que
le droit appliqué aux vins italiens n'est que
de 3 florins 20.
TRAITÉ RUSSO-DANOIS
Berlin, 30 mars.
Le Bulletin commercial du syndicat de la
Bourse publié aujourd'hui annonce que le gou-
vernement russe et le gouvernement danois ont
entamé des négociations en vue de conclure un
traité de commerce sur la base du traitement
accordé à la nation la plus favorisée, pour rem-
placer le traité actuel dont les termes sont équi-
voques sur plusieurs points.
Le ministre des affaires étrangères de. Dane.
mark a déjà élaboré un projet qui sera examiné
par les représentants des deux pays. <'-
LES ORDRES DE M. CARNOT
QUINCAILLERIE PRÉSIDENTIELLE
Les croix et les plaques du président de
la République. — Petits cadeaux
d'empereurs. — Flots de rubans.
M. Carnot doit être d'autant plus flatté
d'avoir reçu de l'empereur d'Autriche les insi-
gnes de l'ordre de Saint-Etienne, qu'il ne pos-
sédait encore aucune décoration de ce pays.
Il est, avec le comte Duchâ tel, ancien ambas-
sadeur, le seul Français grand-croix de cet
ordre dont furent également titulaires le ma-
réchal de Mac-Mahon et M. Waddington.
Cette nouvelle « distinction » complète la
collection européenne du président de la Ré-
publique, dont le nom figure sur le livre d'or
de toutes les grandes chancelleries sérieuses,
hormis, bien entendu, les chancelleries alle-
mandes.
DÉCORATIONS EUROPÉENNES
M. Carnot est, en effet, grand-croix des or-
dres suivants :
Léopold. — Belgique.
Eléphant. — Danemark.
Sauveur. — Grèce.
Saints Maurice et Lazare. — Italie.
St-Charles.- Monaco.
Prince Daniel fer. — Monténégro.
Lion néerlandais. — Pays-Bas.
La Tour et l'Epée. — Portugal.
St-André. — Russie,
Se-Marin. — République de St-Marin.
Aigle blanc. — Serbie.
Le roi de Suède lui a conféré le grade de
chevalier des Séraphins, le seal de l'ordre.
LES INSIGNES
Certaines de ces distinctions comportent
des insignes curieux, souvent très riches, et
parfois un costume de cérémonie dont M.
Carnot a toujours redouté le pittoresque.
Ainsi, les insignes de l'Eléphant de Dane-
mark se composent d'un éléphant émaillé de
blanc, portant sur une housse bleue frangée
d'or et croisée de blanc une tour maçonnée.
Cette décoration se porte à un grand cordon
bleu passé en écharpe de droite à gauche. Les
jours de cérémonie, l'éléphant est suspendu
à un collier formé d'éléphants et de tours en
or.
Le grand costume comprend un justau-
cops avec culotte de satin bleu et un grand
manteau de velours cramoisi, doublé de satin
blanc, dont la queue traîne de deux mètres,
ayant un chaperon par derrière, attaché au
chapeau. Le chapeau est de velours et orné
de plumes.
Plus discrets sont les insignes de l'ordre des
Séraphins de Suède, fondé dans le but de
défendre la religion catholique et qui com-
prend vingt-trois chevaliers suédois et huit
étrangers:
La croix à quatre branches et huit rayons
pommetés d'or est émaillée de blanc et bor-
dée d'or; sur chaque branche se trouve une
croix de Jérusalem; dans les angles, des
têtes d'anges ailées. Elle se porte suspendue
à un large ruban bleu. Le médaillon du mi-
lieu porte sur un fond bleu le monogramme
I. H. S.
Les jours de cérémonie, les chevaliers des
Séraphins dinent à la table du roi en con-
servant leur chapeau sur la tête.
L'ordre du Sauveur de Grèce, @ fondé par
Orthon 1er, a été mis par lui sous l'invocation
de Jésus-Christ, en mémoire de la délivrance
de la Grèce du joug des Turcs.
La décoration consiste en un croix à huit
rayons émaillés de blanc, surmontée de la
couronne royale ; le médaillon du centre porte
l'inscription suivante, en grec : « Seigneur,
ta main droite a été glorifiée dans sa force. »
Le ruban qui supporte la croix est bleu de
ciel moiré, avec une raie blanche à chaque
bord.
La Tour et VEpée, de Portugal, date de
1459 ; il doit son nom aux ornements princi-
paux de la décoration, qui consiste en une
etoile à cinq rayons pommeté3 d'or ; dans un
médaillon du centre se trouve une épée en-
tourée d'une couronne de laurier ; dans le cer-
cle, en exergue : Valor, Lealdade e Merito
(valeur, loyauté, mérite). L'étoile est surmon-
tée d'une tour crénelée et attachée à un ruban
bleu foncé.
La décoration de Saint-Marin, une croix
grecque pommetée, anglée de quatre tours, a
un ruban rayé blanc et bleu.
HORS D'EUROPE
Si nous quittons l'Europe, nous voyons que
M. Carnot est grand'croix du Nicham-Ifti-
khar dont le cuisinier du bey de Tunis est
officier, et grand-croix du Dragon de VAnnam,
à l'instar de MM. Goblet, de Freycinet, Loc-
kroy, Baïhaut et plusieurs autres.
Bien entendu, le shah de Perse a conféré à
son grand cousin parisien l'ordre de 1re classe
du Lion et Soleil qui peut briller sur la poi-
trine présidentielle à côté de l'Etoile du Sud,
la plus appréciée des décorations brésiliennes,
de l'Eléphant blanc de Siam, et du Buste du
Libérateur du Vénézuéla.
Et nous en passons.
C'est déjà, comme on voit, une collection
raisonnable, et le jour où M. Carnot, rom-
pant avec sa modestie native, consentirait à
se parer de tous ces bijoux, il serait terrible-
ment beau.
Mauvaises nouvelles de Madagascar
Marseille, 30 mars.
On lit dans le journal le Madagascar arrivé
ce matin par le Polynésien, courrier d'Aus-
tralie et de la Nouvelle-Calédonie :
On écrit de Maj unga à la date du 8 fé-
vrier :
Les fahavalos ont osé s'avancer jusque
dans un village situé à 6 kilomètres de Ma-
rovoay. Ils ont enlevé plusieurs centaines de
boeufs. L'alarme a été donnée à Marovoay au
son des cloches et du tambour.
On a réuni des soldats qui sont partis sous
lecommandement du gouverneur Rainivoanj a.
Une rencontre a eu lieu. Les Hovas y ont,
assure-t-on, perdu 7 hommes.
Comme on ne doit pas revenir d'une expé-
dition sans otages ni trophées, Rainivoanja,
faute d'avoir fait des prisonniers ou reconquis
des bœufs du côté des fahavalos, a pris sa
revanche sur un village parfaitement pacifi-
que de loyaux Sakalaves.
Il a fait garrotter quelques-uns de ces
malheureux et a opéré une razzia de soixante
bœufs pour se payer do ses peines et de ses
soins.
A Besakoa, dans le nord de Majunga, les
fahavalos ont enlevé douze cents bœufs. Un
juge sakalave a cherché à se défendre avec
un mauvais fusil Snider, mais les cartouches
humides et gonflées ne pouvaient être intro-
duites dans le canon rouillé.
L'infortuné juge a été tué par les bandits
qui lui ont coupé la tête.
Le Madagascar donne les détails suivants
sur le terrible accidont de chemin de fer de
l'ile Maurice ;
L'express de Mahebourg, arrivé ce soir
au pont des Pailles, a été soulevé par une
rafale violente et jeté dans la rivière Saint-
Louis, dont le volume d'eau était considé-
rable.
La locomotive de devant et les deux pre-
mières voitures ayant dépassé le pont restè-
rent sur la voie, les deux wagons étant ren-
versés et la locomotive restant debout.
Les chaînes qui retenaient le reste du train
à la seconde voiture se sont rompues et les
wagons ont été précipités dans la rivière
d'une hauteur de 150 pieds.
La locomotive de derrière, qui n'était pas
attachée au train, a continué sa marche et
est allée frapper contre celle de devant qui
était arrêtée par le choc.
On évalue à 50 à 60 le nombre des voya-
geurs tués ou bléssés.
LES FUNÉRAILLES DE KOSSUTH
Budapest, 30 mars.
La capitale de la Hongrie a manifesté d'une
façon imposante le deuil causé par la mort
de Kossuth.
- Toutes les rues sont garnies de drapeaux
avec crêpes. Les maisons, les fenêtres, les
balcons sont couverts de draperies noires.
D'immenses oriflammes garnies de crêpes
sont suspendues au-desssus des rues les plus
larges.
La gare du chemin de fer de l'Ouest est dé-
corée d'une manière exceptionnelle. La vaste
édifice est, à l'intérieur et à l'extérieur, recou-
vert jusqu'au faite de draperies noires.
Une foule immense, vêtue de noir, remplit
les rues. Les hommes ont des crêpes au bras,
les dames portent des voiles noirs.
Les trains amènent continuellement des
milliers de personnes de toutes les provinces.
Il arrive un grand nombre de députations
des différentes villes.
A une heure, la Bourse et tous les établis-
sements commerciaux ont été fermés sans
que l'ordre en ait été donné par les autorités.
Les candélabres à gaz ont été allumés et re-
couverts de crêpes.
Le premier train contenant les délégations
n'est arrivé qu'un peu avant trois heures.
Quelques instants après on aperçoit la loco-
motive ornée de drapeaux de deuil qui remor-
que le train portant le corps de Kossuth ;
tout le monde se découvre aussitôt. Le
bourgmestre Markus quitte le train et se
rend, accompagné des conseillers municipaux,
au wagon qui contient les dépouilles. Des
conseillers municipaux soulèvent le cercueil
en noyer, très simple, orné d'une croix noire,
et le placent sur une estrade. Ils sont aidés
dans ce travail par un certain nombre de dé-
putés.
Le bourgmestre Markus prononce alors
quelques paroles par lesquelles il déclare con-
fier le cercueil à la ville de Pest. Le vice-
bourgmestre Gerloczy répond d'une voix
émue :
« La capitale veillera sur ce cercueil comme
sur une relique. »
Puis le cercueil est porté sur le char funé-
raire et le cortège se met en marche au mi-
lieu d'un profond recueillement. Les prési-
dents des partis politiques tiennent les cor-
dons du poêle ; en tête marchent trois pas-
teurs évangéliques, puis des vétérans de
1848. Sur tout le chemin, la multitude, tête
nue, attend dans le plus grand silence le pas-
sage du cortège.
Le cortège arrive à quatre heures et demie
au Muséum, sur les marches duquel des cen-
taines de couronnes sont déposées.
Toute la distance qui sépare la gare du lieu
d'arrivée a été faite à pied par les deux fils
de Kossuth, derrière suivaient en voiture Mme
Rutkay avec Mme Helfy.
Le cercueil est enlevé du char devant le
Muséum; il est porté dans la salle, à travers
une haie d'étudiants de l'Université, vêtus
de deuil et tenant le sabre au clair ; là, il est
élevé sur un catafalque ; une foule énorme
entoure le Muséum, demandant avec insis-
tance à y entrer
Les dépouilles mortelles de la femme et de
la fille de Kossuth sont restées à la gare, elles
seront conduites le soir à l'église de There-
sienstadt où elles resteront exposées.
Pendant que le cortège traversait la ville,
les cloches ont sonné à toute volée ; sur
quelques points du parcours, de petits désor-
dres se sont produits, mais en général la cé-
rémonie funèbre a été des plus dignes. rie jfuosr--
A partir des frontières de la Hongrie jus-
qu'à Pest, les habitants des campagnes for-
maient, pour ainsi dire, une baie continue à
à travers la puszta et les champs.
LA SANTÉ DE M. DRESCH
M. Dresch, commissaire de police du quartier
Saint-Martin, qui arrêta Ravachol, était souffrant
depuis quelques jours ; ayant voulu sortir, il a
éprouvé une rechute qui met sa vie en danger.
POUR BENEFICIER D'UNE ASSURANCE
Clermont-Ferrand, 30 mars.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, un terri-
ble incendie a éclaté à Ourceyre, hameau du
canton de Rochefort-la-Montagne.
Il était deux heures du matin et la famille
Verdier, composée de six personnes, surprise
par l'incendie, n'a pu quitter son immeuble
couvert de chaume. Tous ont été atrocement
brûlés.
Actuellement on compte trois morts : Jo-
seph, âgé de neuf ans, Jean, âgé de quatre
ans, et Angèle, âgée de huit mois. Verdier et
sa femme sont considérés comme perdus.
La gendarmerie a arrêté les époux Rouelle,
âgés de 72 et 66 ans, comme auteurs présu-
més du sinistre. Le couple a mis le feu chez
lui pour bénéficier d'une police d'assurance
très fortement majorée.
L'émotion est considérable danè le pays.
Trois bâtiments ont été détruits. Verdier père
aurait pu, peut-être, sauver sa famille, mais
il a d'abord cherché à faire fuir son bétail.
Quand celui-ci a été sauvé, il est alors ren-
tré dans la maison. Le toit s'est effondré et la
famille a été prise dans la fournaise.
L'ANGLETERRE ET LE DESARMEMENT
Londres, 30 mars.
Sir Whitehad a posé aujourd'hui une ques-
tion au gouvernement, à la Chambre des
communes, au sujet du désarmement.
Rappelant les propos prêtés au roi de Da-
nemark d'après lesquels ce souverain aurait
affirmé que la Russie, l'Autriche et proba-
blement l'Italie sont prêtes à entrer en né-
gociations pour réduire les armements, sir
Whitehad a demandé si le gouvernement an-
glais ne voudrait pas provoquer une confé-
rence à ce sujet.
Sir William Harcourt a déclaré qu'il lui
était impossible de rien dire au sujet des pa-
roles prêtées au roi de Danemark et qu'il ne
pouvait affirmer qu'une chose, citait que le
gouvernement anglais était disposé à saisir la
première occasion qui lui paraîtrait favorable
pour réunir cette conférence ;-:.-
CHRONIQUE
LES ODEURS DU NATURALISME
Parmi les critiques qui excellent à érein-
ter leurs contemporains, Max Nordau a
bien vite conquis la première place. Après
avoir fort malmené Renan l'autre jour, il
« empoigne » aujourd'hui le naturalisme
dans la personne de son chef. Il est pour
la nouvelle écoule, avec une malveillance
égale et une brutalité plus grande, ce que
Planche et Nisard furent jadis pour le ro-
mantisme.
Dans son acharnement contre Zola, on
sent la joie féroce du policier qui mène au
poste un anarchiste. Ce n'est plus de la
critique, c'est du « passage à tabac ».
L'auteur des « Rougon-Maquart » est à
ses yeux «un fou », un « dégénéré », un en-
nemi de la société, et « un ennemi de la
pire espèce contre laquelle la société doit
se défendre ». C'est tout juste s'il ne va
pas jusqu'à requérir pour lui la prison ou
l'asile d'aliénés.
Du reste, comme le romancier natura-
liste qu'il attaque avec une grosse verve
germanique, Nordau a des prétentions
scientifiques. Il cherche avec le secours
des médecins à établir que la perversion
de l'odorat est, chez Zola, un des signes
caractéristiques de son déséquilibre men-
tal. « Zola, nous dit-il, montre à la fois
une prédominance maladive des sensa-
tions de l'odorat dans sa conscience et
une perversion du sens olfactif qui lui
font paraître particulièrement agréables
et sensuellement excitantes les plus mau-
vaises odeurs, notamment celles des ex-
crétions humaines. »
Il est bien vrai que les odeurs, bonnes
ou mauvaises, tiennent une place considé-
rable dans le roman naturaliste. Il y a
dans la Terre un personnage atteint d'une
infirmité déplorable pour les narines dé-
licates. Un patient critique, M. Léopold
Bernard, a pris soin de relever tous les
passages des romans de Zola où le sens
de l'odorat se trouve particulièrement mis
à l'épreuve. Il a noté la concupiscence des
relents qui s'échappent du linge sale dans
l'Assommoir et la fameuse symphonie
des fromages dans le Ventre de Paris.
Pour les femmes, au lieu de s'attarder,
comme les romantiques, à décrire en vingt
pages l'éclat de leurs yeux et la délicatesse
de leurs traits, Zola explore volontiers les
dessous. Il nous dit de préférence non ce
qu'on ressent mais ce qu'on sent auprès
d'elles. Nana « dégage une odeur de vie,
une toute-puissance de femme ». Albine,
dans la Faute de l'abbé Mouret, est « un
grand bouquet d'une odeur forte ». Dési-
rée « sent la santé ». Mme Campardon
exhale « une bonne odeur fraîche de fruit
d'automne », tandis que l'oncle Bachelard
a « une odeur de débauche canaille » et
que Françoise, dans le Ventre de Paris,
sent « la terre, le foin, le grand air, le
grand ciel ».
Mais conclure de ce rôle prépondérant
des odeurs à la dégénérescence, à la folie
de Zola, c'est dépasser un peu les bornes
de la fantaisie et chercher bien loin ce
que peut expliquer très simplement la
« poétique » même du roman naturaliste.
Par réaction contre la psychologie à ou-
trance et le spiritualisme des classiques,
contre les sentiments héroïques et les pas-
sions à panache du romantisme, Zola et
ses disciples se sont évertués à décrire sur-
tout les vulgarités de la vie dans ce qu'elle
a de plat, de monotone et, au besoin, de
« nauséeux ». Leurs personnages sont les
produits du milieu. Ils ne s'appartiennent
pas; ils ne sont pas maitres de leurs des-
tinées ni de leurs actes; ils sont les escla-
ves des impressions du dehors. Au lieu
d'agir, ils sont agis, selon l'énergique ex-
pression de Brunetière.
- Dans ces conditions, le rôles des sens
prend une importance exceptionnelle et
les actes des personnages varient au gré
des impulsions qu'ils reçoivent du monde
extérieur. Si les sensations avaient be-
soin d'être rehabilitées, elles l'auraient
été par les naturalistes, et il est à remar-
quer que parmi les sens ils ont relevé de
préférence ceux qui étaient au dernier
échelon de la hiérarchie, comme l'odorat,
le toucher, le goût, leur donnant très vo-
lontiers le pas sur la vue, sur l'ouïe qui
sont, par nature, plus délicats, plus artis-
tiques, partant plus voisins de l'idéal.
Au surplus, pour inférieures que soient
les sensations de l'odorat, elles n'en ont
pas moins une action retlexe et puissante
sur le cours des idées, des souvenirs et
sur bon nombre de prédispositions du
« moi ». Les odeurs de l'encens et des
fleurs dans les églises, par exemple, ne
contribuent pas seulement à la pompe
extérieure des solennités, elles préparent
au recueillement, à la prière. Le mysti-
cisme est fait aux trois quarts de leurs
parfums subtils. « Je ne puis, me disait
l'autre jour un mécréant, passer auprès
d'un marchand de pastilles du sérail sans
entendre les pieux cantiques de ma pre-
mière communion, sans revoir, au milieu
des lumières, devant l'autel éblouissant,
les chapes dorées des prêtres et la longue
théorie des jeunes filles voilées de blanc. »
D'autres, à la seule odeur du foin coupé,
voient repasser dans le lointain leurs es-
capades d'écolier en vacances et le pre-
mier flirt avec l'inévitable cousine.
Et ces impressions de l'odorat n'éveil-
lent pas seulement des souvenirs et des
idées: elles ont une force impulsive qui
s'étend jusqu'aux actes. Un médecin para-
doxal qui avait des théories abracadabran-
tes sur « la mécanique des odeurs », me
soutenait un jour qu'il fallait chercher là
la vraie source de l'amour. Il avait rai-
son. pour les chiens et aussi pour tous
ceux qui, confondant l'amour avec l'ap-
pétit du sexe, ne voient en lui qu'une des
fonctions de l'être physique comme le
manger et le boire. A ce point de vue ma-
tériel et grossier, l'odorat est peut-être,
avec le toucher, le sens qui concourt le
plus à faire naltre l'aiguillon des désirs
charnels.
Ellesle savent bien les belles tendresses,
qui se livrent en toute saison à la chasse
v l'homme sur lea boulevards. Le choix
d'un parfum à la fois discret et tenace est
pour elles une affaire d'état. Ce serait
leur faire injure que de supposer un ins-
tant qu'elles ont recours à ces précaution.
pour combattre des émanations moins
agréables. Elles n'y voient qu'un appât de
plus et une sorte d'excitant qui agit sur
les nerfs comme certains apéritifs agis-
sent sur l'estomac. Et, sans négliger les
autres moyens de séduction, elles comp-
tent sur cette griserie capiteuse des par-
fums pour faciliter l'exercice de leur pro-
fession, attirer et retenir la clientèle. Il y
a tant d'hommes qui ne demandent qu'à
se laisser mener par le nez !
Quoi que pensent nos arrière-neveux
des naturalistes qui arrivent déjà au bout
de leur rouleau et entrent à ej leur tour
dans l'histoire, ils ne leur refuseront pas
sans doute la gloire, si gloire il y a, d'avoir
été les plus grands peintres de la bête hu-
maine, et on ne saurait en conscience leur.
reprocher bien sévèrement d'avoir tant
insisté sur un des attributs les plus pré-
cieux de l'animalité.
André Balz.
EST-CE UNE BOMBE ?
Des gardiens de la paix de service aperce-
vaient hier soir à cinq heures un objet qui
leur parut être. un engin explosible, posé sur
le rebord d'une fenêtre du rez-de-chaussée de
l'hôtel situé au numéro 7 de la rue de Belloy,
près de l'avenue Kléber.
Ils prévinrent aussitôt l'officier de paix de
l'arrondissement, qui établit un service d'or-
dre, interdit la circulation et prévint le pro-
priétaire de l'hôtel, M. Chardonnet, en lui
demandant de faire évacuer la salle du ren»
de-chaussée.
Puis l'officier de paix téléphona au labora-
toire municipal qui envoya la voiture spécia-
lement affectée au transport des engins.
L'objet est une boîte en fer-blanc dont le.
couvercle est percé d'un orifice et muni d'une
mèche.. n
C'est à huit heures du soir que l'engin a
été transporté au laboratoire, où il sera exa-
miné.
LA REVANCHE DE LA BELLE-MÈRE
Hier on retirait de la Seine, à Alforville
près de la route.de IAbreuvoir, le corps d'un
homme âgé d'environ trente ans, vêtu.d'un
pantalon noir et d'une blouse bleue à collet
rouge portant l'inscription : Gaz-11.
L'identité du défunt n'ayant pu être établie
le corps avait été transportés à la Morgue
par les soins de M. Danj ou, commissaire de
police de Charenton.
Dans M journée, une femme jeune encore se
présentait au commissariat et y faisait la dé-
claration de disparition de son gendre, lequel
n'avait pas paru au domicile conjugal depuis
plusieurs jours.
Un inspecteur lui donnant le signalement
du corps trouvé à Alfortville, la bravo fem-
me, qui buvait les pa-roles de l'agent et dont
le visage s'épanouissait à chaque indice nou-
veau, s'écria :
— Quelle chance 1 quelle chance ! Je crois
que c'est lui.
Comme l'inspecteur restait interloqué de
cette manifestation de joie délirante, elle se
leva et, tout en le remerciant, lui dit :
— Je cours à la Morgue ! Que Dieu veuille
que ce soit bien lui ! Quel bon débarras pour
nous; il était joueur, ivrogne, fainéant et,
horreur 1 Il battait sa femme, ma pauvre
fille 1 Avec quel bonheur la charmante enfant
va apprendre cette heureuse nouvelle 1
Pui3 elle se retira et courut prendre le ba-
teau pour aller s'assurer de la présence sur
les dalles de la Morgue de celui qui fut son
gendre.
FRANÇOIS-JOSEPH ET M. CARNOT
Vienne, 30 mars.
L'ambassadeur de France, M. Lozé, a reçu de
Paris une dépêche le chargeant d'exprimer au
comte Kalnoky la haute satisfaction qu'a causée au
gouvernement français la remise de la grand'-
croix de l'ordre de Saint-Etienne au président Car-
not.
LES CONSEILS GÉNÉRAUX
La session de printemps des conseils géné
raux s'ouvrira dans toute la France lundi
prochain. ,
Cinq ministres actuels font partie de ces as-
semblées ce sont : MM. Casimir-Perier, Anto-
nin Dubost, Jonnart, Marty et Viger.
M. Burdeau étant encore absent pour une
quinzaine de jours, la semaine prochaine la
plupart des membes du gouvernement ne se-
ront pas à leur poste. Il s'ensuivra que le
gouvernement ne tiendra qu'un conseii des
ministres au lieu de trois.
M. Casimir-Perier, qui est président du con-
seil général de l'Aube, présidera cette assem-
blée mercredi et jeudi prochains.
La Compagnie Tramilaiitipe
ET LA COMPAGNIE CUNARD
XXII
Comme nous l'avons dit, nors voulons éta-
blir sans aucune réfutation possible que la
Compagnie transatlantique est, dans le monde
entier, la seule entreprise maritime qui ose
prétendre avoir payé la construction doses
paquebots 981 francs par tonneau, et la seule
également qui fasse assez peu de cas du bon
sens public pour attribuer à une flotte âgée
de 14 ans en moyenne une valeur actuelle de
704 francs par tonneau.
Nous avons commencé cette double démons-
tration en rapprochant successivement les
comptes de M. Pereire de ceux des Message-
ries maritimes, du Lloyd de l'Allemagne du
Nord et de la Compagnie péninsulaire et
orientale, et nous avons abouti dans ces trois
premières comparaisons à des conclusions
également écrasantes pour la Compagnie
transatlantique. Nous continuons aujourd'hui,
avec la CompagnieCunard de Liverpool, cette
série instructive de rapprochements.
Ces constatations sans doute sont fatigantes
par leur monotonie, mais elles sont tellement
décisives qu'il faut avoir le courage de les
achever. Nous demandons pour cela un peu
de patience à nos lecteurs. La pratique des
comptes — comme celle de la vertu — est
aride; mais n'oublions pas que les moralistes
affirment, quant à la vertu, qu'on est bien
récompensé lorsqu'on persévère. Nous espé-
rons — sans être aussi affirmatifs — que nos
lecteurs tireront les mêmes jouissances Ana.-
les de leur constance en comptabilité.
La Compagnie Canard existe depais cin.
guante-quatre ans. Elle a constamment dâpt
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