Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-03-06
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
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Description : 06 mars 1894 06 mars 1894
Description : 1894/03/06 (A24,N8086). 1894/03/06 (A24,N8086).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
VINGTQUATRIËMB ANNÉE. — N* 8,086 M NUldRo CINQ CENTIMES
MARDI 6 MARS 1894
M F XIVE CTPf'T Ir
REDACTION ET âMMMTMTM
142, Rue Montrna p t
PARIS
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L'ESPRIT NOUVEAU
Le débat imprévu que M. Spuller a
provoqué samedi à la Chambre par sa
déclaration sur la politique religieuse
et sur « l'esprit nouveau » qui doit, sui-
vant lui, animer le gouvernement, se
continue dans la presse, et à voir l'ar-
deur avec laquelle la polémique se pour-
suit, on peut juger que sur ce point, si
les passions ont sommeillé depuis quel-
que temps, elles ne sont cependant pas
éteintes. C'est qu'en effet cette ques-
tion religieuse est une des plus graves
qui puissent solliciter l'attention des
hommes politiques et qu'il faut toute la
sérénité contemplative d'un philosophe
pour se dégager des faits de chaque
jour et pour croire que la rivalité
puisse s'éteindre entre ces deux élé-
ments, la société civile et l'Eglise.
Si quelques hommes ont pu parfois
montrer dans cette lutte l'esprit de
taquinerie et de vexation que M. Spuller
réprouve, il faut reconnaître qu'ils n'ont
jamais été qu'une infime minorité et
que le parti républicain, considéré dans
son ensemble, a toujours apporté dans
la question religieuse les sentiments de
tolérance auxquels le ministre des cul-
tes faisait appel. Défenseur de la société
civile, observant la neutralité entre les
diverses confessions religieuses qui ont
des droits égaux au respect de la na-
tion, le législateur ne pouvait pas lais-
ser l'une d'elles s'arroger une supré-
matie comme au temps où la religion
catholique était la religion de l'Etat, où
les autres cultes étaient ou proscrits ou
simplement tolérés.
Il avait pour devoir de reprendre pour
la société civile la liberté d'action que
la faiblesse des gouvernements anté-
rieurs avait en partie aliénée et, en
respectant la liberté de conscience, en
veillant à assurer à toutes les opinions
philosophiques ou religieuses le moyen
de se manifester, à tous les cultes la
faculté d'être célébrés, de supprimer les
privilèges spéciaux que la religion ca-
tholique s'était conquis et surtout d'em-
pêcher l'Eglise d'intervenir dans les
affaires de la société civile. Le « gouver-
nement des curés » avait voulu se subs-
tituer au gouvernement laïque. Il fal-
fait empêcher cette tentative de se re-
nouveler et assurer le respect de ce
principe d'égalité qui est une des bases
de la société issue de la Révolution.
C'est à cette œuvre que le gouverne-
ment républicain a travaillé avec ardeur
depuis quinze ans et l'on sait quelles
luttes il a eu à soutenir contre le parti
clérical. Les adversaires de la société
laïque ont, durant cette période, varié
leur tactique. Tout d'abord, ç'a été la
République elle-même qu'ils ont com-
battue, pensant que leur intérêt leur
commandait de se grouper autour de la
monarchie et qu'ils avaient plus de
chances de succès sur le terrain politique
que sur le terrain religieux. Trompés
dans leur attente, ils ont modifié leur
stratégie. C'est alors que s'est produit le
fait de l'évolution du parti clérical vers
la République, évolution recommandée,
prescrite par Léon XIII. 1
Nous ne songeons pas à contester
l'importance de ce fait. Cependant il ne
faut ni l'exagérer ni surtout l'interpréter
inexactement. Dès qu'il s'est produit,
certains hommes, et M. Spuller, alors
collaborateur de la République fran-
çaise, a été de ceux-là, ont cru voir
dans l'évolution de l'Eglise un symp-
tôme d'apaisement, un désir de conci-
liation Nous leur avons fait remarquer
dès ce moment qu'ils commettaient une
erreur et que les instructions du pape
n'avaient ni la portée ni la significa-
tion qu'ils leurattribuaient. Si Léon XIII
a conseillé aux catholiques de cesser la
lutte sur le terrain constitutionnel, il
leur a expliqué que c'était pour mettra
un terme aux querelles qui les affai-
blissaient en les divisant entre eux et
pour concentrer tous leurs efforts dans
la lutte contre la législation, c'est-à-
dire précisément contre les mesures pri-
ses pour faire rentrer le parti catholi-
que dans le droit commun et pour
assurer la supériorité de la société ci-
vile.
La meilleure preuve que le parti ca-
tholique, en acceptant la République,
n'entendait renoncer à aucune de ses
prétentions ou de ses revendications,
c'est sa conduite même, depuis qu'il a
évolué vers la République. En effet,
c'est depuis ce temps que s'est produite
l'affaire des catéchismes électoraux et
que la campagne contre le prétendu es-
prit sectaire des républicains s'est pour-
suivie avec le plus de violence. A la
veille des élections, le parti clérical
s'est agité plus que jamais, ramassant
toutes les armes contre les républicains,
exploitant contre eux tous les scandales,
tous les mensonges, ne reculant devant
aucun moyen pour les supprimer. En
ces derniers mois même, il a montré un
nouvel exemple de sa volonté de défen-
dre jusqu'au bout ses privilèges, et ni
le cabinet dans son ensemble, ni M.
Spuller en particulier n'ont été épargnés
à propos du décret sur la comptabilité
des fabriques.
En présence de cette persistance des
revendications du parti clérical, de cette
combativité dont tant de départements
ont eu le récent spectacle et dont les dé-
putés ne peuvent pas avoir perdu le sou-
venir, les déclarations de M. Spuller et
l'annonce de l'avènement d'un « esprit
nouveau » ne pouvaient qu'éveiller bien
des inquiétudes.
Il a fallu que le président du conseil
vînt au secours du ministre des cultes
pour rétablir les choses; encore, malgré
ses déclarations, il y a eu 136 absten-
tions dont 98 de républicains, et 120
voix contre l'ordre du jour accepté par
le gouvernement, dont 17 seulement de
la droite.
Ceci montre clairement que la majo-
rité républicaine est loin de partager la
façon de voir exposée par M. Spuller et
que, si elle entend apporter dans la ques-
tion religieuse le même esprit de tolé-
rance que ses devancières, elle n'estime
cependant pas qu'il y ait lieu de faire
une amende honorable ou un acte de
contrition et qu'elle entend faire préva-
loir la suprématie de la société civile.
Le gouvernement fera bien de tenir
compte de ces indications.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
SCRUTINS DE BALLOTTAGE
BOUCHES-DU-RHONE
Ire circonscription de Marseille
Inscrits 18.684. — Votants 12.014.
MM. Carnaud, cons.gén. social. 6.136 ELU
Chanot, cons. gén. rép. 5.736
[Il s'agissait de remplacer M. PeltraJ, nommé sé-
cateur. Au premier tour les voix s'étaient réparties
ainsi : MM. Carnaud, 4.923, Chanot, 4.311, Furby,
socialiste, 504.]
CORRÈZE
Arrondissement d'Ussel
Inscrits : —Votants :
MM. De]mas, rad. soc. 10.334 ÉLU
Brindel, rép.mod. 5.663
[Il s'agissait de remplacer M. Dellestable, élu sé-
nateur. Le 18 février, M. Delmas avait obtenu 4,888
voix, M. Brindel 2,602 et M. Coudert, républicain
modéré, 2,562.
GARD
Première circonscription d'Alais
Inscrits : 18.180 — Votants :
MM. Malzac, opport. 4.924 ÉLU
Gaussorgues, a. d., rép. rad. 4.896
Devèze, soc. 3.592
fil s'agissait de remplacer M. Desmons, élu sé-
nateur. Au premier tour les suffrages s'étaient
ainsi répartis :
MM. Gaussorgue. 2,970, André Gély, socialiste,
884, Henry Martin, socialiste, 382, Devèze. socia-
liste, 2,728, Dequaire, radical-socialiste, 1,471.]
ELECTION SENATORIALE
Indre-et-Loire
fer tour
Inscrits : 655. — Votants : 652
MM. Belle, anc. dép., rép. 208 voix
Pic-Paris, maire de Tours, rép. 205
Bidault, cons. gén., rad. 137
Docteur Guerdin, rad. soc. 58
Divers. 47
2e tour
MM. Belle 282 voix
Pic-Paris: 274
Bidau It 88
5e tour
MM. Belle. 325 ÉLU
Pic-Paris. 315
[Il s'agissait de remplacer M. Guinot, décédé. Il
avait été réélu au premier tour le 5 janvier 1888
par 437 suffrages.]
ELECTION DE M. MARTY
Carcassonne, 4 mars.
Election au conseil général pour le canton de
Saissac:
Inscrits : 1,368 ; votants : 744.
M. Marty, député, ministre du commerce, 709
voix, élu.
DÉPOT CLANDESTIN DE POUDRE
Le 13 janvier dernier, M. Didelot, libraire,
4, rue Saint-Hilaire, à La Varenne-Saint-
Hilaire, mourait sans laisser d'héritiers.
Hier, un huissier procédait à la vente par
autorité de justice des meubles et marchandi-
ses ayant appartenu au défunt.
La vacation tirait à sa fin ; seules, d'énormes
caisses d'un poids considérable, remisées dans
les combles ; restaient à adjuger, au dire de
l'officier ministériel elles devaient contenir
des livres et du papier.
Un acheteur incrédule en demanda l'ouver-
ture, à laquelle il fut aussitôt procédé ; on
juge de la stupéfaction des assistants quand
ils virent tirer de l'énorme caisse des boîtes
de poudre de chasse.
Cette caisse et toutes les autres en étaient
pleines, il y en avait 4,000 kilogrammes ; la
panique se déclara alors au milieu des assis-
tants parmi lesquels se trouvaient de nom-
breux fumeurs et la maison fut évacué en
quelques minutes.
L'huissier informa télégraphiquement de
sa découverte M. Soullière, commissaire de
police de la circonscription de Joinville-le-
Pont.
Ce magistrat se transporta aussitôt sur les
lieux et découvrit, en outre des caisses de
poudre trouvées par l'huissier, un nombre
considérable de pièces d'artifice.
Il réquisitionna aussitôt deux grandes ta-
pissières dans lesquelles on eut toutes les
peines du monde à placer les matières explo-
sives et les fit conduire sous bonne escorte
au laboratoire municipal.
LORD ROSEBERY
LE SUCCESSEUR DE M. GLADSTONE
Démission officielle. — Le choix de
la reine. — Remaniements
ministériels
- (DB XOTRB CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 4 mars.
La reine a officiellement accepté la démis-
sion de M. Gladstone ; lord Rosebery a ac-
cepté le poste de premier ministre. Telle est
la nouvelle qu'annoncent tous les journaux
et qui met fin aux combinaisons et aux intri-
gues que la retraite du great old man avait
soulevées.
La reine viendra donc demain à Londres,
elle recevra lord Rosebery à la cérémonie du
« baise-main » et aussitôt après on procédera
aux remaniements ministériels que nécessite
naturellement la démission du « premier ».
Ces remaniements ne paraissent pas d'ail-
leurs devoir être bien considérables.
Voici en quoi ils consisteraient : Lord Kim-
berley succéderait aux affaires étrangères à
lord Rosebery qui remplace M. Gladstone
comme premier lord de la trésorerie; M. John
Morley deviendrait ministre des Indes à la
place de lord Kimberley et enfin M. Herbert
Gladstone passerait au secrétariat de l'Irlande,
à la place de M. John Morley.
LE NOUVEAU « M. LE PREMIER »
Nous faisons suivre cette dépêche de notre
correspondant de Londres de quelques lignes
biographiques sur la personne de lord Rose-
bery.
Lord Rosebery est maintenant un person-
nage trop important pour qu'on ne soit pas
désireux de connaître un peu le caractère et
le passé de l'homme qui est appelé à présider
aux destinées du Royaume-Uni.
L'homme
Lord Rosebery n'est pas, comme on l'a dit
souvent, le benjamin des membres du cabi-
net que présidait hier encore M. Gladstone.
M. Asquith et M. Arnold Morley — qu'il
ne faut pas confondre avec son célèbre ho-
monyme M. John Morley — sont de quel-
ques années plus jeunes que lui. Ils ont l'un
quarante-deux et l'autre quarante-quatre
ans. Lord Rosebery en a quarante-sept.
Il est né à Londres, du mariage de lord
Dalmeny avec une fille du quatrième comte
Stanhope. Sa famille — la famille des Prim-
rose — est l'une des plus illustres de l'aris-
tocratie écossaise. Elle reçut le titre de ba-
ronnet de Charles Ier, et il est lui-même le
quatrième enfant du premier baronnet à qui
fut décerné le titre de earl (comte) de Rose-
bery. Il a également dans les veines du sang
de lord Chatham et de William Pitt, pour
qui, soit dit en passant, il/professe une ad-
miration particulière.
Grand seigneur de race, de goûts et de ma-
nières, mais démocrate par ambition, lord
Rosebery n'est pas homme à être gêné par les
préjugés.
Il en donna la preuve en épousant, en 1878,
Mlle Anna de Rothschild, fille du baron
Mayer de Rothschild,- ce qui fit dire à quel-
ques journaux allemands qui poussent un
peu trop loin la manie de l'étymologie,
qu'il était un sémite déguisé dont le grand-
père, brocanteur à Francfort, portait le nom
de. Rosenberg.
Ce mariage, qui fit quelque bruit à l'épo-
Ce mariagec, 'était lu première fois qu on
que, — car qu on
voyait une Rothschild épouser un chrétien,-
fut à tous égards heureux.
Il procura à lord Rosebery une fortune con-
sidérable dont, à vrai dire, il n'avait pas be-
soin, étant lui-même fort riche, et lui valut
— ce qui est mieux -l'affection d'une femme
aimable et distinguée qui fut un peu son
Egérie politique et dont U n'a point cessé,
après trois années de veuvage, de pleurer la
mort.
C'est peut-être là la seule douleur qu'ait
connue le chef du Foreign-Office. Mais elle a
été très réelle, et, de fait, il a depuis beaucoup
vieilli.
Lord Rosebery, qui partageait autrefois
avec lord Randolph Churchill et M. Herbert
Gladstone le privilège d'être représenté dans
les journaux satiriques sous les traits d'un
jeune « boy », n'est plus, en effet, à présent
le poupon rose et frais qu'on a connu. Sa fi-
gure est bien toujours soigneusement rasée,
sa tenue est bien toujours.aussi élégante,aussi
correcte, mais il a grossi, il s'est épaissi,
et l'embonpoint lui a fait perdre cet aspect
juvénile qui était encore si remarquable en
lui quand il doublait le cap de la quaran-
taine.
Le politique
Bien qu'il fit partie de la Chambre des lords
depuis tantôt vingt six ans, le comte Ro-
sebery ne s'était guère occupé de politique
avant son mariage. Le sport avait absorbé
tout son temps et les champs de courses lui
étaient plus familliers que le Parlement où
l'on n'avait eu l'occasion de le remarquer qu'en
de rares circonstances, notamment en 1871,
un jour où M. Gladstone l'avait chargé de lire
à la Chambre des pairs l'adresse à la cou-
ronne, et un peu plus tard, au cours d'un dé-
bat sui l'instruction publique.
Nommé en 1878 recteur de l'Université
d'Aberdecn et deux ans après recteur de
l'Université d'Edimbourg, lord Rosebery,
dont l'ambition excitée par sa femme com-
mençait à s'affirmer, abandonna résolument
ses fonctions pour s'engager à fond dans la
lutte des partis.
On l'appelle alors — c'était en 1881 —
au sous-secrétariat des affaires étrangères.
Il y fit un stage assez court, mais qu'il mit
merveilleusement à profit.
Ce fut au point que lorsqu'en 1885 M.
Gladstone songea à envoyer à M. de Bis-
marck un représentant extraordinaire en vue
d'amener une amélioration dans les relations
de l'Angleterre et de l'Allemagne qui étaient à
ce moment un peu tendues, il n'hésita pas
une seconde à s'adresser à lui.
Lord Rosebery mena à bien la mission qui
lui était confiée. Il y avait, à la vérité, moins
de mérite qu'un autre, étant lié d'amitié avec
le fils aîné du chancelier. Ceci ne l'empêcha
pas pourtant de montrer des qualités de fi-
nesse et d'habileté très réelles qui furent una-
animent appréciées et qui lui valurent d'être
choisi pendant la courte administration glad-
stonienne de 1886 comme chef du Foreign-
Office.
Lord Rosebery se révéla tout de suite dans
ce nouveau poste, homme d'Etat de premier
ordre, réussissant si bien à s'imposer à l'at-
tention que les conservateurs eux-mêmes ne
firent pas difficulté de convenir qu'il était
digne de succéder à lord Salisbury.
Favori de la cour et du peuple
C'était l'action qu'il avait exercée dans le
règlement des difficultés soulevées par la
guerre serbo-bulgare qui lui avait acquis ainsi
la faveur des politiques. Son rôle, comme pré-
sinent du county councii de Londres ne de-
vait pas tarder à lui gagner également la fa-
veur des masses.
Il y fut élu en 1888. Il s'employa d'abord,
avec une adresse étonnante, à discipliner, à
assagir les éléments un peu brouillons de
cette assemblée. Puis, sentant que l'avenir
appartenait toujours au plus hardi, il alla de
l'avant, s'efforçant de dégager d'une façon
nette et précise des aspirations encore trop
confuses.
Le succès répondit à son attente et bientôt
il devint l'un des hommes les plus populaires
du Royaume-Uni.
Il n'avait d'ailleurs rien négligé pour frap-
per les esprits.
Lord, il menait campagne contre les lords ;
grand seigneur, il se fachait tout rouge pour
peu qu'on oubliât de l'appeler « monsieur.
aristocrate, il défendait les réformes les plus
démocratiques ; millionnaire, il soutenait des
solutions qui n'étaient, en somme, que du so-
cialisme d'Etat.
Après la mort de sa femme, en novembre
1890, lord Rosebery se retira cependant quel-
que temps de la scène politique. Il donna sa
démission de président du county councii
de Londres et vécut dans l'ombre à l'écart.
Il ne sortit de la retraite qu'en juillet 1892,
pendant la période électorale, pour prononcer
un discours devant les électeurs de White-
chapel.
Ce discours, où il affirma que les libéraux
avaient l'intention d'adopter vis-à-vis des
puissances étrangères le même système que
les conservateurs, pourvu que ce système
comportât le maintien des bonnes relations
avec tous les pays « y compris la France, au
sujet de laquelle il semble y avoir, faisait-il,
quelque doute secret », laissait, par avance,
clairement entrevoir qu'il n'avait pas dit un
éternel adieu à la politique et que c'était à
lui que devait revenir, dsns le prochain mi-
nistère, le portefeuille des affaires étrangè-
res.
Il crut bon, toutefois, de faire quelques
difficultés pour l'accepter. Il se prétendit ma-
lade, alla à Paris consulter le docteur Char-
cot, fit tant et si bien, en un mot, qu'il passa
pour « l'homme indispensable » et qu'au lieu
d'entrer simplement dans le cabinet comme
les autres ministres, il y parut dès le début
comme le successeur désigné du grand chef.
La comédie fut jouée en artiste consommé;
jamais peut-être lord Rosebery n'a déployé
autant d'adresse, autant de diplomatie qu'en
cette circonstance.
Il en recueille aujourd'hui les avantages et
nul n'en saurait être surpris.
Il y a, d'ailleurs, plus d'un an que M. Glad-
stone, envisageant la possibilité d'une retraite,
disait en parlant de lui : « The first claim is
for lord Rosebery ; lord Kimberley has only
the second claim » (la première place revient
à lord Rosebery; lord Kimberley ne passe
qu'en second rang).
Gentleman accompli, froid et correct, le
nouveau « M. le Premier » a tout ce qu'il
faut pour plaire aux gens du monde dont il
flatte le jingoïsme en se faisant, à l'extérieur,
l'énergique défenseur des traditions de la po-
litique britannique.
Orateur de talent, maître de lui et simple
de manières, il Jvaussi tout ce qu'il faut pour
séduire le peuple dont il défend les revendi-
cations avec une chaleur qui, sans aller jus-
qu'à la conviction, n'en donne pas moins
souvent l'illusion.
Les radicaux qui ont essayé de contrecar-
rer sa fortune, ne lui tiendront sans doute pas
longtemps rigueur. Il saura ramener à lui
tous les concours, comme il a su réunir à
la fois sur son nom les sympathies de la cour
et celles de la foule, qui sont pourtant si
rarement d'accord.
Quant à nous personnellement, son arrivée
au pouvoir ne peut que nous laisser assez
indifférents. Elle ne changera rien, en effet, à
l'état de nos rapports, puisque c'est lui qui les
dirige depuis dix-huit mois.
Nous savons bien que ses tendances ne
vont pas vers nous et qu'il a des amitiés en
Allemagne. Mais nous pouvons aisément
nous en consoler, car, quel que fût le succes-
seur de M. Gladstone, le résultat eut été à cet
égard à peu près identique. i
l' AFFAIRE RAMON-ROTHSCHILD
CONCLUSIONS POUR LES ROTHSCHILD
Nous avons dit les origines de ce curieux et
caractéristique procès intenté à M. de Roth-
schild par l'ingénieur Hamon, lequel se pré-
tend dépouillé par le fait d'une société fondée
et présidée par M. de Rothschild.
Quand on voit un négociant honorable
comme M. Mansard plaider contre l'héritière
des Rothschild pour lui réclamer son dû, il
semblerait naturel qu'on penchât pour le né-
gociant, ainsi que d'ailleurs a fait le tribunal
puisqu'il a condamné la baronne de Zuylen,
née Rothschild, à payer, avec les intérêts du
jour de la demande, à M. Mansard la mo-
deste facture de 2,734 francs dont elle ne rou-
gissait pas de lui faire attendre le payement
denuis deux - ans.
De même dans l'affaire Hamon on ne trou-
verait certainement pas extraordinaire que le
XIX- Siècle prit un peu le parti du modeste
et laborieux ingénieur contre le milliardaire.
Cette tendance si légitime, nous ne voulons
cependant pas y céder. Nous voulons au con-
traire nous appliquer à mettre impartiale-
ment sous les yeux du public les pièces du
procès, afin que chacun puisse clairement
comprendre la grande portée de ce petit procès
et se rendre compte des véritables sentiments
des milliardaires à l'égard de quinconque
travaille et produit.
Nous avons publié quelques passages de
l'assignation de M. Hamon. Afin de bien éta-
blir notre impartialité, nous allons publier
aujourd'hui, non pas partiellement mais in-
tégralement, les premières conclusions par
lesquelles il lui a été répondu :
Conclusions
Pour : La Société pour la transmission de la
force par l'électricité. (Fondateur et président,
Rothschild.)
Défenderesse. Denormandie.
Contre : M. Hamon (ingénieur).
Demandeur. Dumesnil.
Plaise au tribunal :
Attendu que M. Hamon a assigné la concluante
en payement de 600,000 fr. de dommages-intérêts
pour le préjudice qui lui aurait été causé, sous le
prétexte qu'une annuité n'aurait pas été payée sur
le brevet pris par lui le 8 juin 1889, laquelle an-
nuité aurait dû être payée par les soins de la so-
ciété concluante.
Attendu que s'il est vrai que cet oubli ait été
commis par la société défenderesse, il n'en résulte
pas nécessairement qu'un dommage quelconque
ait été causé à M. Hamon ;
Qu'en effet, pour établir la perte que lui cause-
rait la déchéance de ce brevet et par suite la priva-
tion des bénéfices éventuels de la participation
dont il parle, il lui faudrait prouver qu'un béné-
fice quelconque aurait pu être tiré de l'exploitation
de son brevet ;
Que la société prétend, au contraire, que le
brevet en question était inexploitable et par con-
séquent sans valeur;
Que dès lors M. Hamon n'aurait pu en tirer au-
cun résultat, qu'il n'a donc été prive d'aucun béné-
fice par le fait de la société ;
Par ces motifs,
Déclarer le demandeur non recevable, en tous cas
mal fondé en sa demande, l'en débouter ;
Et le condamner aux dépens, dont distraction au
profit de M* Denormandie.
Sous toutes réserveg. Et ce sera justice.
Vous ne ferons pour aujourd'hui, au sujet
de ces conclusions, que deux courtes remar-
ques.
Mais ces deux remarques, que le public a
certainement déjà faites, ont leur impor-
tance :
Primo. Ces conclusions contiennent l'aveu
formel que l'engagement pris d'acquitter les
annuités du brevet de M. Hamon n'a pas été
tenu/ou en d'autres termes que M. de Roths-
child n'a pas payé sa dette.
Secundo. Les conclusions disent que le
brevet de M. Hamon est sans valeur. Mais
alors pourquoi l'avez-vous acheté? Pourquoi
avez-vous signé avec M. Hamon pour l'exploi-
tation de ce brevet un traité en participation
dont nous publierons le texte quand le mo-
ment sera venu ? Ce brevet a été longuement
étudié parle conseil d'administration de votre
société, dans lequel figurent des ingénieurs
comme M. Sartiaux, chef de l'exploitation des
chemins de fer du Nord, et comme M. Sola-
eroup. Ce n'est pas des gens comme vous
qu'on peut tromper sur la valeur d'un brevet.
Conseillés comme vous l'êtes, si le brevet de
M. Hamon n'avait rien valu vous ne l'auriez
pas acheté : mais aujourd'hui qu'il s'agit de
le payer, vous employez à l'égard de M. Ha-
mon exactement le même procédé que la
baronne de Zuylen, née Rothschild, à 1 égard
de M. Mansard.
La baronne de Zuylen commande à M.
Mansard un service de table, l'accepte, le
trouve superbe, puis deux ans après, quand
on lui réclame la facture, elle s'aperçoit que le
service n'est plus à son goût et elle refuse le
payement. Il a fallu que le fournisseur la fit
condamner pour avoir son argent.
Pour le brevet Hamon, vous vous aperce-
vez quatre ans après l'avoir acheté qu'il a
cessé de vous plaire.
Et cette découverte, vous la faites, comme
Mme de Zuylen, le jour où on vous présente la
facture.
Cette découverte vraiment tardive n'est
d'ailleurs pas le seul côté surprenant de cette
invraisemblable affaire.
Nous y reviendrons.
TaIns du PrOurèS
LA DISTRIBUTION DU FROID
L'un des traits les plus caractéristiques
de nos civilisations modernes, c'est assu-
rément la multiplication croissante des
entreprises collectives destinées à satis-
faire aux besoins qui relevaient exclusi-
vement autrefois des précaires hasards
de l'initiative individuelle. Autrefois, cha-
que individu ou chaque famille devait, à
ses risques et périls, veiller à ses intérêts
immédiats, depuis ceux de sa défense et
de son alimentation, jusqu'à ceux de son
bien-être, de son confort et de son luxe.
Puis, peu à peu, l'esprit de solidarité
s'est développé, et, de compte à demi avec
le principe, de mieux en mieux compris
et appliqué, de la division du travail, a
commencé de transfigurer les sociétés et
de changer la face du monde.
A l'heure où nous sommes, l'éclairage,
la voirie, les transports, les communica-
tions postales, la sécurité des personnes
et des biens, l'hygiène, etc., — toutes né-
cessités dont la garantie fragmentaire est
si difficile — sont déjà devenus autant de
services publics et d institutions sociales.
Et nous ne sommes pas au bout I Il s'en
faut même de beaucoup que nous ayons
épuisé cette évolution, dont la lenteur
n exclut point l'infaillibilité.
Je n'en veux d'autre preuve que l'aug-
mentation indéfinie de ces distributions
générales à domicile qui tendent de plus
en plus à dispenser les habitants desgran-
des villes des efforts, des aléas, des désa-
gréments et des responsabilités qu'impli-
quait encore, il y a quelques années à
pine, la recherche d'une foule de menues
satisfactions.
On distribue déjà at home, dans des
conditions de certitude et de régularité qui
auraient paru invraisemblables à nos pè-
res, la lumière, le son, l'heure, la force
motrice, la chaleur, l'eau potable. On va
bientôt distribuer également la désinfec-
tion et l'antisepsie.
En tout cas voici maintenant qu'on dis-
tribue couramment, chez tous les abon-
nés de bon vouloir, un agent trop long-
temps négligé, le froid. Il va de soi que
ce n'est pas dans notre vieille Europe,
routinière, pusillanime et tâtillonne, que
ce paradoxe a pris corps. C'est en Amé-
rique, et dans l'extrême Far-West encore,
à Denver (Colorado), une ville improvi-
sée d'hier au milieu de la Savane. Je me
hâte d'ajouter que la ville de Saint-Louis,
dans le Missouri, n'a pas tardé à em-
boîter le pas à sa sœur cadette.
Mais c'est à Denver que le système a
vu le jour. Depuis le mois d'août 1889-
date à laquelle il fut créé de toutes pièces
par un audacieux initiateur du nom de
David Brauson — il fonctionne sans in-
terruption, sans anicroche, à la grande
satisfaction de tous les intéressés, qui ne
voudraient plus, à ce qu'il paraît, revenir
aujourd'hui à l'emploi de la glace natu-
relle ou artificielle, alors même qu'on la
leur donnerait pour rien.
Voici, au surplus, quelle est l'économie
du système :
Une usine centrale refoule dans d'im-
menses réservoirs spéciaux, à une pres-
sion qui n'est pas moindre de 10 kilo-
grammes par centimètre carré, des flots
d'ammoniaque liquide. De là, l'ammo-
niaque est dirigée vers les points d'utili-
sation, dans les maisons particulières, où
il n'y a plus, pour obtenir le refroidisse-
ment désiré, qu'à provoquer au moment
opportun son évaporation. On sait en
effet que l'ammoniaque absorbe en te
vaporisant une énorme quantité de calo-
rique qu'elle emprunte naturellement,
au milieu ambiant, dont la température
s'abaisse en conséquence.
Ce résultat est obtenu à l'aide d'un jeu
de tuyaux disposé dans l'épaisseur des
murs ou au-dessous du parquet et qu'on
nomme « le serpentin d'expansion ». C'est
là que se fait la détente de l'ammoniaque
dont on règle le débit - proportionnelle-
ment à l'intensité du froid à obtenir —
en ouvrant plus ou moins une valve com-
mandée par un robinet.
Une fois volatilisée, et après avoir ac-
compli sa besogne rafraîchissante, l'am-
moniaque est aspirée par une seconde ca-
nalisation jusqu'à l'usine, où elle retourna
ainsi pour être dissoute, distillée, liqué-
fiée et distribuée de nouveau, au moyen
d'une machinerie ad hoc fort ingénieuse-
ment combinée.
Ce qu'on réalise ainsi n'est pas à pro-
prement parler une production de froid.
C'est plutôt une soustraction de chaleur,
absolument comme si l'on plongeait une
bouteille de Champagne dans un seau rem-
pli de glace pilée. Mais le résultat est le
même.
Et ce résultat peut être, le cas échéant,
infiniment précieux, non seulement pour
la conservation des viandes, poissons, li-
queurs et autres denrées corruptibles,
mais encore pour l'assèchement, le refroi-
dissement et là purification des salles de
restaurants ou de cafés, caves, bureaux,
théâtres, magasins, hôpitaux, brasseries,
etc., etc. Sous les climats torrides et éner-
vants de la zone tropicale, une installa-
tion de ce genre doit être considérée comme
un inestimable bienfait.
Un restaurateur de Saint-Louis a même
conçu et réalisé la curieuse idée d'organi-
ser un établissement dont la température
ne varie pas d'un bout à l'autre de l'an-
née, grâce à une combinaison de tuyaux
courant le long des cloisons et recevant
suivant la saison, soit un flux glacé d'am-
moniaque, soit un jet de vapeur tiède. Le
printemps perpétuel !
Il va de soi qu'on n'est pas arrivé du
premier coup à l'ultime perfection. La
question des compteurs, la question des
fuites, la question des suspensions et ar-
rêts du service, la question des ruptures
de conduites, etc., ont naturellement pré-
senté de nombreuses et graves difficultés
dont on n'a eu raison qu'à force d'ingé-
niosité, de savoir-faire, d'énergie et de pa-
tience.
Aujourd'hui le problème peut être con-
sidéré comme résolu ; l'expérience — une
expérience industrielle et pratique de
plus de quatre années consécutives — l'a
définitivement consacré, et la station de
Deuver marche régulièrement de façon à
engendrer une froidure qui peut être éva-
luée en un nombre de frigories corres-
pondant àla production journalière de 90
tonnes de glace. Le tout est mis aux
mêmes conditions et moyennant les
mêmes avantages à la disposition des
petits comme des gros consommateurs.
Plus n'est besoin d'être millionnaire pour
vivre à la fraîGhe et boire frappé : on vous
sert en effet ad libitum pour 50 dollars
ou pour 2 cents de ce froid circulatoire,
qui a pourtant l'air a priori d'être la
moins divisible et la moins maniable des
marchandises. Libre même à tout un qui-
conque, si le cœur lui en dit, d'établir un
petit shating en chambre: il suffit en
effet, pour cela, de tourner une manivelle,
après avoir préalablement vidé quelques
seaux d'eau sur le plancher. Libre aux
plus pauvres d'avoir ainsi le Palais de
glace — comme on avait Enghien — chez
soi, au rabais.
On ne connaissait jusqu'ici que onze
variétés de distributions urbaines par tu-
bes ou par fils: l'eau douce, le gaz, l'air
comprimé, l'air raréfié, l'eau sous pres-
sion, la vapeur, l'énergie électrique, les
télégrammes pneumatiques, les télégram-
mes électriques, les messages et auditions
téléphoniques. L'antiseptie par « l'hermi-
tine » canalisée était a la veille de com-
pléter la douzaine — abstraction faite, bien
entendu, de la canalisation centrifuge des
eaux d'égout, qui ne peut être considérée
que comme une distribution à rebours,
puisque, saufvptre respect, elle soustrait
au lieu d'apporter. La distribution du
froid va ouvrir un treizième chapitre au
budget des surprises.
C est égal ! m'est avis que si cela conti-
nue, ce sera plutôt une délicate besogne,
aux siècles prochains d'ouvrir une tran-
chée dans le sol, vascularisé comme un
morceau de chair vive, de nos boulevards
et de nos rues 1
Raoul Lucet.
La Compagnie Transailantip
XII
LA DÉFENSE DE M. EUGÈNE PEREIRB
L'Evénement, qui parait être devenu le
« Petit Moniteur » de la Compagnie transatlan-
tique, nous consacre dans lieS numéros de
samedi et de dimanche trois acticles.
Le premier article est intitulé Dessous de
cartes, le second tout simplement : la Trans-
atlantique. Le troisième article n'a pas de
titre : c'est un « ancien actionnaire) qui parle.
Quant aux Dessous de cartes, nous ne noue
en occupons pas. Nous ne connaissons ni la
Compagnie Ronache ni la maison Caillot-
Saint-Pierre. Nous ignorons leurs « rêves ».
D'ailleurs nous n'interprétons pas les songes.
Tout ce qui est révélé de la grande conspira-
tion dans laquelle la société des Chantiersd
la Méditerranée, la Société générale et le
Crédit industriel jouent des rôles émouvants,
— toute cette grande conjuration est de l'hé-
breu pour nous. Tout cela d'ailleurs n'a au-
cun rapport avec notre sujet. Ce sont des
phrases tout autour de ce que nous aVODS-
dit. Nous n'avons par conséquent rien à ré-
pondre.
Le second article: la Transatlantique, com-
mence par faire l'éloge de toutes les compa-
gnies de navigation françaises. Nous som-
mes convaincus que ces éloges sont méritéa-
sauf, bien entendu, en ce qui concerne la Com,
pagnie transatlantique. Mais ces éloges n'ont
aucun rapport non plus avec notre sujet, par-
faitement délimité, qui est la déplorable ad-
ministration qui a ruiné la Compagnie trans*
atlantique.
L'auteur nous dit que les épargnistes inté-
ressés dans la Compagnie transatlantique
sont très nombreux. Nous le déplorons amè-
rement. Nous espérons qu'ils sont déjà moins
nombreux depuis qu'ils ont suivi notre discus-
sion. Nous ne saurions trop leur conseiller de
vendre soit leurs actions, soit leurs obliga.
tions pendant que M. Pereire les achète en-
core. C'est le seul moyen pour eux d'éviter
une perte totale pour les uns et beaucoup plus
grande pour les autres.
L'auteur ajoute que la Compagnie transat-
lantique proche du travail à 9 ou 10,000 of-.
ficiërs, matelots, ouvriers wt employée Nom
MARDI 6 MARS 1894
M F XIVE CTPf'T Ir
REDACTION ET âMMMTMTM
142, Rue Montrna p t
PARIS
illECTEOI POLITIQOe
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tous les Bureaux do Posta.
L'ESPRIT NOUVEAU
Le débat imprévu que M. Spuller a
provoqué samedi à la Chambre par sa
déclaration sur la politique religieuse
et sur « l'esprit nouveau » qui doit, sui-
vant lui, animer le gouvernement, se
continue dans la presse, et à voir l'ar-
deur avec laquelle la polémique se pour-
suit, on peut juger que sur ce point, si
les passions ont sommeillé depuis quel-
que temps, elles ne sont cependant pas
éteintes. C'est qu'en effet cette ques-
tion religieuse est une des plus graves
qui puissent solliciter l'attention des
hommes politiques et qu'il faut toute la
sérénité contemplative d'un philosophe
pour se dégager des faits de chaque
jour et pour croire que la rivalité
puisse s'éteindre entre ces deux élé-
ments, la société civile et l'Eglise.
Si quelques hommes ont pu parfois
montrer dans cette lutte l'esprit de
taquinerie et de vexation que M. Spuller
réprouve, il faut reconnaître qu'ils n'ont
jamais été qu'une infime minorité et
que le parti républicain, considéré dans
son ensemble, a toujours apporté dans
la question religieuse les sentiments de
tolérance auxquels le ministre des cul-
tes faisait appel. Défenseur de la société
civile, observant la neutralité entre les
diverses confessions religieuses qui ont
des droits égaux au respect de la na-
tion, le législateur ne pouvait pas lais-
ser l'une d'elles s'arroger une supré-
matie comme au temps où la religion
catholique était la religion de l'Etat, où
les autres cultes étaient ou proscrits ou
simplement tolérés.
Il avait pour devoir de reprendre pour
la société civile la liberté d'action que
la faiblesse des gouvernements anté-
rieurs avait en partie aliénée et, en
respectant la liberté de conscience, en
veillant à assurer à toutes les opinions
philosophiques ou religieuses le moyen
de se manifester, à tous les cultes la
faculté d'être célébrés, de supprimer les
privilèges spéciaux que la religion ca-
tholique s'était conquis et surtout d'em-
pêcher l'Eglise d'intervenir dans les
affaires de la société civile. Le « gouver-
nement des curés » avait voulu se subs-
tituer au gouvernement laïque. Il fal-
fait empêcher cette tentative de se re-
nouveler et assurer le respect de ce
principe d'égalité qui est une des bases
de la société issue de la Révolution.
C'est à cette œuvre que le gouverne-
ment républicain a travaillé avec ardeur
depuis quinze ans et l'on sait quelles
luttes il a eu à soutenir contre le parti
clérical. Les adversaires de la société
laïque ont, durant cette période, varié
leur tactique. Tout d'abord, ç'a été la
République elle-même qu'ils ont com-
battue, pensant que leur intérêt leur
commandait de se grouper autour de la
monarchie et qu'ils avaient plus de
chances de succès sur le terrain politique
que sur le terrain religieux. Trompés
dans leur attente, ils ont modifié leur
stratégie. C'est alors que s'est produit le
fait de l'évolution du parti clérical vers
la République, évolution recommandée,
prescrite par Léon XIII. 1
Nous ne songeons pas à contester
l'importance de ce fait. Cependant il ne
faut ni l'exagérer ni surtout l'interpréter
inexactement. Dès qu'il s'est produit,
certains hommes, et M. Spuller, alors
collaborateur de la République fran-
çaise, a été de ceux-là, ont cru voir
dans l'évolution de l'Eglise un symp-
tôme d'apaisement, un désir de conci-
liation Nous leur avons fait remarquer
dès ce moment qu'ils commettaient une
erreur et que les instructions du pape
n'avaient ni la portée ni la significa-
tion qu'ils leurattribuaient. Si Léon XIII
a conseillé aux catholiques de cesser la
lutte sur le terrain constitutionnel, il
leur a expliqué que c'était pour mettra
un terme aux querelles qui les affai-
blissaient en les divisant entre eux et
pour concentrer tous leurs efforts dans
la lutte contre la législation, c'est-à-
dire précisément contre les mesures pri-
ses pour faire rentrer le parti catholi-
que dans le droit commun et pour
assurer la supériorité de la société ci-
vile.
La meilleure preuve que le parti ca-
tholique, en acceptant la République,
n'entendait renoncer à aucune de ses
prétentions ou de ses revendications,
c'est sa conduite même, depuis qu'il a
évolué vers la République. En effet,
c'est depuis ce temps que s'est produite
l'affaire des catéchismes électoraux et
que la campagne contre le prétendu es-
prit sectaire des républicains s'est pour-
suivie avec le plus de violence. A la
veille des élections, le parti clérical
s'est agité plus que jamais, ramassant
toutes les armes contre les républicains,
exploitant contre eux tous les scandales,
tous les mensonges, ne reculant devant
aucun moyen pour les supprimer. En
ces derniers mois même, il a montré un
nouvel exemple de sa volonté de défen-
dre jusqu'au bout ses privilèges, et ni
le cabinet dans son ensemble, ni M.
Spuller en particulier n'ont été épargnés
à propos du décret sur la comptabilité
des fabriques.
En présence de cette persistance des
revendications du parti clérical, de cette
combativité dont tant de départements
ont eu le récent spectacle et dont les dé-
putés ne peuvent pas avoir perdu le sou-
venir, les déclarations de M. Spuller et
l'annonce de l'avènement d'un « esprit
nouveau » ne pouvaient qu'éveiller bien
des inquiétudes.
Il a fallu que le président du conseil
vînt au secours du ministre des cultes
pour rétablir les choses; encore, malgré
ses déclarations, il y a eu 136 absten-
tions dont 98 de républicains, et 120
voix contre l'ordre du jour accepté par
le gouvernement, dont 17 seulement de
la droite.
Ceci montre clairement que la majo-
rité républicaine est loin de partager la
façon de voir exposée par M. Spuller et
que, si elle entend apporter dans la ques-
tion religieuse le même esprit de tolé-
rance que ses devancières, elle n'estime
cependant pas qu'il y ait lieu de faire
une amende honorable ou un acte de
contrition et qu'elle entend faire préva-
loir la suprématie de la société civile.
Le gouvernement fera bien de tenir
compte de ces indications.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
SCRUTINS DE BALLOTTAGE
BOUCHES-DU-RHONE
Ire circonscription de Marseille
Inscrits 18.684. — Votants 12.014.
MM. Carnaud, cons.gén. social. 6.136 ELU
Chanot, cons. gén. rép. 5.736
[Il s'agissait de remplacer M. PeltraJ, nommé sé-
cateur. Au premier tour les voix s'étaient réparties
ainsi : MM. Carnaud, 4.923, Chanot, 4.311, Furby,
socialiste, 504.]
CORRÈZE
Arrondissement d'Ussel
Inscrits : —Votants :
MM. De]mas, rad. soc. 10.334 ÉLU
Brindel, rép.mod. 5.663
[Il s'agissait de remplacer M. Dellestable, élu sé-
nateur. Le 18 février, M. Delmas avait obtenu 4,888
voix, M. Brindel 2,602 et M. Coudert, républicain
modéré, 2,562.
GARD
Première circonscription d'Alais
Inscrits : 18.180 — Votants :
MM. Malzac, opport. 4.924 ÉLU
Gaussorgues, a. d., rép. rad. 4.896
Devèze, soc. 3.592
fil s'agissait de remplacer M. Desmons, élu sé-
nateur. Au premier tour les suffrages s'étaient
ainsi répartis :
MM. Gaussorgue. 2,970, André Gély, socialiste,
884, Henry Martin, socialiste, 382, Devèze. socia-
liste, 2,728, Dequaire, radical-socialiste, 1,471.]
ELECTION SENATORIALE
Indre-et-Loire
fer tour
Inscrits : 655. — Votants : 652
MM. Belle, anc. dép., rép. 208 voix
Pic-Paris, maire de Tours, rép. 205
Bidault, cons. gén., rad. 137
Docteur Guerdin, rad. soc. 58
Divers. 47
2e tour
MM. Belle 282 voix
Pic-Paris: 274
Bidau It 88
5e tour
MM. Belle. 325 ÉLU
Pic-Paris. 315
[Il s'agissait de remplacer M. Guinot, décédé. Il
avait été réélu au premier tour le 5 janvier 1888
par 437 suffrages.]
ELECTION DE M. MARTY
Carcassonne, 4 mars.
Election au conseil général pour le canton de
Saissac:
Inscrits : 1,368 ; votants : 744.
M. Marty, député, ministre du commerce, 709
voix, élu.
DÉPOT CLANDESTIN DE POUDRE
Le 13 janvier dernier, M. Didelot, libraire,
4, rue Saint-Hilaire, à La Varenne-Saint-
Hilaire, mourait sans laisser d'héritiers.
Hier, un huissier procédait à la vente par
autorité de justice des meubles et marchandi-
ses ayant appartenu au défunt.
La vacation tirait à sa fin ; seules, d'énormes
caisses d'un poids considérable, remisées dans
les combles ; restaient à adjuger, au dire de
l'officier ministériel elles devaient contenir
des livres et du papier.
Un acheteur incrédule en demanda l'ouver-
ture, à laquelle il fut aussitôt procédé ; on
juge de la stupéfaction des assistants quand
ils virent tirer de l'énorme caisse des boîtes
de poudre de chasse.
Cette caisse et toutes les autres en étaient
pleines, il y en avait 4,000 kilogrammes ; la
panique se déclara alors au milieu des assis-
tants parmi lesquels se trouvaient de nom-
breux fumeurs et la maison fut évacué en
quelques minutes.
L'huissier informa télégraphiquement de
sa découverte M. Soullière, commissaire de
police de la circonscription de Joinville-le-
Pont.
Ce magistrat se transporta aussitôt sur les
lieux et découvrit, en outre des caisses de
poudre trouvées par l'huissier, un nombre
considérable de pièces d'artifice.
Il réquisitionna aussitôt deux grandes ta-
pissières dans lesquelles on eut toutes les
peines du monde à placer les matières explo-
sives et les fit conduire sous bonne escorte
au laboratoire municipal.
LORD ROSEBERY
LE SUCCESSEUR DE M. GLADSTONE
Démission officielle. — Le choix de
la reine. — Remaniements
ministériels
- (DB XOTRB CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 4 mars.
La reine a officiellement accepté la démis-
sion de M. Gladstone ; lord Rosebery a ac-
cepté le poste de premier ministre. Telle est
la nouvelle qu'annoncent tous les journaux
et qui met fin aux combinaisons et aux intri-
gues que la retraite du great old man avait
soulevées.
La reine viendra donc demain à Londres,
elle recevra lord Rosebery à la cérémonie du
« baise-main » et aussitôt après on procédera
aux remaniements ministériels que nécessite
naturellement la démission du « premier ».
Ces remaniements ne paraissent pas d'ail-
leurs devoir être bien considérables.
Voici en quoi ils consisteraient : Lord Kim-
berley succéderait aux affaires étrangères à
lord Rosebery qui remplace M. Gladstone
comme premier lord de la trésorerie; M. John
Morley deviendrait ministre des Indes à la
place de lord Kimberley et enfin M. Herbert
Gladstone passerait au secrétariat de l'Irlande,
à la place de M. John Morley.
LE NOUVEAU « M. LE PREMIER »
Nous faisons suivre cette dépêche de notre
correspondant de Londres de quelques lignes
biographiques sur la personne de lord Rose-
bery.
Lord Rosebery est maintenant un person-
nage trop important pour qu'on ne soit pas
désireux de connaître un peu le caractère et
le passé de l'homme qui est appelé à présider
aux destinées du Royaume-Uni.
L'homme
Lord Rosebery n'est pas, comme on l'a dit
souvent, le benjamin des membres du cabi-
net que présidait hier encore M. Gladstone.
M. Asquith et M. Arnold Morley — qu'il
ne faut pas confondre avec son célèbre ho-
monyme M. John Morley — sont de quel-
ques années plus jeunes que lui. Ils ont l'un
quarante-deux et l'autre quarante-quatre
ans. Lord Rosebery en a quarante-sept.
Il est né à Londres, du mariage de lord
Dalmeny avec une fille du quatrième comte
Stanhope. Sa famille — la famille des Prim-
rose — est l'une des plus illustres de l'aris-
tocratie écossaise. Elle reçut le titre de ba-
ronnet de Charles Ier, et il est lui-même le
quatrième enfant du premier baronnet à qui
fut décerné le titre de earl (comte) de Rose-
bery. Il a également dans les veines du sang
de lord Chatham et de William Pitt, pour
qui, soit dit en passant, il/professe une ad-
miration particulière.
Grand seigneur de race, de goûts et de ma-
nières, mais démocrate par ambition, lord
Rosebery n'est pas homme à être gêné par les
préjugés.
Il en donna la preuve en épousant, en 1878,
Mlle Anna de Rothschild, fille du baron
Mayer de Rothschild,- ce qui fit dire à quel-
ques journaux allemands qui poussent un
peu trop loin la manie de l'étymologie,
qu'il était un sémite déguisé dont le grand-
père, brocanteur à Francfort, portait le nom
de. Rosenberg.
Ce mariage, qui fit quelque bruit à l'épo-
Ce mariagec, 'était lu première fois qu on
que, — car qu on
voyait une Rothschild épouser un chrétien,-
fut à tous égards heureux.
Il procura à lord Rosebery une fortune con-
sidérable dont, à vrai dire, il n'avait pas be-
soin, étant lui-même fort riche, et lui valut
— ce qui est mieux -l'affection d'une femme
aimable et distinguée qui fut un peu son
Egérie politique et dont U n'a point cessé,
après trois années de veuvage, de pleurer la
mort.
C'est peut-être là la seule douleur qu'ait
connue le chef du Foreign-Office. Mais elle a
été très réelle, et, de fait, il a depuis beaucoup
vieilli.
Lord Rosebery, qui partageait autrefois
avec lord Randolph Churchill et M. Herbert
Gladstone le privilège d'être représenté dans
les journaux satiriques sous les traits d'un
jeune « boy », n'est plus, en effet, à présent
le poupon rose et frais qu'on a connu. Sa fi-
gure est bien toujours soigneusement rasée,
sa tenue est bien toujours.aussi élégante,aussi
correcte, mais il a grossi, il s'est épaissi,
et l'embonpoint lui a fait perdre cet aspect
juvénile qui était encore si remarquable en
lui quand il doublait le cap de la quaran-
taine.
Le politique
Bien qu'il fit partie de la Chambre des lords
depuis tantôt vingt six ans, le comte Ro-
sebery ne s'était guère occupé de politique
avant son mariage. Le sport avait absorbé
tout son temps et les champs de courses lui
étaient plus familliers que le Parlement où
l'on n'avait eu l'occasion de le remarquer qu'en
de rares circonstances, notamment en 1871,
un jour où M. Gladstone l'avait chargé de lire
à la Chambre des pairs l'adresse à la cou-
ronne, et un peu plus tard, au cours d'un dé-
bat sui l'instruction publique.
Nommé en 1878 recteur de l'Université
d'Aberdecn et deux ans après recteur de
l'Université d'Edimbourg, lord Rosebery,
dont l'ambition excitée par sa femme com-
mençait à s'affirmer, abandonna résolument
ses fonctions pour s'engager à fond dans la
lutte des partis.
On l'appelle alors — c'était en 1881 —
au sous-secrétariat des affaires étrangères.
Il y fit un stage assez court, mais qu'il mit
merveilleusement à profit.
Ce fut au point que lorsqu'en 1885 M.
Gladstone songea à envoyer à M. de Bis-
marck un représentant extraordinaire en vue
d'amener une amélioration dans les relations
de l'Angleterre et de l'Allemagne qui étaient à
ce moment un peu tendues, il n'hésita pas
une seconde à s'adresser à lui.
Lord Rosebery mena à bien la mission qui
lui était confiée. Il y avait, à la vérité, moins
de mérite qu'un autre, étant lié d'amitié avec
le fils aîné du chancelier. Ceci ne l'empêcha
pas pourtant de montrer des qualités de fi-
nesse et d'habileté très réelles qui furent una-
animent appréciées et qui lui valurent d'être
choisi pendant la courte administration glad-
stonienne de 1886 comme chef du Foreign-
Office.
Lord Rosebery se révéla tout de suite dans
ce nouveau poste, homme d'Etat de premier
ordre, réussissant si bien à s'imposer à l'at-
tention que les conservateurs eux-mêmes ne
firent pas difficulté de convenir qu'il était
digne de succéder à lord Salisbury.
Favori de la cour et du peuple
C'était l'action qu'il avait exercée dans le
règlement des difficultés soulevées par la
guerre serbo-bulgare qui lui avait acquis ainsi
la faveur des politiques. Son rôle, comme pré-
sinent du county councii de Londres ne de-
vait pas tarder à lui gagner également la fa-
veur des masses.
Il y fut élu en 1888. Il s'employa d'abord,
avec une adresse étonnante, à discipliner, à
assagir les éléments un peu brouillons de
cette assemblée. Puis, sentant que l'avenir
appartenait toujours au plus hardi, il alla de
l'avant, s'efforçant de dégager d'une façon
nette et précise des aspirations encore trop
confuses.
Le succès répondit à son attente et bientôt
il devint l'un des hommes les plus populaires
du Royaume-Uni.
Il n'avait d'ailleurs rien négligé pour frap-
per les esprits.
Lord, il menait campagne contre les lords ;
grand seigneur, il se fachait tout rouge pour
peu qu'on oubliât de l'appeler « monsieur.
aristocrate, il défendait les réformes les plus
démocratiques ; millionnaire, il soutenait des
solutions qui n'étaient, en somme, que du so-
cialisme d'Etat.
Après la mort de sa femme, en novembre
1890, lord Rosebery se retira cependant quel-
que temps de la scène politique. Il donna sa
démission de président du county councii
de Londres et vécut dans l'ombre à l'écart.
Il ne sortit de la retraite qu'en juillet 1892,
pendant la période électorale, pour prononcer
un discours devant les électeurs de White-
chapel.
Ce discours, où il affirma que les libéraux
avaient l'intention d'adopter vis-à-vis des
puissances étrangères le même système que
les conservateurs, pourvu que ce système
comportât le maintien des bonnes relations
avec tous les pays « y compris la France, au
sujet de laquelle il semble y avoir, faisait-il,
quelque doute secret », laissait, par avance,
clairement entrevoir qu'il n'avait pas dit un
éternel adieu à la politique et que c'était à
lui que devait revenir, dsns le prochain mi-
nistère, le portefeuille des affaires étrangè-
res.
Il crut bon, toutefois, de faire quelques
difficultés pour l'accepter. Il se prétendit ma-
lade, alla à Paris consulter le docteur Char-
cot, fit tant et si bien, en un mot, qu'il passa
pour « l'homme indispensable » et qu'au lieu
d'entrer simplement dans le cabinet comme
les autres ministres, il y parut dès le début
comme le successeur désigné du grand chef.
La comédie fut jouée en artiste consommé;
jamais peut-être lord Rosebery n'a déployé
autant d'adresse, autant de diplomatie qu'en
cette circonstance.
Il en recueille aujourd'hui les avantages et
nul n'en saurait être surpris.
Il y a, d'ailleurs, plus d'un an que M. Glad-
stone, envisageant la possibilité d'une retraite,
disait en parlant de lui : « The first claim is
for lord Rosebery ; lord Kimberley has only
the second claim » (la première place revient
à lord Rosebery; lord Kimberley ne passe
qu'en second rang).
Gentleman accompli, froid et correct, le
nouveau « M. le Premier » a tout ce qu'il
faut pour plaire aux gens du monde dont il
flatte le jingoïsme en se faisant, à l'extérieur,
l'énergique défenseur des traditions de la po-
litique britannique.
Orateur de talent, maître de lui et simple
de manières, il Jvaussi tout ce qu'il faut pour
séduire le peuple dont il défend les revendi-
cations avec une chaleur qui, sans aller jus-
qu'à la conviction, n'en donne pas moins
souvent l'illusion.
Les radicaux qui ont essayé de contrecar-
rer sa fortune, ne lui tiendront sans doute pas
longtemps rigueur. Il saura ramener à lui
tous les concours, comme il a su réunir à
la fois sur son nom les sympathies de la cour
et celles de la foule, qui sont pourtant si
rarement d'accord.
Quant à nous personnellement, son arrivée
au pouvoir ne peut que nous laisser assez
indifférents. Elle ne changera rien, en effet, à
l'état de nos rapports, puisque c'est lui qui les
dirige depuis dix-huit mois.
Nous savons bien que ses tendances ne
vont pas vers nous et qu'il a des amitiés en
Allemagne. Mais nous pouvons aisément
nous en consoler, car, quel que fût le succes-
seur de M. Gladstone, le résultat eut été à cet
égard à peu près identique. i
l' AFFAIRE RAMON-ROTHSCHILD
CONCLUSIONS POUR LES ROTHSCHILD
Nous avons dit les origines de ce curieux et
caractéristique procès intenté à M. de Roth-
schild par l'ingénieur Hamon, lequel se pré-
tend dépouillé par le fait d'une société fondée
et présidée par M. de Rothschild.
Quand on voit un négociant honorable
comme M. Mansard plaider contre l'héritière
des Rothschild pour lui réclamer son dû, il
semblerait naturel qu'on penchât pour le né-
gociant, ainsi que d'ailleurs a fait le tribunal
puisqu'il a condamné la baronne de Zuylen,
née Rothschild, à payer, avec les intérêts du
jour de la demande, à M. Mansard la mo-
deste facture de 2,734 francs dont elle ne rou-
gissait pas de lui faire attendre le payement
denuis deux - ans.
De même dans l'affaire Hamon on ne trou-
verait certainement pas extraordinaire que le
XIX- Siècle prit un peu le parti du modeste
et laborieux ingénieur contre le milliardaire.
Cette tendance si légitime, nous ne voulons
cependant pas y céder. Nous voulons au con-
traire nous appliquer à mettre impartiale-
ment sous les yeux du public les pièces du
procès, afin que chacun puisse clairement
comprendre la grande portée de ce petit procès
et se rendre compte des véritables sentiments
des milliardaires à l'égard de quinconque
travaille et produit.
Nous avons publié quelques passages de
l'assignation de M. Hamon. Afin de bien éta-
blir notre impartialité, nous allons publier
aujourd'hui, non pas partiellement mais in-
tégralement, les premières conclusions par
lesquelles il lui a été répondu :
Conclusions
Pour : La Société pour la transmission de la
force par l'électricité. (Fondateur et président,
Rothschild.)
Défenderesse. Denormandie.
Contre : M. Hamon (ingénieur).
Demandeur. Dumesnil.
Plaise au tribunal :
Attendu que M. Hamon a assigné la concluante
en payement de 600,000 fr. de dommages-intérêts
pour le préjudice qui lui aurait été causé, sous le
prétexte qu'une annuité n'aurait pas été payée sur
le brevet pris par lui le 8 juin 1889, laquelle an-
nuité aurait dû être payée par les soins de la so-
ciété concluante.
Attendu que s'il est vrai que cet oubli ait été
commis par la société défenderesse, il n'en résulte
pas nécessairement qu'un dommage quelconque
ait été causé à M. Hamon ;
Qu'en effet, pour établir la perte que lui cause-
rait la déchéance de ce brevet et par suite la priva-
tion des bénéfices éventuels de la participation
dont il parle, il lui faudrait prouver qu'un béné-
fice quelconque aurait pu être tiré de l'exploitation
de son brevet ;
Que la société prétend, au contraire, que le
brevet en question était inexploitable et par con-
séquent sans valeur;
Que dès lors M. Hamon n'aurait pu en tirer au-
cun résultat, qu'il n'a donc été prive d'aucun béné-
fice par le fait de la société ;
Par ces motifs,
Déclarer le demandeur non recevable, en tous cas
mal fondé en sa demande, l'en débouter ;
Et le condamner aux dépens, dont distraction au
profit de M* Denormandie.
Sous toutes réserveg. Et ce sera justice.
Vous ne ferons pour aujourd'hui, au sujet
de ces conclusions, que deux courtes remar-
ques.
Mais ces deux remarques, que le public a
certainement déjà faites, ont leur impor-
tance :
Primo. Ces conclusions contiennent l'aveu
formel que l'engagement pris d'acquitter les
annuités du brevet de M. Hamon n'a pas été
tenu/ou en d'autres termes que M. de Roths-
child n'a pas payé sa dette.
Secundo. Les conclusions disent que le
brevet de M. Hamon est sans valeur. Mais
alors pourquoi l'avez-vous acheté? Pourquoi
avez-vous signé avec M. Hamon pour l'exploi-
tation de ce brevet un traité en participation
dont nous publierons le texte quand le mo-
ment sera venu ? Ce brevet a été longuement
étudié parle conseil d'administration de votre
société, dans lequel figurent des ingénieurs
comme M. Sartiaux, chef de l'exploitation des
chemins de fer du Nord, et comme M. Sola-
eroup. Ce n'est pas des gens comme vous
qu'on peut tromper sur la valeur d'un brevet.
Conseillés comme vous l'êtes, si le brevet de
M. Hamon n'avait rien valu vous ne l'auriez
pas acheté : mais aujourd'hui qu'il s'agit de
le payer, vous employez à l'égard de M. Ha-
mon exactement le même procédé que la
baronne de Zuylen, née Rothschild, à 1 égard
de M. Mansard.
La baronne de Zuylen commande à M.
Mansard un service de table, l'accepte, le
trouve superbe, puis deux ans après, quand
on lui réclame la facture, elle s'aperçoit que le
service n'est plus à son goût et elle refuse le
payement. Il a fallu que le fournisseur la fit
condamner pour avoir son argent.
Pour le brevet Hamon, vous vous aperce-
vez quatre ans après l'avoir acheté qu'il a
cessé de vous plaire.
Et cette découverte, vous la faites, comme
Mme de Zuylen, le jour où on vous présente la
facture.
Cette découverte vraiment tardive n'est
d'ailleurs pas le seul côté surprenant de cette
invraisemblable affaire.
Nous y reviendrons.
TaIns du PrOurèS
LA DISTRIBUTION DU FROID
L'un des traits les plus caractéristiques
de nos civilisations modernes, c'est assu-
rément la multiplication croissante des
entreprises collectives destinées à satis-
faire aux besoins qui relevaient exclusi-
vement autrefois des précaires hasards
de l'initiative individuelle. Autrefois, cha-
que individu ou chaque famille devait, à
ses risques et périls, veiller à ses intérêts
immédiats, depuis ceux de sa défense et
de son alimentation, jusqu'à ceux de son
bien-être, de son confort et de son luxe.
Puis, peu à peu, l'esprit de solidarité
s'est développé, et, de compte à demi avec
le principe, de mieux en mieux compris
et appliqué, de la division du travail, a
commencé de transfigurer les sociétés et
de changer la face du monde.
A l'heure où nous sommes, l'éclairage,
la voirie, les transports, les communica-
tions postales, la sécurité des personnes
et des biens, l'hygiène, etc., — toutes né-
cessités dont la garantie fragmentaire est
si difficile — sont déjà devenus autant de
services publics et d institutions sociales.
Et nous ne sommes pas au bout I Il s'en
faut même de beaucoup que nous ayons
épuisé cette évolution, dont la lenteur
n exclut point l'infaillibilité.
Je n'en veux d'autre preuve que l'aug-
mentation indéfinie de ces distributions
générales à domicile qui tendent de plus
en plus à dispenser les habitants desgran-
des villes des efforts, des aléas, des désa-
gréments et des responsabilités qu'impli-
quait encore, il y a quelques années à
pine, la recherche d'une foule de menues
satisfactions.
On distribue déjà at home, dans des
conditions de certitude et de régularité qui
auraient paru invraisemblables à nos pè-
res, la lumière, le son, l'heure, la force
motrice, la chaleur, l'eau potable. On va
bientôt distribuer également la désinfec-
tion et l'antisepsie.
En tout cas voici maintenant qu'on dis-
tribue couramment, chez tous les abon-
nés de bon vouloir, un agent trop long-
temps négligé, le froid. Il va de soi que
ce n'est pas dans notre vieille Europe,
routinière, pusillanime et tâtillonne, que
ce paradoxe a pris corps. C'est en Amé-
rique, et dans l'extrême Far-West encore,
à Denver (Colorado), une ville improvi-
sée d'hier au milieu de la Savane. Je me
hâte d'ajouter que la ville de Saint-Louis,
dans le Missouri, n'a pas tardé à em-
boîter le pas à sa sœur cadette.
Mais c'est à Denver que le système a
vu le jour. Depuis le mois d'août 1889-
date à laquelle il fut créé de toutes pièces
par un audacieux initiateur du nom de
David Brauson — il fonctionne sans in-
terruption, sans anicroche, à la grande
satisfaction de tous les intéressés, qui ne
voudraient plus, à ce qu'il paraît, revenir
aujourd'hui à l'emploi de la glace natu-
relle ou artificielle, alors même qu'on la
leur donnerait pour rien.
Voici, au surplus, quelle est l'économie
du système :
Une usine centrale refoule dans d'im-
menses réservoirs spéciaux, à une pres-
sion qui n'est pas moindre de 10 kilo-
grammes par centimètre carré, des flots
d'ammoniaque liquide. De là, l'ammo-
niaque est dirigée vers les points d'utili-
sation, dans les maisons particulières, où
il n'y a plus, pour obtenir le refroidisse-
ment désiré, qu'à provoquer au moment
opportun son évaporation. On sait en
effet que l'ammoniaque absorbe en te
vaporisant une énorme quantité de calo-
rique qu'elle emprunte naturellement,
au milieu ambiant, dont la température
s'abaisse en conséquence.
Ce résultat est obtenu à l'aide d'un jeu
de tuyaux disposé dans l'épaisseur des
murs ou au-dessous du parquet et qu'on
nomme « le serpentin d'expansion ». C'est
là que se fait la détente de l'ammoniaque
dont on règle le débit - proportionnelle-
ment à l'intensité du froid à obtenir —
en ouvrant plus ou moins une valve com-
mandée par un robinet.
Une fois volatilisée, et après avoir ac-
compli sa besogne rafraîchissante, l'am-
moniaque est aspirée par une seconde ca-
nalisation jusqu'à l'usine, où elle retourna
ainsi pour être dissoute, distillée, liqué-
fiée et distribuée de nouveau, au moyen
d'une machinerie ad hoc fort ingénieuse-
ment combinée.
Ce qu'on réalise ainsi n'est pas à pro-
prement parler une production de froid.
C'est plutôt une soustraction de chaleur,
absolument comme si l'on plongeait une
bouteille de Champagne dans un seau rem-
pli de glace pilée. Mais le résultat est le
même.
Et ce résultat peut être, le cas échéant,
infiniment précieux, non seulement pour
la conservation des viandes, poissons, li-
queurs et autres denrées corruptibles,
mais encore pour l'assèchement, le refroi-
dissement et là purification des salles de
restaurants ou de cafés, caves, bureaux,
théâtres, magasins, hôpitaux, brasseries,
etc., etc. Sous les climats torrides et éner-
vants de la zone tropicale, une installa-
tion de ce genre doit être considérée comme
un inestimable bienfait.
Un restaurateur de Saint-Louis a même
conçu et réalisé la curieuse idée d'organi-
ser un établissement dont la température
ne varie pas d'un bout à l'autre de l'an-
née, grâce à une combinaison de tuyaux
courant le long des cloisons et recevant
suivant la saison, soit un flux glacé d'am-
moniaque, soit un jet de vapeur tiède. Le
printemps perpétuel !
Il va de soi qu'on n'est pas arrivé du
premier coup à l'ultime perfection. La
question des compteurs, la question des
fuites, la question des suspensions et ar-
rêts du service, la question des ruptures
de conduites, etc., ont naturellement pré-
senté de nombreuses et graves difficultés
dont on n'a eu raison qu'à force d'ingé-
niosité, de savoir-faire, d'énergie et de pa-
tience.
Aujourd'hui le problème peut être con-
sidéré comme résolu ; l'expérience — une
expérience industrielle et pratique de
plus de quatre années consécutives — l'a
définitivement consacré, et la station de
Deuver marche régulièrement de façon à
engendrer une froidure qui peut être éva-
luée en un nombre de frigories corres-
pondant àla production journalière de 90
tonnes de glace. Le tout est mis aux
mêmes conditions et moyennant les
mêmes avantages à la disposition des
petits comme des gros consommateurs.
Plus n'est besoin d'être millionnaire pour
vivre à la fraîGhe et boire frappé : on vous
sert en effet ad libitum pour 50 dollars
ou pour 2 cents de ce froid circulatoire,
qui a pourtant l'air a priori d'être la
moins divisible et la moins maniable des
marchandises. Libre même à tout un qui-
conque, si le cœur lui en dit, d'établir un
petit shating en chambre: il suffit en
effet, pour cela, de tourner une manivelle,
après avoir préalablement vidé quelques
seaux d'eau sur le plancher. Libre aux
plus pauvres d'avoir ainsi le Palais de
glace — comme on avait Enghien — chez
soi, au rabais.
On ne connaissait jusqu'ici que onze
variétés de distributions urbaines par tu-
bes ou par fils: l'eau douce, le gaz, l'air
comprimé, l'air raréfié, l'eau sous pres-
sion, la vapeur, l'énergie électrique, les
télégrammes pneumatiques, les télégram-
mes électriques, les messages et auditions
téléphoniques. L'antiseptie par « l'hermi-
tine » canalisée était a la veille de com-
pléter la douzaine — abstraction faite, bien
entendu, de la canalisation centrifuge des
eaux d'égout, qui ne peut être considérée
que comme une distribution à rebours,
puisque, saufvptre respect, elle soustrait
au lieu d'apporter. La distribution du
froid va ouvrir un treizième chapitre au
budget des surprises.
C est égal ! m'est avis que si cela conti-
nue, ce sera plutôt une délicate besogne,
aux siècles prochains d'ouvrir une tran-
chée dans le sol, vascularisé comme un
morceau de chair vive, de nos boulevards
et de nos rues 1
Raoul Lucet.
La Compagnie Transailantip
XII
LA DÉFENSE DE M. EUGÈNE PEREIRB
L'Evénement, qui parait être devenu le
« Petit Moniteur » de la Compagnie transatlan-
tique, nous consacre dans lieS numéros de
samedi et de dimanche trois acticles.
Le premier article est intitulé Dessous de
cartes, le second tout simplement : la Trans-
atlantique. Le troisième article n'a pas de
titre : c'est un « ancien actionnaire) qui parle.
Quant aux Dessous de cartes, nous ne noue
en occupons pas. Nous ne connaissons ni la
Compagnie Ronache ni la maison Caillot-
Saint-Pierre. Nous ignorons leurs « rêves ».
D'ailleurs nous n'interprétons pas les songes.
Tout ce qui est révélé de la grande conspira-
tion dans laquelle la société des Chantiersd
la Méditerranée, la Société générale et le
Crédit industriel jouent des rôles émouvants,
— toute cette grande conjuration est de l'hé-
breu pour nous. Tout cela d'ailleurs n'a au-
cun rapport avec notre sujet. Ce sont des
phrases tout autour de ce que nous aVODS-
dit. Nous n'avons par conséquent rien à ré-
pondre.
Le second article: la Transatlantique, com-
mence par faire l'éloge de toutes les compa-
gnies de navigation françaises. Nous som-
mes convaincus que ces éloges sont méritéa-
sauf, bien entendu, en ce qui concerne la Com,
pagnie transatlantique. Mais ces éloges n'ont
aucun rapport non plus avec notre sujet, par-
faitement délimité, qui est la déplorable ad-
ministration qui a ruiné la Compagnie trans*
atlantique.
L'auteur nous dit que les épargnistes inté-
ressés dans la Compagnie transatlantique
sont très nombreux. Nous le déplorons amè-
rement. Nous espérons qu'ils sont déjà moins
nombreux depuis qu'ils ont suivi notre discus-
sion. Nous ne saurions trop leur conseiller de
vendre soit leurs actions, soit leurs obliga.
tions pendant que M. Pereire les achète en-
core. C'est le seul moyen pour eux d'éviter
une perte totale pour les uns et beaucoup plus
grande pour les autres.
L'auteur ajoute que la Compagnie transat-
lantique proche du travail à 9 ou 10,000 of-.
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