Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-03-05
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 05 mars 1894 05 mars 1894
Description : 1894/03/05 (A24,N8085). 1894/03/05 (A24,N8085).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
VINGT-OUÀTRIÉME ANNÉE. - N- 8,085 LE NUMÉRO CINQ CENTIMES LUNDI 5 MARS 1891
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Parlementarisme Anglais
En tout pays, le remplacement d'un
premier ministre est un fait considéra-
„ ble ; et le départ de M. de Bismarck a
montré que même dans une monarchie
à tendance césarienne un homme d'E-
tat ne quittait pas le pouvoir sans qu'il
en résultât de profondes modifications
dans le système général de gouverne-
ment.
Aussi, quoique la démission de M.
Gladstone soit amenée par cette maî-
tresse impérieuse de l'humanité qui
s'appelle la vieillesse, sa disparition de
la scène politique peut avoir pour l'An-
gleterre des cônséquences. imprévues,
chez un peuple où le régime parlemen.
taire est tout-puissant; la personnalité
du chef du cabinet constitue un dra-
peau.
En Angleterre, les ministres doivent
siéger dans l'une des deux Chambres
du Parlement; mais ils ne peuvent
prendre la parole que dans l'assemblée
dont ils font partie.
Quand le président du conseil est dé-
puté, il doit faire défendre ses actes
devant les lords par un de ses collè-
gues lord lui-même; et réciproque-
ment un premier ministre, membre de
«. la Chambre des communes, n'entre pas
dans la Chambre des nobles-pairs.
Il y a là une gêne dont nous ne pou-
,()h. cour l'avantage, à cause de
lie- dlti démocratiques, mais qu'on
doit admettre, du moment où on accepte
les formules aristocratiques encore si
respectées de l'flutè coté de la Man-
che.
*
* #
Quoique la Chambre des communes
soit en réalité plus puissante que nos
députés, elle à conservé les formes exté-
rieures de la plus excessive déférence
vis-à-vis de la monarchie qu'elle pour-
rait légalement abolir si elle le vou-
lait.
Ainsi, à l'ouverture de chaque session,
la séance royale a lieu dans une salle
où tous les lords sont assis dans de so-
lennels fauteuils, tandis que les députés
se pressent humblement debout derrière
une barrière, comme des accusés.
Le « speaker » ou président de la
Chambre des communes demande l'au-
torisation de siéger, ce qui lui est ac-
cordé au nom de la reine par le lord-
chancelier.
Les députés se retirent alors, rentrent
chez eux, et, malgré cette étiquette
surannée, sont les maîtres de l'Angle-
terre. Le 31 décembre de chaque année,
si Je bill sur Farmée n'était pas voté,
chaque soldat aurait le droit le lende-
main de jeter son fusil et de s'en
aller.
, *#
Le principe de l'obéissance à la majo-
rité parlementaire est poussé si loin
que, lors d'un changement de cabinet,
la reine doit remplacer ses chambellans
et ses dames d'honneur.
A défaut de la loi, l'usage ne permet
pas que la souveraine conserve autour
de sa personne, pour son service privé,
des adversaires de son ministère ; et ce
n'est pas là, par parenthèse, une des
moindres preuves du bon sens britan-
nique.
De la sorte, en effet, l'Angleterre n'a
pas à redouter les influences occultes
d'un entourage de courtisans. Les « ca-
marillas », qui ont été le fléau de l'Es-
pagne, qui sont si funestes dans les
monarchies et parfois même dans les
républiques, sont rendues impossibles.
Chez nos voisins, d'ailleurs, les par-
tis sont mieux enrégimentés qu'en
France. On ne voit pas, à Londres
comme à Paris, certains hommes poli-
tiques renaissant de leurs cendres, ainsi
que le phénix, se survivre à eux-mê-
mes et faire partie du cabinet qui rem-
place celui auquel ils appartenaient.
Quand un ministère tombe, il s'en va
tout entier ; et il ne viendrait à l'idée de
personne d'en recoller les morceaux
brisés.
L'anecdote du fameux couteau de
Jeannot, dont on changeait le manche
et la lame successivement, peut être
racontée au Palais-Bourbon, elle ne
trouverait jamais son application à
Westminster-palace.
*%
Le chef du parti qui a la majorité à
la Chambre des communes est chargé
par la reine de former le cabinet. Il a
le choix absolu de ses collaborateurs et
porte le titre de « premier ».
Le ministère se compose des mem-
bres suivants: le premier-lord de la
Trésorerie, le lord-président du conseil
privé, le lord haut-chancelier, le chan-
celier de l'Echiquier, les cinq secrétai-
res d'Etat de l'intérieur, des affaires
étrangères, des colonies, de la guerre,
de l'Inde.
La direction suprême de tout ce qui
concerne la marine et les expéditions
navales est confiée à une commission
supérieure dont les membres portent le
titre de lords de l'amirauté, et remplis-
sent leurs fonctions au nom du lord
grand-amiral, qui est le neuvième grand-
officier de la couronne.
Outre les ministres, un nombre assez
considérable de sous-secrétaires d'Etat
sont associés au ficouvernewent*
Les Anglais pensent qu'il convient
d'initier aux affaires publiques le plus
possible d'hommes politiques. C'est un
moyen de satisfaire beaucoup d'ambi-
tions personnelles et de s'appuyer sur
des intérêts privés multiples.
Mais, pour assurer dans la conduite
des bureaux la direction permanente
nécessaire, il y a, dans chaque minis-
tère, en dehors du sous-secrétaire d'Etat
politique, un sous-secrétaire d'Etat,
simple fonctionnaire, qui, lui, ne change
pas avec les ministres et qui maintient
la tradition administrative.
**♦
On est surpris quand on voit de près
la vie parlementaire anglaise, du laby-
rinthe d'usages, de règlements, de pres-
criptions diverses, dans lesquels un
député doit se reconnaître, s'il veut
prendre de l'importance.
Il feut siéger depuis longtemps avant
de pouvoir se risquer à intervenir dans
un débat, sans commettre d'hérésie.
Les Anglais n'abrogent jamais rien.
Quand une chose les gêne, ils se bor-
nent à la laisser tomber en désuétude.
Un jurisconsulte anglais trouve toujours
un texte plus ou moins séculaire pour
légitimer une décision.
Ainsi, par exemple, légalement les
séances du Parlement ne sont pas pu-
bliques, ce qui n'empêche pas que les
tribunes soient pleines. On fait sem-
blant de ne pas voir les spectateurs.
Il est prohibé également, sous les
peines les plus sévères, de rendre
compte des débats. Tous les journaux
le font et les comptes-rendus remplissent
leurs colonnes, mais on pourrait jeter
les journalistes - en prison.
A la Chambre des lords, où chacun
siège en vertu de son droit personnel,
on peut donner sa procuration de vote.
Quelques hommes considérables dispo-
sent ainsi de nombreux bulletins appar-
tenant à leurs collègues qui chassent le
renard et voyagent pour leur plaisir.
En revanche, et fort justement, les
Anglais n'admettent pas qu'un député
délègue à un autre son mandat. Quand
il s'agit d'un scrutin, les députés sor-
tent par la porte de droite ou par celle
de gauche, suivant qu'ils acceptent ou
repoussent la loi. Les scrutateurs des
deux partis sont aux portes et comp-
tent.
De la sorte, ceux-là seuls votent qui
ont assisté aux débats. Il n'existe pas
de quorum ; tant pis pour les absents
qui ne remplissent par leur devoir.
Un scrutin est irrévocablement ac-
quis et ne peut jamais se recommencer,
et on prétend que, pour aller, fumer une
cigarette, un député prie son collègue
du parti opposé, de venir avec lui à la
buvette afin que la majorité ne soit pas
changée.
La démission de M. Gladstone précé-
dée par son discours contre la résistance
des lords aux réformes fait, dit-on,
plaisir à la reine qui n'a jamais aimé
le célèbre homme d'Etat.
Elle ne lui pardonnait pas l'attitude
hautaine de quaker protestant qu'il
avait toujours gardée vis-à-vis de John
Brown, ce domestique écossais, auquel
une statue a été élevée par ordre de la
souveraine dans un de ses parcs
royaux.
Thomas Graindorge.
LA CHASSE AUX ANARCHISTES
- .1':';; 1 1 1
Les arrestations quotidiennes
Pour ne pas en perdre l'habitude, commis-
saires et agents des brigades de recherches,
ont opéré, hier matin, leurs petites perquisi-
tions et arrestations habituelles. En voici la
liste :
M. André, commissaire de police, s'est
rendu chez l'anarchiste-fumiste Marius Tour-
nadre, 52, rue Ramey, où il a saisi un grand
nombre de papiers. Marius Toumadre a été
laissé en liberté.
M. Remongin, commissaire de police, a
opéré chez Alexandre Rigolet, 48, rue Lacé-
pède, à Levallois-Perret. Après une minu-
tieuse perquisition, le magistrat a mis Rigolet
en état d'arrestation.
M. Guilhem, commissaire de police, a ar-
rêté 71, rue du Bois, l'anarchiste Georges-
Henri Hébert ; il a saisi un grand nombre de
brochures, journaux et lettres de compa-
gnons.
M. jGavrelle, commissaire de police, s'est
rendu chez Heurtaux, 23, rue du Canal, et 14,
rue Olery, où il a opéré des perquisitions. Ce
compagnon a pris la fuite depuis plusieurs
jours.
M. Blondeau, commissaire de police, a
opéré chez Kelchestein, 169, boulevard Or-
nano, à Saint-Denis. Cet invidu est en
fuite.
M. Duponnois, commissaire de police, a
arrêté Jacob-Jean-Henri Malher, rue de la
Voyette, 10, à Saint-Denis. Il a saisi un grand
nombre de journaux et brochures.
M. Mourgues, commissaire de police, s'est
rendu à Asnières, 2, rue Lemaître, chez
l'anarchiste Lucien Fétis. Celui-ci a été ar-
rêté.
M. Martin, commissaire de police, a opéré
une perquisition 84, rue de Paris, à Boulo-
gne-sur-Seine, chez Eugène Thiébault, qu'il a
mis ensuite en état d'arrestation.
M. Lagaillarde, commissaire de police, se
présenta à Puteaux chez l'anarchiste Lami-
rauté qui est en fuite. Il a saisi un certain
nombre de lettres.
M. Gilles, commissaire de police, a arrêté à
Clichy Alexandre-Joseph Céaglio, 5, rue d'Al-
sace.
M. Poëte, commissaire de police, est allé à
Aubervilliers, chezDefosse, 46, rue Heurtaux,
qui est en fuite depuis lundi.
M. Pajot, commissaire de police, s'est pré.
senté chez Parisis, 88, avenue Victor-Hugo,
Aubervilliers, et l'a mis en état d'arresta.
tMB.
LA QUESTION BUSE
GRANDE SÉANCE A LA CHAMBRE
A propos des enterrements de Saint-De-
nis. — M. Spuller et l' « esprit nou-
veau ». —L'interpellation Brisson.
M. Goblet à la tribune. — L'or-
dre du jour de confiance.
L'incident Pelletan.
Le débat soulevé par M. Pelletan au sujet
de l'affaire Dupuy-Ducret devait être le gros
morceau de la séance d'hier. D est venu, ce
débat, et nous en parlerons un peu tout à
l'heure, négligeant l'ordre chronologique pour
arriver tout de suite à l'événement le plus
important.
Nous voulons parler d'une grande discus-
sion qui a surgi tout à coup et à l'improviste
— c'est du.moins ce qu'il a semblé — d'une
interpellation visant la politique religieuse du
gouvernement, et de son attitude vis-à-vis de
la droite et des ralliés.
Cette interpellation s'est greffée sur une
questiou de M. Denys Cochin, sur une simple
question qui ne paraissait pourtant pas bien
méchante. Le député de Paris s'était plaint de
l'arrêté par lequel le maire de Saint-Denis,
M. le député Walter, en interdisant sur la
voie publique les cérémonies religieuses et
l'exhibition des emblèmes du culte, n'allait à
rien moins qu'à prohiber les enterrements re-
ligieux. Le conseil d'Etat, qui n'a à se pla-
cer qu'au point de vue légal et non au
point de vue du respect de la liberté de
conscience, a reconnu que cet arrêté était
conforme à la loi de l'an X et le directeur des,
cultes a lui-même soutenu cette thèse de-
vant ledit conseil d'Etat. C'est ce dont M.
Cochin s'est surtout ému, et c'est sur ce point
qu'il a réclamé les explications du gouver-
nement.
Le gouvernement, c'était en la circonstance
M. Spuller, qui est ministre des cultes en
même temps que - de l'instruction publique.
Pauvre M. Spuller ! A peine rentré à Paris,
voilà que déjà on l'interpellait t
Le ministre a dit tout d'abord que les dé-
libérations du conseil d'Etat étant secrètes
ne sauraient être livrées aux discussions de
la tribune: R a "toutefois déclaré, pendant que
certains lui reprochaient ironiquement de
commettre des - divulgations du genre de
celles qu'il venait de condamner, que la dé.
cision du conseil d'Etat était parfaitement
conforme à la loi, au moins en ce qui con-
cerne la partie de l'arrêté du maire de Saint-
Denis, prohibant les cérémonies religieuses
sur la voie publique. - 0 U - u
Mais pour ce qui est d interdire l'exhibition
des emblèmes du culte, l'assemblée générale
du conseil d'Etat a cassé sur ce point le sus-
dit arrêté municipal. M. Spuller a proclamé
qu'on tel procédé, oppressif et tyrannique, a
la réprobation du gouvernement.
M. Spuller eût pu s'en tenir là; mais il a
tenu à finir par quelques considérations gé-
nérales, trop générales même, car la gauche
s'est à bon droit émue de ce que leur impré-
cision pouvait recéler et c'est de là qu'est
partie cette grande interpellation. Mais écou-
tez M. Spuller :
M. le ministre des cultes. — Au surplus, la
question de l'arrêté du maire de Saint-Denis n'est
pas plus importante.
Ce qui importe, c'est de remarquer que, dans
ces questions de querelles religieuses, un principe
supérieur doit nous dominer, le principe de la to-
lérance. (Applaudissements.)
Il est temps de lutter contre tous les fanatismes
et contre tous les sectaires. (Très bien! très
bien !)
La Chambre peut compter sur la vigilance du
gouvernement pour maintenir les droits de l'Etat
laïque, mais aussi sur « l'esprit nouveau » qui l'a-
nime et qui a pour objet de concilier tous les ci-
toyens et de faire l'apaisement dans notre société
française. (Très bien ! très bien t)
L' « esprit nouveau » : quel est le sens
exact de cette expression ?
C'est ce qu'on se demande à gauche. M. Co-
chin se hâte de s'emparer du mot et de l'in-
terpréter, dans sa courte réplique, comm e
annonçant la « fin des tracasseries et des
persécutions ». De la part d'un droitier, on
sait ce qu'un tel langage signifie.
L'interpellation
Aussi, la question étant finie, M. Brisson
demande qu elle soit transformée en inter-
pellation.
Le président du conseil, sentant que les
paroles de M. Spuller ont besoin d'être expli-
quées, réclame la discussion immédiate de
l'interpellation, et voici M. Henri Brisson à la
tribune.
M. Brisson. — M. le ministre a dit que le gou-
vernement s'inspirerait non seulement des princi-
pes au nom desquels ses prédécesseurs avaient dé-
fendu l'Etat laïque, mais encore d'un esprit nou-
veau; et M. Denys Cochin a relevé ces paroles
avec l'intention d'en tirer profit pour son parti.
Il m'a paru impossible de laisser le débat s'a-
chever dans l'équivoque. (Applaudissements à gau-
che.)
Je demande à M. le ministre des cultes d'expli-
quer comment il entend cet esprit nouveau qu'a-
nime, par différence avec les gouvernements pré-
cédents, le gouvernement qui est sur ces bancs.
(Applaudissements à gauche.)
M. Spuller répond. Il affirme non sans
quelque émotion, qu'il n'a pas déserté la tra-
dition de Gambetta, qu'il ne trahit ni son
passé de républicain ni ses convictions philo-
sophiques de libre-penseur, qu'il ne regrette
nullement d'avoir pris part aux grandes lut-
tes d'autrefois contre le cléricalisme ni d'a-
voir travaillé à la préparation de la loi sco-
laire intangible, ni d'avoir été le rapporteur
de l'article 7. Mais il estime que les temps
ont changé et que le pays n'envisage plus
la question religieuse de la même façon qu'au-
trefois.
M. le ministre. — Je dis qu'aujourd'hui, après
vingt-cinq ans, après les preuves de force et de vi-
talité qu'a données la République, cette lutte doit
non pas cesser, mais changer de caractère.
Au lieu de faire une guerre mesquine, tracas-
sière et vexatoire. (Très bien t très bien à droite
et au centre. — Interruptions.)
M. ltené Goblet. - Qui accusez-vous d'avoir
fait cette guerre ?
M. le Ministre. — Je m'en accuse moi-même,
pour ma part.
M. Millerand. — Vous venez faire votre meâ
culpâ. (Interruptions.)
M. Chauvin. — Le pays comprendra que la Ré-
publique est devenue cléricale.
M. le ministre. — Je ne dis pas qu'il faut un
esprit de faiblesse ou d abandon, mais il faut un
esprit de tolérance, de rénovation. (Applaudis-
sements à droite.) tout différent de celui qui ani-
mait la politique précédemment suivie.
Et aussi, quand on mo demande de m'expliquer
sur l'esprit nouveau, je ne me sens nullement em-
barrassé. (Bruit.)
Il importe que l'Eglise ne puisse pas prétendre,
comme elle l'a fait si longtemps, qu'elle est chas-
sée, qu'elle est exclue, teuue en dehors de la vie
sociale de ce pays-ci. (Bruit à gauche. — Applau-
dissements à gauche et au centre.)
Je dis que cela n'est plus possible. (Vives inter-
ruptions à gauche.)
M. René Goblet. — Avouez donc le pacte avec
l'Eglise ; cela vaudra mieux. Que faites-vous de
l'esprit ancien de la République? (Brait.)
M. le lùtnlstre. -. 'IoLites les fois qu'une me-
sure vexaloii-e, oppressive, tyrannique, se pré-
sente, la Résubliçiue ne doit nas j souscrire.
Je ne demande pas seulement qu'on tolère les
différents cultes. Je demande que l'on s'inspire,
dans toutes les questions se rattachant à la vie
morale, d'un principe supérieur qui est l'honneur
de la philosophie : l'esprit de tolérance. (Applau-
dissements au centre et à droite. — Brait à
gauche.)
M. Spuller, on le voit, a défini son a esprit
nouveau » surtout en philosophe. Mais la po-
litique a ses exigences et aussi son langage.
En de telles occasions le représentant du
gouvernement ne saurait se laisser aller à des
considérations purement spéculatives. Ses
paroles ont valeur d'engagements, d'indices
de l'orientation qui sera suivie. Or, l'orienta-
tion que semble indiquer M. Spuller en ma-
tière religieuse ne pouvait satisfaire les répu-
blicains de la gauche, les partisans d'une po-
litique nettement démocratique et exempte de
toute faiblesse envers le cléricalisme comme
de toute avance faite aux ralliés.
M. Henri Brisson
C'est de ces deiniers que M. Brisson vient
se faire l'interprète. Il parle, lui, en homme
politique, avec la précision et la netteté qu'il
faut.
M. Henri Brisson. — J'avais espéré que M. le
ministre de l'instruction publique et des cultes
donnerait de l'esprit nouveau dont il a parlé une
définition plus ample.
En réalité, sa définition n'a été qu'un "acte de
contrition pour le passé. (Vifs applaudissements
à gauche et à l'extrême gauche.)
M. le ministre a dit qu'il était temps de prati-
quer la tolérance, comme si le gouvernement de la
République y avait jamais manqué. (Vifs applau-
dissements sur les mêmes bancs.)
M. de Baudry d'AMon — Vous oubliez le
droit d'accroissement, monsieur Brisson.
M. Henri Brisson. — M. le ministre a ajouté
qu'il était temps de ne plus faire à l'Eglise une
guerre mesquine, tracassière. vexatoire, comme si
le gouvernement de la République avait jamais fait
une pareille guerre, comme s'il avait fait autre
chose que de repondre, sur une situation défensive,
à la guerre sauvage menée contre lui. (Vifs ap-
plaudissements sur les mêmes bancs.)
- Comme tous ici nous avons suivi la même poli-
tique que lui (Très bien ! très bien ! sur les mêmes
bancs), puisque nous trouvons, dans les déclara-
tions d'un membre du gouvernement, le résultat
tions
des efforts de la politique papatâ pour s'emparer
de la direction des affaires de la République (Ap-
plaudissemenis sur les mêmes bancs), je propose
à la Chambre de répondre à cet acte de contrition
et à cet acte d'accusation contre les assemblées
précédentes, par l'ordre du jour suivant : « La
Chambre, persistant dans les principes anticléri-
caux (Applaudissements à gauche et à l'extrême
gauche) dont s'est toujours inspirée la politique
cépubbeaine; et qui seuls peuvent préserver les
droits de l'Etat laïque, passe à l'ordre du jour. »
(Applaudissements sur les mêmes ban.).
M Casimir-Perier mesuré, ats nombre de
ceux qui applaudissent, la gravité de la si-
tuation qu'ont créée au cabinet les considéra-
tions philosophiques de M. Spuller. Il essave
de corriger un peu l'impression produite par
les déclarations de celui-ci, mais n'y parvient
guère, ne faisant en somme que répéter à peu
près ce qu'a dit son collègue. Car tout en
reprenant le cliché des lois scolaires et mili-
taire intangibles, il proclame, lui aussi, qu'il
y a, en matière religieuse une politique nou-
velle à suivre, et que le pouvoir laïque peut
profiter de sa victoire définitive pour renon-
cer à la petite guerre des taquineries mes-
quines.
M. Casimir-Perier. — Nous voulons prati-
qaer une politique de défense énergique des droits
de l'Etat, nous croyons avoir autre chose à faire
que d'animer, sur les questions religieuses, les
citoyens les uns contre les autres. (Applaudisse-
ments.)
Une voix à l'extrême- gauche. — M. Humbert
applaudit.
M. Alphonse Humbert. — Oni, j'applaudis la
politique de tolérance. (Très bien t très bien t)
— Vous voulez faire la paix avec la droite
pour mieux faire la guerre à la gauche, crie
M. Millerand au président du conseil,
M. Goblet
C'est maintenant le tour de M. Goblet qui
avait demandé la parole pendant que parlait
M. Casimir-Perier.
M. Goblet rappelle, lui aussi, la tradition
républicaine, observée par les cibinets précé-
dents, c'est-à-dire la tolérance, mais aussi la
fermeté vis-à-vis de l'Eglise. Or, cette tradi-
tion, le gouvernement l'abandonne aujour-
d'hui.
M. Goblet. D y a un fait nouveau qui inspire au
cabinet toute une politique nouvelle, reniant l'an-
cienne politique républicaine. (Bruit.)
Ce fait nouveau, c'est l'alliance avec les ralliés,
sous la conduite du pape. (Vifs applaudissements
à gauche.)
Je dis que la papauté ne doit à aucun point de
vue se mêler à la politique de ce pays.
Or elle se mêle à notre politique, et c'est elle en
ce moment qui amène l'évolution que vous avez
constatée dans l'Eglise.
Etes-vous dupes de cette alliance? L'Eglise ac-
cepte la République pour mieux combattre ses
lois? (Très bien t très bien ! à gauche.)
Vous n'en êtes pas dupes; vous savez ce que
vous faites. Vous allez chercher vos alliés du côté
de la droite, de la réaction et du cléricalisme.
Le centre et la droite criblent le discours
de M. Goblet d'interruptions parfois désobli-
geantes.
Mais tout a été dit maintenant et le débat
s'arrête. En dehors de l'ordre du jour qu'a
déposé M. Brisson, il y a trois ou quatre
autres rédactions, dont la suivante, que pré-
sente M. Barthou et qu'accepte le gouverne-
ment : « La Chambre, confiante dans la vo-
lonté du gouvernement pour maintenir les
lois républicaines, et défendre les droits de
l'Etat laïque, passe à l'ordre du jour. »
M. de Baudry d'Asson explique que l'« es-
prit nouveau » ne le touche guère, et qu'il ne
saurait accorder sa confiance à un gouverne-
ment qui entend maintenir les lois « antire-
ligieuses et de persécution ». Tout au con-
traire M. de Mun déclare qu'il s'abstiendra,
ne pouvant émettre un vote de blâme à un
gouvernement qui a promis de pratiquer la
tolérance religieuse. Tout à l'heure, un autre
député de la droite, M. Binder, déclarera car-
rément qu'il va voter pour le gouvernement.
Mais auparavant, il y a eu un dernier col-
loque entre M. Casimir-Perier, disant que
s'il n'a pas fait de pacte avec la droite, il ne
repousse pourtant aucun concours — et M.
Goblet prenant acte de l'équivoque contenue
dans cette déclaration du président du con-
seil.
Et puis l'on a voté. La priorité que récla-
mait la gaucho pour l'ordre du jour Brisson,
lui a été refusée par 315 voix contre 191. L'or-
dre du jour gouvernemental de M. Barthou,
après avoir obtenu cette priorité par 280 voix
contre 159, a ensuite été voté par 302 voix
contre 119.
Ces chiffres montrent assez combien il y a
de voix de réactionnaires et de ralliés dans la
majorité qu'a obtenue M. Casimir-Perier et
combien aussi il y a eu d'abstentions répu-
blicaines.
L'affaire Dupuy-Ducret
Revenons maintenant sur l'incident soulevé
par M. Pelletan au sujet de la subvention ac-
cordée par M. Ch. Dupuy, alors ministre de
l'intérieur, au journal de" M. Ducret après la
condamnation prononcée contre celui-ci au
surjet de l'affaire des faux papiers. -
M. Pelletan avait engagé t'affaire en dépo-
sant un projet de résolution invitant le gou-
vernement à poursuivre « contre oui de
droit » — lisez contre M. Dupuy — le recou-
vrement de 8,000 francs prélevés sur les fonds
secrets pour être versés au journal de M.
Ducret.
L'orateur a flétri avec beaucoup d'élo-
quence cet étrange procédé ministériel qui
nous avait fait voir « un homme, condamné
d'une part par les tribunaux, et payé, d'autre
part, par un ministre de l'intérieur » U a rap-
pelé le procès à la suite duquel cette con-
damnation était intervenue, procès dans le-
quel on avait d'ailleurs négligé de com-
prendre l'un des principaux coupables.
M. PeHetM. — Je rappelle qu'on a été plus
surpris encore, quand le procès a éclaté, de voir
l'homme le plus condamné par l'opinion, celui qui
avait payé les coupables, celui dont les fonds se-
crets avaient été distribués avant ceux du gouver-
nement ; dé voir, dis-je, cet homme, dénoncé par
le cri publie et osant à peine démentir le fait, de
voir cet homme, qui était connu de la France en-
tière, ignoré de ceux qui étaient chargés de pour-
suivre et d'instruire cette affaire.
Voix diverses. — De qui parles-vous ?
M. Pelletan. — Vous savez de qui je veux par-
ler, et tous vous avez été. étonnés de ne pas le voir
sur le banc des accusés.
Il va de soi qu'à ce moment le nom de M.
Marinoni, directeur du Petit Journal, courait
sur tous les bancs.
M. Pelletan a adjuré l'ancien ministre de
l'intérieur devenu président de la Chambre,
de protester, de dire qu'il n'avait pas fait ce
dont on l'accuse. Mais M. Dupuy est demeuré
vissé à son fauteuil, courbant le front sous
ce sévère réquisitoire dont il reconnaissait
l'accablante justesse, puisqu'il n'essayait
même pas la moindre protestation, la moin-
dre explication.
Aucun ministre non plus n'est intervenu et
l'incident a en somme tourné au monologue.
Après le discours de M. Pelletan, il n'y a plus
eu qu'un échange d'explications rétrospecti-
ves entre MM. Mareel Habert et Pauli n Méry
d'une part et M. Develle, ancien ministre,
d'autre part, sur les pourparlers qui avaient
précédé la fameuse interpellation de M. Mille-
voye relative aux papiers du nègre.
M. Pelletan avait réclamé l'urgence pour
sa motion : 286 voix contre 126 l'ont repous-
sée, — ce qui fait, on le voit, 150 abstentions
venant de députés qui jugent comme elle le
mérite la conduite dé M. Dupuy. M. Paschal
Grousset a ensuite déposé une autre motion
enjoignant à M. le président Dupuy de don-
ner sa démission, puisqu'il n'a pu.. dé-
nier une accusation qui le fait complice d'un
faussaire ».
La Chambre, qui avait repou&sé la motion
de M. Pelletan, ne pouvait que faire subir le
môme sort à celle, plus sévère, de M. Grous-
set. Celle-ci a été écartée par la question préa-
lable. Mais, combien de députés pensaient
tout bas ce que M. Grousset avait dit tout
baut t
CHRONIQUE
Avez-vous lu ce romanesque fait-divers,
qui nous vient de province, l'histoire de
cet aveugle que sa femme trompait. Il se
trouva une bonne âme qui avertit le pau-
vre diable de son malheur. Charitable
inspiration, n'est-ce pas ! Tant que les
aveugles aient l'ouïe fine. et l'attention
éveillée, il y avait des chances, pourtant,
pour que, avec son infirmité, il ne s'aperçût
point de ses infortunes conjugales. Mais
il y a toujours d'excellentes gens qui sont
là pour ces besognes viles de délations.
On portait tant d'intérêt au brave homme
que, par une brusque révélation, on le
plongea dans un irrémédiable désespoir.
Çe sont de ces abominables petites lâche-
tés de tous les jours.
Combien la trahison devait sembler
plus affreuse à un malheureux qui, plongé
dans sa nuit, se sentait sans défense I Les
aveugles, que rien ne distrait,pensent for-
cément beaucoup. Celui-ci ne rêvait plus
que de vengeance.
Les « amis » qui avaient poussé le dé-
vouement jusqu'à ne lui rien laisser igno-
rer des frasques de sa femme, eurent la
délicatesse vraiment exquise de l'aider à
réaliser ses noirs projets. Oui, vraiment,
il se trouva une charitable personne pour
le conduire, en guide soigneux, devant la
maison où l'épouse coupable allait retrou-
ver son amant. On n'est pas plus obli-
geant, n'est-ce pas ?
- C'est là ? demanda-t-il.
- C'est là!
L'aveugle, en proie à une folle colère
(mais imaginez ce supplice de vivre au
milieu de pièges quand on ne peut rien
contre ces duperies !), sortit de sa poche
un revolver et, n'ayant pas la faculté de
viser, le déchargea au hasard contre les
vitres de la maison. Les carreaux volèrent
en éclats, ce fut une avalanche de balles,
tirées de très près, et il fallut, comme on
dit, un coup de chance pour que, sous
cette pluie de projectiles, personne ne fût
atteint. -
La « charitable personne », s'apercevant
que les choses se gâtaient, avait prudem-
ment disparu. Elle aurait dû comprendre,
un peu plus tôt, qu'on ne mène pas im-
punément un mari jaloux, fût-il aveugle,
à deux pas de l'endroit où se perpètre un
attentat contre son honneur.
Je n'absous pas complètement ce mari.
Je suis de ceux qui pensent, d'ailleurs,
que le revolver n'est pas une raison et que
ces histoires de vengeances tragiques ont
toujours un côté absurde. Du moins peut-
on s'expliquer son état d'esprit, exaspéré
par son infirmité. Un aveugle qui est vrai-
ment un philosophe assure que les aveu-
gles ne se distinguent point tant qu'on le
croit des autres hommes et qu'ils ne sont
pas tant à plaindre. J'admire sa résigna-
tion de sage s'inclinant devant le destin,
résignation dont il développe les raisons
en de petits livres consolateurs. Mais peut-
être ne songeait-il pas au cas d'une vilaine
trahison intime. J'estime quant à moi
quelè dépit de l'aveugle de Tourcoing pou-
vait justement être grand. De quels men-
songes était-il navré ! Devant ses yeux vi-
des, les coupables avaient échangé de brû-
lants regards, avaient pu sereinement se
passer des billets enflammés, tandis que
leur voix restait, en apparence, indicé-
rente. Il était si facile de l'abuser, lui, le
pauvre être privé du don le plus précieux.
Plus qu'un autre, connaissant soudain la
faute de sa femme, il devait être possédé
d'un désespoir allant jusqu'à la fureur.
Il était, toutefois, assez étrange que, lui
qui n'y voyait point, il eùt eu l'idée de
châtier l'infidèle et son complice avec un
revolver, qu'il ne pouvait point guider, et
dont les balles risquaient d'atteindre d'i-
noffensifs passants.
Mais quel rôle odieux et ignoble jouent
dans ce drame heureusement sans dénoue-
ment sanglant, les délateurs, les bavards
lâches si pressés d'informer l'intéressé de
ses déboires 1 Et ce zèle qui va, puisqu'il
ne se peut diriger lui-même, jusqu'à la
poster près de la maison des rendez-
vous !
Ah 1 qu'on souhaiterait un bon petit
exemple qui apprît à ces colporteurs de
potins, cause de tant d'aventnrea tragi-
ques, ce qu'il en coûte d'être si prompts à
la dénonciation ! Généralement — ce qui
est grand dommage t— la loi ne permet
pas de les atteindre. Ils en sont quittes,
quand l'affaire vient devant la justice,
pour un petit sermon du président, et
pour quelques murmures dé réprobation
de l'auditoire. Mais, ici, en raison même
de la céetté de l'homme au revolver (ii a
été, naturellement, arrêté et il sera pour-
suivi pour tentative de meurtre), la com-
plicité du si obligeant guide apparait
claire. Sans le souci qu'il a pris de mener
l'aveugle tout près des coupables, cet
acte de violence n'était pas possible en
effet. Je crois qu'une jolie condamnation «
ne déplairait à personne. Elle serait une
utile leçon pour ceux qui prennent un
malin plaisir au malheur des autres.
Ah f cette race de sournois et hypocrites
amis qui n'ont de repos qu'ils aient mis
un pauvre homme au courant de ce qui
lui survient de fâcheux, qui, en faisant
mine de compatir à sa malechallce, l'exci-
tent, le poussent à des résolutions farou-
ches, après l'avoir bouleversé par de pré-
tendues réticences t Quand sa colère, ea-
vamment attisée par eux, l'incite jusqu'à
un crime, ils se montrent très surpris et ]
même ils s'indignent. Les bons apôtres 1
ce sont eux, cependant, qui ont fait tout1
le mal, qui l'ont rendu irréparable I
Nous en avons vu récemment encore, de
ces gens-là, dans une affaire qui fit quel-
que bruit, où un mari, en plein boulevard,
avait massacré sa femme, qu'il rencontrait,
en compagnie d'un homme avec qui elle
se trouvait par hasard, et qu'il prit, lui,
pour l'amant. C'étaient d'obligeants voi-
sins qui l'avaient informé, par pure bonté
de cœur. et aussi parce qu'ils ne pou-
vaient tenir leur langue et garder pour
eux leur découverte des cascades de sa
volage moitié. C'est chose étonnante com-
bien il y a de personnes soucieuses de.
l'honneur. d'autruà ! :'
C'est pour-cela que puisqu'on trouve,
par fortune. un cas où il y a eu plus en- <
core que de la criminelle indiscrétion,'
une sorie d'aide matérielle donnée, il faut !
espérer qu'on ne laissera pas échapper *
l'occasion d'établir la responsabilité de,
ces faiseurs 'de commérages, l'isquant d'a-
voir les suites les plus - funestes.
Presque jamais — par une sorte de
grâce sans doute — ce n'est le mari qui]
s'aperçoit qu'il est trompé. C'est un petite
mot perfide d'un tiers, un soi-disant boni
avis, une réflexion hargneuse, accoaJ
gnée d'une poignée de main pleine d'une,
touchante effusion, qui le livre à la tOl'fo 1
ture des soupçons. Il n'y a guère cTç:
« drame de l'adultère » où on ne retrouvai
à l'origine, ces abominables insinuatioiJs
d'étrangers se mêlant — remplis d'exceW
lentes intentions t — de ce qui ne les re-
garde vraiment pas. Quand l'heure BOn.,
glante arrive, est-ce que ce ne sont pas
eux, ces tiers, ces étrangers, les vrai.-,
coupables ; est-ce que ce ne sont pas eux
qui ont armé la main qui tue ; est-ce que,
philosophiquement, ce ne sont pas eu<
que devrait atteindre le châtiment ? ,1
Mais non, ils se tirent indemnes de l'afri
faire, et il en est encore qui, après avoir
irrémédiablement apporté le chagrin dans j
une existence, après avoir même travailla
à amener une ou deux morts, après avoir,:
en tout cas, rendu impossible le pardon,
l'oubli, l'apaisement, déclarent, en bonsJ
tartufes qu'ils sont, qu'ils ont « fait leur
devoir d'amis. » J
Merci bien! Si on en tient un, par ha.
sard, de ces fidèles amis-là, on ne sera
vraiment pas fâché de le voir traité comme
mérite d'être traitée toute l'engeance à 1..,
quelle il appartient 1
Paul Ginisty.
CONSEIL DES MINISTRES
Hier, conseil des ministres à l'Elysée.
Le président de la République a signe, uur la
proposition du ministre de la guerre, un décret
elevant au grade de lieutenant-colonel le cornman-i
dant Joffre, qui a dirigé avec le succès quo l'oa,
sait la marche de la colonie envoyée à Tombeur
tou. "1
Sur la proposition du ministre de la marine, Ion
président de la République a signé un décret par.
lequel sont promus : <
Au grade de contre-amiral, le capitaine de vaie;
seau Michel ;
Au grade de capitaine de vaisseau. le capitaine
de frégate Le Roy.
Le conseil a décidé d'interdire l'entrée en France
du journal suisse l'Avenir, qui a fait l'apologie de
faits qualifiés crimes. -
LES FEMMES DE BEHANZIN
Oran, 3 mars.
Le Stamboul, venant de Kotonou, qui esift
arrivé cette nuit à onze keures, a débarqué
194 légionnaires. 1
Les passagers ont assisté à l'embarquement
de Behanzin sur l'aviso Segond. Behanzixv
pour adoucir son exil, comptait emmener avec
lui trente femmes ; mais on lui a permis d'en
emmener quatre seulement et quatre enfante.
La séparation a donné lieu à une scène d'a« l
dieux déchirante. Tandis que Behanzin do..
nait gravement sa bénédiction aux abandon-
nées, celles-ci se labourant les seins et pous- !
sant des cris déclaraient vouloir le suivre.
Malgré tout, elles entrèrent dans l'eau à
la poursuite des embarcations emmenant
Behanzin, risquant à chaque instant d'être
dévorées par les requins, et elles ne se déci- <
dèrent à regagner la plage que lorque l'aviso 4 :
eût disparu à l'horizon. ;
SINISTRE MARITIME
Trieste, 3 mars. 1
Le vapeur Elektra du Lktyd, et l'Orion se sont !
rencontrés cette nuit en vue de rUe de Porer, près <
de Pola, et se sont échoués ; YElehira est grave- j
ment endommagée à la proue ; YOrion a de petites i
avsries. i
'Une personne a été. tuée et trois eut é,*;.¡riivj
m«ut blessées.. - - ;
,
1
REDACTJOI ET ADfllRISTRATIOII
.,'>._ 1111' Moi
PAMt :-:: -."
IllrCTEva POLITIQUE
^■•Epoçard PORTAWS
âillliw NMpapliique : XIX- mor.a",.
Téléphone : 20.28S biu
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iMparfements - 71.; — 121; - J r.
Union JPostalô - et.; — 16 - n r.
1*m Abonnements sont reçus Mme erait dans
lDa.8 Im Bureaux de Poste.
Parlementarisme Anglais
En tout pays, le remplacement d'un
premier ministre est un fait considéra-
„ ble ; et le départ de M. de Bismarck a
montré que même dans une monarchie
à tendance césarienne un homme d'E-
tat ne quittait pas le pouvoir sans qu'il
en résultât de profondes modifications
dans le système général de gouverne-
ment.
Aussi, quoique la démission de M.
Gladstone soit amenée par cette maî-
tresse impérieuse de l'humanité qui
s'appelle la vieillesse, sa disparition de
la scène politique peut avoir pour l'An-
gleterre des cônséquences. imprévues,
chez un peuple où le régime parlemen.
taire est tout-puissant; la personnalité
du chef du cabinet constitue un dra-
peau.
En Angleterre, les ministres doivent
siéger dans l'une des deux Chambres
du Parlement; mais ils ne peuvent
prendre la parole que dans l'assemblée
dont ils font partie.
Quand le président du conseil est dé-
puté, il doit faire défendre ses actes
devant les lords par un de ses collè-
gues lord lui-même; et réciproque-
ment un premier ministre, membre de
«. la Chambre des communes, n'entre pas
dans la Chambre des nobles-pairs.
Il y a là une gêne dont nous ne pou-
,()h. cour l'avantage, à cause de
lie- dlti démocratiques, mais qu'on
doit admettre, du moment où on accepte
les formules aristocratiques encore si
respectées de l'flutè coté de la Man-
che.
*
* #
Quoique la Chambre des communes
soit en réalité plus puissante que nos
députés, elle à conservé les formes exté-
rieures de la plus excessive déférence
vis-à-vis de la monarchie qu'elle pour-
rait légalement abolir si elle le vou-
lait.
Ainsi, à l'ouverture de chaque session,
la séance royale a lieu dans une salle
où tous les lords sont assis dans de so-
lennels fauteuils, tandis que les députés
se pressent humblement debout derrière
une barrière, comme des accusés.
Le « speaker » ou président de la
Chambre des communes demande l'au-
torisation de siéger, ce qui lui est ac-
cordé au nom de la reine par le lord-
chancelier.
Les députés se retirent alors, rentrent
chez eux, et, malgré cette étiquette
surannée, sont les maîtres de l'Angle-
terre. Le 31 décembre de chaque année,
si Je bill sur Farmée n'était pas voté,
chaque soldat aurait le droit le lende-
main de jeter son fusil et de s'en
aller.
, *#
Le principe de l'obéissance à la majo-
rité parlementaire est poussé si loin
que, lors d'un changement de cabinet,
la reine doit remplacer ses chambellans
et ses dames d'honneur.
A défaut de la loi, l'usage ne permet
pas que la souveraine conserve autour
de sa personne, pour son service privé,
des adversaires de son ministère ; et ce
n'est pas là, par parenthèse, une des
moindres preuves du bon sens britan-
nique.
De la sorte, en effet, l'Angleterre n'a
pas à redouter les influences occultes
d'un entourage de courtisans. Les « ca-
marillas », qui ont été le fléau de l'Es-
pagne, qui sont si funestes dans les
monarchies et parfois même dans les
républiques, sont rendues impossibles.
Chez nos voisins, d'ailleurs, les par-
tis sont mieux enrégimentés qu'en
France. On ne voit pas, à Londres
comme à Paris, certains hommes poli-
tiques renaissant de leurs cendres, ainsi
que le phénix, se survivre à eux-mê-
mes et faire partie du cabinet qui rem-
place celui auquel ils appartenaient.
Quand un ministère tombe, il s'en va
tout entier ; et il ne viendrait à l'idée de
personne d'en recoller les morceaux
brisés.
L'anecdote du fameux couteau de
Jeannot, dont on changeait le manche
et la lame successivement, peut être
racontée au Palais-Bourbon, elle ne
trouverait jamais son application à
Westminster-palace.
*%
Le chef du parti qui a la majorité à
la Chambre des communes est chargé
par la reine de former le cabinet. Il a
le choix absolu de ses collaborateurs et
porte le titre de « premier ».
Le ministère se compose des mem-
bres suivants: le premier-lord de la
Trésorerie, le lord-président du conseil
privé, le lord haut-chancelier, le chan-
celier de l'Echiquier, les cinq secrétai-
res d'Etat de l'intérieur, des affaires
étrangères, des colonies, de la guerre,
de l'Inde.
La direction suprême de tout ce qui
concerne la marine et les expéditions
navales est confiée à une commission
supérieure dont les membres portent le
titre de lords de l'amirauté, et remplis-
sent leurs fonctions au nom du lord
grand-amiral, qui est le neuvième grand-
officier de la couronne.
Outre les ministres, un nombre assez
considérable de sous-secrétaires d'Etat
sont associés au ficouvernewent*
Les Anglais pensent qu'il convient
d'initier aux affaires publiques le plus
possible d'hommes politiques. C'est un
moyen de satisfaire beaucoup d'ambi-
tions personnelles et de s'appuyer sur
des intérêts privés multiples.
Mais, pour assurer dans la conduite
des bureaux la direction permanente
nécessaire, il y a, dans chaque minis-
tère, en dehors du sous-secrétaire d'Etat
politique, un sous-secrétaire d'Etat,
simple fonctionnaire, qui, lui, ne change
pas avec les ministres et qui maintient
la tradition administrative.
**♦
On est surpris quand on voit de près
la vie parlementaire anglaise, du laby-
rinthe d'usages, de règlements, de pres-
criptions diverses, dans lesquels un
député doit se reconnaître, s'il veut
prendre de l'importance.
Il feut siéger depuis longtemps avant
de pouvoir se risquer à intervenir dans
un débat, sans commettre d'hérésie.
Les Anglais n'abrogent jamais rien.
Quand une chose les gêne, ils se bor-
nent à la laisser tomber en désuétude.
Un jurisconsulte anglais trouve toujours
un texte plus ou moins séculaire pour
légitimer une décision.
Ainsi, par exemple, légalement les
séances du Parlement ne sont pas pu-
bliques, ce qui n'empêche pas que les
tribunes soient pleines. On fait sem-
blant de ne pas voir les spectateurs.
Il est prohibé également, sous les
peines les plus sévères, de rendre
compte des débats. Tous les journaux
le font et les comptes-rendus remplissent
leurs colonnes, mais on pourrait jeter
les journalistes - en prison.
A la Chambre des lords, où chacun
siège en vertu de son droit personnel,
on peut donner sa procuration de vote.
Quelques hommes considérables dispo-
sent ainsi de nombreux bulletins appar-
tenant à leurs collègues qui chassent le
renard et voyagent pour leur plaisir.
En revanche, et fort justement, les
Anglais n'admettent pas qu'un député
délègue à un autre son mandat. Quand
il s'agit d'un scrutin, les députés sor-
tent par la porte de droite ou par celle
de gauche, suivant qu'ils acceptent ou
repoussent la loi. Les scrutateurs des
deux partis sont aux portes et comp-
tent.
De la sorte, ceux-là seuls votent qui
ont assisté aux débats. Il n'existe pas
de quorum ; tant pis pour les absents
qui ne remplissent par leur devoir.
Un scrutin est irrévocablement ac-
quis et ne peut jamais se recommencer,
et on prétend que, pour aller, fumer une
cigarette, un député prie son collègue
du parti opposé, de venir avec lui à la
buvette afin que la majorité ne soit pas
changée.
La démission de M. Gladstone précé-
dée par son discours contre la résistance
des lords aux réformes fait, dit-on,
plaisir à la reine qui n'a jamais aimé
le célèbre homme d'Etat.
Elle ne lui pardonnait pas l'attitude
hautaine de quaker protestant qu'il
avait toujours gardée vis-à-vis de John
Brown, ce domestique écossais, auquel
une statue a été élevée par ordre de la
souveraine dans un de ses parcs
royaux.
Thomas Graindorge.
LA CHASSE AUX ANARCHISTES
- .1':';; 1 1 1
Les arrestations quotidiennes
Pour ne pas en perdre l'habitude, commis-
saires et agents des brigades de recherches,
ont opéré, hier matin, leurs petites perquisi-
tions et arrestations habituelles. En voici la
liste :
M. André, commissaire de police, s'est
rendu chez l'anarchiste-fumiste Marius Tour-
nadre, 52, rue Ramey, où il a saisi un grand
nombre de papiers. Marius Toumadre a été
laissé en liberté.
M. Remongin, commissaire de police, a
opéré chez Alexandre Rigolet, 48, rue Lacé-
pède, à Levallois-Perret. Après une minu-
tieuse perquisition, le magistrat a mis Rigolet
en état d'arrestation.
M. Guilhem, commissaire de police, a ar-
rêté 71, rue du Bois, l'anarchiste Georges-
Henri Hébert ; il a saisi un grand nombre de
brochures, journaux et lettres de compa-
gnons.
M. jGavrelle, commissaire de police, s'est
rendu chez Heurtaux, 23, rue du Canal, et 14,
rue Olery, où il a opéré des perquisitions. Ce
compagnon a pris la fuite depuis plusieurs
jours.
M. Blondeau, commissaire de police, a
opéré chez Kelchestein, 169, boulevard Or-
nano, à Saint-Denis. Cet invidu est en
fuite.
M. Duponnois, commissaire de police, a
arrêté Jacob-Jean-Henri Malher, rue de la
Voyette, 10, à Saint-Denis. Il a saisi un grand
nombre de journaux et brochures.
M. Mourgues, commissaire de police, s'est
rendu à Asnières, 2, rue Lemaître, chez
l'anarchiste Lucien Fétis. Celui-ci a été ar-
rêté.
M. Martin, commissaire de police, a opéré
une perquisition 84, rue de Paris, à Boulo-
gne-sur-Seine, chez Eugène Thiébault, qu'il a
mis ensuite en état d'arrestation.
M. Lagaillarde, commissaire de police, se
présenta à Puteaux chez l'anarchiste Lami-
rauté qui est en fuite. Il a saisi un certain
nombre de lettres.
M. Gilles, commissaire de police, a arrêté à
Clichy Alexandre-Joseph Céaglio, 5, rue d'Al-
sace.
M. Poëte, commissaire de police, est allé à
Aubervilliers, chezDefosse, 46, rue Heurtaux,
qui est en fuite depuis lundi.
M. Pajot, commissaire de police, s'est pré.
senté chez Parisis, 88, avenue Victor-Hugo,
Aubervilliers, et l'a mis en état d'arresta.
tMB.
LA QUESTION BUSE
GRANDE SÉANCE A LA CHAMBRE
A propos des enterrements de Saint-De-
nis. — M. Spuller et l' « esprit nou-
veau ». —L'interpellation Brisson.
M. Goblet à la tribune. — L'or-
dre du jour de confiance.
L'incident Pelletan.
Le débat soulevé par M. Pelletan au sujet
de l'affaire Dupuy-Ducret devait être le gros
morceau de la séance d'hier. D est venu, ce
débat, et nous en parlerons un peu tout à
l'heure, négligeant l'ordre chronologique pour
arriver tout de suite à l'événement le plus
important.
Nous voulons parler d'une grande discus-
sion qui a surgi tout à coup et à l'improviste
— c'est du.moins ce qu'il a semblé — d'une
interpellation visant la politique religieuse du
gouvernement, et de son attitude vis-à-vis de
la droite et des ralliés.
Cette interpellation s'est greffée sur une
questiou de M. Denys Cochin, sur une simple
question qui ne paraissait pourtant pas bien
méchante. Le député de Paris s'était plaint de
l'arrêté par lequel le maire de Saint-Denis,
M. le député Walter, en interdisant sur la
voie publique les cérémonies religieuses et
l'exhibition des emblèmes du culte, n'allait à
rien moins qu'à prohiber les enterrements re-
ligieux. Le conseil d'Etat, qui n'a à se pla-
cer qu'au point de vue légal et non au
point de vue du respect de la liberté de
conscience, a reconnu que cet arrêté était
conforme à la loi de l'an X et le directeur des,
cultes a lui-même soutenu cette thèse de-
vant ledit conseil d'Etat. C'est ce dont M.
Cochin s'est surtout ému, et c'est sur ce point
qu'il a réclamé les explications du gouver-
nement.
Le gouvernement, c'était en la circonstance
M. Spuller, qui est ministre des cultes en
même temps que - de l'instruction publique.
Pauvre M. Spuller ! A peine rentré à Paris,
voilà que déjà on l'interpellait t
Le ministre a dit tout d'abord que les dé-
libérations du conseil d'Etat étant secrètes
ne sauraient être livrées aux discussions de
la tribune: R a "toutefois déclaré, pendant que
certains lui reprochaient ironiquement de
commettre des - divulgations du genre de
celles qu'il venait de condamner, que la dé.
cision du conseil d'Etat était parfaitement
conforme à la loi, au moins en ce qui con-
cerne la partie de l'arrêté du maire de Saint-
Denis, prohibant les cérémonies religieuses
sur la voie publique. - 0 U - u
Mais pour ce qui est d interdire l'exhibition
des emblèmes du culte, l'assemblée générale
du conseil d'Etat a cassé sur ce point le sus-
dit arrêté municipal. M. Spuller a proclamé
qu'on tel procédé, oppressif et tyrannique, a
la réprobation du gouvernement.
M. Spuller eût pu s'en tenir là; mais il a
tenu à finir par quelques considérations gé-
nérales, trop générales même, car la gauche
s'est à bon droit émue de ce que leur impré-
cision pouvait recéler et c'est de là qu'est
partie cette grande interpellation. Mais écou-
tez M. Spuller :
M. le ministre des cultes. — Au surplus, la
question de l'arrêté du maire de Saint-Denis n'est
pas plus importante.
Ce qui importe, c'est de remarquer que, dans
ces questions de querelles religieuses, un principe
supérieur doit nous dominer, le principe de la to-
lérance. (Applaudissements.)
Il est temps de lutter contre tous les fanatismes
et contre tous les sectaires. (Très bien! très
bien !)
La Chambre peut compter sur la vigilance du
gouvernement pour maintenir les droits de l'Etat
laïque, mais aussi sur « l'esprit nouveau » qui l'a-
nime et qui a pour objet de concilier tous les ci-
toyens et de faire l'apaisement dans notre société
française. (Très bien ! très bien t)
L' « esprit nouveau » : quel est le sens
exact de cette expression ?
C'est ce qu'on se demande à gauche. M. Co-
chin se hâte de s'emparer du mot et de l'in-
terpréter, dans sa courte réplique, comm e
annonçant la « fin des tracasseries et des
persécutions ». De la part d'un droitier, on
sait ce qu'un tel langage signifie.
L'interpellation
Aussi, la question étant finie, M. Brisson
demande qu elle soit transformée en inter-
pellation.
Le président du conseil, sentant que les
paroles de M. Spuller ont besoin d'être expli-
quées, réclame la discussion immédiate de
l'interpellation, et voici M. Henri Brisson à la
tribune.
M. Brisson. — M. le ministre a dit que le gou-
vernement s'inspirerait non seulement des princi-
pes au nom desquels ses prédécesseurs avaient dé-
fendu l'Etat laïque, mais encore d'un esprit nou-
veau; et M. Denys Cochin a relevé ces paroles
avec l'intention d'en tirer profit pour son parti.
Il m'a paru impossible de laisser le débat s'a-
chever dans l'équivoque. (Applaudissements à gau-
che.)
Je demande à M. le ministre des cultes d'expli-
quer comment il entend cet esprit nouveau qu'a-
nime, par différence avec les gouvernements pré-
cédents, le gouvernement qui est sur ces bancs.
(Applaudissements à gauche.)
M. Spuller répond. Il affirme non sans
quelque émotion, qu'il n'a pas déserté la tra-
dition de Gambetta, qu'il ne trahit ni son
passé de républicain ni ses convictions philo-
sophiques de libre-penseur, qu'il ne regrette
nullement d'avoir pris part aux grandes lut-
tes d'autrefois contre le cléricalisme ni d'a-
voir travaillé à la préparation de la loi sco-
laire intangible, ni d'avoir été le rapporteur
de l'article 7. Mais il estime que les temps
ont changé et que le pays n'envisage plus
la question religieuse de la même façon qu'au-
trefois.
M. le ministre. — Je dis qu'aujourd'hui, après
vingt-cinq ans, après les preuves de force et de vi-
talité qu'a données la République, cette lutte doit
non pas cesser, mais changer de caractère.
Au lieu de faire une guerre mesquine, tracas-
sière et vexatoire. (Très bien t très bien à droite
et au centre. — Interruptions.)
M. ltené Goblet. - Qui accusez-vous d'avoir
fait cette guerre ?
M. le Ministre. — Je m'en accuse moi-même,
pour ma part.
M. Millerand. — Vous venez faire votre meâ
culpâ. (Interruptions.)
M. Chauvin. — Le pays comprendra que la Ré-
publique est devenue cléricale.
M. le ministre. — Je ne dis pas qu'il faut un
esprit de faiblesse ou d abandon, mais il faut un
esprit de tolérance, de rénovation. (Applaudis-
sements à droite.) tout différent de celui qui ani-
mait la politique précédemment suivie.
Et aussi, quand on mo demande de m'expliquer
sur l'esprit nouveau, je ne me sens nullement em-
barrassé. (Bruit.)
Il importe que l'Eglise ne puisse pas prétendre,
comme elle l'a fait si longtemps, qu'elle est chas-
sée, qu'elle est exclue, teuue en dehors de la vie
sociale de ce pays-ci. (Bruit à gauche. — Applau-
dissements à gauche et au centre.)
Je dis que cela n'est plus possible. (Vives inter-
ruptions à gauche.)
M. René Goblet. — Avouez donc le pacte avec
l'Eglise ; cela vaudra mieux. Que faites-vous de
l'esprit ancien de la République? (Brait.)
M. le lùtnlstre. -. 'IoLites les fois qu'une me-
sure vexaloii-e, oppressive, tyrannique, se pré-
sente, la Résubliçiue ne doit nas j souscrire.
Je ne demande pas seulement qu'on tolère les
différents cultes. Je demande que l'on s'inspire,
dans toutes les questions se rattachant à la vie
morale, d'un principe supérieur qui est l'honneur
de la philosophie : l'esprit de tolérance. (Applau-
dissements au centre et à droite. — Brait à
gauche.)
M. Spuller, on le voit, a défini son a esprit
nouveau » surtout en philosophe. Mais la po-
litique a ses exigences et aussi son langage.
En de telles occasions le représentant du
gouvernement ne saurait se laisser aller à des
considérations purement spéculatives. Ses
paroles ont valeur d'engagements, d'indices
de l'orientation qui sera suivie. Or, l'orienta-
tion que semble indiquer M. Spuller en ma-
tière religieuse ne pouvait satisfaire les répu-
blicains de la gauche, les partisans d'une po-
litique nettement démocratique et exempte de
toute faiblesse envers le cléricalisme comme
de toute avance faite aux ralliés.
M. Henri Brisson
C'est de ces deiniers que M. Brisson vient
se faire l'interprète. Il parle, lui, en homme
politique, avec la précision et la netteté qu'il
faut.
M. Henri Brisson. — J'avais espéré que M. le
ministre de l'instruction publique et des cultes
donnerait de l'esprit nouveau dont il a parlé une
définition plus ample.
En réalité, sa définition n'a été qu'un "acte de
contrition pour le passé. (Vifs applaudissements
à gauche et à l'extrême gauche.)
M. le ministre a dit qu'il était temps de prati-
quer la tolérance, comme si le gouvernement de la
République y avait jamais manqué. (Vifs applau-
dissements sur les mêmes bancs.)
M. de Baudry d'AMon — Vous oubliez le
droit d'accroissement, monsieur Brisson.
M. Henri Brisson. — M. le ministre a ajouté
qu'il était temps de ne plus faire à l'Eglise une
guerre mesquine, tracassière. vexatoire, comme si
le gouvernement de la République avait jamais fait
une pareille guerre, comme s'il avait fait autre
chose que de repondre, sur une situation défensive,
à la guerre sauvage menée contre lui. (Vifs ap-
plaudissements sur les mêmes bancs.)
- Comme tous ici nous avons suivi la même poli-
tique que lui (Très bien ! très bien ! sur les mêmes
bancs), puisque nous trouvons, dans les déclara-
tions d'un membre du gouvernement, le résultat
tions
des efforts de la politique papatâ pour s'emparer
de la direction des affaires de la République (Ap-
plaudissemenis sur les mêmes bancs), je propose
à la Chambre de répondre à cet acte de contrition
et à cet acte d'accusation contre les assemblées
précédentes, par l'ordre du jour suivant : « La
Chambre, persistant dans les principes anticléri-
caux (Applaudissements à gauche et à l'extrême
gauche) dont s'est toujours inspirée la politique
cépubbeaine; et qui seuls peuvent préserver les
droits de l'Etat laïque, passe à l'ordre du jour. »
(Applaudissements sur les mêmes ban.).
M Casimir-Perier mesuré, ats nombre de
ceux qui applaudissent, la gravité de la si-
tuation qu'ont créée au cabinet les considéra-
tions philosophiques de M. Spuller. Il essave
de corriger un peu l'impression produite par
les déclarations de celui-ci, mais n'y parvient
guère, ne faisant en somme que répéter à peu
près ce qu'a dit son collègue. Car tout en
reprenant le cliché des lois scolaires et mili-
taire intangibles, il proclame, lui aussi, qu'il
y a, en matière religieuse une politique nou-
velle à suivre, et que le pouvoir laïque peut
profiter de sa victoire définitive pour renon-
cer à la petite guerre des taquineries mes-
quines.
M. Casimir-Perier. — Nous voulons prati-
qaer une politique de défense énergique des droits
de l'Etat, nous croyons avoir autre chose à faire
que d'animer, sur les questions religieuses, les
citoyens les uns contre les autres. (Applaudisse-
ments.)
Une voix à l'extrême- gauche. — M. Humbert
applaudit.
M. Alphonse Humbert. — Oni, j'applaudis la
politique de tolérance. (Très bien t très bien t)
— Vous voulez faire la paix avec la droite
pour mieux faire la guerre à la gauche, crie
M. Millerand au président du conseil,
M. Goblet
C'est maintenant le tour de M. Goblet qui
avait demandé la parole pendant que parlait
M. Casimir-Perier.
M. Goblet rappelle, lui aussi, la tradition
républicaine, observée par les cibinets précé-
dents, c'est-à-dire la tolérance, mais aussi la
fermeté vis-à-vis de l'Eglise. Or, cette tradi-
tion, le gouvernement l'abandonne aujour-
d'hui.
M. Goblet. D y a un fait nouveau qui inspire au
cabinet toute une politique nouvelle, reniant l'an-
cienne politique républicaine. (Bruit.)
Ce fait nouveau, c'est l'alliance avec les ralliés,
sous la conduite du pape. (Vifs applaudissements
à gauche.)
Je dis que la papauté ne doit à aucun point de
vue se mêler à la politique de ce pays.
Or elle se mêle à notre politique, et c'est elle en
ce moment qui amène l'évolution que vous avez
constatée dans l'Eglise.
Etes-vous dupes de cette alliance? L'Eglise ac-
cepte la République pour mieux combattre ses
lois? (Très bien t très bien ! à gauche.)
Vous n'en êtes pas dupes; vous savez ce que
vous faites. Vous allez chercher vos alliés du côté
de la droite, de la réaction et du cléricalisme.
Le centre et la droite criblent le discours
de M. Goblet d'interruptions parfois désobli-
geantes.
Mais tout a été dit maintenant et le débat
s'arrête. En dehors de l'ordre du jour qu'a
déposé M. Brisson, il y a trois ou quatre
autres rédactions, dont la suivante, que pré-
sente M. Barthou et qu'accepte le gouverne-
ment : « La Chambre, confiante dans la vo-
lonté du gouvernement pour maintenir les
lois républicaines, et défendre les droits de
l'Etat laïque, passe à l'ordre du jour. »
M. de Baudry d'Asson explique que l'« es-
prit nouveau » ne le touche guère, et qu'il ne
saurait accorder sa confiance à un gouverne-
ment qui entend maintenir les lois « antire-
ligieuses et de persécution ». Tout au con-
traire M. de Mun déclare qu'il s'abstiendra,
ne pouvant émettre un vote de blâme à un
gouvernement qui a promis de pratiquer la
tolérance religieuse. Tout à l'heure, un autre
député de la droite, M. Binder, déclarera car-
rément qu'il va voter pour le gouvernement.
Mais auparavant, il y a eu un dernier col-
loque entre M. Casimir-Perier, disant que
s'il n'a pas fait de pacte avec la droite, il ne
repousse pourtant aucun concours — et M.
Goblet prenant acte de l'équivoque contenue
dans cette déclaration du président du con-
seil.
Et puis l'on a voté. La priorité que récla-
mait la gaucho pour l'ordre du jour Brisson,
lui a été refusée par 315 voix contre 191. L'or-
dre du jour gouvernemental de M. Barthou,
après avoir obtenu cette priorité par 280 voix
contre 159, a ensuite été voté par 302 voix
contre 119.
Ces chiffres montrent assez combien il y a
de voix de réactionnaires et de ralliés dans la
majorité qu'a obtenue M. Casimir-Perier et
combien aussi il y a eu d'abstentions répu-
blicaines.
L'affaire Dupuy-Ducret
Revenons maintenant sur l'incident soulevé
par M. Pelletan au sujet de la subvention ac-
cordée par M. Ch. Dupuy, alors ministre de
l'intérieur, au journal de" M. Ducret après la
condamnation prononcée contre celui-ci au
surjet de l'affaire des faux papiers. -
M. Pelletan avait engagé t'affaire en dépo-
sant un projet de résolution invitant le gou-
vernement à poursuivre « contre oui de
droit » — lisez contre M. Dupuy — le recou-
vrement de 8,000 francs prélevés sur les fonds
secrets pour être versés au journal de M.
Ducret.
L'orateur a flétri avec beaucoup d'élo-
quence cet étrange procédé ministériel qui
nous avait fait voir « un homme, condamné
d'une part par les tribunaux, et payé, d'autre
part, par un ministre de l'intérieur » U a rap-
pelé le procès à la suite duquel cette con-
damnation était intervenue, procès dans le-
quel on avait d'ailleurs négligé de com-
prendre l'un des principaux coupables.
M. PeHetM. — Je rappelle qu'on a été plus
surpris encore, quand le procès a éclaté, de voir
l'homme le plus condamné par l'opinion, celui qui
avait payé les coupables, celui dont les fonds se-
crets avaient été distribués avant ceux du gouver-
nement ; dé voir, dis-je, cet homme, dénoncé par
le cri publie et osant à peine démentir le fait, de
voir cet homme, qui était connu de la France en-
tière, ignoré de ceux qui étaient chargés de pour-
suivre et d'instruire cette affaire.
Voix diverses. — De qui parles-vous ?
M. Pelletan. — Vous savez de qui je veux par-
ler, et tous vous avez été. étonnés de ne pas le voir
sur le banc des accusés.
Il va de soi qu'à ce moment le nom de M.
Marinoni, directeur du Petit Journal, courait
sur tous les bancs.
M. Pelletan a adjuré l'ancien ministre de
l'intérieur devenu président de la Chambre,
de protester, de dire qu'il n'avait pas fait ce
dont on l'accuse. Mais M. Dupuy est demeuré
vissé à son fauteuil, courbant le front sous
ce sévère réquisitoire dont il reconnaissait
l'accablante justesse, puisqu'il n'essayait
même pas la moindre protestation, la moin-
dre explication.
Aucun ministre non plus n'est intervenu et
l'incident a en somme tourné au monologue.
Après le discours de M. Pelletan, il n'y a plus
eu qu'un échange d'explications rétrospecti-
ves entre MM. Mareel Habert et Pauli n Méry
d'une part et M. Develle, ancien ministre,
d'autre part, sur les pourparlers qui avaient
précédé la fameuse interpellation de M. Mille-
voye relative aux papiers du nègre.
M. Pelletan avait réclamé l'urgence pour
sa motion : 286 voix contre 126 l'ont repous-
sée, — ce qui fait, on le voit, 150 abstentions
venant de députés qui jugent comme elle le
mérite la conduite dé M. Dupuy. M. Paschal
Grousset a ensuite déposé une autre motion
enjoignant à M. le président Dupuy de don-
ner sa démission, puisqu'il n'a pu.. dé-
nier une accusation qui le fait complice d'un
faussaire ».
La Chambre, qui avait repou&sé la motion
de M. Pelletan, ne pouvait que faire subir le
môme sort à celle, plus sévère, de M. Grous-
set. Celle-ci a été écartée par la question préa-
lable. Mais, combien de députés pensaient
tout bas ce que M. Grousset avait dit tout
baut t
CHRONIQUE
Avez-vous lu ce romanesque fait-divers,
qui nous vient de province, l'histoire de
cet aveugle que sa femme trompait. Il se
trouva une bonne âme qui avertit le pau-
vre diable de son malheur. Charitable
inspiration, n'est-ce pas ! Tant que les
aveugles aient l'ouïe fine. et l'attention
éveillée, il y avait des chances, pourtant,
pour que, avec son infirmité, il ne s'aperçût
point de ses infortunes conjugales. Mais
il y a toujours d'excellentes gens qui sont
là pour ces besognes viles de délations.
On portait tant d'intérêt au brave homme
que, par une brusque révélation, on le
plongea dans un irrémédiable désespoir.
Çe sont de ces abominables petites lâche-
tés de tous les jours.
Combien la trahison devait sembler
plus affreuse à un malheureux qui, plongé
dans sa nuit, se sentait sans défense I Les
aveugles, que rien ne distrait,pensent for-
cément beaucoup. Celui-ci ne rêvait plus
que de vengeance.
Les « amis » qui avaient poussé le dé-
vouement jusqu'à ne lui rien laisser igno-
rer des frasques de sa femme, eurent la
délicatesse vraiment exquise de l'aider à
réaliser ses noirs projets. Oui, vraiment,
il se trouva une charitable personne pour
le conduire, en guide soigneux, devant la
maison où l'épouse coupable allait retrou-
ver son amant. On n'est pas plus obli-
geant, n'est-ce pas ?
- C'est là ? demanda-t-il.
- C'est là!
L'aveugle, en proie à une folle colère
(mais imaginez ce supplice de vivre au
milieu de pièges quand on ne peut rien
contre ces duperies !), sortit de sa poche
un revolver et, n'ayant pas la faculté de
viser, le déchargea au hasard contre les
vitres de la maison. Les carreaux volèrent
en éclats, ce fut une avalanche de balles,
tirées de très près, et il fallut, comme on
dit, un coup de chance pour que, sous
cette pluie de projectiles, personne ne fût
atteint. -
La « charitable personne », s'apercevant
que les choses se gâtaient, avait prudem-
ment disparu. Elle aurait dû comprendre,
un peu plus tôt, qu'on ne mène pas im-
punément un mari jaloux, fût-il aveugle,
à deux pas de l'endroit où se perpètre un
attentat contre son honneur.
Je n'absous pas complètement ce mari.
Je suis de ceux qui pensent, d'ailleurs,
que le revolver n'est pas une raison et que
ces histoires de vengeances tragiques ont
toujours un côté absurde. Du moins peut-
on s'expliquer son état d'esprit, exaspéré
par son infirmité. Un aveugle qui est vrai-
ment un philosophe assure que les aveu-
gles ne se distinguent point tant qu'on le
croit des autres hommes et qu'ils ne sont
pas tant à plaindre. J'admire sa résigna-
tion de sage s'inclinant devant le destin,
résignation dont il développe les raisons
en de petits livres consolateurs. Mais peut-
être ne songeait-il pas au cas d'une vilaine
trahison intime. J'estime quant à moi
quelè dépit de l'aveugle de Tourcoing pou-
vait justement être grand. De quels men-
songes était-il navré ! Devant ses yeux vi-
des, les coupables avaient échangé de brû-
lants regards, avaient pu sereinement se
passer des billets enflammés, tandis que
leur voix restait, en apparence, indicé-
rente. Il était si facile de l'abuser, lui, le
pauvre être privé du don le plus précieux.
Plus qu'un autre, connaissant soudain la
faute de sa femme, il devait être possédé
d'un désespoir allant jusqu'à la fureur.
Il était, toutefois, assez étrange que, lui
qui n'y voyait point, il eùt eu l'idée de
châtier l'infidèle et son complice avec un
revolver, qu'il ne pouvait point guider, et
dont les balles risquaient d'atteindre d'i-
noffensifs passants.
Mais quel rôle odieux et ignoble jouent
dans ce drame heureusement sans dénoue-
ment sanglant, les délateurs, les bavards
lâches si pressés d'informer l'intéressé de
ses déboires 1 Et ce zèle qui va, puisqu'il
ne se peut diriger lui-même, jusqu'à la
poster près de la maison des rendez-
vous !
Ah 1 qu'on souhaiterait un bon petit
exemple qui apprît à ces colporteurs de
potins, cause de tant d'aventnrea tragi-
ques, ce qu'il en coûte d'être si prompts à
la dénonciation ! Généralement — ce qui
est grand dommage t— la loi ne permet
pas de les atteindre. Ils en sont quittes,
quand l'affaire vient devant la justice,
pour un petit sermon du président, et
pour quelques murmures dé réprobation
de l'auditoire. Mais, ici, en raison même
de la céetté de l'homme au revolver (ii a
été, naturellement, arrêté et il sera pour-
suivi pour tentative de meurtre), la com-
plicité du si obligeant guide apparait
claire. Sans le souci qu'il a pris de mener
l'aveugle tout près des coupables, cet
acte de violence n'était pas possible en
effet. Je crois qu'une jolie condamnation «
ne déplairait à personne. Elle serait une
utile leçon pour ceux qui prennent un
malin plaisir au malheur des autres.
Ah f cette race de sournois et hypocrites
amis qui n'ont de repos qu'ils aient mis
un pauvre homme au courant de ce qui
lui survient de fâcheux, qui, en faisant
mine de compatir à sa malechallce, l'exci-
tent, le poussent à des résolutions farou-
ches, après l'avoir bouleversé par de pré-
tendues réticences t Quand sa colère, ea-
vamment attisée par eux, l'incite jusqu'à
un crime, ils se montrent très surpris et ]
même ils s'indignent. Les bons apôtres 1
ce sont eux, cependant, qui ont fait tout1
le mal, qui l'ont rendu irréparable I
Nous en avons vu récemment encore, de
ces gens-là, dans une affaire qui fit quel-
que bruit, où un mari, en plein boulevard,
avait massacré sa femme, qu'il rencontrait,
en compagnie d'un homme avec qui elle
se trouvait par hasard, et qu'il prit, lui,
pour l'amant. C'étaient d'obligeants voi-
sins qui l'avaient informé, par pure bonté
de cœur. et aussi parce qu'ils ne pou-
vaient tenir leur langue et garder pour
eux leur découverte des cascades de sa
volage moitié. C'est chose étonnante com-
bien il y a de personnes soucieuses de.
l'honneur. d'autruà ! :'
C'est pour-cela que puisqu'on trouve,
par fortune. un cas où il y a eu plus en- <
core que de la criminelle indiscrétion,'
une sorie d'aide matérielle donnée, il faut !
espérer qu'on ne laissera pas échapper *
l'occasion d'établir la responsabilité de,
ces faiseurs 'de commérages, l'isquant d'a-
voir les suites les plus - funestes.
Presque jamais — par une sorte de
grâce sans doute — ce n'est le mari qui]
s'aperçoit qu'il est trompé. C'est un petite
mot perfide d'un tiers, un soi-disant boni
avis, une réflexion hargneuse, accoaJ
gnée d'une poignée de main pleine d'une,
touchante effusion, qui le livre à la tOl'fo 1
ture des soupçons. Il n'y a guère cTç:
« drame de l'adultère » où on ne retrouvai
à l'origine, ces abominables insinuatioiJs
d'étrangers se mêlant — remplis d'exceW
lentes intentions t — de ce qui ne les re-
garde vraiment pas. Quand l'heure BOn.,
glante arrive, est-ce que ce ne sont pas
eux, ces tiers, ces étrangers, les vrai.-,
coupables ; est-ce que ce ne sont pas eux
qui ont armé la main qui tue ; est-ce que,
philosophiquement, ce ne sont pas eu<
que devrait atteindre le châtiment ? ,1
Mais non, ils se tirent indemnes de l'afri
faire, et il en est encore qui, après avoir
irrémédiablement apporté le chagrin dans j
une existence, après avoir même travailla
à amener une ou deux morts, après avoir,:
en tout cas, rendu impossible le pardon,
l'oubli, l'apaisement, déclarent, en bonsJ
tartufes qu'ils sont, qu'ils ont « fait leur
devoir d'amis. » J
Merci bien! Si on en tient un, par ha.
sard, de ces fidèles amis-là, on ne sera
vraiment pas fâché de le voir traité comme
mérite d'être traitée toute l'engeance à 1..,
quelle il appartient 1
Paul Ginisty.
CONSEIL DES MINISTRES
Hier, conseil des ministres à l'Elysée.
Le président de la République a signe, uur la
proposition du ministre de la guerre, un décret
elevant au grade de lieutenant-colonel le cornman-i
dant Joffre, qui a dirigé avec le succès quo l'oa,
sait la marche de la colonie envoyée à Tombeur
tou. "1
Sur la proposition du ministre de la marine, Ion
président de la République a signé un décret par.
lequel sont promus : <
Au grade de contre-amiral, le capitaine de vaie;
seau Michel ;
Au grade de capitaine de vaisseau. le capitaine
de frégate Le Roy.
Le conseil a décidé d'interdire l'entrée en France
du journal suisse l'Avenir, qui a fait l'apologie de
faits qualifiés crimes. -
LES FEMMES DE BEHANZIN
Oran, 3 mars.
Le Stamboul, venant de Kotonou, qui esift
arrivé cette nuit à onze keures, a débarqué
194 légionnaires. 1
Les passagers ont assisté à l'embarquement
de Behanzin sur l'aviso Segond. Behanzixv
pour adoucir son exil, comptait emmener avec
lui trente femmes ; mais on lui a permis d'en
emmener quatre seulement et quatre enfante.
La séparation a donné lieu à une scène d'a« l
dieux déchirante. Tandis que Behanzin do..
nait gravement sa bénédiction aux abandon-
nées, celles-ci se labourant les seins et pous- !
sant des cris déclaraient vouloir le suivre.
Malgré tout, elles entrèrent dans l'eau à
la poursuite des embarcations emmenant
Behanzin, risquant à chaque instant d'être
dévorées par les requins, et elles ne se déci- <
dèrent à regagner la plage que lorque l'aviso 4 :
eût disparu à l'horizon. ;
SINISTRE MARITIME
Trieste, 3 mars. 1
Le vapeur Elektra du Lktyd, et l'Orion se sont !
rencontrés cette nuit en vue de rUe de Porer, près <
de Pola, et se sont échoués ; YElehira est grave- j
ment endommagée à la proue ; YOrion a de petites i
avsries. i
'Une personne a été. tuée et trois eut é,*;.¡riivj
m«ut blessées.. - - ;
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