Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-03-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 mars 1894 04 mars 1894
Description : 1894/03/04 (A24,N8084). 1894/03/04 (A24,N8084).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7563765z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNIE/— > $084
LE NUMÊRO -- CINQ CLMMME9
DIMANCHE 4 MARS 1894
REDICTiOI ET ADSINtSTRATIOI
1 42, Rue Montmartre
PARIS
OIRECTEtlR POLITIQUE
A.-Edouard PORTALIS
Adresse télégraphique : XIX' SXÊGL2—PABXS
Téléphone : 20.269 W*.
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ÀFFÂIREJAIQDÉE
Les renseignements donnés sur la li-
quidation du parti royaliste ont soulevé
naturellement des protestations et des
dénégations empreintes de beaucoup
d'amertume. Mais il faut lire et médi-
ter ces démentis.
On ne peut sans doute s'adresser mieux
qu'à la Gazette de France ; elle fait pro-
fession spéciale de fidélité dynastique,
et passe son temps à dénoncer vaine-
ment la défection des « ralliés », à ré-
pudier le « figarisme) elle « mackisme ».
Ce dernier mot à l'intention d'être désa-
gréable au baron de Mackau, mais ce
n'est pas un mot bien fait.
Peuh! disait ces jours-ci la Gazette,
il y a une chose qui était connue de-
puis longtemps, c'est que « le comte de
Paris n'a pas jugé que l'organisation
de son parti valait ce qu'elle coûtait ».
Cet aveu lâché, elle se montre, dès le
lendemain, confiante, comme aux plus
beaux jours. « Jamais une restauration
n'est devenue plus nécessaire, s'écrie-t-
elle ; l'évidence en apparaîtra à tous les
bons Français avant peu. » C'est exac-
tement ce qu'elle répète depuis soixante-
quatre ans tout à l'heure, et le même
« avant peu » réconfortait les anciens
gardes du corps, dès le moment où l'u-
surpation du grand-père du comte de
Paris barrait la route à l'enfant du mi-
racle. Il y a une observation plus conso-
lante encore, et la voici : « C'est géné-
ralement lorsqu'on parle le plus de la
disparition du parti royaliste que se
manifestent sa force et sa vitalité. »
Ainsi, tout est pour le mieux. Quand
le prétendant demande partout des can-
didats pour arborer sa bannière, et que
personne ne répond à son appel, signe
de force. Quand le comte d'Hausson-
ville, en vue d'élections générales, bat
toutes les campagnes dans notre beau
pays pour susciter des champions de la
légitimité et ne se fait entendre que de
M. Calla, qu'il eût pu d'ailleurs presser
sur son cœur sans dépasser les fortifi-
cations, c'est une preuve merveilleuse
de la vitalité du parti. Il n'y a point de
parti comme celui-là; plus irest introu-
vable et invisible, plus il est imposant.
C'est quand il aura perdu ses derniers
adhérents qu'il sera le plus près du
succès ; car il n'a pas besoin de travail-
ler, c'est le Très-Haut qui travaille pour
lui.
Voulez-vous maintenant consulter ce
comte d'Haussonville, qui avait annoncé
la grande mobilisation royaliste, en se
décernant lui-même le titre de chef
d'état-major général? Oh! il ergote sur
les détails de l'information publiée par
le Figaro; il insinue que ces révéla-
tions pourraient bien être le fait d'un
candidat déçu, qui aurait inutilement
sollicité l'investiture et surtout les sub-
sides de son roi. Mais toutes ces chica-
nes perdent bien de leur valeur devant
cette déclaration lâchée dans un inter-,
view : « Nous avons toutsimplement di-
minué nos frais. »
Eh bien ! mais, il semble que tout le
monde soit d'accord. Le prétendant a
trouvé que son organisation ne valait
pas ce qu'elle coûtait ; il a tout simple
ment diminué ses frais. On n'a jamais
soutenu autre chose ni voulu démon-
trer davantage. Il est notoire depuis bien
longtemps que, dans la famille d'Or--
léans, on n'aime pas les mauvais pla-
cements. Envoyer de toutes parts des
agents de propagande, les défrayer de
leurs frais de voyage et de séjour, ver-
ser des subventions un peu partout à
des feuilles sans lecteurs, et voir arriver,
au bout de tous ces efforts, sur près de
six cents députés, une demi-douzaine
qui ne se défendent pas d'être monar-
chistes, mais ne recherchent guère les
occasions de le rappeler, c'est évidem-
ment là un résultat qui n'est pas en
rapport avec la dépense, et qui invite à
diminuer les frais.
Les comités et les journaux réaction-
naires n'ont pas disparu dans les dé-
partements, mais ils se sont aperçus
qu'il n'était plus aisé d'être à la fois
royaliste avec le roi et catholique avec
le pape, qu'il fallait faire un choix. Ils
ont pour la plupart opté pour le pape,
C'est que le nombre des gens qui croient
encore à l'intelligence politique et à
l'avenir du prince de Sbeen House va
tous les jours s'éclaircissant, tandis que
les passions cléricales ont conservé un
peu partout leur animation ; si elles ne
fournissent pas toujours un public suffi-
sant par lui-même pour la prospérité
d'un journal, on peut s'adresser à elles
pour trouver à l'occasion des concours
autrement effectifs que les subventions
parcimonieuses et fragiles distribuées
par le comité d'Haussonville. Mais, du
- moment qu'il ne s'agit plus de rappro-
cher l'heure d'une restauration; et que
le prétendant ne voit plus luire l'espoir
de rentrer dans ses frais, il serre les
cordons de la bourse ; c'était dans l'or-
dre. Le parti réactionnairè est toujours
là ; mais le royalisme n'existe plus qu'à
l'état d'excentricité individuelle.
Gustave Isambert.
M. DUPUY ET M. DUCRET
MM. Mathé, Leydet et Pajot se sont rendus
hier officiellement, au nom du groupe dé l'ex-
trême-gauche, chez M. Dupuy pour lui an-
noncer que M. Camille Pelletan soulèverait
aujourd'hui, au début de la séance, l'incident
annoncé au sujet des allégations produites par
M. Ducret.
Le président de la Chambre a demandé aux
délégués de lui indiquer sous quelle forme
cet incident serait porté à la tribune.
M. Mathé lui a répondu que M. Camille Pel-
letan avait le choix entre - plusieurs moyens,
et que c'est seulement ce matin que le dé-
puté d'Aix prendrait une décision.
M. Charles Dupuy a remercié ses collègues
de leur démarche, et l'entretien a pris fin
sans qu'aucune autre parole essentielle ait
été échangée.
M. Charles Dupuy présidera aujourd'hui
la séance de la Chambre. Cependant M.
Etienne sera prêt à le remplacer au fauteuil
présidentiel.
Ajoutons, d'après nos renseignements, que
la question des fonds secrets alloués à M.
Ducret sera portée à la tribune sous forme
d'une proposition de résolution, d'après la-
quelle la Chambre serait invitée à constituer
une commission parlementaire chargée de
connaître et de vérifier l'emploi des fonds se-
crets.
Ce moyen aurait été jugé le plus praticable
dans une réunion tenue hier dans l'après-
midi par quelques députés radicaux-socia-
listes.
LE GÉNÉRAL GOURKO EN FRANCE
(DE NOTEE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Varsovie, 2 mars.
Un ukase du tsar accorde au général Gourko un
congé illimité pour qu'il puisse prendre un séjour
prolongé en France,
Le général Gourko gardera son titre de gouver-
neur de Varsovie.
L'EXPLOSION
DE LA RUE FRANÇOIS-MIRON
L'arrêt du conseil d'Etat
Les nombreux pourvois ou recours, inci-
dents émanant de la Compagnie parisienne
du gaz, de la ville de Paris ou des victimes
de l'explosion de la rue François-Miron, ont
été jugés hier par le conseil d'Etat statuant
au contentieux.
Au début de la séance le président a donné
lecture des différentes décisions qui toutes
sont conformes à la décision de principe ren-
due vendredi dernier, et que nous avons fait
connaître. *
En conséquence, tandis que la Compagnie
du gaz se trouve entièrement déchargée des
condamnations prononcées contre elle et so-
lidairement contre la ville, par le conseil de
préfecture, toutes ces condamnations sont
mises en leur entier à la charge de la ville
de Paris.
On se souvient que le conseil de préfecture
avait alloué à certaines des victimes de l'ex-
plosion des indemnités en capital montant à
près de 300.000 francs, et aux autres des ren-
tes viagères dont le total monte jusqu'à pré-
sent — car ce conseil n'a pas encore statué
sur toutes les réclamations — à environ 2.700
francs. Il avait partagé les responsabilités
entre la ville de Paris et la Compagnie du
gaz dans la proportion des trois quarts à la
charge de la ville et d'un quart a la charge
de la compagnie. La décision du conseil d'E-
tat rend la ville uniquement responsable, et
la défaite de celle-ci est d'autant plus mar-
quée que la haute assemblée a, sur le recours
des intéressés, augmenté le taux de plusieurs
des indemnités accordées.
L'Empereur et Umperatm d'Autriche
EN FRANCE
; Menton, 2 mars.
L'empereur et l'impératrice d'Autriche sont
sortis ce matin à sept heures.
Ils ont fait une promenade le long de la
mer et dans le bois du Cap. Ils sont rentrés
à l'hôtel à neuf heures par l'avenue de Monte-
Carlo.
A onze heures, ils ont reçu la visite de
l'archiduc frère de l'empereur, qui est res té à
déjeuner.
Cette après-midi, ils sont allés visiter les
jardins du commandeur Hanbury à la Mor-
tola.
Ils y sont restés une heure un quart envi-
ron.
Le service d'ordre était fait par deux cara-
biniers italiens.
De nombreuses voitures avaient conduit
déjà d'autres visiteurs venus de Menton.et
des environs, qui ont salué l'empereur et
l'impératrice, qui se montrent toujours en-
chantés du pays et de son climat.
Le yacht autrichien le Gréif, qui était en
rade, a levé l'ancre ce matin pour se rendre à
Gênes, afin de se soumettre aux réparations
nécessitées par suite d'avaries survenues
pendant son passage dans le golfe du Lion.
LES SOCIALISTES ALLEMANDS
ET LA PROCHAINE GUERRE
Berlin, 2 mars.
Un curieux incident s'est produit au Rei-
chstag au cours de la discussion surle budget
de la guerre.
Le ministre de la guerre, M. Bronsart, ve-
nait de répondre à M. Bebel sur certaines criti-
ques dont les manœuvres qui ont eu lieu en
Alsace-Lorraine avaient été l'objet.
M. Bebel revenant sur la question a ex-
posé que dans la prochaine guerre, qui sera
pour l'Allemagne une guerre défensive comme
elle n'en a pas encore soutenu, les sous-offi-
ciers seront fréquemment obligés de prendre
le commandement.
« Il y a déjà de nombreux socialistes parmi
les sous-oficiers, a ajouté l'orateur; 1 admi-
nistration militaire peut se réjouir d'avoir de
son côté un parti aussi considérable que le
parti socialiste. »
Le ministre de la guerre a aussitôt remercié
M. Bebel de l'annonce que l'administration
militaire peut compter en cas de guerre sur
les socialistes de l'armée.
« Les inquiétudes que l'on a éprouvées à
cet égard, a dit le ministre, se trouvent dissi-
pées dans une forte proportion. »
L'incident n'a pas laissé aue de soulever
quelques rires à droite. ,
RAMON CONTRE ROTHSCHILD
INGÉNIEUR DÉPOUILLÉ DE SON IN-
VENTION
Dette impayée. — Les Roths child n'ont—
ils plus le sentiment de l'échéance ?
Dans notre numéro du 13 février nous
avons annoncé que M. Hamun, ingénieur,
avait intenté un procès à M. de Rothschild.
Ce procès doit être très prochainement plaidé
devant la lre chambre du tribunal civil de la
Seine. Chaque semaine, le vendredi, le gref-
fier appelle « Hamon contre Rothschild w.
Me Desjardins plaidera pour M. Hamon. Le
baron de Rothschild sera défendu par Me
Strauss.
Ce procès, comme nous l'avons dit, fera
quelque bruit, d'abord à cause de la person-
nalité du défendeur et aussi en raison de l'ob-
jet du litige. :
En deux mots, voici de quoi il s'agit :
M. Hamon, ingénieur distingué est l'inven-
teurd' tun transmetteur de mouvement circu-
laire à vitesse amplifiée » qui constitue au dire
des savants un incontestable progrès, et qui
paraît appelé à rendre les plus grands servi-
ces dans la production de l'électricité ainsi
que dans beaucoup d'autres cas.
Le 3 juin 1889, M. Hamon prenait pour la
France un brevet de quinze années sous le
numéro 193,692. Les deux premières annuités
de ce brevet furent régulièrement payées par
lui à leur échéance.
Au mois d'août 1892, M. Hamon reçut des
agents chargés de la vente des machines à
grande vitesse Westinghouse des propositions
pour l'exploitation de son brevet.
Il fit aussitôt part de ces offres à la Société
anonyme pour la transmission de la force
par l'électricité ».
La « Société anonyme du transport de la
force par l'électricité » a son siège social rue
Lafayette, 13. Elle a été fondée par la « Société
de Rothschild frères et elle a pour président
M. de Rothschild.
La société Rothschild étudia, pendant
deux mois et demi, l'invention de M. Ha-
mon, et le 15 octobre 1892 elle signait un
traité en participation avec ledit M. Hamon
pour l'exploitation de son brevet.
C'est l'exécution ou plutôt la non-exécution
de ce traité qui a donné lieu au procès ac-
tuellement pendant. ,
Il y a plus d'un an déjà que le président du
tribunal a donné l'autorisation de poursuivre
M. Lévy, directeur de là société et M. de
Rothschild, président.
Dans l'assignation qui est datée du 23 fé-
vrier 1892 M. Hamon expose :
Qu'aux termes de ce traité, la Société anonyme
pour le transport de la force par l'électricité avait
la gérance de l'association au regard des tiers, tous
pouvoirs lui étant conférés pour l'exploitation du
brevet Hamon, pour la poursuite des contrefac-
teurs, la concession de toutes licences particu-
lières, etc.
Qu'en outre, la Société anonyme dont s'agit de-
vait faire seule toutes les avances jugées par elle
nécessaires pour l'exploitation de ce brevet et no-
tamment faire les frais de toutes les annuités res-
tant à échoir.
C'était donc une véritable dette que con-
tractait la Société Rothschild, dette qui con-
sistait notamment et expressément a payer
les annuités du brevet restant à échoir.
Ce qui donne à ce procès un piquant vrai-
ment original, c'est que cette dette, M. de
Rothschild, ou ce qui revient au même, la
société fondée et présidée par M. de Roths-
child, ne l'a pas payée.
L'assignation en effet expose :
Que la Société anonyme pour la transmission delà
force par l'électricité n'a pas effectué le 3 juin 1891
le paiement de la troisième annuité du brevet Ha-
mon, et que parle fait de ce non-paiement Hamon se
trouve aujourd'hui et sans recours possible pure-
ment et simplement dépossédé de son brevet de-
venu sans force et sans objet.
Que ce non-paiement, vraiment incompréhensi-
ble de la part de cette Société, cause à Hamon un
préjudice considérable et peut avoir pour lui les
conséquences les plus graves en ce qui concerne
l'exploitation de ce même brevet en Allemagne,
en Angleterre et aux Etats-Unis de l'Amérique du
Nord.
Qu'Hamon est doncen droit de demander une juste
et équitable réparation du dommage qui lui est
cause.
Que cedommage euégard surtout aux circonstances
particulières de la cause ne saurait être moindre
d'une somme de six cent mille francs.
Pourquoi, etc.
Une société présidée par Rothschild ou-
bliant ses échéances, laissant protester sa si-
gnature et se laissant envoyer l'huissier pour
n'avoir pas tenu ses engagements, n'est-ce pas
un signe des temps du comique le plus trans-
cendant?
Quelle est la raison pour laquelle la Société
de transmission -de la force par l'électricité
présidée par M. de Rothschild n'a pas rempli
ses engagements? Est-ce par négligence?
Est-ce parce que dans cette fin de siècle déli-
quescente, les Rothschild eux-mêmes ont
perdu le sentiment de l'échéance?
Si extravagante que soit cette hypothèse,
elle nous paraît encore la plus plausible et la
moins désobligeante pour le bon renom des
Rothschild, car nous ne voulons pas suppo-
ser qu'on ait eu intérêt à laisser tomber le
brevet de M. Hamon dans le domaine public,
et qu'on n'ait même traité avec lui que pour
atteindre ce résultat.
Les débats, qui s'ouvriront un de ces pro-
chains vendredis devant le tribunal civil de
la Seine, feront sans doute la lumière sur ce
point et sur d'autres que nous n'avons pu in-
diquer dans ce trop rapide aperçu. Ce qui est
dès maintenant certain, et ce qui apparaîtra
de plus en plus clairement quand nous au-
rons fait connaître toutes les circonstances
de la cause, c'est que l'affaire Hamon-Roths-
child soulève plus d'un problème de psycho-
logie, et que certainement elle alimentera
longtemps la verve des chroniqueurs,
TENTATIVE D'ASSASSINAT
Contre un Français à Tananarive-
Marseille, 2 mars.
Le Madagascar, arrivé ce matin par le pa-
quebot Vitle-de-la-Ciolat, donne les dé-
tails suivants sur la tentative à main armée
dont a failli être victime son confrère de
l'lmerina à Tananarive :
« Dans la nuit du 19 au 20 janvier, à deux
heures du matin, la maison de M. Durand,
directeur-gérant du Progrès de VImeHna, et
agent de la maison Robut et Sorrant, a été
assaillie par une bande de brigands au nom-
bre de trente ou quarante.
» La maison est située dans le quartier où,
depuis plusieurs mois, notre journal signalait
des actes de brigandage.
» Réveillé par les aboiements de ses chiens,
M. Durand résolut de sortir.
» Il fit fuir quelques individus, mais en
voulant faire le tour de la maison il se trouva
subitement au milieu de brigands arméâ de
zagaies, de coutelas et de haches.
» Il somma alors, les assaillants de se re-
tirer. *
» Voyant qu'ils s'apprêtaient au contraire
à l'attaquer, et se trouvant en danger de
mort, il mit en joue ; les brigands qui se
trouvaient autour de lui reculèrent. Mais der-
rière lui notre compatriote, entendant un cli-
quetis d'armes, fit fen.
» La déroute commença.
» Les brigands grimpèrent le long des murs
et sur les arbres.
» M. Durand tira une seconde fois. Un des
assaillants tomba, frappé à la tête de trois
chevrotines.
» Les domestiques sortirent à ce moment de
la maison et, dans l'obscurité, on rechercha
la trace des blessés.
» On retrouva, au pied d'un arbre, le ca-
davre d'un homme de la bande.
» Aussitôt. M. Durand fit prévenir la rési-
dence aénérale.
» On envoya un détachement au secours de
notre compatriote.
» Dès le matin du 20 janvier, les autorités
françaises précédèrent à une enquête.
» On put reconstituer la scène de la lutte.
On retrouva la trace de plusieurs blessés et
on constata que les bandits s'étaient retirés
par plus de six issues différentes, démolissant
les murs, brisant les obstacles.
» Inutile de dire que deux postes de police
indigène, placés, l'un dans la plaine et 1 autre
à vingt-cinq pas de la maison assaillie, se
sont bien gardés d'intervenir.
» Les juges malgaches n'ont encore rien
fait pour retrouver les coupables.
» Ce nouvel attentat rappelle les attaques
dirigées jadis contre la mission catholique, la
maison de M. Chaillet, iconsul, la maison et
la personne de Mme Gregory, femme d'un
missionnaire anglais, de même que les meur-
tres du docteur Béziat, de MM. Muller et Si-
longène.
» Les auteurs de ces différents attentats
jouissent d'une impunité absolue. »
On annonce d'Ambositra la mort de Ravo-
niiiahidriniarivo, frère du -premier ministre
actuel, et exilé là depuis 1887 à la suite d'un
prétendu complot. Il conservait encore dans
la capitale de nombreux partisans qui ne dé-
sespéraient pas de le voir revenir un jour de
captivité et remplacer Rainilaiarivonv.
LE CAS DE M. BING
Nous avons raconté dans notre dernier nu-
méro le « cas » de M. Sigfried Bing, négociant
rue Chauchat, inscrit sur la liste du jury de
la cour d'assises qui siège actuellement.
M. le président Caze demanda l'état civil
de M. Bing qui, en ce moment en Amérique,
n'avait pu répondre à l'appel de son nom.
Sur la liste du jury, cet état civil était ainsi
mentionné : « Bing (Sigfried), né à Hambourg
» (Allemagne), le 22 février 1838, négociant,
» rue Chauchat, 19. »
Alors M. Caze s'adressant à M. Bulot qui
occupait le siège du ministère public:
— Comment se fait-il, M. l'avocat général,
qu'un Allemand figure sur une liste de jurés
français ?
- — Je vais immédiatement faire faire une
enquête à ce sujet, répliqua M. Bulot.
Nous l'avons faite cette enquête et nous
avons appris que M. S. Bing était bel et bien
français. M. Bing est, en effet, naturalisé de-
puis trente ans; c est au titre de Français qu'il
a été décoré de la Légion d'honneur en 1889
pour les remarquables travaux qui firent
connaître l'art japonais en France, et pour
l'organisation de la section des arts japonais
à l'Exposition universelle. De plus, son fils
aîné, Jacques, brigadier de chasseurs d'Afri-
que, mourut sous nos drapeaux, en septem-
bre 1891, frappé d'insolation sur les frontières
du désert.
Le personnel chargé d'établir la liste du
jury éviterait facilement aux présidents de
cour d'assises cette catégorie d'étonnements,
en mentionnant la naturalisation à côté de
l'indication du lieu de naissance.
Ce ne serait vraiment pas trop compliqué.
L'ABBÉ JACOT
Strasbourg, 2 mars.
On sait que l'abbé Jacot, le fameux curé germa-
nophile de Fèves, vient de faire paraître un vo-
lume intitulé Vingt ans après, et qui n'est que
l'apologie des mesures prises par le gouvernement
allemand en Alsace-Lorraine.
L'abbé Jacot ayant envoyé à l'empereur un exem-
plaire de son livre, Guillaume Il lui a fait écrire
qu'il le félicitait de son patriotisme ainsi de
ses efforts pour hâter la germanisation de l'qAulse ace-
Lorraine.
UN ÉMULE DE LÉAUTHIER
Roubaix, 2 mars.
Cette après-midi, un anarchiste nommé
Edouard Mario, ouvrier tisserand, congédié
do l'établissement où il travaillait, il y a
quinze jour., a tenté d'assassiner son ancien
patron, M. Gauchies, tisseur à façon, au mo-
ment où ce dernier sortait de l'atelier; il s'est
élancé sur lui et lui a porté trois coups de
tranchet à la tête.
Arrêté, il n'a pas dissimulé que c'était ses
opinions anarchistes qui l'avaient porté à tuer
son patron.
Les blessures de M. Cauchies ne sont pas
graves. ■
L'ENQUÊTE SUR LA MARINE
Hier, réunion hebdomadaire de la com-
mission extra-parlementaire de la marine.
M. Lockroy annonce que la troisième sous-
commission est en mesure de présenter, par
l'organe de trois rapporteurs qu'elle a dési-
gnés, une première étude sur les questions
suivantes :
Sur la disponibilité des torpilleurs, par M.
Lockroy ;
Sur le Magenta, par M. Vallon ;
Sur les approvisionnements, vivres du port
de Toulon, et sur la question dite du vol des
blés, par M. Thomson.
Ces divers rapporteurs constatent que des
conclusions définitives ne pourront être pri-
ses qu'après l'enquête locale à laquelle il
conviendrait de procéder le plus prompte-
ment possible.
La commission décide que les rapports qui
viennent d'être faits ne seront pas imprimés
jusqu'à nouvel ordre.
11 est procédé à la désignation de la déléga-
tion devant se rendre à Toulon.
Elle est nommée au scrutin secret, au nom-
bre de sept membres en sus des rapporteurs
désignés, soit onze membres en tout.
Cette délégation est composée de MM. Bris-
son, Lockroy, Thomson, Vallon, Cuvinot, de
Kerjégu, Labat, Ch autem ps, Coche ry, Cabart-
Danneville, Bouchard.
Cette commission partira mardi soir pour
Toulon.
LES ESPAGNOLS AU MAROC
Tanger, 2 mars.
Le bruit court à Mazagan que 1 indemnité espa-
gnole serait réglée. 0
Le Maroc paierait 3 millions de dollars, dont
immét diatement un million en espèces et le reste de
la somme dans deux ans, - -
CHRONIQUE
LE MONOPOLE DES AVOCATS
Est-ce que les avocats en seraient bien-
tôt réduits à plaider pro domo et exposés
à perdre la seule cause qui leur soiftenère,
la leur ? Un vent de fronde souffle depuis
quelque temps sur lebarreau.On demande
par voie parlementaire, la suppression du
conseil de l'ordre et « l'abolition des pri-
vilèges ». Et ces projets causidicides ont
pour auteurs, hélas t des avocats drus et
forts, méchants enfants qui mordent au-
jfoourtrsd, 'hui le sein de leur nourrice.
Si cette petite bastille bourgeoise est
emportée bientôt au nom des principes de
89 retournés contre leurs auteurs, il faut
avouer qu'elle n'aura pas duré longtemps.
Souslancien régime, l'avocat est un mince
personnage; il joue un rôle d'utilité à Tar-
rière-plan du monde judiciaire. Il vivote
obscurément dans le sillage de la noblesse
de robe , qui lui tient, du reste, la dragée
haute ; il reste confondu dans « le domes-
tique » du Palais avec la foule obscure
des huissiers, des procureurs et des ser-
gents.
C'est la Révolution qui le fait sortir de
page. Avec Robespierre, Danton, Desmou-
lins, Vergniaud, tout le menu fretin des
parlements s'agite et monte à la surface,
tandis que les grands parlementaires pren-
nent le chemin de l'échafaud ou de l'exil.
L'avocat s'empare alors de la politique;
il en fait sa chose, et depuis un siècle il
en détient le record. Tout nalttfélfement,
comme charité bien. ordonnée commence
par soi-même, eo grand pourfendes? des
privilèges. d'autrui s'est empressé de
faire rétablir on renforcer les siens sous le
Consulat, l'Empire et la Restauration.
Il nous semble toutefois que son étoile
pâlit. Il règne toujours dans la politique.
Il tient ou à peu près les assemblées et le
gouvernement. Mais, sauf quelques excep-
tions brillantes, il n'a plus l'oreille des
foules, et il est tombé, pour Ja popularité
un peu au-dessous du médium.
Tous les griefs classiques, toutes les ma-
lignités de notrelittérature depuisle « Ro-
man de la Rose » jusqu'aux chansons de
Xanrof, se réveillent au moindre incident
avec une acuité croissante et finiront par
avoir raison de ce débris restauré des
vieilles corporations qu'on appelle le mo-
nopole du barreau.
Dans les milieux populaires, ce qu'on
lui reproche le plus, c'est son insincérité
en quelque sorte professionnelle. Obligé
d'entrer dans la peau de tous les clients
qui se succèdent dans son cabinet, de
jouer tous les rôles, de prendre tous les
masques, l'avocat n'est pour la foule
qu'un agréable virtuose. On va l'entendre
volontiers comme on va voir les acteurs
en vogue ; mais on ne lui demande ni
convictions, ni principes, et c'est dans son
talent seul qu'on cherche la mesure de sa
personnalité. Il est pour le client ce qu'é-
tait autrefois le spadassin; on cherche
avant tout une langue bien effilée et un
bon coup de gosier, comme on ne deman-
dait à l'autre qu'une bonne poigne et une
Une lame pour vous débarrasser de vos
ennemis.
J'ai connu en province un jeune avocat
qui a fait depuis un fort joli chemin dans
la magistrature. Il défendait une rece-
veuse,des postes atteinte et convaincue
hélas ! de détournement de fonds et, au
cours de sa plaidoirie, il avait éreinté dans
les grands prix le contrôleur qui avait
découvert le pot-aux-roses. Et comme le
pauvre diable de fonctionnaire, pendant
une supension d'audience, lui reprochait
en geignant d'avoir vilipendé un honnête
homme : « Ah ça ! lui dit-il avec la voix
de Baron dans les Charbonniers, vous
figurez-vous que nous sommes ici pour
défendre les honnêtes gens? Avec l'obli-
gation de prêter journellement son minis-
tère à un tas de gens véreux ou d'aigre-
fins, il faudrait que l'avocat fût coulé en
bronze pour ne pas se laisser aller insen-
siblement au « j'meafichisme » le plus
raffiné. »
Mais le public n'en est pas dupe et il ne
cherche en général dans les plaidoiries
que des effets d'artiste. Pour lui comme
pour les avocats, du reste, une plaidoirie
est la suite naturelle des compositions de
la rhétorique, le vers latin en moins.
Dans ces exercices ils sont incompara-
bles et souvent plus forts que nature.
C'est Lachaud, je crois, qui, défendant
un jour un abominable vaurien, mit une
telle intensité de 'passion en décrivant la
jeunesse de l'accusé que celui-ci se mit à
verser de vraies larmes : « Ah ! je ne sa-
, vais pas, s'écria-t-il, que j'avais été si
malheureux ! »
A ce point de vue, la suppression du
monopole pourrait bifeii amener, sinon la
décadence de l'art, du moins sa transfor-
mation. Après tout, si le cœur vous en
dit, vous serez toujours libre de recourir
aux spécialistes et aux « professionnels ».
Mais, du moins, vous n'y serez pas forcé.
C'est déjà quelque chose pour le malade
que d'avoir le droit de changer de méde-
cin et même de choisir son médecin en
dehors de la Faculté. On trouvera dans
tous les tribunaux la liste des licenciés en
droit ; on pourra y prendre un défenseur
et, au besoin, le prendre à côté. Weiss,
qui n'était pas avocat, a prononcé un jour
pour lui-même une plaidoirie qui reste
un des modèles du genre. Le mal serait-il
bien grand si, au lieu de s'adresser aux
ténors et aux grands premiers rôles, on
prenait un peu plus l'habitude de se dé-
fendre soi-même?
Et puis, en ces derniers temps, le con-
seil de l'ordre est devenu bien tâtillon et
bien encombrant. Il se mêle trop de ce qui
ne le regarde pas. On n'a pas oublié la
mésaventure de notre confrère Ajalbert,
frappé d'une suspension de trois mois, et
puni, comme avocat, pour l'esprit qu'il
avait montré comme journaliste.
Par un juste retour des choses d'ici-bas,
ce sont des avocats qui réclament aujour-
d'hui la suppression du monopole. Du
moment que les privilégiés ne veulent
plus de privilèges, je me demande avec
inquiétude aui se chargera de les défen-
dre. On sera peut-être obligé de leur don-
ner un avocat d'office.
J'admire, pour ma part, cette tranquille
assurance et je m'étonne que le bâtonnier
n'ait pas encore levé son bâton sur ces sa-
crilèges qui veulent mettre la petite église
en liquidation. On me dira qu'ils sont
députés et qu'à ce titre ils ont bien le
droit de déposer un projet de loi. Mais
Ajalbert, lui aussi, était journaliste, ce
qui ne l'a pas empêché d'encourir les ri-
gueurs de la corporation. A la place de
Millerand et de ses confrères, je ne serais
pas tranquille et je craindrais, sinon pour
ma tête, du moins pour ma toque.
André Balz.
ASSASSINAT D'UN CËMËRAL
Buenos-AYres, 2, mars.
Des avis de Bolivie annoncent que la popu-
lace a tué, à la station d'Urjuni, le général
Daza qu'elle accusait de trahison.
Le général Daza s'était sauvé en Europe
pendant la guerre de Bolivie et du Chili, et il
avait emporté plusieurs centaines de mille
dollars appartenant au Trésor.
La Chambre l'avait mis hor3 la loi et" dé-
claré traître à la patrie.
Le général avait habité longtemps Paris,
et s'étant récemment trouvé à court d'argent
il était venu se fixer à Puno dans le Pérou.
Le Sénat bolivien devant qui son affaire
avait été portée avait refusé de le déclarer
traître à la patrie, mais l'avait reconnu cou-
pable de vol au préjudice du Trésor, et le
général était devenu un objet de haine pour
ses compatriotes, de telle sorte que la nou-
velle de son assassinat n'a causé aucune sur-
prise.
PAS D'ARGENT, PAS D'INSTITUTEURS
(DB NÓTRB CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 2 mars.
La situation financière de la Prusse allant
de mal en pis depuis une dizaine d'années,
tous les services administratifs s'en ressen-
tent profondément, mais aucun autant que
l'instruction publique. !
L'argent manquant on ne peut plus payer,
les instituteurs, et les divers ministres qui se
sont succédé, MM. de Gossler, de SedIitz".
Bosse, ont, les uns après les autres, résolu de
ne plus remplacer les déoédés et les démis-
sionnaires. Il en résulte que le nombre de*
écoles fermées, c'est-à-dire sans maîtres, aug-
mente sans cesse.
Voici d'ailleurs des chiffres officiels, maàr
éloquents :
En 1878 il y avait 615 vacances d'institu-
teurs ; quatre ans plus tard, en 1882, il y e..-
avait 6,051 ; en 1886 il y en avait 10,347 ; ea
1891 il y en avait 12,652. Ce dernier chiffre en
dit plus que tous les commentaires.
Et c'est l'instituteurprussien, dit la légende,
qui a donné la victoire à l'Allemagne ea
1870-71.
DÉMISSION DE i GLADSTONE
LA QUESTION DE SA SUCCESSION
Le testament politique de M. Gladstone*
Les radicaux et lord Rosebery.
M. Gladstone chez la reine
(DE KOTRS COItRKlPOXDUT PARTICULIER)
Londres, 2 mars.
La Pall Mali Gazette avait raison : c'est
dès demain que M. Gladstone présentera offi-
ciellement sa démission à la reine.
Le cri de guerre qu'il a poussé hier contre
la Chambre des lords doit donc être consi-
déré comme un testament politique adressé à
son successeur.
Mais on ne peut pas dire que ce discours
soit le chant du cygne du vieux parlemen-
taire, car s'il ne reste plus au pouvoir, il n'a-
bandonne pas pour cela son mandat de dé-
puté d'Edimbourg et peut-être aura-t-on en-
core l'occasion d'entendre sa voix à la Cham-
bre des communes.
C'est du moins l'espoir que M. Gladstone
emporte avec lui en se retirant.
Quoi qu'il en soit, il est bon d'examiner
quelle est la situation que la retraite du grand
homme d Etat crée au parti libéral. ,
Après avoir reçu la démission de M. Glads-v
tone, la reine aura constitutionnellement la
droit de faire appeler qui elle veut pour lui
confier le pouvoir. Mais. si son choix n'était
pas ratifié par la majorité de la Chambre des
communes, la dissolution s'imposerait.
LE SUCCESSEUR
En attendant, quatre noms se présentent au
choix de la souveraine : lord Rosebery, lord
Spencer, piemier lord de l'amirauté, lord
Kimberley. secrétaire d'Etat des Indes, et
enfin sir William Harcourt, chancelier de
l'Echiquier.
La décision de la reine est prise depuis
deux jours, dès le moment où M. Gladstone
l'a prévenue de son intention de se retirer. f;
Son choix s'est porté sur lord Rogebery.'
qui est tout prêt à accepter le titre de pre-
mier ministre.
Il sera donc appelé lundi à Windsor ; mais
il ne s'ensuit pas qu'il acceptera immédiate-
ment ce bâton de maréchal auquel il aspire
denuis lonsrîemps.
La démarche que les radicaux ont faite
hier indique bien, en effet, qu'en ce cas une
majorité serait àssez difficile à constituer.
Au fond, ce n'est pas qu'ils aient la moin-
dre prévention contre la personne même de ;
lord Rosebery. Ils savent très bien que le chef
du Foreign-Office, quoique grand seigneur et
membre de la haute assemblée, n'aurait pas
une seconde d'hésitation ni le moindre scru- •
pule à conduire contre cette assemblée l'as-
saut que médite le parti. Mais ils en font une
question de principe et laissent clairement
entendre que si leurs avis n'étaient pas écou-
tés, ils préféreraient se constituer en groupe
indépendant.
UNE DÉMARCHE
M. Labouchère a d'ailleurs pris soin d'ex-
pliquer la signification de la démarche qu'il a
faite hier avec dix-sept de ses collègues, dans
une lettre que les journaux du soir ont- tous
publiée.
Dans cette lettre, M. Labouchère explique
que la Chambre des communes étant l'assem.
blée gouvernante, si le premier ministre n'é-
tait pas pris dans son sein, sa dignité et son
prestige en souffriraient.
11 ajoute que, do plus, elle ne pourrait exer-
cer aucune action directe sur lui, et que c'est
là une raison suffisante pour que les radicaux
n'acceptent pas l'idée d'un premier ministre
pris en dehors des communes.
« Et puis, dit-il, le parti n'a pas été con-
sulté sur le choix de celui qui sera appelé à
le diriger, et la reine a naturellement choisi
celui qui est le plus agréable à la cour, et
non celui qui serait le plus agréable au peu-
pie. »
Il semble à M. Labouphère que le mystère
LE NUMÊRO -- CINQ CLMMME9
DIMANCHE 4 MARS 1894
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PARIS
OIRECTEtlR POLITIQUE
A.-Edouard PORTALIS
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tous les Bureaux de Poste.
ÀFFÂIREJAIQDÉE
Les renseignements donnés sur la li-
quidation du parti royaliste ont soulevé
naturellement des protestations et des
dénégations empreintes de beaucoup
d'amertume. Mais il faut lire et médi-
ter ces démentis.
On ne peut sans doute s'adresser mieux
qu'à la Gazette de France ; elle fait pro-
fession spéciale de fidélité dynastique,
et passe son temps à dénoncer vaine-
ment la défection des « ralliés », à ré-
pudier le « figarisme) elle « mackisme ».
Ce dernier mot à l'intention d'être désa-
gréable au baron de Mackau, mais ce
n'est pas un mot bien fait.
Peuh! disait ces jours-ci la Gazette,
il y a une chose qui était connue de-
puis longtemps, c'est que « le comte de
Paris n'a pas jugé que l'organisation
de son parti valait ce qu'elle coûtait ».
Cet aveu lâché, elle se montre, dès le
lendemain, confiante, comme aux plus
beaux jours. « Jamais une restauration
n'est devenue plus nécessaire, s'écrie-t-
elle ; l'évidence en apparaîtra à tous les
bons Français avant peu. » C'est exac-
tement ce qu'elle répète depuis soixante-
quatre ans tout à l'heure, et le même
« avant peu » réconfortait les anciens
gardes du corps, dès le moment où l'u-
surpation du grand-père du comte de
Paris barrait la route à l'enfant du mi-
racle. Il y a une observation plus conso-
lante encore, et la voici : « C'est géné-
ralement lorsqu'on parle le plus de la
disparition du parti royaliste que se
manifestent sa force et sa vitalité. »
Ainsi, tout est pour le mieux. Quand
le prétendant demande partout des can-
didats pour arborer sa bannière, et que
personne ne répond à son appel, signe
de force. Quand le comte d'Hausson-
ville, en vue d'élections générales, bat
toutes les campagnes dans notre beau
pays pour susciter des champions de la
légitimité et ne se fait entendre que de
M. Calla, qu'il eût pu d'ailleurs presser
sur son cœur sans dépasser les fortifi-
cations, c'est une preuve merveilleuse
de la vitalité du parti. Il n'y a point de
parti comme celui-là; plus irest introu-
vable et invisible, plus il est imposant.
C'est quand il aura perdu ses derniers
adhérents qu'il sera le plus près du
succès ; car il n'a pas besoin de travail-
ler, c'est le Très-Haut qui travaille pour
lui.
Voulez-vous maintenant consulter ce
comte d'Haussonville, qui avait annoncé
la grande mobilisation royaliste, en se
décernant lui-même le titre de chef
d'état-major général? Oh! il ergote sur
les détails de l'information publiée par
le Figaro; il insinue que ces révéla-
tions pourraient bien être le fait d'un
candidat déçu, qui aurait inutilement
sollicité l'investiture et surtout les sub-
sides de son roi. Mais toutes ces chica-
nes perdent bien de leur valeur devant
cette déclaration lâchée dans un inter-,
view : « Nous avons toutsimplement di-
minué nos frais. »
Eh bien ! mais, il semble que tout le
monde soit d'accord. Le prétendant a
trouvé que son organisation ne valait
pas ce qu'elle coûtait ; il a tout simple
ment diminué ses frais. On n'a jamais
soutenu autre chose ni voulu démon-
trer davantage. Il est notoire depuis bien
longtemps que, dans la famille d'Or--
léans, on n'aime pas les mauvais pla-
cements. Envoyer de toutes parts des
agents de propagande, les défrayer de
leurs frais de voyage et de séjour, ver-
ser des subventions un peu partout à
des feuilles sans lecteurs, et voir arriver,
au bout de tous ces efforts, sur près de
six cents députés, une demi-douzaine
qui ne se défendent pas d'être monar-
chistes, mais ne recherchent guère les
occasions de le rappeler, c'est évidem-
ment là un résultat qui n'est pas en
rapport avec la dépense, et qui invite à
diminuer les frais.
Les comités et les journaux réaction-
naires n'ont pas disparu dans les dé-
partements, mais ils se sont aperçus
qu'il n'était plus aisé d'être à la fois
royaliste avec le roi et catholique avec
le pape, qu'il fallait faire un choix. Ils
ont pour la plupart opté pour le pape,
C'est que le nombre des gens qui croient
encore à l'intelligence politique et à
l'avenir du prince de Sbeen House va
tous les jours s'éclaircissant, tandis que
les passions cléricales ont conservé un
peu partout leur animation ; si elles ne
fournissent pas toujours un public suffi-
sant par lui-même pour la prospérité
d'un journal, on peut s'adresser à elles
pour trouver à l'occasion des concours
autrement effectifs que les subventions
parcimonieuses et fragiles distribuées
par le comité d'Haussonville. Mais, du
- moment qu'il ne s'agit plus de rappro-
cher l'heure d'une restauration; et que
le prétendant ne voit plus luire l'espoir
de rentrer dans ses frais, il serre les
cordons de la bourse ; c'était dans l'or-
dre. Le parti réactionnairè est toujours
là ; mais le royalisme n'existe plus qu'à
l'état d'excentricité individuelle.
Gustave Isambert.
M. DUPUY ET M. DUCRET
MM. Mathé, Leydet et Pajot se sont rendus
hier officiellement, au nom du groupe dé l'ex-
trême-gauche, chez M. Dupuy pour lui an-
noncer que M. Camille Pelletan soulèverait
aujourd'hui, au début de la séance, l'incident
annoncé au sujet des allégations produites par
M. Ducret.
Le président de la Chambre a demandé aux
délégués de lui indiquer sous quelle forme
cet incident serait porté à la tribune.
M. Mathé lui a répondu que M. Camille Pel-
letan avait le choix entre - plusieurs moyens,
et que c'est seulement ce matin que le dé-
puté d'Aix prendrait une décision.
M. Charles Dupuy a remercié ses collègues
de leur démarche, et l'entretien a pris fin
sans qu'aucune autre parole essentielle ait
été échangée.
M. Charles Dupuy présidera aujourd'hui
la séance de la Chambre. Cependant M.
Etienne sera prêt à le remplacer au fauteuil
présidentiel.
Ajoutons, d'après nos renseignements, que
la question des fonds secrets alloués à M.
Ducret sera portée à la tribune sous forme
d'une proposition de résolution, d'après la-
quelle la Chambre serait invitée à constituer
une commission parlementaire chargée de
connaître et de vérifier l'emploi des fonds se-
crets.
Ce moyen aurait été jugé le plus praticable
dans une réunion tenue hier dans l'après-
midi par quelques députés radicaux-socia-
listes.
LE GÉNÉRAL GOURKO EN FRANCE
(DE NOTEE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Varsovie, 2 mars.
Un ukase du tsar accorde au général Gourko un
congé illimité pour qu'il puisse prendre un séjour
prolongé en France,
Le général Gourko gardera son titre de gouver-
neur de Varsovie.
L'EXPLOSION
DE LA RUE FRANÇOIS-MIRON
L'arrêt du conseil d'Etat
Les nombreux pourvois ou recours, inci-
dents émanant de la Compagnie parisienne
du gaz, de la ville de Paris ou des victimes
de l'explosion de la rue François-Miron, ont
été jugés hier par le conseil d'Etat statuant
au contentieux.
Au début de la séance le président a donné
lecture des différentes décisions qui toutes
sont conformes à la décision de principe ren-
due vendredi dernier, et que nous avons fait
connaître. *
En conséquence, tandis que la Compagnie
du gaz se trouve entièrement déchargée des
condamnations prononcées contre elle et so-
lidairement contre la ville, par le conseil de
préfecture, toutes ces condamnations sont
mises en leur entier à la charge de la ville
de Paris.
On se souvient que le conseil de préfecture
avait alloué à certaines des victimes de l'ex-
plosion des indemnités en capital montant à
près de 300.000 francs, et aux autres des ren-
tes viagères dont le total monte jusqu'à pré-
sent — car ce conseil n'a pas encore statué
sur toutes les réclamations — à environ 2.700
francs. Il avait partagé les responsabilités
entre la ville de Paris et la Compagnie du
gaz dans la proportion des trois quarts à la
charge de la ville et d'un quart a la charge
de la compagnie. La décision du conseil d'E-
tat rend la ville uniquement responsable, et
la défaite de celle-ci est d'autant plus mar-
quée que la haute assemblée a, sur le recours
des intéressés, augmenté le taux de plusieurs
des indemnités accordées.
L'Empereur et Umperatm d'Autriche
EN FRANCE
; Menton, 2 mars.
L'empereur et l'impératrice d'Autriche sont
sortis ce matin à sept heures.
Ils ont fait une promenade le long de la
mer et dans le bois du Cap. Ils sont rentrés
à l'hôtel à neuf heures par l'avenue de Monte-
Carlo.
A onze heures, ils ont reçu la visite de
l'archiduc frère de l'empereur, qui est res té à
déjeuner.
Cette après-midi, ils sont allés visiter les
jardins du commandeur Hanbury à la Mor-
tola.
Ils y sont restés une heure un quart envi-
ron.
Le service d'ordre était fait par deux cara-
biniers italiens.
De nombreuses voitures avaient conduit
déjà d'autres visiteurs venus de Menton.et
des environs, qui ont salué l'empereur et
l'impératrice, qui se montrent toujours en-
chantés du pays et de son climat.
Le yacht autrichien le Gréif, qui était en
rade, a levé l'ancre ce matin pour se rendre à
Gênes, afin de se soumettre aux réparations
nécessitées par suite d'avaries survenues
pendant son passage dans le golfe du Lion.
LES SOCIALISTES ALLEMANDS
ET LA PROCHAINE GUERRE
Berlin, 2 mars.
Un curieux incident s'est produit au Rei-
chstag au cours de la discussion surle budget
de la guerre.
Le ministre de la guerre, M. Bronsart, ve-
nait de répondre à M. Bebel sur certaines criti-
ques dont les manœuvres qui ont eu lieu en
Alsace-Lorraine avaient été l'objet.
M. Bebel revenant sur la question a ex-
posé que dans la prochaine guerre, qui sera
pour l'Allemagne une guerre défensive comme
elle n'en a pas encore soutenu, les sous-offi-
ciers seront fréquemment obligés de prendre
le commandement.
« Il y a déjà de nombreux socialistes parmi
les sous-oficiers, a ajouté l'orateur; 1 admi-
nistration militaire peut se réjouir d'avoir de
son côté un parti aussi considérable que le
parti socialiste. »
Le ministre de la guerre a aussitôt remercié
M. Bebel de l'annonce que l'administration
militaire peut compter en cas de guerre sur
les socialistes de l'armée.
« Les inquiétudes que l'on a éprouvées à
cet égard, a dit le ministre, se trouvent dissi-
pées dans une forte proportion. »
L'incident n'a pas laissé aue de soulever
quelques rires à droite. ,
RAMON CONTRE ROTHSCHILD
INGÉNIEUR DÉPOUILLÉ DE SON IN-
VENTION
Dette impayée. — Les Roths child n'ont—
ils plus le sentiment de l'échéance ?
Dans notre numéro du 13 février nous
avons annoncé que M. Hamun, ingénieur,
avait intenté un procès à M. de Rothschild.
Ce procès doit être très prochainement plaidé
devant la lre chambre du tribunal civil de la
Seine. Chaque semaine, le vendredi, le gref-
fier appelle « Hamon contre Rothschild w.
Me Desjardins plaidera pour M. Hamon. Le
baron de Rothschild sera défendu par Me
Strauss.
Ce procès, comme nous l'avons dit, fera
quelque bruit, d'abord à cause de la person-
nalité du défendeur et aussi en raison de l'ob-
jet du litige. :
En deux mots, voici de quoi il s'agit :
M. Hamon, ingénieur distingué est l'inven-
teurd' tun transmetteur de mouvement circu-
laire à vitesse amplifiée » qui constitue au dire
des savants un incontestable progrès, et qui
paraît appelé à rendre les plus grands servi-
ces dans la production de l'électricité ainsi
que dans beaucoup d'autres cas.
Le 3 juin 1889, M. Hamon prenait pour la
France un brevet de quinze années sous le
numéro 193,692. Les deux premières annuités
de ce brevet furent régulièrement payées par
lui à leur échéance.
Au mois d'août 1892, M. Hamon reçut des
agents chargés de la vente des machines à
grande vitesse Westinghouse des propositions
pour l'exploitation de son brevet.
Il fit aussitôt part de ces offres à la Société
anonyme pour la transmission de la force
par l'électricité ».
La « Société anonyme du transport de la
force par l'électricité » a son siège social rue
Lafayette, 13. Elle a été fondée par la « Société
de Rothschild frères et elle a pour président
M. de Rothschild.
La société Rothschild étudia, pendant
deux mois et demi, l'invention de M. Ha-
mon, et le 15 octobre 1892 elle signait un
traité en participation avec ledit M. Hamon
pour l'exploitation de son brevet.
C'est l'exécution ou plutôt la non-exécution
de ce traité qui a donné lieu au procès ac-
tuellement pendant. ,
Il y a plus d'un an déjà que le président du
tribunal a donné l'autorisation de poursuivre
M. Lévy, directeur de là société et M. de
Rothschild, président.
Dans l'assignation qui est datée du 23 fé-
vrier 1892 M. Hamon expose :
Qu'aux termes de ce traité, la Société anonyme
pour le transport de la force par l'électricité avait
la gérance de l'association au regard des tiers, tous
pouvoirs lui étant conférés pour l'exploitation du
brevet Hamon, pour la poursuite des contrefac-
teurs, la concession de toutes licences particu-
lières, etc.
Qu'en outre, la Société anonyme dont s'agit de-
vait faire seule toutes les avances jugées par elle
nécessaires pour l'exploitation de ce brevet et no-
tamment faire les frais de toutes les annuités res-
tant à échoir.
C'était donc une véritable dette que con-
tractait la Société Rothschild, dette qui con-
sistait notamment et expressément a payer
les annuités du brevet restant à échoir.
Ce qui donne à ce procès un piquant vrai-
ment original, c'est que cette dette, M. de
Rothschild, ou ce qui revient au même, la
société fondée et présidée par M. de Roths-
child, ne l'a pas payée.
L'assignation en effet expose :
Que la Société anonyme pour la transmission delà
force par l'électricité n'a pas effectué le 3 juin 1891
le paiement de la troisième annuité du brevet Ha-
mon, et que parle fait de ce non-paiement Hamon se
trouve aujourd'hui et sans recours possible pure-
ment et simplement dépossédé de son brevet de-
venu sans force et sans objet.
Que ce non-paiement, vraiment incompréhensi-
ble de la part de cette Société, cause à Hamon un
préjudice considérable et peut avoir pour lui les
conséquences les plus graves en ce qui concerne
l'exploitation de ce même brevet en Allemagne,
en Angleterre et aux Etats-Unis de l'Amérique du
Nord.
Qu'Hamon est doncen droit de demander une juste
et équitable réparation du dommage qui lui est
cause.
Que cedommage euégard surtout aux circonstances
particulières de la cause ne saurait être moindre
d'une somme de six cent mille francs.
Pourquoi, etc.
Une société présidée par Rothschild ou-
bliant ses échéances, laissant protester sa si-
gnature et se laissant envoyer l'huissier pour
n'avoir pas tenu ses engagements, n'est-ce pas
un signe des temps du comique le plus trans-
cendant?
Quelle est la raison pour laquelle la Société
de transmission -de la force par l'électricité
présidée par M. de Rothschild n'a pas rempli
ses engagements? Est-ce par négligence?
Est-ce parce que dans cette fin de siècle déli-
quescente, les Rothschild eux-mêmes ont
perdu le sentiment de l'échéance?
Si extravagante que soit cette hypothèse,
elle nous paraît encore la plus plausible et la
moins désobligeante pour le bon renom des
Rothschild, car nous ne voulons pas suppo-
ser qu'on ait eu intérêt à laisser tomber le
brevet de M. Hamon dans le domaine public,
et qu'on n'ait même traité avec lui que pour
atteindre ce résultat.
Les débats, qui s'ouvriront un de ces pro-
chains vendredis devant le tribunal civil de
la Seine, feront sans doute la lumière sur ce
point et sur d'autres que nous n'avons pu in-
diquer dans ce trop rapide aperçu. Ce qui est
dès maintenant certain, et ce qui apparaîtra
de plus en plus clairement quand nous au-
rons fait connaître toutes les circonstances
de la cause, c'est que l'affaire Hamon-Roths-
child soulève plus d'un problème de psycho-
logie, et que certainement elle alimentera
longtemps la verve des chroniqueurs,
TENTATIVE D'ASSASSINAT
Contre un Français à Tananarive-
Marseille, 2 mars.
Le Madagascar, arrivé ce matin par le pa-
quebot Vitle-de-la-Ciolat, donne les dé-
tails suivants sur la tentative à main armée
dont a failli être victime son confrère de
l'lmerina à Tananarive :
« Dans la nuit du 19 au 20 janvier, à deux
heures du matin, la maison de M. Durand,
directeur-gérant du Progrès de VImeHna, et
agent de la maison Robut et Sorrant, a été
assaillie par une bande de brigands au nom-
bre de trente ou quarante.
» La maison est située dans le quartier où,
depuis plusieurs mois, notre journal signalait
des actes de brigandage.
» Réveillé par les aboiements de ses chiens,
M. Durand résolut de sortir.
» Il fit fuir quelques individus, mais en
voulant faire le tour de la maison il se trouva
subitement au milieu de brigands arméâ de
zagaies, de coutelas et de haches.
» Il somma alors, les assaillants de se re-
tirer. *
» Voyant qu'ils s'apprêtaient au contraire
à l'attaquer, et se trouvant en danger de
mort, il mit en joue ; les brigands qui se
trouvaient autour de lui reculèrent. Mais der-
rière lui notre compatriote, entendant un cli-
quetis d'armes, fit fen.
» La déroute commença.
» Les brigands grimpèrent le long des murs
et sur les arbres.
» M. Durand tira une seconde fois. Un des
assaillants tomba, frappé à la tête de trois
chevrotines.
» Les domestiques sortirent à ce moment de
la maison et, dans l'obscurité, on rechercha
la trace des blessés.
» On retrouva, au pied d'un arbre, le ca-
davre d'un homme de la bande.
» Aussitôt. M. Durand fit prévenir la rési-
dence aénérale.
» On envoya un détachement au secours de
notre compatriote.
» Dès le matin du 20 janvier, les autorités
françaises précédèrent à une enquête.
» On put reconstituer la scène de la lutte.
On retrouva la trace de plusieurs blessés et
on constata que les bandits s'étaient retirés
par plus de six issues différentes, démolissant
les murs, brisant les obstacles.
» Inutile de dire que deux postes de police
indigène, placés, l'un dans la plaine et 1 autre
à vingt-cinq pas de la maison assaillie, se
sont bien gardés d'intervenir.
» Les juges malgaches n'ont encore rien
fait pour retrouver les coupables.
» Ce nouvel attentat rappelle les attaques
dirigées jadis contre la mission catholique, la
maison de M. Chaillet, iconsul, la maison et
la personne de Mme Gregory, femme d'un
missionnaire anglais, de même que les meur-
tres du docteur Béziat, de MM. Muller et Si-
longène.
» Les auteurs de ces différents attentats
jouissent d'une impunité absolue. »
On annonce d'Ambositra la mort de Ravo-
niiiahidriniarivo, frère du -premier ministre
actuel, et exilé là depuis 1887 à la suite d'un
prétendu complot. Il conservait encore dans
la capitale de nombreux partisans qui ne dé-
sespéraient pas de le voir revenir un jour de
captivité et remplacer Rainilaiarivonv.
LE CAS DE M. BING
Nous avons raconté dans notre dernier nu-
méro le « cas » de M. Sigfried Bing, négociant
rue Chauchat, inscrit sur la liste du jury de
la cour d'assises qui siège actuellement.
M. le président Caze demanda l'état civil
de M. Bing qui, en ce moment en Amérique,
n'avait pu répondre à l'appel de son nom.
Sur la liste du jury, cet état civil était ainsi
mentionné : « Bing (Sigfried), né à Hambourg
» (Allemagne), le 22 février 1838, négociant,
» rue Chauchat, 19. »
Alors M. Caze s'adressant à M. Bulot qui
occupait le siège du ministère public:
— Comment se fait-il, M. l'avocat général,
qu'un Allemand figure sur une liste de jurés
français ?
- — Je vais immédiatement faire faire une
enquête à ce sujet, répliqua M. Bulot.
Nous l'avons faite cette enquête et nous
avons appris que M. S. Bing était bel et bien
français. M. Bing est, en effet, naturalisé de-
puis trente ans; c est au titre de Français qu'il
a été décoré de la Légion d'honneur en 1889
pour les remarquables travaux qui firent
connaître l'art japonais en France, et pour
l'organisation de la section des arts japonais
à l'Exposition universelle. De plus, son fils
aîné, Jacques, brigadier de chasseurs d'Afri-
que, mourut sous nos drapeaux, en septem-
bre 1891, frappé d'insolation sur les frontières
du désert.
Le personnel chargé d'établir la liste du
jury éviterait facilement aux présidents de
cour d'assises cette catégorie d'étonnements,
en mentionnant la naturalisation à côté de
l'indication du lieu de naissance.
Ce ne serait vraiment pas trop compliqué.
L'ABBÉ JACOT
Strasbourg, 2 mars.
On sait que l'abbé Jacot, le fameux curé germa-
nophile de Fèves, vient de faire paraître un vo-
lume intitulé Vingt ans après, et qui n'est que
l'apologie des mesures prises par le gouvernement
allemand en Alsace-Lorraine.
L'abbé Jacot ayant envoyé à l'empereur un exem-
plaire de son livre, Guillaume Il lui a fait écrire
qu'il le félicitait de son patriotisme ainsi de
ses efforts pour hâter la germanisation de l'qAulse ace-
Lorraine.
UN ÉMULE DE LÉAUTHIER
Roubaix, 2 mars.
Cette après-midi, un anarchiste nommé
Edouard Mario, ouvrier tisserand, congédié
do l'établissement où il travaillait, il y a
quinze jour., a tenté d'assassiner son ancien
patron, M. Gauchies, tisseur à façon, au mo-
ment où ce dernier sortait de l'atelier; il s'est
élancé sur lui et lui a porté trois coups de
tranchet à la tête.
Arrêté, il n'a pas dissimulé que c'était ses
opinions anarchistes qui l'avaient porté à tuer
son patron.
Les blessures de M. Cauchies ne sont pas
graves. ■
L'ENQUÊTE SUR LA MARINE
Hier, réunion hebdomadaire de la com-
mission extra-parlementaire de la marine.
M. Lockroy annonce que la troisième sous-
commission est en mesure de présenter, par
l'organe de trois rapporteurs qu'elle a dési-
gnés, une première étude sur les questions
suivantes :
Sur la disponibilité des torpilleurs, par M.
Lockroy ;
Sur le Magenta, par M. Vallon ;
Sur les approvisionnements, vivres du port
de Toulon, et sur la question dite du vol des
blés, par M. Thomson.
Ces divers rapporteurs constatent que des
conclusions définitives ne pourront être pri-
ses qu'après l'enquête locale à laquelle il
conviendrait de procéder le plus prompte-
ment possible.
La commission décide que les rapports qui
viennent d'être faits ne seront pas imprimés
jusqu'à nouvel ordre.
11 est procédé à la désignation de la déléga-
tion devant se rendre à Toulon.
Elle est nommée au scrutin secret, au nom-
bre de sept membres en sus des rapporteurs
désignés, soit onze membres en tout.
Cette délégation est composée de MM. Bris-
son, Lockroy, Thomson, Vallon, Cuvinot, de
Kerjégu, Labat, Ch autem ps, Coche ry, Cabart-
Danneville, Bouchard.
Cette commission partira mardi soir pour
Toulon.
LES ESPAGNOLS AU MAROC
Tanger, 2 mars.
Le bruit court à Mazagan que 1 indemnité espa-
gnole serait réglée. 0
Le Maroc paierait 3 millions de dollars, dont
immét diatement un million en espèces et le reste de
la somme dans deux ans, - -
CHRONIQUE
LE MONOPOLE DES AVOCATS
Est-ce que les avocats en seraient bien-
tôt réduits à plaider pro domo et exposés
à perdre la seule cause qui leur soiftenère,
la leur ? Un vent de fronde souffle depuis
quelque temps sur lebarreau.On demande
par voie parlementaire, la suppression du
conseil de l'ordre et « l'abolition des pri-
vilèges ». Et ces projets causidicides ont
pour auteurs, hélas t des avocats drus et
forts, méchants enfants qui mordent au-
jfoourtrsd, 'hui le sein de leur nourrice.
Si cette petite bastille bourgeoise est
emportée bientôt au nom des principes de
89 retournés contre leurs auteurs, il faut
avouer qu'elle n'aura pas duré longtemps.
Souslancien régime, l'avocat est un mince
personnage; il joue un rôle d'utilité à Tar-
rière-plan du monde judiciaire. Il vivote
obscurément dans le sillage de la noblesse
de robe , qui lui tient, du reste, la dragée
haute ; il reste confondu dans « le domes-
tique » du Palais avec la foule obscure
des huissiers, des procureurs et des ser-
gents.
C'est la Révolution qui le fait sortir de
page. Avec Robespierre, Danton, Desmou-
lins, Vergniaud, tout le menu fretin des
parlements s'agite et monte à la surface,
tandis que les grands parlementaires pren-
nent le chemin de l'échafaud ou de l'exil.
L'avocat s'empare alors de la politique;
il en fait sa chose, et depuis un siècle il
en détient le record. Tout nalttfélfement,
comme charité bien. ordonnée commence
par soi-même, eo grand pourfendes? des
privilèges. d'autrui s'est empressé de
faire rétablir on renforcer les siens sous le
Consulat, l'Empire et la Restauration.
Il nous semble toutefois que son étoile
pâlit. Il règne toujours dans la politique.
Il tient ou à peu près les assemblées et le
gouvernement. Mais, sauf quelques excep-
tions brillantes, il n'a plus l'oreille des
foules, et il est tombé, pour Ja popularité
un peu au-dessous du médium.
Tous les griefs classiques, toutes les ma-
lignités de notrelittérature depuisle « Ro-
man de la Rose » jusqu'aux chansons de
Xanrof, se réveillent au moindre incident
avec une acuité croissante et finiront par
avoir raison de ce débris restauré des
vieilles corporations qu'on appelle le mo-
nopole du barreau.
Dans les milieux populaires, ce qu'on
lui reproche le plus, c'est son insincérité
en quelque sorte professionnelle. Obligé
d'entrer dans la peau de tous les clients
qui se succèdent dans son cabinet, de
jouer tous les rôles, de prendre tous les
masques, l'avocat n'est pour la foule
qu'un agréable virtuose. On va l'entendre
volontiers comme on va voir les acteurs
en vogue ; mais on ne lui demande ni
convictions, ni principes, et c'est dans son
talent seul qu'on cherche la mesure de sa
personnalité. Il est pour le client ce qu'é-
tait autrefois le spadassin; on cherche
avant tout une langue bien effilée et un
bon coup de gosier, comme on ne deman-
dait à l'autre qu'une bonne poigne et une
Une lame pour vous débarrasser de vos
ennemis.
J'ai connu en province un jeune avocat
qui a fait depuis un fort joli chemin dans
la magistrature. Il défendait une rece-
veuse,des postes atteinte et convaincue
hélas ! de détournement de fonds et, au
cours de sa plaidoirie, il avait éreinté dans
les grands prix le contrôleur qui avait
découvert le pot-aux-roses. Et comme le
pauvre diable de fonctionnaire, pendant
une supension d'audience, lui reprochait
en geignant d'avoir vilipendé un honnête
homme : « Ah ça ! lui dit-il avec la voix
de Baron dans les Charbonniers, vous
figurez-vous que nous sommes ici pour
défendre les honnêtes gens? Avec l'obli-
gation de prêter journellement son minis-
tère à un tas de gens véreux ou d'aigre-
fins, il faudrait que l'avocat fût coulé en
bronze pour ne pas se laisser aller insen-
siblement au « j'meafichisme » le plus
raffiné. »
Mais le public n'en est pas dupe et il ne
cherche en général dans les plaidoiries
que des effets d'artiste. Pour lui comme
pour les avocats, du reste, une plaidoirie
est la suite naturelle des compositions de
la rhétorique, le vers latin en moins.
Dans ces exercices ils sont incompara-
bles et souvent plus forts que nature.
C'est Lachaud, je crois, qui, défendant
un jour un abominable vaurien, mit une
telle intensité de 'passion en décrivant la
jeunesse de l'accusé que celui-ci se mit à
verser de vraies larmes : « Ah ! je ne sa-
, vais pas, s'écria-t-il, que j'avais été si
malheureux ! »
A ce point de vue, la suppression du
monopole pourrait bifeii amener, sinon la
décadence de l'art, du moins sa transfor-
mation. Après tout, si le cœur vous en
dit, vous serez toujours libre de recourir
aux spécialistes et aux « professionnels ».
Mais, du moins, vous n'y serez pas forcé.
C'est déjà quelque chose pour le malade
que d'avoir le droit de changer de méde-
cin et même de choisir son médecin en
dehors de la Faculté. On trouvera dans
tous les tribunaux la liste des licenciés en
droit ; on pourra y prendre un défenseur
et, au besoin, le prendre à côté. Weiss,
qui n'était pas avocat, a prononcé un jour
pour lui-même une plaidoirie qui reste
un des modèles du genre. Le mal serait-il
bien grand si, au lieu de s'adresser aux
ténors et aux grands premiers rôles, on
prenait un peu plus l'habitude de se dé-
fendre soi-même?
Et puis, en ces derniers temps, le con-
seil de l'ordre est devenu bien tâtillon et
bien encombrant. Il se mêle trop de ce qui
ne le regarde pas. On n'a pas oublié la
mésaventure de notre confrère Ajalbert,
frappé d'une suspension de trois mois, et
puni, comme avocat, pour l'esprit qu'il
avait montré comme journaliste.
Par un juste retour des choses d'ici-bas,
ce sont des avocats qui réclament aujour-
d'hui la suppression du monopole. Du
moment que les privilégiés ne veulent
plus de privilèges, je me demande avec
inquiétude aui se chargera de les défen-
dre. On sera peut-être obligé de leur don-
ner un avocat d'office.
J'admire, pour ma part, cette tranquille
assurance et je m'étonne que le bâtonnier
n'ait pas encore levé son bâton sur ces sa-
crilèges qui veulent mettre la petite église
en liquidation. On me dira qu'ils sont
députés et qu'à ce titre ils ont bien le
droit de déposer un projet de loi. Mais
Ajalbert, lui aussi, était journaliste, ce
qui ne l'a pas empêché d'encourir les ri-
gueurs de la corporation. A la place de
Millerand et de ses confrères, je ne serais
pas tranquille et je craindrais, sinon pour
ma tête, du moins pour ma toque.
André Balz.
ASSASSINAT D'UN CËMËRAL
Buenos-AYres, 2, mars.
Des avis de Bolivie annoncent que la popu-
lace a tué, à la station d'Urjuni, le général
Daza qu'elle accusait de trahison.
Le général Daza s'était sauvé en Europe
pendant la guerre de Bolivie et du Chili, et il
avait emporté plusieurs centaines de mille
dollars appartenant au Trésor.
La Chambre l'avait mis hor3 la loi et" dé-
claré traître à la patrie.
Le général avait habité longtemps Paris,
et s'étant récemment trouvé à court d'argent
il était venu se fixer à Puno dans le Pérou.
Le Sénat bolivien devant qui son affaire
avait été portée avait refusé de le déclarer
traître à la patrie, mais l'avait reconnu cou-
pable de vol au préjudice du Trésor, et le
général était devenu un objet de haine pour
ses compatriotes, de telle sorte que la nou-
velle de son assassinat n'a causé aucune sur-
prise.
PAS D'ARGENT, PAS D'INSTITUTEURS
(DB NÓTRB CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 2 mars.
La situation financière de la Prusse allant
de mal en pis depuis une dizaine d'années,
tous les services administratifs s'en ressen-
tent profondément, mais aucun autant que
l'instruction publique. !
L'argent manquant on ne peut plus payer,
les instituteurs, et les divers ministres qui se
sont succédé, MM. de Gossler, de SedIitz".
Bosse, ont, les uns après les autres, résolu de
ne plus remplacer les déoédés et les démis-
sionnaires. Il en résulte que le nombre de*
écoles fermées, c'est-à-dire sans maîtres, aug-
mente sans cesse.
Voici d'ailleurs des chiffres officiels, maàr
éloquents :
En 1878 il y avait 615 vacances d'institu-
teurs ; quatre ans plus tard, en 1882, il y e..-
avait 6,051 ; en 1886 il y en avait 10,347 ; ea
1891 il y en avait 12,652. Ce dernier chiffre en
dit plus que tous les commentaires.
Et c'est l'instituteurprussien, dit la légende,
qui a donné la victoire à l'Allemagne ea
1870-71.
DÉMISSION DE i GLADSTONE
LA QUESTION DE SA SUCCESSION
Le testament politique de M. Gladstone*
Les radicaux et lord Rosebery.
M. Gladstone chez la reine
(DE KOTRS COItRKlPOXDUT PARTICULIER)
Londres, 2 mars.
La Pall Mali Gazette avait raison : c'est
dès demain que M. Gladstone présentera offi-
ciellement sa démission à la reine.
Le cri de guerre qu'il a poussé hier contre
la Chambre des lords doit donc être consi-
déré comme un testament politique adressé à
son successeur.
Mais on ne peut pas dire que ce discours
soit le chant du cygne du vieux parlemen-
taire, car s'il ne reste plus au pouvoir, il n'a-
bandonne pas pour cela son mandat de dé-
puté d'Edimbourg et peut-être aura-t-on en-
core l'occasion d'entendre sa voix à la Cham-
bre des communes.
C'est du moins l'espoir que M. Gladstone
emporte avec lui en se retirant.
Quoi qu'il en soit, il est bon d'examiner
quelle est la situation que la retraite du grand
homme d Etat crée au parti libéral. ,
Après avoir reçu la démission de M. Glads-v
tone, la reine aura constitutionnellement la
droit de faire appeler qui elle veut pour lui
confier le pouvoir. Mais. si son choix n'était
pas ratifié par la majorité de la Chambre des
communes, la dissolution s'imposerait.
LE SUCCESSEUR
En attendant, quatre noms se présentent au
choix de la souveraine : lord Rosebery, lord
Spencer, piemier lord de l'amirauté, lord
Kimberley. secrétaire d'Etat des Indes, et
enfin sir William Harcourt, chancelier de
l'Echiquier.
La décision de la reine est prise depuis
deux jours, dès le moment où M. Gladstone
l'a prévenue de son intention de se retirer. f;
Son choix s'est porté sur lord Rogebery.'
qui est tout prêt à accepter le titre de pre-
mier ministre.
Il sera donc appelé lundi à Windsor ; mais
il ne s'ensuit pas qu'il acceptera immédiate-
ment ce bâton de maréchal auquel il aspire
denuis lonsrîemps.
La démarche que les radicaux ont faite
hier indique bien, en effet, qu'en ce cas une
majorité serait àssez difficile à constituer.
Au fond, ce n'est pas qu'ils aient la moin-
dre prévention contre la personne même de ;
lord Rosebery. Ils savent très bien que le chef
du Foreign-Office, quoique grand seigneur et
membre de la haute assemblée, n'aurait pas
une seconde d'hésitation ni le moindre scru- •
pule à conduire contre cette assemblée l'as-
saut que médite le parti. Mais ils en font une
question de principe et laissent clairement
entendre que si leurs avis n'étaient pas écou-
tés, ils préféreraient se constituer en groupe
indépendant.
UNE DÉMARCHE
M. Labouchère a d'ailleurs pris soin d'ex-
pliquer la signification de la démarche qu'il a
faite hier avec dix-sept de ses collègues, dans
une lettre que les journaux du soir ont- tous
publiée.
Dans cette lettre, M. Labouchère explique
que la Chambre des communes étant l'assem.
blée gouvernante, si le premier ministre n'é-
tait pas pris dans son sein, sa dignité et son
prestige en souffriraient.
11 ajoute que, do plus, elle ne pourrait exer-
cer aucune action directe sur lui, et que c'est
là une raison suffisante pour que les radicaux
n'acceptent pas l'idée d'un premier ministre
pris en dehors des communes.
« Et puis, dit-il, le parti n'a pas été con-
sulté sur le choix de celui qui sera appelé à
le diriger, et la reine a naturellement choisi
celui qui est le plus agréable à la cour, et
non celui qui serait le plus agréable au peu-
pie. »
Il semble à M. Labouphère que le mystère
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