Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-02-11
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 11 février 1894 11 février 1894
Description : 1894/02/11 (A24,N8063). 1894/02/11 (A24,N8063).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNEE. - NI- 8,069 LE NUMÉRO CINQ CENTIMES DIMANCHE 11 FÉVRIER 18ÎM
BEDACTIOI ET IDIIIISTRITUJ.
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TOMBOUCTOU
Les entreprises les plus hasardeuses,
les moins combinées, ne sont pas celles
qui séduisent le moins beaucoup de
gens paisibles; leur audace, leur témérité,
exalte le chauvinisme et impose silence
à la froide raison. On s'en est bien
aperçu il y a trois semaines, lorsque la
nouvelle s'est répandue que le colonel
Bonnier avait planté le drapeau trico-
lore à Tombouctou, dans la mystérieuse
cité africaine. Il aurait été bien diffi-
cile alors de faire entendre une protes-
tation contre cet acte irraisonné et de
s'étonner que, sans ordres, sans ins-
tructions, un colonel eût engagé la
France de sa propre autorité dans une
affaire dont il n'avait certainement con-
sidéré ni les suites possibles ni les
conséquences éventuelles.
Cependant, ces réserves eussent été
bien légitimes et la suite des événements
s'est chargée de démontrer avec quelle
légèreté, quelle imprévoyance, l'affaire
avait été conduite. La colonne avec la-
quelle le colonel Bonnier opérait une
reconnaissance a été surprise par les
Touareg y neuf officiers, parmi lesquels
le colonel Bonnier, deux sergents eu-
ropéens, un interprète, un sergent, six
caporaux et soixante et un tirailleurs
indigènes ont été enlevés et le reste de
la colonne a eu les plus grandes diffi:
cultés à se rabattre avec deux officiers
sur Tombouctou.
Sans rien enlever aux qualités de
courage personnel dont le colonel Bon-
nier avait fait preuve dans toute cette
expédition, on ne peut s'empêcher de
remarquer que, du commencement à la
dernière heure, la même imprévoyance
et la même incurie se sont manifestées.
La dépêche officielle reçue par le sous-
secrétaire d'Etat aux colonies nous ap
prend, en effet, que c'est pendant la
nuit que notre colonne de reconnais-
sance a été surprise par les Touareg et
que ceux ci ont pénétré dans le campe-
ment avec tant d'impétuosité et d'une
façon si imprévue, qu'ils culbutèrent la
ligne de faisceaux avant que les tirail-
leurs eussent pu saisir leurs armes.
Ce passage de la dépêche officielle
reporte douloureusement notre passé à
vingt-trois ans en arrière. Alors aussi
nous étions surpris, toujours sur-
pris. Nous nous laissions surpren-
dre à Lang-Son il y a dix ans ; nous
nous laissions surprendre au Daho-
mey, où peu s'en fallut qu'une aven-
ture de ce genre ne nous mît dans
une situation très mauvaise. Et aujour
d'hui, alors que nous sommes dans un
pays complètement inconnu, au milieu
de populations que nous savons farou-
ches et hostiles, dans une reconnais-
sance, c'est nous qui sommes surpris ;
on n'a pas la précaution d'assurer la
sécurité de la colonne par des grand'-
gardes et les Touareg peuvent enlever
ou massacrer nos soldats en plein som-
meil.
Le malheureux colonel Bonnier a,
selon toute vraisemblance, payé de sa
vie une imprudence coupable dont, sans
cela, il aurait à rendre des comptes
rigoureux. Si grande que soit sa res-
ponsabilité dans la conduite de toute
cette affaire, il serait bien superflu de
récriminer ; la seule question à exami-
ner est de savoir ce qu'il convient de
faire dans les conjonctures présentes.
Nous l'avons dit, le coup de main sur
Tombouctou a été fait de la façon la
plus regrettable. Il était nécessaire qu'à
un moment donné la cité noire tombât
en notre pouvoir. Placée entre nos pos-
sessions du Sénégal et la région du
Soudan, elle était le but de nos efforts ;
mais notre action dans cette partie du
continent aurait eu besoin d'être prépa-
rée et méthodiquement poursuivie.
La précipitation du colonel Bonnier
a tout bouleversé et l'on ne saurait
assez déplorer qu'un acte spontané d'un
officier engage la France à son insu.
Mais maintenant que nous sommes en-
gagés, il n'y a pas moyen de reculer. Si
le gouvernement français avait la fai-
blesse de faire rétrograder le petit corps
qui occupe Tombouctou, si nous ne ti-
rions pas vengeance des Touareg,
c'en serait fait de notre influence en
Afrique, au Sénégal comme au Soudan
et même en Algérie.
Déjà ce fut une faute, en 1881, de ne
pas châtier la confédération des Hoggar
qui avait assassiné le colonel Flatters
et l'audace dont les Touareg viennent
de faire preuve prend peut-être sa
source dans l'absence de répression de
ce crime.
Nous ne pouvons pas laisser impunie
l'insulte qui vient d'être faite au dra-
peau français ; nous ne pouvons pas
laisser les Touareg se donner la répu-
1 tation d'avoir repoussé une expédition
française comme précédemment l'en-
vahisseur arabe et exciter contre nous
le fanatisme des populations du Sa-
hara.
Si regrettable que soient, du reste, les
faits qui viennent de s'accomplir, il
convient de ne rien exagérer. La dépê
che officielle parvenue à l'administra-
tion des colonies ne laisse pas supposer
que la situation soit très compromise.
Le capitaine Philippe, qui commande le
poste de Tombouctou, paraît avoir pris
les premières mesures avec beaucoup
de fermeté et de sang-froid. Il a avec
lui un nombre d'hommes déjà assez con-
sidérable, l'état sanitaire est bon, des
renforts ne tarderont pas arriver du
Soudan et il ne semble pas qu'il doive
falloir un bien grand effort pour réparer
l'échec que nous venons de. subir, le
premier que nous ayons éprouvé depuis
le commencement de nos opérations du
Soudan, c'est-à-dire depuis treize ans.
Mais,quelle que soit l'étendue dusacri-
fice que l'on juge utile, il importe de le
faire d'un seul coup et d'agir rapide-
ment. C'est la méthode qui a été em-
ployée lors des affaires du Dahomey, et
nous n'avons pas à la regretter.
Arrestation ûn Baron ûe Soieym
La catastrophe financière dont on s'entre-
tenait depuis plusieurs jours à la Bourse s'est
produite hier,avec des conséquences qu'on ne
prévoyait pas aussi graves.
Elle a eu, en effet, pour résultat l'ar-
restation d'un des financiers les plus connus
et les plus réputés de la place, qui était en
même temps homme politique et sports-
man.
M. le baron de Soubeyran a été arrêté hier
soir, à sept heures, au siège de la Banque
d'escompte, rue Taitbout, par M. le commis-
saire Bernard, sur mandat de M. Roulier,
procureur de la République.
Ancien sous-gouverneur du Crédit foncier,
ancien député de la Vienne qu'il a représentée
pendant de longues années, officier de la Lé-
gion d'honneur, M. de Soubeyran avait été
mêlé à toutes les grandes affaires financières
depuis une trentaine d'années.
Ses principales créations ont été la Banque
d'escompte, la Banque hypothécaire, la So-
ciét3 des Immeubles et les trois compagnies
d'assurances foncières : la Foncière-incendie,
la Foncière-vie et la Foncière-transports.
À l'heure qu'il est, M. de Soubeyran est
encore, ou était encore hier président du
conseil d'administration de la Banque d'es-
compte, président de la Foncière-incendie,
président de la Foncière-vie, président de la
Foncière-transport. r>»vsident de la Société
des Immeubles d':"¡'ittl,", administrateur de
la Compagnie des oiiomins de fer du Nord
dont M. Alphonse de Rothschild est président,
administrateur de la Société impériale du
Crédit foncier d'Autriche.
Il est en outre propriétaire d'une écurie de
courses et membre des principaux cercles de
Paris, entre autres du Jockey-Club et du cer-
cle de l'Union artistique, autrement dit l'Epa-
tant, dont il est le vice-président.
On disait hier en Bourse que M. Lemar-
quis, administrateur provisoire de la Société
des Immeubles, avait fait sommation à la
Banque d'escompte de lui payer à l'instant
même 34 millions, montant du compte cou-
rant débiteur de cet établissement à la Société
des Immeubles.
A la suite de cette mise en demeure, le
conseil d'administration de la Banque d'es-
compte, composé, en outre du baron de Sou-
beyran, de MM. le baron Poisson, Breitmayer,
Charles Prevet (administrateur du Petit Jour-
nal), Dujardin-Beaumetz, Fraissinet, décida
de déposer son bilan au tribunal de com-
merce de la Seine, en vue d'obtenir le béné-
fice de la liquidation judiciaire, couformément
à la loi du 4 mars 1884.
Le président du tribunal chargea M. Alfred
Bonneau de procéder à l'enquête qui, suivant
l'usage, précède le prononcé du jugement.
L'enquête fit aussitôt découvrir, comme on
s'y attendait d'ailleurs, qu'une partie des
fonds déposés à la Banque d'escompte par la
Société des Immeubles n'existait pas dans les
caisses de la Banque d'escompte et avait dû
être employée jusqu'à concurrence de plu-
sieurs millions par M. le baron de Soubey-
ran en opérations de Bourse sans doute mal-
heureuses.
M. Bonneau fit connaître cette situation à
M. Roulier, procureur de la République, qui,
aussitôt, décerna un mandat d'amener contre
le président de la Banque d'escompte.
Au Dépôt
A huit heures, M. de Soubeyran était écroué
au Dépôt, cellule no 8.
Dans la soiré, à neuf et demie, le person-
nel de l'hôtel de la rue de Monceau, 49, où il
habite, ignorait encore la nouvelle ; tout le
monde était dans la loge du concierge et
commentait cette absence inusitée.
M. de Soubeyran a fait venir du restaurant
du Barreau son dîner, composé de jambon,
viandes froides et d'une bouteille de vin
blanc.
LA MISÈRE
Double suioide
Un double suicide accompli dans des cir-
constances particulièrement navrantes a été
constaté hier, vers midi, par M. Perruche,
commissaire de police du quartier de la Sal-
pêtrière.
Au 17 de la rue du Banquier, demeuraient
depuis deux ans environ un ancien voiturier,
M. Prosper Forestier, âgé de soixante-douze
ans, et sa femme, Marie, âgée de soixante-
neuf ans, tous deux estimés de leurs voi&ins
pour leur honnêteté, leur obligeance et la ré-
gularité de leurs habitudes.
La femme faisait des racommodages et se
procurait ainsi quelques ressources, bien in-
suffisantes d'ailleurs pour les besoins du mé-
nage.Lemari avait perdu,il y a dix-huit mois,sa
place de voiturier qui lui rapportait 45 francs
par semaine, et il chercha inutilement du
travail depuis cette époque.
Les deux vieillards vécurent d'abord sur
leurs économies, sans vouloir s'adresser au
bureau de bienfaisance. Des voisins charita-
bles, entre autres M. Ozanneau et le concierge
de l'immeuble, leur vinrent en aide. Ils leur
offraient, dans les grands froids, de venir
casser la soirée chez eux, autour d'un poêle
bien chauffé, alors que les malheureux gre-
lottaient dans leur chambre dont les meubles
avaient été vendus.
Les époux Forestier se montraient très tou-
chés des attentions obligeantes que l'on avait
pour eux. Mais les privations endurées les
épuisaient peu à peu, et ils durent s'adresser
au bureau de bienfaisance qui leur alloua,
après de nombreuses sollicitations, un secours
de trois francs par mois. Ils n'avaient pu
payer à leur propriétaire, M. Jehé-Mondot, le
terme de janvier.
ï Désespérés par cette situation dont leur
grand âge ne leur permettait pas de sortir,
ils étaient hantés par l'idée du suicide. Pour-
tant le propriétaire se montrait d'une très
grande bienveillance à leur égard et aucune
réclamation ne leur avait été faite pour le
terme impayé. Mais les époux Forestier ap-
partenaient à cette catégorie de pauvres gens
chez lesquels la fierté a pour effet d'aggraver
les souffrances morales causées par la mi-
sère et qui regardent la mort comme une
délivrance.
Après avoir distribué à tous ses voisins les
petits objets qu'elle possédait encore et qui
pouvaient offrir une utilité quelconque, Mme
Forestier annonça qu'elle allait partir bientôt
avec son mari pour la campagne.
Puis, l'ancien voiturier écrivit une lettre
adressée à la concierge et la mit à la poste
avant-hier soir. Dans cette lettre, il expliquait
sa résolution et indiquait à la concierge la
place où elle trouverait la clef de leur cham-
bre.
M. Perruche, commissaire de police, a trou-
vé hier les deux vieillards couchés dans leur
lit, à côté d'un réchaud plein de cendres en-
core chaudes. La femme était étendue, un
chapelet entre les doigts ; son visage ne
portait trace d'aucune souffrance.
Quant au mari, qui avait sans doute es-
sayé de se relever ; il était assis, la tête incli-
né vers les genoux. La mort remontait à plu-
sieurs heures.
Ce drame a causé dans le quartier une pro-
fonde émotion.
Les obsèques auront lieu dimanche.
L'AFFAIRE HENRY BERTRAND
La Chambre des mises en accusation vient, dans
l'affaire Henry Bertrand, de rendre un arrêt de non-
lieu en ce qui concerne le crime de faux.
M. Bertrand, directeur du Betting-Club, est donc
mis hors de cause sur ce point, mais toutefois il
est renvoyé en police correctionnelle pour usure.
Il s'agit de l'affaire Bertrand-Marcilly.
M. Bertrand a été dans l'après-midi d'hier remis
en liberté provisoire.
M. Henry Bertrand avait été arrêté le 27 octobre
dernier. Il a donc fait plus dé trois mois de prison
préventive. On se demandera comment on a pu le
maintenir si longtemps à Mazas si l'accusation
portée contre lui ne reposait sur aucune base sé-
rieuse.
NOUVEAU ROI AU DAHOMEY
i
Le ministre de la marine vient de recevoir du
général Dodds la dépêche suivante :
Wydah, 8 février.
.Je viens de reconnaître roi d'Ailada le dernier
escendant de l'ancien roi, qui a été présenté à
tous les chefs du pays.
IIJI désire ardemment être indépendant du royaume
du Dahomey.
Les Grenouilles de M. Pereire
Nous publierons demain un septième article
sur la situation de la Compagnie transatlan-
tique.
Nous recommandons tout particulièrement
à tous les intéressés la lecture de cet article
qui aura pour titre : Les grenouilles de M.
Pereire.
EXPLOSION A NEUILLY
Le 8 février dernier, nous signalions une
explosion, heureusement sans conséquences,
à Neuilly, rue Jacques-Dulud.
Hier soir, vers dix heures, les habitants de
cette même commune étaient surpris par une
formidable explosion dont on ne pouvait dé-
terminer le point de départ exact. A onze
heures et demie, au commissariat de police,
on ne savait encore rien, les agents cherchant
toujours. Enfin, à minuit, on découvrait
qu'elle s'était produite, 32, rue Charles-Laf-
fitte.
L'engin, qui avait fait explosion sans faire
aucun dégât et qui était posé sur le trottoir,
était formé de trois tubes en fer-blanc ficelés
aux deux extrémités avec du fil de fer et for-
mant une cartouche d'une longueur de 15 cen-
timètres et d'un diamètre de 3 à 4 centimètres i
On ne connaît pas la force de la charge ;
on suppose, au premier examen, qu'elle se
composait de poudre chloratée. Le feu aurait
été mis au moyen d'une mèche.
TROUBLES EN TURQUIE
Coustantinople, 9 février.
M. Terrel, ministre américain, a réclamé
l'élargissement immédiat des deux Arméniens
américains emprisonnés à Alexandrette. Il a
menacé, en cas de refus, d'envoyer un cui-
rassé sur la côte de Syrie.
Deux cents cavaliers, un général et dix
officiers sont partis cette nuit par train spé-
cial pour Angora sur la demande du gou-
verneur. Ils iront à Yusgat où de nouveaux
troubles ont éclaté.
A Amaszia, la population a délivré les Ar-
méniens emprisonnés. A Sivas, de nombreu-
ses perquisitions et arrestations ont été faites.
A Césarée, soixande-dix proclamations sédi-
tieuses ont été affichées par des mains in-
connues. A Ghermerck, une rixe sanglante
s'est produite à l'occasion de la perception
des impôts. Dans la même localité, on a
opéré l'arrestation de dix-sept musulmans
qui avaient comploté le massacre de chré-
tiens pour les fêtes de Noël.
LES ESPAGNOLS AU MAROC
Madrid, 9 février.
Malgré la réserve gardée sur l'entretien du
maréchal Campos avec le sultan à Marra-
ketch, certains détails de l'entrevue ont trans-
piré.
Le Sultan aurait déclaré accepter en prin-
cipe toutes les réclamations de l'Espagne,
mais il aurait demandé un délai pour délibé-
rer sur le montant de cette indemnité, insi-
nuant qu'il serait peut-être plus équitable de
s'en rapporter à une tierce puissance du soin
de fixer ce chiffre.
Le maréchal aurait protesté vivement con-
tre toute ingérence étrangère.
Le sultan aurait alors prié amicalement le
maréchal d'examiner sa proposition d'une
façon calme et avec prudence dans des confé-
rences avec le grand-vizir, se réservant d'in-
tervenir de nouveau personnellement si les
deux plénipotentiaires ne se mettaient pas
d'accord.
LE COLONEL BONNIER
MASSACRÉ PAR LES TOUAREG
DISPARITION D'UNE COLONNE
-. AU SOUDAN
Une douloureuse dépêche. — L'émotion à
Paris. — Un massacre aux environs
de Tombouctou. — Interpella-
tion à la Chambre.— Quel-
ques opinions.
Une douloureuse nouvelle est parvenue
hier à Paris. Une petite colonne à la tête do
laquelle se trouvait le lieutenant-colonel Bon-
nier et qui allait en reconnaissance vers un
campement de Touareg, à quelques kilomè-
tres de Tombouctou, a été surprise la nuit et
massacrée. Nous annoncions la nouvelle dans
notre dernier numéro, mais nous n'avions que
des renseignements vagues et nous espérions
qu'il ne s'agissait là que d'une rencontre à
laquelle nous ne voulions pas donner trop
d'importance. Or, voici la dépêche que M.
Maurice Lebon, sous-secrétaire d'Etat aux
colonies, a reçue, hier, de M. Grodet, gouver-
neur du Soudan :
« Je vous transmets ci-après la dépêche qui
vient de me parvenir de M. le capitaine Phi-
lippe, commandant le poste de Tombouctou :
La colonne du colonel Bonnier arriva le 10
janvier ici. Une fraction de la colonne est
partie en reconnaissance vers un campement
de Touareg, le 12 au matin, sous le com-
mandement du colonel Bonnier, avec le com-
mandant Hugueney, tout l'état-major, la 5e
compagnie et un peloton de la lie.
J'ai reçu le commandement du poste
comme étant le plus ancien capitaine. La co-
lonne a été surprise endormie au campement
de Dougoï, à deux heures au nord de Gote-
dam (probablement Goundam de la carte
Fortin) à trois jours de marche de Tom-
bouctou.
Les loftareg, montés et suivis de fantassins
armés de lances et de couteaux, sont entrés par
plusieurs côtés, culbutant la ligne des fais-
ceaux en avant des tirailleurs qui ne purent
prendre leurs fusils.
Le capitaine Nigotte, blessé à la tête, a pu
s'échapper et rejoindre un peloton laissé à
plusieurs kilomètres en arrière, gardant les
troupeaux de prise sous le commandement
du sous-lieutenant Sarda. Il est rentré ici le
17, apportant la nouvelle et ramenant un pe-
loton composé d'hommes des 5e et He compa-
gnies et de nombreux tirailleurs ayant fui ;
quelques-uns étaient blessés, dont 3 assez
grièvement.
Nous avons pu encore recueillir quelques
hommes. Mais nous avons été forcés de limi-
ter beaucoup les reconnaissances et les re-
cherches, en raison de la sécurité de la
place.
Les Touareg sont venus rôder aussitôt
par groupes nombreux dans les environs très
rapprochés de la ville, formant un cercle,
apparaissant, puis disparaissant devant nos
troupes.
9 officiers et 2 sergents européens ont dis-
paru ainsi qu'un interprète, 1 sergent, 6 ca-
poraux et 61 tirailleurs indigènes. J'ai pris
les dispositions de défense aussitôt ; il n'y a
rien à craindre en veillant constamment, sur-
tout la nuit.
Je dispose de 300 fusils et de 6 canons.
J'attends la colonne du commandant Joffre,
auquel j'ai envoyé un émissaire pour lui don-
ner des renseignements et le faire mettre sur
ses gardes.
J'estime qu'il arrivera avant son passage à
Gotedam, soit à cinq jours de Tombouctou.
J'ai reçu aujourd hui le courrier apporté
par les lieutenants Délabrons et Noël.
En présence de la situation nouvelle, j'ai
cru devoir prendre les dispositions pour main-
tenir les officiers porteurs de courrier et pour
combler les vides jusqu'à l'arrivée de la co-
lonne Joffre.
Après une communication faite au com-
mandant de la flottille, je lui ai demandé de
retarder son départ jusqu'à la même date. Je
possède des vivres jusqu'à l'arrivée du convoi
annoncé qui a dû partir de Ségou le 10 jan-
vier dernier.
La population mélangée nous fait bon ac-
cueil ; elle nous promet un concours absolu
et désireÏlotre maintien ici.
La population sédentaire aspire au calme et
à la tranquillité pour le commerce; mais elle
n'est pas habituée à fournir des guides et des
porteurs ; les chefs de villages sont sans au-
torité ; il y a une grande difficulté même pour
se procurer des guides en raison de l'effroi
causé par les Touareg.
De nombreux envoyés de villages des diffé-
rentes régions, même éloignés, sont venus
ici présenter leur soumission.
Le commerce de la place est nul en raison
du manque de sécurité des caravanes. Les
marchandises faisant défaut, les régions de
Diaréfaré, Mopti, Bandiagara, D'jenné ne
fournissent plus de grains, de mil, d'arachi-
des ni de riz.
Depuis notre arrivée, plusieurs caravanes
ont fait demander par des marchands établis
ici s'ils pouvaient venir en sécurité. J'ai fait
répondre affirmativement.
Sur la demande de chefs et de notables,
j'écris au commandant de région de Ségou
d'inviter les habitants des régions indiquées
plus haut à envoyer huit chalands de grains,
les caravanes commençant à revenir.
Le climat est bon en cette saison. Le loge-
ment manque. Il sera nécessaire de cons-
truire.
L'état sanitaire de la colonne est bon, mal-
gré l'extrême fatigue. »
Sur la carte dressée par le capitaine Fortin,
Gotedam ou Goundam se trouve au sud-ouest,
de Tombouctou sur un marigot qui débouche
sur le Niger, à une cinquantaine de kilomè-
tres en amont de Tombouctou.
SURPRISE PENDANT LA NUIT
Comment a pu se produire une surprise
pareille qui rappelle celle de Poguessa, au
Dahomey, qui n'échoua que par un hasard
miraculeux ? Des postes avancés ne gardaient
donc pas le campement de Dougoï ? Il est
bien certain que, même dix fois supérieurs en
nombre, les Touareg n'auraient pas eu rai-
son des cent hommes du colonel Bonnier,
bien équipés, bien armés. On l'a bien vu
au lendemain de la mort de l'enseigne de
vaisseau Aube qui avait été massacré le 28
décembre avec une escorte de laptots, entre
Kabara et Tombouctou par une colonne de
Touareg. Attaqués quelques heures après
par le lieutenant de vaisseau Boiteux qui dis-
posait de forces très restreintes, les Toua-
reg subirent une sanglante défaite.
Le capitaine Philippe dit que « les Touareg
ont culbuté la ligne des faisceaux en avant
des tirailleurs qui ne purent prendre leurs
fusils ». Il faut donc croire que ces faisceaux
n'étaient pas gardés. C'était d'une singulière
imprudence.
POURQUOI A TOMBOUCTOU
On sait comment le colonel Bonnier est allé
jusqu'à Tombouctou.
il avait, paraii-il, reçu l'ordre de ne pas
entrer dans la ville mystérieuse. Si l'on en
croit une dépêche qu'il adressa au gouver-
neur du Soudan le 10 ou le 11 janvier, ce
sont les événements eux-mêmes qui l'obligè-
rent à passer outre.
Nous parlons plus haut du combat du 28
décembre, au cours duquel M. Aube trouva la
mort. La flottille du Niger se trouvait me-
nacée. Le colonel Bonnier, qui se trouvait à
Mopti, se porta à son secours, et le 10 janvier
il pénétrait à Tombouctou. « Nous avons pris
quelques pirogues en route, dit sa dépêche.
Aucune complication nouvelle n'est à crain-
dre. »
Suivant cette dépêche, le colonel n'aurait
décidé la marche sur Tombouctou que pour
sauver la flottille.
Il alla en reconnaissance le 12 ; c'est donc,
le 15 ou le 16 qu'il a été massacré avec son
escorte.
D'autre part, d'après les lettres des officiers
et des sous-officiers européens qui étaient
sous les ordres du colonel Bonnier, lettres
datées bien avant l'entrée à Tombouctou,
l'expédition du côté de la ville sainte était
décidée par le colonel qui n'attendait qu'une
bonne occasion pour aller en avant.
Et puis, des amis du regretté officier nous
donnent un détail touchant qui expliquerait
tout. Le lieutenant-colonel, qui n'a que
trente-huit ans, devait se marier à Paris à
son retour du Soudan. Avant de partir, il au-
rait dit à sa fiancée.
— Je vous ferai un cadeau qui sera bien le
plus original. On ne va pas à Tombouctou;
eh bien! je vous apporterai Tombouctou dans
votre corbeille de noces.
LE RAPPEL
Quoi qu'il en soit, le colonel était rappelé
en France pour donner des explications sur
la prise de Tombouctou. Peut-être eût-il passé
devant un conseil d'enquête. Mais il est
inexact de dire, comme nous l'avons entendu
hier, que c'est à la dépêche le rappelant en
France qu'il a dû d'avoir été massacré.
C'est le 25 janvier que le sous-secrétaire
d'Etat aux colonies apprenait l'arrivée de
notre troupe à Tombouctou. La dépêche du
colonel au gouverneur du Soudan était datée
de Tombouctou, 10 janvier. Il a donc fallu
quinze jours pour qu'elle parvînt en France.
C'est dans le conseil des ministres du 30
janvier que le gouvernement décida de don-
ner ordre au gouverneur du Soudan de faire
rentrer en France, dès que les circonstances
le permettraient, le colonel Bonnier.
En supposant que M. Grodet ait adressé
une dépêche au colonel le 1er février, le colo-
nel ne pouvait l'avoir avant le 15 ou le 16.
Ceci dit simplement pour rendre hommage
à la vérité.
LE COLONEL BONNIER
Le lieutenant-colonel Bonnier de la Cha-
pelle est né à Rochefort le 4 janvier 1856.
Entré à l'Ecole polytechnique en 1873, lieute-
nant d'artillerie de la marine en 1877, capi-
taine en 1880, chef d'escadron en 1889, il a
été nommé lieutenant-colonel le 20 mai de
l'année dernière.
Il était officier de la Légion d'honneur.
C'est en 1881 que M. Bonnier, alors capi-
taine, commanda la mission topographique
du Soudan, avec laquelle il établit la carte du
pays entre Sénégal et le Niger.
Plus tard, nous le retrouvons inspecteur
des études à l'Ecole polytechnique. Aide de
camp du général Borgnis-Desbordes, actuel-
lement général de division d'infanterie de
marine, M. Bonnier suivit son chef au Ton-
kin, en 1887, et prit part, à ses côtés, à plu-
sieurs expéditions contre les pirates.
Dans une rencontre, à Cho-Moi, les deux
officiers qui accompagnaient le général furent
atteints par le feu de l'ennemi ; le capitaine
Gardère fut tué sur le coup; le capitaine
Bonnier, le bras traversé par une balle, conti-
nua à assister au combat, à la fin duquel seu-
lement il consentit à se faire panser.
L'an dernier, il y a quelques mois, M.
Bonnier — il était alors lieutenant-colonel —
prit le commandement des troupes au Soudan,
lors de la rentrée en France de son prédéces-
seur, le colonel Combes.
Dans les premiers jours de décembre, il a
livré aux bandes de Samory plusieurs com-
bats heureux. On sait dans quelles conditions
il est allé à Tombouctca.
Le colonel Bonnier a un frère de deux ans
plus jeune, qui est actuellement chef d'esca-
dron d'artillerie de la marine et qui a fait de
nombreuses campagnes au Soudan. En 1890,
notamment, il a pris une part active à l'ex-
pédition contre Ségou. Il a reçu deux bles-
sures.
LES VICTIMES DU SOUDAN
'Veut-on savoir ce qu'à coûté à l'infanterie
et l'artillerie de marine la campagne du Sou-
dan, durant le cours de l'année 1893?
Officiers tués à l'ennemi : Infanterie, 6.
Officiers décédés aux colonies : Infanterie,
22 ; artillerie (y compris les gardes), 10.
Officiers décédés en France (des suites de
maladies contractées aux colonies) : Infante-
rie, 8 ; artillerie (y compris les gardes), 2.
Officiers décédés en France (autres causes) :
Infanterie, 6; artillerie (y compris les gar-
des), 3.
Officiers retraités (soit pour blessures, infir-
mités ou par suite de fatigues physiques les
rendant incapables de continuer leurs servi-
ces) : Infanterie, 8; artillerie (y compris les
gardes), 13.
Officiers réformés : Infanterie, 3; artillerie
(y compris les gardes), 1.
Officiers démissionnaires (la plupart parce
qu'ils se trouvaient dans l'impossibilité phy-
sique de continuer leurs services) : Infante-
rie, 6.
Officiers passés dans l'armée de terré (obli-
gés pour la plupart, en raison de leur état de
santé, de quitter les troupes de la marine,
pour ne plus servir aux colonies) : Infante-
rie, 12.
Totaux : Infanterie, 71 ; artillerie, 29.
LA SŒUR DU COLONEL
La sœur du colonel, Mme Petrucci, a appris
la mort de son frère d'une façon émouvante.
Elle était sortie hier pour aller faire quelques
courses et se trouvait, à trois heures et de-
mie, dans un omnibus, lorsque des voya-
geurs, ayant en main des journaux du soir,
parlèrent de la mort du colonel Bonnier.
Très émue, elle demanda à l'un d'eux un
journal. A peine eut-elle jeté les yeux sur le
numéro qui lui était offert qu'elle fondit en
larmes.
— Mon Dieul dit-elle, le colonel Bonnier,
mon frère, est tué 1
Et elle sortit précipitamment, tandis que
tous les voyageurs se avaient pour la saluer
respectueusement, aussi émus qu'elle.
Mme Petrucci se rendit ensuite dans divers
ministères et au sous-secrétariat des colonies,
où on ne put lui donner d'autres détails que
ceux contenus dans la dépêche de M. Grodet.
MORTS POUR LA PATRIE
Onze blancs, dont 9 officiers, ont été tués.
Le sous-secrétaire d'Etat donnera leurs qoms
dès que les familles auront été prévenues.
Il paraît que le commandant Hugueny fi-
gure dans le DQmbre.
A LA CHAMBRE
La dépêche officielle du gouverneur do
Soudan n'a été connue à la Chambre que vers
trois heures ; elle y a produit un vive émo-
tion parmi les quelques députés qui étaient
venus assister aux séances des commissions
qui siègentle vendredi.
L'opinion générale est que, si regrettable
que soit cette affaire, il ne faut pas la consi-
dérer comme un désastre ou du moins comme
la ruine de nos intérêts et de notre influence
dans l'Afrique centrale.
A côté de cette considération on émet des
hypothèses. Notre colonne a été surprise,
dit-on, d'une façon inexplicable. Comment
admettre, en effet, qu'elle ait été massacrée
avant même que les postes aient pu donner
l'alarme? On se demande avec juste raison si
les postes et les avant-postes avaient été or-
ganisés; s'ils ne l'ont pas été, il y aurait là
une faute grave.
Jusqu'à plus ample informé, on se refuse à
croire que, dans un pays tel que celui qui
était exploré par le colonel Bonnier, nos trou-
pes se soient laissé surprendre ainsi.
Un député qui a fait campagne autrefois
dans le sud de l'Algérie et qui a eu affaire
aux Touareg raconte que ceux-ci ont l'habi-
tude d'attaquer la nuit et que si notre co-
lonne a été surprise c'est qu'elle était campée
dans la brousse, à la faveur de laquelle nos
ennemis ont pu lui tomber dessus sans que
l'on ait eu le temps de s'en apercevoir.
D'autre part, on explique cette marche du
colonel Bonnier par ce fait qu'il a voulu se
« donner de l'air », comme l'avait fait le gé-
néral de Négrier à Lang-Son.
Ces explications n'ont malheureusement
qu'un caractère rétrospectif et si on ne peut
que déplorer le passé, on doit maintenant se
préoccuper de l'avenir.
C'est pour être fixé sur ce qu'il convient de
faire qu'unanimement les députés se pronon-
çaient pour une interpellation qui serait dis-
cutée aujourd'hui des le début de la séance.
M. Couchard, député du Sénégal, a pris
l'initiative d'une demande d'interpellation,
mais, sur les instances du sous-secrétaire
d'Etat aux colonies, il a consenti à l'ajourner
jusqu'à mardi.
Nous croyons, d'après les renseignements
recueillis dans les couloirs, qu'un débat sera
soulevé aujourd'hui, même si le gouverne-
ment refuse de l'accepter.
Nous avons demandé à M. Couchard quelle
était la question qu'il entendait porter à la
tribune.
« - Je veux demander au gouvernement,
nous a-t-il répondu, ce qu'il compte faire, à
Tombouctou.
» A mon avis, occuper Tombouctou a été une
faute, car nous n'avions qu'à laisser « agir
l'influence ». Mais maintenant que nous y
sommes, il faut y rester, dût-il nous en coûter
quelques sacrifices. »
Cette opinion 'sera du reste, croyons-nous,
celle du gouvernement qui a déjà donné des
instructions, ainsi que nous le disions hier,
pour que des renforts se préparent à porter
secours à nos troupes actuellement à Tom-
bouctou.
Ce sont des déclarations sur les mesures
prises que l'on veut solliciter le plus rapide-
ment possible.
Ajoutons que le groupe colonial de la
Chambre, en prévision de discussion de cette
interpellation, se réunira avant la séance.
Si nous voulions avoir la preuve que le
Parlement désire être renseigné le plus tôt
possible, nous n'aurions qu'à citer le fait
qu'hier au Sénat M. Franck Chauveau, séna-
teur de l'Oise, est allé trouvé M. Antonin Du-
bost qui représentait le gouvernement, pour
lui demander de répondre immédiatement à
une interpellation sur l'affaire de Tombouc-
tou.
Le garde des sceaux, qui n'était pas rensei-
gné, n'a pu accepter, et l'interpellation allait
être déposée lorsque M. Challemel-Lacour
mis au courant des intentions de son collé-
gue, leva la séance sans plus tarder.
AU SOUS-SECRETARIAT
DES COLONIES
- Certes,nous déclare M. Lebon,sous-secré-
taire d'Etat aux colonies, cet événement est
très douloureux, mais l'opinion publique ne
doit pas s'en alarmer outre mesure. Nous ne
savons d'ailleurs pas exactement, à l'heure
actuelle, ni comment il s'est produit, ni quel-
les en sont les véritables conséquences.
La dépêche du 19 janvier — et non du 29
comme l'ont annoncé quelques-uns de vos
confrères — annonce bien la disparition de
70 hommes dont 9 officiers. Mais disparus,
ne signifie pas nécessairement morts. Nous
avons encore le droit d'espérer.
- Et quelles mesures compte prendre lo
gouvernement ?
— Il n'en a pas encore délibéré. Ce n'est-
même que demain que je communiquerai au
conseil des ministres la dépêche du comman-
dant Philippe. Mais dès que cette nouvelle
m'a été connue, j'ai télégraphié pour qu'on,
forme, avec les éléments qui sont sur place,
un quatrième bataillon dont les cadres se
composeront des sous-officiers de l'état-ma"
major, ouvriers d'artillerie, etc.
Le premier départ de bateau s'effectuera le
22 février. A cette date s'embarqueront des
sous-officiers de la marine et de la guerre.
J'ai agi ainsi parce que le plus pratique
était d'utiliser immédiatement les forces qu'on
a là-bas sous la main.
Le voyage de France au Sénégal exiga
quelques jours ; de plus, les difficultés de
transport sont assez grandes en ce moment,
à cause des eaux très basses du Sénégal.
Vous savez, on l'a annoncé un peu partout,
que le général Dodds va réduire l'effectif de
ses troupes.
Or, dans ces troupes il y a deux compa-
gnies empruntées au Sénégal. S'il en est be-
soin on les dirigera sur le Soudan, au lieu de
les envoyer au Bénin.
Nos troupes seront donc en nombre suffi-
sant.
— On prétend, interrompons-nous, qu'elles
sont sans chef, sans direction ?
— Ecoutez, nous répond M. le sous-secré-
taire d'Etat : Nous avons sur les. lieux ou
à proximité M. le lieutenant-colonel Combe,
de l'infanterie de marine, commandant supé-
rieur du Soudan.
M. le colonel Houry, commandant supérieur
du Sénégal est parti le 5 février de France. En
cas de nécessité, nous pourrions lui donner
l'ordre d'aller sur le théâtre des opérations.
Enfin, plusieurs autres officiers, parmi les-
quels le commandant Joffre qui devait arriver
à Tombouctou quatre ou cinq jours après
l'envoi de la dépêche.
— Puis-je vous demander, monsieur le
sous-secrétaire d'Etat, votre réponse à la
question que M. Boissy-d'Anglas doit voua
poser ?
— M. Boissy d'Anglas m'a, en effet, informé
de son intention. De son côté, M. Couchard,
député du Sénégal, m'a prévenu qu'il avait
adressé au président de la Chambre une de*
mande d'interpellation. J'ai prié mes deux
collègues de bien vouloir s'entendre pour qu'il
n'y ait qu'un seul débat. Je l'accepterai pour
le premier jour qui suivra la discussion dfe
l'interpellation de M. Turrelsur la crise agâr
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Les entreprises les plus hasardeuses,
les moins combinées, ne sont pas celles
qui séduisent le moins beaucoup de
gens paisibles; leur audace, leur témérité,
exalte le chauvinisme et impose silence
à la froide raison. On s'en est bien
aperçu il y a trois semaines, lorsque la
nouvelle s'est répandue que le colonel
Bonnier avait planté le drapeau trico-
lore à Tombouctou, dans la mystérieuse
cité africaine. Il aurait été bien diffi-
cile alors de faire entendre une protes-
tation contre cet acte irraisonné et de
s'étonner que, sans ordres, sans ins-
tructions, un colonel eût engagé la
France de sa propre autorité dans une
affaire dont il n'avait certainement con-
sidéré ni les suites possibles ni les
conséquences éventuelles.
Cependant, ces réserves eussent été
bien légitimes et la suite des événements
s'est chargée de démontrer avec quelle
légèreté, quelle imprévoyance, l'affaire
avait été conduite. La colonne avec la-
quelle le colonel Bonnier opérait une
reconnaissance a été surprise par les
Touareg y neuf officiers, parmi lesquels
le colonel Bonnier, deux sergents eu-
ropéens, un interprète, un sergent, six
caporaux et soixante et un tirailleurs
indigènes ont été enlevés et le reste de
la colonne a eu les plus grandes diffi:
cultés à se rabattre avec deux officiers
sur Tombouctou.
Sans rien enlever aux qualités de
courage personnel dont le colonel Bon-
nier avait fait preuve dans toute cette
expédition, on ne peut s'empêcher de
remarquer que, du commencement à la
dernière heure, la même imprévoyance
et la même incurie se sont manifestées.
La dépêche officielle reçue par le sous-
secrétaire d'Etat aux colonies nous ap
prend, en effet, que c'est pendant la
nuit que notre colonne de reconnais-
sance a été surprise par les Touareg et
que ceux ci ont pénétré dans le campe-
ment avec tant d'impétuosité et d'une
façon si imprévue, qu'ils culbutèrent la
ligne de faisceaux avant que les tirail-
leurs eussent pu saisir leurs armes.
Ce passage de la dépêche officielle
reporte douloureusement notre passé à
vingt-trois ans en arrière. Alors aussi
nous étions surpris, toujours sur-
pris. Nous nous laissions surpren-
dre à Lang-Son il y a dix ans ; nous
nous laissions surprendre au Daho-
mey, où peu s'en fallut qu'une aven-
ture de ce genre ne nous mît dans
une situation très mauvaise. Et aujour
d'hui, alors que nous sommes dans un
pays complètement inconnu, au milieu
de populations que nous savons farou-
ches et hostiles, dans une reconnais-
sance, c'est nous qui sommes surpris ;
on n'a pas la précaution d'assurer la
sécurité de la colonne par des grand'-
gardes et les Touareg peuvent enlever
ou massacrer nos soldats en plein som-
meil.
Le malheureux colonel Bonnier a,
selon toute vraisemblance, payé de sa
vie une imprudence coupable dont, sans
cela, il aurait à rendre des comptes
rigoureux. Si grande que soit sa res-
ponsabilité dans la conduite de toute
cette affaire, il serait bien superflu de
récriminer ; la seule question à exami-
ner est de savoir ce qu'il convient de
faire dans les conjonctures présentes.
Nous l'avons dit, le coup de main sur
Tombouctou a été fait de la façon la
plus regrettable. Il était nécessaire qu'à
un moment donné la cité noire tombât
en notre pouvoir. Placée entre nos pos-
sessions du Sénégal et la région du
Soudan, elle était le but de nos efforts ;
mais notre action dans cette partie du
continent aurait eu besoin d'être prépa-
rée et méthodiquement poursuivie.
La précipitation du colonel Bonnier
a tout bouleversé et l'on ne saurait
assez déplorer qu'un acte spontané d'un
officier engage la France à son insu.
Mais maintenant que nous sommes en-
gagés, il n'y a pas moyen de reculer. Si
le gouvernement français avait la fai-
blesse de faire rétrograder le petit corps
qui occupe Tombouctou, si nous ne ti-
rions pas vengeance des Touareg,
c'en serait fait de notre influence en
Afrique, au Sénégal comme au Soudan
et même en Algérie.
Déjà ce fut une faute, en 1881, de ne
pas châtier la confédération des Hoggar
qui avait assassiné le colonel Flatters
et l'audace dont les Touareg viennent
de faire preuve prend peut-être sa
source dans l'absence de répression de
ce crime.
Nous ne pouvons pas laisser impunie
l'insulte qui vient d'être faite au dra-
peau français ; nous ne pouvons pas
laisser les Touareg se donner la répu-
1 tation d'avoir repoussé une expédition
française comme précédemment l'en-
vahisseur arabe et exciter contre nous
le fanatisme des populations du Sa-
hara.
Si regrettable que soient, du reste, les
faits qui viennent de s'accomplir, il
convient de ne rien exagérer. La dépê
che officielle parvenue à l'administra-
tion des colonies ne laisse pas supposer
que la situation soit très compromise.
Le capitaine Philippe, qui commande le
poste de Tombouctou, paraît avoir pris
les premières mesures avec beaucoup
de fermeté et de sang-froid. Il a avec
lui un nombre d'hommes déjà assez con-
sidérable, l'état sanitaire est bon, des
renforts ne tarderont pas arriver du
Soudan et il ne semble pas qu'il doive
falloir un bien grand effort pour réparer
l'échec que nous venons de. subir, le
premier que nous ayons éprouvé depuis
le commencement de nos opérations du
Soudan, c'est-à-dire depuis treize ans.
Mais,quelle que soit l'étendue dusacri-
fice que l'on juge utile, il importe de le
faire d'un seul coup et d'agir rapide-
ment. C'est la méthode qui a été em-
ployée lors des affaires du Dahomey, et
nous n'avons pas à la regretter.
Arrestation ûn Baron ûe Soieym
La catastrophe financière dont on s'entre-
tenait depuis plusieurs jours à la Bourse s'est
produite hier,avec des conséquences qu'on ne
prévoyait pas aussi graves.
Elle a eu, en effet, pour résultat l'ar-
restation d'un des financiers les plus connus
et les plus réputés de la place, qui était en
même temps homme politique et sports-
man.
M. le baron de Soubeyran a été arrêté hier
soir, à sept heures, au siège de la Banque
d'escompte, rue Taitbout, par M. le commis-
saire Bernard, sur mandat de M. Roulier,
procureur de la République.
Ancien sous-gouverneur du Crédit foncier,
ancien député de la Vienne qu'il a représentée
pendant de longues années, officier de la Lé-
gion d'honneur, M. de Soubeyran avait été
mêlé à toutes les grandes affaires financières
depuis une trentaine d'années.
Ses principales créations ont été la Banque
d'escompte, la Banque hypothécaire, la So-
ciét3 des Immeubles et les trois compagnies
d'assurances foncières : la Foncière-incendie,
la Foncière-vie et la Foncière-transports.
À l'heure qu'il est, M. de Soubeyran est
encore, ou était encore hier président du
conseil d'administration de la Banque d'es-
compte, président de la Foncière-incendie,
président de la Foncière-vie, président de la
Foncière-transport. r>»vsident de la Société
des Immeubles d':"¡'ittl,", administrateur de
la Compagnie des oiiomins de fer du Nord
dont M. Alphonse de Rothschild est président,
administrateur de la Société impériale du
Crédit foncier d'Autriche.
Il est en outre propriétaire d'une écurie de
courses et membre des principaux cercles de
Paris, entre autres du Jockey-Club et du cer-
cle de l'Union artistique, autrement dit l'Epa-
tant, dont il est le vice-président.
On disait hier en Bourse que M. Lemar-
quis, administrateur provisoire de la Société
des Immeubles, avait fait sommation à la
Banque d'escompte de lui payer à l'instant
même 34 millions, montant du compte cou-
rant débiteur de cet établissement à la Société
des Immeubles.
A la suite de cette mise en demeure, le
conseil d'administration de la Banque d'es-
compte, composé, en outre du baron de Sou-
beyran, de MM. le baron Poisson, Breitmayer,
Charles Prevet (administrateur du Petit Jour-
nal), Dujardin-Beaumetz, Fraissinet, décida
de déposer son bilan au tribunal de com-
merce de la Seine, en vue d'obtenir le béné-
fice de la liquidation judiciaire, couformément
à la loi du 4 mars 1884.
Le président du tribunal chargea M. Alfred
Bonneau de procéder à l'enquête qui, suivant
l'usage, précède le prononcé du jugement.
L'enquête fit aussitôt découvrir, comme on
s'y attendait d'ailleurs, qu'une partie des
fonds déposés à la Banque d'escompte par la
Société des Immeubles n'existait pas dans les
caisses de la Banque d'escompte et avait dû
être employée jusqu'à concurrence de plu-
sieurs millions par M. le baron de Soubey-
ran en opérations de Bourse sans doute mal-
heureuses.
M. Bonneau fit connaître cette situation à
M. Roulier, procureur de la République, qui,
aussitôt, décerna un mandat d'amener contre
le président de la Banque d'escompte.
Au Dépôt
A huit heures, M. de Soubeyran était écroué
au Dépôt, cellule no 8.
Dans la soiré, à neuf et demie, le person-
nel de l'hôtel de la rue de Monceau, 49, où il
habite, ignorait encore la nouvelle ; tout le
monde était dans la loge du concierge et
commentait cette absence inusitée.
M. de Soubeyran a fait venir du restaurant
du Barreau son dîner, composé de jambon,
viandes froides et d'une bouteille de vin
blanc.
LA MISÈRE
Double suioide
Un double suicide accompli dans des cir-
constances particulièrement navrantes a été
constaté hier, vers midi, par M. Perruche,
commissaire de police du quartier de la Sal-
pêtrière.
Au 17 de la rue du Banquier, demeuraient
depuis deux ans environ un ancien voiturier,
M. Prosper Forestier, âgé de soixante-douze
ans, et sa femme, Marie, âgée de soixante-
neuf ans, tous deux estimés de leurs voi&ins
pour leur honnêteté, leur obligeance et la ré-
gularité de leurs habitudes.
La femme faisait des racommodages et se
procurait ainsi quelques ressources, bien in-
suffisantes d'ailleurs pour les besoins du mé-
nage.Lemari avait perdu,il y a dix-huit mois,sa
place de voiturier qui lui rapportait 45 francs
par semaine, et il chercha inutilement du
travail depuis cette époque.
Les deux vieillards vécurent d'abord sur
leurs économies, sans vouloir s'adresser au
bureau de bienfaisance. Des voisins charita-
bles, entre autres M. Ozanneau et le concierge
de l'immeuble, leur vinrent en aide. Ils leur
offraient, dans les grands froids, de venir
casser la soirée chez eux, autour d'un poêle
bien chauffé, alors que les malheureux gre-
lottaient dans leur chambre dont les meubles
avaient été vendus.
Les époux Forestier se montraient très tou-
chés des attentions obligeantes que l'on avait
pour eux. Mais les privations endurées les
épuisaient peu à peu, et ils durent s'adresser
au bureau de bienfaisance qui leur alloua,
après de nombreuses sollicitations, un secours
de trois francs par mois. Ils n'avaient pu
payer à leur propriétaire, M. Jehé-Mondot, le
terme de janvier.
ï Désespérés par cette situation dont leur
grand âge ne leur permettait pas de sortir,
ils étaient hantés par l'idée du suicide. Pour-
tant le propriétaire se montrait d'une très
grande bienveillance à leur égard et aucune
réclamation ne leur avait été faite pour le
terme impayé. Mais les époux Forestier ap-
partenaient à cette catégorie de pauvres gens
chez lesquels la fierté a pour effet d'aggraver
les souffrances morales causées par la mi-
sère et qui regardent la mort comme une
délivrance.
Après avoir distribué à tous ses voisins les
petits objets qu'elle possédait encore et qui
pouvaient offrir une utilité quelconque, Mme
Forestier annonça qu'elle allait partir bientôt
avec son mari pour la campagne.
Puis, l'ancien voiturier écrivit une lettre
adressée à la concierge et la mit à la poste
avant-hier soir. Dans cette lettre, il expliquait
sa résolution et indiquait à la concierge la
place où elle trouverait la clef de leur cham-
bre.
M. Perruche, commissaire de police, a trou-
vé hier les deux vieillards couchés dans leur
lit, à côté d'un réchaud plein de cendres en-
core chaudes. La femme était étendue, un
chapelet entre les doigts ; son visage ne
portait trace d'aucune souffrance.
Quant au mari, qui avait sans doute es-
sayé de se relever ; il était assis, la tête incli-
né vers les genoux. La mort remontait à plu-
sieurs heures.
Ce drame a causé dans le quartier une pro-
fonde émotion.
Les obsèques auront lieu dimanche.
L'AFFAIRE HENRY BERTRAND
La Chambre des mises en accusation vient, dans
l'affaire Henry Bertrand, de rendre un arrêt de non-
lieu en ce qui concerne le crime de faux.
M. Bertrand, directeur du Betting-Club, est donc
mis hors de cause sur ce point, mais toutefois il
est renvoyé en police correctionnelle pour usure.
Il s'agit de l'affaire Bertrand-Marcilly.
M. Bertrand a été dans l'après-midi d'hier remis
en liberté provisoire.
M. Henry Bertrand avait été arrêté le 27 octobre
dernier. Il a donc fait plus dé trois mois de prison
préventive. On se demandera comment on a pu le
maintenir si longtemps à Mazas si l'accusation
portée contre lui ne reposait sur aucune base sé-
rieuse.
NOUVEAU ROI AU DAHOMEY
i
Le ministre de la marine vient de recevoir du
général Dodds la dépêche suivante :
Wydah, 8 février.
.Je viens de reconnaître roi d'Ailada le dernier
escendant de l'ancien roi, qui a été présenté à
tous les chefs du pays.
IIJI désire ardemment être indépendant du royaume
du Dahomey.
Les Grenouilles de M. Pereire
Nous publierons demain un septième article
sur la situation de la Compagnie transatlan-
tique.
Nous recommandons tout particulièrement
à tous les intéressés la lecture de cet article
qui aura pour titre : Les grenouilles de M.
Pereire.
EXPLOSION A NEUILLY
Le 8 février dernier, nous signalions une
explosion, heureusement sans conséquences,
à Neuilly, rue Jacques-Dulud.
Hier soir, vers dix heures, les habitants de
cette même commune étaient surpris par une
formidable explosion dont on ne pouvait dé-
terminer le point de départ exact. A onze
heures et demie, au commissariat de police,
on ne savait encore rien, les agents cherchant
toujours. Enfin, à minuit, on découvrait
qu'elle s'était produite, 32, rue Charles-Laf-
fitte.
L'engin, qui avait fait explosion sans faire
aucun dégât et qui était posé sur le trottoir,
était formé de trois tubes en fer-blanc ficelés
aux deux extrémités avec du fil de fer et for-
mant une cartouche d'une longueur de 15 cen-
timètres et d'un diamètre de 3 à 4 centimètres i
On ne connaît pas la force de la charge ;
on suppose, au premier examen, qu'elle se
composait de poudre chloratée. Le feu aurait
été mis au moyen d'une mèche.
TROUBLES EN TURQUIE
Coustantinople, 9 février.
M. Terrel, ministre américain, a réclamé
l'élargissement immédiat des deux Arméniens
américains emprisonnés à Alexandrette. Il a
menacé, en cas de refus, d'envoyer un cui-
rassé sur la côte de Syrie.
Deux cents cavaliers, un général et dix
officiers sont partis cette nuit par train spé-
cial pour Angora sur la demande du gou-
verneur. Ils iront à Yusgat où de nouveaux
troubles ont éclaté.
A Amaszia, la population a délivré les Ar-
méniens emprisonnés. A Sivas, de nombreu-
ses perquisitions et arrestations ont été faites.
A Césarée, soixande-dix proclamations sédi-
tieuses ont été affichées par des mains in-
connues. A Ghermerck, une rixe sanglante
s'est produite à l'occasion de la perception
des impôts. Dans la même localité, on a
opéré l'arrestation de dix-sept musulmans
qui avaient comploté le massacre de chré-
tiens pour les fêtes de Noël.
LES ESPAGNOLS AU MAROC
Madrid, 9 février.
Malgré la réserve gardée sur l'entretien du
maréchal Campos avec le sultan à Marra-
ketch, certains détails de l'entrevue ont trans-
piré.
Le Sultan aurait déclaré accepter en prin-
cipe toutes les réclamations de l'Espagne,
mais il aurait demandé un délai pour délibé-
rer sur le montant de cette indemnité, insi-
nuant qu'il serait peut-être plus équitable de
s'en rapporter à une tierce puissance du soin
de fixer ce chiffre.
Le maréchal aurait protesté vivement con-
tre toute ingérence étrangère.
Le sultan aurait alors prié amicalement le
maréchal d'examiner sa proposition d'une
façon calme et avec prudence dans des confé-
rences avec le grand-vizir, se réservant d'in-
tervenir de nouveau personnellement si les
deux plénipotentiaires ne se mettaient pas
d'accord.
LE COLONEL BONNIER
MASSACRÉ PAR LES TOUAREG
DISPARITION D'UNE COLONNE
-. AU SOUDAN
Une douloureuse dépêche. — L'émotion à
Paris. — Un massacre aux environs
de Tombouctou. — Interpella-
tion à la Chambre.— Quel-
ques opinions.
Une douloureuse nouvelle est parvenue
hier à Paris. Une petite colonne à la tête do
laquelle se trouvait le lieutenant-colonel Bon-
nier et qui allait en reconnaissance vers un
campement de Touareg, à quelques kilomè-
tres de Tombouctou, a été surprise la nuit et
massacrée. Nous annoncions la nouvelle dans
notre dernier numéro, mais nous n'avions que
des renseignements vagues et nous espérions
qu'il ne s'agissait là que d'une rencontre à
laquelle nous ne voulions pas donner trop
d'importance. Or, voici la dépêche que M.
Maurice Lebon, sous-secrétaire d'Etat aux
colonies, a reçue, hier, de M. Grodet, gouver-
neur du Soudan :
« Je vous transmets ci-après la dépêche qui
vient de me parvenir de M. le capitaine Phi-
lippe, commandant le poste de Tombouctou :
La colonne du colonel Bonnier arriva le 10
janvier ici. Une fraction de la colonne est
partie en reconnaissance vers un campement
de Touareg, le 12 au matin, sous le com-
mandement du colonel Bonnier, avec le com-
mandant Hugueney, tout l'état-major, la 5e
compagnie et un peloton de la lie.
J'ai reçu le commandement du poste
comme étant le plus ancien capitaine. La co-
lonne a été surprise endormie au campement
de Dougoï, à deux heures au nord de Gote-
dam (probablement Goundam de la carte
Fortin) à trois jours de marche de Tom-
bouctou.
Les loftareg, montés et suivis de fantassins
armés de lances et de couteaux, sont entrés par
plusieurs côtés, culbutant la ligne des fais-
ceaux en avant des tirailleurs qui ne purent
prendre leurs fusils.
Le capitaine Nigotte, blessé à la tête, a pu
s'échapper et rejoindre un peloton laissé à
plusieurs kilomètres en arrière, gardant les
troupeaux de prise sous le commandement
du sous-lieutenant Sarda. Il est rentré ici le
17, apportant la nouvelle et ramenant un pe-
loton composé d'hommes des 5e et He compa-
gnies et de nombreux tirailleurs ayant fui ;
quelques-uns étaient blessés, dont 3 assez
grièvement.
Nous avons pu encore recueillir quelques
hommes. Mais nous avons été forcés de limi-
ter beaucoup les reconnaissances et les re-
cherches, en raison de la sécurité de la
place.
Les Touareg sont venus rôder aussitôt
par groupes nombreux dans les environs très
rapprochés de la ville, formant un cercle,
apparaissant, puis disparaissant devant nos
troupes.
9 officiers et 2 sergents européens ont dis-
paru ainsi qu'un interprète, 1 sergent, 6 ca-
poraux et 61 tirailleurs indigènes. J'ai pris
les dispositions de défense aussitôt ; il n'y a
rien à craindre en veillant constamment, sur-
tout la nuit.
Je dispose de 300 fusils et de 6 canons.
J'attends la colonne du commandant Joffre,
auquel j'ai envoyé un émissaire pour lui don-
ner des renseignements et le faire mettre sur
ses gardes.
J'estime qu'il arrivera avant son passage à
Gotedam, soit à cinq jours de Tombouctou.
J'ai reçu aujourd hui le courrier apporté
par les lieutenants Délabrons et Noël.
En présence de la situation nouvelle, j'ai
cru devoir prendre les dispositions pour main-
tenir les officiers porteurs de courrier et pour
combler les vides jusqu'à l'arrivée de la co-
lonne Joffre.
Après une communication faite au com-
mandant de la flottille, je lui ai demandé de
retarder son départ jusqu'à la même date. Je
possède des vivres jusqu'à l'arrivée du convoi
annoncé qui a dû partir de Ségou le 10 jan-
vier dernier.
La population mélangée nous fait bon ac-
cueil ; elle nous promet un concours absolu
et désireÏlotre maintien ici.
La population sédentaire aspire au calme et
à la tranquillité pour le commerce; mais elle
n'est pas habituée à fournir des guides et des
porteurs ; les chefs de villages sont sans au-
torité ; il y a une grande difficulté même pour
se procurer des guides en raison de l'effroi
causé par les Touareg.
De nombreux envoyés de villages des diffé-
rentes régions, même éloignés, sont venus
ici présenter leur soumission.
Le commerce de la place est nul en raison
du manque de sécurité des caravanes. Les
marchandises faisant défaut, les régions de
Diaréfaré, Mopti, Bandiagara, D'jenné ne
fournissent plus de grains, de mil, d'arachi-
des ni de riz.
Depuis notre arrivée, plusieurs caravanes
ont fait demander par des marchands établis
ici s'ils pouvaient venir en sécurité. J'ai fait
répondre affirmativement.
Sur la demande de chefs et de notables,
j'écris au commandant de région de Ségou
d'inviter les habitants des régions indiquées
plus haut à envoyer huit chalands de grains,
les caravanes commençant à revenir.
Le climat est bon en cette saison. Le loge-
ment manque. Il sera nécessaire de cons-
truire.
L'état sanitaire de la colonne est bon, mal-
gré l'extrême fatigue. »
Sur la carte dressée par le capitaine Fortin,
Gotedam ou Goundam se trouve au sud-ouest,
de Tombouctou sur un marigot qui débouche
sur le Niger, à une cinquantaine de kilomè-
tres en amont de Tombouctou.
SURPRISE PENDANT LA NUIT
Comment a pu se produire une surprise
pareille qui rappelle celle de Poguessa, au
Dahomey, qui n'échoua que par un hasard
miraculeux ? Des postes avancés ne gardaient
donc pas le campement de Dougoï ? Il est
bien certain que, même dix fois supérieurs en
nombre, les Touareg n'auraient pas eu rai-
son des cent hommes du colonel Bonnier,
bien équipés, bien armés. On l'a bien vu
au lendemain de la mort de l'enseigne de
vaisseau Aube qui avait été massacré le 28
décembre avec une escorte de laptots, entre
Kabara et Tombouctou par une colonne de
Touareg. Attaqués quelques heures après
par le lieutenant de vaisseau Boiteux qui dis-
posait de forces très restreintes, les Toua-
reg subirent une sanglante défaite.
Le capitaine Philippe dit que « les Touareg
ont culbuté la ligne des faisceaux en avant
des tirailleurs qui ne purent prendre leurs
fusils ». Il faut donc croire que ces faisceaux
n'étaient pas gardés. C'était d'une singulière
imprudence.
POURQUOI A TOMBOUCTOU
On sait comment le colonel Bonnier est allé
jusqu'à Tombouctou.
il avait, paraii-il, reçu l'ordre de ne pas
entrer dans la ville mystérieuse. Si l'on en
croit une dépêche qu'il adressa au gouver-
neur du Soudan le 10 ou le 11 janvier, ce
sont les événements eux-mêmes qui l'obligè-
rent à passer outre.
Nous parlons plus haut du combat du 28
décembre, au cours duquel M. Aube trouva la
mort. La flottille du Niger se trouvait me-
nacée. Le colonel Bonnier, qui se trouvait à
Mopti, se porta à son secours, et le 10 janvier
il pénétrait à Tombouctou. « Nous avons pris
quelques pirogues en route, dit sa dépêche.
Aucune complication nouvelle n'est à crain-
dre. »
Suivant cette dépêche, le colonel n'aurait
décidé la marche sur Tombouctou que pour
sauver la flottille.
Il alla en reconnaissance le 12 ; c'est donc,
le 15 ou le 16 qu'il a été massacré avec son
escorte.
D'autre part, d'après les lettres des officiers
et des sous-officiers européens qui étaient
sous les ordres du colonel Bonnier, lettres
datées bien avant l'entrée à Tombouctou,
l'expédition du côté de la ville sainte était
décidée par le colonel qui n'attendait qu'une
bonne occasion pour aller en avant.
Et puis, des amis du regretté officier nous
donnent un détail touchant qui expliquerait
tout. Le lieutenant-colonel, qui n'a que
trente-huit ans, devait se marier à Paris à
son retour du Soudan. Avant de partir, il au-
rait dit à sa fiancée.
— Je vous ferai un cadeau qui sera bien le
plus original. On ne va pas à Tombouctou;
eh bien! je vous apporterai Tombouctou dans
votre corbeille de noces.
LE RAPPEL
Quoi qu'il en soit, le colonel était rappelé
en France pour donner des explications sur
la prise de Tombouctou. Peut-être eût-il passé
devant un conseil d'enquête. Mais il est
inexact de dire, comme nous l'avons entendu
hier, que c'est à la dépêche le rappelant en
France qu'il a dû d'avoir été massacré.
C'est le 25 janvier que le sous-secrétaire
d'Etat aux colonies apprenait l'arrivée de
notre troupe à Tombouctou. La dépêche du
colonel au gouverneur du Soudan était datée
de Tombouctou, 10 janvier. Il a donc fallu
quinze jours pour qu'elle parvînt en France.
C'est dans le conseil des ministres du 30
janvier que le gouvernement décida de don-
ner ordre au gouverneur du Soudan de faire
rentrer en France, dès que les circonstances
le permettraient, le colonel Bonnier.
En supposant que M. Grodet ait adressé
une dépêche au colonel le 1er février, le colo-
nel ne pouvait l'avoir avant le 15 ou le 16.
Ceci dit simplement pour rendre hommage
à la vérité.
LE COLONEL BONNIER
Le lieutenant-colonel Bonnier de la Cha-
pelle est né à Rochefort le 4 janvier 1856.
Entré à l'Ecole polytechnique en 1873, lieute-
nant d'artillerie de la marine en 1877, capi-
taine en 1880, chef d'escadron en 1889, il a
été nommé lieutenant-colonel le 20 mai de
l'année dernière.
Il était officier de la Légion d'honneur.
C'est en 1881 que M. Bonnier, alors capi-
taine, commanda la mission topographique
du Soudan, avec laquelle il établit la carte du
pays entre Sénégal et le Niger.
Plus tard, nous le retrouvons inspecteur
des études à l'Ecole polytechnique. Aide de
camp du général Borgnis-Desbordes, actuel-
lement général de division d'infanterie de
marine, M. Bonnier suivit son chef au Ton-
kin, en 1887, et prit part, à ses côtés, à plu-
sieurs expéditions contre les pirates.
Dans une rencontre, à Cho-Moi, les deux
officiers qui accompagnaient le général furent
atteints par le feu de l'ennemi ; le capitaine
Gardère fut tué sur le coup; le capitaine
Bonnier, le bras traversé par une balle, conti-
nua à assister au combat, à la fin duquel seu-
lement il consentit à se faire panser.
L'an dernier, il y a quelques mois, M.
Bonnier — il était alors lieutenant-colonel —
prit le commandement des troupes au Soudan,
lors de la rentrée en France de son prédéces-
seur, le colonel Combes.
Dans les premiers jours de décembre, il a
livré aux bandes de Samory plusieurs com-
bats heureux. On sait dans quelles conditions
il est allé à Tombouctca.
Le colonel Bonnier a un frère de deux ans
plus jeune, qui est actuellement chef d'esca-
dron d'artillerie de la marine et qui a fait de
nombreuses campagnes au Soudan. En 1890,
notamment, il a pris une part active à l'ex-
pédition contre Ségou. Il a reçu deux bles-
sures.
LES VICTIMES DU SOUDAN
'Veut-on savoir ce qu'à coûté à l'infanterie
et l'artillerie de marine la campagne du Sou-
dan, durant le cours de l'année 1893?
Officiers tués à l'ennemi : Infanterie, 6.
Officiers décédés aux colonies : Infanterie,
22 ; artillerie (y compris les gardes), 10.
Officiers décédés en France (des suites de
maladies contractées aux colonies) : Infante-
rie, 8 ; artillerie (y compris les gardes), 2.
Officiers décédés en France (autres causes) :
Infanterie, 6; artillerie (y compris les gar-
des), 3.
Officiers retraités (soit pour blessures, infir-
mités ou par suite de fatigues physiques les
rendant incapables de continuer leurs servi-
ces) : Infanterie, 8; artillerie (y compris les
gardes), 13.
Officiers réformés : Infanterie, 3; artillerie
(y compris les gardes), 1.
Officiers démissionnaires (la plupart parce
qu'ils se trouvaient dans l'impossibilité phy-
sique de continuer leurs services) : Infante-
rie, 6.
Officiers passés dans l'armée de terré (obli-
gés pour la plupart, en raison de leur état de
santé, de quitter les troupes de la marine,
pour ne plus servir aux colonies) : Infante-
rie, 12.
Totaux : Infanterie, 71 ; artillerie, 29.
LA SŒUR DU COLONEL
La sœur du colonel, Mme Petrucci, a appris
la mort de son frère d'une façon émouvante.
Elle était sortie hier pour aller faire quelques
courses et se trouvait, à trois heures et de-
mie, dans un omnibus, lorsque des voya-
geurs, ayant en main des journaux du soir,
parlèrent de la mort du colonel Bonnier.
Très émue, elle demanda à l'un d'eux un
journal. A peine eut-elle jeté les yeux sur le
numéro qui lui était offert qu'elle fondit en
larmes.
— Mon Dieul dit-elle, le colonel Bonnier,
mon frère, est tué 1
Et elle sortit précipitamment, tandis que
tous les voyageurs se avaient pour la saluer
respectueusement, aussi émus qu'elle.
Mme Petrucci se rendit ensuite dans divers
ministères et au sous-secrétariat des colonies,
où on ne put lui donner d'autres détails que
ceux contenus dans la dépêche de M. Grodet.
MORTS POUR LA PATRIE
Onze blancs, dont 9 officiers, ont été tués.
Le sous-secrétaire d'Etat donnera leurs qoms
dès que les familles auront été prévenues.
Il paraît que le commandant Hugueny fi-
gure dans le DQmbre.
A LA CHAMBRE
La dépêche officielle du gouverneur do
Soudan n'a été connue à la Chambre que vers
trois heures ; elle y a produit un vive émo-
tion parmi les quelques députés qui étaient
venus assister aux séances des commissions
qui siègentle vendredi.
L'opinion générale est que, si regrettable
que soit cette affaire, il ne faut pas la consi-
dérer comme un désastre ou du moins comme
la ruine de nos intérêts et de notre influence
dans l'Afrique centrale.
A côté de cette considération on émet des
hypothèses. Notre colonne a été surprise,
dit-on, d'une façon inexplicable. Comment
admettre, en effet, qu'elle ait été massacrée
avant même que les postes aient pu donner
l'alarme? On se demande avec juste raison si
les postes et les avant-postes avaient été or-
ganisés; s'ils ne l'ont pas été, il y aurait là
une faute grave.
Jusqu'à plus ample informé, on se refuse à
croire que, dans un pays tel que celui qui
était exploré par le colonel Bonnier, nos trou-
pes se soient laissé surprendre ainsi.
Un député qui a fait campagne autrefois
dans le sud de l'Algérie et qui a eu affaire
aux Touareg raconte que ceux-ci ont l'habi-
tude d'attaquer la nuit et que si notre co-
lonne a été surprise c'est qu'elle était campée
dans la brousse, à la faveur de laquelle nos
ennemis ont pu lui tomber dessus sans que
l'on ait eu le temps de s'en apercevoir.
D'autre part, on explique cette marche du
colonel Bonnier par ce fait qu'il a voulu se
« donner de l'air », comme l'avait fait le gé-
néral de Négrier à Lang-Son.
Ces explications n'ont malheureusement
qu'un caractère rétrospectif et si on ne peut
que déplorer le passé, on doit maintenant se
préoccuper de l'avenir.
C'est pour être fixé sur ce qu'il convient de
faire qu'unanimement les députés se pronon-
çaient pour une interpellation qui serait dis-
cutée aujourd'hui des le début de la séance.
M. Couchard, député du Sénégal, a pris
l'initiative d'une demande d'interpellation,
mais, sur les instances du sous-secrétaire
d'Etat aux colonies, il a consenti à l'ajourner
jusqu'à mardi.
Nous croyons, d'après les renseignements
recueillis dans les couloirs, qu'un débat sera
soulevé aujourd'hui, même si le gouverne-
ment refuse de l'accepter.
Nous avons demandé à M. Couchard quelle
était la question qu'il entendait porter à la
tribune.
« - Je veux demander au gouvernement,
nous a-t-il répondu, ce qu'il compte faire, à
Tombouctou.
» A mon avis, occuper Tombouctou a été une
faute, car nous n'avions qu'à laisser « agir
l'influence ». Mais maintenant que nous y
sommes, il faut y rester, dût-il nous en coûter
quelques sacrifices. »
Cette opinion 'sera du reste, croyons-nous,
celle du gouvernement qui a déjà donné des
instructions, ainsi que nous le disions hier,
pour que des renforts se préparent à porter
secours à nos troupes actuellement à Tom-
bouctou.
Ce sont des déclarations sur les mesures
prises que l'on veut solliciter le plus rapide-
ment possible.
Ajoutons que le groupe colonial de la
Chambre, en prévision de discussion de cette
interpellation, se réunira avant la séance.
Si nous voulions avoir la preuve que le
Parlement désire être renseigné le plus tôt
possible, nous n'aurions qu'à citer le fait
qu'hier au Sénat M. Franck Chauveau, séna-
teur de l'Oise, est allé trouvé M. Antonin Du-
bost qui représentait le gouvernement, pour
lui demander de répondre immédiatement à
une interpellation sur l'affaire de Tombouc-
tou.
Le garde des sceaux, qui n'était pas rensei-
gné, n'a pu accepter, et l'interpellation allait
être déposée lorsque M. Challemel-Lacour
mis au courant des intentions de son collé-
gue, leva la séance sans plus tarder.
AU SOUS-SECRETARIAT
DES COLONIES
- Certes,nous déclare M. Lebon,sous-secré-
taire d'Etat aux colonies, cet événement est
très douloureux, mais l'opinion publique ne
doit pas s'en alarmer outre mesure. Nous ne
savons d'ailleurs pas exactement, à l'heure
actuelle, ni comment il s'est produit, ni quel-
les en sont les véritables conséquences.
La dépêche du 19 janvier — et non du 29
comme l'ont annoncé quelques-uns de vos
confrères — annonce bien la disparition de
70 hommes dont 9 officiers. Mais disparus,
ne signifie pas nécessairement morts. Nous
avons encore le droit d'espérer.
- Et quelles mesures compte prendre lo
gouvernement ?
— Il n'en a pas encore délibéré. Ce n'est-
même que demain que je communiquerai au
conseil des ministres la dépêche du comman-
dant Philippe. Mais dès que cette nouvelle
m'a été connue, j'ai télégraphié pour qu'on,
forme, avec les éléments qui sont sur place,
un quatrième bataillon dont les cadres se
composeront des sous-officiers de l'état-ma"
major, ouvriers d'artillerie, etc.
Le premier départ de bateau s'effectuera le
22 février. A cette date s'embarqueront des
sous-officiers de la marine et de la guerre.
J'ai agi ainsi parce que le plus pratique
était d'utiliser immédiatement les forces qu'on
a là-bas sous la main.
Le voyage de France au Sénégal exiga
quelques jours ; de plus, les difficultés de
transport sont assez grandes en ce moment,
à cause des eaux très basses du Sénégal.
Vous savez, on l'a annoncé un peu partout,
que le général Dodds va réduire l'effectif de
ses troupes.
Or, dans ces troupes il y a deux compa-
gnies empruntées au Sénégal. S'il en est be-
soin on les dirigera sur le Soudan, au lieu de
les envoyer au Bénin.
Nos troupes seront donc en nombre suffi-
sant.
— On prétend, interrompons-nous, qu'elles
sont sans chef, sans direction ?
— Ecoutez, nous répond M. le sous-secré-
taire d'Etat : Nous avons sur les. lieux ou
à proximité M. le lieutenant-colonel Combe,
de l'infanterie de marine, commandant supé-
rieur du Soudan.
M. le colonel Houry, commandant supérieur
du Sénégal est parti le 5 février de France. En
cas de nécessité, nous pourrions lui donner
l'ordre d'aller sur le théâtre des opérations.
Enfin, plusieurs autres officiers, parmi les-
quels le commandant Joffre qui devait arriver
à Tombouctou quatre ou cinq jours après
l'envoi de la dépêche.
— Puis-je vous demander, monsieur le
sous-secrétaire d'Etat, votre réponse à la
question que M. Boissy-d'Anglas doit voua
poser ?
— M. Boissy d'Anglas m'a, en effet, informé
de son intention. De son côté, M. Couchard,
député du Sénégal, m'a prévenu qu'il avait
adressé au président de la Chambre une de*
mande d'interpellation. J'ai prié mes deux
collègues de bien vouloir s'entendre pour qu'il
n'y ait qu'un seul débat. Je l'accepterai pour
le premier jour qui suivra la discussion dfe
l'interpellation de M. Turrelsur la crise agâr
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