Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-01-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 07 janvier 1894 07 janvier 1894
Description : 1894/01/07 (A24,N8028). 1894/01/07 (A24,N8028).
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-quatrième année. — N° 8,028 CINQ CeïltilïlGS Paris et Départements — GINO Centimes BlMANCHE 7 JANVIER 1891
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Mois Sénatoriales
« Nous allons encore perdre quel-
ques sièges », s'écriait l'autre jour un
sénateur de droite, et c'est en effet la
caractéristique probable des élections
qui vont avoir lieu demain. Ces élec-
tions, le pays les attend avec une tran-
quille confiance qu'il ne faudrait pas
confondre avec l'indifférence. Il sait
trop bien quel est le rôle constitutionnel
du Sénat, pour n'attacher aucune impor-
tance à un renouvellement partiel qui
porte sur près d'un tiers de cette assem-
blée, et si quelque indice lui permettait
de penser que ces élections peuvent
amener un changement dans l'orienta-
tion politique du pays, il apporterait à
la lutte une grande ardeur. Nous n'en
voulons pour preuve que la violence
avec laquelle la bataille se poursuivait
jadis.
Les premières élections sénatoriales
avaient envoyé au Luxembourg une
majorité réactionnaire, tandis que le
suffrage universel envoyait au Palais-
BQurbon une Chambre républicaine,
celle qui devait devenir la Chambre
des 363. Dès ses débuts, cette majorité
sénatoriale montrait qu'elle comprenait
son rôle comme M. le duc de Broglie
l'avait lui-même défini, et que, pour
elle, la dualité du pouvoir parlemen-
taire, c'était le conflit élevé à la hauteur
d'une institution politique.
Mais dès le premier renouvellement
partiel, en 1879, les républicaihs ga-
gnaient assez de sièges pour conquérir
une majorité bien frêle encore, mais
qui, grâce à une forte discipline, ré-
duisait à l'impuissance les efforts de la
droite, et cette majorité s'accroissait pro-
gressivement de quelques unités à me-
sure que la mort faisait des vides parjrni
les inamovibles; elle remplaçait les
réactionnaires disparus par des répu-
blicains. Cette institution des inamovi-
bles, par laquelle la droite de l'Assem-
blée nationale avait cru qu'elle retar-
dorait, si même elle n'empêchait à ja-
mais l'avènemont d'une majorité répu-
blicaine dans le Sénat, fut précisément
-l'instrument par lequel cette majorité
commença à prendre corps et qui, si
les républicains l'avaient conservé, se-
rait devenu un obstacle presque insur-
montable à un retour offensif des réac-
tionnaires.
Il est vrai qu'il est devenu à peu près
inutile, puisqu'il est arrivé ce que les
réactionnaires n'avaient pas prévu, c'est-
à-dire que les réactionnaires ont à peu
près disparu. A chaque renouvellement
partiel du Sénat, leurs rangs se sont
éclaircis. Après les dernières élections
en 1891, il n'en restait qu,une cinquan-
taine. Combien en restera-t-il demain
soir? Ils ont par avance pris leurs pré-
cautions pour déguiser la détaite qu'ils
attendent. Ils affectent un dédain pro-
fond pour le « suffrage restreint » et ils
gardent tout leur respect pour le « suf-
frage universel ».
L'opposition entre les deux suffrages
n'est pas aussi juste qu'ils le préten-
dent et l'on ne saurait trop répéter que
les électeurs sénatoriaux, ne tenant leur
droit de vote ni de la fortune, ni de la
naissance, ni des capacités, ne repré-
sentent pas le suffrage restreint au sens
exact du mot. Le collège électoral séna-
torial ne comprend que des hommes
qui ont été investis du droit électoral
par le suffrage universel, comme les
conseillers généraux, les conseillers
d'arrondissement, les députés ou les
délégués des conseils municipaux, qui
sont eux-mêmes, par conséquent, les
élus au second degré du suffrage uni-
versel.
Il ne peut donc pas y avoir entre les
décisions de ce corps électoral et celles
du suffrage universel direct un bien
grand antagonisme, et il est bien évi-
dent que si les électeurs avaient nommé
comme députés, comme conseillers gé-
néraux, ou d'arrondissement, ou muni-
cipaux, des réactionnaires, ceux-ci, le
jour où ils ont un bulletin de vote, n'y
inscriraient pas le nom d'un républi-
cain.
C'est précisément parce que le suf-
frage universel, dans son immense
majorité, a confié les mandats électifs
aux républicains, que le pays voit sans
aucune émotion s'ouvrir le scrutin sé-
natorial. Les gains que la République
va faire au Sénat sont en quelque sorte
une manifestation concrète et comme
le résumé de ceux qu'elle a faits dans
le pays. Ceux-ci sont en quelque sorte
insensibles ; ils passent du moins à peu
près inaperçus. Les élections de con-
seillers généraux qui ont lieu presque
chaque dimanche, les élections de con-
seillers municipaux qui, peu à peu, dé-
placent la majorité dans les assemblées
communales, sont des incidents qui
nous échappent, et ce n'est que par les
élections sénatoriales que nous pou-
vons mesurer avec exactitude le che-
min parcouru.
Nous verrons demain soir où nous en
sommes. Mais le peu d'entrain des réac-
tionnaires et dés ralliés à courir les
chances de la lutte, la retraite des plus
éminents d'entre eux, comme M. Bocher,
nous montrent, aussi bien que l'aveu
échappé à un imprudent, qu'on ne se
fait de ce côté aucune illusion et que le
pays aurait bien tort d'éprouver quel-
que inquiétude sur le résultat final.
ENVOI DE TÉMOINS
Grande nouvelle ! L'homme de lettres Poi-
datz, secrétaire général du Petit Journal,
vient d'envoyer ses témoins au directeur poli-
tique du XIXe Siècle.
Cela lui prend périodiquement, toutes les
fois qu'il vient d'éprouver un gros échec ju-
diciaire.
Il y a deux ans, quand nous avons dit à
l'aide de quel truc ingénieux et délicat il
s'était fait recevoir membre de l'Epatant en
se donnant pour l'auteur d'ouvrages littérai-
res remarquables qu'il avait pourtant oublié
d'écrire, il nous fit un procès, le perdit, se vit
condamner aux dépens et, dans sa fureur, eut
l'étrange idée de demander au directeur du
XIXe Siècle la réparation que les juges lui
avaient refusée.
Malheureusement, pour se battre en duel
il faut être deux et M. Poidatz resta seul.
avec son déshonneur.
Tout récemment il vient encore de se faire
condamner — c'est une manie ! — par la po-
lice correctionnelle, devant laquelle il avait
imaginé de faire, sous le pseudonyme non
d'un homme de lettres, mais d'un homme de
paille, un nouveau procès à M. Portalis.
Cette condamnation lui a été d'autant plus
pénible que partout il avait modestement
annoncé qu'il gagnerait son procès et que par-
tout on se moque de lui, en face ou par der-
rière.
Couvert de ridicule, obligé de renoncer à
ses sports favoris, le papier timbré et la diffa-
mation, condamné par les juges dont sa naï-
veté espérait faire ses complices, ne sachant
plus à quel saint se vouer, il entrevoit de nou-
veau le duel comme une planche de salut,
et il envoie tranquillement ses témoins aux
gens que, la veille encore, il menaçait de
Mazas.
Les témoins de M. Poidatz pourront repas-
ser le jour où leur client nous aura démontré
qu'il est vraiment homme de lettres.
LE VRAI CAISSIER INFIDÈLE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Budapest, 5 janvier.
Un fait inouï dans les annales des caissiers
infidèles vient d'être constaté.
Il y a quatorze ans, le docteur Csep-
csanyi, caissier d'un grand institut financier,
avait disparu en emportant une somme de
160,000 francs. Toutes les recherches faites
pour le retrouver étaient restées depuis sans
résultat.
Aujourd'hui, la police vient de constater
que ce troueur de lune n'avait jamais quitté
la capitale. Il est demeuré pendant quatorze
ans à Budapest dans une petite maison de la
rue Remete.
Malgré cette découverte, on n'a pas arrêté
le caissier ; il y a prescription à la suite du
délai de quatorze ans.
Csepcsanyi peut maintenant jouir du pro-
duit de son vol sans être inquiété.
LES ELECTIONS MUNICIPALES
Six quartiers de Paris sont actuellement
privés de réprèsentant au conseil municipal:
les quartiers Courlebarbe, Clignancourt, Ja-
vel, du Père-Lachaise, de la Monnaie, par
suite de la démission de MM. Prudent-Der-
villers, Rouanet, Chauvière, Vaillant, Pe-
trot, élus députés, et le quartier du faubourg
Montmartre où l'élection de M. Charles Lau-
rent a été annulée par le conseil d'Etat.
M. le préfet de la Seine aurait l'intention
de convoquer les électeurs pour le dimanche
29 janvier. Le second tour de scrutin aurait
lieu le 4 février.
t~t —MM—M
LES VICTIMES DE L'EST
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 5 janvier.
Il s'est produit ces jours derniers un double
et terrible accident que je ne vous aurais
signalé qu'à titre d'information si la Compa-
gnie de l'Est, directement responsable, ne
s'était hâtée de faire déclarer au parquetjpar
ses agents que la faute en incombe aux. vic-
times. Celles-ci étant mortes ne protesteront
pas.
Voici les faits :
A un passage à niveau qui fait communi-
quer les nombreuses usines avec les grands
faubourgs ouvriers de Belfort, vers six heures
un quart du soir, les ouvriers et ouvrières au
nombre d'une centaine, sortant des ateliers,
venaient s'attrouper devant la barrière fer-
mée, mais dont la porte reste libre, c'est-à-
dire ouverte.
Comme chaque soir à ce moment-là,le train
de marchandises quittait la gare de Belfort,
dans ?a direction de Lure. Les ouvriers atten-
dirent patiemment son passage, et à peine
l'interminable file de voitures avait-elle passé,
que hommes et femmes firent irruption sur
la voie. Ils faisaient cela chaque soir et nul
ne s'en inquiétait.Mais au même moment l'ex-
press de Paris, qui avait un retard de vingt-
cinq minutes, arrivait de l'autre côté, sur la
voie parallèle, donc caché par le train de
marchandises montant. Une clameur épou-
vantable éclata et la foule des ouvriers se
rejeta ou bondit hors de la voie. Mais un
homme et une jeune fille furent atteints et
affreusement mutilés.
La cause de l'accident, c'est évidemment la
Compagnie de l'Est, tant par le retard de son
train que par l'insuffisance de la garde des
barrières. Le parquet devrait donc pour-
suivre, mais, je l'ai dit, la Compagnie de l'Est
déclare que les victimes seules sont causes de
l'accident.
L'avant-veille, à un autre passage à ni-
veau qui coupe l'un des plus populeux quar-
tiers de la ville en deux, un soldat d'adminis-
tration était également écrasé.
LES BALS DE L'HOTEL DE VILLE
Le bureau du conseil muni cipal se réunira dans les
premiers jours de la semaine prochaine pour s'oc-
cuper des fêtes à donner à l'Hôtel de Ville. Comme
les années précédentes, la municipalité de Paris
organiserait deux bals. On parle, comme dates,
1 des 28 janvier et 11 février.
L'AFFAIRE VAILLANT
LE flENVOI ANNONCÉ
Les renseignements du « nX. Siècle ».—
Portes closes. — Speech aux jurés.
- A quand le procès de
l'anarchiste ?
Comme — seul de tous les journaux pa-
risiens — le x/xe Siècle l'avait annoncé, les
portes de la cour d'assises de la Seine n'ont
pas été ouvertes hier.
Vers jonze heures du matin, M. le président
Caze est arrivé au Palais de Justice. Tout
aussitôt, après avoir conféré quelques minutes
avec M. le procureur général, il s'est rendu à
son cabinet où il a rédigé une ordonnance
renvoyant les débats de 1 affaire Vaillant au
premier jour, « attendu que Me Ajalbert, qui
s'était chargé de présenter la défense de
Vaillant, déclare, dans une lettre adressée à
M. le procureur général, ne pouvoir présenter
cette défense ». Puis M. l'huissier Dupuis à
reçu ordre de signifier immédiatement cette
ordonnance à l'auteur de l'attentat du Palais-
Bourbon.
Cette besogne procédurière accomplie, M.
Caze a réuni les jurés dans la la chambre du
conseil et leur a adressée le petit speech sui-
vant :
Messieurs les jurés, je regrette vivement de
n'avoir été informé hier soir qu'à une heure tar-
dive de la résolution prise par M* Ajalbert, réso-
lution que vous avez dû connaître par la lecture
des journaux du matin, de ne pas présenter la
défense de l'accusé Vaillant. Si j'eusse été informé
plus tôt, je n'aurais pas manqué de vous avertir
pour vous éviter de venir inutilement aujourd'hui
au Palais.
Me Ajalbert ne croyant pas devoir présenter la
défense de Vaillant, et la loi voulant d'autre part
qu'un accusé qui comparait en cour d'assises soit
défendu, il faut accorder à M" Fernand Labori, le
nouveau défenseur dont Vaillant a fait choix, un
délai pour examiner le dossier. Dans ces condi-
tions, le renvoi de l'affaire s'imposer de toute né-
cessité.
Aussi viens-je de rendre une ordonnance dans
ce sens. Je n'ai pu fixer aucune date. Il peut se
faire que le procès vienne durant cette session.
Pour aujourd'hui vous êtes libres et je vous donne
rendez-vous pour demain à onze heures et demie
afin de continuer l'examen des affaires inscrites
au rôle de la session.
Après ce petit discours, MM. les jurés se
sont retirés, enchantés des vacances extraor-
dinaires qui leur étaient accordées.
La nouvelle du renvoi de l'affaire à une
date indéterminée s'est alors répandue dans
le Palais, où elle a été l'objet de toutes les
conversations. Dans un groupe. Mc Danet ra-
contait qu'il avait été chargé d'office, la veille,
par M. le bâtonnier de l'ordre des avocats,
qui ignorait que Vaillant eût choisi un avo-
cat, de la défense de l'auteur de l'attentat
du Palais-Bourbon.
— Huit jours, disait l'honorable avocat,
m'avaient été accordés pour compulser le
dossier et préparer la défense de mon client.
Informé de ce propos, M. le procureur géné-
ral Bertrand s'empressa, paraît-il, de le dé-
mentir, affirmant que jamais le parquet n'a-
vait pris l'engagement d'accorder un. délai
de huit jours pour présenter la défense de
Vaillant.
L'AFFAIRE VAILLANT
ET LE MINISTRE DE LA JUSTICE
Vaillant se montre très calme à la .Concier-
gerie. Il a reçu hier, dans sa cellule, deux
visites, l'une à neuf heures, l'autre à trois
heures, de son avocat, Me Fernand Labori
qui, à l'une d'elles, était accompagné de son
secrétaire; Me Monirat.
L'anarchiste se montre surpris qu'on veuille
« étouffer » sa défense.
— Puisqu'ils sont sûrs d'avoir ma tête, dit-
il sans trop d'effroi, qu'importe qu'ils l'aient
huit jours plus tôt ou huit jours plus tard ? Je
ne comprends rien à leur empressement.
Vaillant n'a pas le sens de la politique de
M. Antonin Dubost, sans quoi il devinerait
que le ministre de la justice a une espèce de
vanité à présenter mardi prochain aux dépu-
tés, comme don de joyeuse rentrée, un arrêt
de condamnation à mort prononcé contre lui,
Vaillant, par la cour d'assises de la Seine.
M. le procureur général Bertrand, agissant
sur les ordres de M. Antonin Dubost, veut à
tout prix que l'affaire Vaillant vienne devant
le jury parisien dans les premiers jours de la
semaine prochaine, et plutôt lundi que mardi.
Aussi a-t-il refusé à l'avocat de l'anarchiste
les huit jours — qu'on n'oserait pas refuser à
une cuisinière — que Me Fernand Labori ré-
clamait avec insistance tout à la fois pour
examiner hâtivement le dossier et pour
faire citer quelques témoins à décharge, qui
cependant seront entendus aux débats.
M. le président Caze, au contraire, s'est
montré fort accommodant. Il était prêt à ac-
corder tous les délais qu'on lui réclamait et
d'autres encore, si M. le procureur général
n'avait jugé à propos de s'y opposer énergi-
quement.
Dans ces conditions, il est infiniment pro-
bable, pour ne pas dire certain, que l'affaire
Vaillant viendra le premier ou le second jour
de la semaine prochaine.
Malgré le court laps de temps accordé à
l'avocat pour préparer la défense de Vaillant,
Me Fernand Labori, affirme-t-on, sera prêt
lundi prochain à disputer vaillamment à M.
le procureur général la tête de l'accusé. Tou-
tefois l'honorable avocat, tout en se faisant
scrupule de déposer des conclusions dilatoi-
res, ne manquera pas de protester à l'au-
dience contre l'invraisemblable rapidité avec
laquelle un procès d'une importance aussi
« capitale » a été expédié, dans le seul but de
déférer aux désirs de M. Antonin Dubost, le
ministre de la justice.
M. CAZE ET LE « XIXc SIÈCLE »
Un de nos amis, avocat à la cour d'appel de
Paris, rencontrant hier matin, vers onze
heures moins le quart, M. Caze sur le boule-
vard du Palais, s'empressa de poser au prési-
dent de la cour d'assises de la Seine la
question du jour :
— Que va-t-il, monsieur le président, se
passer aujourd'hui à l'audience de la cour
d'assises? Interrogerez-vous l'accusé unique-
ment sur son identité et renverrez-vous en-
suite l'affaire au premier jour, comme on dit
au tribunal de commerce?
M. Caze, souriant, tira alors de sa poche le
XIXe Siècle qu'il ouvrit à la première page.
Puis, finement :
— Mon devoir, dit-il, est tout tracé et je ne
saurais m'en écarter d'une ligne. Voicilen
effet un passage du XIXe Siècle qui va ré-
pondre sans biaiser à vos questions.
Et M. Caze se mit à lire à haute voix ce
passage : « Que se passera-t-il aujourd'hui à
» la cour d'assises ? Rien. Les portes de l'au-
» dience seront fermées. A onze heures, M.
» Caze se rendra au Palais et réunira dans la
» chambre du conseil les jurés, auxquels il
» exposera par suite de quels motifs l'affaire
) Vaillant a dû être renvoyée à une date
» encore indéterminée mais très prochaine. »
— Voilà exactement, continua le président,
ce qui se passera aujourd'hui. J'ajoute qu'à
cette heure je suis personnellement moins
bien informé que le XIXE Siècle, qui annonce
le renvoi de l'affaire à une date très pro-
chaîne. Mais le XIX6 Siècle doit dire la vé-
rité.
Et en effet, tout s'est passé hier matin
comme nous l'avions annoncé.
M. Caze replia son journal, qu'il remit soi-
gneusement dans sa poche. Il s'éloigna en-
suite, disant, toujours souriant :
— Je le garde pour le cas où je ne me sou-
viendrais plus exactement de ce que je dois
faire.
Annonçons à M. Caze, pour continuer à
mériter sa bienveillante confiance, que l'affaire
Vaillant ne lui échappera pas, au profit ou
au détriment, comme il voudra, de son col-
lègue M. Commoy.
LE COCHER DU PRÉSIDENT
Des passants ont trouvé hier matin, sur la
passerelle des eaux de r A vre, entre Saint-
Cloud et Suresnes, une livrée de cocher de
grande maison : un chapeau à cocarde trico-
lore et un porte-monnaie contenant quinze
francs trente-cinq centimes.
Ces vêtements ont été portés au commissa-
riat de police.
Il résulte de l'enquête faite par M. Berthe-
lot, commissaire de police, que ces effets ap-
partenaient à Etienne S., l'un des cochers
du président de la République.
On suppose qu'Etienne S., qui était at-
teint de la manie de la persécution, se sera
jeté à l'eau.
GASPILLAGE
Les pontons de la marine. - L' « Héroïne »,
T « Européen », la « Revanche w.
Jamais le Parlement n'a refusé les crédits
qui lui étaient demandés dans un but de,dé-
fense nationale. C'est ainsi que, depuis sept
ans, le budget du ministère de la marine
s'est accru d'une centaine de millions. Par
malheur, nous sommes obligés de constater
que ce département ministériel ne nous en
donne pas pour notre argent et qu'une forte
partie des millions versés dans les caisses de
la rue Royale sont l'objet d'un gaspillage vé-
ritablement effréné.
Voici, pour l'édification des contribuables,
quelques exemples de ce que nous avançons :
LES PONTONS
La marine entretient dans certaines colo-
nies, à Dakar, au Gabon, à Diégo-Suarez, à
Saïgon, ce qu'on appelle une station locale,
qui se compose généralement d'un ou deux
avisos et de quelques petites canonnières de
rivière.
La station est sous les ordres d'un officier
supérieur qui porte le titre de commandant
de la marine, ne navigue jamais et passe le
plus clair de son temps à contrecarrer les au-
torités civiles de la colonie.
Le commandant a, naturellement, un gros
état-major, mais peu ou point de matelots.
Il semblerait naturel d'installer ce petit
personnel à terre et de construire, proche
l'appontement, un magasin pour remiser le
matériel de la marine. Ce serait, en effet, fort
simple et fort économique. Aussi la rue
Royale ne veut pas en entendre parler, et
voici ce qu'elle imagine :
Elle choisit dans un port de guerre un
vieux navire condamné, rayé de la liste de
la flotte, réduit à l'état de ponton. Elle le ré-
pare, le retape à grands frais et l'expédie
dans le port de la colonie. Arrivé là, on le
fixe solidement au mouillage, d'où il ne bouge
plus jamais jusqu'au jour où l'on s'aperçoit
qu'il menace de couler à fond. Alors on ex-
pédie de France un autre rossignol qui vient
prendre sa place, et ainsi de suite.
Des millions ont été engloutis de la sorte
qui auraient suffi pour créer, sur les princi-
paux points du globe, des stations de charbon
pourvues de l'outillage le plus perfectionné.
L' « HÉROINE »
C'est ainsi que depuis six mois l'arsenal de
Toulon s'occupe à remettre à neuf la vieille
frégate Héroïne, qui date de 1863. On la
transforme en navire à voiles, pour l'expé-
dier comme ponton à Dakar. On lui met des
canons, des torpilles et jusqu'à un filet Bul-
livant; mais le navire ne pourra jamais quit-
ter le port, mais il n'y aura pour ainsi dire
Das de matelots canonniers et torpilleurs à
bord.
Cette vieille coque vient de recevoir 8 gros
canons de 24 centimètres, 3 de 19 centimè-
tres, et de nombreuses autres pièces de plus
petit calibre. Il faudrait pour servir cette ar-
tillerie au moins 120 canonniers. On embar-
quera six !
Tout cela n'est donc qu'un abominable
trompe-l'œil.
Et sait-on combien l'arsenal de Toulon
vient de dépenser sur ce rossignol qui ne ren-
dra aucun service ?
Plus,de six cent mille francs, tout près de
sept cent mille!
L' « EUROPÉEN »
Le même arsenal répare aussi en ce mo-
ment le transport Européen, acheté aux
Anglais en 1860 et qui va être expédié à Saï-
gon pour remplacer le ponton Loire, sur
lequel le commandant de la marine en Co-
chinchine met son pavillon.
La Loire n'en peut plus, elle va couler.
Pourquoi la remplacer? Saïgon est une grande
ville pleine de ressources. La marine y pos-
sède déjà un véritable arsenal. Quel besoin
d'y maintenir un ponton?
On a déjà dépensé pour retaper Y Européen
plus de 200,000 francs. Son voyage de Toulon
à Saïgon par le canal de Suez coûtera au
moins 100,000 francs.
C'est la folie du gaspillage poussée jus-
qu'au paroxysme.
LA « REVANCHE »
Autre exemple :
Le ministère de la marine avait envoyé à
Alger, il y a quatre ans, une vieille fregate
cuirassée, la Revanche. On lui avait mis,
comme à l'Héroïne, de nombreux canons
dont la vue rassurait fort la population algé-
rienne. Ces braves gens ignoraient que l'or-
dre était donné de ne jamais tirer les piè-
ces, sous peine de voir la frégate s'ouvrir en
deux !
La Revanche resta ainsi quatre ans dans le
port d'Alger.
Cette comédie vient de prendre fin. La ma-
rine s'est décidée à mettre la Revanche aux
enchères.
Elle en a trouvé 200,000 francs.
Or, sait-on combien la remise à neuf de la
frégate et son entretien à Alger pendant qua-
tre ans ont coûté au budget ?
Plus d'un. million l
Faire plus d'un million de frais pour en-
caisser 200,000 francs, toute notre marine
est là.
EXPLOSION DE GRISOU
Gelsenkirchen, 5 janvier.
Une explosion de grisou s'est produite au puits
i Hibemia. Trais "aitaoural ut .é.\Õ tuéo, quatre sont
[ hLesses. -
CHRONIQUE
w
AUTOUR DU DIVORCE
Kous voudrions bien extraire un grain
de philosophie de la statistique des divor-
ces que le XIX* Siècle publiait avant-
hier. Le nombre des unions dissoutes suit
depuis dix ans une progression croissante.
Les ménages sont-ils plus mal assortis
qu'autrefois; serait-on moins bien rensei-
gné, en dépit des agences ; et se marie-
rait-on à la diable et au petit bonheur, au-
jourd'hui que le mariage se conforme aux
règles de la tragédie classique,
Dont le nœud bien noué se dénoue aisément
Je crois au contraire que les mauvais
ménages sont infiniment plus rares préci-
sément à cause de cette soupape de sû-
reté qui s'appelle le divorce. Nos pères
n'avaient pas plus de vertu mais seulement
plus de patience ; en quoi leur mérite était
mince, puisqu'ils étaient rivés à perpétuité
à leur chaîne. Aujourd'hui qu'a l'écarté
conjugal on veut bien admettre qu'il y
maldonne et vous autoriser à recommen-
cer la partie, on peut supposer que ceux
qui restent volontairement à la même ta-
ble ne sont pas trop mécontents de leur
jeu.
Aux moralistes superficiels qui ne man-
queront pas de crier à la corruption, il est
bon de faire remarquer que le divorce
ne peut en aucune façon servir de ther-
momètre à la vertu. Parmi les causes va-
riées de divorce, l'adultère est au rang
de celles qu'on invoque le moins. L'adul-
tère de la femme a fait rompre quinze
mariages sur cent et l'adultère de l'homme
six pour cent seulement en 1889. Pendant
l'année 1890, les proportions sont restées
exactement les mêmes. Par conséquent
les femmes trompent à peu près trois fois
plus leurs maris qu'elles ne sont trompées
par eux. Cette statistique en dit si long
sur la fidélité maritale, qu'il serait de
mauvais goût d'y insister davantage.
Les quatre cinquièmes des divorces ont
toujours la même cause : excès, sévices,
injures graves; incompatibilité d'humeur,
selon l'euphémisme administratif. Après
les premiers feux amortis, les époux qui
n'ont pas suffisamment médité le mot de
la liturgie anglicane : « pour les mauvais
jours comme pour les bons », se trouvent
aux prises avec les duretés de l'existence.
Les déceptions les aigrissent, la misère,
les privations font saillir toutes les aspé-
rités de leur caractère. — « Je te croyais
plus travailleur, dit la femme. — Avec ce
que tu m'as apporta, tu ne mangerais pas
tous les jours », répond le mari. Et l'on
finit par se battre, comme dit le proverbe,
quand il n'y a plus de foin au râtelier.
Car il est à remarquer que le divorce,
à la façon de certaines épidémies, sévit
surtout sur les pauvres. Plus de la moitié
des ménages dissous au nom de la loi
sont des ménages d'ouvriers. Si les riches
sont plus réservés ou plus résignés, c'est
qu'ils trouverit une compensation ou un
préservatif dans le bien-être et dans les
élégances d'une éducation plus raffinée,
ce qui tendrait à confirmer l'opinion de
Molière :
Rien n'use tant l'ardeur de ce nœud qui nous lie,
Que le fâcheux besoin des choses de la vie.
Si les classes aisées, les professions li-
bérales recourent rarement à ce remède
in extremis, elles sont encore distancées
par les gens de la campagne, qui se con-
tentent presque toujours de la séparation
de corps. L'instinct du paysan tenace et
grippe-sou se révèle ici dans toute sa
beauté. La femme divorcée reprend sa
dot et chez nos bons villageois on ne rend
pas volontiers l'argent.
Maintenant, après combien d'années de
vie commune se décide-t-on à rompre la
chaîne ? A quel moment précis Margue-
rite a-t-elle cessé de plaire ? Il serait in-
juste de reprocher aux conjoints leur pré-
cipitation. La plupart ont suffisamment
prolongé l'expérience pour n'avoir plus
rien de nouveau à s'apprendre. La grande
majorité des divorcés avaient de cinq à
dix ans de ménage. Il y en a même un
nombre très respectable qui n'ont divorcé
qu'après un essai loyal de quinze à vingt
ans. On trouve à peine, en revanche, deux
ou trois ménages sur cent qui rompent la
paille à la fin de la première année.
C'est à peu près la même proportion pour
ceux qui ont traîné en commun le boulet
pendant trente ans. Car il y a des gens
qui divorcent après trente ans de ma-
riage ! Pourquoi faire, grands dieux t Et
quelles tempêtes s'agitent soudain dans
ces têtes chenues? C'est un phénomène
aussi difficile à expliquer que l'éruption
des volcans.
J'allais oublier une des gaîtés de cette
statistique, éclose après coup, j'aime à le
croire, dans l'imagination fertile d'un
membre de la « Ligue contre l'abus du ta-
bac ».
Il paraît que dans les départements
où on a fumé 1,130 grammes de tabac par
habitant, il y a eu 152 divorces. Par
contre, dans les départements où la con-
sommation moyenne n'a été que de
574 grammes, on ne compte que cinq di-
vorces. Voilà qui est dur pour les fu-
meurs. Je ne puis que leur offrir, comme
fiche de consolation, la petite anecdote
qu'on me contait hier soir, en présence de
graves magistrats :
Une belle-mère (naturellement) avait
formellement interdit à son gendre l'usage
du tabae, et celui-ci s'en vengeait en té-
moignant à sa femme plus de réserve qu'il
n'est d'usage en pleine lune de miel.
— Mais enfin, monsieur, dit la belle-
mère agacée, vous n'êtes donc pas bâti
comme un autre t
— Excusez-moi, madame, mais c'est un
peu votre faute. Vous m'avez supprimé le
cigare, et sans le cigare, je rate tous mes
effets, je manque d'inspiration et je perds
très vite le fil de mon discours.
La jeune femme avait entendu, et le
soir, monsieur trouvait un petit havane
auprès de son verre de chartreuse.
Le lendemain, le jeane couple descen-
dait bras dessus bras dessous les escaliers
1 Tiand il rencontra la belle-mère. -
— Et où allez-vous donc si gaîment f
— Acheter une boite de cigares-
Belle-maman, qui n'était pas bête, n'eut,
garde de s'entê.ter, et pour toute ven-
geance, quand son gendre fut un peu loin,
elle lui cria : « Pendant que vous y êtes,
rapportez-en donc une boîte à votre beau-
père. »
Voilà au moins un divorce qui a été
prévenu à temps par un cigare. Avis aux
femmes qui voudraient empêcher leurs
maris ou leurs gendres de fumer.
André Balz.
CONTRE LE FROID
La commission d'assistance du conseil mu*
nicipal a tenu hier une longue séance à la*
quelle assistaient les différents chefs de ser-
vice, M. Laurent, secrétaire général de la
préfecture de police, M. Peyron, directeur de
l'Assistance publique, M. Menant, directeur
des affaires municipales, M. Huet, directeur
des travaux, M. Baudouin des Salles, chef de
la division des secours.
Il s'agissait d'examiner et d'arrêter les me-
sures à prendre, d'accord avec le bureau dii
conseil, à l'occasion du froid.
Le secrétaire général de la préfecture de
police a fait connaître que, dans la nuit du
4 janvier, 130 personnes s'étaient présentées
dans les postes de police pour avoir un re-
fuge, et le directeur des affaires municipales
a donné le chiffre des personnes recueillies
dans les deux asiles municipaux pour hom-
mes du quai Valmy et de la rue du Château-
des-Rentiers. Alors qu'en temps ordinaire ces
deux asiles de nuit abritent 400 personnes,
ils en ont logé, la nuit dernière, environ
1,100; il est vrai que les asiles municipaux
n'ont refusé personne.
La commission - a décidé que la durée du
séjour serait exceptionnellement portée de
trois à cinq nuits, qu'une soupe chaude serait
distribuée à midi aux réfugiés en plus des
deux soupes du matin et du soir.
Il a été convenu que des braseros seraient
établis en différents endroits, à l'abri couvert
du boulevard de la Chapelle, sous les arca-
des du pont de Flandre, du viaduc du Point-
du-Jour, du chemin de fer de Vincennes.
La commission n'est pas d'avis de rétablir
les refuges de nuit extraordinaires comme
celui du Champ-de-Mars ; elle préfère déve-
lopper la distribution des bons de logement
et de soupe, mis à la disposition des maires,
des commissaires de police et des officiers de
paix.
Enoutresur l'invitation qui lui en a été adres-
sée par la commission, M. Peyron a envoyé
aux maires des instructions pour que ceux-ci
distribuent immédiatement et journellement
aux indigents les bons de coke donnés par'la
Compagnie du Gaz ; ces bons de coke repré-
sentent une quantité de 20.000 hectolitres.
Le directeur de l'Assistance publique a in-
vité les maires à accueillir plus largement
que d'habitude les demandes de secours des
nécessiteux.
Le Bureau du conseil municipal, qui se réu-
nit aujourd'hui pour ratifier les demandes de
secours nécessitées par ces différentes mesu-
res, doit également, d'accord avec la commis-
sion des finances et sur la proposition de M.
Alphonse Humbert, répartir une somme de
31.000 francs précédemment votée à titre de
secours de chômage entre les différents ar-
rondissements de Paris et au prorata de leurs
besoins.
La commission municipale d'assistance
s'est ajournée à mardi pour prendre, s'il y a
lieu, de nouvelles dispositions et pour propo-
ser à l'approbation du bureau du conseil tou-
tes les mesures utiles.
ACQUITTEMENT DE m. IMPINS
Orléans, 5 janvier.
Le tribunal a rendu son jugement, décla-
rant que les faits qui se seraient passés .à Ge.
nève et à Jersey sont couverts par la pres-
cription et ne relèvent pas d'un tribunal
français. Pour les autres fai ts articulés par
Mme Impius, il dit qu'ils ne sont null ement
établis ; il acquite donc M. Impins et le ren-
voie des fins de la plainte sans dépens.
LE FROID
LE TEMPS SE RADOUCIT
La neige à Paris. — Ceux qui meurent.
Dépêches de partout.
Le temps s'est subitement radouci. D'abord,
le vent violent de ces deux derniers jours
avait cessé et hier matin nous n'avions plus
que six degrés et non douze. Puis, vers six
heures, le ciel s'est couvert et à huit heures
et demie, la neige est tombée, une petite neige
semblable à des grains de plomb qui a
rendu le pavé singulièrement glissant, faisant
patiner les omnibus et gênant beaucoup la
marche des chevaux de fiacre.
Mais, enfin, nous n'avions plus à minuit
que 4 degrés au-dessous de zéro, et c'est à
signaler.
La Seine
La Seine charrie de plus en plus ; sur les
rives la glace est stable et présente une bande
d'une largeur variant de deux à six ou sept
mètres.
On a travaillé pendant toute la journée
d'hier à retirer les vannes du barrage de
Suresnes et à abaisser les lances; aussitôt,
l'amoncellement des glaçons qui s'y trouvaient
arrêtés s'est répandu sur tout le parcours du
fleuve.
Jeudi soir, le dernier bateau-hirondelle qui
fait Je service de Suresnes au Pont-Royal n'a
pu effectuer son parcours qu'à la suite d'un
bateau brise-glace qui le précédait d'une qua-
rantaine de mètres.
Depuis, le service a été complètement sus-
pendu.
En outre, pour éviter des dangers plus gra-
ves, M. Guillemin, inspecteur général de la
navigation, et les inspecteurs de son service
ont fait prévenir tous les patrons d'embarca-
tions d'avoir à disposer les amarres de rete-
nue, de façon à ne pas se trouver. épa ulés,
c'est-à-dire de ne pas donner de la bande au
moment où se feront les mouvements de bar-
rage.
Ce n'est pas inutilement que ces instruc-
tions ont été données, car quelques patrons
de chalands, plus obstinés que les autres, ont
été déjà victimes de leur imprudence. Une
dizaine de bateaux de différents types ont été,
en effet, fort avariés aux Magasins-Généraux.
Heureusement, on n'a constaté aucun acci-
dent de personnes.
La nuit et la matinée ont été très dures
pour les employés des barrages. A la Venette,
à Ablon, à Champagne, à Joinville, au Port-
à-l'Anglais, à Suresnes et à Bougival, ces
braves gens ont dû manœuvrer toute la nuit
pour obtenir, par un mouvement alternatif de
fermeture et de réouverture, un courant arti*
ficiel par biefs suceessifs. -
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Mois Sénatoriales
« Nous allons encore perdre quel-
ques sièges », s'écriait l'autre jour un
sénateur de droite, et c'est en effet la
caractéristique probable des élections
qui vont avoir lieu demain. Ces élec-
tions, le pays les attend avec une tran-
quille confiance qu'il ne faudrait pas
confondre avec l'indifférence. Il sait
trop bien quel est le rôle constitutionnel
du Sénat, pour n'attacher aucune impor-
tance à un renouvellement partiel qui
porte sur près d'un tiers de cette assem-
blée, et si quelque indice lui permettait
de penser que ces élections peuvent
amener un changement dans l'orienta-
tion politique du pays, il apporterait à
la lutte une grande ardeur. Nous n'en
voulons pour preuve que la violence
avec laquelle la bataille se poursuivait
jadis.
Les premières élections sénatoriales
avaient envoyé au Luxembourg une
majorité réactionnaire, tandis que le
suffrage universel envoyait au Palais-
BQurbon une Chambre républicaine,
celle qui devait devenir la Chambre
des 363. Dès ses débuts, cette majorité
sénatoriale montrait qu'elle comprenait
son rôle comme M. le duc de Broglie
l'avait lui-même défini, et que, pour
elle, la dualité du pouvoir parlemen-
taire, c'était le conflit élevé à la hauteur
d'une institution politique.
Mais dès le premier renouvellement
partiel, en 1879, les républicaihs ga-
gnaient assez de sièges pour conquérir
une majorité bien frêle encore, mais
qui, grâce à une forte discipline, ré-
duisait à l'impuissance les efforts de la
droite, et cette majorité s'accroissait pro-
gressivement de quelques unités à me-
sure que la mort faisait des vides parjrni
les inamovibles; elle remplaçait les
réactionnaires disparus par des répu-
blicains. Cette institution des inamovi-
bles, par laquelle la droite de l'Assem-
blée nationale avait cru qu'elle retar-
dorait, si même elle n'empêchait à ja-
mais l'avènemont d'une majorité répu-
blicaine dans le Sénat, fut précisément
-l'instrument par lequel cette majorité
commença à prendre corps et qui, si
les républicains l'avaient conservé, se-
rait devenu un obstacle presque insur-
montable à un retour offensif des réac-
tionnaires.
Il est vrai qu'il est devenu à peu près
inutile, puisqu'il est arrivé ce que les
réactionnaires n'avaient pas prévu, c'est-
à-dire que les réactionnaires ont à peu
près disparu. A chaque renouvellement
partiel du Sénat, leurs rangs se sont
éclaircis. Après les dernières élections
en 1891, il n'en restait qu,une cinquan-
taine. Combien en restera-t-il demain
soir? Ils ont par avance pris leurs pré-
cautions pour déguiser la détaite qu'ils
attendent. Ils affectent un dédain pro-
fond pour le « suffrage restreint » et ils
gardent tout leur respect pour le « suf-
frage universel ».
L'opposition entre les deux suffrages
n'est pas aussi juste qu'ils le préten-
dent et l'on ne saurait trop répéter que
les électeurs sénatoriaux, ne tenant leur
droit de vote ni de la fortune, ni de la
naissance, ni des capacités, ne repré-
sentent pas le suffrage restreint au sens
exact du mot. Le collège électoral séna-
torial ne comprend que des hommes
qui ont été investis du droit électoral
par le suffrage universel, comme les
conseillers généraux, les conseillers
d'arrondissement, les députés ou les
délégués des conseils municipaux, qui
sont eux-mêmes, par conséquent, les
élus au second degré du suffrage uni-
versel.
Il ne peut donc pas y avoir entre les
décisions de ce corps électoral et celles
du suffrage universel direct un bien
grand antagonisme, et il est bien évi-
dent que si les électeurs avaient nommé
comme députés, comme conseillers gé-
néraux, ou d'arrondissement, ou muni-
cipaux, des réactionnaires, ceux-ci, le
jour où ils ont un bulletin de vote, n'y
inscriraient pas le nom d'un républi-
cain.
C'est précisément parce que le suf-
frage universel, dans son immense
majorité, a confié les mandats électifs
aux républicains, que le pays voit sans
aucune émotion s'ouvrir le scrutin sé-
natorial. Les gains que la République
va faire au Sénat sont en quelque sorte
une manifestation concrète et comme
le résumé de ceux qu'elle a faits dans
le pays. Ceux-ci sont en quelque sorte
insensibles ; ils passent du moins à peu
près inaperçus. Les élections de con-
seillers généraux qui ont lieu presque
chaque dimanche, les élections de con-
seillers municipaux qui, peu à peu, dé-
placent la majorité dans les assemblées
communales, sont des incidents qui
nous échappent, et ce n'est que par les
élections sénatoriales que nous pou-
vons mesurer avec exactitude le che-
min parcouru.
Nous verrons demain soir où nous en
sommes. Mais le peu d'entrain des réac-
tionnaires et dés ralliés à courir les
chances de la lutte, la retraite des plus
éminents d'entre eux, comme M. Bocher,
nous montrent, aussi bien que l'aveu
échappé à un imprudent, qu'on ne se
fait de ce côté aucune illusion et que le
pays aurait bien tort d'éprouver quel-
que inquiétude sur le résultat final.
ENVOI DE TÉMOINS
Grande nouvelle ! L'homme de lettres Poi-
datz, secrétaire général du Petit Journal,
vient d'envoyer ses témoins au directeur poli-
tique du XIXe Siècle.
Cela lui prend périodiquement, toutes les
fois qu'il vient d'éprouver un gros échec ju-
diciaire.
Il y a deux ans, quand nous avons dit à
l'aide de quel truc ingénieux et délicat il
s'était fait recevoir membre de l'Epatant en
se donnant pour l'auteur d'ouvrages littérai-
res remarquables qu'il avait pourtant oublié
d'écrire, il nous fit un procès, le perdit, se vit
condamner aux dépens et, dans sa fureur, eut
l'étrange idée de demander au directeur du
XIXe Siècle la réparation que les juges lui
avaient refusée.
Malheureusement, pour se battre en duel
il faut être deux et M. Poidatz resta seul.
avec son déshonneur.
Tout récemment il vient encore de se faire
condamner — c'est une manie ! — par la po-
lice correctionnelle, devant laquelle il avait
imaginé de faire, sous le pseudonyme non
d'un homme de lettres, mais d'un homme de
paille, un nouveau procès à M. Portalis.
Cette condamnation lui a été d'autant plus
pénible que partout il avait modestement
annoncé qu'il gagnerait son procès et que par-
tout on se moque de lui, en face ou par der-
rière.
Couvert de ridicule, obligé de renoncer à
ses sports favoris, le papier timbré et la diffa-
mation, condamné par les juges dont sa naï-
veté espérait faire ses complices, ne sachant
plus à quel saint se vouer, il entrevoit de nou-
veau le duel comme une planche de salut,
et il envoie tranquillement ses témoins aux
gens que, la veille encore, il menaçait de
Mazas.
Les témoins de M. Poidatz pourront repas-
ser le jour où leur client nous aura démontré
qu'il est vraiment homme de lettres.
LE VRAI CAISSIER INFIDÈLE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Budapest, 5 janvier.
Un fait inouï dans les annales des caissiers
infidèles vient d'être constaté.
Il y a quatorze ans, le docteur Csep-
csanyi, caissier d'un grand institut financier,
avait disparu en emportant une somme de
160,000 francs. Toutes les recherches faites
pour le retrouver étaient restées depuis sans
résultat.
Aujourd'hui, la police vient de constater
que ce troueur de lune n'avait jamais quitté
la capitale. Il est demeuré pendant quatorze
ans à Budapest dans une petite maison de la
rue Remete.
Malgré cette découverte, on n'a pas arrêté
le caissier ; il y a prescription à la suite du
délai de quatorze ans.
Csepcsanyi peut maintenant jouir du pro-
duit de son vol sans être inquiété.
LES ELECTIONS MUNICIPALES
Six quartiers de Paris sont actuellement
privés de réprèsentant au conseil municipal:
les quartiers Courlebarbe, Clignancourt, Ja-
vel, du Père-Lachaise, de la Monnaie, par
suite de la démission de MM. Prudent-Der-
villers, Rouanet, Chauvière, Vaillant, Pe-
trot, élus députés, et le quartier du faubourg
Montmartre où l'élection de M. Charles Lau-
rent a été annulée par le conseil d'Etat.
M. le préfet de la Seine aurait l'intention
de convoquer les électeurs pour le dimanche
29 janvier. Le second tour de scrutin aurait
lieu le 4 février.
t~t —MM—M
LES VICTIMES DE L'EST
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 5 janvier.
Il s'est produit ces jours derniers un double
et terrible accident que je ne vous aurais
signalé qu'à titre d'information si la Compa-
gnie de l'Est, directement responsable, ne
s'était hâtée de faire déclarer au parquetjpar
ses agents que la faute en incombe aux. vic-
times. Celles-ci étant mortes ne protesteront
pas.
Voici les faits :
A un passage à niveau qui fait communi-
quer les nombreuses usines avec les grands
faubourgs ouvriers de Belfort, vers six heures
un quart du soir, les ouvriers et ouvrières au
nombre d'une centaine, sortant des ateliers,
venaient s'attrouper devant la barrière fer-
mée, mais dont la porte reste libre, c'est-à-
dire ouverte.
Comme chaque soir à ce moment-là,le train
de marchandises quittait la gare de Belfort,
dans ?a direction de Lure. Les ouvriers atten-
dirent patiemment son passage, et à peine
l'interminable file de voitures avait-elle passé,
que hommes et femmes firent irruption sur
la voie. Ils faisaient cela chaque soir et nul
ne s'en inquiétait.Mais au même moment l'ex-
press de Paris, qui avait un retard de vingt-
cinq minutes, arrivait de l'autre côté, sur la
voie parallèle, donc caché par le train de
marchandises montant. Une clameur épou-
vantable éclata et la foule des ouvriers se
rejeta ou bondit hors de la voie. Mais un
homme et une jeune fille furent atteints et
affreusement mutilés.
La cause de l'accident, c'est évidemment la
Compagnie de l'Est, tant par le retard de son
train que par l'insuffisance de la garde des
barrières. Le parquet devrait donc pour-
suivre, mais, je l'ai dit, la Compagnie de l'Est
déclare que les victimes seules sont causes de
l'accident.
L'avant-veille, à un autre passage à ni-
veau qui coupe l'un des plus populeux quar-
tiers de la ville en deux, un soldat d'adminis-
tration était également écrasé.
LES BALS DE L'HOTEL DE VILLE
Le bureau du conseil muni cipal se réunira dans les
premiers jours de la semaine prochaine pour s'oc-
cuper des fêtes à donner à l'Hôtel de Ville. Comme
les années précédentes, la municipalité de Paris
organiserait deux bals. On parle, comme dates,
1 des 28 janvier et 11 février.
L'AFFAIRE VAILLANT
LE flENVOI ANNONCÉ
Les renseignements du « nX. Siècle ».—
Portes closes. — Speech aux jurés.
- A quand le procès de
l'anarchiste ?
Comme — seul de tous les journaux pa-
risiens — le x/xe Siècle l'avait annoncé, les
portes de la cour d'assises de la Seine n'ont
pas été ouvertes hier.
Vers jonze heures du matin, M. le président
Caze est arrivé au Palais de Justice. Tout
aussitôt, après avoir conféré quelques minutes
avec M. le procureur général, il s'est rendu à
son cabinet où il a rédigé une ordonnance
renvoyant les débats de 1 affaire Vaillant au
premier jour, « attendu que Me Ajalbert, qui
s'était chargé de présenter la défense de
Vaillant, déclare, dans une lettre adressée à
M. le procureur général, ne pouvoir présenter
cette défense ». Puis M. l'huissier Dupuis à
reçu ordre de signifier immédiatement cette
ordonnance à l'auteur de l'attentat du Palais-
Bourbon.
Cette besogne procédurière accomplie, M.
Caze a réuni les jurés dans la la chambre du
conseil et leur a adressée le petit speech sui-
vant :
Messieurs les jurés, je regrette vivement de
n'avoir été informé hier soir qu'à une heure tar-
dive de la résolution prise par M* Ajalbert, réso-
lution que vous avez dû connaître par la lecture
des journaux du matin, de ne pas présenter la
défense de l'accusé Vaillant. Si j'eusse été informé
plus tôt, je n'aurais pas manqué de vous avertir
pour vous éviter de venir inutilement aujourd'hui
au Palais.
Me Ajalbert ne croyant pas devoir présenter la
défense de Vaillant, et la loi voulant d'autre part
qu'un accusé qui comparait en cour d'assises soit
défendu, il faut accorder à M" Fernand Labori, le
nouveau défenseur dont Vaillant a fait choix, un
délai pour examiner le dossier. Dans ces condi-
tions, le renvoi de l'affaire s'imposer de toute né-
cessité.
Aussi viens-je de rendre une ordonnance dans
ce sens. Je n'ai pu fixer aucune date. Il peut se
faire que le procès vienne durant cette session.
Pour aujourd'hui vous êtes libres et je vous donne
rendez-vous pour demain à onze heures et demie
afin de continuer l'examen des affaires inscrites
au rôle de la session.
Après ce petit discours, MM. les jurés se
sont retirés, enchantés des vacances extraor-
dinaires qui leur étaient accordées.
La nouvelle du renvoi de l'affaire à une
date indéterminée s'est alors répandue dans
le Palais, où elle a été l'objet de toutes les
conversations. Dans un groupe. Mc Danet ra-
contait qu'il avait été chargé d'office, la veille,
par M. le bâtonnier de l'ordre des avocats,
qui ignorait que Vaillant eût choisi un avo-
cat, de la défense de l'auteur de l'attentat
du Palais-Bourbon.
— Huit jours, disait l'honorable avocat,
m'avaient été accordés pour compulser le
dossier et préparer la défense de mon client.
Informé de ce propos, M. le procureur géné-
ral Bertrand s'empressa, paraît-il, de le dé-
mentir, affirmant que jamais le parquet n'a-
vait pris l'engagement d'accorder un. délai
de huit jours pour présenter la défense de
Vaillant.
L'AFFAIRE VAILLANT
ET LE MINISTRE DE LA JUSTICE
Vaillant se montre très calme à la .Concier-
gerie. Il a reçu hier, dans sa cellule, deux
visites, l'une à neuf heures, l'autre à trois
heures, de son avocat, Me Fernand Labori
qui, à l'une d'elles, était accompagné de son
secrétaire; Me Monirat.
L'anarchiste se montre surpris qu'on veuille
« étouffer » sa défense.
— Puisqu'ils sont sûrs d'avoir ma tête, dit-
il sans trop d'effroi, qu'importe qu'ils l'aient
huit jours plus tôt ou huit jours plus tard ? Je
ne comprends rien à leur empressement.
Vaillant n'a pas le sens de la politique de
M. Antonin Dubost, sans quoi il devinerait
que le ministre de la justice a une espèce de
vanité à présenter mardi prochain aux dépu-
tés, comme don de joyeuse rentrée, un arrêt
de condamnation à mort prononcé contre lui,
Vaillant, par la cour d'assises de la Seine.
M. le procureur général Bertrand, agissant
sur les ordres de M. Antonin Dubost, veut à
tout prix que l'affaire Vaillant vienne devant
le jury parisien dans les premiers jours de la
semaine prochaine, et plutôt lundi que mardi.
Aussi a-t-il refusé à l'avocat de l'anarchiste
les huit jours — qu'on n'oserait pas refuser à
une cuisinière — que Me Fernand Labori ré-
clamait avec insistance tout à la fois pour
examiner hâtivement le dossier et pour
faire citer quelques témoins à décharge, qui
cependant seront entendus aux débats.
M. le président Caze, au contraire, s'est
montré fort accommodant. Il était prêt à ac-
corder tous les délais qu'on lui réclamait et
d'autres encore, si M. le procureur général
n'avait jugé à propos de s'y opposer énergi-
quement.
Dans ces conditions, il est infiniment pro-
bable, pour ne pas dire certain, que l'affaire
Vaillant viendra le premier ou le second jour
de la semaine prochaine.
Malgré le court laps de temps accordé à
l'avocat pour préparer la défense de Vaillant,
Me Fernand Labori, affirme-t-on, sera prêt
lundi prochain à disputer vaillamment à M.
le procureur général la tête de l'accusé. Tou-
tefois l'honorable avocat, tout en se faisant
scrupule de déposer des conclusions dilatoi-
res, ne manquera pas de protester à l'au-
dience contre l'invraisemblable rapidité avec
laquelle un procès d'une importance aussi
« capitale » a été expédié, dans le seul but de
déférer aux désirs de M. Antonin Dubost, le
ministre de la justice.
M. CAZE ET LE « XIXc SIÈCLE »
Un de nos amis, avocat à la cour d'appel de
Paris, rencontrant hier matin, vers onze
heures moins le quart, M. Caze sur le boule-
vard du Palais, s'empressa de poser au prési-
dent de la cour d'assises de la Seine la
question du jour :
— Que va-t-il, monsieur le président, se
passer aujourd'hui à l'audience de la cour
d'assises? Interrogerez-vous l'accusé unique-
ment sur son identité et renverrez-vous en-
suite l'affaire au premier jour, comme on dit
au tribunal de commerce?
M. Caze, souriant, tira alors de sa poche le
XIXe Siècle qu'il ouvrit à la première page.
Puis, finement :
— Mon devoir, dit-il, est tout tracé et je ne
saurais m'en écarter d'une ligne. Voicilen
effet un passage du XIXe Siècle qui va ré-
pondre sans biaiser à vos questions.
Et M. Caze se mit à lire à haute voix ce
passage : « Que se passera-t-il aujourd'hui à
» la cour d'assises ? Rien. Les portes de l'au-
» dience seront fermées. A onze heures, M.
» Caze se rendra au Palais et réunira dans la
» chambre du conseil les jurés, auxquels il
» exposera par suite de quels motifs l'affaire
) Vaillant a dû être renvoyée à une date
» encore indéterminée mais très prochaine. »
— Voilà exactement, continua le président,
ce qui se passera aujourd'hui. J'ajoute qu'à
cette heure je suis personnellement moins
bien informé que le XIXE Siècle, qui annonce
le renvoi de l'affaire à une date très pro-
chaîne. Mais le XIX6 Siècle doit dire la vé-
rité.
Et en effet, tout s'est passé hier matin
comme nous l'avions annoncé.
M. Caze replia son journal, qu'il remit soi-
gneusement dans sa poche. Il s'éloigna en-
suite, disant, toujours souriant :
— Je le garde pour le cas où je ne me sou-
viendrais plus exactement de ce que je dois
faire.
Annonçons à M. Caze, pour continuer à
mériter sa bienveillante confiance, que l'affaire
Vaillant ne lui échappera pas, au profit ou
au détriment, comme il voudra, de son col-
lègue M. Commoy.
LE COCHER DU PRÉSIDENT
Des passants ont trouvé hier matin, sur la
passerelle des eaux de r A vre, entre Saint-
Cloud et Suresnes, une livrée de cocher de
grande maison : un chapeau à cocarde trico-
lore et un porte-monnaie contenant quinze
francs trente-cinq centimes.
Ces vêtements ont été portés au commissa-
riat de police.
Il résulte de l'enquête faite par M. Berthe-
lot, commissaire de police, que ces effets ap-
partenaient à Etienne S., l'un des cochers
du président de la République.
On suppose qu'Etienne S., qui était at-
teint de la manie de la persécution, se sera
jeté à l'eau.
GASPILLAGE
Les pontons de la marine. - L' « Héroïne »,
T « Européen », la « Revanche w.
Jamais le Parlement n'a refusé les crédits
qui lui étaient demandés dans un but de,dé-
fense nationale. C'est ainsi que, depuis sept
ans, le budget du ministère de la marine
s'est accru d'une centaine de millions. Par
malheur, nous sommes obligés de constater
que ce département ministériel ne nous en
donne pas pour notre argent et qu'une forte
partie des millions versés dans les caisses de
la rue Royale sont l'objet d'un gaspillage vé-
ritablement effréné.
Voici, pour l'édification des contribuables,
quelques exemples de ce que nous avançons :
LES PONTONS
La marine entretient dans certaines colo-
nies, à Dakar, au Gabon, à Diégo-Suarez, à
Saïgon, ce qu'on appelle une station locale,
qui se compose généralement d'un ou deux
avisos et de quelques petites canonnières de
rivière.
La station est sous les ordres d'un officier
supérieur qui porte le titre de commandant
de la marine, ne navigue jamais et passe le
plus clair de son temps à contrecarrer les au-
torités civiles de la colonie.
Le commandant a, naturellement, un gros
état-major, mais peu ou point de matelots.
Il semblerait naturel d'installer ce petit
personnel à terre et de construire, proche
l'appontement, un magasin pour remiser le
matériel de la marine. Ce serait, en effet, fort
simple et fort économique. Aussi la rue
Royale ne veut pas en entendre parler, et
voici ce qu'elle imagine :
Elle choisit dans un port de guerre un
vieux navire condamné, rayé de la liste de
la flotte, réduit à l'état de ponton. Elle le ré-
pare, le retape à grands frais et l'expédie
dans le port de la colonie. Arrivé là, on le
fixe solidement au mouillage, d'où il ne bouge
plus jamais jusqu'au jour où l'on s'aperçoit
qu'il menace de couler à fond. Alors on ex-
pédie de France un autre rossignol qui vient
prendre sa place, et ainsi de suite.
Des millions ont été engloutis de la sorte
qui auraient suffi pour créer, sur les princi-
paux points du globe, des stations de charbon
pourvues de l'outillage le plus perfectionné.
L' « HÉROINE »
C'est ainsi que depuis six mois l'arsenal de
Toulon s'occupe à remettre à neuf la vieille
frégate Héroïne, qui date de 1863. On la
transforme en navire à voiles, pour l'expé-
dier comme ponton à Dakar. On lui met des
canons, des torpilles et jusqu'à un filet Bul-
livant; mais le navire ne pourra jamais quit-
ter le port, mais il n'y aura pour ainsi dire
Das de matelots canonniers et torpilleurs à
bord.
Cette vieille coque vient de recevoir 8 gros
canons de 24 centimètres, 3 de 19 centimè-
tres, et de nombreuses autres pièces de plus
petit calibre. Il faudrait pour servir cette ar-
tillerie au moins 120 canonniers. On embar-
quera six !
Tout cela n'est donc qu'un abominable
trompe-l'œil.
Et sait-on combien l'arsenal de Toulon
vient de dépenser sur ce rossignol qui ne ren-
dra aucun service ?
Plus,de six cent mille francs, tout près de
sept cent mille!
L' « EUROPÉEN »
Le même arsenal répare aussi en ce mo-
ment le transport Européen, acheté aux
Anglais en 1860 et qui va être expédié à Saï-
gon pour remplacer le ponton Loire, sur
lequel le commandant de la marine en Co-
chinchine met son pavillon.
La Loire n'en peut plus, elle va couler.
Pourquoi la remplacer? Saïgon est une grande
ville pleine de ressources. La marine y pos-
sède déjà un véritable arsenal. Quel besoin
d'y maintenir un ponton?
On a déjà dépensé pour retaper Y Européen
plus de 200,000 francs. Son voyage de Toulon
à Saïgon par le canal de Suez coûtera au
moins 100,000 francs.
C'est la folie du gaspillage poussée jus-
qu'au paroxysme.
LA « REVANCHE »
Autre exemple :
Le ministère de la marine avait envoyé à
Alger, il y a quatre ans, une vieille fregate
cuirassée, la Revanche. On lui avait mis,
comme à l'Héroïne, de nombreux canons
dont la vue rassurait fort la population algé-
rienne. Ces braves gens ignoraient que l'or-
dre était donné de ne jamais tirer les piè-
ces, sous peine de voir la frégate s'ouvrir en
deux !
La Revanche resta ainsi quatre ans dans le
port d'Alger.
Cette comédie vient de prendre fin. La ma-
rine s'est décidée à mettre la Revanche aux
enchères.
Elle en a trouvé 200,000 francs.
Or, sait-on combien la remise à neuf de la
frégate et son entretien à Alger pendant qua-
tre ans ont coûté au budget ?
Plus d'un. million l
Faire plus d'un million de frais pour en-
caisser 200,000 francs, toute notre marine
est là.
EXPLOSION DE GRISOU
Gelsenkirchen, 5 janvier.
Une explosion de grisou s'est produite au puits
i Hibemia. Trais "aitaoural ut .é.\Õ tuéo, quatre sont
[ hLesses. -
CHRONIQUE
w
AUTOUR DU DIVORCE
Kous voudrions bien extraire un grain
de philosophie de la statistique des divor-
ces que le XIX* Siècle publiait avant-
hier. Le nombre des unions dissoutes suit
depuis dix ans une progression croissante.
Les ménages sont-ils plus mal assortis
qu'autrefois; serait-on moins bien rensei-
gné, en dépit des agences ; et se marie-
rait-on à la diable et au petit bonheur, au-
jourd'hui que le mariage se conforme aux
règles de la tragédie classique,
Dont le nœud bien noué se dénoue aisément
Je crois au contraire que les mauvais
ménages sont infiniment plus rares préci-
sément à cause de cette soupape de sû-
reté qui s'appelle le divorce. Nos pères
n'avaient pas plus de vertu mais seulement
plus de patience ; en quoi leur mérite était
mince, puisqu'ils étaient rivés à perpétuité
à leur chaîne. Aujourd'hui qu'a l'écarté
conjugal on veut bien admettre qu'il y
maldonne et vous autoriser à recommen-
cer la partie, on peut supposer que ceux
qui restent volontairement à la même ta-
ble ne sont pas trop mécontents de leur
jeu.
Aux moralistes superficiels qui ne man-
queront pas de crier à la corruption, il est
bon de faire remarquer que le divorce
ne peut en aucune façon servir de ther-
momètre à la vertu. Parmi les causes va-
riées de divorce, l'adultère est au rang
de celles qu'on invoque le moins. L'adul-
tère de la femme a fait rompre quinze
mariages sur cent et l'adultère de l'homme
six pour cent seulement en 1889. Pendant
l'année 1890, les proportions sont restées
exactement les mêmes. Par conséquent
les femmes trompent à peu près trois fois
plus leurs maris qu'elles ne sont trompées
par eux. Cette statistique en dit si long
sur la fidélité maritale, qu'il serait de
mauvais goût d'y insister davantage.
Les quatre cinquièmes des divorces ont
toujours la même cause : excès, sévices,
injures graves; incompatibilité d'humeur,
selon l'euphémisme administratif. Après
les premiers feux amortis, les époux qui
n'ont pas suffisamment médité le mot de
la liturgie anglicane : « pour les mauvais
jours comme pour les bons », se trouvent
aux prises avec les duretés de l'existence.
Les déceptions les aigrissent, la misère,
les privations font saillir toutes les aspé-
rités de leur caractère. — « Je te croyais
plus travailleur, dit la femme. — Avec ce
que tu m'as apporta, tu ne mangerais pas
tous les jours », répond le mari. Et l'on
finit par se battre, comme dit le proverbe,
quand il n'y a plus de foin au râtelier.
Car il est à remarquer que le divorce,
à la façon de certaines épidémies, sévit
surtout sur les pauvres. Plus de la moitié
des ménages dissous au nom de la loi
sont des ménages d'ouvriers. Si les riches
sont plus réservés ou plus résignés, c'est
qu'ils trouverit une compensation ou un
préservatif dans le bien-être et dans les
élégances d'une éducation plus raffinée,
ce qui tendrait à confirmer l'opinion de
Molière :
Rien n'use tant l'ardeur de ce nœud qui nous lie,
Que le fâcheux besoin des choses de la vie.
Si les classes aisées, les professions li-
bérales recourent rarement à ce remède
in extremis, elles sont encore distancées
par les gens de la campagne, qui se con-
tentent presque toujours de la séparation
de corps. L'instinct du paysan tenace et
grippe-sou se révèle ici dans toute sa
beauté. La femme divorcée reprend sa
dot et chez nos bons villageois on ne rend
pas volontiers l'argent.
Maintenant, après combien d'années de
vie commune se décide-t-on à rompre la
chaîne ? A quel moment précis Margue-
rite a-t-elle cessé de plaire ? Il serait in-
juste de reprocher aux conjoints leur pré-
cipitation. La plupart ont suffisamment
prolongé l'expérience pour n'avoir plus
rien de nouveau à s'apprendre. La grande
majorité des divorcés avaient de cinq à
dix ans de ménage. Il y en a même un
nombre très respectable qui n'ont divorcé
qu'après un essai loyal de quinze à vingt
ans. On trouve à peine, en revanche, deux
ou trois ménages sur cent qui rompent la
paille à la fin de la première année.
C'est à peu près la même proportion pour
ceux qui ont traîné en commun le boulet
pendant trente ans. Car il y a des gens
qui divorcent après trente ans de ma-
riage ! Pourquoi faire, grands dieux t Et
quelles tempêtes s'agitent soudain dans
ces têtes chenues? C'est un phénomène
aussi difficile à expliquer que l'éruption
des volcans.
J'allais oublier une des gaîtés de cette
statistique, éclose après coup, j'aime à le
croire, dans l'imagination fertile d'un
membre de la « Ligue contre l'abus du ta-
bac ».
Il paraît que dans les départements
où on a fumé 1,130 grammes de tabac par
habitant, il y a eu 152 divorces. Par
contre, dans les départements où la con-
sommation moyenne n'a été que de
574 grammes, on ne compte que cinq di-
vorces. Voilà qui est dur pour les fu-
meurs. Je ne puis que leur offrir, comme
fiche de consolation, la petite anecdote
qu'on me contait hier soir, en présence de
graves magistrats :
Une belle-mère (naturellement) avait
formellement interdit à son gendre l'usage
du tabae, et celui-ci s'en vengeait en té-
moignant à sa femme plus de réserve qu'il
n'est d'usage en pleine lune de miel.
— Mais enfin, monsieur, dit la belle-
mère agacée, vous n'êtes donc pas bâti
comme un autre t
— Excusez-moi, madame, mais c'est un
peu votre faute. Vous m'avez supprimé le
cigare, et sans le cigare, je rate tous mes
effets, je manque d'inspiration et je perds
très vite le fil de mon discours.
La jeune femme avait entendu, et le
soir, monsieur trouvait un petit havane
auprès de son verre de chartreuse.
Le lendemain, le jeane couple descen-
dait bras dessus bras dessous les escaliers
1 Tiand il rencontra la belle-mère. -
— Et où allez-vous donc si gaîment f
— Acheter une boite de cigares-
Belle-maman, qui n'était pas bête, n'eut,
garde de s'entê.ter, et pour toute ven-
geance, quand son gendre fut un peu loin,
elle lui cria : « Pendant que vous y êtes,
rapportez-en donc une boîte à votre beau-
père. »
Voilà au moins un divorce qui a été
prévenu à temps par un cigare. Avis aux
femmes qui voudraient empêcher leurs
maris ou leurs gendres de fumer.
André Balz.
CONTRE LE FROID
La commission d'assistance du conseil mu*
nicipal a tenu hier une longue séance à la*
quelle assistaient les différents chefs de ser-
vice, M. Laurent, secrétaire général de la
préfecture de police, M. Peyron, directeur de
l'Assistance publique, M. Menant, directeur
des affaires municipales, M. Huet, directeur
des travaux, M. Baudouin des Salles, chef de
la division des secours.
Il s'agissait d'examiner et d'arrêter les me-
sures à prendre, d'accord avec le bureau dii
conseil, à l'occasion du froid.
Le secrétaire général de la préfecture de
police a fait connaître que, dans la nuit du
4 janvier, 130 personnes s'étaient présentées
dans les postes de police pour avoir un re-
fuge, et le directeur des affaires municipales
a donné le chiffre des personnes recueillies
dans les deux asiles municipaux pour hom-
mes du quai Valmy et de la rue du Château-
des-Rentiers. Alors qu'en temps ordinaire ces
deux asiles de nuit abritent 400 personnes,
ils en ont logé, la nuit dernière, environ
1,100; il est vrai que les asiles municipaux
n'ont refusé personne.
La commission - a décidé que la durée du
séjour serait exceptionnellement portée de
trois à cinq nuits, qu'une soupe chaude serait
distribuée à midi aux réfugiés en plus des
deux soupes du matin et du soir.
Il a été convenu que des braseros seraient
établis en différents endroits, à l'abri couvert
du boulevard de la Chapelle, sous les arca-
des du pont de Flandre, du viaduc du Point-
du-Jour, du chemin de fer de Vincennes.
La commission n'est pas d'avis de rétablir
les refuges de nuit extraordinaires comme
celui du Champ-de-Mars ; elle préfère déve-
lopper la distribution des bons de logement
et de soupe, mis à la disposition des maires,
des commissaires de police et des officiers de
paix.
Enoutresur l'invitation qui lui en a été adres-
sée par la commission, M. Peyron a envoyé
aux maires des instructions pour que ceux-ci
distribuent immédiatement et journellement
aux indigents les bons de coke donnés par'la
Compagnie du Gaz ; ces bons de coke repré-
sentent une quantité de 20.000 hectolitres.
Le directeur de l'Assistance publique a in-
vité les maires à accueillir plus largement
que d'habitude les demandes de secours des
nécessiteux.
Le Bureau du conseil municipal, qui se réu-
nit aujourd'hui pour ratifier les demandes de
secours nécessitées par ces différentes mesu-
res, doit également, d'accord avec la commis-
sion des finances et sur la proposition de M.
Alphonse Humbert, répartir une somme de
31.000 francs précédemment votée à titre de
secours de chômage entre les différents ar-
rondissements de Paris et au prorata de leurs
besoins.
La commission municipale d'assistance
s'est ajournée à mardi pour prendre, s'il y a
lieu, de nouvelles dispositions et pour propo-
ser à l'approbation du bureau du conseil tou-
tes les mesures utiles.
ACQUITTEMENT DE m. IMPINS
Orléans, 5 janvier.
Le tribunal a rendu son jugement, décla-
rant que les faits qui se seraient passés .à Ge.
nève et à Jersey sont couverts par la pres-
cription et ne relèvent pas d'un tribunal
français. Pour les autres fai ts articulés par
Mme Impius, il dit qu'ils ne sont null ement
établis ; il acquite donc M. Impins et le ren-
voie des fins de la plainte sans dépens.
LE FROID
LE TEMPS SE RADOUCIT
La neige à Paris. — Ceux qui meurent.
Dépêches de partout.
Le temps s'est subitement radouci. D'abord,
le vent violent de ces deux derniers jours
avait cessé et hier matin nous n'avions plus
que six degrés et non douze. Puis, vers six
heures, le ciel s'est couvert et à huit heures
et demie, la neige est tombée, une petite neige
semblable à des grains de plomb qui a
rendu le pavé singulièrement glissant, faisant
patiner les omnibus et gênant beaucoup la
marche des chevaux de fiacre.
Mais, enfin, nous n'avions plus à minuit
que 4 degrés au-dessous de zéro, et c'est à
signaler.
La Seine
La Seine charrie de plus en plus ; sur les
rives la glace est stable et présente une bande
d'une largeur variant de deux à six ou sept
mètres.
On a travaillé pendant toute la journée
d'hier à retirer les vannes du barrage de
Suresnes et à abaisser les lances; aussitôt,
l'amoncellement des glaçons qui s'y trouvaient
arrêtés s'est répandu sur tout le parcours du
fleuve.
Jeudi soir, le dernier bateau-hirondelle qui
fait Je service de Suresnes au Pont-Royal n'a
pu effectuer son parcours qu'à la suite d'un
bateau brise-glace qui le précédait d'une qua-
rantaine de mètres.
Depuis, le service a été complètement sus-
pendu.
En outre, pour éviter des dangers plus gra-
ves, M. Guillemin, inspecteur général de la
navigation, et les inspecteurs de son service
ont fait prévenir tous les patrons d'embarca-
tions d'avoir à disposer les amarres de rete-
nue, de façon à ne pas se trouver. épa ulés,
c'est-à-dire de ne pas donner de la bande au
moment où se feront les mouvements de bar-
rage.
Ce n'est pas inutilement que ces instruc-
tions ont été données, car quelques patrons
de chalands, plus obstinés que les autres, ont
été déjà victimes de leur imprudence. Une
dizaine de bateaux de différents types ont été,
en effet, fort avariés aux Magasins-Généraux.
Heureusement, on n'a constaté aucun acci-
dent de personnes.
La nuit et la matinée ont été très dures
pour les employés des barrages. A la Venette,
à Ablon, à Champagne, à Joinville, au Port-
à-l'Anglais, à Suresnes et à Bougival, ces
braves gens ont dû manœuvrer toute la nuit
pour obtenir, par un mouvement alternatif de
fermeture et de réouverture, un courant arti*
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