Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-04-25
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 avril 1879 25 avril 1879
Description : 1879/04/25 (A9,N2682). 1879/04/25 (A9,N2682).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
Neuvième JUnée. N<> 2685. trix du mmèto à Paris î 15 Centimes, Dêpaptéjïiônts t 20 Centime^ » .y*ndi$di 25 Apîl 1873
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
) 16, ru.e Cadet, 16
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus
i - - -- ABONNEMENTS
* > Imm. ,~ *'
long
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
,' 16j ru.e GadLet, 16
f". >tres non affranchies serqnP fefusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 »»
six mois 25 ))J)
Un an. ao »»
DEPARTEMENTS
Trois mois. *6 »»
Six mois. 32 »»
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Supplément pour l'Etranger 1 fr. par trimestre
Les abdnnements partent des 1er et 15 de chaque mois
Régisseurs d'annonces : MM. LAGltANGE, CERF et QJ
6, Place de la Bourse, 6 - -.
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PARIS
Trois mois. 13 »»
six mois 25 »»
Un an.,. 50 »»
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 -ri
Six mois sa M»
Un 'an. 63 Mx
- .,
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
Supplément pour l'Etranger 1 fr. par trimestre
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Régisseurs d'annonces : MM. LAGRANGE, CERF et (l
6, Place de la Bourse, 6
nrn>inr iif i,i M
BULLETIN
« 1'
fi Paris, le 24 avril 1879.
Une dépêchede Constantinople confirme
la nouvelle que nous avons donnée hier,
relativement ik ia signature de la conven-
tion entre VAutriche et la Turquie. Cette
dépêche annonce, en effet, que cinq ba-
taillons turcs partiront aujourd'hui pour
pénétrer dans le district de Novi Bazar en
mê.e temps queles troupes autrichiennes.
Ces dernières oooupèront les parties méri-
dionales du district pendant que les trou-
ves turques en occuperont les parties sep-
tentrionales. Il est assez surprenant qu'au-
cune dépêche de Belgrade ne soit ve-
nue confirmer la violation du terri-
toire serbe par les Arnautes, violation
dont les journaux de Vienne et les télé-
grammes de Constantinople ont fait tant
de bruit. Nous ne serions donc pas éloi-
• gnés de rapprocher ce fait de l'occupation
da district de Novi-Bazar. Il fallait un
prétexte plus ou moins plausible pour pro-
céder à l'occupation et pour désarmer
l'opposition que cette démarche pourra
rencontrer dans les parlements de Vienne
et de Pesth, et on a, sans doute, exagéré
considérablement un fait qui en soi avait
peu d'importance. -
L'assemblée des notables bulgares a
îadopté dans son entier la constitution du
pays. Elle a introduit dans les derniers
articles quelques modifications importan-
tes. Elle a résolu, en effet, que toute pro-
position relative à la mise en accusation
des ministres devra être signée par le
quart des députés présents à la séance.
Dans l'article qui donne la nomenclature
des. ministres dont se composera le eabi-
D3t, on a supprimé le peste de ministre
d:s travaux publics et de l'agriculture.
S/article final du projet constitutionnel,
qui stipule que la constitution restera en
ligueur pendant cinq ans, après lesquels
elle pourra être révisée par une assem-
blée constituante, a été rejeté après une
discussion fart animée. La Chambre doit
se réunir ans dernière fois aujourd'hui
pour entea&dre la lecture des procès-ver-
baux, après quoi sa mission sera considé-
- réa comme terminée et on pense qu'elle
sera dissoute le 27. Le général Dondou-
koff. doit ouvrir lundi prochain la nou-
velle Chambre, chargée d'élire le prince.
Il devient évidemment de mode en
Orient d'envoyer-des délégués auprès des
grandes puissances. Nous avons annoncé,
H y a quelques jours, l'arrivée des délé-
gués rouméliotes, puis des délégués aiba-
nais, puis des délégués épirotes. On nous
annonce aujourd'hui que 4es musulmans
de la Bulgarie selpréparent à envoyer pro-
chainement une députation en Europe
pour demander aux grandes puissances de
mettre un terme aux persécutions bul-
gares.
- Le gouvernement anglais a communi-
qué au Parlement les dépêches relatives à
l'expédition achevée heureusement par
lord Chelmsford. Ces dépêches, accueillies
1iar les applaudissements unanimes des
membres, contiennent quelques détails
Intéressants. La colonne de secours com-
mandée par lord Chelmsford a campé dans
le voisinage de Ginghalova- dans l'après-
midi du Il,. avril. Elle a eu toute la nuit
une pluie torrentielle, et les Zoulous ont
rôdé toute la soirée aux environs. Le 2
au matin, ils ont attaqué des deux côtés.
L'ennemi s'est avancé très hardiment,
mais il n'a jamais pu approcher à plus de
20 mètres des retranchements couverts.
A sept heures trente, l'attaque était
repoussée.' L'ennemi s'est retiré préci-
pitamment, chaudement poursuivi par
l'infanterie montée volontaire. Les hau-
tes herbes et les buissons ont beau-
coup aidé l'approche des Zoulous et leur
retraite. Les Zoulous avaient 195 compa-
gnies en ligne, lesquelles, à 60 hommes
chacune, formaient 11,000 combattants,
Lord Ghelmsfprd abandonne Ekove,dont les
deux routes sont trop difficiles. Il établira
un poste permanent sur la route de la
côte, et le camp de Ginghalova sera réduit
de façon à pouvoir être défendu pai une
garnison.
La Chambre des communes, après une
longue discussion sur la question des su-
cres, a ordonné la nomination d'une com-
mission d'enquête.
E. BARBIER.
— ————
ours. de :œ--.j,
PETITE BOURSE DU SOIR
5 {JO SiSfr, 20,171/2, 20.
Turc.. 41 fr. 47 1/2,52 1/2
Banque ottomane.. 499 fr. 37, 498 75, 499 37.
Extérieure i4 fr. 7/8.
Egypte 6 OjO. ^31 fr. 25.
Hongrois 78 ??. 3/8, 1/2-.
Afin de caractériser plus nettement
l'élection de M. Blanqui à Bordeaux, le
journal la Révolution française pùblie
cette lettre :
Paris, le 22 avril 1879..,
A M. Sigîsmond Lacroix, rédacteur en chef
du journal la Révolution française.
Monsieur,
Merci ! merci mille fois pour votre btlie
conduite au sujet de l'élection de Bordeaux.
Vous avez pris l'initiative de ce grand acte
Vous avez eu le coorage de soutenir la cause
que les nôtres ont défendue en 1871 !
L'élection de Blanqui en est la revendica.
tion !.
A bas l'opportunisme ! 11 n'y a pas deux
sortes de République ; nous n'en cannaîssons
qu'une. La droit da peuple. Le suffrage uni-
versel.' Il a parlé à Bordeaux.
Le martyr de la révolution sociale sera
libre.
Nous vous envoyons nos salutations frater-
nelles.
Un groupe de veuve, de mères, de sœurs,
victimes de l'armée vergalllaîse.
Veuve V. — Veuve P.. * — Veuve
B. — Veuve L. — Veuve C.
- M. F., etc.
A la bonne heure ! les auteurs de cette
lettre et ceux qui l'insèrent n'y vont pas
\.>'},}:. ,;.c
- ,
par quatre chemins, et voilà ce qui s'a
pelle, au moins, mettre les points sur les?.
Nous assistons, — ils s'en vantent du
moins ! — au commencement de leur re-
vanche. Vive Blanqui I vive la cause du
18 mars 18711 A bas l'opportunisme et
les Versaillais !
Ces sentiments ne nous étonnent point.
Ils avaient été couramment exprimés dé-
jà par les membres du comité Blanqui.
Ce qui se disait à. Bordeaux, la Révolution
française l'imprime à Paris. Au reste,
MM. Sigismond Lacroix et consorts n'ont
pas fait jusqu'ici mystère de leurs opi-
nions. Cette dernière publication est un
peu plus audacieuse que ce qu'ils avaient
écrit jusqu'ici. J'imagine qu'ils ont voulu
voir jusqu'où la longanimité du gouverne-
ment peut aller.
Nous le verrons aussi. Ce n'est pas, à
dire vrai, que, depuis quelque temps,
nous ayons lieu de nous louer de la pru-
dence du ministère. On a intenté au jour-
nal de M. Sigismond Lacroix an procès
bête, sous prétexte d'outrages à la reli-
gion catholique. Cependant les appels au
mépris de la loi, à la haine des citoyens,
et les apologies éhontées de la Commune
peuyent tous les jours tranquillement s'y
étaler.
Ceci est du désordre, et du désordre
grave; que le gouvernement y prenne
garde ! Nous n'admettons pas un instant
l'impossible retour de la Commune. Mais
ces jolis messieurs, si on les laisse aller,
finiront par ouvrir la porte au césarisme ;
et les bonapartistes même prétendent
qu'ils l'ont déjà entrebâillée.
Plus le gouvernement est républicain,
plus il doit en un pareil cas se montrer
énergique, et l'opinion n'admettrait point
qu'il écoutât certains conseils, perfides
ou niais, qui lui sont donnés. Il ne man-
que pas, en effet, de conseilleurs autour
de lui pour lui répéter : « Laissez donc
dire 1 laissez donc faire 1 » Et d'aucuns
même ajoutent que le comble de la bonne
politique est de céder à tout, de toujours
céder. Nous voudrions bien savoir alors
à quoi sert un gouvernement et pourquoi
l'on ne mettrait pas, tout aussi bien, une
bûche à la place ?
Quoi qu'il en soit, le ministère est
gourmandé par des gens qui lui disent :
« Comment! vous n'avez pas encore am-
nistié Blajiqui? Quelle faute! C'était pour-
tant bien simple. Si vous aviez amnistié
Blanqui, il n'y aurait pas de question
Blanqui !»
Le raisonnement est merveilleux. De
même, il n'y aurait point de question bo-
napartiste si l'on rendait la France aux
Bonaparte, point de question légitimiste
si l'on restaurait M. le comte de Cham-
bord. etc. De même aussi, si l'on faisait
un bon plongeon dans la rivière, on ne
risquerait point de se laisser mouiller
par la pluie.
Eh bien! le gouvernement n'a que trop
cédé. Il est temps' d'en finir avec le
système des reculades. Il est temps
de mettre un terme aux bravades des
malfaiteurs politiques par qui l'opinion
de la province est à la fois irritée et in-
quiétée. Défendez-vous, gouvernement,
et défendez la République, car, en vé-
rité, les b!anqulstes sont capables de l'as-
sassiner 1
EUG/LIÉBERT.
■ »
L'ÉPOUVANTAIL.
1
La sagesse des républicains français
fait l'admiration du monde lorsqu'ils ne
sont pas les plus forts. Lorsqu'ils le
sont, ou simplement lorsqu'ils croient
l'être, ils s abandonnent volontiers à des
fantaisies périlleuses et ne craignent pas
de jouer sur une carte les résultats les
plus péniblement acquis.
Nous l'avons pas fait une faute entre
le coup d'Etat du 16 Mai et les élections
législatives du 14 octobre; nous n'en
avons pas fait une avant le renouvelle-
ment partiel du Sénat. Cette dernière
opération, qui a dépassé les espérances
les plus optimistes, n'aurait pas si bien
réussi, il s'en faut, si les ennemis de la
République avaient pu montrer aux délé-
gués le bout du nez d'un spectre rouge.
Supposez une seule élection comme celle
de Bordeaux à la veille du 5 janvier, et
dites si nous aurions cette belle majorité
dans la Chambre haute ?
La République s'est toncee dans notre
pays par la sagesse et la modération. Et
je ne dis pas seulement par la sagesse et
la modération d'un Thiers, d'un Grévy,
d'un Gambetta, de quelques hommes de
gouvernement, mais par la sagesse et la
modération de tous ceux qui, dans les
villes, les villages et les hameaux, pour-
suivaient l'émancipation du peuple.
Interrogez le plébiscite du 8 mai ; il
vous dira que les républicains n'étaient
pas beaucoup plus d'un million au prin-
temps de 1870. Comment ce million d'é-
lecteurs'a-t-il fait la boule de neige?
Par quels moyens s'est il quintuplé ou
sextuplé depuis la guerre ? C'est en ras-
surant tout le monde et en évitant avec
soin d'effaroucher personne. La nou-
velle école républicaine a compris que
pour fonder un régime durable il fallait
écarter les violences de 1793 et même
les folies de 1848. C'est à ce prix que
nous avons recruté lentement, un à un,
les cinq ou six millions d'électeurs qui
appuient les institutions actuelles.
Mais gardons-nous bien d'oublier que
cette majorité, si importante qu'elle soit,
se compose en très grande partie de nou-
,". -
f veaux convertis, - et qu'au scrutin pas 1
plus qu'à la guerre, les recrues n'ont ja-
mais la solidité des vieux soldats. Pen-
sons aussi à cette masse d'abstentions
qui peuvent être considérées aujourd'hui
comme des adhésions tacites au régime
établi, mais qui ne tarderaient pas à se
changer en votes hostiles, si le bour-
geois et le paysan n'étaient plus rassu-
rés par l'attitude des pouvoirs publics.
On n'est que trop porté chez nous à con-
sidérer tout'succès comme définitif et à
croire que les électeurs ont fait un pacte
avec leurs élus. Sommes-nous donc à ce
point oublieux ou ignorants de l'histoi-
re? Faut-il rappeler à l'élite du grand
parti national les .brusques revirements
de l'opinion dans un siècle qui a vu la
royauté de droit divin, la monarchie par-
lementaire, la dictature impériale et la
République adorées et foulées aux pieds
tour à tour?
Oui,.certes, grâce aux Dieux, nous
sommes en République : le point de
droit, le point de fait sont également in-
contestables. Honni soit qui nierait au-
jourd'hui le gouvernement du pays par
le pays! Mais ce n'est pas la première
fois depuis cent ans que la France est
rentrée en possession d'elle -même, et si
dans trois mois, daag-un a», elle abdi-
quait son droit souverain pour se jeter
dans les bras d'un sauveur et d'un maî-
tre, ce ne serait pas la première fois non
plus.
Nous sommes tiraillés au jour le jour,
comme la plupart des nations européen-
nes, entre l'autorité d'un seul et la souve-
raineté de tous. Et ni la droite, ni la
gauche, ne saurait, par son propre poids,
faire pencher définitivement la balance.
Tout dépend d'un appoint qui flotte sans
cesse entre les deux plateaux.
Un des hommes les plus nets et les
plus vaillants de la représentation natio-
nale me disait en 1873 : « Il est exaspé-
rant de penser que les plus grands pro-
blèmes politiques sont et seront toujours
résolus par une poignée d'irrésolus. »
Ah! comme vous aviez raison, mon cher
Langlois ! L'estimable Target et Ms trei-
ze jolis apôtres ont justifié votre dire
au delà de toute prévision.
Je sais bien que le 24 Mai n'a été qu'une
révolution en chambre ; l'intrigue y avait
plus de part que l'opinion. Mais sans
l'opinion, sans le trouble. profond qui
suivit l'élection de M. Barodet, les intri-
gants les plus audacieux n'auraient pas
risqué un tel coup. M. Barodet, un digne
homme, parfaitement inoffensif en lui-
même et qui n'est aujourd'hui ni pire
ni meilleur que nos autres* députés
d'arrondissement; joua le rôle d'épou-
vantail, et fit innocemment un mal im-
mense. Son élection, exploitée par tous
les ennemis de la République, émut assez
les masses conservatrices pour que les
Broglie, les Buffet et les Decazes pussent
entreprendre impunément le 24 mai. On
vit alors, et l'on verra peut-être encore
avant peu, que la fortune du pays le plus
sain et le mieux doué est soumise aux
mouvements aveugles et mécaniques du
centre, c'est-à-dire de l'élément mou. Le.
centre ne sera jamais un. moteur, n'en
déplaise à quelques-uns de nos plus chers
amis, mais il sera toujours un poids dont
le déplacement peut être salutaire ou
funeste.
Voilà pourquoi l'élection de Blanqui
dans la lre circonscription de Bordeaux
nous paratt beaucoup plus dangereuse
que la personne de Blanqui, considérée
en elle-même. Peu nous importe au fond
que Blanqui soit libre ou prisonnier ;
nous l'aimerions mieux libre, parce qu'il
a très-largement expié ses fautes, parce
qu'il est âge ae 74 ans, et parce que la
captivité lui donne aux yeux de quel-
ques-uns une façon de prestige senti-
mental. -
Mais il ne faudrait pas qu'une compas-
sion légitime aux douleurs d'un vieillard
nous entraînât à sévir impitoyablement
contre la République. Blanqui lui a fait
bien du mal le 15 mai 1848 et le 31 oc-
tobre 1870 ; il l'aime fort, il l'aime trop,
il l'aime jusqu'à l'étrangler quand elle
vient à lai- les bras ouverts. J'estime
qu'au temps où nous sommes et à l'âge
qu'il a, ce vieux conspirateur ne éons-
pirerait plus sciemment et volontaire-
ment contre elle ; mais s'en porterait-elle
mieux? Non, cent fois non !
Aux yeux de trois républicains sur
quatre, Blanqui incarne, à tort'OU à rai-
son, le jacobinisme de 93, la révolution
violente et sanglante, la République
rouge. Si ce préjugé est injuste, menson-
ger, calomnieux, Blanqui n'a rien dit ni
rien fait pour le détruire, et les patrons
de sa dernière candidature à Bordeaux
l'ont plus aftermi qu'ébranlé. C'est leur
affaire et non la nôtre. Quant à nous,
nous sommes frappés de l'impression
produite dans la foule des républicains
déraison par l'élection illégale, provi-
soire, invalidée d'avance, et cependant
positive, de Blanqui.
Nous ne craignons pas ce fantôme;
nous savons de science certaine qu'il
disparaîtrait dans le groupe des trente ou
quarante députés de l'extrême gauche,
plus jeunes et plus valides que lui. Mais
nous savons aussi quel usage- et quel
abus les royalistes et les bonapartistes
feraient d'un tel épouvantail. Ils ont tra-
vaillé, sans pudeur à son élection ; ils la
valident par avance; ils ont déjà dressé
la liste des autres candidats qui doivent
lui succéder sous les yeux des popula-
tions ahuries. Et c'est pourquoi nous
supplions le gouvernement et la Chambre
non seulement d'user de leur droit en
- »
invalidant le premier des inéligibles ins-
crits, mais de remplir leur devoir en pro-
tégeant nos institutions contre l'émotion
Daturelle et légitime des républicains
conservateurs, et enfin de faire acte de
bonne politique, si la politique consiste
à prévoir le danger, à couper le mal dans
sa racine et à faire la part du feu dans
l'incendie d'une maison. Il faut, dans
la personne de Blanqui , séparer le
conspirateur désormais inoffensif du
député inéligible, menaçant et chef de
file. En autres termes, invalidons d'a-
bord, et gracions ensuite, mais seule-
ment le jour où la grâce n'entraînera
pas l'amnistie. Il importe à la Républi-
que que ni les insurgés du 31 octobre, ni
les chefs du comité central, ni les me-
neurs de la Commune ne soient jamais
réhabilités, en dépit de la loi, par un col-
lége d'arrondissement.
t ABOUT.
--.-.+ ;
Tout fait nombre
-
i- -
L'autre jour js lisais dans un journal
républioain. de la province, Y Indépen-
dant de Gien, une Dote dont je n'ai
plus le texte exact sous les yeux, mais
qui était à-peu près ainsi conçue :
Je, soussigné, déclare que l'un des col-
porteurs de la pétition contre la loi
Firry est venu me trouver au cabaret,
qu'il m'a embrouillé d'un tas d'histoires,
où'je n'ai rien compris, et, finalement,
m'a faitjsigner son papier. On m'a par
après expliqué la chose, si bien que je
suis très-fâché d'avoir donné ma signa-
ture. Elle ne doit pas compter puisque
je la retire. f
Suivait le nom du signataire, qui était,
je crois, Pernin. Au reste ce détail im-
porte assez peu dans l'espèce. La naïveté
de ce brave homme qui croit devoir
constatersa sottise en plein journal m'a
fait sourire, et je mè disais tout bas :
- Combien y en a-t-il qui n'ont pas la
même bonne foi 1 Que de gens ont dû si-
gner par erreur, par ignorance, sans sa-
voir ce qu'ils faisaient, et qui, éclairés
plus tard, n'ont pas eu le courage de se
rétracter publiquement 1
Tenez, à Epanncs, petit village ou gros
bourg du département des Deux- Sèvres,
le maire a eu l'idée de réunir deux de
ses conseillers municipaux, et trois ou
quatre propriétaires importants da pays
-j'ai les noms ; ratis je ne les donnerai
que s'il prenait envie aux feuilles dévo-
tes de contester le fait. L- Et tous ensem-
ble, Ils ont procédé à une enquête offi-
cieuse, non pas sur l'authenticité des si-
gnatures qui figuraient au bas de la pé-
tition contre la loi Ferry, ils savaient
parfaitement que ces signatures étaient
bonnes et, valables, mais sur la façon
dont elles avaient été recueillies, sur les
motifs qui avaient poussé les signataires
à mettre leur nom au bas de cet article.
C'était, vous l'avouerez, une curio-
sité fort légitime. Dans un petit pays,
tout le monde se connaît. lis n'igno-
raient donc pas que tel des signataires
professait des opinions qui auraient dû
lui interdire de prendre part à une mani-
festation cléricale. Comment s'était-il
laissé surprendre ? Pourquoi avait-il in-
fligé à ses convictions intimes ce démenti
public?
- Savez-vous, pour le dire en passant,
que ce maire de village nous a donné là
ua excellent exemple, et que cette idée
ingénieuse marque un homme d'esprit !
Plût à Dieu que l'on pût ainsi faire une
enquête sur chacun des noms qui s'ali-
gnent en files innombrables sous le texte
de ces pétitions épiscopales 1 Ah ! si l'on
pesait les suffrages au lieu de les comp-
ter 1 Mais tout fait nombre, comme dit La
Fontaine.
J'ai entre les mains le procès-verbal
de cette enquête. J'y trouve des pièces
bien piquantes. Permettez-moi de vous
en transcrire quelques-unes.
Un des signataires de la pétition, inter-
rogé par cette commission, écrit et signe
la déclaration suivante, dont je possède
l'original ;
M. le curé s'est présenté chez moi, en me
disant quil donnait dix mille francs à calul
qui signait ses pétitions. Après m'avolr dit
que c'était une plaisanterie, 11 ajouta qu'il
m'apportait une pétition pour l'instruction
obligatoIre; qu'on voulait qas les enfants all-
lent à l'école jusque l'âle de vingt ans, et
que si je voulais envoyer mes enfants à l'é-
cole chez lui ou chez les religieuses, je ne le
pourrais pas, et encore que je ne pourrais
pas las oi-voyer dans les écoles voiïiaes. C'est
ce qui m'a décidé à signer.
Signé : Jacquss PELAUD.
Saisissez-vous le truc? Cet honnête
curé sait que les paysans ftnt besoin des
services de leurs enfants, et qu'ils tien-
nent à en être privés le moins longtemps
possible par l'école. Il affirme donc bra-
vemeot que la loi nouvelle forcera les
pères de fournie à laisser leurs fils sur les
bancs jusqu'à la vingtième - année. C'est -
ce qu'on appelle un mensonge pieux.
Autre déposition :
M. Moreau Faucher, interrogé sur les
motifs qui l'avaient déterminé à donner
sa signature, a déclaré ce qui suit :
Le curé m'a dit qu'on voulait entraver la
liberté de l'enseignement; que si, moi, Mo-
reau, je voulais envoyer mes enfants chez lui,
curé, je ne le pourrais pas. que je ne pour-
rais pas envoyer mes enfants à l'école dans
une autre commune, qu'avec l'instruction
obligatoire les enfants seront obligés de res-
ter à l'école, et dans l'école du pays, jusqu'à
quinze ou seize ans.
Un ami du curé, le sieur Richard René, m'a
dit aussi : Vous avez une tante religieuse ;
on va supprimer toutes les congrégations, et
votre tante reviendra chez vous. Alors j'ai
signé.
N'est-ce pas de la bonne, de l'excel-
lente comédie ? On avait près de celui-ci
pèrdu sa peine en lui présentant les con-
sidérations qui avaient suffi à décider
l'autre. Il fallait trouver un autre argu-
ment. L'argument de la taute est une mer-
veille d'ingéniosité. Votre tante, la reli-
gieuse, va vous retomber sur les bras.—
« Ah ! fichtre ! signons vite ! » Il signe et le
tour est joué ; tout fait nombre.
Suivent d'autres dépositions, qui rela-
tent toutes les mêmes propos tenus par
l'oint à ses innocentes ouailles.
- J'en détache une, qui m'a semblé bien
plaisante ; elle montre le service que rend
dans les campagnes le journalisme répu-
blicain. ,
Déclaration de M. Léon Durand :
Le curé s'est adressé à mol en ces termes :
— Voulez-vous signer ma pétition? C'est
dans l'intérêt de vos enfants, que vous ne
pourriez pas envoyer à l'école où 11 vous
pltliratt. *
Alors j'ai répondu :
— Je ne veux pas prendre communication
de vos écrits ; c'est de la politique, et vous
n'avez pas droit de la faire, vous, curé.
Alors 11 m'a dit :
— Mais non, ca n'est pas delà politique.
Ce n'est pas de la politique ; et vous
me montrez à l'appui de votre dire, un sale
journal bonapartiste (sic). Allez me chercher
te journal républicain du pays ; s'il dit la
même chose, je signerai.
Le curé, cOLfas, s'est retiré.
Noire éminent confrère, M. Emile de
Girardin, reconnaîtra bien cette fois peut-
être que le journalisme n'est pas aussi
impuissant et inutile qu'il veut bien le
dire.
Je termine ces emprunts par une der-
nière citation. C'est une délicieuse scène
d'Henri Monnier : rien de plus drôle que
l'astuce et la malice du vieux paysan traî-
nant son curé et se moquant de lui.
Déposition du cultivateur François Braut
Nous étions en train de diner, deux amis et
moi, à la maison ; nous attendions un quatriè-
me. Voilà qu'on frappe à la porte. Comme
nous avons cru que c'était ce farceur, nous
D'avon pas répondu la première fois. A la se-
conde, Damour a crié : « Entre donc, fils de
g. et fais pas tant de façons. »
Nous avons .été attrapés quand nous avons
vu que c'était le curé. Nous nous sommes ex-
cusés ; ii a dit : « Ce n'est rien, ce n'est rien.
Je vous apporte une pétition à signer. » Il
nous a dit qu'il s'agissait des frères, que l'on
voulait supprimer. Ce que la pétition empê-
cherait.
Nous avons répondu que nous nous en f.
pas mal, quë4e* affaires du curé ne nous re-
gardaient pas ; que nous ne voulions pas si-
gner.
Le 'curé insista vivement.
C'est alors qu'en plaisantant j'offris un
verre de-via au curé et que je lui dis : Buvez
un coup, après nous verrons. Le curé dît : Si
je bois, signerez-vous. — Peut-êtra)ul répon-
dis je enrlamt.
Alors Damour lui vsrsa un grand verre de
vin rouge, qu'il avala aprè s'y être repris à
plusieurs fois, ce qui nous lit rire.
Alors, il me tendit la plume pour signer.
Je lui dis :
— Il ne fait pas assez clair; repassez de-
main.
Les autres firent comme mol.
Alors il nous dit que nous avions tort; alors
je lui dis :
— Monsieur le curé, je suis républlcaln;
j'ai un fils soldat au service de la République;
il verserait pour elle son sang au besoin;
mais ici, je dois la soutenir comme citoyen.
Voilà pourquoi je ne signerai pas sans avoir
réfléchi.
Le curé se retira en me disant qu'il revien-
drait le lendemain. Je lui dis : Si vous voulez!
Le lendemain il revint ; je lui dis que la
main me tremblait.
Pour la troisième fols, le mardi 15, le curé
revint à la charge, se plaignant que je n'é-
tais pas de parole.
Je refusai encore de signer, en lui disant
que je ne voyais sur son papier aucune si-
gnature républicaine.
— Laissez moi la paix, lui d!s j9.
Et II ne revint plus. , -
Est-ce que ces peintures naïves, disons
mieux, est-ce que ces photographies de
la réalité ne vous en apprennent pas plus
long sur la valeur de ce pétitionnement
que les plus belles phrases du monde?
FRANCISQUE SARCIT.
- ——————- .————— ——
SL
MAISON DE CORRECTION
J'aurais bien envie de faire un peu le
moraliste aujourd'hui. Vous avez lu hier
dans le journal l'histoire de ces deux en-
fants de douze ans qui viennent de com-
paraître en police correctionnelle. Ils
avaient causé la mortd'un;de leurs cama-
rades, et,au sujet de cette mort,bien des
bruits avaient couru à travers la presse.
On avait parlé de dépravation aussi
monstrueuse que précoce, on avait parlé
d'assassinat. Je ne sais plus quel journal
avait même imprimé qu'il était réservé
à la République de nous montrer des
assassins de douze ans. La haine prend
son bien où elle croit le trouver.
Enquête faite, il s'est trouvé heureu-
sement qu'il n'y avait dans l'affaire ni
crime ni débauche. Il y avait eu seule-
ment, et c'est déjà trop, un de ces jeux
féroces comme les enfants en imaginent
si aisément. Voyant venir à eux leur petit
camarade le cou entouré d'un cache-nez,
ils avaient eu l'idée de tirer le cache-nez
chacun par une extrémité, s'amusant à
faire tourner le malheureux ; ils avaient
prolongé si bien la plaisanterie que le pau-
vre enfant était tombé étranglé. Le voyant
à terre, sans mouvement, la langue pen-
dante et la face violette, la peur les avait
pris, et ils s'étaient enfuis. Arrêtés bien-
! tôt, ils avaient commencé par nier, mais
le commissaire de police avait eu vite
I raison de leurs dénégations maladroites
<
et contradictoires. II ne leur était plus
resté qu'à avouer la vérité. ,',
Ils ont comparu devant la police cor-
rectionnelle et le tribunal a déclaré qu'ils
avaient agi sans discernement. Quand
leur âge n'eût point motivé ce jugement,-
il ne pouvait faire doute, vu les faits de
la cause. Seulement, le tribunal a ordon-
né, en même temps, que les deux en-
fants seraient, jusqu'à leur majorité, en-
fermés dans une maison de correc-
tion..
C'est sur ce dernier point que je vou-
drais présenter quelques observations.
Sans doute le jeu était barbare, et la con-
séquence en a été douloureusement irré-
parable. N'est-ce pas une peine bien dure
cependant que ces huit années de mai-
son de correction infligées aux coupa-
bles? L'homicide par imprudence, plus
grave assurément de la part d'un majeur,
serait moins rigoureusement puni.
Que craignez-vous? Qu'ils recommen
cent? Ah ! je vous jure bien qu'ils ne re-
commenceront pas. Ils ont reçu là une
terrible leçon, et que de leu, vie ils
n'oublieront.
Ils ont menti d'abord, dira-t-on, quand
on les a interrogés, et prouvé ainsi qu'ils
sont des enfants vicieux ? — Hé 1 COIÛJ
bien d'enfants n'auraient pas menti
d'abord en semblable circonstance, épou-
vantés de leur action, effrayés des res-
ponsabilités ineoanues qu'elles pouvaient
entraîner pour eux ? Leur premier mou-
vement, et ils l'ont dit, a été de croire
qu'on les tuerait probablement eux-mê-
mes si la vérité venait à être découverte.'
Mais, au fond, aucune de ces raison^
n'est l'argument que je veux invoquert
L'argument sérieux, le voici : -
Qu'est-ce qu'une maison' de correc-
tion ? C'est l'endroit où l'on détient jus-*
qu'à la vingtième année tous les enfants
qui ont volé, frappé, commis des actes
féroces ou criminels, et que leur âge no
permet pas d'envoyer en prison. La mai-
son de correction, c'est le réceptacle des
enfants vicieux et dépravés d'une géné-
ration. On l'a dit depuis longtemps, c'est
l'école du crime et la pépinière du bagne.
La sarveillance la plus attentive, la di-
rection ou sévère ou paternelle des
meilleurs y font peu de chose, on le,
sait. La contagion déprave ceux que la:
fatalité du tempérament n'avait pas déjà
perdus. On ne sort guère de la maison de
correction qiie pour entrer dans la pri-
son ; la statistique est là pour le démon-
trer.
* Eh bien ! voilà deux enfants de douze
ans ; ils ont été cause, sans doute, d'un -
mal irrémédiable et cruel. Mais enfin rien
ne prouve qu'ils soient faits pour être ni
des assassins, ni des voleurs. Or, qu'al-
lez-vous faire? Vous allez les enfermer
pendant huit années dans une sentine
impure : ils en sortiront flétris morale- -
ment et physiquement peut-être par
la société où ils auront passé leurs
années d'adolescence, flétris socialement
par ce nom de la maison de correction,
qui restera attaché à leur personne. Lais-
sés à leur familles, grandissant au milieu
de leurs camarades, ils auraient autant
de chance que tous les autres enfants de
leur génération de faire plus tard d'hon-
nêtes ouvriers. C'est bien assez du sou-
venir terrible'qui restera le remords de
toute leur vie. S'ils restent dans les mai-
sons de correction, c'est à vous-mêmes
que je demande en quel état ils en sor-
tiront et quel est l'avenir qui les at- i
tend?.
CHARLES BIGOT.
;) -
INFORMATIONS
..-..:--- x
La reine d'Angleterre, venant d'Italie,
arrivera à Paris aujoard'huljeudi, et des-
cendra à l'ambassade anglaise, où elle pas-
sera la nuit.
Demain la reine se rendra à Cherbourg,
où l'attend le navire qui doit la ramener
avec sa suite en Angleterre.
M. Rousseau, directeur de la navigation
au ministère des travaux publics, ayant
manifesté le désir de rester à la tête de
cette direction, malgré les propositions qui
lui avaient été faites par M. da Freycinet,
le plan de réorganisation des services pla-
cés précédemment sous la direction de M.
Guvinot, démissionnaire, a été. au moins
temporairement, modifié, et la combinai- ',
son que nous avions indiquée a échoué en
partie. *
, Le ministre des travaux publics a pris,
à la date du 22 avril un arrêté aux termes
duquel le chef du cabinet et le chef de la
division du personnel rempliront, jusqu'à
décision contraire, chacun pour les affaires
de son service, les attributions du direc-
teur du cabinet et du personnel.
Ainsi que nous l'avions fait prévoir, par
arrêté du même jour, M. Rabel, ingénieur
des ponts et chaussées, chef adjoint da
cabinet du ministre, a été nommé chef du
cabinet.
Il est toujours question néanmoins d'é-
riger en directions distinctes les divisions
du personnel et de la comptabilité.
Nous avons lieu de croire aussi qu'avant
peu de temps, la direction de la navigation
sera augmentée d'une division nouvelle,
celle des services hydrauliques.
Nous avons dit que le traité de commerce
actuel entre la France et l'Angleterre al-
lait être prorogé de six mois. Voici, d'a-
près le Temps, l'état, exact de la ques-
tion ;
« Le gouvernement français, prévoyant
que peut être le parlement n'aura pas
achevé de discuter et de voter, au 31 dé-
cembre prochain, le tarif général des
douanes, a entamé avec l'Angleterre des
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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ADMINISTRATION
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Régisseurs d'annonces : MM. LAGRANGE, CERF et (l
6, Place de la Bourse, 6
nrn>inr iif i,i M
BULLETIN
« 1'
fi Paris, le 24 avril 1879.
Une dépêchede Constantinople confirme
la nouvelle que nous avons donnée hier,
relativement ik ia signature de la conven-
tion entre VAutriche et la Turquie. Cette
dépêche annonce, en effet, que cinq ba-
taillons turcs partiront aujourd'hui pour
pénétrer dans le district de Novi Bazar en
mê.e temps queles troupes autrichiennes.
Ces dernières oooupèront les parties méri-
dionales du district pendant que les trou-
ves turques en occuperont les parties sep-
tentrionales. Il est assez surprenant qu'au-
cune dépêche de Belgrade ne soit ve-
nue confirmer la violation du terri-
toire serbe par les Arnautes, violation
dont les journaux de Vienne et les télé-
grammes de Constantinople ont fait tant
de bruit. Nous ne serions donc pas éloi-
• gnés de rapprocher ce fait de l'occupation
da district de Novi-Bazar. Il fallait un
prétexte plus ou moins plausible pour pro-
céder à l'occupation et pour désarmer
l'opposition que cette démarche pourra
rencontrer dans les parlements de Vienne
et de Pesth, et on a, sans doute, exagéré
considérablement un fait qui en soi avait
peu d'importance. -
L'assemblée des notables bulgares a
îadopté dans son entier la constitution du
pays. Elle a introduit dans les derniers
articles quelques modifications importan-
tes. Elle a résolu, en effet, que toute pro-
position relative à la mise en accusation
des ministres devra être signée par le
quart des députés présents à la séance.
Dans l'article qui donne la nomenclature
des. ministres dont se composera le eabi-
D3t, on a supprimé le peste de ministre
d:s travaux publics et de l'agriculture.
S/article final du projet constitutionnel,
qui stipule que la constitution restera en
ligueur pendant cinq ans, après lesquels
elle pourra être révisée par une assem-
blée constituante, a été rejeté après une
discussion fart animée. La Chambre doit
se réunir ans dernière fois aujourd'hui
pour entea&dre la lecture des procès-ver-
baux, après quoi sa mission sera considé-
- réa comme terminée et on pense qu'elle
sera dissoute le 27. Le général Dondou-
koff. doit ouvrir lundi prochain la nou-
velle Chambre, chargée d'élire le prince.
Il devient évidemment de mode en
Orient d'envoyer-des délégués auprès des
grandes puissances. Nous avons annoncé,
H y a quelques jours, l'arrivée des délé-
gués rouméliotes, puis des délégués aiba-
nais, puis des délégués épirotes. On nous
annonce aujourd'hui que 4es musulmans
de la Bulgarie selpréparent à envoyer pro-
chainement une députation en Europe
pour demander aux grandes puissances de
mettre un terme aux persécutions bul-
gares.
- Le gouvernement anglais a communi-
qué au Parlement les dépêches relatives à
l'expédition achevée heureusement par
lord Chelmsford. Ces dépêches, accueillies
1iar les applaudissements unanimes des
membres, contiennent quelques détails
Intéressants. La colonne de secours com-
mandée par lord Chelmsford a campé dans
le voisinage de Ginghalova- dans l'après-
midi du Il,. avril. Elle a eu toute la nuit
une pluie torrentielle, et les Zoulous ont
rôdé toute la soirée aux environs. Le 2
au matin, ils ont attaqué des deux côtés.
L'ennemi s'est avancé très hardiment,
mais il n'a jamais pu approcher à plus de
20 mètres des retranchements couverts.
A sept heures trente, l'attaque était
repoussée.' L'ennemi s'est retiré préci-
pitamment, chaudement poursuivi par
l'infanterie montée volontaire. Les hau-
tes herbes et les buissons ont beau-
coup aidé l'approche des Zoulous et leur
retraite. Les Zoulous avaient 195 compa-
gnies en ligne, lesquelles, à 60 hommes
chacune, formaient 11,000 combattants,
Lord Ghelmsfprd abandonne Ekove,dont les
deux routes sont trop difficiles. Il établira
un poste permanent sur la route de la
côte, et le camp de Ginghalova sera réduit
de façon à pouvoir être défendu pai une
garnison.
La Chambre des communes, après une
longue discussion sur la question des su-
cres, a ordonné la nomination d'une com-
mission d'enquête.
E. BARBIER.
— ————
ours. de :œ--.j,
PETITE BOURSE DU SOIR
5 {JO SiSfr, 20,171/2, 20.
Turc.. 41 fr. 47 1/2,52 1/2
Banque ottomane.. 499 fr. 37, 498 75, 499 37.
Extérieure i4 fr. 7/8.
Egypte 6 OjO. ^31 fr. 25.
Hongrois 78 ??. 3/8, 1/2-.
Afin de caractériser plus nettement
l'élection de M. Blanqui à Bordeaux, le
journal la Révolution française pùblie
cette lettre :
Paris, le 22 avril 1879..,
A M. Sigîsmond Lacroix, rédacteur en chef
du journal la Révolution française.
Monsieur,
Merci ! merci mille fois pour votre btlie
conduite au sujet de l'élection de Bordeaux.
Vous avez pris l'initiative de ce grand acte
Vous avez eu le coorage de soutenir la cause
que les nôtres ont défendue en 1871 !
L'élection de Blanqui en est la revendica.
tion !.
A bas l'opportunisme ! 11 n'y a pas deux
sortes de République ; nous n'en cannaîssons
qu'une. La droit da peuple. Le suffrage uni-
versel.' Il a parlé à Bordeaux.
Le martyr de la révolution sociale sera
libre.
Nous vous envoyons nos salutations frater-
nelles.
Un groupe de veuve, de mères, de sœurs,
victimes de l'armée vergalllaîse.
Veuve V. — Veuve P.. * — Veuve
B. — Veuve L. — Veuve C.
- M. F., etc.
A la bonne heure ! les auteurs de cette
lettre et ceux qui l'insèrent n'y vont pas
\.>'},}:. ,;.c
- ,
par quatre chemins, et voilà ce qui s'a
pelle, au moins, mettre les points sur les?.
Nous assistons, — ils s'en vantent du
moins ! — au commencement de leur re-
vanche. Vive Blanqui I vive la cause du
18 mars 18711 A bas l'opportunisme et
les Versaillais !
Ces sentiments ne nous étonnent point.
Ils avaient été couramment exprimés dé-
jà par les membres du comité Blanqui.
Ce qui se disait à. Bordeaux, la Révolution
française l'imprime à Paris. Au reste,
MM. Sigismond Lacroix et consorts n'ont
pas fait jusqu'ici mystère de leurs opi-
nions. Cette dernière publication est un
peu plus audacieuse que ce qu'ils avaient
écrit jusqu'ici. J'imagine qu'ils ont voulu
voir jusqu'où la longanimité du gouverne-
ment peut aller.
Nous le verrons aussi. Ce n'est pas, à
dire vrai, que, depuis quelque temps,
nous ayons lieu de nous louer de la pru-
dence du ministère. On a intenté au jour-
nal de M. Sigismond Lacroix an procès
bête, sous prétexte d'outrages à la reli-
gion catholique. Cependant les appels au
mépris de la loi, à la haine des citoyens,
et les apologies éhontées de la Commune
peuyent tous les jours tranquillement s'y
étaler.
Ceci est du désordre, et du désordre
grave; que le gouvernement y prenne
garde ! Nous n'admettons pas un instant
l'impossible retour de la Commune. Mais
ces jolis messieurs, si on les laisse aller,
finiront par ouvrir la porte au césarisme ;
et les bonapartistes même prétendent
qu'ils l'ont déjà entrebâillée.
Plus le gouvernement est républicain,
plus il doit en un pareil cas se montrer
énergique, et l'opinion n'admettrait point
qu'il écoutât certains conseils, perfides
ou niais, qui lui sont donnés. Il ne man-
que pas, en effet, de conseilleurs autour
de lui pour lui répéter : « Laissez donc
dire 1 laissez donc faire 1 » Et d'aucuns
même ajoutent que le comble de la bonne
politique est de céder à tout, de toujours
céder. Nous voudrions bien savoir alors
à quoi sert un gouvernement et pourquoi
l'on ne mettrait pas, tout aussi bien, une
bûche à la place ?
Quoi qu'il en soit, le ministère est
gourmandé par des gens qui lui disent :
« Comment! vous n'avez pas encore am-
nistié Blajiqui? Quelle faute! C'était pour-
tant bien simple. Si vous aviez amnistié
Blanqui, il n'y aurait pas de question
Blanqui !»
Le raisonnement est merveilleux. De
même, il n'y aurait point de question bo-
napartiste si l'on rendait la France aux
Bonaparte, point de question légitimiste
si l'on restaurait M. le comte de Cham-
bord. etc. De même aussi, si l'on faisait
un bon plongeon dans la rivière, on ne
risquerait point de se laisser mouiller
par la pluie.
Eh bien! le gouvernement n'a que trop
cédé. Il est temps' d'en finir avec le
système des reculades. Il est temps
de mettre un terme aux bravades des
malfaiteurs politiques par qui l'opinion
de la province est à la fois irritée et in-
quiétée. Défendez-vous, gouvernement,
et défendez la République, car, en vé-
rité, les b!anqulstes sont capables de l'as-
sassiner 1
EUG/LIÉBERT.
■ »
L'ÉPOUVANTAIL.
1
La sagesse des républicains français
fait l'admiration du monde lorsqu'ils ne
sont pas les plus forts. Lorsqu'ils le
sont, ou simplement lorsqu'ils croient
l'être, ils s abandonnent volontiers à des
fantaisies périlleuses et ne craignent pas
de jouer sur une carte les résultats les
plus péniblement acquis.
Nous l'avons pas fait une faute entre
le coup d'Etat du 16 Mai et les élections
législatives du 14 octobre; nous n'en
avons pas fait une avant le renouvelle-
ment partiel du Sénat. Cette dernière
opération, qui a dépassé les espérances
les plus optimistes, n'aurait pas si bien
réussi, il s'en faut, si les ennemis de la
République avaient pu montrer aux délé-
gués le bout du nez d'un spectre rouge.
Supposez une seule élection comme celle
de Bordeaux à la veille du 5 janvier, et
dites si nous aurions cette belle majorité
dans la Chambre haute ?
La République s'est toncee dans notre
pays par la sagesse et la modération. Et
je ne dis pas seulement par la sagesse et
la modération d'un Thiers, d'un Grévy,
d'un Gambetta, de quelques hommes de
gouvernement, mais par la sagesse et la
modération de tous ceux qui, dans les
villes, les villages et les hameaux, pour-
suivaient l'émancipation du peuple.
Interrogez le plébiscite du 8 mai ; il
vous dira que les républicains n'étaient
pas beaucoup plus d'un million au prin-
temps de 1870. Comment ce million d'é-
lecteurs'a-t-il fait la boule de neige?
Par quels moyens s'est il quintuplé ou
sextuplé depuis la guerre ? C'est en ras-
surant tout le monde et en évitant avec
soin d'effaroucher personne. La nou-
velle école républicaine a compris que
pour fonder un régime durable il fallait
écarter les violences de 1793 et même
les folies de 1848. C'est à ce prix que
nous avons recruté lentement, un à un,
les cinq ou six millions d'électeurs qui
appuient les institutions actuelles.
Mais gardons-nous bien d'oublier que
cette majorité, si importante qu'elle soit,
se compose en très grande partie de nou-
,". -
f veaux convertis, - et qu'au scrutin pas 1
plus qu'à la guerre, les recrues n'ont ja-
mais la solidité des vieux soldats. Pen-
sons aussi à cette masse d'abstentions
qui peuvent être considérées aujourd'hui
comme des adhésions tacites au régime
établi, mais qui ne tarderaient pas à se
changer en votes hostiles, si le bour-
geois et le paysan n'étaient plus rassu-
rés par l'attitude des pouvoirs publics.
On n'est que trop porté chez nous à con-
sidérer tout'succès comme définitif et à
croire que les électeurs ont fait un pacte
avec leurs élus. Sommes-nous donc à ce
point oublieux ou ignorants de l'histoi-
re? Faut-il rappeler à l'élite du grand
parti national les .brusques revirements
de l'opinion dans un siècle qui a vu la
royauté de droit divin, la monarchie par-
lementaire, la dictature impériale et la
République adorées et foulées aux pieds
tour à tour?
Oui,.certes, grâce aux Dieux, nous
sommes en République : le point de
droit, le point de fait sont également in-
contestables. Honni soit qui nierait au-
jourd'hui le gouvernement du pays par
le pays! Mais ce n'est pas la première
fois depuis cent ans que la France est
rentrée en possession d'elle -même, et si
dans trois mois, daag-un a», elle abdi-
quait son droit souverain pour se jeter
dans les bras d'un sauveur et d'un maî-
tre, ce ne serait pas la première fois non
plus.
Nous sommes tiraillés au jour le jour,
comme la plupart des nations européen-
nes, entre l'autorité d'un seul et la souve-
raineté de tous. Et ni la droite, ni la
gauche, ne saurait, par son propre poids,
faire pencher définitivement la balance.
Tout dépend d'un appoint qui flotte sans
cesse entre les deux plateaux.
Un des hommes les plus nets et les
plus vaillants de la représentation natio-
nale me disait en 1873 : « Il est exaspé-
rant de penser que les plus grands pro-
blèmes politiques sont et seront toujours
résolus par une poignée d'irrésolus. »
Ah! comme vous aviez raison, mon cher
Langlois ! L'estimable Target et Ms trei-
ze jolis apôtres ont justifié votre dire
au delà de toute prévision.
Je sais bien que le 24 Mai n'a été qu'une
révolution en chambre ; l'intrigue y avait
plus de part que l'opinion. Mais sans
l'opinion, sans le trouble. profond qui
suivit l'élection de M. Barodet, les intri-
gants les plus audacieux n'auraient pas
risqué un tel coup. M. Barodet, un digne
homme, parfaitement inoffensif en lui-
même et qui n'est aujourd'hui ni pire
ni meilleur que nos autres* députés
d'arrondissement; joua le rôle d'épou-
vantail, et fit innocemment un mal im-
mense. Son élection, exploitée par tous
les ennemis de la République, émut assez
les masses conservatrices pour que les
Broglie, les Buffet et les Decazes pussent
entreprendre impunément le 24 mai. On
vit alors, et l'on verra peut-être encore
avant peu, que la fortune du pays le plus
sain et le mieux doué est soumise aux
mouvements aveugles et mécaniques du
centre, c'est-à-dire de l'élément mou. Le.
centre ne sera jamais un. moteur, n'en
déplaise à quelques-uns de nos plus chers
amis, mais il sera toujours un poids dont
le déplacement peut être salutaire ou
funeste.
Voilà pourquoi l'élection de Blanqui
dans la lre circonscription de Bordeaux
nous paratt beaucoup plus dangereuse
que la personne de Blanqui, considérée
en elle-même. Peu nous importe au fond
que Blanqui soit libre ou prisonnier ;
nous l'aimerions mieux libre, parce qu'il
a très-largement expié ses fautes, parce
qu'il est âge ae 74 ans, et parce que la
captivité lui donne aux yeux de quel-
ques-uns une façon de prestige senti-
mental. -
Mais il ne faudrait pas qu'une compas-
sion légitime aux douleurs d'un vieillard
nous entraînât à sévir impitoyablement
contre la République. Blanqui lui a fait
bien du mal le 15 mai 1848 et le 31 oc-
tobre 1870 ; il l'aime fort, il l'aime trop,
il l'aime jusqu'à l'étrangler quand elle
vient à lai- les bras ouverts. J'estime
qu'au temps où nous sommes et à l'âge
qu'il a, ce vieux conspirateur ne éons-
pirerait plus sciemment et volontaire-
ment contre elle ; mais s'en porterait-elle
mieux? Non, cent fois non !
Aux yeux de trois républicains sur
quatre, Blanqui incarne, à tort'OU à rai-
son, le jacobinisme de 93, la révolution
violente et sanglante, la République
rouge. Si ce préjugé est injuste, menson-
ger, calomnieux, Blanqui n'a rien dit ni
rien fait pour le détruire, et les patrons
de sa dernière candidature à Bordeaux
l'ont plus aftermi qu'ébranlé. C'est leur
affaire et non la nôtre. Quant à nous,
nous sommes frappés de l'impression
produite dans la foule des républicains
déraison par l'élection illégale, provi-
soire, invalidée d'avance, et cependant
positive, de Blanqui.
Nous ne craignons pas ce fantôme;
nous savons de science certaine qu'il
disparaîtrait dans le groupe des trente ou
quarante députés de l'extrême gauche,
plus jeunes et plus valides que lui. Mais
nous savons aussi quel usage- et quel
abus les royalistes et les bonapartistes
feraient d'un tel épouvantail. Ils ont tra-
vaillé, sans pudeur à son élection ; ils la
valident par avance; ils ont déjà dressé
la liste des autres candidats qui doivent
lui succéder sous les yeux des popula-
tions ahuries. Et c'est pourquoi nous
supplions le gouvernement et la Chambre
non seulement d'user de leur droit en
- »
invalidant le premier des inéligibles ins-
crits, mais de remplir leur devoir en pro-
tégeant nos institutions contre l'émotion
Daturelle et légitime des républicains
conservateurs, et enfin de faire acte de
bonne politique, si la politique consiste
à prévoir le danger, à couper le mal dans
sa racine et à faire la part du feu dans
l'incendie d'une maison. Il faut, dans
la personne de Blanqui , séparer le
conspirateur désormais inoffensif du
député inéligible, menaçant et chef de
file. En autres termes, invalidons d'a-
bord, et gracions ensuite, mais seule-
ment le jour où la grâce n'entraînera
pas l'amnistie. Il importe à la Républi-
que que ni les insurgés du 31 octobre, ni
les chefs du comité central, ni les me-
neurs de la Commune ne soient jamais
réhabilités, en dépit de la loi, par un col-
lége d'arrondissement.
t ABOUT.
--.-.+ ;
Tout fait nombre
-
i- -
L'autre jour js lisais dans un journal
républioain. de la province, Y Indépen-
dant de Gien, une Dote dont je n'ai
plus le texte exact sous les yeux, mais
qui était à-peu près ainsi conçue :
Je, soussigné, déclare que l'un des col-
porteurs de la pétition contre la loi
Firry est venu me trouver au cabaret,
qu'il m'a embrouillé d'un tas d'histoires,
où'je n'ai rien compris, et, finalement,
m'a faitjsigner son papier. On m'a par
après expliqué la chose, si bien que je
suis très-fâché d'avoir donné ma signa-
ture. Elle ne doit pas compter puisque
je la retire. f
Suivait le nom du signataire, qui était,
je crois, Pernin. Au reste ce détail im-
porte assez peu dans l'espèce. La naïveté
de ce brave homme qui croit devoir
constatersa sottise en plein journal m'a
fait sourire, et je mè disais tout bas :
- Combien y en a-t-il qui n'ont pas la
même bonne foi 1 Que de gens ont dû si-
gner par erreur, par ignorance, sans sa-
voir ce qu'ils faisaient, et qui, éclairés
plus tard, n'ont pas eu le courage de se
rétracter publiquement 1
Tenez, à Epanncs, petit village ou gros
bourg du département des Deux- Sèvres,
le maire a eu l'idée de réunir deux de
ses conseillers municipaux, et trois ou
quatre propriétaires importants da pays
-j'ai les noms ; ratis je ne les donnerai
que s'il prenait envie aux feuilles dévo-
tes de contester le fait. L- Et tous ensem-
ble, Ils ont procédé à une enquête offi-
cieuse, non pas sur l'authenticité des si-
gnatures qui figuraient au bas de la pé-
tition contre la loi Ferry, ils savaient
parfaitement que ces signatures étaient
bonnes et, valables, mais sur la façon
dont elles avaient été recueillies, sur les
motifs qui avaient poussé les signataires
à mettre leur nom au bas de cet article.
C'était, vous l'avouerez, une curio-
sité fort légitime. Dans un petit pays,
tout le monde se connaît. lis n'igno-
raient donc pas que tel des signataires
professait des opinions qui auraient dû
lui interdire de prendre part à une mani-
festation cléricale. Comment s'était-il
laissé surprendre ? Pourquoi avait-il in-
fligé à ses convictions intimes ce démenti
public?
- Savez-vous, pour le dire en passant,
que ce maire de village nous a donné là
ua excellent exemple, et que cette idée
ingénieuse marque un homme d'esprit !
Plût à Dieu que l'on pût ainsi faire une
enquête sur chacun des noms qui s'ali-
gnent en files innombrables sous le texte
de ces pétitions épiscopales 1 Ah ! si l'on
pesait les suffrages au lieu de les comp-
ter 1 Mais tout fait nombre, comme dit La
Fontaine.
J'ai entre les mains le procès-verbal
de cette enquête. J'y trouve des pièces
bien piquantes. Permettez-moi de vous
en transcrire quelques-unes.
Un des signataires de la pétition, inter-
rogé par cette commission, écrit et signe
la déclaration suivante, dont je possède
l'original ;
M. le curé s'est présenté chez moi, en me
disant quil donnait dix mille francs à calul
qui signait ses pétitions. Après m'avolr dit
que c'était une plaisanterie, 11 ajouta qu'il
m'apportait une pétition pour l'instruction
obligatoIre; qu'on voulait qas les enfants all-
lent à l'école jusque l'âle de vingt ans, et
que si je voulais envoyer mes enfants à l'é-
cole chez lui ou chez les religieuses, je ne le
pourrais pas, et encore que je ne pourrais
pas las oi-voyer dans les écoles voiïiaes. C'est
ce qui m'a décidé à signer.
Signé : Jacquss PELAUD.
Saisissez-vous le truc? Cet honnête
curé sait que les paysans ftnt besoin des
services de leurs enfants, et qu'ils tien-
nent à en être privés le moins longtemps
possible par l'école. Il affirme donc bra-
vemeot que la loi nouvelle forcera les
pères de fournie à laisser leurs fils sur les
bancs jusqu'à la vingtième - année. C'est -
ce qu'on appelle un mensonge pieux.
Autre déposition :
M. Moreau Faucher, interrogé sur les
motifs qui l'avaient déterminé à donner
sa signature, a déclaré ce qui suit :
Le curé m'a dit qu'on voulait entraver la
liberté de l'enseignement; que si, moi, Mo-
reau, je voulais envoyer mes enfants chez lui,
curé, je ne le pourrais pas. que je ne pour-
rais pas envoyer mes enfants à l'école dans
une autre commune, qu'avec l'instruction
obligatoire les enfants seront obligés de res-
ter à l'école, et dans l'école du pays, jusqu'à
quinze ou seize ans.
Un ami du curé, le sieur Richard René, m'a
dit aussi : Vous avez une tante religieuse ;
on va supprimer toutes les congrégations, et
votre tante reviendra chez vous. Alors j'ai
signé.
N'est-ce pas de la bonne, de l'excel-
lente comédie ? On avait près de celui-ci
pèrdu sa peine en lui présentant les con-
sidérations qui avaient suffi à décider
l'autre. Il fallait trouver un autre argu-
ment. L'argument de la taute est une mer-
veille d'ingéniosité. Votre tante, la reli-
gieuse, va vous retomber sur les bras.—
« Ah ! fichtre ! signons vite ! » Il signe et le
tour est joué ; tout fait nombre.
Suivent d'autres dépositions, qui rela-
tent toutes les mêmes propos tenus par
l'oint à ses innocentes ouailles.
- J'en détache une, qui m'a semblé bien
plaisante ; elle montre le service que rend
dans les campagnes le journalisme répu-
blicain. ,
Déclaration de M. Léon Durand :
Le curé s'est adressé à mol en ces termes :
— Voulez-vous signer ma pétition? C'est
dans l'intérêt de vos enfants, que vous ne
pourriez pas envoyer à l'école où 11 vous
pltliratt. *
Alors j'ai répondu :
— Je ne veux pas prendre communication
de vos écrits ; c'est de la politique, et vous
n'avez pas droit de la faire, vous, curé.
Alors 11 m'a dit :
— Mais non, ca n'est pas delà politique.
Ce n'est pas de la politique ; et vous
me montrez à l'appui de votre dire, un sale
journal bonapartiste (sic). Allez me chercher
te journal républicain du pays ; s'il dit la
même chose, je signerai.
Le curé, cOLfas, s'est retiré.
Noire éminent confrère, M. Emile de
Girardin, reconnaîtra bien cette fois peut-
être que le journalisme n'est pas aussi
impuissant et inutile qu'il veut bien le
dire.
Je termine ces emprunts par une der-
nière citation. C'est une délicieuse scène
d'Henri Monnier : rien de plus drôle que
l'astuce et la malice du vieux paysan traî-
nant son curé et se moquant de lui.
Déposition du cultivateur François Braut
Nous étions en train de diner, deux amis et
moi, à la maison ; nous attendions un quatriè-
me. Voilà qu'on frappe à la porte. Comme
nous avons cru que c'était ce farceur, nous
D'avon pas répondu la première fois. A la se-
conde, Damour a crié : « Entre donc, fils de
g. et fais pas tant de façons. »
Nous avons .été attrapés quand nous avons
vu que c'était le curé. Nous nous sommes ex-
cusés ; ii a dit : « Ce n'est rien, ce n'est rien.
Je vous apporte une pétition à signer. » Il
nous a dit qu'il s'agissait des frères, que l'on
voulait supprimer. Ce que la pétition empê-
cherait.
Nous avons répondu que nous nous en f.
pas mal, quë4e* affaires du curé ne nous re-
gardaient pas ; que nous ne voulions pas si-
gner.
Le 'curé insista vivement.
C'est alors qu'en plaisantant j'offris un
verre de-via au curé et que je lui dis : Buvez
un coup, après nous verrons. Le curé dît : Si
je bois, signerez-vous. — Peut-êtra)ul répon-
dis je enrlamt.
Alors Damour lui vsrsa un grand verre de
vin rouge, qu'il avala aprè s'y être repris à
plusieurs fois, ce qui nous lit rire.
Alors, il me tendit la plume pour signer.
Je lui dis :
— Il ne fait pas assez clair; repassez de-
main.
Les autres firent comme mol.
Alors il nous dit que nous avions tort; alors
je lui dis :
— Monsieur le curé, je suis républlcaln;
j'ai un fils soldat au service de la République;
il verserait pour elle son sang au besoin;
mais ici, je dois la soutenir comme citoyen.
Voilà pourquoi je ne signerai pas sans avoir
réfléchi.
Le curé se retira en me disant qu'il revien-
drait le lendemain. Je lui dis : Si vous voulez!
Le lendemain il revint ; je lui dis que la
main me tremblait.
Pour la troisième fols, le mardi 15, le curé
revint à la charge, se plaignant que je n'é-
tais pas de parole.
Je refusai encore de signer, en lui disant
que je ne voyais sur son papier aucune si-
gnature républicaine.
— Laissez moi la paix, lui d!s j9.
Et II ne revint plus. , -
Est-ce que ces peintures naïves, disons
mieux, est-ce que ces photographies de
la réalité ne vous en apprennent pas plus
long sur la valeur de ce pétitionnement
que les plus belles phrases du monde?
FRANCISQUE SARCIT.
- ——————- .————— ——
SL
MAISON DE CORRECTION
J'aurais bien envie de faire un peu le
moraliste aujourd'hui. Vous avez lu hier
dans le journal l'histoire de ces deux en-
fants de douze ans qui viennent de com-
paraître en police correctionnelle. Ils
avaient causé la mortd'un;de leurs cama-
rades, et,au sujet de cette mort,bien des
bruits avaient couru à travers la presse.
On avait parlé de dépravation aussi
monstrueuse que précoce, on avait parlé
d'assassinat. Je ne sais plus quel journal
avait même imprimé qu'il était réservé
à la République de nous montrer des
assassins de douze ans. La haine prend
son bien où elle croit le trouver.
Enquête faite, il s'est trouvé heureu-
sement qu'il n'y avait dans l'affaire ni
crime ni débauche. Il y avait eu seule-
ment, et c'est déjà trop, un de ces jeux
féroces comme les enfants en imaginent
si aisément. Voyant venir à eux leur petit
camarade le cou entouré d'un cache-nez,
ils avaient eu l'idée de tirer le cache-nez
chacun par une extrémité, s'amusant à
faire tourner le malheureux ; ils avaient
prolongé si bien la plaisanterie que le pau-
vre enfant était tombé étranglé. Le voyant
à terre, sans mouvement, la langue pen-
dante et la face violette, la peur les avait
pris, et ils s'étaient enfuis. Arrêtés bien-
! tôt, ils avaient commencé par nier, mais
le commissaire de police avait eu vite
I raison de leurs dénégations maladroites
<
et contradictoires. II ne leur était plus
resté qu'à avouer la vérité. ,',
Ils ont comparu devant la police cor-
rectionnelle et le tribunal a déclaré qu'ils
avaient agi sans discernement. Quand
leur âge n'eût point motivé ce jugement,-
il ne pouvait faire doute, vu les faits de
la cause. Seulement, le tribunal a ordon-
né, en même temps, que les deux en-
fants seraient, jusqu'à leur majorité, en-
fermés dans une maison de correc-
tion..
C'est sur ce dernier point que je vou-
drais présenter quelques observations.
Sans doute le jeu était barbare, et la con-
séquence en a été douloureusement irré-
parable. N'est-ce pas une peine bien dure
cependant que ces huit années de mai-
son de correction infligées aux coupa-
bles? L'homicide par imprudence, plus
grave assurément de la part d'un majeur,
serait moins rigoureusement puni.
Que craignez-vous? Qu'ils recommen
cent? Ah ! je vous jure bien qu'ils ne re-
commenceront pas. Ils ont reçu là une
terrible leçon, et que de leu, vie ils
n'oublieront.
Ils ont menti d'abord, dira-t-on, quand
on les a interrogés, et prouvé ainsi qu'ils
sont des enfants vicieux ? — Hé 1 COIÛJ
bien d'enfants n'auraient pas menti
d'abord en semblable circonstance, épou-
vantés de leur action, effrayés des res-
ponsabilités ineoanues qu'elles pouvaient
entraîner pour eux ? Leur premier mou-
vement, et ils l'ont dit, a été de croire
qu'on les tuerait probablement eux-mê-
mes si la vérité venait à être découverte.'
Mais, au fond, aucune de ces raison^
n'est l'argument que je veux invoquert
L'argument sérieux, le voici : -
Qu'est-ce qu'une maison' de correc-
tion ? C'est l'endroit où l'on détient jus-*
qu'à la vingtième année tous les enfants
qui ont volé, frappé, commis des actes
féroces ou criminels, et que leur âge no
permet pas d'envoyer en prison. La mai-
son de correction, c'est le réceptacle des
enfants vicieux et dépravés d'une géné-
ration. On l'a dit depuis longtemps, c'est
l'école du crime et la pépinière du bagne.
La sarveillance la plus attentive, la di-
rection ou sévère ou paternelle des
meilleurs y font peu de chose, on le,
sait. La contagion déprave ceux que la:
fatalité du tempérament n'avait pas déjà
perdus. On ne sort guère de la maison de
correction qiie pour entrer dans la pri-
son ; la statistique est là pour le démon-
trer.
* Eh bien ! voilà deux enfants de douze
ans ; ils ont été cause, sans doute, d'un -
mal irrémédiable et cruel. Mais enfin rien
ne prouve qu'ils soient faits pour être ni
des assassins, ni des voleurs. Or, qu'al-
lez-vous faire? Vous allez les enfermer
pendant huit années dans une sentine
impure : ils en sortiront flétris morale- -
ment et physiquement peut-être par
la société où ils auront passé leurs
années d'adolescence, flétris socialement
par ce nom de la maison de correction,
qui restera attaché à leur personne. Lais-
sés à leur familles, grandissant au milieu
de leurs camarades, ils auraient autant
de chance que tous les autres enfants de
leur génération de faire plus tard d'hon-
nêtes ouvriers. C'est bien assez du sou-
venir terrible'qui restera le remords de
toute leur vie. S'ils restent dans les mai-
sons de correction, c'est à vous-mêmes
que je demande en quel état ils en sor-
tiront et quel est l'avenir qui les at- i
tend?.
CHARLES BIGOT.
;) -
INFORMATIONS
..-..:--- x
La reine d'Angleterre, venant d'Italie,
arrivera à Paris aujoard'huljeudi, et des-
cendra à l'ambassade anglaise, où elle pas-
sera la nuit.
Demain la reine se rendra à Cherbourg,
où l'attend le navire qui doit la ramener
avec sa suite en Angleterre.
M. Rousseau, directeur de la navigation
au ministère des travaux publics, ayant
manifesté le désir de rester à la tête de
cette direction, malgré les propositions qui
lui avaient été faites par M. da Freycinet,
le plan de réorganisation des services pla-
cés précédemment sous la direction de M.
Guvinot, démissionnaire, a été. au moins
temporairement, modifié, et la combinai- ',
son que nous avions indiquée a échoué en
partie. *
, Le ministre des travaux publics a pris,
à la date du 22 avril un arrêté aux termes
duquel le chef du cabinet et le chef de la
division du personnel rempliront, jusqu'à
décision contraire, chacun pour les affaires
de son service, les attributions du direc-
teur du cabinet et du personnel.
Ainsi que nous l'avions fait prévoir, par
arrêté du même jour, M. Rabel, ingénieur
des ponts et chaussées, chef adjoint da
cabinet du ministre, a été nommé chef du
cabinet.
Il est toujours question néanmoins d'é-
riger en directions distinctes les divisions
du personnel et de la comptabilité.
Nous avons lieu de croire aussi qu'avant
peu de temps, la direction de la navigation
sera augmentée d'une division nouvelle,
celle des services hydrauliques.
Nous avons dit que le traité de commerce
actuel entre la France et l'Angleterre al-
lait être prorogé de six mois. Voici, d'a-
près le Temps, l'état, exact de la ques-
tion ;
« Le gouvernement français, prévoyant
que peut être le parlement n'aura pas
achevé de discuter et de voter, au 31 dé-
cembre prochain, le tarif général des
douanes, a entamé avec l'Angleterre des
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