Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-02-12
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 février 1879 12 février 1879
Description : 1879/02/12 (A9,N2611). 1879/02/12 (A9,N2611).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
Neuvième Année. N. 26H.
Prix du Numéro à Paris : 15 Centimos. — Bépartements : 20 Centimes.
Mercredi 12 Février 1879;
- ~m
E
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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BULLETIN
Paris, 11 Février 1879.
On trouvera plus loin l'analyse du traité
russo-turc signé hier à Constantinople.
Cette analyse, bien incomplète encore,
nous renseigne tout au moins sur un
point intéressant, c'est-à-dire sur le mon-
tant de l'indemnité, ou plutôt des indem-
nités que la Turquie devra payer à la Rus-
sie. Il y a, en effet, trois indemnités dif-
férentes : l'indemnité de guerre, fixée
au chiffre de 802 millions 500,000 francs,
dont le mode de paiement et la garantie
seront fixés ultérieurement entre les deux
Etats. Une seconde indemnité de 26 mil-
lions et demi destinée aux Russes établis
en Turquie et qui ont souffert de la guerre;
ce chiffre est un maximum; les récla-
mations des sujets russes, qui devront
être produites dans le délai d'une année,
seront examinées par une commission
russe , assistée d'un délégué ottoman ;
cette indemnité devra être payée par la
Porte dans un délai de deux années. En-
fin, le traité stipule le remboursement
en sept années et en vingt-et un, termes
des frais d'entretien des prisonniers turcs
jusqu'à la conclusion du traité de Berlin.
Le chiffre de cette dernière indemnité
n'est pas fixé. En tout cas, la Porte s'est
engagée à rembourser une somme d'une
trentaine de millions dans un délai de
deux ans, et il est difficile de dire où
elle prendra l'argent nécessaire pour faire
face à ces dépenses. Quant aux huit cents
millions"chifCre de l'indemnité principale,
il est certain qu'elle ne pourra pas les
payer de bien longtemps, si elle y arrive
jamais. Il est probable, d'ailleurs, que la
Russie ne compte en aucune façon sur ce
paiement, mais il n'en est pas moins vrai
que cette somme, toujours exigible, lui
permettra d'intervenir quand bon lui sem-
blera dans les affaires de la Turquie.
La Russie s'engage à évacuer dans le
délai de trente-cinq jours la Roumélie
turque, qu'il ne faut pas confondre avec la
Roumélie orientale. Le délai pour l'éva-
cuation de cette dernière province a été
fixé par le traité de Berlin, et n'expire que
neuf mois après la conclusion de ce tiaité,
soit dans les premiers jours d'avril. Le gou-
vernement russe prend ses dispositions
pour évacuer immédiatement la Roumélie
turque, et il tiendra sans doute la main à
ce que cette opération se fasse très rapide-
ment pour répondre à ceux qui l'accusent
de ne pas vouloir exécuter le traité de Ber-
lin. Il faut espérer que de son côté la Porte
a pris les dispositions nécessaires pour évi-
ter des soulèvements et des massacres
dans la province, qui va se trouver
en quelque sorte livrée à elle-même. Ce
point est d'autant plus important qu'au
mois de septembre dernier un premier
essai d'évacuation par les Russes a été in-
terrompu à la suite de désordres qui
avaient eu lieu lors du retrait des troupes.
La commission gréco-turque s'est réu-
nie de nouveau à Preveza. Les commissai-
res turcs refusent de négocier sur les
bases du traité de Berlin : s'ils persistent,
la médiation des puissances deviendra
inévitable.
On dément que le ministre allemand à
Copenhague ait présenté ses lettres de
rappel. Une dépêche adressée au Morning
Post dit même qu'à la suite de l'abroga-
tion de l'article 5 du traité de Prague le
gouvernement allemand serait disposé à
faire au Danemark une proposition d'ar-
rangement amical sur la question du
Sleswig. Nous le voulons croire. Nous
ferons remarquer cependant que la Ga-
zette de l'Allemagne du Nord déclarait
il y a quelques jours que, « depuis la ra-
tification de la convention austro-alle-
mande du ii octobre dernier, la question
du Sleswig-Nord n'existe plus, cette ques-
tion ayant trouvé une solution aussi défi-
nitive que possible dans ladite conven-
tion. » Or, ce langage ne prête à aucune
équivoque.
E. BARBIER.
———— ♦ -————.
8ou. Pour la
PETITE BOURSE DU SOIR
8010. 77 fr. 45.
5 0,0 113 fr. 03 3/4, 02 1/2.
Tnro 13 fr. 13 fr. 15, 05.
Banque ottomane.. 496 fr. 87, 494 fr. 37.
Egypte 238 fr. 12,237 fr. 50.
Chemins égyptiens. 351 fr. 25.
Hongrois 71 fr. 5/8, 3/4.
Russe 1877 85 fr. 7/8.
Italien, 74 fr. 30.
—4»
Le ministère vient de prendre une dé-
cision qui était attendue avec impatience
par ses amis et qui aurait dû, selon nous,
être encore plus rapide.
Le 8 février, un nouveau journal qui
s'intitule la Révolution française a an-
noncé, par une audacieuse violation de
la loi, qu'il s'était adjoint pour colla-
borateurs cinq anciens membres de la
Commune.
Avant-hier 9, cette collaboration a été
inaugurée par un article de M. Jules Val-
lès, en forme de lettre au président de la
République. Apologie du passé, menaces
pour l'avenir, rien n'y manque. L'auteur
nous y prédit, eR style révolutionnaire
romantique, que « ce n'est pas fini du
canon 1 »
Hier 10, le même journal imprimait une
lettre d'un ci-devant ingénieur militaire
de la Commune, qui donne, par manière
de défi, son nom, son adresse, et qui dit
ceci : « Puisque le gouvernement de la
République recule devant la proclamation
de l'amnistie, puisqu'il persiste à qualifier
de criminels et à considérer comme tels
les citoyens qui, par leur dévouement,
ont, en 1871, sauvé la République, c'est
à ces criminels qu'appartient le droit de
proclamer l'amnistie de facto. Je prêche
d'exemple et, dès aujourd'hui, comme
don de joyeux avènement et en l'honneur
de l'élection d'un président de la Répu-
blique honuêtement républicain, je me
déclare amnistié de fait. »
Depuis deux jours, nous attendions un
acte vigoureux du ministère. Car ce qui
se passe a de la gravité.
Il nous est souverainement indifférent
que MM. Jules Vallès, Jourde, Lefrançais
et consorts écrivent ou n'écrivent point
dans un journal quelconque.
Mais ce que nous trouvons dangereux,
humiliant et douloureux, c'est qu'ils
écrivent publiquement, sans masque, au
mépris flagrant de la loi qu'ils soufflet-
tent et du gouvernement qu'ils injurient.
Ce que nous trouvons dangereux, hu-
miliant et douloureux, c'est qu'un con-
tumax imprime à Paris, dans un jour-
nal, cette bravade: « Si vous ne m'amnis-
tiez pas, je m'amnistie moi-même I Je
demeure à Paris, telle rue, tel numéro,
venez m'y prendre 1 »
Et qu'on ne nous accuse pas de férocité
à l'égard des vaincus de la Commune.
Nous ne sommes animés que d'un im-
mense sentiment de pitié pour les pau-
vres diables, chair à canon du 18 Mars,
qui se faisaient trouer la peau sur les
barricades, tandis que les galonnés et les
beaux parleurs ont su trouver de sûrs
asiles loin du feu, loin des prisons de l'O-
rangerie, loin de Nouméa.
Nous avons dit : « C'est bien ! » quand
le ministère Dufaure a présenté aux
Chambres un projet de loi en vertu du-
quel grâce était faite au plus grand
nombre.
Et quand le ministère actuel déposera
le projet de loi qui doit transformer la
grâce en amnistie, nous dirons : « C'est
mieux 1 »
Nous accueillerons les égarés à bras
ouverts, nous les aiderons, nous nous
emplo erons à leur procurer du travail,
des subsides, et il ne tiendra pas à nous
que toutes les douleurs ne s'apaisent,
que les dernières traces des discordes
civiles ne soient effacées.
Mais les virtuoses de l'incendie et de
l'assassinat? Mais les bandits de let-
tres, qui savent, eux, le mal qu'ils
font, et pour qui la guerre civile n'est
qu'un moyen de parvenir?
Arrière 1 Ils se sont mis, ceux-là, hors
la loi; qu'ils y restent! La clémence de
la République ne s'étend pas aux ré-
voltés.
EUG. LIÉBERT.
!. !.. -
LE CLASSEMENT DES PARTIS
Aussi longtemps que la République a
traîné une vie précaire, sous la menace
des intrigues cléricales et des coups de
main bonapartistes, nous avons cru, nous
avons dit, nous avons imprimé qu'il fal-
lait maintenir à tout prix l'union de tou-
tes les gauches. C'est que vraiment nous
n'étions pas trop, à nous tous, pour ré-
sister à la coalition monarchique. Les
tiédes, d'un côté, et les intransigeants,
de l'autre, faisaient nombre ; ils luttaient
bien ou mal, mais utilement, sur les deux
ailes de notre armée. Nous ne voulons
ni contester, ni déprécier leurs services,
et jamais nous ne pourrons oublier, quoi
qu'il advienne, le bon combat qu'ils ont
combattu avec nous.
Mais il a toujours été entendu et nous
avons plus d'une fois déclaré nous-mê-
mes, dans les termes les plus explicites,
que la victoire définitive appellerait dans
la France républicaine un classement des
partis. Je dis un classement, rien de
moins, rien de plus, et c'est le grand
avantage que nous avons aux yeux de la
nation sur nos adversaires du24 mai 1873
et du 16 mai 1877. Si nous avions été
vaincus, trois dynasties, armées jus-
qu'aux dents, se disputeraient aujour-
d'hui la France comme une proie. Notre
victoire, en assurant au pays la libre pos-
session de lui-même, ne laisse qu'une
seule question en suspens : la Répu-
blique sera-t-elle menée dans le plus
droit chemin par ses citoyens les plus
sages, ou se lancera-t-elle au hasard
dans les chemins de traverse, à la suite
de quelques esprits aventureux et pas-
sionnés?
Ce problème, qui n'était pas posé il y
a quinze jours, s'impose à l'heure pré-
sente. Un pèuple de trente-six millions
d'hommes ne peut pas vivre en l'air; il a
besoin de savoir si son lendemain sera
fait d'ordre, de paix et de logique, ou de
fantaisie, de conflit et de violence ; il est
tenu de rassurer les Etats voisins par sa
sagesse et sa modération. Notre sécurité
au dedans et au dehors est à ce prix.
Nous sommes persuadés, quant à
nous, que la République fondée enfin par
les élections sénatoriales et l'avènement
de M. Jules Grévy est une République
sincèrement conservatrice ; que la majo-
rité du pays, la majorité du Sénat, la ma-
jorité de la Chambre et le gouvernement
tout entier sont décidés à fonder chez
nous un régime honnête et correct, res-
pectueux de tous les droits, supérieur à
toutes les violences, digne de l'estime
et de la sympathie de tous les peu-
ples civilisés. Et si l'ivresse d'un suc-
cès plus rapide que personne n'osait
l'espérer a troublé quelques têtes; si
des symptômes de désordre intellec-
tuel se sont produits vers l'extrême li-
mite du grand parti républicain ; si les
socialistes, les anarchistes, les sectaires
de couleur rouge, les débris des ces fac-
tions criminelles qui ont incendié Paris et
mis la France à deux doigts de sa perte
nous menacent d'un retour offensif, nous
les avertissons loyalement qu'ils nous
rencontreront aux avant postes.
Dansles Etats modernes, la presse n'est
que le quatrième pouvoir, quoique le
journaliste, appuyé sur l'estime de 80 ou
100,000 lecteurs quotidiens, ne soit pas
tout à fait, comme disait M. Rouher, une
individualité sans mandat. Mais nous ne
nous croyons pas irresponsables, et le
jour où nos concitoyens paraissent ou af-
folés ou simplement inquiets, un devoir
strict s'impose à notre conscience. Nous
nous sentons engagés d'honneur à prendre
l'initiative de la résistance, de même que
nous avons été naguère à la tête du mou-
vement. La guerre que nous avons faite
aux émigrés blancs, nous sommes prêts à
la recommencer contre les émigrés rou-
ges et leurs amis, quels qu'ils soient, fus-
sent-ils nos alliés d'hier. Et dans cette
nouvelle campagne aussi bien que dans
la dernière, nous sommes assurés d'avoir
la majorité du pays avec nous.
Le X/X" Siècle, journal républicain
conservateur, ne se séparera ni du
centre gauche, ni de la gauche, ni de
l'Union républicaine, où il compte beau-
coup d'excellents, de solides et de sages
amis. Il récuse absolument toute solida-
rité avec les sénateurs, les députés et les
écrivains de l'extrême gauche, quel que
soit son respect pour les convictions sin-
cères qui se trouvent dans tous les
partis.
A BOUT.
»
Nouvelles parlementaires
La commission qui examine la proposition
de loi de M. Edouard Millaud sur le colpor-
tage a longuement discuté cette proposition
et en a adopté les conclusions, qui sont iden-
tiques aux dispositions déjà édictées pour le
colportage des journaux :
La déclaration est substituée à l'autorisation
pour les livres, brochures, lithographies, etc.,
Tout citoyen a le droit de faire la déclara-
tion à la préfecture, et d'exiger un récépissé.
On ne prive de ce droit que ceux qui ont été
déjà condamnés pour vente ou distribution de
publications obscènes.
Cette loi avait déjà été présentée à l'Assem-
blée nationale. Elle était alors revêtue de 114
signatures, parmi lesquelles celles de plusieurs
membres du cabinet actuel et du président de
la Chambre.
La loi aurait pour conséquence la suppres-
sion de la eommicsion d'estampille.
*
• *
La commission de la loi sur l'état-major a
entendu hier le ministre de la guerre, et
adopté un rapport de M. Tézenas.
*
If..
La commission de l'instruction primaire a
tenu également séance. Elle a décidé qu'elle
proposerait que les Instituteurs et institutrices
soient divisés en trois ou quatre classes; que
l'avancement puisse avoir lieu sur place ; que
le tableau d'avancement soit dressé par les
Inspecteurs et Inspectrices primaires ; et enfin
que la direction départementale fasse les nos
m) nations.
Eile avait approuvé dans sa précédente séan-
ce une proposition de M. Labuze, tendant à
l'enseignement de l'hygiène dans les écoles.
» *
M. Gambetta assistait à la réunion de la
sous-commission du budget de la guerre, dans
laquelle on a entendu et adopté un rapport de
M. Martin-Feuillée sur le compte de liquida-
tion sur crédits extraordinaires (équipements
et fournitures), après avoir entendu les expli-
cations du ministre de la guerre.
*
* 9
On a décidé, dans la commission qui s'oe-
cupe de l'enseigntment départemental agri-
cole, que cet enseignement serait organisé
dans chaque commune trois ans après l'avoir
été dans les départements.
On sait que la loi votée par le.Sénat disait
que l'enseignement élémentaire de l'agricul-
ture et de l'horticulture serait obligatoire
dans les communes à partir de 1879, et qu'il
serait organisé dans les écoles normales dans
un délai de six années ; ce délai va être consi-
dérablement raccourci, et il est probable
qu'on exigera des professeurs le diplôme de
bachelier ès-sciences, ou un des diplômes
conférérés par l'institut agronomique et l'é-
cole de Grignon.
A. L.
Procès du 16 Mai
Deux questions préoccupent aujour-
d'hui l'opinion. La question d'amnistie,
le procès du 16 mai. Le XIXL Siècle vient
de dire ce qu'il pense au sujet de la pre-
mière : nous n'éprouvons pas plus d'em-
barras à nous expliquer sur la seconde ;
ou plutôt aux deux questions notre ré-
ponse est la même. Indulgence pour les
égarés, responsabilité pour les vrais
coupables.
La France attend avec impatience les
résultats de l'enquête ordonnée par la
Chambre sur les événements qui se sont
accomplis du 16 mai au 14 décembre
1877. La commission s'est livrée à de
longues et patientes recherches. Elle a
réuùi un ample dossier. Il faut mainte-
nant que son rapport soit déposé au plus
tôt. Si, comme trop de présomptions por-
tent à le croire, comme l'opinion en est
convaincue, les lois ont été violées ; si
des moyens interdits non pas seulement
parla droiture politique, mais aussi par la
constitution etle codeontétémisenusage
pour forcer la main à la nation ; si au
dernier moment on avait osé songer à un
coup de force devant lequel on n'a reculé
que par impuissance à le faire réussir :
nous demandons que la répression soit
ferme et que la Chambre et le Sénat
fassent leur devoir. Il ne faut pas qu, de
pareilles entreprises soient encouragées
par l'impunité. Nous ferons grâce aux pe-
tits, qui ont été les instruments d'un
crime politique; nous demandons que les
chefs reçoivent le châtiment qu'ils ont
mérité, non pas dans leurs personnes,
mais dans leurs droits politiques et au
besoin dans leur fortune. La justice
l'exige et la moralité publique le ré-
clame.
Ceux qui ont prêté leurs mains à un
attentat contre la souveraineté nationale
savaient à quoi ils s'engageaient; ils
savaient que de par la constitution ils
étaient responsables ; ils ont accepté
cette responsabilité sans hésiter. S'ils
ont abusé du pouvoir pour dépasser
leur droit et tomber sous l'application
du Code pénal, ils ne pourront accuser
qu'eux-mêmes lorsqu'ils porteront les
pénibles conséquences de leurs actions.
Lorsqu'on nous parle aujourd'hui de
passer l'éponge sur les actes qui se sont
accomplis il y a vingt mois à cette heu-
re, d'oublier ce qu'a été la France pen-
dant plus d'une demi-année —pendant
deux mois encore après qu'elle eut été
solennellement consultée — lorsqu'on
nous invite à donner le baiser de paix de
Lamourette à ceux qui ont entassé tant
de ruines et vexé à plaisir la nation, on
nous prend en vérité pour de plus grands
naïfs que nous ne sommes. La partie se-
rait charmante, ma foi ! d'en prendre ainsi
à son aise avec tous les droits des ci-
toyens, de compromettre le sort de la
patrie, puis quand, malgré toutes ses
peines, on à échoué, de retourner tran-
quillement à sa vie privée ou à son fau-
teuil, ici ou là, bien heureux, bien paisi-
ble, jusqu'à ce que se présente, un jour
ou l'autre, quelque occasion de recom-
mencer — toujours aux frais du pays.
Non pas, messieurs, non pas ; les entre-
prises politiques sont des entreprises sé-
rieuses et où tout le monde doit mettre
au jeu. Il faut que les lois soient obéies
et que la justice ait son cours aussi bien
avec les grands qu'avec les petits. C'est
dans une République surtout que le res-
pect de la loi est la base de l'ordre et la
garantie de la paix.
CHARLES BIGOT,
Le Charivari, citant quelques bonnes
bourdes du Pèlerin, petit journal hebdo-
madaire des jésuites, s'écriait hier :
« Le Pèlerin est décidément la bouteille
inépuisable du grotesque !.»
D'accord ; mais comment donc le rédac-
teur du Charivari n'a-t-il pas vu que « le
journal capucinant des loustics en sou-
tane » contient tous les dimanches des
illustrations de M. Cham ?
C'est l'affaire de M. Cham assurément de
prêter le concours de son crayon à qui lui
plaît. Mais quand on possède un collabora-
teur si pèlerinant, on devrait laisser le Pè-
lerin tranquille.
Nous sommes du reste heureux de sai-
sir cette occasion de faire à M. Cham un
bout de réclame ; et nous prévenons le
public que l'on trouve indifféremment les
spirituels croquis de ce dessinateur éclec-
tique dans le Pèlerin, feuille ultramon-
taine, et dans le libre-penseur Charivari.
O
LE TRAITÉ RUSSO-TURC
Constantinople, 9 février.
L'ensemble des stipulations passées entre la
Turquie et la Russie comprend : 1° le traité
de paix : 2° une note de la Russie à la Porte ;
30 un protocole ou annexe au traité, composé
de douze articles.
Les dispositions principales sont
Le rétablissement de la paix et des rela-
tions d'amitié entre les deux Etats ;
La reconnaissance que le traité de Berlin a
remplacé de plein droit les stipulations du
traité de San Stefano dont s'est occupé le con-
grès de Berlin ;
La déclaration que le présent traité règle
définitivement les points du traité de San-Ste-
fano non touchés par le congrès de Berlin ;
La fixation du chiffre de l'indemnité de
guerre à 802 millions 500,000 francs, indem-
nité dont le mode de paiement et la garantie
seront fixés ultérieurement entre les deux
Etats ;
La fixation à 26 millions 500,000 francs du
chiffre des sommes destinées à indemniser les
Russes établis en Turquie qui ont souffert de
la guerre et dont les réclamations ne pourront
être présentées que dans une année; ce paie-
ment aura lieu en deux années.
Remboursement en sept années et en vingt
un termes des frais t 'entretien des prison-
niers jusqu'à la conclusion du traité de Ber-
lin;
La faculté pour les habitants des pays cédés
à la Russie de vendre leurs propriétés et de
quitter le pays dans un délai de trois ans;
L'interdiction pour les deux gouvernements
de sévir contre ceux qui se seraient compro-
mis par leurs relations avec l'une ou l'autre
des armées ;
L'amnistie réciproque pleine et entière
pour tous les faits aatérieurs au traité ;
La remise en vigueur des anciens traités de
commerce et des capitulations entre la Russie
et la Turquie ;
L'échaDge des ratifications dans deux semai-
nes et plus tôt s'il est possible.
Par la note du prince Lobanoff, le gouver-
nement russe annonce à la Porte que les
troupes russes commenceront à se retirer du
territoire qu'elles occupent encore en dehors
de la Roumélie orientale et de la Bulgarie
aussitôt que l'échange des ratifications du
traité aura eu lieu. La note ajoute que cette
évacuation sera terminée dans un délai maxi-
mum de 35 jours.
Le protocole déclare :
i 0 Que la reconnaissance dans le traité ac-
tuel des stipulations du traité de Berlin n'im-
plique aucune innovation et n'en change pas
le caractère ni la portée.
20 Que la somme de 26 millions 500.000
francs, affectée à l'indemnité pour les domma-
ges causés par la guerre aux sujets russes,
est un maximum, et que les réclamations se-
ront examinées par une commission russe à
laquelle prendra part un délégué ottoman.
30 Que l'article du traité de San Stefano re-
latif aux Indemnités de guerre que pourraient
réclamer la Roumanie, la Serbie et le Monté-
negro est motivé par l'indépendance des
Etats, que cette nouvelle situation ne permet
plus de traiter pour eux et qu'ils restent libres
de s'entendre à cet égard avec la Porte.
4° Que l'amnistie n'empêche pas chaque
Etat de prendre des mesures de police con-
tre les personnes qui pourraient être dange-
reuses.
Le secrétaire du prjnee- Lobanofi est parti
pour Saint Pétersbourg, porteur de l'instru-
ment de paix sigaé hier.
Constanliaople, 9 février, soir.
La signature du traité turco-russe avait été
retardée à cause du paragraphe 'relatif à l'é-
vacuatioa des troupes russes du territoire
turc. On trouvait ce paragraphe trop élasti-
que, il était ainsi conçu : « L'évacuation des
troupes russes commencera immédiatement
après la signature du traité et devra être ter-
minée dans l'espace de 35 jours, sauf dans le
cas de circonstances indépendantes de la vo-
lonté des Russes. » il a été ainsi modifié.
sauf dans le cas dempêchements matériels.
Les Russes ont commencé aujourd'hui
leurs préparatifs do retraite.
Une dépêche d'Andrinople, datée d'aujour-
d'hui, porte que Réouf pacha, gouverneur de
cette ville, partira demain d'Andrinople pour
faire réoccuper par l'administration et les
troupes turques les localités évacuées par les
Russes.
Une lettre de Phllippopoli annonce de
bonne source que les Russes ont armé 80,000
Bulgares, qui sont décidés à se révolter après
l'évacuation des,Russes.
Drummond Wolf a offert sa démission de
membre de la commission de la Roumélie
orientale, à cause des entraves apportées par
les autorités russes à la mission de cette
commission.
P
Puclica; pudicè tractanda
Il y a un an environ, un de nos plus
sympathiques députés, notre ancien ca-
marade d'école, qui est resté l'un de nos
bons amis. ma foi! je ne sais pas pour-
quoi je ne le nommerais point; l'histoire
que j'ai à conter aujourd'hui ne peut que
lui faire honneur : c'est Duvaux. Du-
vaux, en même temps qu'il est député et
conseiller général de son département,
est, comme il convient à un ancien uni-
versitaire, délégué cantonal pour l'ins-
truction primaire. Toutes les questions
qui intéressent l'enseignement lui sont
familières et il s'en occupe avec pas-
sion.
Or, il arriva qu'un jour, dans ses tour-
nées d'inspection, il entra à l'Ecole su-
périeure des jeunes filles de Nancy. C'est
une école normale où se forment les ins-
titutrices. Il se fit représenter les livres,
les cahiers de classe, les rédactions, afin
d'y jeter un coup d'œil. Il examina les
devoirs du jour.
Parmi ces compositions qui passèrent
ainsi sous ses yeux, il y en avait un lot
qui attira tout de suite ses yeux et son
attention.
C'étaient des rédactions faites par les
élèves à la suite du cours d'instruction
religieuse. Ces rédactions traitaient du
sixième et du'neuviàme commandement :
Luxurieux point ne seras
De corps ni de consentement,
et
L'œuvre de chair ne désireras
Qu'en mariage seulement.
Il en parcourut quelques-unes avec un
sentiment de surprise qu'il ne put s'em-
pêcher de témoigaer à la directrice.
— Ce sont, demanda-t-il, ces jeunes
personnes, que j'ai là en ce moment de-
vant moi, qui ont écrit ces commen-
taires ?
— Assurément, monsieur.
— Et qui est-ce qui est chargé de faire
le cours dont les rédactions me passent
en ce moment sous les yeux ?
— Mais un prêtre, monsieur.
— J'entends bien. Un vieux prêtre, ap-
paremment ?
— Non, monsieur, c'est un tout jeune
vicaire.
— A^i !
Ce ah ! voulait dire : Comment ! c'est
un tout jeune homme qui parle de toutes
ces choses à de jeunes filles, et qui en
parle avec ce luxe de détails ! Cela est-il
possible?
Et le fait est que j'ai sous les yeux, à
cette heure, une des rédactions que lisait
mon ami Duvaux; elle est bien étonnante
si l'on songe que cette composition a été
écrite par une jeune fille de seize ans,
sur des notes prises à une conférence
qu'avait faite devant elle un jeune et so-
lide gaillard de vingt-huit.
Me sera-t-il permis d'en citer quelques
extraits ? Et si je le fais, c'est que cette
composition est devenue une pièce offi-
cielle, qui a servi de point de départ à
une instruction :
Différentes manières de commettre ce pé-
ché :
On peut pécher contre la pureté de cinq
manières dIfférentes: par action, par paroles,
par regards, par désirs, par pensées.
Par action :
On peut pécher par action de trois maniè-
res :
1° Quand on commet l'acte qui n'est permis
que dans le mariage : l'œuvre de chair ne dé-
sireras qu'en mariage seulement. Ce péché
prend différents noms selon les personnes
avec lesquelles on la commet : fornication
avec une personne non mariée,adultère avec
une personne mariée, inceste avec ses
parents, sacrilège avec une personne consa-
crée à Dieu. En confession, il ne suffit pas de
déclarer avoir commis ce péché, Il faut en-
core spécifier le cas.
2° Par des baisers lascifs faits en vue d'un
plaisir sensuel. Si ce péché n'est pas toujours
mortel, 11 n'y a pas de doute que ce soit s'ex-
poser gravement à en commettre de plus gra-
ves.
3° Par des attouchements soit sur sol-
même, soit sur d'autres parsonnes faits en
vue du plaisir sensuel, et il faut spécifier en
confession les circonstances qui changent
l'espèce du péché.
Etc.
Je ne vois pate qu'il y ait nécessité de
reproduire plus au long cette copie d'é-
lève écrite par une jeune vierge de seize
ans, sous la dictée d'un robuste et aima-
ble confesseur de vingt-cinq. Je ne crois
pas qu'il y ait une mère de famille qui
n'ait déjà fait ses réflexions.
Duvaux s'empara de ces rédactions et
les remit à l'inspecteur primaire, qui
était précisément, par grand hasard, un
universitaire animé de l'esprit le plus
libéral, notre camarade et ami Boissière,
aujourd'hui recteur à Chambéry. Mais
Boissière ne jouissait alors d'aucun cré-
dit et n'avait aucun pouvoir; il ne put
que s'indigner en chambre. Duvaux porta
l'affaire devant le conseil général du dé-
partement. Elle fit un certain bruit, on la
déféra à monseigneur, qui, pour consoler
et récompenser ce jeune et bel abatteur de
quilles, le nomma à une belle cure, où il
enseigne à cette heure tous les secrets du
sixième et du neuvième commandement
aux petites filles de la paroisse.
Vaaiment, quand on me conte ces in-
vraisemblables histoires, j'ai plus envie
de plaindre ces jeunes prêtres que de
m'irriter contre eux. Ainsi voilà des hom-
mes dans la force de l'âge, tirés pour la
plupart de la charrue, dont le sang est
chaud et impétueux, qui sont de solides
et robustes gaillards ; on leur fait une loi
de la continence. Il semblerait sage tout
au moins de les écarter soigneusement
de toute occasion prochaine de défail-
lance.
Point du tout : on leur confie, on leur
remet entre les mains, on leur livre de
jeunes filles ignorantes et pudiques, sur
lesquelles ils exercent naturellement
cette influence que leur donne le carac-
tère sacré dont ils sont revêtus, influence
qui va trop souvent jusqu'à la fascination.
Et de quoi causent-ils avec elles ? de tou-
tes sortes de choses qui ne sont rien
moins que chastes, et vous pouvez voir
par ce qu'ils leur disent en public ce qu'ils
peuvent leur chuchoter à l'oreille, dans
l'ombre du confessionnal. 1
Et l'on s'étonne ensuite des histoires
comme celle de monsignor Maret,
l'estimable curé du Vésinet. Mais ce qui
est inouï, c'est qu'il n'éclate pas un plus
grand nombre de scandales. Car ces mê-
mes mères, qui ne permettraient peut-
être pas à un vieil ami de la famille de
donner dans la rue le bras à leur fille,
l'envoient chez un jeune vicaire, bien
râblé et ardent, chez qui l'éducation qu'il
a reçue au séminaire a dès longtemps al-
lumé l'imagination et les sens. Car nous
savons le livre dont on nourrit leur
dernière année d'enseignement. Ce li-
vre traîne leur pensée sur les images
les plus vives de la volupté, et leur ouvre
une foule d'arcanes immondes, où l'on
ne peut pénétrer qu'à l'aide du latin, qui
dans ses mots brave l'honnêteté. Quoi de
surprenant si beaucoup ont un penchant
invincible à lever, devant les âmes igno-
rantes et naïves qu'on leur confie impru-
demment, ces voiles mystérieux, que leur
sang échauffé leur conseille de déchirer
tout à fait?
Et qu'on ne vienne pas me dire que ce
jeune vicaire faisait, après tout, son mé-
tier de catéchiste; qu'il était bien obligé,
par son ministère, de donner aux enfants
des explications sur les commandements
de Dieu ; il y a des sujets qu'il ne faut
traiter qu'avec une grande réserve et
d'une main très délicate. On consulta
jadis la cour romaine sur un de ces abo-
minables cas de conscience où se com-
plaisait, au temps de Pascal, l'imagina-
tion débridée et pervertie des jésuites.
On voulait savoir si tel mode de plaisir
était péché mortel ou véniel. Le pape,
qui était un homme d'esprit, se contenta
de répondre : Pudicja, pudicè tractanda.
Il ne faut toucher aux choses qui inté-
ressent la pudeur qu'avec une pudique
réserve.
Ce devrait être la règle du clergé fran-
çais.
On est trop heureux, maintenant, quand
ces messieurs ne joignent pas aux leçons
orales des démonstrations plus effi-
caces 1
FSANGISQUI SARCST.
———————— ♦ ————————.
L'Enseignement congréganiste
L'Echo du Nord nous annonce que le
tribunal de Douai a condamné, samedi, à
50 francs n'amende et aux frais le sieur
Caron, dit frère Ezéchiel, directeur de l'E-
cole primaire communale Saint-Nicolas,
à Douai, pour corrections corporelles sur
ses élèves.
Un arrêté préfectoral du 4 février sus-
pend de leurs fonctions, pour le même
motif, le frère Ezéchiel durant six mois,
et son adjoint, le sieur Sahuc, dit-frère
NaHe-Noël, durant quinze jours.
.0
INFORMA TIONS
L'agence Havas annonce que le gérant
du journal la Révolution française est
poursuivi pour publication d'articles trai-
tant de matières politiques et émanant de
Jules Vallès et d'Arthur Arnould, con-
damnés à des peines afflictives et infa-
mantes.
Cette affaire viendra devant la huitième
chambre correctionnelle, le vendredi 14
février prochain.
M. Le Royer, ministre de la justice, a
eu, ce matin, une conférence avec M. de
Marcère, au ministère de l'intérieur, au
sujet de l'amnistie.
Les ministres, dit le National, sont tom-
bés d'accord pour déposer un projet am-
nistiant tous les condamnés pour faits re-
latifs à la Commune qui ont été ou qui
seront graciés. — Ne seront exclus de
l'amnistie que les condamnés pour crimes
de droit commun.
La démisssion de M. Andral, vice-présm
dent du conseil d'Etat, a été acceptée.
En conséquence, et jusqu'à ce qu'il soit
pourvu à son remplacement, le plus an-
Prix du Numéro à Paris : 15 Centimos. — Bépartements : 20 Centimes.
Mercredi 12 Février 1879;
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E
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédactioa
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6, Place de la Bourse, 6
BULLETIN
Paris, 11 Février 1879.
On trouvera plus loin l'analyse du traité
russo-turc signé hier à Constantinople.
Cette analyse, bien incomplète encore,
nous renseigne tout au moins sur un
point intéressant, c'est-à-dire sur le mon-
tant de l'indemnité, ou plutôt des indem-
nités que la Turquie devra payer à la Rus-
sie. Il y a, en effet, trois indemnités dif-
férentes : l'indemnité de guerre, fixée
au chiffre de 802 millions 500,000 francs,
dont le mode de paiement et la garantie
seront fixés ultérieurement entre les deux
Etats. Une seconde indemnité de 26 mil-
lions et demi destinée aux Russes établis
en Turquie et qui ont souffert de la guerre;
ce chiffre est un maximum; les récla-
mations des sujets russes, qui devront
être produites dans le délai d'une année,
seront examinées par une commission
russe , assistée d'un délégué ottoman ;
cette indemnité devra être payée par la
Porte dans un délai de deux années. En-
fin, le traité stipule le remboursement
en sept années et en vingt-et un, termes
des frais d'entretien des prisonniers turcs
jusqu'à la conclusion du traité de Berlin.
Le chiffre de cette dernière indemnité
n'est pas fixé. En tout cas, la Porte s'est
engagée à rembourser une somme d'une
trentaine de millions dans un délai de
deux ans, et il est difficile de dire où
elle prendra l'argent nécessaire pour faire
face à ces dépenses. Quant aux huit cents
millions"chifCre de l'indemnité principale,
il est certain qu'elle ne pourra pas les
payer de bien longtemps, si elle y arrive
jamais. Il est probable, d'ailleurs, que la
Russie ne compte en aucune façon sur ce
paiement, mais il n'en est pas moins vrai
que cette somme, toujours exigible, lui
permettra d'intervenir quand bon lui sem-
blera dans les affaires de la Turquie.
La Russie s'engage à évacuer dans le
délai de trente-cinq jours la Roumélie
turque, qu'il ne faut pas confondre avec la
Roumélie orientale. Le délai pour l'éva-
cuation de cette dernière province a été
fixé par le traité de Berlin, et n'expire que
neuf mois après la conclusion de ce tiaité,
soit dans les premiers jours d'avril. Le gou-
vernement russe prend ses dispositions
pour évacuer immédiatement la Roumélie
turque, et il tiendra sans doute la main à
ce que cette opération se fasse très rapide-
ment pour répondre à ceux qui l'accusent
de ne pas vouloir exécuter le traité de Ber-
lin. Il faut espérer que de son côté la Porte
a pris les dispositions nécessaires pour évi-
ter des soulèvements et des massacres
dans la province, qui va se trouver
en quelque sorte livrée à elle-même. Ce
point est d'autant plus important qu'au
mois de septembre dernier un premier
essai d'évacuation par les Russes a été in-
terrompu à la suite de désordres qui
avaient eu lieu lors du retrait des troupes.
La commission gréco-turque s'est réu-
nie de nouveau à Preveza. Les commissai-
res turcs refusent de négocier sur les
bases du traité de Berlin : s'ils persistent,
la médiation des puissances deviendra
inévitable.
On dément que le ministre allemand à
Copenhague ait présenté ses lettres de
rappel. Une dépêche adressée au Morning
Post dit même qu'à la suite de l'abroga-
tion de l'article 5 du traité de Prague le
gouvernement allemand serait disposé à
faire au Danemark une proposition d'ar-
rangement amical sur la question du
Sleswig. Nous le voulons croire. Nous
ferons remarquer cependant que la Ga-
zette de l'Allemagne du Nord déclarait
il y a quelques jours que, « depuis la ra-
tification de la convention austro-alle-
mande du ii octobre dernier, la question
du Sleswig-Nord n'existe plus, cette ques-
tion ayant trouvé une solution aussi défi-
nitive que possible dans ladite conven-
tion. » Or, ce langage ne prête à aucune
équivoque.
E. BARBIER.
———— ♦ -————.
8ou. Pour la
PETITE BOURSE DU SOIR
8010. 77 fr. 45.
5 0,0 113 fr. 03 3/4, 02 1/2.
Tnro 13 fr. 13 fr. 15, 05.
Banque ottomane.. 496 fr. 87, 494 fr. 37.
Egypte 238 fr. 12,237 fr. 50.
Chemins égyptiens. 351 fr. 25.
Hongrois 71 fr. 5/8, 3/4.
Russe 1877 85 fr. 7/8.
Italien, 74 fr. 30.
—4»
Le ministère vient de prendre une dé-
cision qui était attendue avec impatience
par ses amis et qui aurait dû, selon nous,
être encore plus rapide.
Le 8 février, un nouveau journal qui
s'intitule la Révolution française a an-
noncé, par une audacieuse violation de
la loi, qu'il s'était adjoint pour colla-
borateurs cinq anciens membres de la
Commune.
Avant-hier 9, cette collaboration a été
inaugurée par un article de M. Jules Val-
lès, en forme de lettre au président de la
République. Apologie du passé, menaces
pour l'avenir, rien n'y manque. L'auteur
nous y prédit, eR style révolutionnaire
romantique, que « ce n'est pas fini du
canon 1 »
Hier 10, le même journal imprimait une
lettre d'un ci-devant ingénieur militaire
de la Commune, qui donne, par manière
de défi, son nom, son adresse, et qui dit
ceci : « Puisque le gouvernement de la
République recule devant la proclamation
de l'amnistie, puisqu'il persiste à qualifier
de criminels et à considérer comme tels
les citoyens qui, par leur dévouement,
ont, en 1871, sauvé la République, c'est
à ces criminels qu'appartient le droit de
proclamer l'amnistie de facto. Je prêche
d'exemple et, dès aujourd'hui, comme
don de joyeux avènement et en l'honneur
de l'élection d'un président de la Répu-
blique honuêtement républicain, je me
déclare amnistié de fait. »
Depuis deux jours, nous attendions un
acte vigoureux du ministère. Car ce qui
se passe a de la gravité.
Il nous est souverainement indifférent
que MM. Jules Vallès, Jourde, Lefrançais
et consorts écrivent ou n'écrivent point
dans un journal quelconque.
Mais ce que nous trouvons dangereux,
humiliant et douloureux, c'est qu'ils
écrivent publiquement, sans masque, au
mépris flagrant de la loi qu'ils soufflet-
tent et du gouvernement qu'ils injurient.
Ce que nous trouvons dangereux, hu-
miliant et douloureux, c'est qu'un con-
tumax imprime à Paris, dans un jour-
nal, cette bravade: « Si vous ne m'amnis-
tiez pas, je m'amnistie moi-même I Je
demeure à Paris, telle rue, tel numéro,
venez m'y prendre 1 »
Et qu'on ne nous accuse pas de férocité
à l'égard des vaincus de la Commune.
Nous ne sommes animés que d'un im-
mense sentiment de pitié pour les pau-
vres diables, chair à canon du 18 Mars,
qui se faisaient trouer la peau sur les
barricades, tandis que les galonnés et les
beaux parleurs ont su trouver de sûrs
asiles loin du feu, loin des prisons de l'O-
rangerie, loin de Nouméa.
Nous avons dit : « C'est bien ! » quand
le ministère Dufaure a présenté aux
Chambres un projet de loi en vertu du-
quel grâce était faite au plus grand
nombre.
Et quand le ministère actuel déposera
le projet de loi qui doit transformer la
grâce en amnistie, nous dirons : « C'est
mieux 1 »
Nous accueillerons les égarés à bras
ouverts, nous les aiderons, nous nous
emplo erons à leur procurer du travail,
des subsides, et il ne tiendra pas à nous
que toutes les douleurs ne s'apaisent,
que les dernières traces des discordes
civiles ne soient effacées.
Mais les virtuoses de l'incendie et de
l'assassinat? Mais les bandits de let-
tres, qui savent, eux, le mal qu'ils
font, et pour qui la guerre civile n'est
qu'un moyen de parvenir?
Arrière 1 Ils se sont mis, ceux-là, hors
la loi; qu'ils y restent! La clémence de
la République ne s'étend pas aux ré-
voltés.
EUG. LIÉBERT.
!. !.. -
LE CLASSEMENT DES PARTIS
Aussi longtemps que la République a
traîné une vie précaire, sous la menace
des intrigues cléricales et des coups de
main bonapartistes, nous avons cru, nous
avons dit, nous avons imprimé qu'il fal-
lait maintenir à tout prix l'union de tou-
tes les gauches. C'est que vraiment nous
n'étions pas trop, à nous tous, pour ré-
sister à la coalition monarchique. Les
tiédes, d'un côté, et les intransigeants,
de l'autre, faisaient nombre ; ils luttaient
bien ou mal, mais utilement, sur les deux
ailes de notre armée. Nous ne voulons
ni contester, ni déprécier leurs services,
et jamais nous ne pourrons oublier, quoi
qu'il advienne, le bon combat qu'ils ont
combattu avec nous.
Mais il a toujours été entendu et nous
avons plus d'une fois déclaré nous-mê-
mes, dans les termes les plus explicites,
que la victoire définitive appellerait dans
la France républicaine un classement des
partis. Je dis un classement, rien de
moins, rien de plus, et c'est le grand
avantage que nous avons aux yeux de la
nation sur nos adversaires du24 mai 1873
et du 16 mai 1877. Si nous avions été
vaincus, trois dynasties, armées jus-
qu'aux dents, se disputeraient aujour-
d'hui la France comme une proie. Notre
victoire, en assurant au pays la libre pos-
session de lui-même, ne laisse qu'une
seule question en suspens : la Répu-
blique sera-t-elle menée dans le plus
droit chemin par ses citoyens les plus
sages, ou se lancera-t-elle au hasard
dans les chemins de traverse, à la suite
de quelques esprits aventureux et pas-
sionnés?
Ce problème, qui n'était pas posé il y
a quinze jours, s'impose à l'heure pré-
sente. Un pèuple de trente-six millions
d'hommes ne peut pas vivre en l'air; il a
besoin de savoir si son lendemain sera
fait d'ordre, de paix et de logique, ou de
fantaisie, de conflit et de violence ; il est
tenu de rassurer les Etats voisins par sa
sagesse et sa modération. Notre sécurité
au dedans et au dehors est à ce prix.
Nous sommes persuadés, quant à
nous, que la République fondée enfin par
les élections sénatoriales et l'avènement
de M. Jules Grévy est une République
sincèrement conservatrice ; que la majo-
rité du pays, la majorité du Sénat, la ma-
jorité de la Chambre et le gouvernement
tout entier sont décidés à fonder chez
nous un régime honnête et correct, res-
pectueux de tous les droits, supérieur à
toutes les violences, digne de l'estime
et de la sympathie de tous les peu-
ples civilisés. Et si l'ivresse d'un suc-
cès plus rapide que personne n'osait
l'espérer a troublé quelques têtes; si
des symptômes de désordre intellec-
tuel se sont produits vers l'extrême li-
mite du grand parti républicain ; si les
socialistes, les anarchistes, les sectaires
de couleur rouge, les débris des ces fac-
tions criminelles qui ont incendié Paris et
mis la France à deux doigts de sa perte
nous menacent d'un retour offensif, nous
les avertissons loyalement qu'ils nous
rencontreront aux avant postes.
Dansles Etats modernes, la presse n'est
que le quatrième pouvoir, quoique le
journaliste, appuyé sur l'estime de 80 ou
100,000 lecteurs quotidiens, ne soit pas
tout à fait, comme disait M. Rouher, une
individualité sans mandat. Mais nous ne
nous croyons pas irresponsables, et le
jour où nos concitoyens paraissent ou af-
folés ou simplement inquiets, un devoir
strict s'impose à notre conscience. Nous
nous sentons engagés d'honneur à prendre
l'initiative de la résistance, de même que
nous avons été naguère à la tête du mou-
vement. La guerre que nous avons faite
aux émigrés blancs, nous sommes prêts à
la recommencer contre les émigrés rou-
ges et leurs amis, quels qu'ils soient, fus-
sent-ils nos alliés d'hier. Et dans cette
nouvelle campagne aussi bien que dans
la dernière, nous sommes assurés d'avoir
la majorité du pays avec nous.
Le X/X" Siècle, journal républicain
conservateur, ne se séparera ni du
centre gauche, ni de la gauche, ni de
l'Union républicaine, où il compte beau-
coup d'excellents, de solides et de sages
amis. Il récuse absolument toute solida-
rité avec les sénateurs, les députés et les
écrivains de l'extrême gauche, quel que
soit son respect pour les convictions sin-
cères qui se trouvent dans tous les
partis.
A BOUT.
»
Nouvelles parlementaires
La commission qui examine la proposition
de loi de M. Edouard Millaud sur le colpor-
tage a longuement discuté cette proposition
et en a adopté les conclusions, qui sont iden-
tiques aux dispositions déjà édictées pour le
colportage des journaux :
La déclaration est substituée à l'autorisation
pour les livres, brochures, lithographies, etc.,
Tout citoyen a le droit de faire la déclara-
tion à la préfecture, et d'exiger un récépissé.
On ne prive de ce droit que ceux qui ont été
déjà condamnés pour vente ou distribution de
publications obscènes.
Cette loi avait déjà été présentée à l'Assem-
blée nationale. Elle était alors revêtue de 114
signatures, parmi lesquelles celles de plusieurs
membres du cabinet actuel et du président de
la Chambre.
La loi aurait pour conséquence la suppres-
sion de la eommicsion d'estampille.
*
• *
La commission de la loi sur l'état-major a
entendu hier le ministre de la guerre, et
adopté un rapport de M. Tézenas.
*
If..
La commission de l'instruction primaire a
tenu également séance. Elle a décidé qu'elle
proposerait que les Instituteurs et institutrices
soient divisés en trois ou quatre classes; que
l'avancement puisse avoir lieu sur place ; que
le tableau d'avancement soit dressé par les
Inspecteurs et Inspectrices primaires ; et enfin
que la direction départementale fasse les nos
m) nations.
Eile avait approuvé dans sa précédente séan-
ce une proposition de M. Labuze, tendant à
l'enseignement de l'hygiène dans les écoles.
» *
M. Gambetta assistait à la réunion de la
sous-commission du budget de la guerre, dans
laquelle on a entendu et adopté un rapport de
M. Martin-Feuillée sur le compte de liquida-
tion sur crédits extraordinaires (équipements
et fournitures), après avoir entendu les expli-
cations du ministre de la guerre.
*
* 9
On a décidé, dans la commission qui s'oe-
cupe de l'enseigntment départemental agri-
cole, que cet enseignement serait organisé
dans chaque commune trois ans après l'avoir
été dans les départements.
On sait que la loi votée par le.Sénat disait
que l'enseignement élémentaire de l'agricul-
ture et de l'horticulture serait obligatoire
dans les communes à partir de 1879, et qu'il
serait organisé dans les écoles normales dans
un délai de six années ; ce délai va être consi-
dérablement raccourci, et il est probable
qu'on exigera des professeurs le diplôme de
bachelier ès-sciences, ou un des diplômes
conférérés par l'institut agronomique et l'é-
cole de Grignon.
A. L.
Procès du 16 Mai
Deux questions préoccupent aujour-
d'hui l'opinion. La question d'amnistie,
le procès du 16 mai. Le XIXL Siècle vient
de dire ce qu'il pense au sujet de la pre-
mière : nous n'éprouvons pas plus d'em-
barras à nous expliquer sur la seconde ;
ou plutôt aux deux questions notre ré-
ponse est la même. Indulgence pour les
égarés, responsabilité pour les vrais
coupables.
La France attend avec impatience les
résultats de l'enquête ordonnée par la
Chambre sur les événements qui se sont
accomplis du 16 mai au 14 décembre
1877. La commission s'est livrée à de
longues et patientes recherches. Elle a
réuùi un ample dossier. Il faut mainte-
nant que son rapport soit déposé au plus
tôt. Si, comme trop de présomptions por-
tent à le croire, comme l'opinion en est
convaincue, les lois ont été violées ; si
des moyens interdits non pas seulement
parla droiture politique, mais aussi par la
constitution etle codeontétémisenusage
pour forcer la main à la nation ; si au
dernier moment on avait osé songer à un
coup de force devant lequel on n'a reculé
que par impuissance à le faire réussir :
nous demandons que la répression soit
ferme et que la Chambre et le Sénat
fassent leur devoir. Il ne faut pas qu, de
pareilles entreprises soient encouragées
par l'impunité. Nous ferons grâce aux pe-
tits, qui ont été les instruments d'un
crime politique; nous demandons que les
chefs reçoivent le châtiment qu'ils ont
mérité, non pas dans leurs personnes,
mais dans leurs droits politiques et au
besoin dans leur fortune. La justice
l'exige et la moralité publique le ré-
clame.
Ceux qui ont prêté leurs mains à un
attentat contre la souveraineté nationale
savaient à quoi ils s'engageaient; ils
savaient que de par la constitution ils
étaient responsables ; ils ont accepté
cette responsabilité sans hésiter. S'ils
ont abusé du pouvoir pour dépasser
leur droit et tomber sous l'application
du Code pénal, ils ne pourront accuser
qu'eux-mêmes lorsqu'ils porteront les
pénibles conséquences de leurs actions.
Lorsqu'on nous parle aujourd'hui de
passer l'éponge sur les actes qui se sont
accomplis il y a vingt mois à cette heu-
re, d'oublier ce qu'a été la France pen-
dant plus d'une demi-année —pendant
deux mois encore après qu'elle eut été
solennellement consultée — lorsqu'on
nous invite à donner le baiser de paix de
Lamourette à ceux qui ont entassé tant
de ruines et vexé à plaisir la nation, on
nous prend en vérité pour de plus grands
naïfs que nous ne sommes. La partie se-
rait charmante, ma foi ! d'en prendre ainsi
à son aise avec tous les droits des ci-
toyens, de compromettre le sort de la
patrie, puis quand, malgré toutes ses
peines, on à échoué, de retourner tran-
quillement à sa vie privée ou à son fau-
teuil, ici ou là, bien heureux, bien paisi-
ble, jusqu'à ce que se présente, un jour
ou l'autre, quelque occasion de recom-
mencer — toujours aux frais du pays.
Non pas, messieurs, non pas ; les entre-
prises politiques sont des entreprises sé-
rieuses et où tout le monde doit mettre
au jeu. Il faut que les lois soient obéies
et que la justice ait son cours aussi bien
avec les grands qu'avec les petits. C'est
dans une République surtout que le res-
pect de la loi est la base de l'ordre et la
garantie de la paix.
CHARLES BIGOT,
Le Charivari, citant quelques bonnes
bourdes du Pèlerin, petit journal hebdo-
madaire des jésuites, s'écriait hier :
« Le Pèlerin est décidément la bouteille
inépuisable du grotesque !.»
D'accord ; mais comment donc le rédac-
teur du Charivari n'a-t-il pas vu que « le
journal capucinant des loustics en sou-
tane » contient tous les dimanches des
illustrations de M. Cham ?
C'est l'affaire de M. Cham assurément de
prêter le concours de son crayon à qui lui
plaît. Mais quand on possède un collabora-
teur si pèlerinant, on devrait laisser le Pè-
lerin tranquille.
Nous sommes du reste heureux de sai-
sir cette occasion de faire à M. Cham un
bout de réclame ; et nous prévenons le
public que l'on trouve indifféremment les
spirituels croquis de ce dessinateur éclec-
tique dans le Pèlerin, feuille ultramon-
taine, et dans le libre-penseur Charivari.
O
LE TRAITÉ RUSSO-TURC
Constantinople, 9 février.
L'ensemble des stipulations passées entre la
Turquie et la Russie comprend : 1° le traité
de paix : 2° une note de la Russie à la Porte ;
30 un protocole ou annexe au traité, composé
de douze articles.
Les dispositions principales sont
Le rétablissement de la paix et des rela-
tions d'amitié entre les deux Etats ;
La reconnaissance que le traité de Berlin a
remplacé de plein droit les stipulations du
traité de San Stefano dont s'est occupé le con-
grès de Berlin ;
La déclaration que le présent traité règle
définitivement les points du traité de San-Ste-
fano non touchés par le congrès de Berlin ;
La fixation du chiffre de l'indemnité de
guerre à 802 millions 500,000 francs, indem-
nité dont le mode de paiement et la garantie
seront fixés ultérieurement entre les deux
Etats ;
La fixation à 26 millions 500,000 francs du
chiffre des sommes destinées à indemniser les
Russes établis en Turquie qui ont souffert de
la guerre et dont les réclamations ne pourront
être présentées que dans une année; ce paie-
ment aura lieu en deux années.
Remboursement en sept années et en vingt
un termes des frais t 'entretien des prison-
niers jusqu'à la conclusion du traité de Ber-
lin;
La faculté pour les habitants des pays cédés
à la Russie de vendre leurs propriétés et de
quitter le pays dans un délai de trois ans;
L'interdiction pour les deux gouvernements
de sévir contre ceux qui se seraient compro-
mis par leurs relations avec l'une ou l'autre
des armées ;
L'amnistie réciproque pleine et entière
pour tous les faits aatérieurs au traité ;
La remise en vigueur des anciens traités de
commerce et des capitulations entre la Russie
et la Turquie ;
L'échaDge des ratifications dans deux semai-
nes et plus tôt s'il est possible.
Par la note du prince Lobanoff, le gouver-
nement russe annonce à la Porte que les
troupes russes commenceront à se retirer du
territoire qu'elles occupent encore en dehors
de la Roumélie orientale et de la Bulgarie
aussitôt que l'échange des ratifications du
traité aura eu lieu. La note ajoute que cette
évacuation sera terminée dans un délai maxi-
mum de 35 jours.
Le protocole déclare :
i 0 Que la reconnaissance dans le traité ac-
tuel des stipulations du traité de Berlin n'im-
plique aucune innovation et n'en change pas
le caractère ni la portée.
20 Que la somme de 26 millions 500.000
francs, affectée à l'indemnité pour les domma-
ges causés par la guerre aux sujets russes,
est un maximum, et que les réclamations se-
ront examinées par une commission russe à
laquelle prendra part un délégué ottoman.
30 Que l'article du traité de San Stefano re-
latif aux Indemnités de guerre que pourraient
réclamer la Roumanie, la Serbie et le Monté-
negro est motivé par l'indépendance des
Etats, que cette nouvelle situation ne permet
plus de traiter pour eux et qu'ils restent libres
de s'entendre à cet égard avec la Porte.
4° Que l'amnistie n'empêche pas chaque
Etat de prendre des mesures de police con-
tre les personnes qui pourraient être dange-
reuses.
Le secrétaire du prjnee- Lobanofi est parti
pour Saint Pétersbourg, porteur de l'instru-
ment de paix sigaé hier.
Constanliaople, 9 février, soir.
La signature du traité turco-russe avait été
retardée à cause du paragraphe 'relatif à l'é-
vacuatioa des troupes russes du territoire
turc. On trouvait ce paragraphe trop élasti-
que, il était ainsi conçu : « L'évacuation des
troupes russes commencera immédiatement
après la signature du traité et devra être ter-
minée dans l'espace de 35 jours, sauf dans le
cas de circonstances indépendantes de la vo-
lonté des Russes. » il a été ainsi modifié.
sauf dans le cas dempêchements matériels.
Les Russes ont commencé aujourd'hui
leurs préparatifs do retraite.
Une dépêche d'Andrinople, datée d'aujour-
d'hui, porte que Réouf pacha, gouverneur de
cette ville, partira demain d'Andrinople pour
faire réoccuper par l'administration et les
troupes turques les localités évacuées par les
Russes.
Une lettre de Phllippopoli annonce de
bonne source que les Russes ont armé 80,000
Bulgares, qui sont décidés à se révolter après
l'évacuation des,Russes.
Drummond Wolf a offert sa démission de
membre de la commission de la Roumélie
orientale, à cause des entraves apportées par
les autorités russes à la mission de cette
commission.
P
Puclica; pudicè tractanda
Il y a un an environ, un de nos plus
sympathiques députés, notre ancien ca-
marade d'école, qui est resté l'un de nos
bons amis. ma foi! je ne sais pas pour-
quoi je ne le nommerais point; l'histoire
que j'ai à conter aujourd'hui ne peut que
lui faire honneur : c'est Duvaux. Du-
vaux, en même temps qu'il est député et
conseiller général de son département,
est, comme il convient à un ancien uni-
versitaire, délégué cantonal pour l'ins-
truction primaire. Toutes les questions
qui intéressent l'enseignement lui sont
familières et il s'en occupe avec pas-
sion.
Or, il arriva qu'un jour, dans ses tour-
nées d'inspection, il entra à l'Ecole su-
périeure des jeunes filles de Nancy. C'est
une école normale où se forment les ins-
titutrices. Il se fit représenter les livres,
les cahiers de classe, les rédactions, afin
d'y jeter un coup d'œil. Il examina les
devoirs du jour.
Parmi ces compositions qui passèrent
ainsi sous ses yeux, il y en avait un lot
qui attira tout de suite ses yeux et son
attention.
C'étaient des rédactions faites par les
élèves à la suite du cours d'instruction
religieuse. Ces rédactions traitaient du
sixième et du'neuviàme commandement :
Luxurieux point ne seras
De corps ni de consentement,
et
L'œuvre de chair ne désireras
Qu'en mariage seulement.
Il en parcourut quelques-unes avec un
sentiment de surprise qu'il ne put s'em-
pêcher de témoigaer à la directrice.
— Ce sont, demanda-t-il, ces jeunes
personnes, que j'ai là en ce moment de-
vant moi, qui ont écrit ces commen-
taires ?
— Assurément, monsieur.
— Et qui est-ce qui est chargé de faire
le cours dont les rédactions me passent
en ce moment sous les yeux ?
— Mais un prêtre, monsieur.
— J'entends bien. Un vieux prêtre, ap-
paremment ?
— Non, monsieur, c'est un tout jeune
vicaire.
— A^i !
Ce ah ! voulait dire : Comment ! c'est
un tout jeune homme qui parle de toutes
ces choses à de jeunes filles, et qui en
parle avec ce luxe de détails ! Cela est-il
possible?
Et le fait est que j'ai sous les yeux, à
cette heure, une des rédactions que lisait
mon ami Duvaux; elle est bien étonnante
si l'on songe que cette composition a été
écrite par une jeune fille de seize ans,
sur des notes prises à une conférence
qu'avait faite devant elle un jeune et so-
lide gaillard de vingt-huit.
Me sera-t-il permis d'en citer quelques
extraits ? Et si je le fais, c'est que cette
composition est devenue une pièce offi-
cielle, qui a servi de point de départ à
une instruction :
Différentes manières de commettre ce pé-
ché :
On peut pécher contre la pureté de cinq
manières dIfférentes: par action, par paroles,
par regards, par désirs, par pensées.
Par action :
On peut pécher par action de trois maniè-
res :
1° Quand on commet l'acte qui n'est permis
que dans le mariage : l'œuvre de chair ne dé-
sireras qu'en mariage seulement. Ce péché
prend différents noms selon les personnes
avec lesquelles on la commet : fornication
avec une personne non mariée,adultère avec
une personne mariée, inceste avec ses
parents, sacrilège avec une personne consa-
crée à Dieu. En confession, il ne suffit pas de
déclarer avoir commis ce péché, Il faut en-
core spécifier le cas.
2° Par des baisers lascifs faits en vue d'un
plaisir sensuel. Si ce péché n'est pas toujours
mortel, 11 n'y a pas de doute que ce soit s'ex-
poser gravement à en commettre de plus gra-
ves.
3° Par des attouchements soit sur sol-
même, soit sur d'autres parsonnes faits en
vue du plaisir sensuel, et il faut spécifier en
confession les circonstances qui changent
l'espèce du péché.
Etc.
Je ne vois pate qu'il y ait nécessité de
reproduire plus au long cette copie d'é-
lève écrite par une jeune vierge de seize
ans, sous la dictée d'un robuste et aima-
ble confesseur de vingt-cinq. Je ne crois
pas qu'il y ait une mère de famille qui
n'ait déjà fait ses réflexions.
Duvaux s'empara de ces rédactions et
les remit à l'inspecteur primaire, qui
était précisément, par grand hasard, un
universitaire animé de l'esprit le plus
libéral, notre camarade et ami Boissière,
aujourd'hui recteur à Chambéry. Mais
Boissière ne jouissait alors d'aucun cré-
dit et n'avait aucun pouvoir; il ne put
que s'indigner en chambre. Duvaux porta
l'affaire devant le conseil général du dé-
partement. Elle fit un certain bruit, on la
déféra à monseigneur, qui, pour consoler
et récompenser ce jeune et bel abatteur de
quilles, le nomma à une belle cure, où il
enseigne à cette heure tous les secrets du
sixième et du neuvième commandement
aux petites filles de la paroisse.
Vaaiment, quand on me conte ces in-
vraisemblables histoires, j'ai plus envie
de plaindre ces jeunes prêtres que de
m'irriter contre eux. Ainsi voilà des hom-
mes dans la force de l'âge, tirés pour la
plupart de la charrue, dont le sang est
chaud et impétueux, qui sont de solides
et robustes gaillards ; on leur fait une loi
de la continence. Il semblerait sage tout
au moins de les écarter soigneusement
de toute occasion prochaine de défail-
lance.
Point du tout : on leur confie, on leur
remet entre les mains, on leur livre de
jeunes filles ignorantes et pudiques, sur
lesquelles ils exercent naturellement
cette influence que leur donne le carac-
tère sacré dont ils sont revêtus, influence
qui va trop souvent jusqu'à la fascination.
Et de quoi causent-ils avec elles ? de tou-
tes sortes de choses qui ne sont rien
moins que chastes, et vous pouvez voir
par ce qu'ils leur disent en public ce qu'ils
peuvent leur chuchoter à l'oreille, dans
l'ombre du confessionnal. 1
Et l'on s'étonne ensuite des histoires
comme celle de monsignor Maret,
l'estimable curé du Vésinet. Mais ce qui
est inouï, c'est qu'il n'éclate pas un plus
grand nombre de scandales. Car ces mê-
mes mères, qui ne permettraient peut-
être pas à un vieil ami de la famille de
donner dans la rue le bras à leur fille,
l'envoient chez un jeune vicaire, bien
râblé et ardent, chez qui l'éducation qu'il
a reçue au séminaire a dès longtemps al-
lumé l'imagination et les sens. Car nous
savons le livre dont on nourrit leur
dernière année d'enseignement. Ce li-
vre traîne leur pensée sur les images
les plus vives de la volupté, et leur ouvre
une foule d'arcanes immondes, où l'on
ne peut pénétrer qu'à l'aide du latin, qui
dans ses mots brave l'honnêteté. Quoi de
surprenant si beaucoup ont un penchant
invincible à lever, devant les âmes igno-
rantes et naïves qu'on leur confie impru-
demment, ces voiles mystérieux, que leur
sang échauffé leur conseille de déchirer
tout à fait?
Et qu'on ne vienne pas me dire que ce
jeune vicaire faisait, après tout, son mé-
tier de catéchiste; qu'il était bien obligé,
par son ministère, de donner aux enfants
des explications sur les commandements
de Dieu ; il y a des sujets qu'il ne faut
traiter qu'avec une grande réserve et
d'une main très délicate. On consulta
jadis la cour romaine sur un de ces abo-
minables cas de conscience où se com-
plaisait, au temps de Pascal, l'imagina-
tion débridée et pervertie des jésuites.
On voulait savoir si tel mode de plaisir
était péché mortel ou véniel. Le pape,
qui était un homme d'esprit, se contenta
de répondre : Pudicja, pudicè tractanda.
Il ne faut toucher aux choses qui inté-
ressent la pudeur qu'avec une pudique
réserve.
Ce devrait être la règle du clergé fran-
çais.
On est trop heureux, maintenant, quand
ces messieurs ne joignent pas aux leçons
orales des démonstrations plus effi-
caces 1
FSANGISQUI SARCST.
———————— ♦ ————————.
L'Enseignement congréganiste
L'Echo du Nord nous annonce que le
tribunal de Douai a condamné, samedi, à
50 francs n'amende et aux frais le sieur
Caron, dit frère Ezéchiel, directeur de l'E-
cole primaire communale Saint-Nicolas,
à Douai, pour corrections corporelles sur
ses élèves.
Un arrêté préfectoral du 4 février sus-
pend de leurs fonctions, pour le même
motif, le frère Ezéchiel durant six mois,
et son adjoint, le sieur Sahuc, dit-frère
NaHe-Noël, durant quinze jours.
.0
INFORMA TIONS
L'agence Havas annonce que le gérant
du journal la Révolution française est
poursuivi pour publication d'articles trai-
tant de matières politiques et émanant de
Jules Vallès et d'Arthur Arnould, con-
damnés à des peines afflictives et infa-
mantes.
Cette affaire viendra devant la huitième
chambre correctionnelle, le vendredi 14
février prochain.
M. Le Royer, ministre de la justice, a
eu, ce matin, une conférence avec M. de
Marcère, au ministère de l'intérieur, au
sujet de l'amnistie.
Les ministres, dit le National, sont tom-
bés d'accord pour déposer un projet am-
nistiant tous les condamnés pour faits re-
latifs à la Commune qui ont été ou qui
seront graciés. — Ne seront exclus de
l'amnistie que les condamnés pour crimes
de droit commun.
La démisssion de M. Andral, vice-présm
dent du conseil d'Etat, a été acceptée.
En conséquence, et jusqu'à ce qu'il soit
pourvu à son remplacement, le plus an-
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