Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-02-08
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 08 février 1879 08 février 1879
Description : 1879/02/08 (A9,N2607). 1879/02/08 (A9,N2607).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
Neuvième Anné., — N. 2607. Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes? — Départements : 20 Centimes.1 Samedi 8 Février 1879.
LE XIX' SIECLE
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MESSAGE
DU
Président de la République
Voici le texte du Message lu aujourd'hui aux
deux Chambres :
Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
L'Assemblée nationale, en m'élevant à
la présidence de la République, m'a im-
posé de grands devoirs. Je m'appliquerai
sans relâche à les accomplir, heureux si
je puis, avec le concours sympathique du
Sénat et de la Chambre des députés, ne
pas. rester au-dessous de ce que la France
est en droit d'attendre de mes efforts et
de mon dévouement.
Soumis avec sincérité à la grande loi
du régime parlementaire, je n'entrerai ja-
mais en lutte contre la volonté nationale,
exprimée par ses organes constitution-
nèls.
Daus les projets de loi qu'il présentera
au vote des Chambres et dans les ques-
tions soulevées par l'initiative parlemen-
taire, le gouvernement s'inspirera des
besoins réels, des vœux certains du pays,
'd'un esprit de progrès et d'apaisement ;
il se préoccupera surtout du maintien de
la tranquillité, de la sécurité, de la con-
fiance, le plus ardent des vœux de la
France, le plus impérieux de ses besoins.
Dans l'application des lois, qui donne
à la politique générale son caractère et
sa direction, il se pénétrera de la pensée
qui les a dictées; il sera libéral, juste
pour tous, protecteur de tous les inté-
rêts légitimes, défenseur résolu de ceux
de l'Etat.
Dans sa sollicitude pour les grandes
institutions qui sont les colonnes de l'é-
difice social, il fera une large part à no-
tre armée, dont l'honneur et les intérêts
seront l'objet constant de ses plus chères
préoccupations.
Tout en tenant un juste compte des
droits acquis et des services rendus, au-
jourd'hui que les deux grands pouvoirs
sont animés du même esprit, qui est celui
de la France, il veillera à ce que la Ré-
publique soit servie par des fonctionnai-
res qui ne soient ni ses enuemis ni ses
détracteurs.
Il continuera à entretenir et à dévelop-
per les bons rapports qui existent entre la
France et les puissances étrangères, et à
contribuer ainsi à l'affermissement de la
paix générale.
C'est par cette politique libérale et vrai-
ment conservatrice que les grands pou-
voirs de la République, toujours unis,
toujours animés du même esprit, mar-
chant toujours avec sagesse, feront por-
ter ses fruits naturels au gouvernement
que la France, instruite par ses malheurs,
s'est donné comme le seul qui puisse as-
surer son repos et travailler utilement
au développement de sa prospérité, de
sa force et de sa grandeur.
Le Président de la République,
Signé : JULES GRËVY.
; Par le président de la Républzque 4
( Le Président du conseil, ministre
des affaires étrangères,
Signé : WADDINGCON.
Versailles, le 6 février 1879.
»
DISCOURS DE M. GAMBETTA
PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE
Messieurs les députés,
Eti prenant possession du poste d'hon-
neur que le vote de la Chambre vient de
me confier, je vous adresse l'expression
de ma vive reconnaissance. Permettez-
moi d'ajouter que les circonstances his-
toriques qui ont précédé et déterminé
cette marque de votre confiance l'ont
rendue tout ensemble et plus précieuse et
plus redoutable pour moi. Je succède, en
effet, au grand citoyen, à l'homme d'Etat
que les suffrages des représentants du
pays ont spontanément appelé à la pré-
sidence de la République française, où
le suivent l'irrésistible adhésion de la
France, la fidélité inaltérable du Par-
lement et l'estime du monde. S'il est au-
jourd'hui le chef de la nation, il reste
ici notre instituteur et notre modèle
(Applaudissements). Nous suivrons ses
leçons et ses traces sans l'orgueil de le
remplacer, mais avec le ferme dessein de
reproduire les traits principaux de sa ma-
gistrature : la vigilante attention à toutes
vos discussions, l'impartialité pour tous
les partis (Applaudissements), le souci
scrupuleux de nos règles, le culte jaloux
des libertés de la tribune. (Applaudis-
sements.) Elu de la majorité républicaine,
- gardien résolu de vos droits et de vos
prérogatives, je connais mes devoirs de
protection envers les minorités. J'espère
pouvoir les allier sans défaillance avec le
: respect que chacun doit ici à la constitu-
K
tion et aux pouvoirs de la République.
(Vifs applaudissements.)
Nous pouvons, nous devons tous à
l'heure actuelle sentir que les gouverne-
ments de combat ont fait leur temps.
Notre République, enfin sortie victorieuse
de la mêlée des partis, doit entrer dans
la période organique et créatrice. (Très-
bien 1)
Aussi, messieurs les députés, je vous
inviterai surtout à concentrer votre ar-
deur, vos lumières, vos talents, tous vos
efforts sur les grandes questions sco-
laires, militaires, financières, industriel-
les, économiques dont vous êtes saisis,
et dont les jeunes générations, l'armée,
les travailleurs, les producteurs, la na-
tion en un mot, attendent légitimement
la solution. (Très-bien 1 très-bien 1)
Mandataires deux fois consacrés du
suffrage universel, vous avez obéi à la
première de ses volontés en sauvant la
République. (Très bien 1 très bien 1)
Vous exécuterez les autres en lui assu-
rant, d'accord avec le gouvernement, les
bienfaits de la paix, les garanties de la
liberté, les réformes réclamées par l'opi-
nion et fondées sur la justicce.,(Applau-
dissements prolongés.)
♦
Dans sa forme concise, le message du
président de la République explique à
merveille le grand changement apporté à
la situation politique depuis huit jours.
« Je n'entrerai jamais en lutte contre la
volonté nationale exprimée par ses or-
ganes constitutionnels, » a dit M. Gré-
vy ; et ces simples mots nous mettent tout
de suite en face d'un président de la
République qui comprend ses devoirs,
qui ne se considère point comme une
sentinelle chargée de veiller sur certains
intérêts monarchiques, mais qui n'est et
qui ne veut être que le premier serviteur
du pays. Cette déclaration du message a
été couverte d'applaudissements. Ce
n'est point que le président de la Répu-
blique nous ait appris par là quelque
chose de nouveau ; on connaissait de
longue date les dispositions d'esprit
que M. Grévy devait apporter dans l'exer-
cice de la première magistrature de TE-
tat. Mais ces applaudissements sont par-
tis comme une explosion de joie. Il est si
bon de posséder enfin, après plus de cinq
ans de septennat, unprésidentde la Répu-
blique en qui l'on puisse avoir confiance
entière ! Il est si bon de se dire : « Ce-
lui-ci du moins n'entravera plus ni direc-
tement ni indirectement le progrès régu-
lier des institutions I ».
La République voguera donc désormais
sur une mer sans écueils. C'est l'espérance
universelle, et c'est pourquoiles citoyens
n'aspirent plus qu'à goûter le bonheur
des peuples qui vivent dans le tra-
vail et dans la paix, Lorsque le mes-
sage dit que « le gouvernement se
préoccupera surtout du maintien de
la tranquillité, de la sécurité, de la
confiance, le plus ardent des vœux de
la France, le plus impérieux de ses be-
soins, » — il exprime une vyérité qui ira
droit au cœnrde toutle monde, hormis
des monarchistes, gui ne placent leurs fac-
tieuses espérances que dans le trouble et
l'agitation. Il ne s'agit plus à présent de
tempêtes ni de luttes ; il s'agit de recueil-
lir les fruits que doivent porter les insti-
tutions républicaines. La question de la
réforme du personnel sera réglée avec
la sévérité nécessaire, le gouvernement
nous le garantit. Il ne reste donc qu'à
« travailler, comme dit le message, au
développement de la prospérité, de la
force et de la grandeur de notre pays. »
Les déclarations du gouvernement ont
trouvé tout de suite un écho dans la
Chambre républicaine. Avant même la
lecture du message, M. Gambetta s'é-
tait fait l'interprète des sentiments de la
majorité. Le nouveau président de la
Chambre des députés a ouvert la séance
par une allocution qui est d'un augure
aussi heureux que le message. M. Gam-
betta ne s'est pas borné à payer à M.
Grévy un juste et grand tribut d'éloges.
Il a ajouté, lui aussi, que le tempsdescom-
bats est passé et que nous entrons dans
une période de féconds travaux. « Je vous
inviterai, a-t-il dit, à déployer toute votre
ardeur, tous vos talents, dans l'étude des
questionsjscolaires, militaires, industriel-
les et économiques dont vous êtes saisis.»
Ainsi donc, à la politique militante, c'est
la politique pacifique et laborieuse qui doit
désormais succéder. Aux affaires ! dit M.
le président do la République.Aux affai-
res! dit aussi M. Gambetta, qui parle au
nom de la Chambre des députés. Rien
n'est plus conforme aux vœux de la
France. Travail et paix : voilà notre de-
vise. Les factions monarchiques, aujour-
d'hui dispersées, ne nous ont fait perdre
que trop de temps à batailler.
EUG. LltBERT.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRB
Versailles, 6 fevrier 1879.
Tout le monde s'attendait trop à une
solennité. Et voilà ce que c'est que d'a-
voir l'imagination aussi vive !
Ce n'est pas que la séance ait manqué
de gravité ou d'intérêt. Certes, non. Mais
vous savez ! on voit journellement, à pro-
pos de n'importe quoi, chacun se faire au
préalable une idée que « ça sera comme ça,))
et puis il arrive que cela n'est pas comme
ça du tout. Cette manière de rendre notre
pensée n'est peut-être pas très-claire ;mais
il est certain que les spectateurs qui ont
assisté à la séance comprendront d'autant
mieux notre impression qu'ils l'ont très-
certainement partagée.
Et d'abord M. Gambetta nous a joué un
traître tour, — le tour de la ponctualité. Il
ouvrait la séance à deux heures un quart.
Sans doute il a voulu, dès la première mi-
nute, constituer un présédent et établir la
règle. Mais chacun s'était si bien habitué
depuis longtemps à l'exception que la salle
n'était guère qu'à moitié pleine lorsque
M. le président a adressé l'allocution obli-
gée à ses collègues.
Néanmoins, elle a été fortement applau-
die, cette allocution. Et elle méritait de
l'être.
Lancée d'une voix grave, vibrante, qui
produit toujours un chaud effet lorsque
les cordes n'en sont point secouées à ce
point de rendre un son rauque, la phrase
a en outre l'avantage de servir d"enve-
loppe à une pensée. C'est en vain toutefois
que le nouveau président de la Chambre,
jaloux de marcher sur les traces de l'an-
cien, parle d'impartialité pour tous les
partis, de souci scrupuleux des règlements
et libertés de la tribune, des devoirs de
protection envers les minorités. la droite,
figée dans un mutisme boudeur, refuse
toute marque d'approbation.
Quant au Message présidentiel, dont M.
de Marcère donne lecture immédiatement
après la harangue du président de la
Chambre, cinq applaudissements le souli-
gnent, les uns lancés en guise d'hommage
au passé de M. Jules Grévy, les autres ex-
primant une espérance dans l'avenir. La
seule phrase qui enlève une petite ovation,
parce que celle-là n'a rien de vague, est
la suivante : « Soumis avec sincérité à la
grande loi du régime parlementaire, je
n'entrerai jamais en lutte contre la volonté
nationale exprimée par ses organes consti-
tutionnels. »
C'est ce qu'on peut appeler : une pierre
dans le jardin du vieil Elysée.
A deux heures et demie, la séance extra
est terminée et la séance ordinaire com-
mence.
Elle n'a d'intéressant que la présidence
de M. Gambetta.
M. Gambetta sera-t-il un bon président?
Il y a controverse.
Pour nous qui avons vu le talent de M.
Gambetta s'affirmer sous des formes si
multiples, brutal par-ci, persuasif par-
là, tour à tour violent, pénétrant, gra-
ve, rieur et superbe ; pour nous qui avons
connu l'homme tantôt tribun emporté et
tantôtlucide debater; pour nous qui avons
parfois critiqué les fougues et souvent ad-
miré les finesses de cet artiste de la pa-
role; pour nous, enfin, qui avons suivi
avec un sympathique intérêt les transfor-
mations et les progrès du leader républi-
cain, il n'est pas douteux que M. Gam-
betta, avec la souplesse vraiment admira-
ble qui caractérise sa manière, n'arrive à
entrer dans la peau de son nouveau rôle.
Nous n'avons jamais pensé qu'il dût y
entrer d'un premier bond.
Mais lorsqu'il y sera installé, il impri-
mera au personnage un cachet particulier.
Sa verve méridionale peut lui fournie
des mots brillants, à condition qu'il règle
sa verve et renonce absolument à la parole
pour ne songer qu'à la riposte, et encore à
la riposte ménagée.
Aujourd'hui, la Chambre était agitée,
allègrement nerveuse; les républicains se
pressaient en foule devant le banc des mi-
nistres, et des mains, obligées de percer le
premier rang, s'allongeaient entre deux
torses, pendant que des lèvres jetaient des
compliments par-dessus les épaules. iDe
là, un brouhaha joyeusement tapageur.
Le président avait l'air d'ignorer qu'il
avait, à sa disposition, une sonnette pour
forcer l'attention,et, dans ses fonctions, le
mandat de commander le silence. Habi-
tuée à dominer tous les tumultes, sa voix
se faisait un jeu de percer ce bourdonne-
ment, tandis que son esprit actif se plai-
sait à soutenir de rapides controverses
avec les collègues de la droite.
Aujourd'hui, à notre avis, M. Gambetta,
président, n'avait pas encore surnomment
dépouillé le leader républicain, l'orateur
toujours prêt à engager la polémique avec
l'adversaire. Inconsciemment, il pensait
encore à faire triompher son opinion,
quand il n'a plus qu'à déclarer triomphan-
te l'opinion de la majorité.
Si nous faisons ces critiques, c'est que
nous savons M. Gambetta homme à émon-
der rapidement ses qualités pour leur don-
ner la correction officielle voulue. Un Pré-
sident doit être taillé comme un if.
Afin de laisser au gouvernement le
temps de constituer définitivement ses ser-
vices, et à la Chambre la facilité de com-
poser un ordre du jour sérieux, la pro-
chaine séance a été remise à mardi.
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
Chez nous, c'est M. Waddington qui a
lu le message. Nos lecteurs connaissent le
message : ils connaissent aussi M. Wad-
dington. L'un et l'autre sont la correction
même. Mais ni l'un ni l'autre ne sont faits
pour engendrer des transports. Je crois bien
cependant que si ce message, excellent
de forme et de fond malgré sa sécheresse
apparente, avait été lu par son auteur, il
eût produit sur le Sénat un effet autre-
ment considérable. Le temps n'est pa§ si
loin où M. le président de la République
n'était encore que président de la Cham-
bre pour que l'on ait oublié sa belle voix
grave, son grand air, l'impression pro-
fonde que produisaient ses moindres al-
locutions. L'honorable M. Waddington ne
pouvait pas compter sur le même effet. Il
a lu de son mieux, néanmoins, d'une
voix claire, nette, soulignant les bons en-
droits, qui sont nombreux, interrompu à
cinq ou six reprises par les bravos de la
gauche, et salué à la fin de sa lecture par
les applaudissements unanimes de la.ma-
jorité. -
Paulo minora canamus : parlons de M.
de Gavardie. C'est lui qui a succédé à la
tribune à M. le président du conseil. On a
cru un moment qu'il venait répondre au
message, il n'en était rien. M. de Gavardie
voulait simplement combattre la propo-
sition de M. Gharton, tendant à l'érec-
tion d'un monument commémoratif à
l'Assemblée nationale de 1789. M. de
Gavardie est un sénateur des Landes, réé-
lu au dernier renouvellement; cela n'a
pas été sans peine : ses compatriotes s'y
sont pris à trois fois pour le nommer. En-
core ne connaissaient-ils pas son discours
d'aujourd'hui. Ils feront bien de le lire,
d'autant qu'il nous est impossible d'en
donner une idée ; ce genre d'éloquence
échappe à l'analyse. M. de Gavardie pro-
mit, en débutant, « d'être bref et aussi
ennuyeux crue possible : » vous pensez si
les rires éclatèrent ; mais on s'aperçut
bientôt que ce n'était pas un lapsus. M. de
Gavardie tenait sa promesse, la seconde,
car pour la première il ne paraissait pas
s'en soucier. Il s'étendait, il s'étendait. Il
avait commencé par déclarer que ce monu-
ment ne devait pas s'élever à Versailles; on
s'imagina qu'il le voulait à Mont-de-Marsan
et l'on ne voyait pas bien le rapport ; mais il
y avait malentendu. M. de Gavardie n'en
voulait nulle part, pas plus à Mont-de-
Marsan qu'à Versailles. Et il voulut dire
ses raisons,que personne ne lui demandait:
ce fut lamentable. A de certains moments
pourtant, il y avait de quoi rire : on sa-
luait au passade quelque bonne sottise
très sérieusement dite, mais le cours
d'histoire néanmoins paraissait long. Ce
fut bien pis quand l'orateur se lança dans
les citations ; on put croire un instant que
tout le monde allait y passer : nous no-
tons au passage les noms de Lamartine,
Mirabeau, saint Paul, Henri Martin,
Louis XI, M. Emmanuel Arago etBossuet.
Tout cela brouillé, confus, commelles
idées de M. de Gavardie.
Il fit si bien, cependant, que l'une des
personnes qu'il avait citées vint lui répon-
dre. Ce ne fut, comme on pense, ni saint
Paul, ni Louis XI, mais M. Henri Martin,
ce qui vaut mieux. L'éminent historien
nous a largement consolés de M. de Ga-
vardie; son discours est un admirable ré-
sumé du grand rôle joué par l'Assemblée
nationale, et comme une page de l'histoire
de la Révolution française. La gauche l'a
accueilli par de longs applaudissements,
et la proposition de M. Charton a été votée
à une très-grande majorité. Ce résultat
n'avait jamais été douteux, mais il est bien
certain qu'une bonne part en revient à M.
de Gavardie.
EMMANUEL ARÈNE.
---. —
Le Ministère des Postes et des Télégraphes
Le Journal officiel publie ce matin le
décret suivant :
Le président de la République française,
Sur la proposition du président du conseil,
ministre des affaires étrangères, et du minis-
tre des finances,
Décrète :
Art. 1er. — H est créé un ministère des pos-
tes et des télégraphes.
Art. 2, — Ce ministère sera formé de l'ad-
ministration des postes et des télégraphes qui
sera distraite du ministère des finances.
Art. 3. — Le président du conseil, ministre
des affaires étrangères, et le ministre des fi-
nances sont chargés, chacun en ce qui le con-
cerne, de l'exécution du présent décret.
Fait à Versailles, le 5 février 1879.
JULES GRÉVY.
- Par le président de la République :
Le président du conseil, ministre
des affaires étrangères,
WADDINGTON.
Le ministre des finances,
LÉON SAY.
Par un autre décret rendu à la même
date sur la proposition du président du
conseil, ministre des affaires étrangères,
M. Cochery, député, est nommé ministre
des postes et des télégraphes.
———————— ————————.
LE DIXIÈME PORTEFEUILLE
Nous n'aimons pas les rouages inutiles,
et personne n'eût regretté plus que nous
la création de ce petit ministère des cul-
tes que notre ami très cher et très ho-
noré, M. Bardoux, a eu le bon esprit et
le bon goût de refuser.
Mais il en est tout autrement du mi-
nistère des postes et des télégraphes,
dont les Anglais et les Allemands, peu-
ples pratiques, ont fait l'expérience avant
nous. Aux exemples de nos voisins s'a-
joute ici le témoignagne bien désintéres-
sé assurément du ministre des finances.
Ce n'est pas M. Cochery qui, par ambition
personnelle, a voulu ériger sa direction
générale en département ministériel.
C'est M. Léon Say qui a sacrifié, lui-même
proprio motu, une partie de son pouvoir,
dans l'intérêt de la chose publique. De
la meilleure grâce du monde, et peut-être
pour lapremièrefois dans notre histoire,
un ministre a voulu que l'on en fît un au-
tre à ses dépens, et par un généreux ef-
fort il a élevé son collaborateur jusqu'à
lui.
Comment ce phénomène s'est-il pro-
duit ? A-t-on voulu simplement rendre
hommage aux qualités morales et poli-
tiques d'un républicain modéré entre
tous, mais éprouvé, solide et sûr? Non:
nous ne sommes plus au beau temps où
M. Emile Ollivier.fondait un ministère des
beaux-arts, pour couronner les grâces
hospitalières, le libéralisme élégant et
l'amitié de M. Maurice Richard. Nous tra-
versons des jours trop sérieux pour que
l'on pense à créer les emplois au profit
des hommes ; et si la République éman-
cipée fait les frais d'un dixième porte-
feuille, c'est qu'elle compte s'en servir
longtemps.
Il est non-seulement curieux, mais édi-
fiant, d'observer comment notre ministre
des finances réagit contre l'esprit fiscal
de sa propre administration. On repro-
che à M. Léon Say d'être un journaliste
arrivé ; peut-être doit-il au journal cette
hauteur de vues qui lui permet de dominer
les intérêts mesquins. Un jour, il s'aper-
çoit que les forêts, administrées par les
finances, sont et seront toujours exploi-
tées comme une mine à ciel ouvert;
qu'on leur demandera le plùs^possible en
leur donnant le moins possible ; que l'es-
prit des bureaux tendra fataîement à se-
mer peu pour récolter beaucoup, et que
l'an peut détruire ainsi en peu de temps
une des plus précieuses "etaes plus no-
bles richesses de Franèe' Que fait-il?
Il s'ampute lui-même de la direction des
forêts et la renvoie à l'agriculture.
Les postes et les télégraphes, étudiés
par le personnel des finances au point
de vue exclusif des recettes, ont été l'ob-
jet d'un calcul aussi intéressant qu'inté-
ressé. Des statisticiens fort habiles, en-
core qu'un peu myopes, ont cherché de
très bonne foi jusqu'à quel chiffre on
pourrait élever le prix des lettres ou des
dépêches sans tarir cette source du re-
venu public, c'est-à-dire sans sécher l'en-
cre dans l'encrier des correspondants.
La théorie a dit son mot, l'empirisme
a fait ses études et souvent ses éco-
les; on a successivement abaissé, re-
levé , rabaissé les tarifs, non sans
éveiller quelquefois la mauvaise hu-
meur ou la commisération des voi-
sins. Tirons un voile sur les embarras
et les humiliations que la fiscalité fran-
çaise a bravés au début de l'union pos-
tale ! Grâce aux prétentions du ministère
des finances, nous n'avons pas été cotés
en ce temps-là comme le premier peuple
du monde, ni même, avouons-le, comme
l'avant-dernier.
M. Léon Say et M. Adolphe Cochery
ont agi en révolutionnaires et mérité de
périr étouffés sous une montagne de
ronds de cuir lorsqu'ils ont décidé d'un
commun accord que la poste et le télé-
graphe n'étaient pas deux vaches à lait,
mais deux chevaux de travail, deux ser-
vices publics.
En proclamant l'autonomie de ces ser-
vices, fondus en un seul, M. le ministre
des finances dégage sa responsabilité et
donne l'essor à un homme de grand cou-
rage et de puissante volonté. M. Adolphe
Cochery, jusqu'à présent, n'a pu qu'é-
baucher les réformes dont il avait l'es-
prit farci lors de son arrivée aux affaires.
Il a réduit sans doute et unifié les ta-
rifs, il a commencé la réunion des pos-
tes et des télégraphes dans un certain
nombre de bureaux ; il a préparé les me-
sures qui bientôt, je n'en doute pas, met-
tront tous les salaires de ses agents au
niveau de leur dévouement, de leur cou-
rage et de leur incomparable probité.
Est-ce tout? Non, vraiment. Le titulaire
du dixième portefeuille a bien d'autres
projets en tête. Il veut acclimater chez
nous les Caisses d'épargne postales, qui
font merveille chez nos voisins ; il pré-
pare le recouvrement des effets de com-
merce par voie postale, si les Chambres
s'y prêtent en modifiant quelque peu le
régime des protêts ; il médite une révolu-
tion qui doit permettre à aos journaux
d'user du télégraphe aussi largement que
nos confrères de la Grande-Bretagne;
enfin il étudie les procédés que nous
avons préconisés ici pour la rapide et
sûre distribution des lettres dans les cam-
pagnes.
Ces progrès coûteront quelque argent,
mais ils ne ruineront pas le Trésor. J'en
atteste le budget de nos voisins et amis
d'outre-Manche, qui se soldait par 60
millions de bénéfices sur un service très-
large et absolument désintéressé, tandis
que l'exploitation fiscale des postes et
des télélégraphes nous rapportait à
peine 30 millions d'excédant.
ABOUT.
Nouvelles parlementaires
M. Gambetta a pris hier possession du fau-
teuil présidentiel avec le cérémonial accou-
tumé. La haie de soldats réglementaire était
faite, sur son passage, par un piquet de gen-
darmerie à pied. Lorsque M. Gambetta, suivi
des secrétaires de la Chambre et précédé
d'huissiers, est sorti de son cabinet pour se
rendre dans la salle, au son des tambours
battant aux champs, un grand nombre de
députés se sont empressés pour le saluer
pendant le défilé du cortège. M. Gambetta
était visiblement ému.
Hier soir, il a pris possesston de l'hôtel de
la présidence, au Palais-Bourbon, dans le-
quel 11 s'est installé définitivement.
L'élection du vice-président de la Chamhre
aura lieu mardi.
*
* *
On nous communique la note suivante :
« Le bureau de la gauche républicaine a dé-
signé à l'unanimité M. Albert Grévy comme
candidat à la vice-présidence de la Chambre
des députés, en remplacement da M. Jules
Ferry.
» Au nom du bureau de Ip gauche,
» CAMILLE SÉE. »
*
* »
Le centre gauche de la Chambre a tenu une
courte séance, dans laquelle il a voté des re-
merciements aux membres sortants du cabi-
net qui étaient Inscrits sur ses listes, MM. Bar-
doux, Savary et Casimir Pérler.
•
« *
Aujourd'hui, à onze heures, les députés et
sénateurs de l'Algérie doivent être reçus par
M. de Marcère, afin de s'entendre avec le mi-
nistre sur les mesures à prendre relativement
à l'Algérie, notamment en ce qui concerne le
remplacement du général Chanzy, décidé en
principe. Nous croyons savoir que les dépu-
tés et sénateurs Intéressés sont d'accord pour
demander à M. de Marcère qu'on nomme gou-
verneur général, à litre de mission tempo-
raire, M. Albert Grévy, vice président de la
commission extra-parlementaire algérienne.
Il avait été question aussi, pour cette haute
situation, de M. Henri Brisson, mais l'honora-
ble député a décliné toute candidature.
.-.
On pense que la gauche du Sénat portera à
la vice-présidence, en remplacement de M.
Le Royer, M. Leblond.
«
• ¥
Une des premières questions qui doivent être
soulevées devant la Chambre sera sans doute
celle du retour à Paris.
On considère comme certain que le prési-
dent de la République convoquera le congrès
pour statuer à ce sujet et modifier l'article de
la constitution qui fixe à Versailles le siège du
gouvernement.
Aussitôt après, la Chambre se réinstallerait
au Palais-Bourbon, et le Sénat prendrait pos-
session du Luxembourg.
Il est probable qu'en ce cas, le conseil
municipal de Paris, qui occupe actuellement
une partie des salles du Luxembourg, serait
transféré dans la mairie du quatrième arron-
dissement.
*
* V
Avant la séance, les sénateurs ont procédé,
dans leurs bureaux, à l'élection de deux com-
missions pour examiner les projets de che-
mins de fer.
L'une, relative à la ligne de Mende au Puy,
se compose de MM. Mayran, de Rozière, colo-
nel Meinadier, Th. Roussel, Barne, Daussel,
Arbel, Vissaguet, Delsol.
L'autre, qui s'occupera de la ligne de Jes-
sain à Eclaron, comprend MM. Huguet, Bon-
net, général Pélissler, Cuvlnot, Le Bastard,
Robert Dehault, Masson de Morfontaine, Ed.
de Lafayette, Vivenot.
#*#
La commission de comptabilité du Sénat a
nommé président M. Foubert, et secrétaire
M. Huguet.
A. L.
- 4b
Li CHARlîÉtlSCOPALE
C'est mon avis que M. Hyacinthe Loy-
son, l'ex-père Hyacinthe de Notre-Dame,
avait eu le plus grand tort d'écrire une
lettre à M. l'archevêque de Paris, pour
l'informer qu'il va ouvrir une église libre
où il prêchera sa doctrine et dira la mes-
se en français. Je ne vois pas en quoi la
chose peut regarder ce prélat, plus que
l'ouverture d'une salle de conférences ou
d'un théâtre. C'est le droit de M. Hyacinthe
de se dire etmême de se croire catholique,
meilleur catholique que le pape ; chacun
entend les mots au sens où il lui con-
vient ; mais en fait, M. Hyacinthe n'a plus
le droit de dire qu'il fait partie de l'Eglise
catholique organisée ainsi qu'elle l'est
puisqu'il en est volontairement sorti. Il a
secoué sur elle, en la quittant, la pous-
sière de ses sandales : avant qu'elle l'eût
excommunié, il s'était excommunié lui-
même. Les anathèmes de Rome n'ont at-
teint qu'un contumax.
Il me semble cependant que la lettre
de M. Loyson ne méritait pas la réponse
qu'elle vient de recevoir de M. l'archevê-
que de Paris. On dirait que son auteur a
emprunté pour l'écrire une des plumes
de M. Louis Veuillot. Que M. l'archevê-
que de Paris eût rappelé sévèrement à M.
Loyson qu'il ne fait plus partie de l'Eglise,
qu'il eût défendu à ses fidèles d'aller l'en-
tendre, sous peine de s'associer à l'ex-
communication dont il est frappé, c'était
son rôle et son droit pastoral. Mais M.
l'archevêque de Paris ne s'est pas borné
là, et, prenant l'offensive, voici comment
il parle à son contradicteur :
Vous avez laissé pénétrer dans votre esprit
l'orgueil qui aveugle, et dans votre cellule de
religieux les Images des jouissances que vous
vous étiez Interdites par des serments sacrés.
La double tentation dont vous étiez tourmenté
a troublé votre raison et triomphé de votre
faible courage. Alors ce qui faisait l'objet de
votre foi a cessé d'être vrai à vos yeux ; les
saints objets de votre amour n'ont plus eu de
charme pour votre cœur. Depuis plusieurs an-
nées, vous traînez en divers lieux le malheur
de votre déchéance, sans pouvoir retrouver
la paix qui vous fuit. Cette paix, que Dieu seul
donne, vous avez fini par aller la demander
à ceux qui l'ont eux-mêmes perdue par une
faute pareille, en rompant l'unité de l'Eglise.
Vous vous flattez peut-être de retrouver au-
près des hommes, par le succès de votre pa-
role, le témoignage que vous refuse votre
conscience. Ce sera pour vous une déception
de plus. Autour de votre tribune schismatl-
que, on verra quelques personnes sans croyan-
ces, attirées par la curiosité ; on n'y verra
point des disciples, votre secte ne fera point
point des disciple~,a, tteindrez même pas à la
d'adeptes, vous n atteindrez même pas à la.
fortune de Y Eglise française de Châtel, qui,
après un certain nombre de réunions qui res-
semblaient à des représentations de théâtre,
disparut danJ l'indifférence et le mépris.
Et qusllieu avez-vous choisi pour y dresser
votre chaire d'erreur ? C'est la ville même où
s'élève cette chaire de vérité, illustrée par de
grands orateurs et occupée jadis par vous-
même avec quelque éclat. Vos auditeurs con-
fondus chercheront les motifs qui vous ont
fait passer de l'une à l'autre, et Ils n'en trou-
veront certainement pas qui puissent honorer
la nouvelle mission que vous vous êtes don
née.
Hé quoi! monseigneur, est-ce ainsf
que vous pratiquez la charité chrétienne?
Vous qui relisez chaque jour, en disant
votre bréviaire, cette belle parole de l'E-
criture, que Dieu voit les cœurs et sonde
les reins, est-ce ainsi que vous vous en
souvenez? De quel droit usurpez-vous la
place de Dieu pour juger les actions d'un
homme et pénétrer ses intentions secrè-
tes? Qui vous dit que les motifs bas et vils
que vous imaginez ont déterminé cet
homme à sortir des rangs de l'Eglise, et
l'ont déterminé seuls ? Avez-vous été au
fond de sa conscience pour oser le flétrir
ainsi et le dénoncer au mépris de tous?
Ces dénonciations-là, monseigneur, la
catéchisme que vous enseignez les ap-
pelle de graves jugements téméraires, et
la loi humaine les appelle des diffama
tions.
Est-il donc si impossible à un chrétienJ
à un prêtre, à un homme qui a déjà unq
LE XIX' SIECLE
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MESSAGE
DU
Président de la République
Voici le texte du Message lu aujourd'hui aux
deux Chambres :
Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
L'Assemblée nationale, en m'élevant à
la présidence de la République, m'a im-
posé de grands devoirs. Je m'appliquerai
sans relâche à les accomplir, heureux si
je puis, avec le concours sympathique du
Sénat et de la Chambre des députés, ne
pas. rester au-dessous de ce que la France
est en droit d'attendre de mes efforts et
de mon dévouement.
Soumis avec sincérité à la grande loi
du régime parlementaire, je n'entrerai ja-
mais en lutte contre la volonté nationale,
exprimée par ses organes constitution-
nèls.
Daus les projets de loi qu'il présentera
au vote des Chambres et dans les ques-
tions soulevées par l'initiative parlemen-
taire, le gouvernement s'inspirera des
besoins réels, des vœux certains du pays,
'd'un esprit de progrès et d'apaisement ;
il se préoccupera surtout du maintien de
la tranquillité, de la sécurité, de la con-
fiance, le plus ardent des vœux de la
France, le plus impérieux de ses besoins.
Dans l'application des lois, qui donne
à la politique générale son caractère et
sa direction, il se pénétrera de la pensée
qui les a dictées; il sera libéral, juste
pour tous, protecteur de tous les inté-
rêts légitimes, défenseur résolu de ceux
de l'Etat.
Dans sa sollicitude pour les grandes
institutions qui sont les colonnes de l'é-
difice social, il fera une large part à no-
tre armée, dont l'honneur et les intérêts
seront l'objet constant de ses plus chères
préoccupations.
Tout en tenant un juste compte des
droits acquis et des services rendus, au-
jourd'hui que les deux grands pouvoirs
sont animés du même esprit, qui est celui
de la France, il veillera à ce que la Ré-
publique soit servie par des fonctionnai-
res qui ne soient ni ses enuemis ni ses
détracteurs.
Il continuera à entretenir et à dévelop-
per les bons rapports qui existent entre la
France et les puissances étrangères, et à
contribuer ainsi à l'affermissement de la
paix générale.
C'est par cette politique libérale et vrai-
ment conservatrice que les grands pou-
voirs de la République, toujours unis,
toujours animés du même esprit, mar-
chant toujours avec sagesse, feront por-
ter ses fruits naturels au gouvernement
que la France, instruite par ses malheurs,
s'est donné comme le seul qui puisse as-
surer son repos et travailler utilement
au développement de sa prospérité, de
sa force et de sa grandeur.
Le Président de la République,
Signé : JULES GRËVY.
; Par le président de la Républzque 4
( Le Président du conseil, ministre
des affaires étrangères,
Signé : WADDINGCON.
Versailles, le 6 février 1879.
»
DISCOURS DE M. GAMBETTA
PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE
Messieurs les députés,
Eti prenant possession du poste d'hon-
neur que le vote de la Chambre vient de
me confier, je vous adresse l'expression
de ma vive reconnaissance. Permettez-
moi d'ajouter que les circonstances his-
toriques qui ont précédé et déterminé
cette marque de votre confiance l'ont
rendue tout ensemble et plus précieuse et
plus redoutable pour moi. Je succède, en
effet, au grand citoyen, à l'homme d'Etat
que les suffrages des représentants du
pays ont spontanément appelé à la pré-
sidence de la République française, où
le suivent l'irrésistible adhésion de la
France, la fidélité inaltérable du Par-
lement et l'estime du monde. S'il est au-
jourd'hui le chef de la nation, il reste
ici notre instituteur et notre modèle
(Applaudissements). Nous suivrons ses
leçons et ses traces sans l'orgueil de le
remplacer, mais avec le ferme dessein de
reproduire les traits principaux de sa ma-
gistrature : la vigilante attention à toutes
vos discussions, l'impartialité pour tous
les partis (Applaudissements), le souci
scrupuleux de nos règles, le culte jaloux
des libertés de la tribune. (Applaudis-
sements.) Elu de la majorité républicaine,
- gardien résolu de vos droits et de vos
prérogatives, je connais mes devoirs de
protection envers les minorités. J'espère
pouvoir les allier sans défaillance avec le
: respect que chacun doit ici à la constitu-
K
tion et aux pouvoirs de la République.
(Vifs applaudissements.)
Nous pouvons, nous devons tous à
l'heure actuelle sentir que les gouverne-
ments de combat ont fait leur temps.
Notre République, enfin sortie victorieuse
de la mêlée des partis, doit entrer dans
la période organique et créatrice. (Très-
bien 1)
Aussi, messieurs les députés, je vous
inviterai surtout à concentrer votre ar-
deur, vos lumières, vos talents, tous vos
efforts sur les grandes questions sco-
laires, militaires, financières, industriel-
les, économiques dont vous êtes saisis,
et dont les jeunes générations, l'armée,
les travailleurs, les producteurs, la na-
tion en un mot, attendent légitimement
la solution. (Très-bien 1 très-bien 1)
Mandataires deux fois consacrés du
suffrage universel, vous avez obéi à la
première de ses volontés en sauvant la
République. (Très bien 1 très bien 1)
Vous exécuterez les autres en lui assu-
rant, d'accord avec le gouvernement, les
bienfaits de la paix, les garanties de la
liberté, les réformes réclamées par l'opi-
nion et fondées sur la justicce.,(Applau-
dissements prolongés.)
♦
Dans sa forme concise, le message du
président de la République explique à
merveille le grand changement apporté à
la situation politique depuis huit jours.
« Je n'entrerai jamais en lutte contre la
volonté nationale exprimée par ses or-
ganes constitutionnels, » a dit M. Gré-
vy ; et ces simples mots nous mettent tout
de suite en face d'un président de la
République qui comprend ses devoirs,
qui ne se considère point comme une
sentinelle chargée de veiller sur certains
intérêts monarchiques, mais qui n'est et
qui ne veut être que le premier serviteur
du pays. Cette déclaration du message a
été couverte d'applaudissements. Ce
n'est point que le président de la Répu-
blique nous ait appris par là quelque
chose de nouveau ; on connaissait de
longue date les dispositions d'esprit
que M. Grévy devait apporter dans l'exer-
cice de la première magistrature de TE-
tat. Mais ces applaudissements sont par-
tis comme une explosion de joie. Il est si
bon de posséder enfin, après plus de cinq
ans de septennat, unprésidentde la Répu-
blique en qui l'on puisse avoir confiance
entière ! Il est si bon de se dire : « Ce-
lui-ci du moins n'entravera plus ni direc-
tement ni indirectement le progrès régu-
lier des institutions I ».
La République voguera donc désormais
sur une mer sans écueils. C'est l'espérance
universelle, et c'est pourquoiles citoyens
n'aspirent plus qu'à goûter le bonheur
des peuples qui vivent dans le tra-
vail et dans la paix, Lorsque le mes-
sage dit que « le gouvernement se
préoccupera surtout du maintien de
la tranquillité, de la sécurité, de la
confiance, le plus ardent des vœux de
la France, le plus impérieux de ses be-
soins, » — il exprime une vyérité qui ira
droit au cœnrde toutle monde, hormis
des monarchistes, gui ne placent leurs fac-
tieuses espérances que dans le trouble et
l'agitation. Il ne s'agit plus à présent de
tempêtes ni de luttes ; il s'agit de recueil-
lir les fruits que doivent porter les insti-
tutions républicaines. La question de la
réforme du personnel sera réglée avec
la sévérité nécessaire, le gouvernement
nous le garantit. Il ne reste donc qu'à
« travailler, comme dit le message, au
développement de la prospérité, de la
force et de la grandeur de notre pays. »
Les déclarations du gouvernement ont
trouvé tout de suite un écho dans la
Chambre républicaine. Avant même la
lecture du message, M. Gambetta s'é-
tait fait l'interprète des sentiments de la
majorité. Le nouveau président de la
Chambre des députés a ouvert la séance
par une allocution qui est d'un augure
aussi heureux que le message. M. Gam-
betta ne s'est pas borné à payer à M.
Grévy un juste et grand tribut d'éloges.
Il a ajouté, lui aussi, que le tempsdescom-
bats est passé et que nous entrons dans
une période de féconds travaux. « Je vous
inviterai, a-t-il dit, à déployer toute votre
ardeur, tous vos talents, dans l'étude des
questionsjscolaires, militaires, industriel-
les et économiques dont vous êtes saisis.»
Ainsi donc, à la politique militante, c'est
la politique pacifique et laborieuse qui doit
désormais succéder. Aux affaires ! dit M.
le président do la République.Aux affai-
res! dit aussi M. Gambetta, qui parle au
nom de la Chambre des députés. Rien
n'est plus conforme aux vœux de la
France. Travail et paix : voilà notre de-
vise. Les factions monarchiques, aujour-
d'hui dispersées, ne nous ont fait perdre
que trop de temps à batailler.
EUG. LltBERT.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRB
Versailles, 6 fevrier 1879.
Tout le monde s'attendait trop à une
solennité. Et voilà ce que c'est que d'a-
voir l'imagination aussi vive !
Ce n'est pas que la séance ait manqué
de gravité ou d'intérêt. Certes, non. Mais
vous savez ! on voit journellement, à pro-
pos de n'importe quoi, chacun se faire au
préalable une idée que « ça sera comme ça,))
et puis il arrive que cela n'est pas comme
ça du tout. Cette manière de rendre notre
pensée n'est peut-être pas très-claire ;mais
il est certain que les spectateurs qui ont
assisté à la séance comprendront d'autant
mieux notre impression qu'ils l'ont très-
certainement partagée.
Et d'abord M. Gambetta nous a joué un
traître tour, — le tour de la ponctualité. Il
ouvrait la séance à deux heures un quart.
Sans doute il a voulu, dès la première mi-
nute, constituer un présédent et établir la
règle. Mais chacun s'était si bien habitué
depuis longtemps à l'exception que la salle
n'était guère qu'à moitié pleine lorsque
M. le président a adressé l'allocution obli-
gée à ses collègues.
Néanmoins, elle a été fortement applau-
die, cette allocution. Et elle méritait de
l'être.
Lancée d'une voix grave, vibrante, qui
produit toujours un chaud effet lorsque
les cordes n'en sont point secouées à ce
point de rendre un son rauque, la phrase
a en outre l'avantage de servir d"enve-
loppe à une pensée. C'est en vain toutefois
que le nouveau président de la Chambre,
jaloux de marcher sur les traces de l'an-
cien, parle d'impartialité pour tous les
partis, de souci scrupuleux des règlements
et libertés de la tribune, des devoirs de
protection envers les minorités. la droite,
figée dans un mutisme boudeur, refuse
toute marque d'approbation.
Quant au Message présidentiel, dont M.
de Marcère donne lecture immédiatement
après la harangue du président de la
Chambre, cinq applaudissements le souli-
gnent, les uns lancés en guise d'hommage
au passé de M. Jules Grévy, les autres ex-
primant une espérance dans l'avenir. La
seule phrase qui enlève une petite ovation,
parce que celle-là n'a rien de vague, est
la suivante : « Soumis avec sincérité à la
grande loi du régime parlementaire, je
n'entrerai jamais en lutte contre la volonté
nationale exprimée par ses organes consti-
tutionnels. »
C'est ce qu'on peut appeler : une pierre
dans le jardin du vieil Elysée.
A deux heures et demie, la séance extra
est terminée et la séance ordinaire com-
mence.
Elle n'a d'intéressant que la présidence
de M. Gambetta.
M. Gambetta sera-t-il un bon président?
Il y a controverse.
Pour nous qui avons vu le talent de M.
Gambetta s'affirmer sous des formes si
multiples, brutal par-ci, persuasif par-
là, tour à tour violent, pénétrant, gra-
ve, rieur et superbe ; pour nous qui avons
connu l'homme tantôt tribun emporté et
tantôtlucide debater; pour nous qui avons
parfois critiqué les fougues et souvent ad-
miré les finesses de cet artiste de la pa-
role; pour nous, enfin, qui avons suivi
avec un sympathique intérêt les transfor-
mations et les progrès du leader républi-
cain, il n'est pas douteux que M. Gam-
betta, avec la souplesse vraiment admira-
ble qui caractérise sa manière, n'arrive à
entrer dans la peau de son nouveau rôle.
Nous n'avons jamais pensé qu'il dût y
entrer d'un premier bond.
Mais lorsqu'il y sera installé, il impri-
mera au personnage un cachet particulier.
Sa verve méridionale peut lui fournie
des mots brillants, à condition qu'il règle
sa verve et renonce absolument à la parole
pour ne songer qu'à la riposte, et encore à
la riposte ménagée.
Aujourd'hui, la Chambre était agitée,
allègrement nerveuse; les républicains se
pressaient en foule devant le banc des mi-
nistres, et des mains, obligées de percer le
premier rang, s'allongeaient entre deux
torses, pendant que des lèvres jetaient des
compliments par-dessus les épaules. iDe
là, un brouhaha joyeusement tapageur.
Le président avait l'air d'ignorer qu'il
avait, à sa disposition, une sonnette pour
forcer l'attention,et, dans ses fonctions, le
mandat de commander le silence. Habi-
tuée à dominer tous les tumultes, sa voix
se faisait un jeu de percer ce bourdonne-
ment, tandis que son esprit actif se plai-
sait à soutenir de rapides controverses
avec les collègues de la droite.
Aujourd'hui, à notre avis, M. Gambetta,
président, n'avait pas encore surnomment
dépouillé le leader républicain, l'orateur
toujours prêt à engager la polémique avec
l'adversaire. Inconsciemment, il pensait
encore à faire triompher son opinion,
quand il n'a plus qu'à déclarer triomphan-
te l'opinion de la majorité.
Si nous faisons ces critiques, c'est que
nous savons M. Gambetta homme à émon-
der rapidement ses qualités pour leur don-
ner la correction officielle voulue. Un Pré-
sident doit être taillé comme un if.
Afin de laisser au gouvernement le
temps de constituer définitivement ses ser-
vices, et à la Chambre la facilité de com-
poser un ordre du jour sérieux, la pro-
chaine séance a été remise à mardi.
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
Chez nous, c'est M. Waddington qui a
lu le message. Nos lecteurs connaissent le
message : ils connaissent aussi M. Wad-
dington. L'un et l'autre sont la correction
même. Mais ni l'un ni l'autre ne sont faits
pour engendrer des transports. Je crois bien
cependant que si ce message, excellent
de forme et de fond malgré sa sécheresse
apparente, avait été lu par son auteur, il
eût produit sur le Sénat un effet autre-
ment considérable. Le temps n'est pa§ si
loin où M. le président de la République
n'était encore que président de la Cham-
bre pour que l'on ait oublié sa belle voix
grave, son grand air, l'impression pro-
fonde que produisaient ses moindres al-
locutions. L'honorable M. Waddington ne
pouvait pas compter sur le même effet. Il
a lu de son mieux, néanmoins, d'une
voix claire, nette, soulignant les bons en-
droits, qui sont nombreux, interrompu à
cinq ou six reprises par les bravos de la
gauche, et salué à la fin de sa lecture par
les applaudissements unanimes de la.ma-
jorité. -
Paulo minora canamus : parlons de M.
de Gavardie. C'est lui qui a succédé à la
tribune à M. le président du conseil. On a
cru un moment qu'il venait répondre au
message, il n'en était rien. M. de Gavardie
voulait simplement combattre la propo-
sition de M. Gharton, tendant à l'érec-
tion d'un monument commémoratif à
l'Assemblée nationale de 1789. M. de
Gavardie est un sénateur des Landes, réé-
lu au dernier renouvellement; cela n'a
pas été sans peine : ses compatriotes s'y
sont pris à trois fois pour le nommer. En-
core ne connaissaient-ils pas son discours
d'aujourd'hui. Ils feront bien de le lire,
d'autant qu'il nous est impossible d'en
donner une idée ; ce genre d'éloquence
échappe à l'analyse. M. de Gavardie pro-
mit, en débutant, « d'être bref et aussi
ennuyeux crue possible : » vous pensez si
les rires éclatèrent ; mais on s'aperçut
bientôt que ce n'était pas un lapsus. M. de
Gavardie tenait sa promesse, la seconde,
car pour la première il ne paraissait pas
s'en soucier. Il s'étendait, il s'étendait. Il
avait commencé par déclarer que ce monu-
ment ne devait pas s'élever à Versailles; on
s'imagina qu'il le voulait à Mont-de-Marsan
et l'on ne voyait pas bien le rapport ; mais il
y avait malentendu. M. de Gavardie n'en
voulait nulle part, pas plus à Mont-de-
Marsan qu'à Versailles. Et il voulut dire
ses raisons,que personne ne lui demandait:
ce fut lamentable. A de certains moments
pourtant, il y avait de quoi rire : on sa-
luait au passade quelque bonne sottise
très sérieusement dite, mais le cours
d'histoire néanmoins paraissait long. Ce
fut bien pis quand l'orateur se lança dans
les citations ; on put croire un instant que
tout le monde allait y passer : nous no-
tons au passage les noms de Lamartine,
Mirabeau, saint Paul, Henri Martin,
Louis XI, M. Emmanuel Arago etBossuet.
Tout cela brouillé, confus, commelles
idées de M. de Gavardie.
Il fit si bien, cependant, que l'une des
personnes qu'il avait citées vint lui répon-
dre. Ce ne fut, comme on pense, ni saint
Paul, ni Louis XI, mais M. Henri Martin,
ce qui vaut mieux. L'éminent historien
nous a largement consolés de M. de Ga-
vardie; son discours est un admirable ré-
sumé du grand rôle joué par l'Assemblée
nationale, et comme une page de l'histoire
de la Révolution française. La gauche l'a
accueilli par de longs applaudissements,
et la proposition de M. Charton a été votée
à une très-grande majorité. Ce résultat
n'avait jamais été douteux, mais il est bien
certain qu'une bonne part en revient à M.
de Gavardie.
EMMANUEL ARÈNE.
---. —
Le Ministère des Postes et des Télégraphes
Le Journal officiel publie ce matin le
décret suivant :
Le président de la République française,
Sur la proposition du président du conseil,
ministre des affaires étrangères, et du minis-
tre des finances,
Décrète :
Art. 1er. — H est créé un ministère des pos-
tes et des télégraphes.
Art. 2, — Ce ministère sera formé de l'ad-
ministration des postes et des télégraphes qui
sera distraite du ministère des finances.
Art. 3. — Le président du conseil, ministre
des affaires étrangères, et le ministre des fi-
nances sont chargés, chacun en ce qui le con-
cerne, de l'exécution du présent décret.
Fait à Versailles, le 5 février 1879.
JULES GRÉVY.
- Par le président de la République :
Le président du conseil, ministre
des affaires étrangères,
WADDINGTON.
Le ministre des finances,
LÉON SAY.
Par un autre décret rendu à la même
date sur la proposition du président du
conseil, ministre des affaires étrangères,
M. Cochery, député, est nommé ministre
des postes et des télégraphes.
———————— ————————.
LE DIXIÈME PORTEFEUILLE
Nous n'aimons pas les rouages inutiles,
et personne n'eût regretté plus que nous
la création de ce petit ministère des cul-
tes que notre ami très cher et très ho-
noré, M. Bardoux, a eu le bon esprit et
le bon goût de refuser.
Mais il en est tout autrement du mi-
nistère des postes et des télégraphes,
dont les Anglais et les Allemands, peu-
ples pratiques, ont fait l'expérience avant
nous. Aux exemples de nos voisins s'a-
joute ici le témoignagne bien désintéres-
sé assurément du ministre des finances.
Ce n'est pas M. Cochery qui, par ambition
personnelle, a voulu ériger sa direction
générale en département ministériel.
C'est M. Léon Say qui a sacrifié, lui-même
proprio motu, une partie de son pouvoir,
dans l'intérêt de la chose publique. De
la meilleure grâce du monde, et peut-être
pour lapremièrefois dans notre histoire,
un ministre a voulu que l'on en fît un au-
tre à ses dépens, et par un généreux ef-
fort il a élevé son collaborateur jusqu'à
lui.
Comment ce phénomène s'est-il pro-
duit ? A-t-on voulu simplement rendre
hommage aux qualités morales et poli-
tiques d'un républicain modéré entre
tous, mais éprouvé, solide et sûr? Non:
nous ne sommes plus au beau temps où
M. Emile Ollivier.fondait un ministère des
beaux-arts, pour couronner les grâces
hospitalières, le libéralisme élégant et
l'amitié de M. Maurice Richard. Nous tra-
versons des jours trop sérieux pour que
l'on pense à créer les emplois au profit
des hommes ; et si la République éman-
cipée fait les frais d'un dixième porte-
feuille, c'est qu'elle compte s'en servir
longtemps.
Il est non-seulement curieux, mais édi-
fiant, d'observer comment notre ministre
des finances réagit contre l'esprit fiscal
de sa propre administration. On repro-
che à M. Léon Say d'être un journaliste
arrivé ; peut-être doit-il au journal cette
hauteur de vues qui lui permet de dominer
les intérêts mesquins. Un jour, il s'aper-
çoit que les forêts, administrées par les
finances, sont et seront toujours exploi-
tées comme une mine à ciel ouvert;
qu'on leur demandera le plùs^possible en
leur donnant le moins possible ; que l'es-
prit des bureaux tendra fataîement à se-
mer peu pour récolter beaucoup, et que
l'an peut détruire ainsi en peu de temps
une des plus précieuses "etaes plus no-
bles richesses de Franèe' Que fait-il?
Il s'ampute lui-même de la direction des
forêts et la renvoie à l'agriculture.
Les postes et les télégraphes, étudiés
par le personnel des finances au point
de vue exclusif des recettes, ont été l'ob-
jet d'un calcul aussi intéressant qu'inté-
ressé. Des statisticiens fort habiles, en-
core qu'un peu myopes, ont cherché de
très bonne foi jusqu'à quel chiffre on
pourrait élever le prix des lettres ou des
dépêches sans tarir cette source du re-
venu public, c'est-à-dire sans sécher l'en-
cre dans l'encrier des correspondants.
La théorie a dit son mot, l'empirisme
a fait ses études et souvent ses éco-
les; on a successivement abaissé, re-
levé , rabaissé les tarifs, non sans
éveiller quelquefois la mauvaise hu-
meur ou la commisération des voi-
sins. Tirons un voile sur les embarras
et les humiliations que la fiscalité fran-
çaise a bravés au début de l'union pos-
tale ! Grâce aux prétentions du ministère
des finances, nous n'avons pas été cotés
en ce temps-là comme le premier peuple
du monde, ni même, avouons-le, comme
l'avant-dernier.
M. Léon Say et M. Adolphe Cochery
ont agi en révolutionnaires et mérité de
périr étouffés sous une montagne de
ronds de cuir lorsqu'ils ont décidé d'un
commun accord que la poste et le télé-
graphe n'étaient pas deux vaches à lait,
mais deux chevaux de travail, deux ser-
vices publics.
En proclamant l'autonomie de ces ser-
vices, fondus en un seul, M. le ministre
des finances dégage sa responsabilité et
donne l'essor à un homme de grand cou-
rage et de puissante volonté. M. Adolphe
Cochery, jusqu'à présent, n'a pu qu'é-
baucher les réformes dont il avait l'es-
prit farci lors de son arrivée aux affaires.
Il a réduit sans doute et unifié les ta-
rifs, il a commencé la réunion des pos-
tes et des télégraphes dans un certain
nombre de bureaux ; il a préparé les me-
sures qui bientôt, je n'en doute pas, met-
tront tous les salaires de ses agents au
niveau de leur dévouement, de leur cou-
rage et de leur incomparable probité.
Est-ce tout? Non, vraiment. Le titulaire
du dixième portefeuille a bien d'autres
projets en tête. Il veut acclimater chez
nous les Caisses d'épargne postales, qui
font merveille chez nos voisins ; il pré-
pare le recouvrement des effets de com-
merce par voie postale, si les Chambres
s'y prêtent en modifiant quelque peu le
régime des protêts ; il médite une révolu-
tion qui doit permettre à aos journaux
d'user du télégraphe aussi largement que
nos confrères de la Grande-Bretagne;
enfin il étudie les procédés que nous
avons préconisés ici pour la rapide et
sûre distribution des lettres dans les cam-
pagnes.
Ces progrès coûteront quelque argent,
mais ils ne ruineront pas le Trésor. J'en
atteste le budget de nos voisins et amis
d'outre-Manche, qui se soldait par 60
millions de bénéfices sur un service très-
large et absolument désintéressé, tandis
que l'exploitation fiscale des postes et
des télélégraphes nous rapportait à
peine 30 millions d'excédant.
ABOUT.
Nouvelles parlementaires
M. Gambetta a pris hier possession du fau-
teuil présidentiel avec le cérémonial accou-
tumé. La haie de soldats réglementaire était
faite, sur son passage, par un piquet de gen-
darmerie à pied. Lorsque M. Gambetta, suivi
des secrétaires de la Chambre et précédé
d'huissiers, est sorti de son cabinet pour se
rendre dans la salle, au son des tambours
battant aux champs, un grand nombre de
députés se sont empressés pour le saluer
pendant le défilé du cortège. M. Gambetta
était visiblement ému.
Hier soir, il a pris possesston de l'hôtel de
la présidence, au Palais-Bourbon, dans le-
quel 11 s'est installé définitivement.
L'élection du vice-président de la Chamhre
aura lieu mardi.
*
* *
On nous communique la note suivante :
« Le bureau de la gauche républicaine a dé-
signé à l'unanimité M. Albert Grévy comme
candidat à la vice-présidence de la Chambre
des députés, en remplacement da M. Jules
Ferry.
» Au nom du bureau de Ip gauche,
» CAMILLE SÉE. »
*
* »
Le centre gauche de la Chambre a tenu une
courte séance, dans laquelle il a voté des re-
merciements aux membres sortants du cabi-
net qui étaient Inscrits sur ses listes, MM. Bar-
doux, Savary et Casimir Pérler.
•
« *
Aujourd'hui, à onze heures, les députés et
sénateurs de l'Algérie doivent être reçus par
M. de Marcère, afin de s'entendre avec le mi-
nistre sur les mesures à prendre relativement
à l'Algérie, notamment en ce qui concerne le
remplacement du général Chanzy, décidé en
principe. Nous croyons savoir que les dépu-
tés et sénateurs Intéressés sont d'accord pour
demander à M. de Marcère qu'on nomme gou-
verneur général, à litre de mission tempo-
raire, M. Albert Grévy, vice président de la
commission extra-parlementaire algérienne.
Il avait été question aussi, pour cette haute
situation, de M. Henri Brisson, mais l'honora-
ble député a décliné toute candidature.
.-.
On pense que la gauche du Sénat portera à
la vice-présidence, en remplacement de M.
Le Royer, M. Leblond.
«
• ¥
Une des premières questions qui doivent être
soulevées devant la Chambre sera sans doute
celle du retour à Paris.
On considère comme certain que le prési-
dent de la République convoquera le congrès
pour statuer à ce sujet et modifier l'article de
la constitution qui fixe à Versailles le siège du
gouvernement.
Aussitôt après, la Chambre se réinstallerait
au Palais-Bourbon, et le Sénat prendrait pos-
session du Luxembourg.
Il est probable qu'en ce cas, le conseil
municipal de Paris, qui occupe actuellement
une partie des salles du Luxembourg, serait
transféré dans la mairie du quatrième arron-
dissement.
*
* V
Avant la séance, les sénateurs ont procédé,
dans leurs bureaux, à l'élection de deux com-
missions pour examiner les projets de che-
mins de fer.
L'une, relative à la ligne de Mende au Puy,
se compose de MM. Mayran, de Rozière, colo-
nel Meinadier, Th. Roussel, Barne, Daussel,
Arbel, Vissaguet, Delsol.
L'autre, qui s'occupera de la ligne de Jes-
sain à Eclaron, comprend MM. Huguet, Bon-
net, général Pélissler, Cuvlnot, Le Bastard,
Robert Dehault, Masson de Morfontaine, Ed.
de Lafayette, Vivenot.
#*#
La commission de comptabilité du Sénat a
nommé président M. Foubert, et secrétaire
M. Huguet.
A. L.
- 4b
Li CHARlîÉtlSCOPALE
C'est mon avis que M. Hyacinthe Loy-
son, l'ex-père Hyacinthe de Notre-Dame,
avait eu le plus grand tort d'écrire une
lettre à M. l'archevêque de Paris, pour
l'informer qu'il va ouvrir une église libre
où il prêchera sa doctrine et dira la mes-
se en français. Je ne vois pas en quoi la
chose peut regarder ce prélat, plus que
l'ouverture d'une salle de conférences ou
d'un théâtre. C'est le droit de M. Hyacinthe
de se dire etmême de se croire catholique,
meilleur catholique que le pape ; chacun
entend les mots au sens où il lui con-
vient ; mais en fait, M. Hyacinthe n'a plus
le droit de dire qu'il fait partie de l'Eglise
catholique organisée ainsi qu'elle l'est
puisqu'il en est volontairement sorti. Il a
secoué sur elle, en la quittant, la pous-
sière de ses sandales : avant qu'elle l'eût
excommunié, il s'était excommunié lui-
même. Les anathèmes de Rome n'ont at-
teint qu'un contumax.
Il me semble cependant que la lettre
de M. Loyson ne méritait pas la réponse
qu'elle vient de recevoir de M. l'archevê-
que de Paris. On dirait que son auteur a
emprunté pour l'écrire une des plumes
de M. Louis Veuillot. Que M. l'archevê-
que de Paris eût rappelé sévèrement à M.
Loyson qu'il ne fait plus partie de l'Eglise,
qu'il eût défendu à ses fidèles d'aller l'en-
tendre, sous peine de s'associer à l'ex-
communication dont il est frappé, c'était
son rôle et son droit pastoral. Mais M.
l'archevêque de Paris ne s'est pas borné
là, et, prenant l'offensive, voici comment
il parle à son contradicteur :
Vous avez laissé pénétrer dans votre esprit
l'orgueil qui aveugle, et dans votre cellule de
religieux les Images des jouissances que vous
vous étiez Interdites par des serments sacrés.
La double tentation dont vous étiez tourmenté
a troublé votre raison et triomphé de votre
faible courage. Alors ce qui faisait l'objet de
votre foi a cessé d'être vrai à vos yeux ; les
saints objets de votre amour n'ont plus eu de
charme pour votre cœur. Depuis plusieurs an-
nées, vous traînez en divers lieux le malheur
de votre déchéance, sans pouvoir retrouver
la paix qui vous fuit. Cette paix, que Dieu seul
donne, vous avez fini par aller la demander
à ceux qui l'ont eux-mêmes perdue par une
faute pareille, en rompant l'unité de l'Eglise.
Vous vous flattez peut-être de retrouver au-
près des hommes, par le succès de votre pa-
role, le témoignage que vous refuse votre
conscience. Ce sera pour vous une déception
de plus. Autour de votre tribune schismatl-
que, on verra quelques personnes sans croyan-
ces, attirées par la curiosité ; on n'y verra
point des disciples, votre secte ne fera point
point des disciple~,a, tteindrez même pas à la
d'adeptes, vous n atteindrez même pas à la.
fortune de Y Eglise française de Châtel, qui,
après un certain nombre de réunions qui res-
semblaient à des représentations de théâtre,
disparut danJ l'indifférence et le mépris.
Et qusllieu avez-vous choisi pour y dresser
votre chaire d'erreur ? C'est la ville même où
s'élève cette chaire de vérité, illustrée par de
grands orateurs et occupée jadis par vous-
même avec quelque éclat. Vos auditeurs con-
fondus chercheront les motifs qui vous ont
fait passer de l'une à l'autre, et Ils n'en trou-
veront certainement pas qui puissent honorer
la nouvelle mission que vous vous êtes don
née.
Hé quoi! monseigneur, est-ce ainsf
que vous pratiquez la charité chrétienne?
Vous qui relisez chaque jour, en disant
votre bréviaire, cette belle parole de l'E-
criture, que Dieu voit les cœurs et sonde
les reins, est-ce ainsi que vous vous en
souvenez? De quel droit usurpez-vous la
place de Dieu pour juger les actions d'un
homme et pénétrer ses intentions secrè-
tes? Qui vous dit que les motifs bas et vils
que vous imaginez ont déterminé cet
homme à sortir des rangs de l'Eglise, et
l'ont déterminé seuls ? Avez-vous été au
fond de sa conscience pour oser le flétrir
ainsi et le dénoncer au mépris de tous?
Ces dénonciations-là, monseigneur, la
catéchisme que vous enseignez les ap-
pelle de graves jugements téméraires, et
la loi humaine les appelle des diffama
tions.
Est-il donc si impossible à un chrétienJ
à un prêtre, à un homme qui a déjà unq
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