Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-01-26
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 janvier 1879 26 janvier 1879
Description : 1879/01/26 (A9,N2594). 1879/01/26 (A9,N2594).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7562640g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
NeuviètttAnnéc. — N. 2594. Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes.— Départements : 20 Centimes. Dimanche 26 Jantl., 1879
LE E.
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LOTERIE NATIONALE
Nous invitons nos amis à
venir, demain Dimanche,
prendre communication ,
dans nos bureaux, à partir
de midi, des résultats du
tirage de la Loterie Natio-
nale, que nous leur commu-
niquerons au fur et à mesure
qu'ils nous parviendront,
c'est-à-dire de quart d'heure
-- en quart d'heure.
c '!j' L'ÍI\
Paris, 25 Janvier 1879
Le Sénat a adopté la proposition de M.
Bertauld tendant à autoriser les commis-
sions sénatoriales à se réunir à Paris. Le
Sénat a procédé ensuite à la validation
des élections des nouveaux sénateurs.
La Chambre des députés a pris en con-
sidération un grand nombre de proposi-
tions, puis s'est ajournée à mardi prochain.
L'Agence russe dément que de nouvelles
difficultés aient surgi à Constantinople au
sujet du traité définitif entre la Russie et
la Turquie. Malgré ce démenti, une dépê-
che de Vienne affirme que des divergences
d'opinion se sont produites quand il s'est
agi de rédiger le traité et il est très dou-
teux que ces nouvelles difficultés soient
aplanies.
C'est décidément lundi prochain que se
réunit l'assemblée des notables Bulgares.
Le Standard croit savoir que les membres
de cette assemblée auraient résolu de dif-
férer l'élection du.prince de Bulgarie jus-
qu'à ce que l'union de la Roumélie et de
la Bulgarie soit un fait accompli. Si cette
nouvelle est fondée, l'assemblée bulgare ne
réclame rien moins que l'abrogation du
traité de Berlin, car il est peu probable que
sur ce point surtout, l'Angleterre consente
jamais à une révision du traité. S'il faut
en croire la Correspondance politique de
Vienne,la Russie aurait preparé de longue
main ces manifestations en faveur de la
grande Bulgarie qui se déclarent au-
jourd'hui dans l'assemblée nationale bul-
gare, et elle ferait en même temps tous
ses efforts pour engager le parti militaire
autrichien à réclamer encore Salonique.
« Ce plan, dit la Correspondance, suppo-
se naturellement l'anéantissement du trai-
té de Berlin et ne peut réussir que si la
Russie s'assure d'avance par la création
de la grande Bulgarie qu'elle aiara sa bon-
ne part du butin lorsqu'on dépouillera
encore une fois la Turquie, contrairement
au traité. » Nous laissons, bien entendu, à
la Correspondance politique la responsa-
bilité de ses renseignements, auxquels
nous n'ajoutons qu'une foi bien limitée.
Le Morning Post croit savoir que plu-
sieurs États allemands ont invité kjirs re-
présentants au conseil fédéral à vHter con-
tre les mesures disciplinaires parlemen-
taires que le prince de Bismarck a proposé
d'appliquer au Reichstag. On sait qu'un
journal de Berlin a affirmé dernièrement
que M.de Bismarck aurait déclaré que peu
lui importait que ce projet de loi fût voté
ou non. On en a conclu que le chancelier
de l'empire n'était pas éloigné de consen-
tir au retrait du projet. Cette supposition
ne paraît pas toutefois fondée, et l'authen-
ticité de la déclaration attribuée au chan-
celier est plus que, douteuse. Le prince de
Bismarck n'est pas homme à renoncer à
une entreprise dès les premières difficul-
tés qu'elle rencontre. Ce qui est possible,
c'est qu'il ne soit pas résolu à insister sur
l'adoption intégrale du texte primitif du
projet de loi.
D'autre part, une feuille de Berlin a
proposé de modifier le règlement du Par-
lement, de manière à attribuer au prési-
dent le droit de retirer la parole à tout
orateur en même temps qu'il lui adressera
le premier rappel à l'ordre. D'après les dis-
positions règlementaires actuelles, la pa-
role ne peut être retirée à un orateur que
de l'assentiment de la Chambre et après
deux rappels à l'ordre. Il ne faut pas ou-
blier toutefois que ce à quoi vise surtout,
le chancelier, c'est à empêcher la repro-
duction, par les journaux, des discours ou
passages de discours qui peuvent motiver
des mesures disciplinaires, et la modifica-
tion proposée par la feuille berlinoise au
règlement du Reichstag ne répond que
très incomplètement à cette intention.
L'Agence russe annonce que l'émir d'Af-
ghanistan ne se rendra pas à Saint-Péters-
bourg. Il restera quelque temps à Tas-
chkend.
E. BARBIER.
—————- ♦
lBo'U. 1.. :JE» &'J/":l
PSSIEI Koumsi se GRA
3 0/0 76 fr. 95.
5 0/0 113 fr. 90.
Es;YPt8>-* «t»•••• 246 fr. 87.
Russe 1877 85 1/16,85.
Des projets de lois importants ont été
annoncés aux Chambres par le cabinet.
Nous citerons, dans l'ordre de la décla-
ration ministérielle : un projet de loi sur
le droit de grâce ; un projet de loi sur
l'organisation de l'enseignement profes-
sionnel ; un projet de loi relatif à l'abais-
sement des patentes ; un projet de loi
sur l'organisation de la gendarmerie ; un
projet de loi sur le gouvernement de
l'Algérie et des colonies ; un projet de
loi sur l'organisation municipale ; un pro-
jet de loi sur les chambres syndicales ; un
projet de loi sur l'instruction primaire
obligatoire ; un autre sur les brevets de
autre sur la collation des
grades ; un projet de loi relatif au con-
seil d'Etat ; un projet de loi introduisant
plusieurs réformes dans notre législation
criminelle, etc., - car nous n'avons pas
tout énuméré. Si tous ces projets sont vo-
tés en 1878, on pourra dire que peu de
sessions auront été aussi laborieuses. Ce
que nous regrettons, c'est qu'aucun
d'eux ne soit encore déposé sur le bu-
reau des Chambres.
Un de nos confrères faisait observer
hier soir que, sur tous les points, l'action
du ministère est urgente, et qu'il con-
vient de hâter à la fois la réforme du per-
sonnel et le dépôt des projets de loi pro-
mis. C'est par là qu'on peut conjurer le
retour des inquiétudes qui, si l'on ne se
pressait point, commenceraient bientôt à
se réveiller. Nous ne demandons pas que
tous ces projets soient apportés aux
Chambres le même jour. Mais, s'il y en
a quelques-uns de prêts, comme cela
doit être assurément, il importerait de
les présenter le plus tôt possible, afin de
ne point retarder dans le Parlement
l'heure des délibérations utiles. La Cham-
bre est pleine de bon vouloir, mais il ne
faut pas la laisser fonctionner à vide et
se livrer, par manière de passe-temps, à
l'abatage des prises en considération.
Que le ministère évite donc de se met-
tre en retard, soit qu'il s'agisse des ré-
formes du personnel. soit qu'il s'agisse
de l'initiative qui appartient, en matière
législative, à tout gouvernement bien avi-
sé. « Nous nous appliquerons, a dit le
ministère, nous nous appliquerons, avec
l'aide des Chambres, à connaître les
souffrances et les besoins, à consulter les
inquiétudes et les désirs de ce noble pays
que nous avons, pour notre part consti-
tutionnelle, l'honneur de gouverner. »
C'est un sage dessein. Mais qu'on s'y ap-
plique tout de suite ! Nos ministres ne
semblent pas assez convaincus que le
temps presse. Quelque opinion qu'on se
fasse de la situation, il faut bien la pren-
dre comme elle est et compter avec
elle. Donc, que le cabinet se hâte; c'est
en amis que nous le prévenons.
EUG. LIÉBERT.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
tersailles, 24 janvier 1879.
Le nombre des esclaves du devoir va
diminuant. — L'humanité est ainsi faite
qu'elle a peu de goût pour les longues
épreuves. — Et encore, parmi ceux qui
ont sacrifié à la froide jouissance du de-
voir accompli les chaudes douceurs du
foyer, il en est qui mettent un dernier
espoir en M. de Gasté, dit le « Nombromè-
tre. » On sait, en effet, que ce député a la
spécialité de faire remarquer « qu'on n'est
pas en nombre. »
M. de Gasté lui-même est en retard.
Fait unique dans l'histoire parlementaire.
Quand il apparaît, la salle lui fait une pe-
tite ovation.
M. de Gasté comprend. Il s'élance, allè-
gre, et s'approche du fauteuil présiden-
tiel ; son visage, sur lequel neige perpé-
tuellement du poil blanc, a de joyeux fré-
tillements : cet homme a la vague espé-
rance qu'une fois en sa vie il va avoir rai-
son. Accablé, nous le voyons redescendre
et gagner sa place : le bureau trouve que
la Chambre est en nombre.
Eh bien, vraiment, à notre humble avis,
ce n'était pas la peine de braver l'arithmé-
tique et de tenir séance pour faire, nous
ne dirons pas si peu de choses, mais tant
de choses qui ne signifient rien du tout.
En avant les prises en considération !
Il y avait, à l'ordre du jour, vingt et une
propositions. Le tout n'a pas duré trois
quarts d'heure à avaler. Et ne croyez pas
qu'il s'agisse de minces morceaux 1 Des
modifications au Code d'instruction crimi-
nelle, à la procédure en matière de fail-
lites, au régime des boissons et spiritueux,
à la situation des bouilleurs de crû, à la
loi sur la presse. Un instant même, en-
trainée sur cette vaste glissade, la Cham-
bre a failli voter, sans s'en apercevoir, la
prise en considération de l'élection des
maires et adjoints des chefs-lieux de can-
ton par les conseils municipaux ainsi que
d'un nouveau mode de révocation des
maires et adjoints élus.
Le lancé est tel que, si quelque député
avait par hasard la velléité de présenter
une observation sur un projet quelconque,
le temps d'aller à la tribune, il serait déjà
distancé par trois prises en considération.
C'est M. le comte Durfort de Civrac qui
préside. Il est tout à fait étonnant. Ce n'est
pas que nous trouvions qu'il préside mal ;
seulement, il vous coupe la respiration.
M. Martel passe pour avoir «de la vitesse »,
comme on dit en termes d'escrime. Eh
bien ! toute révérence gardée, M. Martel
est à M. Durfort de Civrac ce que la
charrette est à la machine Crampton.
A trois heures quarante, l'ordre du jour
est épuisé. Et nous donc !
Comment ? Il ne reste plus rien à voterl
Si nous votions le retour à Paris, par-des-
sus le marché. ?
Je n'invente rien. M. Laroche-Joubert,
à propos de la fixation de la prochaine
séance, demande, d'un air bonhomme, que
les bureaux de la Chambre se réunissent
demain au Corps législatif. Tiens, mais
c'est une idée 1 Et il se trouve nombre de
députés pour approuver la proposition.
Nous devons dire que M. Durfort de Ci-
vrac s'est montré un vrai président. Cet
homme n'est pas bavard; mais, en quel-
ques mots nets et clairs, il a refusé de
mettre aux voix une pareille motion, car,
« politiquement parlant, le premier de
nos devoirs, a-t-il dit, est le respect à la
constitution. » De la part d'un légitimiste,
c'était très gentil et très sensé.
Aussi, laissant de côté l'idée de la réu-
nion des bureaux, la Chambre s'est-elle
contentée de fixer à mardi sa prochaine
séance. Nous ferons doucement observer,
à ce sujet, que, si la Chambre trouve tout
au plus de quoi s'occuper pendant trois
quarts d'heure en séance publique, elle a
environ, simplement avec ce qui lui a été
taillé de besogne par les prises en consi-
dération d'aujourd'hui, de quoi travailler
trois ans dans les bureaux et commissions.
M. le ministre de l'instruction publi-
que a déposé le projet sur l'enseignement
primaire. Et d'un.
PAUL LAFARGUE.
(JOURRIBR DU SÉNAT
Froide journée, froide séance. De la nei-
ge partout, dans les rues, dans les cou-
loirs, sur les cheveux des sénateurs. Une
nécrologie pour lever de rideau, ce qui
n'est pas fait pour réchauffer. M. le pré-
sident Martel annonce en quelques paro-
les très dignes et réellement émues la
mort de M. Paul Morin, un vaillant répu-
blicain dont la réaction escomptait en-
core, il y a un mois, le fauteuil d'inamo-
vible, et qui s'est bravement défendu con-
tre la mort, comme s'il n'avait pas voulu
partir avant d'avoir salué le triomphe dé-
finitif de la République.
Puis l'on passe aux exercices ordinaires.
Validation des élections de l'Indre. A pro-
pos de celles de l'Hérault, M. Baragnon,
qui est du Gard, vocifère un discours
étonnant, dont personne ne saisit l'à-pro-
pos, et qui n'est qu'une forte diatribe con-
tre le conseil général du département. On
y a compris seulement que l'éminent ora-
teur parlait de moralité électorale : cela a
beaucoup amusé. Un sénateur de l'Hé-
rault, nouveau venu, M. Gaston Bazille,
a d'ailleurs riposté avec une grande vi-
gueur et un très réel talent de parole ; le
Sénat lui a fait un véritable succès, par-
faitement mérité, et je crois bien qu'à l'a-
venir M. Baragnon y regardera à deux fols
avant de se mêler des affaires de l'Hé-
rault.
En terminant, le Sénat a adopté le rap-
port de M. Bertauld, tendant à ce que les
commissions puissent, à leur choix, se
réunir à Paris ou à Versailles. A quelque
chose la neige est bonne 1
EMMANUEL ARÈNE.
Nouvelles parlementaires
Presque personne à Versailles, hier : peu
de sécateurs, encore moins de députés. La
neige a décidément une Influence désastreuse
sur l'activité parlementaire.
v <->
L'extrême gauche de la Chambre n'en a pas
moins tenté de se réunir pour discuter sur la
date à laquelle on déposerait le projet de loi
sur l'amnistie ; mais la réunion était si peu
nombreuse qu'on n'a pu prendre aucune ré-
solution et qu'on s'est ajournéà lundi en char-
geant seulement des délégués de s'entendre
avec les membres de l'extrême gauche séna-
toriale.
A la suite de cette séance, MM. Loui3 Blanc,
Loekroy, Georges Pérln et Clémenceau se sont
rendus au Sénat, où ils ont eu une entrevue
avec MM. Victor Hugo, Peyrat, et ceux des
membres du bureau de l'extrême gauche qui
étaient venus à Versailles. Les délégués se
sont mis d'accord sur le texte de la proposi-
tion, lequel dira seulement qu'une amnistie
pleine et entière est accordée pour tous les
actes se rattachant aux événements de mars,
avril et mal 1871.
Cette proposition sera présentée simultané-
ment aux deux Chambres, par M. Victor Hugo
et M. Louis Blanc, à une date qui n'est pas
encore fixée.
*
Le centre gauche de la Chambre a tenu
ausi séance. Il n'a abordé aucune discussion
et s'est borné à procéder au renouvellement
de son bureau, qui a été ainsi composé :
président, M. Germain; vice-président, M.
Raymond Bastid; secrétaires, MM. Develle et
Riotteau ; questeur, M. Gailly.
Sa prochaine réunion aura lieu mardi, à
Versailles, avant la séance de la .Chambre.
*
# *
Le rapport de M. Bertauld sur sa proposi-
tion tendant à ce que les commissions séna-
toriales aient le droit de siéger à Paris a été
approuvé à l'unanimité par la commission
spéciale chargée d'examiner ce projet, et il a
été décidé qu'il serait lu et discuté immédia-
tement en séance.
On sait que le Sénat l'a adopté.
On s'est préoccupé du local qui pourrait
être disposé pour recevoir ces commissions,
et l'idée qui semblait obtenir le plus de suc-
cès était de consacrer à cet usage le pavillon
die Flore. La distribution de ce pavillon se
prêterait assez bien, paraît il, à une installa-
tion de ce genre; et, plus tard, si le Parlement
revient à Paris, la salle des Etats, qui se trou-
ve dans le même local, pourrait être facile-
ment transformée en salle des séances du
Sénat.
*
* m
La commission d'initiative parlementaire
a conclu à la prise en considération d'une
proposition de M. Naquet ayant pour but l'a-
brogation de toutes les lois restrictives sur la
presse.
♦ *
Le septième bureau a élu M. de Saint-Mar-
tin, contre M. de Kerjégu, membre de la com-
mission de navigation, en remplacement de
M. Dupouy, nommé sénateur.
*
--
La sous-commission générale d'enquête
électorale sur les actes du i6 mal s'est réunie
au Palais-Bourbon pour discuter son rapport
d'ensemble.
A. L.
————————— !
Invité par un grand nombre d'électeurs
à accepter la candidature dans le huitième
arrondissement de Paris, M. Anatole de
la Forge a répondu par la lettre suivante :
« 25 janvier 1879.
» Messieurs et chers citoyens,
» Au nom des cinq mille deux cent quarante
et un électeurs qui, au dernier scrutin, me
firent l'honneur de voter pour moi, vous me
demandez de laisser de nouveau poser ma
candidature. Votre sympathie me touche pro-
fondément. Je ne puis cependant y répondre
que par un refus.
» Adversaire constant de la candidature offi-
cielle, je l'ai combattue comme journaliste
sous l'empire. Préfet de la Défense nationale,
j'ai refusé à deux reprises les candidatures qui
m'étaient offertes par mes vaillants amis de
Saint Quentin et par les républicains des Bas-
ses-Pyrénées.
» Aujèd'4ul,directeur de la presse au mi-
nistère dèriiitérieur. j'aurais, si j'étais votre
candidat, l'apparence d'un candidat officiel.
» Les républicains du huitième arrondisse-
ment doivent prétendre à une victoire d'un
caractère inattaquable. C'est pourquoi, chers
concitoyens, dans l'intérêt des vrais princi-
pes démocratiques, je viens vous supplier de
désigner un autre candidat. En trouver un
plus méritant que moi vous sera facile ; voter
pour lui sera le devoir et la joie du vaIncu
de l'ordre moral.
» ANATOLE DE LA FORGE. »
.0-
LES BONNES SŒURS
Les Annales de la Sainte-Enfance
nous parlent sans cesse, avec ravisse-
ment, du zèle que déploient les bonnes
sœurs en Chine, en Cochinchine et aux
Indes, pour la conversion des infidèles.
Ces saintes filles s'en vont recueillant les
orphelines ; elles les nourrissent, les ins-
truisent, leur confèrent le baptême, et en
font des servantes, je veux dire des ser-
vantes de notre sainte-mère l'Eglise.
Le but qu'elles se proposent est si no-
ble que tous les moyens leur paraissent
bons pour y atteindre. Où le simple ea-ort
de la persuasion ne réussit point, elles
ne dédaignent point de mettre en prati-
que la maxime de l'Evangile : Coge in-
trare. Elles usent de procédés qui éton-
neraient peut-être de Brest à Gap et de
Lille à Perpignan, mais qui ne jurent
qu'à demi avec les usages séculaires du
despotisme dans l'extrême Orient.
Les Annales de la Sainte-Enfance se
gardent bien de nous révéler ces faits,qui
pourraient scandaliser nos âmes pusilla-
nimes. Elles accommodent leurs récits à
la faiblesse de notre foi; elles savent
qu'en France, le plus dévot même, parmi
les laïques, est infecté d'une goutte de cet
affreux virus des idées libérales, et qu'il
admet difficilement dans les choses qui re-
lèvent de la conscience seule l'interven-
toin du bras séculier. Aussi gardent-elles
un silence prudent sur ces histoires, dont
l'éclat traverse rarement les mers pour
arriver jusqu'à nos oreilles. La Chine.
la Cochinchine. ! ce sont là des pays si
éloignés 1 Et puis on a beau se repéter le
fameux vers du poëte latin : homo sum,
on ne s'intéresse que médiocrement aux
naturels de ces contrées extravagantes.
Ce qu'ils souffrent nous touche peu. Ils
crient dans une autre langue.
Et cependant. Qui de nous n'a eu,
dans sa vie, occasion de causer avec
quelque militaire, ou quelque fonction-
naire, ou quelque négociant, revenu de
ces pays lointains, et ne les a entendus
causer en toute liberté des missionnai-
res, des jésuites, des bonnes sœurs, et
de la façon dont tout ce monde, en froc
ou en cornette, traite les pauvres indi-
gènes? Ah 1 l'on s'étonne parfois chez
nous qu'il y ait là-bas des révoltes et des
massacres 1 Ce qui devrait nous surpren-
dre, c'est qu'il n'y en ait pas davantage.
Il faut que ces malheureuses populations
aient reçu du ciel une patience de mou-
ton, pour endurer si facilement ces ty-
rannies tracassières. Il est vrai que par-
fois les moutons deviennent enragés, et
alors ils vengent d'un seul coup dix ans
de misères. Les moines de tous ordres
sont, dans l'extrême Orient, sinon l'uni-
que, au moins le pire souci de nos diplo-
mates.
Si l'histoire que je vais conter était
une triste et monstrueuse exception, il
serait inutile de la mettre sous les yeux
du public. Mais elle est comme un indice,
comme un symptôme d'une situation gé-
nérale. Les faits comme celui dont le
bruit est parvenu jusqu'à nous ne sont
pas rares. Ils dérivent tous d'une même
cause : l'esprit de prosélytisme, déve-
loppé jusqu'à l'excès, chez des natures
bornées, et par cela même d'autant plus
fanatiques.
Cet esprit de prosélytisme e&,t le mê-
me en France: seulement, chez nous, il
est maintenu par les lois, et plus encore
par les mœurs. Là-bas, dans ce relâche-
ment et des mœurs et des lois, il en prend
à son aise, il se déploie librement ; il n'a
pas même conscience de son extrava-
gante férocité.
C'était à Saïgon.
Une jeune mie avait été, à l'âge de
quatorze ans, enfermée dans un couvent
de la Sainte-Enfance ; elle y était restée
jusqu'à dix-huit ans.
Comment y était-elle entrée ? Etait-ce
donnée par ses parents? recueillie com-
me orpheline? Je n'en sais rien. Ce qu'il
y a de sûr, c'est qu'elle ne s'y plaisait
guère. Et la meilleure preuve que j'en ai,
c'est qu'un jour, à l'aide d'un bambou,
elle sauta par-dessus la muraille et prit
cette clé rayonnante que l'on appelle la
clé des champs.
Il paraît que la pauvre fiile aimait sa
religion, la religion de ses pères,et qu'elle
avait horreur des pratiques auxquelles
on la contraignait au couvent. Il parait
aussi qu'elle avait envie de se marier.
Dame 1 a son âge.
Là voilà donc libre.
Le malheur voulut qu'un jour, se pro-
menant dans les rues de Saigon, elle fut
rencontrée par une sœur de son ancien
couvent, la sœur Bénilde de Joseph. La
sœur ne manqua pas une si belle occa-
sion de ressaisir la fugitive. Elle s'empara
d'elle aussitôt, et comme la pauvre An-
namite se débattait, criant, la religieuse
appela à son secours un sergent de vilie
qui passait.
— Mais, ma sœur, objecta le sergent
de ville, c'est que je ne sais si je dois.
— J'ai en poche, répondit la sœur, un
ordre de la police d'arrêter cette indigè-
ne partout où on la rencontrera.
Elle mentait, la digne sœur, mais men-
tir pour la bonne cause, ce n'est pas pé-
ché, c'est au contraire œuvre pie.
Aidée du sergent de ville, elle se mit
en devoir de lier avec des cordes les
mains de la jeune fille ; deux artilleurs qui
vinrent à passer là par hasard lui prêtè-
rent leur concours pour cette triste beso-
gne. La malheureuse victime résistait, se
tordait, gémissait, criait ; rien n'y fit. On
la ramena au couvent.
Et là, pour punition, on décida qu'il
lui serait infligé le supplice de la ca-
douille.
La cadouille? qu'est cela? Oh! mon
Dieu! peu de chose; ui petit supplice indi-
gène. On attache le condamné à un arbre
ou à un poteau; un bourreau s'arme d'u-
ne lanière et frappe à tour de bras sur
le patient, jusqu'à ce que le sang jail-
lisse.
La cadouille ne diffère pas beaucoup
du fouet qui était jadis donné aux es-
claves nègres.
Après cette belle exécution, on rasa la
belle. Il faut savoir que dans les idées an-
namites, c'est une aussi horrible chose
d'avoir la tête rasée que d'être mutilé de
n'importe quel membre. Chaque peuple
a ses usages.
Toute cette abominable aventure n'eût
pas été plus connue que tant d'autres
si elle n'avait eu pour témoin un honnête
homme, chef d'un des services de l'ad-
ministration française, qui fit tout ce qu'il
put pour s'opposer à cette barbarie, et
qui, se voyant repoussé, s'en alla, dans
un accès d'indignation et de colère, dé-
noncer le fait à la police et porter
plainte.
Le fait était si criant, la population si
exaspérée, qu'il fallut bien suivre sur
cette plainte. Le chef du parquet géné-
ral s'émut, fit une instruction, à la suite
de laquelle la sœur Bénilde de Saint-Jo-
seph fut traduite devant le tribunal, qui
correspond à ce qu'est chez nous la
cour d'assises. Le tribunal est composé
de trois magistrats et de deux asses-
seurs civils.
La sœur, mise en cause, ne nia les
faits, ni dans l'instruction, ni devant la
cour. Elle se contenta, de dire pour sa
défense qu'elle croyait avoir bien agi et
danà l'intérêt de Dieu.
Et ce qu'il y a de plus terrible, c'est
qu'en parlant de la sorte, il est évident
qu'elle disait la vérité. Oui, elle avait
cru bien faire, en commettant ce double
crime : séquestrer une jeune fille libre et
la battre jusqu'au sang. Les idées dont
une fausse religion lui avait farci la cer-
velle avaient si bien éteint chez elle les
lumières du sens commun qu'elle en était
arrivée à croire qu'elle était agréable à
son Dieu en lui ramenant, à coups de
fouet, une brebis égarée. Et dire qu'elles
sont toutes comme cela 1
Ai-je besoin de vous dire que la sœur
a été acquittée ? Vous l'avez deviné d'a-
vance. Mais la manière dont fut conduit
son procès fit scandale.
Le ministère public, chargé de requé-
rir contre elle, le fit si étrangement que
l'on put croire que c'était la défense de
l'accusée qu'il présentait. Le public était
nombreux, composé en grande partie de
toutes les notabilités de Saigon. Il ne put
s'empêcher de marquer sa stupéfaction,
et le procureur général, se tournant vers
lui, s-'échappa jusqu'à dire : « Il faut être
à Saigon, pour voir un public comme
celui-ci, avide d'émotions malsaines. »
Un long murmure courut dans la foule.
Cette impertinence eût sans doute été
malsaine pour celui qui l'avait prononcée
si, peu de temps après, la maladie ne
l'avait forcé à quitter ses fonctions.
Il faut une conclusion à cette histoire.
Car l'acquittement de la sœur en serait
une par trop triste. Eh bien 1 j'en ai
une autre à vous donner, et très conso-
lante celle-là, dont nous pouvons félici-
ter ie gouvernement.
Ces faits, tels que je viens de vous les
conter, ont été mis sous les yeux du mi-
nistre de la marine, M. Pothuau. Il a aus-
sitôt ordonné une enquête. L'enquête les
a pleinement confirmés. Et savez-vous ce
qu'il a fait alors ? Au lieu de s'irriter con-
tre celui qui les avait révélés, il a tout de
suite mis à l'étude un projet de réorga-
nisation de l'assistance publique aux co-
lonies, laquelle sera chargée de la tutelle
légale des orphelins.
Décidément il y a quelque fois avan-
tage à vivre sous un régime républicain,
et l'on est heureux d'avoir à la tête d'un
ministère un honnête homme qui est en
même temps un homme de cœur.
FRANCISQUE SARCEY.
Le conseil d'Etat, dans l'affaire de Mme
veuve Michelet contre le ministre des fi-
nances, a pris la décision suivante :
Ouï M. Fould, maître des requêtes, en son
rapport ;
Ouï Me Paul Lesage, avocat de la dame veu-
ve Michelet, en ses observations ;
Ouï M. Flourens, maître des requêtes, com-
missaire du gouvernement, en ses conclu-
sions ;
En ce qui touche les sommes prélevées à ti-
tre deretenues sur le montant de lapension de
la dame Michelet :
Considérant qu'en soumettant à des rete-
nues les fonctionnaires de l'Etat, les articles 3
et suivants de la loi du 9 juin 1853 disposent
que ces retenues seront prélevées sur leurs
traitements, rétributions ou émoluments, et
que depuis le jour où il a été révoqué de ses
fonctions, le sieur Michelet n'a touché ni trai-
tement ni aucune autre rétribution de l'Etat ;
Que, si une pension a été allouée à sa veuve
en vertu et par application des dispositions
exceptionnelles du décret du 12 septembre
1870 combinées avec l'article 13 de la loi pré-
citée du 9 juin 1853, aucune disposition de loi
ni de règlement n'autorisait le ministre des
financés à réclamer à la requérante le verse-
ment de retenues imputables sur des sommes
qui n'ont pas été payées ;
Qu'ainsi, il y a lieu d'annuler la décision du
ministre qui a repoussé la réclamation de la
dame Michelet, et de condamner l'Etat au
remboursement des sommes qui auraient été
déjà versées à titre de retenues par la requé-
rante avec Intérêts à partir du 10 mal 1878,
jour de la demande ;
Décide :
Article 1er. — Est annulée la décision du
ministre des finances en date du 29 avril 1878
qui a repoussé la demande de la dame Miche-
let tendant à être exonérée des retenues mises
à sa charge.
Art. 2. - L'Etat remboursera à la dame Mi-
chelet avec intérêts, à partir du 10 mai 1878,
les sommes qu'elle aurait déjà versées à titre
de retenues.
LA SITUATION
II
Il n'y a pas à équivoquer sur le sens et
la portée du vote de lundi dernier. Il est
clair et s'explique de lui-même. Quand
on nous parle de scissions et de divisions
dans la majorité, de rupture entre le cen-
tre-gauche et la gauche républicaine d'une
part, de l'autre l'Union républicaine et
l'extrême gauche, ou l'on cherche à
tromper l'opinion, ou l'on se trompe lour-
dement soi-même. Aucune divergence
de doctrine ne s'est produite entre ces
groupes divers, ni avant lundi dernier,
ni lundi : aucune ne se produira de long-
temps, nous y comptons bien. Les qua-
tre groupes des gauches sont unis pour
vouloir l'affermissement de la Répu-
blique; ils ont, à de légères nuances
près, le même programme républicain ;
ils formulent les mêmes revendications :
s'il leur arrive parfois de différer, c'est
seulement sur les moyens d'exécution. Il
ne peut être question de gouverner avec
un ou deux groupes exclusivement, au
profit d'un ou deux groupes, sans le con-
cours des autres ou contre eux : et il im-
porte en somme médiocrement au parti
républicain aux mains de qui soient les
divers portefeuilles, pourvu qu'ils soient
en des mains républicaines sûres.
La discussion de lundi dernier et le
partage des voix se sont faits unique-
ment sur le point que voici. Les uns di-
saient : « Nous sommes sûrs des républi-
cains qui sont aujourd'hui au ministère ;
mais nous ne les croyons pas capa-
bles d'être fermes et hardis , et c'est
d'hommes hardis et fermes que la France
a besoin absolument aujourd'hui. » Les
autres ont répondu : « Oui, il faut absolu-
ment aujourd'hui des hommes fermes et
hardis; mais nous ne croyons pas les ré-
publicains qui sont au ministère incapa-
bles d'être ceux-là. Ils nous ont rendu
assez de services pour que nous ne les
condamnions pas au moins avant de les
avoir vus à l'œuvre. Ils nous demandent
le temps nécessaire pour être jugés d'a-
près leurs actes : ce temps-là, nous ne
pouvons pas le leur refuser. » Voilà sur
quoi, uniquement sur quoi a porté le débat
réel, et sur quoi l'on s'est compté. Les
uns étaient convaincus que le minis-
tère était hors d'état de tenir les enga-
gements virils qu'il venait de formuler
par la bouche de M. Dufaure et d'accen-
tuer encore par la déclaration de M. de
Marcère acceptant le vigoureux ordre du
jour da M. Jules Ferry, - et ceux-là ont
voté l'ordre du jour pur et simple ; les
autres se persuadaient que puisqu'il avait
pris ces engagements, c'est qu'il comptait
les tenir et que rien n'avait suffisamment
prouvé que, les ayant pris, il ne les tien-
drait pas,— et ceux-là ont voté en faveur
du ministère.
Telle est la situation exacte de l'heure
présente, et c'est de cette situation qu'il
importe que tout le monde, gouverne.
ment, Assemblées et pays, se rende exac-
tement compte, le gouvernement surtout.
L'ordre du jour adopté lundi offre un
caractère particulier et qui n'a pas beau-
coup de précédents parlementaires. Si
la majorité eût été convaincue de l'im-
puissance du ministère, elle eût voté l'or-
dre du jour pur et simple ; si elle eût été
pleinement convaincue de sa fermeté, elle
eût voté un ordre du jour ainsi conçu :
« la Chambre, confiante dans les déclara-
tions du ministère, passe à l'ordre du
jour. » Elle n'a fait ni l'un ni l'autre. Elle
a inscrit le mot de confiance dans son or-
dre du jour (et elle a eu raison, et le mi-
nistère a eu raison, lui aussi, d'exiger au
nom de sa dignité que ce mot s'y trouvât);
mais elle l'a fait suivre aussitôt d'une in-
dication précise et explicite de la politi-
que qu'elle entendait voir suivre par le
ministère et à laquelle seulement elle ac-
cordait son appui. Ainsi son ordre du
jour est tout à la fois un ordre du jour de
confiance, et non pas, si l'on veut, de d'é-
fiance , mais de prudente réserve ; pronon- *
çons le vrai mot, c'est un ordre du jour
d'attente, d'encouragement, d'espérance.
Cet ordre du jour, nous ne le regrettons
pas. Loin de là. Nous félicitons les dépu-
tés qui l'ont voté, et nous croyons que le
pays, en sa grande majorité, leur en
sait gré. Oui, nous estimons que le
pays, en 1878, avait contracté une dette
de reconnaissance envers les hommes qui
avaient accepté la tâche difficile de répa-
rer les désastres du 16 mai, de gouverner
malgréle Sénat, de faire vivre enpaixM. de
Mac-Mahon et la France, et que les dettes
de reconnaissance, même en politique,
sont de celles qu'il est bon autant qu'ho-
norable de payer. Oui, nous pensons que
LE E.
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LOTERIE NATIONALE
Nous invitons nos amis à
venir, demain Dimanche,
prendre communication ,
dans nos bureaux, à partir
de midi, des résultats du
tirage de la Loterie Natio-
nale, que nous leur commu-
niquerons au fur et à mesure
qu'ils nous parviendront,
c'est-à-dire de quart d'heure
-- en quart d'heure.
c '!j' L'ÍI\
Paris, 25 Janvier 1879
Le Sénat a adopté la proposition de M.
Bertauld tendant à autoriser les commis-
sions sénatoriales à se réunir à Paris. Le
Sénat a procédé ensuite à la validation
des élections des nouveaux sénateurs.
La Chambre des députés a pris en con-
sidération un grand nombre de proposi-
tions, puis s'est ajournée à mardi prochain.
L'Agence russe dément que de nouvelles
difficultés aient surgi à Constantinople au
sujet du traité définitif entre la Russie et
la Turquie. Malgré ce démenti, une dépê-
che de Vienne affirme que des divergences
d'opinion se sont produites quand il s'est
agi de rédiger le traité et il est très dou-
teux que ces nouvelles difficultés soient
aplanies.
C'est décidément lundi prochain que se
réunit l'assemblée des notables Bulgares.
Le Standard croit savoir que les membres
de cette assemblée auraient résolu de dif-
férer l'élection du.prince de Bulgarie jus-
qu'à ce que l'union de la Roumélie et de
la Bulgarie soit un fait accompli. Si cette
nouvelle est fondée, l'assemblée bulgare ne
réclame rien moins que l'abrogation du
traité de Berlin, car il est peu probable que
sur ce point surtout, l'Angleterre consente
jamais à une révision du traité. S'il faut
en croire la Correspondance politique de
Vienne,la Russie aurait preparé de longue
main ces manifestations en faveur de la
grande Bulgarie qui se déclarent au-
jourd'hui dans l'assemblée nationale bul-
gare, et elle ferait en même temps tous
ses efforts pour engager le parti militaire
autrichien à réclamer encore Salonique.
« Ce plan, dit la Correspondance, suppo-
se naturellement l'anéantissement du trai-
té de Berlin et ne peut réussir que si la
Russie s'assure d'avance par la création
de la grande Bulgarie qu'elle aiara sa bon-
ne part du butin lorsqu'on dépouillera
encore une fois la Turquie, contrairement
au traité. » Nous laissons, bien entendu, à
la Correspondance politique la responsa-
bilité de ses renseignements, auxquels
nous n'ajoutons qu'une foi bien limitée.
Le Morning Post croit savoir que plu-
sieurs États allemands ont invité kjirs re-
présentants au conseil fédéral à vHter con-
tre les mesures disciplinaires parlemen-
taires que le prince de Bismarck a proposé
d'appliquer au Reichstag. On sait qu'un
journal de Berlin a affirmé dernièrement
que M.de Bismarck aurait déclaré que peu
lui importait que ce projet de loi fût voté
ou non. On en a conclu que le chancelier
de l'empire n'était pas éloigné de consen-
tir au retrait du projet. Cette supposition
ne paraît pas toutefois fondée, et l'authen-
ticité de la déclaration attribuée au chan-
celier est plus que, douteuse. Le prince de
Bismarck n'est pas homme à renoncer à
une entreprise dès les premières difficul-
tés qu'elle rencontre. Ce qui est possible,
c'est qu'il ne soit pas résolu à insister sur
l'adoption intégrale du texte primitif du
projet de loi.
D'autre part, une feuille de Berlin a
proposé de modifier le règlement du Par-
lement, de manière à attribuer au prési-
dent le droit de retirer la parole à tout
orateur en même temps qu'il lui adressera
le premier rappel à l'ordre. D'après les dis-
positions règlementaires actuelles, la pa-
role ne peut être retirée à un orateur que
de l'assentiment de la Chambre et après
deux rappels à l'ordre. Il ne faut pas ou-
blier toutefois que ce à quoi vise surtout,
le chancelier, c'est à empêcher la repro-
duction, par les journaux, des discours ou
passages de discours qui peuvent motiver
des mesures disciplinaires, et la modifica-
tion proposée par la feuille berlinoise au
règlement du Reichstag ne répond que
très incomplètement à cette intention.
L'Agence russe annonce que l'émir d'Af-
ghanistan ne se rendra pas à Saint-Péters-
bourg. Il restera quelque temps à Tas-
chkend.
E. BARBIER.
—————- ♦
lBo'U. 1.. :JE» &'J/":l
PSSIEI Koumsi se GRA
3 0/0 76 fr. 95.
5 0/0 113 fr. 90.
Es;YPt8>-* «t»•••• 246 fr. 87.
Russe 1877 85 1/16,85.
Des projets de lois importants ont été
annoncés aux Chambres par le cabinet.
Nous citerons, dans l'ordre de la décla-
ration ministérielle : un projet de loi sur
le droit de grâce ; un projet de loi sur
l'organisation de l'enseignement profes-
sionnel ; un projet de loi relatif à l'abais-
sement des patentes ; un projet de loi
sur l'organisation de la gendarmerie ; un
projet de loi sur le gouvernement de
l'Algérie et des colonies ; un projet de
loi sur l'organisation municipale ; un pro-
jet de loi sur les chambres syndicales ; un
projet de loi sur l'instruction primaire
obligatoire ; un autre sur les brevets de
autre sur la collation des
grades ; un projet de loi relatif au con-
seil d'Etat ; un projet de loi introduisant
plusieurs réformes dans notre législation
criminelle, etc., - car nous n'avons pas
tout énuméré. Si tous ces projets sont vo-
tés en 1878, on pourra dire que peu de
sessions auront été aussi laborieuses. Ce
que nous regrettons, c'est qu'aucun
d'eux ne soit encore déposé sur le bu-
reau des Chambres.
Un de nos confrères faisait observer
hier soir que, sur tous les points, l'action
du ministère est urgente, et qu'il con-
vient de hâter à la fois la réforme du per-
sonnel et le dépôt des projets de loi pro-
mis. C'est par là qu'on peut conjurer le
retour des inquiétudes qui, si l'on ne se
pressait point, commenceraient bientôt à
se réveiller. Nous ne demandons pas que
tous ces projets soient apportés aux
Chambres le même jour. Mais, s'il y en
a quelques-uns de prêts, comme cela
doit être assurément, il importerait de
les présenter le plus tôt possible, afin de
ne point retarder dans le Parlement
l'heure des délibérations utiles. La Cham-
bre est pleine de bon vouloir, mais il ne
faut pas la laisser fonctionner à vide et
se livrer, par manière de passe-temps, à
l'abatage des prises en considération.
Que le ministère évite donc de se met-
tre en retard, soit qu'il s'agisse des ré-
formes du personnel. soit qu'il s'agisse
de l'initiative qui appartient, en matière
législative, à tout gouvernement bien avi-
sé. « Nous nous appliquerons, a dit le
ministère, nous nous appliquerons, avec
l'aide des Chambres, à connaître les
souffrances et les besoins, à consulter les
inquiétudes et les désirs de ce noble pays
que nous avons, pour notre part consti-
tutionnelle, l'honneur de gouverner. »
C'est un sage dessein. Mais qu'on s'y ap-
plique tout de suite ! Nos ministres ne
semblent pas assez convaincus que le
temps presse. Quelque opinion qu'on se
fasse de la situation, il faut bien la pren-
dre comme elle est et compter avec
elle. Donc, que le cabinet se hâte; c'est
en amis que nous le prévenons.
EUG. LIÉBERT.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
tersailles, 24 janvier 1879.
Le nombre des esclaves du devoir va
diminuant. — L'humanité est ainsi faite
qu'elle a peu de goût pour les longues
épreuves. — Et encore, parmi ceux qui
ont sacrifié à la froide jouissance du de-
voir accompli les chaudes douceurs du
foyer, il en est qui mettent un dernier
espoir en M. de Gasté, dit le « Nombromè-
tre. » On sait, en effet, que ce député a la
spécialité de faire remarquer « qu'on n'est
pas en nombre. »
M. de Gasté lui-même est en retard.
Fait unique dans l'histoire parlementaire.
Quand il apparaît, la salle lui fait une pe-
tite ovation.
M. de Gasté comprend. Il s'élance, allè-
gre, et s'approche du fauteuil présiden-
tiel ; son visage, sur lequel neige perpé-
tuellement du poil blanc, a de joyeux fré-
tillements : cet homme a la vague espé-
rance qu'une fois en sa vie il va avoir rai-
son. Accablé, nous le voyons redescendre
et gagner sa place : le bureau trouve que
la Chambre est en nombre.
Eh bien, vraiment, à notre humble avis,
ce n'était pas la peine de braver l'arithmé-
tique et de tenir séance pour faire, nous
ne dirons pas si peu de choses, mais tant
de choses qui ne signifient rien du tout.
En avant les prises en considération !
Il y avait, à l'ordre du jour, vingt et une
propositions. Le tout n'a pas duré trois
quarts d'heure à avaler. Et ne croyez pas
qu'il s'agisse de minces morceaux 1 Des
modifications au Code d'instruction crimi-
nelle, à la procédure en matière de fail-
lites, au régime des boissons et spiritueux,
à la situation des bouilleurs de crû, à la
loi sur la presse. Un instant même, en-
trainée sur cette vaste glissade, la Cham-
bre a failli voter, sans s'en apercevoir, la
prise en considération de l'élection des
maires et adjoints des chefs-lieux de can-
ton par les conseils municipaux ainsi que
d'un nouveau mode de révocation des
maires et adjoints élus.
Le lancé est tel que, si quelque député
avait par hasard la velléité de présenter
une observation sur un projet quelconque,
le temps d'aller à la tribune, il serait déjà
distancé par trois prises en considération.
C'est M. le comte Durfort de Civrac qui
préside. Il est tout à fait étonnant. Ce n'est
pas que nous trouvions qu'il préside mal ;
seulement, il vous coupe la respiration.
M. Martel passe pour avoir «de la vitesse »,
comme on dit en termes d'escrime. Eh
bien ! toute révérence gardée, M. Martel
est à M. Durfort de Civrac ce que la
charrette est à la machine Crampton.
A trois heures quarante, l'ordre du jour
est épuisé. Et nous donc !
Comment ? Il ne reste plus rien à voterl
Si nous votions le retour à Paris, par-des-
sus le marché. ?
Je n'invente rien. M. Laroche-Joubert,
à propos de la fixation de la prochaine
séance, demande, d'un air bonhomme, que
les bureaux de la Chambre se réunissent
demain au Corps législatif. Tiens, mais
c'est une idée 1 Et il se trouve nombre de
députés pour approuver la proposition.
Nous devons dire que M. Durfort de Ci-
vrac s'est montré un vrai président. Cet
homme n'est pas bavard; mais, en quel-
ques mots nets et clairs, il a refusé de
mettre aux voix une pareille motion, car,
« politiquement parlant, le premier de
nos devoirs, a-t-il dit, est le respect à la
constitution. » De la part d'un légitimiste,
c'était très gentil et très sensé.
Aussi, laissant de côté l'idée de la réu-
nion des bureaux, la Chambre s'est-elle
contentée de fixer à mardi sa prochaine
séance. Nous ferons doucement observer,
à ce sujet, que, si la Chambre trouve tout
au plus de quoi s'occuper pendant trois
quarts d'heure en séance publique, elle a
environ, simplement avec ce qui lui a été
taillé de besogne par les prises en consi-
dération d'aujourd'hui, de quoi travailler
trois ans dans les bureaux et commissions.
M. le ministre de l'instruction publi-
que a déposé le projet sur l'enseignement
primaire. Et d'un.
PAUL LAFARGUE.
(JOURRIBR DU SÉNAT
Froide journée, froide séance. De la nei-
ge partout, dans les rues, dans les cou-
loirs, sur les cheveux des sénateurs. Une
nécrologie pour lever de rideau, ce qui
n'est pas fait pour réchauffer. M. le pré-
sident Martel annonce en quelques paro-
les très dignes et réellement émues la
mort de M. Paul Morin, un vaillant répu-
blicain dont la réaction escomptait en-
core, il y a un mois, le fauteuil d'inamo-
vible, et qui s'est bravement défendu con-
tre la mort, comme s'il n'avait pas voulu
partir avant d'avoir salué le triomphe dé-
finitif de la République.
Puis l'on passe aux exercices ordinaires.
Validation des élections de l'Indre. A pro-
pos de celles de l'Hérault, M. Baragnon,
qui est du Gard, vocifère un discours
étonnant, dont personne ne saisit l'à-pro-
pos, et qui n'est qu'une forte diatribe con-
tre le conseil général du département. On
y a compris seulement que l'éminent ora-
teur parlait de moralité électorale : cela a
beaucoup amusé. Un sénateur de l'Hé-
rault, nouveau venu, M. Gaston Bazille,
a d'ailleurs riposté avec une grande vi-
gueur et un très réel talent de parole ; le
Sénat lui a fait un véritable succès, par-
faitement mérité, et je crois bien qu'à l'a-
venir M. Baragnon y regardera à deux fols
avant de se mêler des affaires de l'Hé-
rault.
En terminant, le Sénat a adopté le rap-
port de M. Bertauld, tendant à ce que les
commissions puissent, à leur choix, se
réunir à Paris ou à Versailles. A quelque
chose la neige est bonne 1
EMMANUEL ARÈNE.
Nouvelles parlementaires
Presque personne à Versailles, hier : peu
de sécateurs, encore moins de députés. La
neige a décidément une Influence désastreuse
sur l'activité parlementaire.
v <->
L'extrême gauche de la Chambre n'en a pas
moins tenté de se réunir pour discuter sur la
date à laquelle on déposerait le projet de loi
sur l'amnistie ; mais la réunion était si peu
nombreuse qu'on n'a pu prendre aucune ré-
solution et qu'on s'est ajournéà lundi en char-
geant seulement des délégués de s'entendre
avec les membres de l'extrême gauche séna-
toriale.
A la suite de cette séance, MM. Loui3 Blanc,
Loekroy, Georges Pérln et Clémenceau se sont
rendus au Sénat, où ils ont eu une entrevue
avec MM. Victor Hugo, Peyrat, et ceux des
membres du bureau de l'extrême gauche qui
étaient venus à Versailles. Les délégués se
sont mis d'accord sur le texte de la proposi-
tion, lequel dira seulement qu'une amnistie
pleine et entière est accordée pour tous les
actes se rattachant aux événements de mars,
avril et mal 1871.
Cette proposition sera présentée simultané-
ment aux deux Chambres, par M. Victor Hugo
et M. Louis Blanc, à une date qui n'est pas
encore fixée.
*
Le centre gauche de la Chambre a tenu
ausi séance. Il n'a abordé aucune discussion
et s'est borné à procéder au renouvellement
de son bureau, qui a été ainsi composé :
président, M. Germain; vice-président, M.
Raymond Bastid; secrétaires, MM. Develle et
Riotteau ; questeur, M. Gailly.
Sa prochaine réunion aura lieu mardi, à
Versailles, avant la séance de la .Chambre.
*
# *
Le rapport de M. Bertauld sur sa proposi-
tion tendant à ce que les commissions séna-
toriales aient le droit de siéger à Paris a été
approuvé à l'unanimité par la commission
spéciale chargée d'examiner ce projet, et il a
été décidé qu'il serait lu et discuté immédia-
tement en séance.
On sait que le Sénat l'a adopté.
On s'est préoccupé du local qui pourrait
être disposé pour recevoir ces commissions,
et l'idée qui semblait obtenir le plus de suc-
cès était de consacrer à cet usage le pavillon
die Flore. La distribution de ce pavillon se
prêterait assez bien, paraît il, à une installa-
tion de ce genre; et, plus tard, si le Parlement
revient à Paris, la salle des Etats, qui se trou-
ve dans le même local, pourrait être facile-
ment transformée en salle des séances du
Sénat.
*
* m
La commission d'initiative parlementaire
a conclu à la prise en considération d'une
proposition de M. Naquet ayant pour but l'a-
brogation de toutes les lois restrictives sur la
presse.
♦ *
Le septième bureau a élu M. de Saint-Mar-
tin, contre M. de Kerjégu, membre de la com-
mission de navigation, en remplacement de
M. Dupouy, nommé sénateur.
*
--
La sous-commission générale d'enquête
électorale sur les actes du i6 mal s'est réunie
au Palais-Bourbon pour discuter son rapport
d'ensemble.
A. L.
————————— !
Invité par un grand nombre d'électeurs
à accepter la candidature dans le huitième
arrondissement de Paris, M. Anatole de
la Forge a répondu par la lettre suivante :
« 25 janvier 1879.
» Messieurs et chers citoyens,
» Au nom des cinq mille deux cent quarante
et un électeurs qui, au dernier scrutin, me
firent l'honneur de voter pour moi, vous me
demandez de laisser de nouveau poser ma
candidature. Votre sympathie me touche pro-
fondément. Je ne puis cependant y répondre
que par un refus.
» Adversaire constant de la candidature offi-
cielle, je l'ai combattue comme journaliste
sous l'empire. Préfet de la Défense nationale,
j'ai refusé à deux reprises les candidatures qui
m'étaient offertes par mes vaillants amis de
Saint Quentin et par les républicains des Bas-
ses-Pyrénées.
» Aujèd'4ul,directeur de la presse au mi-
nistère dèriiitérieur. j'aurais, si j'étais votre
candidat, l'apparence d'un candidat officiel.
» Les républicains du huitième arrondisse-
ment doivent prétendre à une victoire d'un
caractère inattaquable. C'est pourquoi, chers
concitoyens, dans l'intérêt des vrais princi-
pes démocratiques, je viens vous supplier de
désigner un autre candidat. En trouver un
plus méritant que moi vous sera facile ; voter
pour lui sera le devoir et la joie du vaIncu
de l'ordre moral.
» ANATOLE DE LA FORGE. »
.0-
LES BONNES SŒURS
Les Annales de la Sainte-Enfance
nous parlent sans cesse, avec ravisse-
ment, du zèle que déploient les bonnes
sœurs en Chine, en Cochinchine et aux
Indes, pour la conversion des infidèles.
Ces saintes filles s'en vont recueillant les
orphelines ; elles les nourrissent, les ins-
truisent, leur confèrent le baptême, et en
font des servantes, je veux dire des ser-
vantes de notre sainte-mère l'Eglise.
Le but qu'elles se proposent est si no-
ble que tous les moyens leur paraissent
bons pour y atteindre. Où le simple ea-ort
de la persuasion ne réussit point, elles
ne dédaignent point de mettre en prati-
que la maxime de l'Evangile : Coge in-
trare. Elles usent de procédés qui éton-
neraient peut-être de Brest à Gap et de
Lille à Perpignan, mais qui ne jurent
qu'à demi avec les usages séculaires du
despotisme dans l'extrême Orient.
Les Annales de la Sainte-Enfance se
gardent bien de nous révéler ces faits,qui
pourraient scandaliser nos âmes pusilla-
nimes. Elles accommodent leurs récits à
la faiblesse de notre foi; elles savent
qu'en France, le plus dévot même, parmi
les laïques, est infecté d'une goutte de cet
affreux virus des idées libérales, et qu'il
admet difficilement dans les choses qui re-
lèvent de la conscience seule l'interven-
toin du bras séculier. Aussi gardent-elles
un silence prudent sur ces histoires, dont
l'éclat traverse rarement les mers pour
arriver jusqu'à nos oreilles. La Chine.
la Cochinchine. ! ce sont là des pays si
éloignés 1 Et puis on a beau se repéter le
fameux vers du poëte latin : homo sum,
on ne s'intéresse que médiocrement aux
naturels de ces contrées extravagantes.
Ce qu'ils souffrent nous touche peu. Ils
crient dans une autre langue.
Et cependant. Qui de nous n'a eu,
dans sa vie, occasion de causer avec
quelque militaire, ou quelque fonction-
naire, ou quelque négociant, revenu de
ces pays lointains, et ne les a entendus
causer en toute liberté des missionnai-
res, des jésuites, des bonnes sœurs, et
de la façon dont tout ce monde, en froc
ou en cornette, traite les pauvres indi-
gènes? Ah 1 l'on s'étonne parfois chez
nous qu'il y ait là-bas des révoltes et des
massacres 1 Ce qui devrait nous surpren-
dre, c'est qu'il n'y en ait pas davantage.
Il faut que ces malheureuses populations
aient reçu du ciel une patience de mou-
ton, pour endurer si facilement ces ty-
rannies tracassières. Il est vrai que par-
fois les moutons deviennent enragés, et
alors ils vengent d'un seul coup dix ans
de misères. Les moines de tous ordres
sont, dans l'extrême Orient, sinon l'uni-
que, au moins le pire souci de nos diplo-
mates.
Si l'histoire que je vais conter était
une triste et monstrueuse exception, il
serait inutile de la mettre sous les yeux
du public. Mais elle est comme un indice,
comme un symptôme d'une situation gé-
nérale. Les faits comme celui dont le
bruit est parvenu jusqu'à nous ne sont
pas rares. Ils dérivent tous d'une même
cause : l'esprit de prosélytisme, déve-
loppé jusqu'à l'excès, chez des natures
bornées, et par cela même d'autant plus
fanatiques.
Cet esprit de prosélytisme e&,t le mê-
me en France: seulement, chez nous, il
est maintenu par les lois, et plus encore
par les mœurs. Là-bas, dans ce relâche-
ment et des mœurs et des lois, il en prend
à son aise, il se déploie librement ; il n'a
pas même conscience de son extrava-
gante férocité.
C'était à Saïgon.
Une jeune mie avait été, à l'âge de
quatorze ans, enfermée dans un couvent
de la Sainte-Enfance ; elle y était restée
jusqu'à dix-huit ans.
Comment y était-elle entrée ? Etait-ce
donnée par ses parents? recueillie com-
me orpheline? Je n'en sais rien. Ce qu'il
y a de sûr, c'est qu'elle ne s'y plaisait
guère. Et la meilleure preuve que j'en ai,
c'est qu'un jour, à l'aide d'un bambou,
elle sauta par-dessus la muraille et prit
cette clé rayonnante que l'on appelle la
clé des champs.
Il paraît que la pauvre fiile aimait sa
religion, la religion de ses pères,et qu'elle
avait horreur des pratiques auxquelles
on la contraignait au couvent. Il parait
aussi qu'elle avait envie de se marier.
Dame 1 a son âge.
Là voilà donc libre.
Le malheur voulut qu'un jour, se pro-
menant dans les rues de Saigon, elle fut
rencontrée par une sœur de son ancien
couvent, la sœur Bénilde de Joseph. La
sœur ne manqua pas une si belle occa-
sion de ressaisir la fugitive. Elle s'empara
d'elle aussitôt, et comme la pauvre An-
namite se débattait, criant, la religieuse
appela à son secours un sergent de vilie
qui passait.
— Mais, ma sœur, objecta le sergent
de ville, c'est que je ne sais si je dois.
— J'ai en poche, répondit la sœur, un
ordre de la police d'arrêter cette indigè-
ne partout où on la rencontrera.
Elle mentait, la digne sœur, mais men-
tir pour la bonne cause, ce n'est pas pé-
ché, c'est au contraire œuvre pie.
Aidée du sergent de ville, elle se mit
en devoir de lier avec des cordes les
mains de la jeune fille ; deux artilleurs qui
vinrent à passer là par hasard lui prêtè-
rent leur concours pour cette triste beso-
gne. La malheureuse victime résistait, se
tordait, gémissait, criait ; rien n'y fit. On
la ramena au couvent.
Et là, pour punition, on décida qu'il
lui serait infligé le supplice de la ca-
douille.
La cadouille? qu'est cela? Oh! mon
Dieu! peu de chose; ui petit supplice indi-
gène. On attache le condamné à un arbre
ou à un poteau; un bourreau s'arme d'u-
ne lanière et frappe à tour de bras sur
le patient, jusqu'à ce que le sang jail-
lisse.
La cadouille ne diffère pas beaucoup
du fouet qui était jadis donné aux es-
claves nègres.
Après cette belle exécution, on rasa la
belle. Il faut savoir que dans les idées an-
namites, c'est une aussi horrible chose
d'avoir la tête rasée que d'être mutilé de
n'importe quel membre. Chaque peuple
a ses usages.
Toute cette abominable aventure n'eût
pas été plus connue que tant d'autres
si elle n'avait eu pour témoin un honnête
homme, chef d'un des services de l'ad-
ministration française, qui fit tout ce qu'il
put pour s'opposer à cette barbarie, et
qui, se voyant repoussé, s'en alla, dans
un accès d'indignation et de colère, dé-
noncer le fait à la police et porter
plainte.
Le fait était si criant, la population si
exaspérée, qu'il fallut bien suivre sur
cette plainte. Le chef du parquet géné-
ral s'émut, fit une instruction, à la suite
de laquelle la sœur Bénilde de Saint-Jo-
seph fut traduite devant le tribunal, qui
correspond à ce qu'est chez nous la
cour d'assises. Le tribunal est composé
de trois magistrats et de deux asses-
seurs civils.
La sœur, mise en cause, ne nia les
faits, ni dans l'instruction, ni devant la
cour. Elle se contenta, de dire pour sa
défense qu'elle croyait avoir bien agi et
danà l'intérêt de Dieu.
Et ce qu'il y a de plus terrible, c'est
qu'en parlant de la sorte, il est évident
qu'elle disait la vérité. Oui, elle avait
cru bien faire, en commettant ce double
crime : séquestrer une jeune fille libre et
la battre jusqu'au sang. Les idées dont
une fausse religion lui avait farci la cer-
velle avaient si bien éteint chez elle les
lumières du sens commun qu'elle en était
arrivée à croire qu'elle était agréable à
son Dieu en lui ramenant, à coups de
fouet, une brebis égarée. Et dire qu'elles
sont toutes comme cela 1
Ai-je besoin de vous dire que la sœur
a été acquittée ? Vous l'avez deviné d'a-
vance. Mais la manière dont fut conduit
son procès fit scandale.
Le ministère public, chargé de requé-
rir contre elle, le fit si étrangement que
l'on put croire que c'était la défense de
l'accusée qu'il présentait. Le public était
nombreux, composé en grande partie de
toutes les notabilités de Saigon. Il ne put
s'empêcher de marquer sa stupéfaction,
et le procureur général, se tournant vers
lui, s-'échappa jusqu'à dire : « Il faut être
à Saigon, pour voir un public comme
celui-ci, avide d'émotions malsaines. »
Un long murmure courut dans la foule.
Cette impertinence eût sans doute été
malsaine pour celui qui l'avait prononcée
si, peu de temps après, la maladie ne
l'avait forcé à quitter ses fonctions.
Il faut une conclusion à cette histoire.
Car l'acquittement de la sœur en serait
une par trop triste. Eh bien 1 j'en ai
une autre à vous donner, et très conso-
lante celle-là, dont nous pouvons félici-
ter ie gouvernement.
Ces faits, tels que je viens de vous les
conter, ont été mis sous les yeux du mi-
nistre de la marine, M. Pothuau. Il a aus-
sitôt ordonné une enquête. L'enquête les
a pleinement confirmés. Et savez-vous ce
qu'il a fait alors ? Au lieu de s'irriter con-
tre celui qui les avait révélés, il a tout de
suite mis à l'étude un projet de réorga-
nisation de l'assistance publique aux co-
lonies, laquelle sera chargée de la tutelle
légale des orphelins.
Décidément il y a quelque fois avan-
tage à vivre sous un régime républicain,
et l'on est heureux d'avoir à la tête d'un
ministère un honnête homme qui est en
même temps un homme de cœur.
FRANCISQUE SARCEY.
Le conseil d'Etat, dans l'affaire de Mme
veuve Michelet contre le ministre des fi-
nances, a pris la décision suivante :
Ouï M. Fould, maître des requêtes, en son
rapport ;
Ouï Me Paul Lesage, avocat de la dame veu-
ve Michelet, en ses observations ;
Ouï M. Flourens, maître des requêtes, com-
missaire du gouvernement, en ses conclu-
sions ;
En ce qui touche les sommes prélevées à ti-
tre deretenues sur le montant de lapension de
la dame Michelet :
Considérant qu'en soumettant à des rete-
nues les fonctionnaires de l'Etat, les articles 3
et suivants de la loi du 9 juin 1853 disposent
que ces retenues seront prélevées sur leurs
traitements, rétributions ou émoluments, et
que depuis le jour où il a été révoqué de ses
fonctions, le sieur Michelet n'a touché ni trai-
tement ni aucune autre rétribution de l'Etat ;
Que, si une pension a été allouée à sa veuve
en vertu et par application des dispositions
exceptionnelles du décret du 12 septembre
1870 combinées avec l'article 13 de la loi pré-
citée du 9 juin 1853, aucune disposition de loi
ni de règlement n'autorisait le ministre des
financés à réclamer à la requérante le verse-
ment de retenues imputables sur des sommes
qui n'ont pas été payées ;
Qu'ainsi, il y a lieu d'annuler la décision du
ministre qui a repoussé la réclamation de la
dame Michelet, et de condamner l'Etat au
remboursement des sommes qui auraient été
déjà versées à titre de retenues par la requé-
rante avec Intérêts à partir du 10 mal 1878,
jour de la demande ;
Décide :
Article 1er. — Est annulée la décision du
ministre des finances en date du 29 avril 1878
qui a repoussé la demande de la dame Miche-
let tendant à être exonérée des retenues mises
à sa charge.
Art. 2. - L'Etat remboursera à la dame Mi-
chelet avec intérêts, à partir du 10 mai 1878,
les sommes qu'elle aurait déjà versées à titre
de retenues.
LA SITUATION
II
Il n'y a pas à équivoquer sur le sens et
la portée du vote de lundi dernier. Il est
clair et s'explique de lui-même. Quand
on nous parle de scissions et de divisions
dans la majorité, de rupture entre le cen-
tre-gauche et la gauche républicaine d'une
part, de l'autre l'Union républicaine et
l'extrême gauche, ou l'on cherche à
tromper l'opinion, ou l'on se trompe lour-
dement soi-même. Aucune divergence
de doctrine ne s'est produite entre ces
groupes divers, ni avant lundi dernier,
ni lundi : aucune ne se produira de long-
temps, nous y comptons bien. Les qua-
tre groupes des gauches sont unis pour
vouloir l'affermissement de la Répu-
blique; ils ont, à de légères nuances
près, le même programme républicain ;
ils formulent les mêmes revendications :
s'il leur arrive parfois de différer, c'est
seulement sur les moyens d'exécution. Il
ne peut être question de gouverner avec
un ou deux groupes exclusivement, au
profit d'un ou deux groupes, sans le con-
cours des autres ou contre eux : et il im-
porte en somme médiocrement au parti
républicain aux mains de qui soient les
divers portefeuilles, pourvu qu'ils soient
en des mains républicaines sûres.
La discussion de lundi dernier et le
partage des voix se sont faits unique-
ment sur le point que voici. Les uns di-
saient : « Nous sommes sûrs des républi-
cains qui sont aujourd'hui au ministère ;
mais nous ne les croyons pas capa-
bles d'être fermes et hardis , et c'est
d'hommes hardis et fermes que la France
a besoin absolument aujourd'hui. » Les
autres ont répondu : « Oui, il faut absolu-
ment aujourd'hui des hommes fermes et
hardis; mais nous ne croyons pas les ré-
publicains qui sont au ministère incapa-
bles d'être ceux-là. Ils nous ont rendu
assez de services pour que nous ne les
condamnions pas au moins avant de les
avoir vus à l'œuvre. Ils nous demandent
le temps nécessaire pour être jugés d'a-
près leurs actes : ce temps-là, nous ne
pouvons pas le leur refuser. » Voilà sur
quoi, uniquement sur quoi a porté le débat
réel, et sur quoi l'on s'est compté. Les
uns étaient convaincus que le minis-
tère était hors d'état de tenir les enga-
gements virils qu'il venait de formuler
par la bouche de M. Dufaure et d'accen-
tuer encore par la déclaration de M. de
Marcère acceptant le vigoureux ordre du
jour da M. Jules Ferry, - et ceux-là ont
voté l'ordre du jour pur et simple ; les
autres se persuadaient que puisqu'il avait
pris ces engagements, c'est qu'il comptait
les tenir et que rien n'avait suffisamment
prouvé que, les ayant pris, il ne les tien-
drait pas,— et ceux-là ont voté en faveur
du ministère.
Telle est la situation exacte de l'heure
présente, et c'est de cette situation qu'il
importe que tout le monde, gouverne.
ment, Assemblées et pays, se rende exac-
tement compte, le gouvernement surtout.
L'ordre du jour adopté lundi offre un
caractère particulier et qui n'a pas beau-
coup de précédents parlementaires. Si
la majorité eût été convaincue de l'im-
puissance du ministère, elle eût voté l'or-
dre du jour pur et simple ; si elle eût été
pleinement convaincue de sa fermeté, elle
eût voté un ordre du jour ainsi conçu :
« la Chambre, confiante dans les déclara-
tions du ministère, passe à l'ordre du
jour. » Elle n'a fait ni l'un ni l'autre. Elle
a inscrit le mot de confiance dans son or-
dre du jour (et elle a eu raison, et le mi-
nistère a eu raison, lui aussi, d'exiger au
nom de sa dignité que ce mot s'y trouvât);
mais elle l'a fait suivre aussitôt d'une in-
dication précise et explicite de la politi-
que qu'elle entendait voir suivre par le
ministère et à laquelle seulement elle ac-
cordait son appui. Ainsi son ordre du
jour est tout à la fois un ordre du jour de
confiance, et non pas, si l'on veut, de d'é-
fiance , mais de prudente réserve ; pronon- *
çons le vrai mot, c'est un ordre du jour
d'attente, d'encouragement, d'espérance.
Cet ordre du jour, nous ne le regrettons
pas. Loin de là. Nous félicitons les dépu-
tés qui l'ont voté, et nous croyons que le
pays, en sa grande majorité, leur en
sait gré. Oui, nous estimons que le
pays, en 1878, avait contracté une dette
de reconnaissance envers les hommes qui
avaient accepté la tâche difficile de répa-
rer les désastres du 16 mai, de gouverner
malgréle Sénat, de faire vivre enpaixM. de
Mac-Mahon et la France, et que les dettes
de reconnaissance, même en politique,
sont de celles qu'il est bon autant qu'ho-
norable de payer. Oui, nous pensons que
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