Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-12-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 29 décembre 1894 29 décembre 1894
Description : 1894/12/29 (A24,N8384). 1894/12/29 (A24,N8384).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. - N* 8,384
LE NTJHÉEO GESQ CEOTIMES
SAMEDI 29 DÉCEMBRE 1891
RÉDACTICI ET ADMINISTRATION
142, Rue Montmartre
PARIS
1 AKffiNICES
(Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cil
6, place de la Bourse, 6
1
ABONNEMENTS
Paris fan ho, 8 L; Sa bis, fi f.; 111 11, 20^
Départements — 7L; — 12 f.; «*. 24
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Téléphone : 20.289 bis.
MAIGRE MYEHTIFFIE
H y a longtemps qu'on n'avait vu les
'Chambres prendre un congé aussi ré-
duit au moment du renouvellement de
l'année. Il est tout à fait exceptionnel
qu'elles tiennent séance après les fêtes
de Noël, et d'autre part la date prévue
pour l'ouverture de la session ordinaire
va se trouver en 1895 la plus rapprochée
possible.
Malheureusement, ce n'est pas au
nombre des séances tenues et à la briè-
veté des vacances que l'on juge un Par-
lement : c'est à la besogne effectuée. Or,
depuis les élections générales de 1893,
elle est à peu près nulle.
Les interpellations ont foisonné. Il y
en a eu de simplement oiseuses ; d'au
très ont soulevé des incidents tumul-
tueux ou simplement bruyants, et les
çurieux qui en ont été les spectateurs
..n'ont pas eu à se plaindre d'avoir man-
"qué de distractions épicées ; mais on ne
voit pas qu'elles aient sensiblement
avancé les affaires.
On a voté dems. lors 'dtn'épression;
dont l'une n'a donné lieu presque à au-
"Cune discussion, dont l'autre, au con-
traire, a soulevé des débats très prolon-
gés. Il ne serait guère à propos d'en re-
commencer aujourd'hui l'examen ré-
trospectif ; on peut pourtant, sans leur
faire de tort, constater que ce sont des
lois de circonstance qui n'étaient guère
prévues lors des élections et qui, par
suite, n'ont pas mis en train la réalisa-
tion de ces programmes et engagements
que M. Barodet enregistre si conscien-
cieusement au début de chaque législa-
ture. La Chambre a essayé de mettre
sur pied une loi concernant les syndi-
cats ouvriers ; mais on se rappelle com-
ment, après avoir greffé les uns sur les
autres des amendements contradictoi-
res, il a fallu renvoyer le travail tout
entier à la fonte par l'expédient du re-
trait de l'urgence.
Les problèmes de réforme fiscale
avaient tenu le premier rang dans ce
qu'on appelle les cahiers de 1893 ; on
avait pensé qu'au moins la discussion
des contributions directes serait l'occa-
sion de remaniements sérieux; le projet
élaboré par M. Burdeau ayant été mis
en pièces par la commission du budget,
son successeur, pris de court, s'en est
tenu à solliciter et a obtenu le maintien
des contributions existantes.
Reste le vote du budget, c'est-à-dire
la tâche essentielle des Chambres, celle
à laquelle elles ne peuvent se dérober,
fussent-elles décidées à rester inertes
pour tout le reste. Eh bien! nous n'avons
pas de budget. Celui de 1894 avait été
voté avant les élections. Il y a tout près
de seize mois que les électeurs ont
nommé une nouvelle Chambre; c'est à
peine si elle a entamé la discussion du
budget de 1895.
Du budget des dépenses, elle n'a en-
core examiné que ce qui concerne le mi-
nistère de la justice et elle n'est pas
sortie du budget annexe de la Légion
d'honneur. Quand on aura passé tous
les ministères en revue — etcela menace
d'être long si l'on continue à livrer des
batailles aussi acharnées sur tous les
chapitres — on ne sera pas, qu'on y ré-
fléchisse, au bout du travail, car on
aura quelque chose aussi à dire sur les
contributions indirectes, et le projet sur
les successions, qui se présente comme
lié directement à l'équilibre, sera sans
aucun doute l'occasion d'une grande
'oute oratoire. Il faudra bien encore
quelques journées au Sénat.
1 Croit-on qu'avec de telles perspec-
tives les deux douzièmes votés permet-
tent de s'endormir ? Il ne restera du
mois de janvier que trois semaines, et
le mois de février est bien court. On ne
peut compter arriver sans un assez
grand nombre de séances exception-
nelles, séances du matin et séances te-
nues aux jours réservés d'ordinaire aux
commissions, et sans quelques sacri-
fices d'éloquence.
Il y a certainement dans un retard
aussi extraordinaire une part à faire à
la fatalité et aux contretemps ; une ac-
tivité énergique et réglée aurait été né-
cessaire pour regagner le temps perdu.
Au lieu de cela, on eût dit bien sou-
vent que l'on avait au contraire trop de
loisirs et qu'on ne (savait à quoi les oc-
cuper.
Il reviendra sans doute des moments
propices pour débattre avec toute la
pompe académique souhaitable les thè-
ses les plus ardues de philosophie so-
ciale. Mais ce qui presse en ce moment,
c'est d'accomplir une tâche nécessaire,
de faire ce qui est par définition le
métier des Chambres, c'est de ne pas
donner la pire preuve d'impuissance.
Peut-être le meilleur moyen pour
cela serait-il, de la part des républi-
cains, de se prêter aide et appui et de'
se mettre avec ensemble à la manœu-
vre, au lieu de se consumer en campa-
gnes électorales intérieures sans cesse
renouvelées ou de laisser durer des con-
troverses épuisées qui ne se soutiennent
qu'à force de digressions. Les premiè-
res conditions pour aboutir à des résul-
tats sont l'entente, la discipline, la
méthode.
On a déjà vu des Chambres tâtonner
à leurs débuts et, après le temps voulu
pour se reconnaître et se classer, faire
œuvre utile et laisser finalement un
bon renom. Je souhaite vivement qu'il
en soit ainsi de la Chambre de 1893;
mais elle a usé largement du crédit
qu'on lui a accordé. Le temps de la
mise en train doit être considéré comme
passé.
Gustave Isambert.
LA PRËSIDENCE DE LA CHAMBRE
Un certain nombre de députés appartenant
au groupe des républicains de gouvernement
- groupe que préside M. Deluns-Montaud—se
sont réunis hier pour s'entretenir de l'élection
du bureau de la Chambre, qui doit être entiè-
rement renouvelé à la rentrée, le 8 janvier
prochain. -'
Plusieurs membres du groupe, dont MM. de
Grandmaison, député rallié de Maine-et-
Loire, et Krantz, député des Vosges, se sont
prononcés pour une candidature nouvelle,
autre que celle de M. Méline, à opposer à
M. Henri Brisson.
Cette proposition ayant été combattue, le
président n'a pas jugé utile de la mettre aux
voix, les membres présents étant trop peu
nombreux. Une autre réunion aura lieu
avant l'élection.
L'ÉLECTION DU XIIIe ARRONDISSEMENT
M. Navarre, vice-président du conseil munici-
pal, arrivé second au scrutin de dimanche dernier,
vient de se désister en faveur de M. Gérault-Ri-
chard, candidat antiministériel, qui avait obtenu
500 voix de plus que lui.
La décision de - M. Navarre est conforme à celle
du comité qui patronnait sa candidature.
LA GUILLOTINE A CHALON-SUR-SAONE
M. Deibler est parti hier soir avec les bois
de justice pour Chalon-sur-Saône.
Il procédera samedi matin à l'exécution de
Mazuyé, auteur de l'assassinat de trois bû-
cherons, condamné à mort par la cour d'as-
sises de Saône-et-Loire le 30 octobre.
UN INCIDENT
DEVANT LE PALAIS-BOURBON
Hier soir, vers cinq heures, nos confrères
Turot et Degay, de la Petite République,
A.-H. Montégut, de l'Intransigeant, Bois-
Glavy, du Journal, et Héroult, de l'Agence
républicaine, quittaient la Chambre, lorsque,
arrivés à l'extérieur du palais, devant la grille
du quai d'Orsay, l'un d'eux, s'adressant à M.
Turot, lui demanda de lui montrer le nommé
Alibert, témoin contre le général Boulanger
dans le procès de la Haute-Cour et qui sta-
tionne habituellement à cet endroit, sans être
invité à circuler par les agents de service, les
jours de séance.
Notre confrère Turot désigna à son inter-
locuteur Alibert, qui se trouvait à quelques
mètres des journalistes.
Ce dernier, s'étant sans doute aperçu qu'on
parlait de lui, s'approcha du groupe et s'é-
cria : « Que dites-vous ? »
— Je dis, répliqua Turot directement pris
à partie, que vous êtes un mouchaid !
Alibert ayant un fait un geste de menace, le
rédacteur de la Petite République lui admi-
nistra une bourrade qui l'envoya rouler à
quelques pas.
Les agents intervinrent et invitèrent, Ali-
bert et M. Turot à les suivre au commissariat
de police pour s'expliquer.
Mais Alibert, qui avait reconnu M. Monté-
gut, se mit à l'invectiver. Notre confrère de
l'Intransigeant lui administra alors un coup
de canne qui lui enfonça son chapeau jus-
qu'aux oreilles.
Et l'on se mit en route pour le commissa-
riat de la rue de Varenne.
Dans les couloirs, l'incident fut bientôt
connu et y provoqua un certain émoi. Plu-
sieurs députés, MM. Camille Pelletan, Marcel
Sembat, Paschal Grousset, Rouanetet Viviani
partirent aussitôt pour rejoindre nos confrè-
res.
Mais en route ils rencontrèrent MM. Turot,
Degay, Montégut et Bois-Glavy qui, après
avoir raconté les faits au commissaire de po-
lice, avaient été invités à se retirer, non toute-
fois sans que ce fonctionnaire eût recommandé
à M. Bois-Glavy, le plus rassis des quatre, de
calmer un peu l'ardeur de ses jeunes confrè-
res.
Aucun procès-verbal n'ayant été dressé,
l'affaire n'aura pas de suite.
Quant à Alibert; il est resté au poste et n'a
pas reparu devant le Palais-Bourbon, où il
conviendrait peut-être qu'il ne fit pas de si
longues stations sous l'œil bienveillant des
agents.
LE MÉTROPOLITAIN
Le Métropolitain nous vaudra probable-
ment un petit débat orageux très prochaine-
ment au conseil municipal. Voici à quelle
occasion :
Il y a quelques jours, — on n'en a pas
perdu le souvenir, — la commission spéciale
du Métropolitain rejetait le projet qui lui
avait été soumis par le inistre des travaux
publics et chargeait M. Girou de rédiger un
rapport en ce sens.
La minorité de la commission, mécontente
de cette décision, vient de présenter, sous
forme denote imprimée, signépar MM. Cham-
poudry, Sauton et Lopin, un contre-rapport
tendant, au contraire, à l'acceptation du projet
ministériel légèrement amendé.
Les signataires de ce document voudraient
en demander la discussion d'urgence avant
la fin de l'année. Ils brûleraient ainsi la poli-
tesse au véritable rapporteur de la commis-
sion du Métropolitain, M. Girou. Celui-ci,
soutenu par bon nombre de ses collègues, se-
rait disposé à protester de toutes ses forces
contre cette procédure sans précédent à l'Hô-
tel de Ville.
LE MARIAGE DE Mlle CRISPI
Rome, 27 décembre.
M. Crigpi est rentré à Rome aujourd'hui, après
avoir signé hier à Naples la contrat de mariage de
M Elle avec le prince J..J,nsuaal
FONGTIONNAIRES VAGABONDS
AU LAOS
'Un 'spectacle attristant. — Comment la
France traite ses représentants. — Un
résident forcé de mendier
Voilà bien longtemps que l'on ne songe
plus à notre excellent ami le roi de Siam ; le
Times lui-même ne s'occupe plus des intérêts
anglais sur les bords du Mékong. Et comme
un vieux dicton prétend que les peuples dont
on ne parle pas sont heureux, beaucoup de
Français doivent dès maintenant former des
projet d'émigration vers ces rivages embellis
par notre civilisation pour le jour où la révo-
lution sociale aura réalisé le « chambarde-
ment » général.
La situation est pourtant tout autre. Dans
le pays de Siam, comme en beaucoup d'au-
tres, fleurit notre inexpérience colonisatrice,
et si les Anglais ont cessé d'insister sur la
question du Laos, c'est qu'ils trouvent notre
politique plus favorable à leurs intérêts que
ne pourraient l'être leurs plus savantes intri-
gues.
LE TRAITÉ FRANCO-SIAMOIS
Nous avons commis deux fautes indiscuta-
bles en acceptant le traité franco-siamois :
La première, en ne permettant pas au Cam-
bodge de récupérer ses deux belles provinces
de Battambang et d'Angkor, que le roi, notre
protégé, revendique en vain depuis son avè-
nement au trône.
La deuxième consiste dans le choix qu'on
a fait du Mékong comme fleuve frontière. Le
Mékong partage en effet, par le milieu, la
plupart des villes et villages établis sur ses
rives, de sorte que par le fait du traité franco-
siamois, la population a complètement perdu
son unité.
Vers la frontière du Cambodge, il n'y a pas
eu trop de difficultés ; mais dans toute la
partie du Nord jusqu'à la frontière de Chine,
la situation est épouvantable.
Les rois et leurs ministres sont installés
sur une rive, du côté des capitales, avec la
moitié de la population ; l'autre moitié ré-
side en face en pays étranger, et l'on voit
ainsi, tout le long du fleuve, des royaumes,
des villes et des villages dont les habi-
tants sont français d'un côté et siamois de
l'autre.
Or, comme, en dehors de Luang-Prabang,
nous n'avons d'agent nulle part et que les
Siamois en ont sur toute la rive du Mékong,
nos aimables voisins continuent à exercer
leur autorité sans conteste et à nous repré-
senter comme un petit peuple sans impor-
tance, incapable de faire respecter ses vo-
lontés.
Les Laotiens, qui ne jugent que par ce
qu'ils voient, n'ont pas de peine à ajouter
créance aux mensonges intéressés des Sia-
mois. Dans tout cet immense Laos du Nord,
où les Siamois entretenaient plus de quarante
postes et 3,000 hommes de troupes, nous
avons, nous Français, un seul poste admi-
nistratif et une garnison de quatorze mili-
ciens annamites.
Il n'y a plus à discuter le fait accompli.
Mais cette situation nous imposait une plus
grande vigilance pour affermir notre autorité
et conserver notre prestige vis-à-vis de la po-
pulation régulièrement soumise à notre suze-
raineté.
NOS REPRÉSENTANTS
Les Laotiens, d'ailleurs, étaient fort bien
disposés à notre égard. On avait réussi à leur
persuader que nous respecterions toutes leurs
institutions, leurs coutumes et leurs libertés
religieuses. Leur roi avait déclaré que ses su-
jets étaient heureux de venir se grouper sous
notre protection.
La première chose à faire, dans ces condi-
tions, était d'assurer l'avenir de notre protec-
torat en le confiant à des résidents intelli-
gents, en possession d'une situation capable
d'inspirer le respect à des peuplades sensibles
avant tout au décorum.
Or, fidèles à notre système de colonisation,
nous avons fait du Laos, comme de toute une
partie de l'Indo-Chine, une sorte de terre de
disgrâce redoutée de tous les fonctionnaires.
Impossible d'imaginer le rôle que l'on fait
jouer à ces malheureux. Non seulement on
les envoie avec un grade infime dans de pe-
tites stations aussi dangereuses que lointai-
nes, mais on ne leur accorde même pas les
moyens indispensables pour rejoindre leur
poste. Ils sont nécessairement tenus d'empor-
ter avec eux tout leur bagage, qui est quel-
quefois considérable, et tout le matériel d'E-
tat afférent à leur agence. Or, on leur refuse
même les fonds nécessaires au payement du
transport de ce matériel.
Bon gré, mal gré, ils se mettent en marche,
et c'est ainsi qu'ils voyagent pendant de lon-
gues semaines, tantôt à cheval, tantôt à pied,
à travers des régions fiévreuses, en longues
caravanes découragées et pitoyables. Quelque-
fois leur route se poursuit dans le lit même
des torrents, au milieu des roches couvertes
de sangsues où leurs pieds s'ensanglantent.
Plus souvent encore, les malheureux rési-
dents, qui ne résident plus du tout nulle part,
doivent s'engager avec leur suite dans des
marais nauséabonds, avec de l'eau jusqu'au
ventre ou jusqu'aux épaules. Quand il n'y a
ni Iàarais, ni pluies, ni sangsues, la route
n'est pas moins difficile; il faut alors se li-
vrer à l'escalade de pics vertigineux et multi-
formes, dégringoler les ravines, se frayer une
voie dans la brousse.
RÉCIT DE VOYAGE
Un de ces malheureux raconte ainsi ses
malheurs :
« Comme on avait absolument négligé à
Hanoï d'avertir de mon passage les autorités
du pays que je traversais, j'eus toutes les
peines du monde à me faire reconnaître sur
notre propre territoire et à me procurer à
chaque nouveau district les hommes néces-
saires au transport de mes bagages, même en
les payant, bien entendu. Ce fut une bien
autre affaire lorsque ayant épuisé toutes mes
ressources personnelles, je demandai des coo-
lies sans pouvoir les payer. J'arrivai tout de
même au terme de mon voyage, mais dans
un état de dénûment et de misère physique
qui faisait peine à voir. Je me demande com-
ment le gouverneur général de l'Indo-Chine
peut man fester une telle insouciance à
l'égard de ses subordonnés.
» Luang-Prabang, capitale du royaume de
ce nom, est une fort jolie ville qui a été choi-
sie comme résidence du commissaire de la
République française dans le Laos du Nord.
Quand j'y arrivai, cet infortuné fonctionnaire
était littéralement dans la situation d'un va-
gabond. Trois mois auparavant, l'immeuble
dans lequel il logeait, construit en bois fort
sec, avait été détruit par un incendie. Tout
avait été perdu, son argent, ses papiers, ses
effets et ses vivres. Notre compatriote s'a-
dressa assitôt au gouverneur par intérim, M.
Chavassieux, qui ne daigna ni d'occuper de
lui, ni lui envoyer le moindre subside, ni
même lui répondre. De son côté, l'autorité
militaire refusa tout secours au sinistré. Je
rencontrai le malheureux vêtu en Laotien,
sans un sou vaillant dans la poche, réduit
à vivre avec ses gens de la charité publi-
que!. Quel triomphe pour les Siamois 1 »
Et ces choses se passent au moment où l'on
se prépare à dépenser des centaines de mil-
lions pour faire de Madagascar un grand
Laos 1
FIN DE SESSION
LES CHAMBRES EN VACANCES
La session extraordinaire de 1894 a été close
hier soir et voilà les Chambres en vacances
jusqu'au mardi 8 janvier, date fixée par la
Constitution. Le decret de clôture de M. le
président de la République a, selon les usa-
ges, été lu au Palais-Bourbon par M. Ch. Du-
puy, président du conseil, et au Luxembourg
par le garde des sceaux, M. Guérin.
Il n'y a pas grand'chose à dire de cette der-
nière journée parlementaire. On n'attendait
plus, pour partir, que le vote par le Sénat du
projet de douzièmes provisoires et de quelques
autres crédits indispensables. Or, cette ratifi-
cation sénatoriale ne s'est pas fait atten-
dre.
La séance, au Luxembourg, a commencé à
3 heures.
Les douzièmes y ont été adoptés à l'unani-
mité de 233 votants. Il n'y a pas eu de dis-
cussion pour ainsi dire ; l'inévitable M. Buffet
s'est seulement borné à quelques observations
de détail. A retenir pourtant cette déclaration
faite par M. Poincaré, ministre des finances,
que le gouvernement demanderait plus tard
un troisième douzième, si besoin était, car il
entend laisser au Parlement tout le temps de
discuter le budget en pleine liberté.
Le Sénat a encore voté, sans débat et tou-
jours à l'unanimité : la pension à la mère et
à la veuve de M. Burdeau, les crédits extra-
ordinaires et supplémentaires de l'exercice
1894, le crédit de 100,000 fr. pour les besoins
du traitement de la diphtérie par la sérum-
thérapie, enfin une trentaine au moins de pro-
jets d'intérêt local. A six heures vingt, tout
était fini.
Quant à la Chambre, elle ne s'est réunie
qu'à quatre heures. Et, après l'expédition de
diverses menues affaires, elle suspendait sa
séance pour attendre que le Sénat eût fini.
Cette suspension a duré une grande heure et
demie. Enfin, à six heures vingt, lecture était
donnée du décret de clôture.
Elles seront assez courtes, ces vacances du
Jour de l'An. Souhaitons-les bonnes à mes-
sieurs les sénateurs, à messieurs les dé-
putés 1
LE GENERAL TCHERKOW
Le président du conseil et Mme Charles
Dupuy ont offert hier soir un grand dîner en
l'honneur du général Tcherkow.
Mme Charles Dupuy avait à sa droite l'am-
bassadeur extraordinaire de l'empereur de
Russie et à sa gauche le. ministre de la
guerre.
Le président du conseil avait à sa droite
le ministre de la marine et à sa gauche M.
de Giers.
Les autres convives étaient : MM. Develle,
de Freycinet et Ribot, Mlle Marcilèse, belle-
fille de M. Dupuy, MM. le général baron
Freedericksz, le général Saussier, de Labou-
laye, le général de Boisdeffre, Narischkine,
l'amir.il Gervais, Lafargue, le général Coste,
Nisard, le général Berruyer, le préfet de la
Seine, Schwetchine, le baron Korff, le préfet
de police, le comte Schouvalow, le préfet du
Rhône, de Bourqueney, Bompard, Sainsère,
Revoil, le commandant Germinet, le capi-
taine Pauffin de Saint-Morel, Mollard, Adrien
Dupuy, Broussais et Valette.
Un détachement de la garde républicaine
était rangé sur deux lignes depuis le perron
du ministère jusqu'à l'entrée du premier
salon. A l'arrivée du général Tcherkow, les
hommes ont présenté les armes.
Après quelques instants de conversation,
le général de Tchertkow a offert le bras à
Mme Charles Dupuy et s'est dirigé vers la
salle à manger, suivi de tous les convives.
La table, avec ses cristaux étincelants, le
surtout en argent massif et les fleurs aux
nuances multiples disposées de place en place,
était dressée avec un goût parfait.
Au dessert, M. Charles Dupuy a porté le
toast suivant que tous les convives ont écouté
debout :
Au nom du gouvernement français, j'ai l'honneur
de porter la santé de Sa Majesté Impériale Nico-
las II, de Sa Majesté l'Iinpératrtceet de la famille
impériale de Russie.
La musique de la garde républicaine a joué
l'hymne russe.
Le général Tcherkow a répondu :
Je porte un toast à M. le président de la Répu-
blique et à MM. les membres du gouvernement
français.
La musique a joué la Marseillaise.
Le président du conseil a repris ensuite la
parole. I! s'est exprimé en ces termes :
Je bois à S. E. le général Tcherkow et, dans sa
personne, je salue la vaillante armée russe et sa
sœur la marine impériale.
Le général Tcherkow a répondu :
Je lève mon verre à la santé de M. le président
du conseil et de Mme Dupuy.
Après le dîner, les invités ont passé dans
les salons qui étaient ornés de roses et d'aza-
lées.
Le café a été servi dans le salon des tapis-
series, où se trouvent deux chefs-d, oetlvre de
la manufacture des Gobelins : les Enfants
jardiniers et le Colin-Maillard.
Dans l'après-midi, le général Tcherkow
avait rendu visite aux ministres des affaires
étrangères et de la marine.
LA SANTÉ DE LORD CHURCHILL
Londres, 27 décembre.
L'état de lord Randolph Churchill reste ab-
solument désespéré. Sa femme ne quitte pas son
Chevet.
La reine et le prince de Galles font souvent de-
mander de ses nouvelles.
Des télégrammes de l'empereur d'Allemagne et
de l'empereur de Russie sont arrivés, demandant
également des nouvelles.
LE TSAR ET LA TSARINE
Saint-Pétersbourg, 27 décembre.
L'empereur et l'impératrice reviendront le 5 jan-
vier de Tsarskoïé-Sélo à Saint-Pétersbourg.
Le voyage de l'impératrice douairière dans le
Caucase est ajourné à une époque indéterminée.
TRISTE AFFAIRE
Biskra, 27 décembre.
L'enquête sur la tentative d'assassinat dont un
capitaine d'artillerie s'est rendu coupable, le 4 dé-
cembre dernier,sur un lieutenant de la même arme,
est terminée.
On croit que l'affaire, qui ne paraît pas avoir le
caractère sensationnel qu'on lui avait d'abord attri-
bué, viendra, à Constantine, aux assises du mois
de janvier.
LAVIEDEPARIS
Une fois de plus, la question des bouti-
ques du Jour de l'An s'est posée dans la
presse. Ces boutiques, pendant quinze
jours, vont encombrer le trottoir, rendu
tellement étroit que, ces jours-ci, c'est à
peine si on pouvait circuler sur l'asphalte.
Ajoutez à cela que, par une tolérance qui
peut passer pour excessive, les cafés et
les brasseries gagnent sans cesse du ter-
rain sur l'espace réservé aux piétons.
De plus, les kiosques de journaux, les
boutiques des fleuristes et les postes forti-
fiés réservés aux hommes pour ce que
vous savez sont multipliés sur le boule-
vard à ce point que cette promenade unique
au monde finit par paraître étroite et est
insuffisante pour la foule. En plus de ces
objections contre les boutiques du Nou-
vel-An, et tirées de considérations de voi-
rie, il en est d'autres d'ordre économique.
Les magasiniers du voisinage, ceux qui
sont dans les passages, par exemple, où il
y a beaucoup de marchands de jouets, font
observer qu'ils payent patente — et com-
bien chère 1 — pour exercer leur com-
merce, que ce commerce est surtout actif
au Jour de l'An, dont les bénéfices com-
penseraient parfois toute une année mau-
vaise, et que justement à cette époque on
autorise des boutiquiers improvisés,
payant une légère redevance, n'ayant pas
de frais généraux, pas de gaz, pas d'em-
ployés, à faire aux patentés une sorte de
concurrence déloyale, d'autant plus que
les boutiquiers vendent surtout de la ca-
melote à bon marché.
Telles sont les raisons, très sérieuses à
mon avis, qui militent contre les bouti-
ques. Mais on répond à cela tout d'abord
qu'il est toujours difficile et qu'il est dur
d'aller contre un usage plusieurs fois cen-
tenaire, car la tolérance du Jour de l'An
n'est que la continuation des foires jadis
tenues dans les rues de Paris ; puis que
des quantités de pauvres et braves gens
n'arrivent à gagner leur vie qu'en ces
quelques jeurs et qu'il faut bien que tout
le monde 1 vive — quoique ça ne paraisse
pas être l'avis de certains économistes. Et
la question reste pendante, très difficile à
résoudre. Car c'est le malheur de la plu-
part des choses de ce monde qu'il y a tou-
jours presque autant de raisons pour les
défendre que pour les attaquer.
En attendant, cette année plus que les
autres, grâce à un ciel très clément, la foule
se porte à la foire du boulevard. J'ai fait
le badaud comme les autres et flâné devant
les boutiques. Je dois déclarer qu'à la suite
de cet examen peut-être trop superficiel,
je n'ai pas trouvé de jouet bien nouveau,
d'invention originale comme il s'en est
parfois révélé. Et je ne vois pas qu'il y ait
grand'chose à dire sur les créations des
fabricants. Les jouets, pourtant, que nous
donnons à nos enfants peuvent être matière
à philosopher.
Des historiens n'ont pas dédaigné de
chercher dans les joujoux retrouvés des
Grecs et des Latins des indications sur
l'état d'âme de nos ancêtres. Jl si un
feuilleton peut rester célèbre et survivre
au bruit éphémère qu'il fait pendant un
jour ou une semaine, cette bonne fortune
fut celle d'un feuilleton publié, il y a bien
trente ans, par le Journal des Débats, sur
les joujoux du Jour de l'An. L'auteur de ce
feuilleton, vraiment exquis, était un uni-
versitaire qui fut mon maître, Hippolyte
Rigaud.
Je dois ajouter que la philosophie de ce
feuilleton parut tout à fait irrévérencieuse
et hostile envers le gouvernement impé-
rial. Et Rigaud fut mis en demeure de
choisir entre sa place de professeur et son
métier de journaliste. Il opta pour le jour-
nalisme. C'était alors un très bon métier
que le métier des journalistes, et l'opi-
nion savait les défendre contre le pou-
voir, qui cherchait à les déconsidérer.
Or, dans ce feuilleton, Rigaud poursui-
vait de ses railleries l'esprit des gens de
son temps, qui se trahissait selon lui par
le choix des jouets qu'on donnait aux en-
fants. Il blâmait, par exemple, les pou-
pées trop coquettes, en crinoline, don-
nant aux petites filles de la bourgeoisie
des idées et des aspirations de cocodettes,
ou les joujoux mettant dans l'esprit des
petits garçons des goûts de militarisme
trop superficiel, brillant mais sans sérieux,
dont nous ne vîmes que trop les dangers
aux catastrophes de 1870.
Il n'y a pas beaucoup à dire sur les
jouets d'aujourd'hui. La plupart sont ba-
nals et c'est peut-être le mieux. Car, pour
l'imagination évocatrice de l'enfant, les
jouets les plus simples suffisent. La pou-
pée classique permet à la petite fille de
satisfaire. son instinct de coquetterie et
aussi le vague instinct de maternité qui
la tourmente dès qu'elle a l'âge de raison.
Le fusil de bois le plus élémentaire est,
pour le jeune garçon, l'arme du soldat qui
rêve de gloire ou de l'explorateur.
Cependant, cette année, quelques jouets
gardent l" trace de nos plus récentes
préoccupations. Les joujoux franco-russes
sont assez nombreux et les cosaques, dans
les boîtes de soldats, ne sont plus les en-
nemis de nos chasseurs. De plus, le jouet
scientifique se développe toujours. Beau-
coup de ces jouets, par l'adroite applica-
tion des boules à air en caoutchouc, sont
très ingénieux. Ils constituent des mé-
caniques très parfaites et, souvent, l'imi-
tation ianonaise vmet une note de fantai-
sie et un goût d'art particulier.
Je suis pourtant d'avis qu'il ne faut
pas donner aux enfants des joujoux trop
savants ou trop beaux, avec lesquels ils
n'osent pas s'amuser. Le joujou qui fonc-
tionne tout seul ôte à l'enfant la joie de
l'action directe, du travail de ses mains
qu'il trouve, par exemple, avec les jouets
tels que les établis de menuisier ou les
petites cuisines. Restons donc fidèles aux
joujoux qui, sans trop de prétention, per-
mettent aux enfants de s'initier au la-
beur de la vie, leur donnent lo goût de
l'initiative et du travail, leur font, en ua
mot, prendre du plaisir à ce qui sera la
dure nécessité de leur existence en notre
temps incertain où les jours n'ont pas de
lendemain assuré.
Henry Fouquior.
LE COLLIER DE LA REINE
Un de nos confrères — très parisien —
donnait hier le récit d'une petite fête organisée
en l'honneur de quelques demi-mondaines
par un « clubman aussi richissime que génée
» reux, fils d'un des grands industriels de
» France, fête à laquelle assistait « toute la
» jeunesse de la haute industrie parisienne et
» quelques officiers des garnisons voisines de
» Paris ».
Lorsque la reine du réveillon souleva sa
serviette, ajoute notre confrère, plus enthou-
siasmé que la demoiselle elle-même, « apparut
» à ses yeux ravis un collier de perles et de
» brillants de cent cinquante mille francs ».
Chacun, évidemment, aie droit de s'amuser
comme il l'entend, et l'on ne saurait faire
grief à des héritiers d'archimillionnaires de
remettre dans la circulation tout ou partie de
la « galette » que « feu papa » leur a laissée.
La publicité que recherchent avidement ces
« fêtards » a toutefois un inconvénient.
Elle irrite — et non sans raison — les dés-
hérités de la vie, les ouvriers, les travailleurs,
tous les humbles chargés de famille qui se
disent : « Faut-il qu'on nous ait exploités,
pour que les fils de nos patrons puissent, sans
se gêner, payer à des cocottes des colliers de
cent cinquante mille francs 1 »
Il n'est pas besoin, en effet, d'être socialiste
pour comprendre les colères que de telles
fantaisies vaniteuses doivent nécessairement
allumer dans le monde de l'atelier ou de
l'usine, où tant de gens « turbinent » et crèvent
de misère, tandis que le fils du patron jette
par la fenêtre des colliers de cent cinquante
mille aux grues de haut vol qui passent.
MORT DU ROI DE NAPLES
LE FILS DE « BOMBA »
L'ancien roi de Naples est mort hier à Arco,
dans le Tyrol, trois semaines avant de célé-
brer le cinquante-neuvième anniversaire'de sa
naissance.
Sa vie, qui depuis de longues années s'é-
coulait tranquille et douce, sans incidents
d'aucunesorte, fut au début remarquablement
agitée. Mais ses malheurs n'eurent pas le don
d'émouvoir l'opinion et il est à croire que sa
mort passera sans exciter de grands regrets.
Elle mérite pourtant de retenir un instant,
car avec François II disparaît l'un des der-
niers « premiers rôles » du drame qui aboutit
à l'unité italienne. Cavour, Garibaldi, Vic-
tor-Emmanuel, Napoléon III, Pie IX sont
depuis longtemps descendus dans la tombe ;
le roi de Naples les y rejoint aujourd'hui,
laissant l'empereur d'Autriche survivre à peu
près seul de tous ses ennemis ou de tous ses
alliés.
LE RÈGNE DE FRANÇOIS II
François II régna juste vingt mois, dis
22 mai 1859, date de la mort de son père, le
fameux roi Bomba, au 13 février 1861, date
de son départ de Ga$e. Il avait vingt-trois
ans le jour où il monta sur le trône, et il y
avait à peine trois mois qu'il avait épousé
une sœur de l'impératrice d'Autriche, la prin-
cesse Marie-Sophie de Bavière.
Effrayé du mouvement qui secouait alors
l'Italie tout entière, le jeune roi se laissa
dominer comme Ferdinand II par une cama-
rilla féroce et lâche, qui, en dehors de l'abso-
lutisme, de la terreur et de la délation, ne
voyait pas de salut pour la monarchie.
Naturellement, la situation du royaume
n'en devint que plus difficile et plus précaire.
Napoléon III, inquiet de son avenir, essaya
bien de donner à son cousin d'utiles conseils,
de lui montrer qu'il avait tout avantage à
octroyer une constitution à ses sujets et à
s'allier à la Sardaigne. Mais François II ne
voulut pas écouter ces sages conseils ; il pré-
féra maintenir l'odieux régime d'espionnage
et de suspicion institué par son père.
Moins d'un an après, il en réco ltait les bé.
néifices. Le 5 avril 1860, la révolte éclatait, en
effet, dans ses Etats, et bientôt Garibaldi, s
la tête de deux mille volontaires, gagnait .la
Sicile insurgée. Dès les premiers jours de
juin, après une lutte acharnée, il était maitre
de Palerme ; avant la fin du même mois, l'île
entière, à l'exception de Messine et de quel-
ques postes sans importance, avait passé sous
son autorité.
Le roi de Naples, éperdu, n'hésita pas alors
à suivre les conseils du gouvernement fran.
çais. Malheureusement il était un peu tard,
et Victor-Emmanuel, qui ne se souciait guère
de sauver une monarchie moribonde dont il
était sur le point d'hériter, ne consentit àjen-
trer en négociations que lorsque le royaume
de Naples aurait une constitution.
Le 30 juin, François II se résigna. Il pro-
mulgua une constitution ; mais c'était, mot
pour mot, la même charte que celle qui avait
été donnée par Bomba en 18i8 et qu'il avait
depuis si cavalièrement abolie.
Personne ni dans les Deux-Siciles ni en
Europe ne prit au sérieux cette concession
in extremis. Du reste, à cette heure suprême,
l'entourage du roi le dissuadait désespéré-
ment de tenir sa parole. On fomentait dans
la garde royale et avec une populace achetée,
des manifestations absolutistes ; on provo-
quait de toute part des troubles de mauvais
augure ; il semblait vraiment qu'on n'eût d'au-
tre but que de hâter les événements, que de
précipiter la chute des Bourbons.
François II, en prenant prétexte de l'agita-
tion pour remettre à une date indéterminée
les élections parlementaires, fournit bientôt à
Garibaldi l'occasion de franchir le détroit dt
Messine et de porter la révolution jusqu'aux
portes de Naples.
Le 6 septembre, abandonné de plusieurs de
ses ministres, de ses généraux et même d'un
de ses oncles, le jeune souverain se réfugiait
à Gaëte avec quelques troupes qui lui étaient
restées fidèles, laissant tomber sa capitale
aux mains du « hardi condottiere». Peu après
— le 7 novembre — Victor-Emmanuel entrait
lui-même à Naples.
Napoléon III intervint alors encore une
fois en faveur de François II. Il envoya une
escadre devant Gaëte et ménagea entre les
deux rois ennemis un armistice qui expira u
19 janvier. Mais ce fut tout ce qu'il put faite
pour lui, et le 13 février 1861, après trois se-
maines de luttes inutiles, le fils de Bomba,
dut capituler : il ne lui restait pas un pouce
de territoire dans les Deux-Siciles.
Réfugié à Rome auprès de Pie IX qui tint
à le traiter avec les mêmes égards dont Fer-
dinand avait précédemment usé envers lut.
François II crut devoir faire entendre un*
vaine protestation contre l'appropriation da
titre de roi d'Italie par Victor-Emmanuel. C<
fut son dernier acte politique ou, pour mieux,
dire, son dernier acte officiel, car pendant
plusieurs mois encore il" tenta de provoquât
LE NTJHÉEO GESQ CEOTIMES
SAMEDI 29 DÉCEMBRE 1891
RÉDACTICI ET ADMINISTRATION
142, Rue Montmartre
PARIS
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Téléphone : 20.289 bis.
MAIGRE MYEHTIFFIE
H y a longtemps qu'on n'avait vu les
'Chambres prendre un congé aussi ré-
duit au moment du renouvellement de
l'année. Il est tout à fait exceptionnel
qu'elles tiennent séance après les fêtes
de Noël, et d'autre part la date prévue
pour l'ouverture de la session ordinaire
va se trouver en 1895 la plus rapprochée
possible.
Malheureusement, ce n'est pas au
nombre des séances tenues et à la briè-
veté des vacances que l'on juge un Par-
lement : c'est à la besogne effectuée. Or,
depuis les élections générales de 1893,
elle est à peu près nulle.
Les interpellations ont foisonné. Il y
en a eu de simplement oiseuses ; d'au
très ont soulevé des incidents tumul-
tueux ou simplement bruyants, et les
çurieux qui en ont été les spectateurs
..n'ont pas eu à se plaindre d'avoir man-
"qué de distractions épicées ; mais on ne
voit pas qu'elles aient sensiblement
avancé les affaires.
On a voté dems. lors 'dtn'épression;
dont l'une n'a donné lieu presque à au-
"Cune discussion, dont l'autre, au con-
traire, a soulevé des débats très prolon-
gés. Il ne serait guère à propos d'en re-
commencer aujourd'hui l'examen ré-
trospectif ; on peut pourtant, sans leur
faire de tort, constater que ce sont des
lois de circonstance qui n'étaient guère
prévues lors des élections et qui, par
suite, n'ont pas mis en train la réalisa-
tion de ces programmes et engagements
que M. Barodet enregistre si conscien-
cieusement au début de chaque législa-
ture. La Chambre a essayé de mettre
sur pied une loi concernant les syndi-
cats ouvriers ; mais on se rappelle com-
ment, après avoir greffé les uns sur les
autres des amendements contradictoi-
res, il a fallu renvoyer le travail tout
entier à la fonte par l'expédient du re-
trait de l'urgence.
Les problèmes de réforme fiscale
avaient tenu le premier rang dans ce
qu'on appelle les cahiers de 1893 ; on
avait pensé qu'au moins la discussion
des contributions directes serait l'occa-
sion de remaniements sérieux; le projet
élaboré par M. Burdeau ayant été mis
en pièces par la commission du budget,
son successeur, pris de court, s'en est
tenu à solliciter et a obtenu le maintien
des contributions existantes.
Reste le vote du budget, c'est-à-dire
la tâche essentielle des Chambres, celle
à laquelle elles ne peuvent se dérober,
fussent-elles décidées à rester inertes
pour tout le reste. Eh bien! nous n'avons
pas de budget. Celui de 1894 avait été
voté avant les élections. Il y a tout près
de seize mois que les électeurs ont
nommé une nouvelle Chambre; c'est à
peine si elle a entamé la discussion du
budget de 1895.
Du budget des dépenses, elle n'a en-
core examiné que ce qui concerne le mi-
nistère de la justice et elle n'est pas
sortie du budget annexe de la Légion
d'honneur. Quand on aura passé tous
les ministères en revue — etcela menace
d'être long si l'on continue à livrer des
batailles aussi acharnées sur tous les
chapitres — on ne sera pas, qu'on y ré-
fléchisse, au bout du travail, car on
aura quelque chose aussi à dire sur les
contributions indirectes, et le projet sur
les successions, qui se présente comme
lié directement à l'équilibre, sera sans
aucun doute l'occasion d'une grande
'oute oratoire. Il faudra bien encore
quelques journées au Sénat.
1 Croit-on qu'avec de telles perspec-
tives les deux douzièmes votés permet-
tent de s'endormir ? Il ne restera du
mois de janvier que trois semaines, et
le mois de février est bien court. On ne
peut compter arriver sans un assez
grand nombre de séances exception-
nelles, séances du matin et séances te-
nues aux jours réservés d'ordinaire aux
commissions, et sans quelques sacri-
fices d'éloquence.
Il y a certainement dans un retard
aussi extraordinaire une part à faire à
la fatalité et aux contretemps ; une ac-
tivité énergique et réglée aurait été né-
cessaire pour regagner le temps perdu.
Au lieu de cela, on eût dit bien sou-
vent que l'on avait au contraire trop de
loisirs et qu'on ne (savait à quoi les oc-
cuper.
Il reviendra sans doute des moments
propices pour débattre avec toute la
pompe académique souhaitable les thè-
ses les plus ardues de philosophie so-
ciale. Mais ce qui presse en ce moment,
c'est d'accomplir une tâche nécessaire,
de faire ce qui est par définition le
métier des Chambres, c'est de ne pas
donner la pire preuve d'impuissance.
Peut-être le meilleur moyen pour
cela serait-il, de la part des républi-
cains, de se prêter aide et appui et de'
se mettre avec ensemble à la manœu-
vre, au lieu de se consumer en campa-
gnes électorales intérieures sans cesse
renouvelées ou de laisser durer des con-
troverses épuisées qui ne se soutiennent
qu'à force de digressions. Les premiè-
res conditions pour aboutir à des résul-
tats sont l'entente, la discipline, la
méthode.
On a déjà vu des Chambres tâtonner
à leurs débuts et, après le temps voulu
pour se reconnaître et se classer, faire
œuvre utile et laisser finalement un
bon renom. Je souhaite vivement qu'il
en soit ainsi de la Chambre de 1893;
mais elle a usé largement du crédit
qu'on lui a accordé. Le temps de la
mise en train doit être considéré comme
passé.
Gustave Isambert.
LA PRËSIDENCE DE LA CHAMBRE
Un certain nombre de députés appartenant
au groupe des républicains de gouvernement
- groupe que préside M. Deluns-Montaud—se
sont réunis hier pour s'entretenir de l'élection
du bureau de la Chambre, qui doit être entiè-
rement renouvelé à la rentrée, le 8 janvier
prochain. -'
Plusieurs membres du groupe, dont MM. de
Grandmaison, député rallié de Maine-et-
Loire, et Krantz, député des Vosges, se sont
prononcés pour une candidature nouvelle,
autre que celle de M. Méline, à opposer à
M. Henri Brisson.
Cette proposition ayant été combattue, le
président n'a pas jugé utile de la mettre aux
voix, les membres présents étant trop peu
nombreux. Une autre réunion aura lieu
avant l'élection.
L'ÉLECTION DU XIIIe ARRONDISSEMENT
M. Navarre, vice-président du conseil munici-
pal, arrivé second au scrutin de dimanche dernier,
vient de se désister en faveur de M. Gérault-Ri-
chard, candidat antiministériel, qui avait obtenu
500 voix de plus que lui.
La décision de - M. Navarre est conforme à celle
du comité qui patronnait sa candidature.
LA GUILLOTINE A CHALON-SUR-SAONE
M. Deibler est parti hier soir avec les bois
de justice pour Chalon-sur-Saône.
Il procédera samedi matin à l'exécution de
Mazuyé, auteur de l'assassinat de trois bû-
cherons, condamné à mort par la cour d'as-
sises de Saône-et-Loire le 30 octobre.
UN INCIDENT
DEVANT LE PALAIS-BOURBON
Hier soir, vers cinq heures, nos confrères
Turot et Degay, de la Petite République,
A.-H. Montégut, de l'Intransigeant, Bois-
Glavy, du Journal, et Héroult, de l'Agence
républicaine, quittaient la Chambre, lorsque,
arrivés à l'extérieur du palais, devant la grille
du quai d'Orsay, l'un d'eux, s'adressant à M.
Turot, lui demanda de lui montrer le nommé
Alibert, témoin contre le général Boulanger
dans le procès de la Haute-Cour et qui sta-
tionne habituellement à cet endroit, sans être
invité à circuler par les agents de service, les
jours de séance.
Notre confrère Turot désigna à son inter-
locuteur Alibert, qui se trouvait à quelques
mètres des journalistes.
Ce dernier, s'étant sans doute aperçu qu'on
parlait de lui, s'approcha du groupe et s'é-
cria : « Que dites-vous ? »
— Je dis, répliqua Turot directement pris
à partie, que vous êtes un mouchaid !
Alibert ayant un fait un geste de menace, le
rédacteur de la Petite République lui admi-
nistra une bourrade qui l'envoya rouler à
quelques pas.
Les agents intervinrent et invitèrent, Ali-
bert et M. Turot à les suivre au commissariat
de police pour s'expliquer.
Mais Alibert, qui avait reconnu M. Monté-
gut, se mit à l'invectiver. Notre confrère de
l'Intransigeant lui administra alors un coup
de canne qui lui enfonça son chapeau jus-
qu'aux oreilles.
Et l'on se mit en route pour le commissa-
riat de la rue de Varenne.
Dans les couloirs, l'incident fut bientôt
connu et y provoqua un certain émoi. Plu-
sieurs députés, MM. Camille Pelletan, Marcel
Sembat, Paschal Grousset, Rouanetet Viviani
partirent aussitôt pour rejoindre nos confrè-
res.
Mais en route ils rencontrèrent MM. Turot,
Degay, Montégut et Bois-Glavy qui, après
avoir raconté les faits au commissaire de po-
lice, avaient été invités à se retirer, non toute-
fois sans que ce fonctionnaire eût recommandé
à M. Bois-Glavy, le plus rassis des quatre, de
calmer un peu l'ardeur de ses jeunes confrè-
res.
Aucun procès-verbal n'ayant été dressé,
l'affaire n'aura pas de suite.
Quant à Alibert; il est resté au poste et n'a
pas reparu devant le Palais-Bourbon, où il
conviendrait peut-être qu'il ne fit pas de si
longues stations sous l'œil bienveillant des
agents.
LE MÉTROPOLITAIN
Le Métropolitain nous vaudra probable-
ment un petit débat orageux très prochaine-
ment au conseil municipal. Voici à quelle
occasion :
Il y a quelques jours, — on n'en a pas
perdu le souvenir, — la commission spéciale
du Métropolitain rejetait le projet qui lui
avait été soumis par le inistre des travaux
publics et chargeait M. Girou de rédiger un
rapport en ce sens.
La minorité de la commission, mécontente
de cette décision, vient de présenter, sous
forme denote imprimée, signépar MM. Cham-
poudry, Sauton et Lopin, un contre-rapport
tendant, au contraire, à l'acceptation du projet
ministériel légèrement amendé.
Les signataires de ce document voudraient
en demander la discussion d'urgence avant
la fin de l'année. Ils brûleraient ainsi la poli-
tesse au véritable rapporteur de la commis-
sion du Métropolitain, M. Girou. Celui-ci,
soutenu par bon nombre de ses collègues, se-
rait disposé à protester de toutes ses forces
contre cette procédure sans précédent à l'Hô-
tel de Ville.
LE MARIAGE DE Mlle CRISPI
Rome, 27 décembre.
M. Crigpi est rentré à Rome aujourd'hui, après
avoir signé hier à Naples la contrat de mariage de
M Elle avec le prince J..J,nsuaal
FONGTIONNAIRES VAGABONDS
AU LAOS
'Un 'spectacle attristant. — Comment la
France traite ses représentants. — Un
résident forcé de mendier
Voilà bien longtemps que l'on ne songe
plus à notre excellent ami le roi de Siam ; le
Times lui-même ne s'occupe plus des intérêts
anglais sur les bords du Mékong. Et comme
un vieux dicton prétend que les peuples dont
on ne parle pas sont heureux, beaucoup de
Français doivent dès maintenant former des
projet d'émigration vers ces rivages embellis
par notre civilisation pour le jour où la révo-
lution sociale aura réalisé le « chambarde-
ment » général.
La situation est pourtant tout autre. Dans
le pays de Siam, comme en beaucoup d'au-
tres, fleurit notre inexpérience colonisatrice,
et si les Anglais ont cessé d'insister sur la
question du Laos, c'est qu'ils trouvent notre
politique plus favorable à leurs intérêts que
ne pourraient l'être leurs plus savantes intri-
gues.
LE TRAITÉ FRANCO-SIAMOIS
Nous avons commis deux fautes indiscuta-
bles en acceptant le traité franco-siamois :
La première, en ne permettant pas au Cam-
bodge de récupérer ses deux belles provinces
de Battambang et d'Angkor, que le roi, notre
protégé, revendique en vain depuis son avè-
nement au trône.
La deuxième consiste dans le choix qu'on
a fait du Mékong comme fleuve frontière. Le
Mékong partage en effet, par le milieu, la
plupart des villes et villages établis sur ses
rives, de sorte que par le fait du traité franco-
siamois, la population a complètement perdu
son unité.
Vers la frontière du Cambodge, il n'y a pas
eu trop de difficultés ; mais dans toute la
partie du Nord jusqu'à la frontière de Chine,
la situation est épouvantable.
Les rois et leurs ministres sont installés
sur une rive, du côté des capitales, avec la
moitié de la population ; l'autre moitié ré-
side en face en pays étranger, et l'on voit
ainsi, tout le long du fleuve, des royaumes,
des villes et des villages dont les habi-
tants sont français d'un côté et siamois de
l'autre.
Or, comme, en dehors de Luang-Prabang,
nous n'avons d'agent nulle part et que les
Siamois en ont sur toute la rive du Mékong,
nos aimables voisins continuent à exercer
leur autorité sans conteste et à nous repré-
senter comme un petit peuple sans impor-
tance, incapable de faire respecter ses vo-
lontés.
Les Laotiens, qui ne jugent que par ce
qu'ils voient, n'ont pas de peine à ajouter
créance aux mensonges intéressés des Sia-
mois. Dans tout cet immense Laos du Nord,
où les Siamois entretenaient plus de quarante
postes et 3,000 hommes de troupes, nous
avons, nous Français, un seul poste admi-
nistratif et une garnison de quatorze mili-
ciens annamites.
Il n'y a plus à discuter le fait accompli.
Mais cette situation nous imposait une plus
grande vigilance pour affermir notre autorité
et conserver notre prestige vis-à-vis de la po-
pulation régulièrement soumise à notre suze-
raineté.
NOS REPRÉSENTANTS
Les Laotiens, d'ailleurs, étaient fort bien
disposés à notre égard. On avait réussi à leur
persuader que nous respecterions toutes leurs
institutions, leurs coutumes et leurs libertés
religieuses. Leur roi avait déclaré que ses su-
jets étaient heureux de venir se grouper sous
notre protection.
La première chose à faire, dans ces condi-
tions, était d'assurer l'avenir de notre protec-
torat en le confiant à des résidents intelli-
gents, en possession d'une situation capable
d'inspirer le respect à des peuplades sensibles
avant tout au décorum.
Or, fidèles à notre système de colonisation,
nous avons fait du Laos, comme de toute une
partie de l'Indo-Chine, une sorte de terre de
disgrâce redoutée de tous les fonctionnaires.
Impossible d'imaginer le rôle que l'on fait
jouer à ces malheureux. Non seulement on
les envoie avec un grade infime dans de pe-
tites stations aussi dangereuses que lointai-
nes, mais on ne leur accorde même pas les
moyens indispensables pour rejoindre leur
poste. Ils sont nécessairement tenus d'empor-
ter avec eux tout leur bagage, qui est quel-
quefois considérable, et tout le matériel d'E-
tat afférent à leur agence. Or, on leur refuse
même les fonds nécessaires au payement du
transport de ce matériel.
Bon gré, mal gré, ils se mettent en marche,
et c'est ainsi qu'ils voyagent pendant de lon-
gues semaines, tantôt à cheval, tantôt à pied,
à travers des régions fiévreuses, en longues
caravanes découragées et pitoyables. Quelque-
fois leur route se poursuit dans le lit même
des torrents, au milieu des roches couvertes
de sangsues où leurs pieds s'ensanglantent.
Plus souvent encore, les malheureux rési-
dents, qui ne résident plus du tout nulle part,
doivent s'engager avec leur suite dans des
marais nauséabonds, avec de l'eau jusqu'au
ventre ou jusqu'aux épaules. Quand il n'y a
ni Iàarais, ni pluies, ni sangsues, la route
n'est pas moins difficile; il faut alors se li-
vrer à l'escalade de pics vertigineux et multi-
formes, dégringoler les ravines, se frayer une
voie dans la brousse.
RÉCIT DE VOYAGE
Un de ces malheureux raconte ainsi ses
malheurs :
« Comme on avait absolument négligé à
Hanoï d'avertir de mon passage les autorités
du pays que je traversais, j'eus toutes les
peines du monde à me faire reconnaître sur
notre propre territoire et à me procurer à
chaque nouveau district les hommes néces-
saires au transport de mes bagages, même en
les payant, bien entendu. Ce fut une bien
autre affaire lorsque ayant épuisé toutes mes
ressources personnelles, je demandai des coo-
lies sans pouvoir les payer. J'arrivai tout de
même au terme de mon voyage, mais dans
un état de dénûment et de misère physique
qui faisait peine à voir. Je me demande com-
ment le gouverneur général de l'Indo-Chine
peut man fester une telle insouciance à
l'égard de ses subordonnés.
» Luang-Prabang, capitale du royaume de
ce nom, est une fort jolie ville qui a été choi-
sie comme résidence du commissaire de la
République française dans le Laos du Nord.
Quand j'y arrivai, cet infortuné fonctionnaire
était littéralement dans la situation d'un va-
gabond. Trois mois auparavant, l'immeuble
dans lequel il logeait, construit en bois fort
sec, avait été détruit par un incendie. Tout
avait été perdu, son argent, ses papiers, ses
effets et ses vivres. Notre compatriote s'a-
dressa assitôt au gouverneur par intérim, M.
Chavassieux, qui ne daigna ni d'occuper de
lui, ni lui envoyer le moindre subside, ni
même lui répondre. De son côté, l'autorité
militaire refusa tout secours au sinistré. Je
rencontrai le malheureux vêtu en Laotien,
sans un sou vaillant dans la poche, réduit
à vivre avec ses gens de la charité publi-
que!. Quel triomphe pour les Siamois 1 »
Et ces choses se passent au moment où l'on
se prépare à dépenser des centaines de mil-
lions pour faire de Madagascar un grand
Laos 1
FIN DE SESSION
LES CHAMBRES EN VACANCES
La session extraordinaire de 1894 a été close
hier soir et voilà les Chambres en vacances
jusqu'au mardi 8 janvier, date fixée par la
Constitution. Le decret de clôture de M. le
président de la République a, selon les usa-
ges, été lu au Palais-Bourbon par M. Ch. Du-
puy, président du conseil, et au Luxembourg
par le garde des sceaux, M. Guérin.
Il n'y a pas grand'chose à dire de cette der-
nière journée parlementaire. On n'attendait
plus, pour partir, que le vote par le Sénat du
projet de douzièmes provisoires et de quelques
autres crédits indispensables. Or, cette ratifi-
cation sénatoriale ne s'est pas fait atten-
dre.
La séance, au Luxembourg, a commencé à
3 heures.
Les douzièmes y ont été adoptés à l'unani-
mité de 233 votants. Il n'y a pas eu de dis-
cussion pour ainsi dire ; l'inévitable M. Buffet
s'est seulement borné à quelques observations
de détail. A retenir pourtant cette déclaration
faite par M. Poincaré, ministre des finances,
que le gouvernement demanderait plus tard
un troisième douzième, si besoin était, car il
entend laisser au Parlement tout le temps de
discuter le budget en pleine liberté.
Le Sénat a encore voté, sans débat et tou-
jours à l'unanimité : la pension à la mère et
à la veuve de M. Burdeau, les crédits extra-
ordinaires et supplémentaires de l'exercice
1894, le crédit de 100,000 fr. pour les besoins
du traitement de la diphtérie par la sérum-
thérapie, enfin une trentaine au moins de pro-
jets d'intérêt local. A six heures vingt, tout
était fini.
Quant à la Chambre, elle ne s'est réunie
qu'à quatre heures. Et, après l'expédition de
diverses menues affaires, elle suspendait sa
séance pour attendre que le Sénat eût fini.
Cette suspension a duré une grande heure et
demie. Enfin, à six heures vingt, lecture était
donnée du décret de clôture.
Elles seront assez courtes, ces vacances du
Jour de l'An. Souhaitons-les bonnes à mes-
sieurs les sénateurs, à messieurs les dé-
putés 1
LE GENERAL TCHERKOW
Le président du conseil et Mme Charles
Dupuy ont offert hier soir un grand dîner en
l'honneur du général Tcherkow.
Mme Charles Dupuy avait à sa droite l'am-
bassadeur extraordinaire de l'empereur de
Russie et à sa gauche le. ministre de la
guerre.
Le président du conseil avait à sa droite
le ministre de la marine et à sa gauche M.
de Giers.
Les autres convives étaient : MM. Develle,
de Freycinet et Ribot, Mlle Marcilèse, belle-
fille de M. Dupuy, MM. le général baron
Freedericksz, le général Saussier, de Labou-
laye, le général de Boisdeffre, Narischkine,
l'amir.il Gervais, Lafargue, le général Coste,
Nisard, le général Berruyer, le préfet de la
Seine, Schwetchine, le baron Korff, le préfet
de police, le comte Schouvalow, le préfet du
Rhône, de Bourqueney, Bompard, Sainsère,
Revoil, le commandant Germinet, le capi-
taine Pauffin de Saint-Morel, Mollard, Adrien
Dupuy, Broussais et Valette.
Un détachement de la garde républicaine
était rangé sur deux lignes depuis le perron
du ministère jusqu'à l'entrée du premier
salon. A l'arrivée du général Tcherkow, les
hommes ont présenté les armes.
Après quelques instants de conversation,
le général de Tchertkow a offert le bras à
Mme Charles Dupuy et s'est dirigé vers la
salle à manger, suivi de tous les convives.
La table, avec ses cristaux étincelants, le
surtout en argent massif et les fleurs aux
nuances multiples disposées de place en place,
était dressée avec un goût parfait.
Au dessert, M. Charles Dupuy a porté le
toast suivant que tous les convives ont écouté
debout :
Au nom du gouvernement français, j'ai l'honneur
de porter la santé de Sa Majesté Impériale Nico-
las II, de Sa Majesté l'Iinpératrtceet de la famille
impériale de Russie.
La musique de la garde républicaine a joué
l'hymne russe.
Le général Tcherkow a répondu :
Je porte un toast à M. le président de la Répu-
blique et à MM. les membres du gouvernement
français.
La musique a joué la Marseillaise.
Le président du conseil a repris ensuite la
parole. I! s'est exprimé en ces termes :
Je bois à S. E. le général Tcherkow et, dans sa
personne, je salue la vaillante armée russe et sa
sœur la marine impériale.
Le général Tcherkow a répondu :
Je lève mon verre à la santé de M. le président
du conseil et de Mme Dupuy.
Après le dîner, les invités ont passé dans
les salons qui étaient ornés de roses et d'aza-
lées.
Le café a été servi dans le salon des tapis-
series, où se trouvent deux chefs-d, oetlvre de
la manufacture des Gobelins : les Enfants
jardiniers et le Colin-Maillard.
Dans l'après-midi, le général Tcherkow
avait rendu visite aux ministres des affaires
étrangères et de la marine.
LA SANTÉ DE LORD CHURCHILL
Londres, 27 décembre.
L'état de lord Randolph Churchill reste ab-
solument désespéré. Sa femme ne quitte pas son
Chevet.
La reine et le prince de Galles font souvent de-
mander de ses nouvelles.
Des télégrammes de l'empereur d'Allemagne et
de l'empereur de Russie sont arrivés, demandant
également des nouvelles.
LE TSAR ET LA TSARINE
Saint-Pétersbourg, 27 décembre.
L'empereur et l'impératrice reviendront le 5 jan-
vier de Tsarskoïé-Sélo à Saint-Pétersbourg.
Le voyage de l'impératrice douairière dans le
Caucase est ajourné à une époque indéterminée.
TRISTE AFFAIRE
Biskra, 27 décembre.
L'enquête sur la tentative d'assassinat dont un
capitaine d'artillerie s'est rendu coupable, le 4 dé-
cembre dernier,sur un lieutenant de la même arme,
est terminée.
On croit que l'affaire, qui ne paraît pas avoir le
caractère sensationnel qu'on lui avait d'abord attri-
bué, viendra, à Constantine, aux assises du mois
de janvier.
LAVIEDEPARIS
Une fois de plus, la question des bouti-
ques du Jour de l'An s'est posée dans la
presse. Ces boutiques, pendant quinze
jours, vont encombrer le trottoir, rendu
tellement étroit que, ces jours-ci, c'est à
peine si on pouvait circuler sur l'asphalte.
Ajoutez à cela que, par une tolérance qui
peut passer pour excessive, les cafés et
les brasseries gagnent sans cesse du ter-
rain sur l'espace réservé aux piétons.
De plus, les kiosques de journaux, les
boutiques des fleuristes et les postes forti-
fiés réservés aux hommes pour ce que
vous savez sont multipliés sur le boule-
vard à ce point que cette promenade unique
au monde finit par paraître étroite et est
insuffisante pour la foule. En plus de ces
objections contre les boutiques du Nou-
vel-An, et tirées de considérations de voi-
rie, il en est d'autres d'ordre économique.
Les magasiniers du voisinage, ceux qui
sont dans les passages, par exemple, où il
y a beaucoup de marchands de jouets, font
observer qu'ils payent patente — et com-
bien chère 1 — pour exercer leur com-
merce, que ce commerce est surtout actif
au Jour de l'An, dont les bénéfices com-
penseraient parfois toute une année mau-
vaise, et que justement à cette époque on
autorise des boutiquiers improvisés,
payant une légère redevance, n'ayant pas
de frais généraux, pas de gaz, pas d'em-
ployés, à faire aux patentés une sorte de
concurrence déloyale, d'autant plus que
les boutiquiers vendent surtout de la ca-
melote à bon marché.
Telles sont les raisons, très sérieuses à
mon avis, qui militent contre les bouti-
ques. Mais on répond à cela tout d'abord
qu'il est toujours difficile et qu'il est dur
d'aller contre un usage plusieurs fois cen-
tenaire, car la tolérance du Jour de l'An
n'est que la continuation des foires jadis
tenues dans les rues de Paris ; puis que
des quantités de pauvres et braves gens
n'arrivent à gagner leur vie qu'en ces
quelques jeurs et qu'il faut bien que tout
le monde 1 vive — quoique ça ne paraisse
pas être l'avis de certains économistes. Et
la question reste pendante, très difficile à
résoudre. Car c'est le malheur de la plu-
part des choses de ce monde qu'il y a tou-
jours presque autant de raisons pour les
défendre que pour les attaquer.
En attendant, cette année plus que les
autres, grâce à un ciel très clément, la foule
se porte à la foire du boulevard. J'ai fait
le badaud comme les autres et flâné devant
les boutiques. Je dois déclarer qu'à la suite
de cet examen peut-être trop superficiel,
je n'ai pas trouvé de jouet bien nouveau,
d'invention originale comme il s'en est
parfois révélé. Et je ne vois pas qu'il y ait
grand'chose à dire sur les créations des
fabricants. Les jouets, pourtant, que nous
donnons à nos enfants peuvent être matière
à philosopher.
Des historiens n'ont pas dédaigné de
chercher dans les joujoux retrouvés des
Grecs et des Latins des indications sur
l'état d'âme de nos ancêtres. Jl si un
feuilleton peut rester célèbre et survivre
au bruit éphémère qu'il fait pendant un
jour ou une semaine, cette bonne fortune
fut celle d'un feuilleton publié, il y a bien
trente ans, par le Journal des Débats, sur
les joujoux du Jour de l'An. L'auteur de ce
feuilleton, vraiment exquis, était un uni-
versitaire qui fut mon maître, Hippolyte
Rigaud.
Je dois ajouter que la philosophie de ce
feuilleton parut tout à fait irrévérencieuse
et hostile envers le gouvernement impé-
rial. Et Rigaud fut mis en demeure de
choisir entre sa place de professeur et son
métier de journaliste. Il opta pour le jour-
nalisme. C'était alors un très bon métier
que le métier des journalistes, et l'opi-
nion savait les défendre contre le pou-
voir, qui cherchait à les déconsidérer.
Or, dans ce feuilleton, Rigaud poursui-
vait de ses railleries l'esprit des gens de
son temps, qui se trahissait selon lui par
le choix des jouets qu'on donnait aux en-
fants. Il blâmait, par exemple, les pou-
pées trop coquettes, en crinoline, don-
nant aux petites filles de la bourgeoisie
des idées et des aspirations de cocodettes,
ou les joujoux mettant dans l'esprit des
petits garçons des goûts de militarisme
trop superficiel, brillant mais sans sérieux,
dont nous ne vîmes que trop les dangers
aux catastrophes de 1870.
Il n'y a pas beaucoup à dire sur les
jouets d'aujourd'hui. La plupart sont ba-
nals et c'est peut-être le mieux. Car, pour
l'imagination évocatrice de l'enfant, les
jouets les plus simples suffisent. La pou-
pée classique permet à la petite fille de
satisfaire. son instinct de coquetterie et
aussi le vague instinct de maternité qui
la tourmente dès qu'elle a l'âge de raison.
Le fusil de bois le plus élémentaire est,
pour le jeune garçon, l'arme du soldat qui
rêve de gloire ou de l'explorateur.
Cependant, cette année, quelques jouets
gardent l" trace de nos plus récentes
préoccupations. Les joujoux franco-russes
sont assez nombreux et les cosaques, dans
les boîtes de soldats, ne sont plus les en-
nemis de nos chasseurs. De plus, le jouet
scientifique se développe toujours. Beau-
coup de ces jouets, par l'adroite applica-
tion des boules à air en caoutchouc, sont
très ingénieux. Ils constituent des mé-
caniques très parfaites et, souvent, l'imi-
tation ianonaise vmet une note de fantai-
sie et un goût d'art particulier.
Je suis pourtant d'avis qu'il ne faut
pas donner aux enfants des joujoux trop
savants ou trop beaux, avec lesquels ils
n'osent pas s'amuser. Le joujou qui fonc-
tionne tout seul ôte à l'enfant la joie de
l'action directe, du travail de ses mains
qu'il trouve, par exemple, avec les jouets
tels que les établis de menuisier ou les
petites cuisines. Restons donc fidèles aux
joujoux qui, sans trop de prétention, per-
mettent aux enfants de s'initier au la-
beur de la vie, leur donnent lo goût de
l'initiative et du travail, leur font, en ua
mot, prendre du plaisir à ce qui sera la
dure nécessité de leur existence en notre
temps incertain où les jours n'ont pas de
lendemain assuré.
Henry Fouquior.
LE COLLIER DE LA REINE
Un de nos confrères — très parisien —
donnait hier le récit d'une petite fête organisée
en l'honneur de quelques demi-mondaines
par un « clubman aussi richissime que génée
» reux, fils d'un des grands industriels de
» France, fête à laquelle assistait « toute la
» jeunesse de la haute industrie parisienne et
» quelques officiers des garnisons voisines de
» Paris ».
Lorsque la reine du réveillon souleva sa
serviette, ajoute notre confrère, plus enthou-
siasmé que la demoiselle elle-même, « apparut
» à ses yeux ravis un collier de perles et de
» brillants de cent cinquante mille francs ».
Chacun, évidemment, aie droit de s'amuser
comme il l'entend, et l'on ne saurait faire
grief à des héritiers d'archimillionnaires de
remettre dans la circulation tout ou partie de
la « galette » que « feu papa » leur a laissée.
La publicité que recherchent avidement ces
« fêtards » a toutefois un inconvénient.
Elle irrite — et non sans raison — les dés-
hérités de la vie, les ouvriers, les travailleurs,
tous les humbles chargés de famille qui se
disent : « Faut-il qu'on nous ait exploités,
pour que les fils de nos patrons puissent, sans
se gêner, payer à des cocottes des colliers de
cent cinquante mille francs 1 »
Il n'est pas besoin, en effet, d'être socialiste
pour comprendre les colères que de telles
fantaisies vaniteuses doivent nécessairement
allumer dans le monde de l'atelier ou de
l'usine, où tant de gens « turbinent » et crèvent
de misère, tandis que le fils du patron jette
par la fenêtre des colliers de cent cinquante
mille aux grues de haut vol qui passent.
MORT DU ROI DE NAPLES
LE FILS DE « BOMBA »
L'ancien roi de Naples est mort hier à Arco,
dans le Tyrol, trois semaines avant de célé-
brer le cinquante-neuvième anniversaire'de sa
naissance.
Sa vie, qui depuis de longues années s'é-
coulait tranquille et douce, sans incidents
d'aucunesorte, fut au début remarquablement
agitée. Mais ses malheurs n'eurent pas le don
d'émouvoir l'opinion et il est à croire que sa
mort passera sans exciter de grands regrets.
Elle mérite pourtant de retenir un instant,
car avec François II disparaît l'un des der-
niers « premiers rôles » du drame qui aboutit
à l'unité italienne. Cavour, Garibaldi, Vic-
tor-Emmanuel, Napoléon III, Pie IX sont
depuis longtemps descendus dans la tombe ;
le roi de Naples les y rejoint aujourd'hui,
laissant l'empereur d'Autriche survivre à peu
près seul de tous ses ennemis ou de tous ses
alliés.
LE RÈGNE DE FRANÇOIS II
François II régna juste vingt mois, dis
22 mai 1859, date de la mort de son père, le
fameux roi Bomba, au 13 février 1861, date
de son départ de Ga$e. Il avait vingt-trois
ans le jour où il monta sur le trône, et il y
avait à peine trois mois qu'il avait épousé
une sœur de l'impératrice d'Autriche, la prin-
cesse Marie-Sophie de Bavière.
Effrayé du mouvement qui secouait alors
l'Italie tout entière, le jeune roi se laissa
dominer comme Ferdinand II par une cama-
rilla féroce et lâche, qui, en dehors de l'abso-
lutisme, de la terreur et de la délation, ne
voyait pas de salut pour la monarchie.
Naturellement, la situation du royaume
n'en devint que plus difficile et plus précaire.
Napoléon III, inquiet de son avenir, essaya
bien de donner à son cousin d'utiles conseils,
de lui montrer qu'il avait tout avantage à
octroyer une constitution à ses sujets et à
s'allier à la Sardaigne. Mais François II ne
voulut pas écouter ces sages conseils ; il pré-
féra maintenir l'odieux régime d'espionnage
et de suspicion institué par son père.
Moins d'un an après, il en réco ltait les bé.
néifices. Le 5 avril 1860, la révolte éclatait, en
effet, dans ses Etats, et bientôt Garibaldi, s
la tête de deux mille volontaires, gagnait .la
Sicile insurgée. Dès les premiers jours de
juin, après une lutte acharnée, il était maitre
de Palerme ; avant la fin du même mois, l'île
entière, à l'exception de Messine et de quel-
ques postes sans importance, avait passé sous
son autorité.
Le roi de Naples, éperdu, n'hésita pas alors
à suivre les conseils du gouvernement fran.
çais. Malheureusement il était un peu tard,
et Victor-Emmanuel, qui ne se souciait guère
de sauver une monarchie moribonde dont il
était sur le point d'hériter, ne consentit àjen-
trer en négociations que lorsque le royaume
de Naples aurait une constitution.
Le 30 juin, François II se résigna. Il pro-
mulgua une constitution ; mais c'était, mot
pour mot, la même charte que celle qui avait
été donnée par Bomba en 18i8 et qu'il avait
depuis si cavalièrement abolie.
Personne ni dans les Deux-Siciles ni en
Europe ne prit au sérieux cette concession
in extremis. Du reste, à cette heure suprême,
l'entourage du roi le dissuadait désespéré-
ment de tenir sa parole. On fomentait dans
la garde royale et avec une populace achetée,
des manifestations absolutistes ; on provo-
quait de toute part des troubles de mauvais
augure ; il semblait vraiment qu'on n'eût d'au-
tre but que de hâter les événements, que de
précipiter la chute des Bourbons.
François II, en prenant prétexte de l'agita-
tion pour remettre à une date indéterminée
les élections parlementaires, fournit bientôt à
Garibaldi l'occasion de franchir le détroit dt
Messine et de porter la révolution jusqu'aux
portes de Naples.
Le 6 septembre, abandonné de plusieurs de
ses ministres, de ses généraux et même d'un
de ses oncles, le jeune souverain se réfugiait
à Gaëte avec quelques troupes qui lui étaient
restées fidèles, laissant tomber sa capitale
aux mains du « hardi condottiere». Peu après
— le 7 novembre — Victor-Emmanuel entrait
lui-même à Naples.
Napoléon III intervint alors encore une
fois en faveur de François II. Il envoya une
escadre devant Gaëte et ménagea entre les
deux rois ennemis un armistice qui expira u
19 janvier. Mais ce fut tout ce qu'il put faite
pour lui, et le 13 février 1861, après trois se-
maines de luttes inutiles, le fils de Bomba,
dut capituler : il ne lui restait pas un pouce
de territoire dans les Deux-Siciles.
Réfugié à Rome auprès de Pie IX qui tint
à le traiter avec les mêmes égards dont Fer-
dinand avait précédemment usé envers lut.
François II crut devoir faire entendre un*
vaine protestation contre l'appropriation da
titre de roi d'Italie par Victor-Emmanuel. C<
fut son dernier acte politique ou, pour mieux,
dire, son dernier acte officiel, car pendant
plusieurs mois encore il" tenta de provoquât
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