Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-10-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 07 octobre 1894 07 octobre 1894
Description : 1894/10/07 (A24,N8301). 1894/10/07 (A24,N8301).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
TJ)lGT-QtrATRIÈMEANNÉE.-N..OOl LE NUMÉRO CrNQ CENTIMES 1; - DIMANCHE 7 OCTOBRE 1804
LE Xir SIECLE
RÉDACTION ET ADMINISTRATrOR
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PARIS !
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ÉPILOGUE
On se souvient des trois conseillers
généraux des Bouches-du-Rhône qui,
bien qu'attachés à des services de l'Etat
n'en ont pas moins, à la session der-
nière, blâmé, sous la forme d'un vœu,
la politique du gouvernement. Leur cas
fit quelque bruit par la France. Une
partie de la presse les louangea de
leur attitude ; l'autre les tança' verte-
ment. Le cabinet fit connaître son inten-
tion de frapper des serviteurs si peu
soucieux de déférence envers les chefs
suprêmes. Et ce fut, dans toute la presse
modérée, un concert d'éloges pour cette
démonstration, d'ailleurs peu glorieuse,
de virilité ministérielle.
J'ai dit ici-même, à cette époque, mon
jugement sur l'affaire. Aujourd'hui, les
décisions disciplinaires prévues envers
les conseillers généraux intéressés sont
entièrement prises. Déjà celui qui est
magistrat s'était vu retirer l'instruction.
Les deux qui appartiennent à l'Univer-
sité viennent de recevoir des destina-
tions nouvelles qui les constituent en
état de disgrâce. C'est exactement ce
que j'avais prévu.
- De nouveau la presse s'empare de
l'incident et le commente avec abon-
dance. Les uns crient : bravo ! Les au-
tres protestent au nom de l'indépen-
dance même du suffrage universel. Et
l'on a, de part et d'autre, à mon humble
avis, entièrement raison.
Les organes de ce qu'on appelle par
antiphrase la modération politique me
prirent à partie au sujet de l'article que
j'avais publié sur cette histoire. D'après
eux, les fonctionnaires doivent conti-
nuer, s'il plaît aux aux électeurs, à sié-
ger dans nos assemblées délibérantes,
sauf à y demeurer les dociles agents
de l'autorité gouvernementale.
On a vu où mène cette dualité de
fonctions. Les Débats ont beau s'écrier,
avec un air satisfait, que le suffrage
universel n'abrite pas ses élus contre
l'action des lois, et demander sur un ton
d'éloquente ironie si un conseiller gé-
néral coupable d'un délit ne devrait pas
subir, aussi bien que n'importe qui, les
suites de ses actes. C'est là un raison-
nement d'une rare puissance, assuré-
ment, mais qui a le simple tort de ne
s'appliquer en aucune manière à la
question posée. Il ne s'agit pas ici d'un
délit, mais d'une démonstration politi-
que. Or, n'est-il pas évident que l'adop-
tion d'un vœu désagréable à l'autorité
pourra coûter cher au conseiller général
qui est en même temps fonctionnaire,
et qu'on est dès lors en mesure d'attein-
dre dans ses intérêts, tandis que les
autres membres de l'assemblée départe-
mentale se moqueront du mécontente-
ment ministériel comme un rallié de la
République ?
La vérité, je l'ai dit et j'y reviens,
c'est qu'il y a incompatibilité entre les
fonctions électives et les emplois pu-
blics. Les élus ont mission de contrôler,
à des degrés divers le pouvoir exécutif;
les fonctionnaires sont, au contraire,
partie intégrante de ce même exécutif
dont ils détiennent, par délégation, une
parcelle qui varie de caractère et de
mesure suivant la fonction. Ils devien-
nent donc, en entrant dans les assem-
blées, les contrôleurs du pouvoir sans
cesser pour autant d'en être les agents.
On dira, sans doute, que la loi a ré-
glé les choses de manière à éviter qu'un
fonctionnaire puisse devenir, comme
élu, le contrôleur de ses propres chefs.
A quoi je répondrai que cela n'est pas
toujours vrai, comme on l'a fait voir en
maintes circonstances, et que, même
avec cette précaution suffisamment
prise, la critique demeurerait debout
tout entière.
L'administration forme un tout. Elle
comprend l'universalité de ceux qui ap-
partiennent à ses divers services. Un
lien d'étroite solidarité morale les réu-
nit. Ainsi, un receveur de l'enregistre-
ment d'Eure-et-Loir qui, conseiller gé-
néral dans l'Eure, y blâmerait le préfet
offrirait un spectacle choquant, violem-
ment contradictoire à l'esprit de disci-
pline et de hiérarchie qui est le gage
indispensable, la condition maîtresse de
toute organisation administrative.Et ce-
pendant, osera-t-on soutenir que ce re-
ceveur des domaines et du timbre sera
nécessairement, s'il s'attaque au préfet,
hors du droit et de la vérité? Est-ce que
la défense même des intérêts du canton
dont je le suppose conseiller général ne
peut pas lui faire une obligation rigou-
reuse de s'attaquer à la conduite admi-
nistrative du préfet?
Il faudra donc, en pareille aventure,
que l'indépendance nécessaire à l'élu soit
sacrifiée aux préoccupations intéressées
du fonctionnaire, à moins que ce der-
nier ne compromette sa carrière et
ut-e soo pain de tous les jours pour
le libre accomplissement de sa tâche
élective.
Dans les régions où l'on enguirlande
de protestations républicaines u&~ inva-
riable fidélité à la politique orléaniste,
on estime qu'un pareil dilemme est la
moindre des choses. Les Chambres du
régime de Juillet étaient peuplées de
fonctionnaires largement prébendés qui
accordaient sans effort leurs devoirs de
représentants et ceux de serviteurs à
gages, en remplissant leur mandat élec-
tif pour le mieux de leur carrière dans
les services publics. Pourquoi les fonc-
tionnaires d'aujourd'hui qui deviennent
conseillers généraux ne se souvien-
draient-ils pas, en siégeant à l'assem-
blée départementale, que les chefs ont
les yeux sur eux et qu'une bonne atti-
tude, bien conforme aux vues du gou-
vernement, peut être l'occasion d'un
prochain avancement ?
Pour nous, qui n'estimons pas que le
mépris du suffrage populaire et l'abais-
sement de la dignité individuelle soient
les conditions d'une heureuse politique,
nous poussons la naïveté jusqu'à consi-
dérer qu'il n'est pas bon de placer un
honnête homme dans l'alternative que
j'exposais tout à l'heure. Mieux vaut, à
nos yeux, pour tout le monde et pour le
bien général, se soustraire à de telles
situations en mettant un terme aux con-
fusions d'où elles naissent, c'est à-dire
en instituant l'incompatibilité des em-
plois publics et des fonctions électives.
Encore un coup, je sais qu'on y perdra,
dans nombre d'assemblées, de très ap-
préciables concours. Mais le mal àéviter
est plus grand assurément que la perte
à subir.
Louis Terrier.
MOUVEMENT ADMINISTRATIF
On assure que le président du conseil, ministre
de l'intérieur, va faire paraître ces jours-ci au
Journal officiel un mouvement administratif as-
sez important. Ce mouvement qui porte sur plu-
sieurs préfectures a été tenu jusqu'à présent se-
cret, M. Charles Dupuy voulant s'éviter les solli-
citations et les réclamations des fonctionnaires qui
vont être déplacés ou disgràciés.
L'ELECTION DE SAINT-FARGEAU
La réponse à notre entrefilet de mercredi sur le
retard apporté à la convocation des électeurs du
quartier Saint-Fargeau, pour remplacer leur con-
seiller munieipal, M. Réties, décédé, ne s'est pas
fait attendre.
Le secrétaire général de la préfecture de la
Seine vient, par délégation de M. Poubelle, de si-
gner un arrêté fixant au dimanche 21 octobre la
date de cette élection.
Mieux vaut tard que jamais.
Les Dépôts de Liwets Militaires
Tous les ans, à pareille époque, les jour-
nées de prison s'abattent par milliers —
comme le XIXe Siècle le déplorait hier matin
— sur les malheureux réservistes ou territo-
riaux qui n'en peuvent mais 1
Le crime de ces braves gens n'est pas bien
grave @ en lui-même : ils ont simplement
ignoré qu'ils devaient déposer leur livret mi-
litaire à telle ou telle date.
J'en appelle aux millions de réservistes et
de territoriaux immatriculés dans les bu-
reaux de la guerre : en est-il parmi eux cent
seulement qui sachent exactement à quelle
époque ils doivent effectuer ce fameux dé-
pôt, source de tant d'ennuis pour eux aussi
bien que pour la gendarmerie et le personnel
du recrutement.
Y a-t-il, d'autre part, un gendarme, un
seul, qui soit capable de donner un rensei-
gnement précis à ce sujet ?
Non, n'est-ce pas, tous nous en avons fait
maintes fois l'expérience, à nos dépens.
Dans ces conditions, comment veut-on que
les employés, les ouvriers et les cultivateurs
sachent ce qu'ignore la gendarmerie dont c'est
le métier de savoir?
On me répondra que c'est affiché, que c'est
imprimé dans les journaux.
C'est vrai, mais je veux bien que le diable
m'emporte — passez-moi l'expression — si je
suis capable d'indiquer ces dates, sans avoir
le document sous les yeux, alors pourtant que
je les ai imprimées moi-même dans ce journal
il y a deux mois !.
Quant aux affiches, le gouverneur militaire
de Paris est le premier à déplorer qu'elles
soient recouvertes immédiatement après leur
apposition par d'autres placards absolument
étrangers aux choses de l'armée.
Tous les ans les mêmes constatations sont
faites, les mêmes punitions frappent une foule
d'innocents, et il ne viendra jamais à la pen-
sée d'un ministre de la guerre de se dire qu'il
y a là évidemment un vice d'organisation au-
quel il est urgent de remédier.
On n'a pas idée des millions de kilomètres
que font chaque année les livrets des soldats
français. Et pourquoi faire? C'est ce que je
me suis toujours demandé en vain.
Parbleu ! je sais bien que certaines ins-
criptions de deux lignes y sont faites par le
recrutement qui les garde pour cela six mois
et plus, souvent, dans ses cartons. Mais c'est
précisément dans cette formalité que git le
vice.
Un réserviste, un territorial ne devrait ja-
mais, en aucun cas, se démunir de son livret,
Si l'autorité militaire qui veut paperasser
quand même, tient à griffonner sur ses feuil-
les, qu'elle le fasse à la fin des périodes de
28 et de 14 jours, mais que, sous aucun
prétexte, elle ne force un réserviste à perdre
une journée de travail pour aller porter son
livret à la gendarmerie.
Le ministre de la guerre a un moyen bien
simple de résoudre ce problème qui ne ferait
que se compliquer dans les fameux bureaux
de la rue Saint-Dominique : qu'il s'adresse di-
rectement à n'importe quel commandant de
bureau de recrutement, en lui demandant
franchement son opinion. Dans les vingt-qu a-
tre heures il recevra un rapport, et je gage que
toutes les difficultés actuelies seront apla-
nies.
Mais voilà, ce serait beaucoup trop simple,
et les bureaux ne le pardonneraient pas au
ministre.
L'année prochaine nous aurons donc en-
core à enregistrer des milliers de jours de
prison, tout comme cette année.
- H. Ronuura.
M. ROBIM BRUXELLES
EPILOGUE DE L'AFFAIRE
DE CEMPUIS
L'administration temporise.- Nomination
à Paris du gendre et de la fille de
M. Robin. — L'ancien directeur
de l'orphelinat Prévost
à Bruxelles.
L'affaire Cempuis — quant aux personnes-
est aujourd'hui à peu près terminée. On s'at-
tendait à quelqueéclat, àuneexpulsion manu
militari, de l'ancien directeur de l'orphelinat
Prévost, resté dans sa petite maison de Cem-
puis, malgré l'arrêté lui signifiant sa- révoca-
tion. Il n'en sera rien. M. Robin n'a pas en-
core quitté Cempuis, il n'en déménagera
sans doute pas avant la fin du mois, et ce-
pendant l'administration ne mettra pas exé-
cution les menaees qu'elle lui avait adres-
sées.
Que vont en penser les partisans du prin-
cipe d'autorité ?
Cette attitude nouvelle mérite quelques ex-
plications.
CORRESPONDANCE AIGRE-DOUCE
Au représentant de l'administration qui
l'avait invité une première fois à céder ses
appartements, M. Robin répondit qu'il lui
était imposable de le faire sans en avoir
trouvé un autre. Or, il n'en pouvait chercher
disait-il, avant de savoir exactement où se-
raient envoyés comme instituteur et institu-
trice, M. et Mme Girou, son gendre et sa fille,
tous deux chargés de cours à l'orphelinat,
auprès desquels il avait l'intention de se
fixer.
Il y a six ou sept jours, un pli parvenait à
M. Rpbin, à Cempuis. C'était un avis annon-
çant la nomination de son gendre à l'école de
garçons de la rue des Panoyaux et de sa fille
a l'école enfantine de la rue de la Bidassoa,
toutes deux situées dans le vingtième arron-
dissement.
Le secrétaire général de la préfecture, en
transmettant ampliation de ces nominations
à M. Robin, informait celui-ci que la raison
par lui invoquée pour retarder son départ
n'existant plus, il espérait lui voir quitter les
lieux à bref délai. Dans le cas contraire, il
serait procédé administrativement à l'expul-
sion sommaire du locataire récalcitrant.
Qu'entendait-on par là?
Le préfet de l'Oise allait-il se présenter à
Cempuis flanqué d'une brigade de gendarme-
rie ?
M. Robin ne prit point peur. De sa meil-
leure encre il repondit au secrétaire général
une lettre assez hautaine dans laquelle il
déclarait ne pouvoir admettre qu'on le ren-
voyât comme une bonne qui n'a que son petit
baluchon à emporter. Il entendait, disait-il,
opérer son déménagement tranquillement,
ainsi qu'on le devait permettre à un vieux et
honorable fonctionnaire. Ce n'était pas une
petite affaire, car M. Robin possède une très
belle bibliothèque, un laboratoire pour les re-
cherches scientifiques (chimiques et physiolo-
giques notamment). Pareil matériel ne se
pouvait emballer sans précaution en quelques
heures. D'ailleurs la maison habitée par M.
Robin n'étant pas dans l'orphelinat, mais à
quelque distance, en face, il n'y avait aucun
inconvénient à lui laisser le temps nécessaire.
L'ADMINISTRATION PATIENTERA
L'administration se montrait assez embar-
rassée des raisons invoquées par M. Robin.
Elle hésitait à provoquer un scandale qui
n'était pas pour effrayer l'ancien directeur,
quand hier elle apprenait qu'il venait d'être
chargé d'un cours à l'Université libre de
Bruxelles. Les ministres, instruits de cette
situation nouvelle, ont émis l'avis de ne pas
insister. M. Robin ne sera donc pas trop
poussé ; il pourra achever tranquillement son
déménagement.
La situation qui vient d'être confiée à M.
Robin par l'Université libre de Bruxelles ne
saurait surprendre. Depuis sa révocation,
l'ancien- directeur de l'orphelinat Prévost, qui,
nous l'avonsdit, est un des meilleurs élèves de
l'Ecole normale supérieure doublé d'un sa-
vant, recevait de toutes parts des proposi-
tions de collaboration à des revues ou de
professorat dans des Universités étrangères.
D'Angleterre, où il fut professeur au collège
d'Oxford, on lui demandait une série de con-
férences sur l'éducation intégrale.
Mêmes offres lui étaient venues d'autres
pays. M. Robin avait accepté de faire une
tournée de conférences en Belgique, en Hol-
lande et en Angleterre quand il reçut la nou-
velle qu'il était chargé de cours à Bruxelles,
ainsi que son collaborateur à Cempuis, M.
Ch. Delon, l'écrivain distingué. Cette double
nomination a été faite à l'unanimité des voix
du corps enseignant.
LA NOUVELLE UNIVERSITÉ
DE BRUXELLES
En dépit des railleries, la nouvelle Univer-
sité de Bruxelles tient une place fort impor-
tante en Belgique et même en Europe. La
nouvelle Université et Ecole des hautes études
a été fondée en janvier dernier à la suite de
la suspension du cours de géographie que
devait faire Elisée Reclus à l'Université libre
de Bruxelles (laquelle n'est plus libre ni libé-
rale depuis bien longtemps), et de la démis-
sion forcée de M. le recteur Hector Denis. Il y
eut alors scission, manifestation d'étudiants.
M. Degreef, agrégé à l'Université ancienne
et, comme M. Hector Denis, très tourmenté
pour ses opinions sociologiques, se mit à la
tête du mouvement. A côté de professeurs
dont le nom est fort connu, figure une pléïade
de jeunes professeurs de talent : MM. Van der
Velde,de Brouckere, etc., qui depuis longtemps
ont fait beaucoup pour ce qu'ils ont appelé
l'Extension universitaire, création de confé-
rences et de cours faits le dimanche dans les
campagnes et les petites villes.
Au nombre des professeurs-conférenciers
de cette Extension icniversitaire, se trouve
précisément un des anciens élèves de M, Ro-
bin, botaniste très distingué, M. Léo Er-
rera.
Dès que Mme Robin sera remise des fati-
gues éprouvées par les incidents de ces der-
nières semaines, son mari ira s'installer à
Bruxelles.
Cela veut dire que ses amis du conseil géné-
ral et lui-même désarmeront, et que l'admi-
nistration n'a plus qu'à se frotter les mains
en souhaitant bon voyage au directeur de
l'orphelinat Prévost qu'elle a révoqué à la fin
d'août après l'avoir porté au pinacle le 20 juil-
let, lors de l'inauguration de l'exposition des
travaux des élèves de cet établissement au
musée pédagogique.
L'administration aurait tort, croyons-nous,
de nourrir cette illusion.
aresaiurn uriwn^yTrarirnrnrot
Mesures contre les Révolutionnaires
EN ALLEMAGNE
Berlin, 5 octobre.
On dit que la famille impériale retournera
à la fin de l'hiver à Abbazzia, d'où l'empereur
ferait sur un navire de guerre une excursion
à Venise.
Le conseil des ministres se réunira fin oc-
tobre pour prendre une décision définitive au
sujet des projets de loi à soumettre au Reiclis-
tag et au Landtag pour combattre les me-
nées révolutionnaires. M. de Caprivi ne parait
pas disposé à céder aux pressantes sollicita-
tions des nationaux-libéraux et des conserva-
teurs qui préconisent une politique ultra-réac-
tionnaire, dût-elle aboutir à un conflit et à la
dissolution du Reichstag.
Le chancelier est disposé à soutenir les
mesures contre les anarchistes, à condition
qu'elles n'aient pas le caractère de lois d'excep-
tion. Cette politique paraît actuellement avoir
l'approbation de l'empereur. Il faut néan-
moins tenir compte de la campagne active
menée par les réactionnaires, qui ont des
alliés influents parmi les ministres et dans
l'entourage de l'empereur.
PLUS DE VEILLÉES !
Qui de nous — parmi ceux qui furent inter-
nes dans les lycées — ne se rappelle avec dé-
lice les trois quarts d'heure d'étude, de huit
heures et demie à neuf heures un quart du
soir, pendant lesquels la digestion s'opérait
dans une douce somnolence, devant un livre
ouvert dont la page ne variait pas ?
C'était la veillée.
Les candidats aux écoles, les élèves de
rhétorique et de philosophie pouvaient seuls
y assister. Au point de vue des études, ce
supplément d'heures de travail ne produisait
rien de bon, les élèves — en dépit du fameux
surmenage dont il a été tant parlé l'an passé
— ayant conservé l'habitude de digérer plus
qu'ils ne travaillaient pendant les veillées.
L'Université vient enfin de s'en apercevoir.
Il n'y a plus de veillées.
Comme compensation, le lever des élèves
des classes supérieures aura lieu tous les
jours, excepté le lundi, une demi-heure plus
tôt, soit à cinq heures et demie du matin au
lieu de six. Comme le dimanche, jour de sor-
tie, les élèves ne rentrent qu'à dix heures du
soir — heure indue, oh combien 1 — ils ne se
lèveront qu'à six heures le lendemain matin.
Ah qu'il est dur d'être potache et que c'est
un sort affligeant 1 Le voilà bien le surme-
nage l
LES TRAVAUX PARLEMENTAIRES
La commission du budget reprendra ses travaux
lundi prochain, 8 octobre.
Elle va entreprendre tout d'abord l'examen du
budget rectifié de M. Poincaré.
La Guerre entre la Chine et le Japon
Londres, 5 octobre.
Les journaux annoncent qu'à la suite des
délibérations du conseil de cabinet d'hier,
l'amirauté a été invitée à prendre des mesu-
res pour renforcer l'escadre britannique
dans les mers de Chine.
Des ordres ont en conséquence été donnés
pour l'envoi immédiat du croiseur de Ire
classe Saint-Georges, actuellement en position
de réserve à Portsmouth.
Les navires suivants ont aussi reçu ordre
de partir immédiatement de leurs ports res-
pectifs : le croiseur de 2e classe Aeolus, de
l'escadre de la Méditerranée ; le Redbreasl,
le Pigeon et le Bramble, qui se concentre-
ront à Aden.
Ces navires seront remplacés aussitôt que
possible et dès que les navires actuellement
en réserve ou sur chantier seront prêts à
prendre la mer.
Si les équipages disponibles pour ces navi-
res ne sont pas suffisants, une partie des
équipages des navires-écoles sera réquisition-
née.
Londres, 5 octobre.
On télégraphie de Shanghaï au Times :
« On a signalé l'arrivée de quatre navires
de guerre japonais entre Ning-Po et Fusan.
» Les nouvelles reçues aujourd'hui à Tien-
Tsin montrent que les Chinois ont évacué la
Corée et que l'armée japonaise est arrivée sur
le Yalu.
» Les transports chinois manœuvrent libre-
ment dans le golfe du Petchili. Les vaisseaux
chinois réfugiés à Port-Arthur* seront bientôt
réparés et prêts à prendre le large, à l'excep-
tion du Laï- Yuen qui était en train de couler
bas à son arrivée dans le port. »
Londres, 5 octobre.
La Press Association apprend que le Fo-
reing-Office a reçu, ces deux derniers jours,
des dépêches alarmantes des consuls britan-
niques à Hankow et à Ning-Po, relativement
aux désordres qui ont eu lieu dans leurs res-
sorts respectifs.
Les consuls britanniques en Chine n'ont
rien télégraphié hier, mais des informations
d'une autre source annoncent que la si-
tuation est dangereuse pour tous les Euro-
péens.
Shanghaï, 5 octobre.
Une lettre de Tien-Tsm, en date du 1er oc-
tobre, dit que les rapports arrivés à Tien-
Tsin annoncent qu'trne rébellion a éclaté en
Mongolie. Des troupes ont été expédiées de
Pékin pour la réprimér.
Des troubles séreux seraient survenus dans
le palais impérial a Pékin.
De nombreux européens arrivent à Tien-
Tsin des districts environnants.
Les résidents prennent des précautions
dans l'éventualité d'une attaque.
Shangaï, 5 octobre,
Le bruit ayant couru que les Japonais vou-
laient bloquer les ports de Tien-Tsin et de
Chefoo, les Chinois de Shanghaï annulent
les connaissements à destination de ces deux
ports.
Plusieurs navires de guerre japonais font
la nuit des reconnaissances près de Wei-Haï-
Weï jusqu'en vue des côtes. Ils se dirigent
vers la pleine mer, au lever du jour. Leur but
est d'empêcher la flotte chinoise de quitter
Port-Arthur.
On assure que les Japonais n'empêcheront
pas l'importation du charbon en Chine.
Londres, 5 octobre.
On apprend de source autorisée que le mi-
nistre de la marine n'a pas encore ordonné
l'envoi de renforts pour l'escadre des mers de
Chine, mais on assure que des préparatifs
sont faits dans ce but.
Les autorités reconnaissent que la situa-
tion de la Chine peut, d'un moment à l'autre,
prendre une tournure telle qu'elle exigerait
l'augmentation des forces anglaises pour
la protection efficace des intérêts britanni-
ques.
Le ministre de la guerre n'a pas encore
donné d'ordre pour l'envoi de troupes en
Chine, ou de renforts pour les garnisons et
colonies britanniques de l'Extrême-Orient.
Le secrétaire da l'ambassade de Russie dit
qu'on n'a reçu aucune nouvelle indiquant que
le tsar ait eu une rechute : jusqu'ici l'ambas-
sade n'a rien reçu qui puisse prêter consis-
tance aux bruits alarmants, qui ont circulé
aujourd'hui dans diverses Bourses de l'Europe,
CHRONIQUE
CHARTREtfX ET CHARTREUSES
Je ne sais si saint Bruno reconnaltrait
aujourd'hui le monastère qu'il fonda dans
les solitudes du massif de la Grande
Chartreuse. Ce site sauvage, admirable-
ment choisi pour le recueillement et la
prière, séparé du monde à ses deux extré-
mités par un resserrement de rochers gi-
gantesques, est plus fréquenté en ce mo-
ment que le rond-point des Champs-Ely-
sées. Aux portes du monastère, les grelots
tintent, les fouets claquent, les voitures
se croisent, les cyclistes se heurtent et les
postillons « s'attrapent » comme les co-
chers du boulevard Montmartre. Je n'a-
vais pas franchi de cinq minutes « l'en-
trée du Désert » que j'avais déjà serré la
main à quatre ou cinq Parisiens d'humeur
matinale, qui revenaient de prendre « la
verte » sur le comptoir des bons pères.
Car la solitude est ce que me paraissent
redouter le plus les chartreux de cette fin
de siècle. On loge au couvent à pied et à
cheval; on tient table ouverte pendant la
belle saison,et le nez du frère-portier s'est
allongé à l'égal de sa barbe quand, dési-
reux de visiter le monastère, je lui ai con-
fessé que j'avais déjeuné dans l'un des
nombreux hôtels qui égayent aujourd'hui
le pseudo-désert.
Ces retraites autrefois ignorées du
monde n'ont plus guère de secrets que
pour les femmes, car ici les moines ne
transigent pas avec la règle. Ils sont à
cheval sur le principe de la séparation des
sexes. Toutes les femmes sans distinction,
jeunes ou vieilles, sœurs, épouses ou mè-
res, sont refoulées impitoyablement vers
la maison d'en face, tenue par des reli-
gieuses. Ces chartreuses non moins ai-
mables que leurs voisins, dont elles ne
sont séparées, du reste, que par la largeur
de la route, offrent aussi aux visiteuses
bon souper, bon gîte et le reste, je veux
dire une tasse de café ou un petit verre de
la dive liqueur.
Ce n'est que par hasard que les belles
curieuses, en rôdant autour des portes
entrebâillées du monastère, peuvent aper-
cevoir, de très loin, la silhouette et la
blanche cape d'un chartreux. Dieu sait
pourtant quelle envie les brûle de forcer la
consigne 1 Et le désir s'accroît quand l'ef-
fet se recule, comme dit cet excellent
Corneille. Les pères tiennent bon et dé-
mêlent d'un œil exercé toutes les inven-
tions sataniques par lesquelles on cher-
che à tromper leur surveillance. Et ne
croyez pas, mesdames, qu'il soit facile de
les abuser en vous déguisant en homme.
Plus d'une l'a fait sans succès, parce
qu'on ne se méfie jamais du « coup de la
chapelle », qui est, parait-il, infaillible.
Quand on arrive à la visite de la cha-
pelle, tous les hommes instinctivement
retirent leur chapeaux, tandis que la femme
déguisée, par un instinct contraire, reste
immanquablement couverte, car elle n'a
pas, en effet, contracté l'habitude d'ôter
son chapeau à la messe. Le père s'appro-
che alors, et d'un ton respectueux et
ferme, lui adresse une variation sur le
grand air de-la Favorite :
Va-t-en d'ici 1 De cet asile
Tu troublerais la pureté.
Il n'en faudrait pas conclure que l'ab-
sence de femmes condamne les chartreux
à une vie otieuse et béate, toute de prières
et de méditations. Ce sont les gens les
plus occupés du monde, laboureurs, for-
gerons, menuisiers, comptables, hôteliers
médiocres, je l'avoue, mais liquoristes in-
comparables. Et il faut convenir que ceux
qui ont inventé la chartreuse méritent une
stalle d'honneur dans le paradis, à la
droite du Père.
Pour élaborer ce merveilleux breuvage,
ils ont aux portes du « Désert », à Four-
voirie, une véritable cité ouvrière avec
de vieux airs de forteresse, où s'agite, à
travers caves et celliers, une ruche bour-
donnante de quatre-vingts domestiques. Il
y a une trentaine d'années, quelques frè-
res suffisaient pour descendre une fois par
semaine trois ou quatre paniers de char-
treuse sur Grenoble. Aujourd'hui, de Gre-
noble à Voiron, on se heurte tous les
jours à la cavalerie et aux charrois du
monastère. Les chartreux ont utilisé l'an
dernier plus de six mille hectolitres d'eau-
de-vie et ils ont des dégustateurs spéciaux
qui font, dans les bonnes années,une rafle
générale de ce qu'il y a de plus fin sur le
marché des Charentes.
Je m'étais imaginé, sur la foi de je ne
sais quel guide, que le secret de la fabri-
cation tenait à la variété des plantes al-
pestres dont ils se servaient pour leur dis-
tillation. Je me figurais qu'ils s'en allaient
mystérieusement cueillir sous les grands
bois de sapins des simples inconnues au
reste des mortels. Il n'y a de simples ici
que ceux qui croient à ces calembredaines.
Les chartreux ont dans le monastère un
jardin superbe où ils cultivent la mé-
lisse, la gentiane et les autres plantes odo-
riférantes qui leur sontnécessaires, comme
on cultive ailleurs le chou, la betterave ou
la carotte.
Leur prétendue recette est le secret de
polichinelle. Tous les distillateurs de pro-
fession le connaissent, et c'est ce qui ex-
plique pourquoi l'on voit pulluler depuis
plusieurs années les « bénédictines », les
« gauloises » les, « trappistines » et autres
fausses chartreuses qui ont la prétention
de supplanter « la vraie ».
On m'a montré dans les environs l'éta-
blissement d'un chartreux qui a jeté le
froc aux orties, élevé hôtel contre hôtel,
et qui cherche aujourd'hui à faire une
concurrence sérieuse à ses copains d'au-
trefois.
Je ne sais, pour ma part, ce que valent
ses produits, mais on peut assurer qu'en
général l'infériorité des imitations est no-
toire, et aucun palais délicat ne s'y laisse
prendre.
C'est que la supériorité de la « vraie »
tient tout bêtement à la qualité des eaux-
de-vie qui en sont la base. Or, pour avoir
de fines eaux-dvie, pour les laisser vieil-
lit dans le boisjiendant des années, il ne
faut pas seulement un palais exercé, il
faut surtout « de l'estomac », et les pères
ont le nerf de la guerre, les capitaux qui
manquent à leurs infortunés concur-
rents.
Aussi peuvent-ils en toute sécurité ver-
ser des torrents d'or liquide sur leurs obs-
curs blasphémateurs. Car c'est bien de
l'or en bouteille qu'ils fabriquent, et par
un miracle inconnu de Nicolas Flamel et
des alchimistes du moyen âge. plus ils ré-
pandent cet or dans le monde, plus il en
tombe dans leur escarcelle.
André Balz.
LES ADRESSES TELEGRAPHIQUES
On se rappelle l'émotion causée dans le publie
par la récente circulaire relative aux adresses in-
complètes des télégrammes, circulaire que 1& direc-
teur des postes et télégraphes a finalement retirée.
Pour ecarter à l'avenir toutes difficultés de cette
nature, M. Raiberti, député des Alpes-Maritimes,
a proposé que le prix de l'adresse soit fixé à for-
fait à dix ou quinze centimes,quel que soit le nom-
bre des mots la composant.
Cette proposition fait en ce moment l'objet d'une
étude de la part de l'administration des télégra-
phes.
LETTRE DE TURQUIE
Le choléra et les quarantaines. — Un
moyen de combattre l'ivresse. —
La misère aux champs.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER*
Constantinople, 2 octobre.
La quarantaine imposée aux provenances
de Marseille est réduite à 24 heures d'obser-
vation. Il était temps !
A Brousse, le choléra n'est pas très violent.
Du 27 au 28 septembre on a enregistré trois
cas et trois décès, dont deux dus à d'anciennes
attaques. La population de Brousse est éva-
luée à 80,000 habitants.
Par contre, on assure — rien n'est certain
dans ce pays — que l'épidémie fait de grands
ravages en Arménie, en Caramanie et dans
plusieurs autres provinces de l'empire.
En attendant, la saison froide approche et
il pourrait se faire que Constantinople échap-
pât au fléau. Cette ville a toutes les chances.
Les odeurs de Stamboul
On pourrait même adresser, à ce sujet, de
justes réclamations au Très-Haut. Il fait
preuve d'une partialité vraiment révoltante
en faveur de Stamboul « la bien gardée ».
A l'exception de quelques rues privilégiées,
la ville est fort malpropre, le système des
égouts est déplorable et, dans certains en-
droits, il n'existe pas du tout d'égouts : cha-
que maison a une fosse qui est vidée, lors-
qu'elle déborde, dans un trou creusé dans le
premier endroit venu. Tous les bouchers égor-
gent les moutotfs dans leur arrière-boutique ;
les viandes, le lait, toutes les denrées ne sont
pas examinées par l'autorité municipale ; les
fruits sont mangés verts et l'eau n'est pas
filtrée.
Une ville d'Europe qui se trouverait dans
ces conditions antihygiéniques serait décimée
par les épidémies. A Constantinople il y a eu
a peine quelques cas de choléra l'an dernier,
et encore les nombreux médecins municipaux,
intéressés à recevoir des appointements dou-
bles et régulièrement payés pendant la durée
du fléau, faisaient passer pour cholériques et
traitaient comme tels tous les ivrognes qui
restituaient leur trop plein dans la rue. Plu-
sieurs disciples de Bacchus ont été l'objet
de soins si nombreux et si énergiques qu'ils
en sont morts.
Les maisons sont construites — toujours
sans aucun contrôle — avec une économie
effrayante. On doit les pourvoir de fenêtres à
guillotine, les murs n'étant pas assez épais
pour permettre d'établir des volets. Un vio-
lent tremblement de terre a lieu, suivi de
plusieurs autres secousses, et aucune de ces
maisons qui tiennent debout par miracle ne
s'écroule.
Il ne s'est, en effet, écroulé que de vieilles
bâtisses imprudemment laissées debout. Le
grand bazar était beaucoup trop chargé par le
haut. Sa toiture n'avait jamais été réparée et
l'eau s'infiltrait dans tous les murs ; des ar-
bustes nombreux avaient poussé sur les toits
de cet édifice antique.
Les chevaux galopent à fond de train sans s,
écraser personne, il en est de même des voi-
tures qui font absolument tout ce qui leur
plait. Ces véhicules, tous dépourvus de frein,
descendent au grand trot les parties les plus
raides. Pas d'accident.
Les nombreux habitants de Cadikeuy—
l'antique Chalcédoine — des îles des Princes et
des petits ports de la Marmara, circulent jour-
nellement sur de vieux bateaux, pour les-
quels l'heure de la retraite a sonné depuis
longtemps, munis de machines éreintées. Ce
matériel de la Compagnie Mahssoussé offre les
plus grands dangers et cependant, malgré les
violents vents du sud, très durs dans la Mar-
mara, aucun de ces sabots ne s'est encore dis-
loqué en route.
Dans le port, les vapeurs, les barques, les
mahions, les caïks — dont l'équilibre est as-
surè par la position des voyageurs — s'entre.
croisent, les légères embarcations sont très
imprudentes : pas de naufrages.
La police régulière (pour la distinguer de la
police secrète) est besoigneuse, les voleurs sa-
vent sortir de prison. Malgré ces conditions
favorables .- pour les filous — le nombre des
vols est restreint ; il est certainement inférieur
à la moyenne des autres capitales.
Le tribunal de commerce fonctionne déplo-
rablement; on peut dire qu'un sujet ottoman
ne paye ses dettes que s'il le veut bien; les
hauts fonctionnaires donnent l'exemple en ne
payant pas. Cependant la généralité des com-
merçants indigènes tiennent assez bien leurs
engagements.
Que faut-il voir dans cette immunité dont
jouit la capitale des Osmanlis ? Le doigt de
Dieu. Eh bien, sans me permettre de critiquer
les desseins de l'êtrtl suprême, je dois consta-
ter qu'il a des préfe-r&nces bUairres.
Rien à vendre et beaucoup à payer
Les populations agricoles de la Turquie
vont passer un triste hiver.
Ces malheureux cultivateurs, écrasés par
l'impôt et rongés par l'usure, arrivent tout
juste à vivre, malgré leur sobriété excessive,
ou plutôt à ne pas mourir. Cette année leur
sort a empiré.
Les récoltes ont été généralement peu abon-
dantes et le peu de produits du sol qui a été
obtenu se vend déplorablement mal, surtout
les céréales qui cobsiitr'ent la principale ri-
chesse du pays. Les beaux blés durs se ven-
dent avec peine à 15 piastres le hilé (3 fr. 15
les quarante litres.)
Les côtes de la mer de Marmara sont cou-
vertes de vignes. Tant que la France, n'ayant
pas reconstitué son vignoble, a dû acheter
des vins en Turquie, les vins de ces localités
se sont vendus à de hauts prix et l'aisanca
régnait dans tous les villages vinicoles ;
maintenant que — heureusement — notre
pays n'a plus besoin d'un appoint étranger,
LE Xir SIECLE
RÉDACTION ET ADMINISTRATrOR
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tous les Bureaux de Poste.
ÉPILOGUE
On se souvient des trois conseillers
généraux des Bouches-du-Rhône qui,
bien qu'attachés à des services de l'Etat
n'en ont pas moins, à la session der-
nière, blâmé, sous la forme d'un vœu,
la politique du gouvernement. Leur cas
fit quelque bruit par la France. Une
partie de la presse les louangea de
leur attitude ; l'autre les tança' verte-
ment. Le cabinet fit connaître son inten-
tion de frapper des serviteurs si peu
soucieux de déférence envers les chefs
suprêmes. Et ce fut, dans toute la presse
modérée, un concert d'éloges pour cette
démonstration, d'ailleurs peu glorieuse,
de virilité ministérielle.
J'ai dit ici-même, à cette époque, mon
jugement sur l'affaire. Aujourd'hui, les
décisions disciplinaires prévues envers
les conseillers généraux intéressés sont
entièrement prises. Déjà celui qui est
magistrat s'était vu retirer l'instruction.
Les deux qui appartiennent à l'Univer-
sité viennent de recevoir des destina-
tions nouvelles qui les constituent en
état de disgrâce. C'est exactement ce
que j'avais prévu.
- De nouveau la presse s'empare de
l'incident et le commente avec abon-
dance. Les uns crient : bravo ! Les au-
tres protestent au nom de l'indépen-
dance même du suffrage universel. Et
l'on a, de part et d'autre, à mon humble
avis, entièrement raison.
Les organes de ce qu'on appelle par
antiphrase la modération politique me
prirent à partie au sujet de l'article que
j'avais publié sur cette histoire. D'après
eux, les fonctionnaires doivent conti-
nuer, s'il plaît aux aux électeurs, à sié-
ger dans nos assemblées délibérantes,
sauf à y demeurer les dociles agents
de l'autorité gouvernementale.
On a vu où mène cette dualité de
fonctions. Les Débats ont beau s'écrier,
avec un air satisfait, que le suffrage
universel n'abrite pas ses élus contre
l'action des lois, et demander sur un ton
d'éloquente ironie si un conseiller gé-
néral coupable d'un délit ne devrait pas
subir, aussi bien que n'importe qui, les
suites de ses actes. C'est là un raison-
nement d'une rare puissance, assuré-
ment, mais qui a le simple tort de ne
s'appliquer en aucune manière à la
question posée. Il ne s'agit pas ici d'un
délit, mais d'une démonstration politi-
que. Or, n'est-il pas évident que l'adop-
tion d'un vœu désagréable à l'autorité
pourra coûter cher au conseiller général
qui est en même temps fonctionnaire,
et qu'on est dès lors en mesure d'attein-
dre dans ses intérêts, tandis que les
autres membres de l'assemblée départe-
mentale se moqueront du mécontente-
ment ministériel comme un rallié de la
République ?
La vérité, je l'ai dit et j'y reviens,
c'est qu'il y a incompatibilité entre les
fonctions électives et les emplois pu-
blics. Les élus ont mission de contrôler,
à des degrés divers le pouvoir exécutif;
les fonctionnaires sont, au contraire,
partie intégrante de ce même exécutif
dont ils détiennent, par délégation, une
parcelle qui varie de caractère et de
mesure suivant la fonction. Ils devien-
nent donc, en entrant dans les assem-
blées, les contrôleurs du pouvoir sans
cesser pour autant d'en être les agents.
On dira, sans doute, que la loi a ré-
glé les choses de manière à éviter qu'un
fonctionnaire puisse devenir, comme
élu, le contrôleur de ses propres chefs.
A quoi je répondrai que cela n'est pas
toujours vrai, comme on l'a fait voir en
maintes circonstances, et que, même
avec cette précaution suffisamment
prise, la critique demeurerait debout
tout entière.
L'administration forme un tout. Elle
comprend l'universalité de ceux qui ap-
partiennent à ses divers services. Un
lien d'étroite solidarité morale les réu-
nit. Ainsi, un receveur de l'enregistre-
ment d'Eure-et-Loir qui, conseiller gé-
néral dans l'Eure, y blâmerait le préfet
offrirait un spectacle choquant, violem-
ment contradictoire à l'esprit de disci-
pline et de hiérarchie qui est le gage
indispensable, la condition maîtresse de
toute organisation administrative.Et ce-
pendant, osera-t-on soutenir que ce re-
ceveur des domaines et du timbre sera
nécessairement, s'il s'attaque au préfet,
hors du droit et de la vérité? Est-ce que
la défense même des intérêts du canton
dont je le suppose conseiller général ne
peut pas lui faire une obligation rigou-
reuse de s'attaquer à la conduite admi-
nistrative du préfet?
Il faudra donc, en pareille aventure,
que l'indépendance nécessaire à l'élu soit
sacrifiée aux préoccupations intéressées
du fonctionnaire, à moins que ce der-
nier ne compromette sa carrière et
ut-e soo pain de tous les jours pour
le libre accomplissement de sa tâche
élective.
Dans les régions où l'on enguirlande
de protestations républicaines u&~ inva-
riable fidélité à la politique orléaniste,
on estime qu'un pareil dilemme est la
moindre des choses. Les Chambres du
régime de Juillet étaient peuplées de
fonctionnaires largement prébendés qui
accordaient sans effort leurs devoirs de
représentants et ceux de serviteurs à
gages, en remplissant leur mandat élec-
tif pour le mieux de leur carrière dans
les services publics. Pourquoi les fonc-
tionnaires d'aujourd'hui qui deviennent
conseillers généraux ne se souvien-
draient-ils pas, en siégeant à l'assem-
blée départementale, que les chefs ont
les yeux sur eux et qu'une bonne atti-
tude, bien conforme aux vues du gou-
vernement, peut être l'occasion d'un
prochain avancement ?
Pour nous, qui n'estimons pas que le
mépris du suffrage populaire et l'abais-
sement de la dignité individuelle soient
les conditions d'une heureuse politique,
nous poussons la naïveté jusqu'à consi-
dérer qu'il n'est pas bon de placer un
honnête homme dans l'alternative que
j'exposais tout à l'heure. Mieux vaut, à
nos yeux, pour tout le monde et pour le
bien général, se soustraire à de telles
situations en mettant un terme aux con-
fusions d'où elles naissent, c'est à-dire
en instituant l'incompatibilité des em-
plois publics et des fonctions électives.
Encore un coup, je sais qu'on y perdra,
dans nombre d'assemblées, de très ap-
préciables concours. Mais le mal àéviter
est plus grand assurément que la perte
à subir.
Louis Terrier.
MOUVEMENT ADMINISTRATIF
On assure que le président du conseil, ministre
de l'intérieur, va faire paraître ces jours-ci au
Journal officiel un mouvement administratif as-
sez important. Ce mouvement qui porte sur plu-
sieurs préfectures a été tenu jusqu'à présent se-
cret, M. Charles Dupuy voulant s'éviter les solli-
citations et les réclamations des fonctionnaires qui
vont être déplacés ou disgràciés.
L'ELECTION DE SAINT-FARGEAU
La réponse à notre entrefilet de mercredi sur le
retard apporté à la convocation des électeurs du
quartier Saint-Fargeau, pour remplacer leur con-
seiller munieipal, M. Réties, décédé, ne s'est pas
fait attendre.
Le secrétaire général de la préfecture de la
Seine vient, par délégation de M. Poubelle, de si-
gner un arrêté fixant au dimanche 21 octobre la
date de cette élection.
Mieux vaut tard que jamais.
Les Dépôts de Liwets Militaires
Tous les ans, à pareille époque, les jour-
nées de prison s'abattent par milliers —
comme le XIXe Siècle le déplorait hier matin
— sur les malheureux réservistes ou territo-
riaux qui n'en peuvent mais 1
Le crime de ces braves gens n'est pas bien
grave @ en lui-même : ils ont simplement
ignoré qu'ils devaient déposer leur livret mi-
litaire à telle ou telle date.
J'en appelle aux millions de réservistes et
de territoriaux immatriculés dans les bu-
reaux de la guerre : en est-il parmi eux cent
seulement qui sachent exactement à quelle
époque ils doivent effectuer ce fameux dé-
pôt, source de tant d'ennuis pour eux aussi
bien que pour la gendarmerie et le personnel
du recrutement.
Y a-t-il, d'autre part, un gendarme, un
seul, qui soit capable de donner un rensei-
gnement précis à ce sujet ?
Non, n'est-ce pas, tous nous en avons fait
maintes fois l'expérience, à nos dépens.
Dans ces conditions, comment veut-on que
les employés, les ouvriers et les cultivateurs
sachent ce qu'ignore la gendarmerie dont c'est
le métier de savoir?
On me répondra que c'est affiché, que c'est
imprimé dans les journaux.
C'est vrai, mais je veux bien que le diable
m'emporte — passez-moi l'expression — si je
suis capable d'indiquer ces dates, sans avoir
le document sous les yeux, alors pourtant que
je les ai imprimées moi-même dans ce journal
il y a deux mois !.
Quant aux affiches, le gouverneur militaire
de Paris est le premier à déplorer qu'elles
soient recouvertes immédiatement après leur
apposition par d'autres placards absolument
étrangers aux choses de l'armée.
Tous les ans les mêmes constatations sont
faites, les mêmes punitions frappent une foule
d'innocents, et il ne viendra jamais à la pen-
sée d'un ministre de la guerre de se dire qu'il
y a là évidemment un vice d'organisation au-
quel il est urgent de remédier.
On n'a pas idée des millions de kilomètres
que font chaque année les livrets des soldats
français. Et pourquoi faire? C'est ce que je
me suis toujours demandé en vain.
Parbleu ! je sais bien que certaines ins-
criptions de deux lignes y sont faites par le
recrutement qui les garde pour cela six mois
et plus, souvent, dans ses cartons. Mais c'est
précisément dans cette formalité que git le
vice.
Un réserviste, un territorial ne devrait ja-
mais, en aucun cas, se démunir de son livret,
Si l'autorité militaire qui veut paperasser
quand même, tient à griffonner sur ses feuil-
les, qu'elle le fasse à la fin des périodes de
28 et de 14 jours, mais que, sous aucun
prétexte, elle ne force un réserviste à perdre
une journée de travail pour aller porter son
livret à la gendarmerie.
Le ministre de la guerre a un moyen bien
simple de résoudre ce problème qui ne ferait
que se compliquer dans les fameux bureaux
de la rue Saint-Dominique : qu'il s'adresse di-
rectement à n'importe quel commandant de
bureau de recrutement, en lui demandant
franchement son opinion. Dans les vingt-qu a-
tre heures il recevra un rapport, et je gage que
toutes les difficultés actuelies seront apla-
nies.
Mais voilà, ce serait beaucoup trop simple,
et les bureaux ne le pardonneraient pas au
ministre.
L'année prochaine nous aurons donc en-
core à enregistrer des milliers de jours de
prison, tout comme cette année.
- H. Ronuura.
M. ROBIM BRUXELLES
EPILOGUE DE L'AFFAIRE
DE CEMPUIS
L'administration temporise.- Nomination
à Paris du gendre et de la fille de
M. Robin. — L'ancien directeur
de l'orphelinat Prévost
à Bruxelles.
L'affaire Cempuis — quant aux personnes-
est aujourd'hui à peu près terminée. On s'at-
tendait à quelqueéclat, àuneexpulsion manu
militari, de l'ancien directeur de l'orphelinat
Prévost, resté dans sa petite maison de Cem-
puis, malgré l'arrêté lui signifiant sa- révoca-
tion. Il n'en sera rien. M. Robin n'a pas en-
core quitté Cempuis, il n'en déménagera
sans doute pas avant la fin du mois, et ce-
pendant l'administration ne mettra pas exé-
cution les menaees qu'elle lui avait adres-
sées.
Que vont en penser les partisans du prin-
cipe d'autorité ?
Cette attitude nouvelle mérite quelques ex-
plications.
CORRESPONDANCE AIGRE-DOUCE
Au représentant de l'administration qui
l'avait invité une première fois à céder ses
appartements, M. Robin répondit qu'il lui
était imposable de le faire sans en avoir
trouvé un autre. Or, il n'en pouvait chercher
disait-il, avant de savoir exactement où se-
raient envoyés comme instituteur et institu-
trice, M. et Mme Girou, son gendre et sa fille,
tous deux chargés de cours à l'orphelinat,
auprès desquels il avait l'intention de se
fixer.
Il y a six ou sept jours, un pli parvenait à
M. Rpbin, à Cempuis. C'était un avis annon-
çant la nomination de son gendre à l'école de
garçons de la rue des Panoyaux et de sa fille
a l'école enfantine de la rue de la Bidassoa,
toutes deux situées dans le vingtième arron-
dissement.
Le secrétaire général de la préfecture, en
transmettant ampliation de ces nominations
à M. Robin, informait celui-ci que la raison
par lui invoquée pour retarder son départ
n'existant plus, il espérait lui voir quitter les
lieux à bref délai. Dans le cas contraire, il
serait procédé administrativement à l'expul-
sion sommaire du locataire récalcitrant.
Qu'entendait-on par là?
Le préfet de l'Oise allait-il se présenter à
Cempuis flanqué d'une brigade de gendarme-
rie ?
M. Robin ne prit point peur. De sa meil-
leure encre il repondit au secrétaire général
une lettre assez hautaine dans laquelle il
déclarait ne pouvoir admettre qu'on le ren-
voyât comme une bonne qui n'a que son petit
baluchon à emporter. Il entendait, disait-il,
opérer son déménagement tranquillement,
ainsi qu'on le devait permettre à un vieux et
honorable fonctionnaire. Ce n'était pas une
petite affaire, car M. Robin possède une très
belle bibliothèque, un laboratoire pour les re-
cherches scientifiques (chimiques et physiolo-
giques notamment). Pareil matériel ne se
pouvait emballer sans précaution en quelques
heures. D'ailleurs la maison habitée par M.
Robin n'étant pas dans l'orphelinat, mais à
quelque distance, en face, il n'y avait aucun
inconvénient à lui laisser le temps nécessaire.
L'ADMINISTRATION PATIENTERA
L'administration se montrait assez embar-
rassée des raisons invoquées par M. Robin.
Elle hésitait à provoquer un scandale qui
n'était pas pour effrayer l'ancien directeur,
quand hier elle apprenait qu'il venait d'être
chargé d'un cours à l'Université libre de
Bruxelles. Les ministres, instruits de cette
situation nouvelle, ont émis l'avis de ne pas
insister. M. Robin ne sera donc pas trop
poussé ; il pourra achever tranquillement son
déménagement.
La situation qui vient d'être confiée à M.
Robin par l'Université libre de Bruxelles ne
saurait surprendre. Depuis sa révocation,
l'ancien- directeur de l'orphelinat Prévost, qui,
nous l'avonsdit, est un des meilleurs élèves de
l'Ecole normale supérieure doublé d'un sa-
vant, recevait de toutes parts des proposi-
tions de collaboration à des revues ou de
professorat dans des Universités étrangères.
D'Angleterre, où il fut professeur au collège
d'Oxford, on lui demandait une série de con-
férences sur l'éducation intégrale.
Mêmes offres lui étaient venues d'autres
pays. M. Robin avait accepté de faire une
tournée de conférences en Belgique, en Hol-
lande et en Angleterre quand il reçut la nou-
velle qu'il était chargé de cours à Bruxelles,
ainsi que son collaborateur à Cempuis, M.
Ch. Delon, l'écrivain distingué. Cette double
nomination a été faite à l'unanimité des voix
du corps enseignant.
LA NOUVELLE UNIVERSITÉ
DE BRUXELLES
En dépit des railleries, la nouvelle Univer-
sité de Bruxelles tient une place fort impor-
tante en Belgique et même en Europe. La
nouvelle Université et Ecole des hautes études
a été fondée en janvier dernier à la suite de
la suspension du cours de géographie que
devait faire Elisée Reclus à l'Université libre
de Bruxelles (laquelle n'est plus libre ni libé-
rale depuis bien longtemps), et de la démis-
sion forcée de M. le recteur Hector Denis. Il y
eut alors scission, manifestation d'étudiants.
M. Degreef, agrégé à l'Université ancienne
et, comme M. Hector Denis, très tourmenté
pour ses opinions sociologiques, se mit à la
tête du mouvement. A côté de professeurs
dont le nom est fort connu, figure une pléïade
de jeunes professeurs de talent : MM. Van der
Velde,de Brouckere, etc., qui depuis longtemps
ont fait beaucoup pour ce qu'ils ont appelé
l'Extension universitaire, création de confé-
rences et de cours faits le dimanche dans les
campagnes et les petites villes.
Au nombre des professeurs-conférenciers
de cette Extension icniversitaire, se trouve
précisément un des anciens élèves de M, Ro-
bin, botaniste très distingué, M. Léo Er-
rera.
Dès que Mme Robin sera remise des fati-
gues éprouvées par les incidents de ces der-
nières semaines, son mari ira s'installer à
Bruxelles.
Cela veut dire que ses amis du conseil géné-
ral et lui-même désarmeront, et que l'admi-
nistration n'a plus qu'à se frotter les mains
en souhaitant bon voyage au directeur de
l'orphelinat Prévost qu'elle a révoqué à la fin
d'août après l'avoir porté au pinacle le 20 juil-
let, lors de l'inauguration de l'exposition des
travaux des élèves de cet établissement au
musée pédagogique.
L'administration aurait tort, croyons-nous,
de nourrir cette illusion.
aresaiurn uriwn^yTrarirnrnrot
Mesures contre les Révolutionnaires
EN ALLEMAGNE
Berlin, 5 octobre.
On dit que la famille impériale retournera
à la fin de l'hiver à Abbazzia, d'où l'empereur
ferait sur un navire de guerre une excursion
à Venise.
Le conseil des ministres se réunira fin oc-
tobre pour prendre une décision définitive au
sujet des projets de loi à soumettre au Reiclis-
tag et au Landtag pour combattre les me-
nées révolutionnaires. M. de Caprivi ne parait
pas disposé à céder aux pressantes sollicita-
tions des nationaux-libéraux et des conserva-
teurs qui préconisent une politique ultra-réac-
tionnaire, dût-elle aboutir à un conflit et à la
dissolution du Reichstag.
Le chancelier est disposé à soutenir les
mesures contre les anarchistes, à condition
qu'elles n'aient pas le caractère de lois d'excep-
tion. Cette politique paraît actuellement avoir
l'approbation de l'empereur. Il faut néan-
moins tenir compte de la campagne active
menée par les réactionnaires, qui ont des
alliés influents parmi les ministres et dans
l'entourage de l'empereur.
PLUS DE VEILLÉES !
Qui de nous — parmi ceux qui furent inter-
nes dans les lycées — ne se rappelle avec dé-
lice les trois quarts d'heure d'étude, de huit
heures et demie à neuf heures un quart du
soir, pendant lesquels la digestion s'opérait
dans une douce somnolence, devant un livre
ouvert dont la page ne variait pas ?
C'était la veillée.
Les candidats aux écoles, les élèves de
rhétorique et de philosophie pouvaient seuls
y assister. Au point de vue des études, ce
supplément d'heures de travail ne produisait
rien de bon, les élèves — en dépit du fameux
surmenage dont il a été tant parlé l'an passé
— ayant conservé l'habitude de digérer plus
qu'ils ne travaillaient pendant les veillées.
L'Université vient enfin de s'en apercevoir.
Il n'y a plus de veillées.
Comme compensation, le lever des élèves
des classes supérieures aura lieu tous les
jours, excepté le lundi, une demi-heure plus
tôt, soit à cinq heures et demie du matin au
lieu de six. Comme le dimanche, jour de sor-
tie, les élèves ne rentrent qu'à dix heures du
soir — heure indue, oh combien 1 — ils ne se
lèveront qu'à six heures le lendemain matin.
Ah qu'il est dur d'être potache et que c'est
un sort affligeant 1 Le voilà bien le surme-
nage l
LES TRAVAUX PARLEMENTAIRES
La commission du budget reprendra ses travaux
lundi prochain, 8 octobre.
Elle va entreprendre tout d'abord l'examen du
budget rectifié de M. Poincaré.
La Guerre entre la Chine et le Japon
Londres, 5 octobre.
Les journaux annoncent qu'à la suite des
délibérations du conseil de cabinet d'hier,
l'amirauté a été invitée à prendre des mesu-
res pour renforcer l'escadre britannique
dans les mers de Chine.
Des ordres ont en conséquence été donnés
pour l'envoi immédiat du croiseur de Ire
classe Saint-Georges, actuellement en position
de réserve à Portsmouth.
Les navires suivants ont aussi reçu ordre
de partir immédiatement de leurs ports res-
pectifs : le croiseur de 2e classe Aeolus, de
l'escadre de la Méditerranée ; le Redbreasl,
le Pigeon et le Bramble, qui se concentre-
ront à Aden.
Ces navires seront remplacés aussitôt que
possible et dès que les navires actuellement
en réserve ou sur chantier seront prêts à
prendre la mer.
Si les équipages disponibles pour ces navi-
res ne sont pas suffisants, une partie des
équipages des navires-écoles sera réquisition-
née.
Londres, 5 octobre.
On télégraphie de Shanghaï au Times :
« On a signalé l'arrivée de quatre navires
de guerre japonais entre Ning-Po et Fusan.
» Les nouvelles reçues aujourd'hui à Tien-
Tsin montrent que les Chinois ont évacué la
Corée et que l'armée japonaise est arrivée sur
le Yalu.
» Les transports chinois manœuvrent libre-
ment dans le golfe du Petchili. Les vaisseaux
chinois réfugiés à Port-Arthur* seront bientôt
réparés et prêts à prendre le large, à l'excep-
tion du Laï- Yuen qui était en train de couler
bas à son arrivée dans le port. »
Londres, 5 octobre.
La Press Association apprend que le Fo-
reing-Office a reçu, ces deux derniers jours,
des dépêches alarmantes des consuls britan-
niques à Hankow et à Ning-Po, relativement
aux désordres qui ont eu lieu dans leurs res-
sorts respectifs.
Les consuls britanniques en Chine n'ont
rien télégraphié hier, mais des informations
d'une autre source annoncent que la si-
tuation est dangereuse pour tous les Euro-
péens.
Shanghaï, 5 octobre.
Une lettre de Tien-Tsm, en date du 1er oc-
tobre, dit que les rapports arrivés à Tien-
Tsin annoncent qu'trne rébellion a éclaté en
Mongolie. Des troupes ont été expédiées de
Pékin pour la réprimér.
Des troubles séreux seraient survenus dans
le palais impérial a Pékin.
De nombreux européens arrivent à Tien-
Tsin des districts environnants.
Les résidents prennent des précautions
dans l'éventualité d'une attaque.
Shangaï, 5 octobre,
Le bruit ayant couru que les Japonais vou-
laient bloquer les ports de Tien-Tsin et de
Chefoo, les Chinois de Shanghaï annulent
les connaissements à destination de ces deux
ports.
Plusieurs navires de guerre japonais font
la nuit des reconnaissances près de Wei-Haï-
Weï jusqu'en vue des côtes. Ils se dirigent
vers la pleine mer, au lever du jour. Leur but
est d'empêcher la flotte chinoise de quitter
Port-Arthur.
On assure que les Japonais n'empêcheront
pas l'importation du charbon en Chine.
Londres, 5 octobre.
On apprend de source autorisée que le mi-
nistre de la marine n'a pas encore ordonné
l'envoi de renforts pour l'escadre des mers de
Chine, mais on assure que des préparatifs
sont faits dans ce but.
Les autorités reconnaissent que la situa-
tion de la Chine peut, d'un moment à l'autre,
prendre une tournure telle qu'elle exigerait
l'augmentation des forces anglaises pour
la protection efficace des intérêts britanni-
ques.
Le ministre de la guerre n'a pas encore
donné d'ordre pour l'envoi de troupes en
Chine, ou de renforts pour les garnisons et
colonies britanniques de l'Extrême-Orient.
Le secrétaire da l'ambassade de Russie dit
qu'on n'a reçu aucune nouvelle indiquant que
le tsar ait eu une rechute : jusqu'ici l'ambas-
sade n'a rien reçu qui puisse prêter consis-
tance aux bruits alarmants, qui ont circulé
aujourd'hui dans diverses Bourses de l'Europe,
CHRONIQUE
CHARTREtfX ET CHARTREUSES
Je ne sais si saint Bruno reconnaltrait
aujourd'hui le monastère qu'il fonda dans
les solitudes du massif de la Grande
Chartreuse. Ce site sauvage, admirable-
ment choisi pour le recueillement et la
prière, séparé du monde à ses deux extré-
mités par un resserrement de rochers gi-
gantesques, est plus fréquenté en ce mo-
ment que le rond-point des Champs-Ely-
sées. Aux portes du monastère, les grelots
tintent, les fouets claquent, les voitures
se croisent, les cyclistes se heurtent et les
postillons « s'attrapent » comme les co-
chers du boulevard Montmartre. Je n'a-
vais pas franchi de cinq minutes « l'en-
trée du Désert » que j'avais déjà serré la
main à quatre ou cinq Parisiens d'humeur
matinale, qui revenaient de prendre « la
verte » sur le comptoir des bons pères.
Car la solitude est ce que me paraissent
redouter le plus les chartreux de cette fin
de siècle. On loge au couvent à pied et à
cheval; on tient table ouverte pendant la
belle saison,et le nez du frère-portier s'est
allongé à l'égal de sa barbe quand, dési-
reux de visiter le monastère, je lui ai con-
fessé que j'avais déjeuné dans l'un des
nombreux hôtels qui égayent aujourd'hui
le pseudo-désert.
Ces retraites autrefois ignorées du
monde n'ont plus guère de secrets que
pour les femmes, car ici les moines ne
transigent pas avec la règle. Ils sont à
cheval sur le principe de la séparation des
sexes. Toutes les femmes sans distinction,
jeunes ou vieilles, sœurs, épouses ou mè-
res, sont refoulées impitoyablement vers
la maison d'en face, tenue par des reli-
gieuses. Ces chartreuses non moins ai-
mables que leurs voisins, dont elles ne
sont séparées, du reste, que par la largeur
de la route, offrent aussi aux visiteuses
bon souper, bon gîte et le reste, je veux
dire une tasse de café ou un petit verre de
la dive liqueur.
Ce n'est que par hasard que les belles
curieuses, en rôdant autour des portes
entrebâillées du monastère, peuvent aper-
cevoir, de très loin, la silhouette et la
blanche cape d'un chartreux. Dieu sait
pourtant quelle envie les brûle de forcer la
consigne 1 Et le désir s'accroît quand l'ef-
fet se recule, comme dit cet excellent
Corneille. Les pères tiennent bon et dé-
mêlent d'un œil exercé toutes les inven-
tions sataniques par lesquelles on cher-
che à tromper leur surveillance. Et ne
croyez pas, mesdames, qu'il soit facile de
les abuser en vous déguisant en homme.
Plus d'une l'a fait sans succès, parce
qu'on ne se méfie jamais du « coup de la
chapelle », qui est, parait-il, infaillible.
Quand on arrive à la visite de la cha-
pelle, tous les hommes instinctivement
retirent leur chapeaux, tandis que la femme
déguisée, par un instinct contraire, reste
immanquablement couverte, car elle n'a
pas, en effet, contracté l'habitude d'ôter
son chapeau à la messe. Le père s'appro-
che alors, et d'un ton respectueux et
ferme, lui adresse une variation sur le
grand air de-la Favorite :
Va-t-en d'ici 1 De cet asile
Tu troublerais la pureté.
Il n'en faudrait pas conclure que l'ab-
sence de femmes condamne les chartreux
à une vie otieuse et béate, toute de prières
et de méditations. Ce sont les gens les
plus occupés du monde, laboureurs, for-
gerons, menuisiers, comptables, hôteliers
médiocres, je l'avoue, mais liquoristes in-
comparables. Et il faut convenir que ceux
qui ont inventé la chartreuse méritent une
stalle d'honneur dans le paradis, à la
droite du Père.
Pour élaborer ce merveilleux breuvage,
ils ont aux portes du « Désert », à Four-
voirie, une véritable cité ouvrière avec
de vieux airs de forteresse, où s'agite, à
travers caves et celliers, une ruche bour-
donnante de quatre-vingts domestiques. Il
y a une trentaine d'années, quelques frè-
res suffisaient pour descendre une fois par
semaine trois ou quatre paniers de char-
treuse sur Grenoble. Aujourd'hui, de Gre-
noble à Voiron, on se heurte tous les
jours à la cavalerie et aux charrois du
monastère. Les chartreux ont utilisé l'an
dernier plus de six mille hectolitres d'eau-
de-vie et ils ont des dégustateurs spéciaux
qui font, dans les bonnes années,une rafle
générale de ce qu'il y a de plus fin sur le
marché des Charentes.
Je m'étais imaginé, sur la foi de je ne
sais quel guide, que le secret de la fabri-
cation tenait à la variété des plantes al-
pestres dont ils se servaient pour leur dis-
tillation. Je me figurais qu'ils s'en allaient
mystérieusement cueillir sous les grands
bois de sapins des simples inconnues au
reste des mortels. Il n'y a de simples ici
que ceux qui croient à ces calembredaines.
Les chartreux ont dans le monastère un
jardin superbe où ils cultivent la mé-
lisse, la gentiane et les autres plantes odo-
riférantes qui leur sontnécessaires, comme
on cultive ailleurs le chou, la betterave ou
la carotte.
Leur prétendue recette est le secret de
polichinelle. Tous les distillateurs de pro-
fession le connaissent, et c'est ce qui ex-
plique pourquoi l'on voit pulluler depuis
plusieurs années les « bénédictines », les
« gauloises » les, « trappistines » et autres
fausses chartreuses qui ont la prétention
de supplanter « la vraie ».
On m'a montré dans les environs l'éta-
blissement d'un chartreux qui a jeté le
froc aux orties, élevé hôtel contre hôtel,
et qui cherche aujourd'hui à faire une
concurrence sérieuse à ses copains d'au-
trefois.
Je ne sais, pour ma part, ce que valent
ses produits, mais on peut assurer qu'en
général l'infériorité des imitations est no-
toire, et aucun palais délicat ne s'y laisse
prendre.
C'est que la supériorité de la « vraie »
tient tout bêtement à la qualité des eaux-
de-vie qui en sont la base. Or, pour avoir
de fines eaux-dvie, pour les laisser vieil-
lit dans le boisjiendant des années, il ne
faut pas seulement un palais exercé, il
faut surtout « de l'estomac », et les pères
ont le nerf de la guerre, les capitaux qui
manquent à leurs infortunés concur-
rents.
Aussi peuvent-ils en toute sécurité ver-
ser des torrents d'or liquide sur leurs obs-
curs blasphémateurs. Car c'est bien de
l'or en bouteille qu'ils fabriquent, et par
un miracle inconnu de Nicolas Flamel et
des alchimistes du moyen âge. plus ils ré-
pandent cet or dans le monde, plus il en
tombe dans leur escarcelle.
André Balz.
LES ADRESSES TELEGRAPHIQUES
On se rappelle l'émotion causée dans le publie
par la récente circulaire relative aux adresses in-
complètes des télégrammes, circulaire que 1& direc-
teur des postes et télégraphes a finalement retirée.
Pour ecarter à l'avenir toutes difficultés de cette
nature, M. Raiberti, député des Alpes-Maritimes,
a proposé que le prix de l'adresse soit fixé à for-
fait à dix ou quinze centimes,quel que soit le nom-
bre des mots la composant.
Cette proposition fait en ce moment l'objet d'une
étude de la part de l'administration des télégra-
phes.
LETTRE DE TURQUIE
Le choléra et les quarantaines. — Un
moyen de combattre l'ivresse. —
La misère aux champs.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER*
Constantinople, 2 octobre.
La quarantaine imposée aux provenances
de Marseille est réduite à 24 heures d'obser-
vation. Il était temps !
A Brousse, le choléra n'est pas très violent.
Du 27 au 28 septembre on a enregistré trois
cas et trois décès, dont deux dus à d'anciennes
attaques. La population de Brousse est éva-
luée à 80,000 habitants.
Par contre, on assure — rien n'est certain
dans ce pays — que l'épidémie fait de grands
ravages en Arménie, en Caramanie et dans
plusieurs autres provinces de l'empire.
En attendant, la saison froide approche et
il pourrait se faire que Constantinople échap-
pât au fléau. Cette ville a toutes les chances.
Les odeurs de Stamboul
On pourrait même adresser, à ce sujet, de
justes réclamations au Très-Haut. Il fait
preuve d'une partialité vraiment révoltante
en faveur de Stamboul « la bien gardée ».
A l'exception de quelques rues privilégiées,
la ville est fort malpropre, le système des
égouts est déplorable et, dans certains en-
droits, il n'existe pas du tout d'égouts : cha-
que maison a une fosse qui est vidée, lors-
qu'elle déborde, dans un trou creusé dans le
premier endroit venu. Tous les bouchers égor-
gent les moutotfs dans leur arrière-boutique ;
les viandes, le lait, toutes les denrées ne sont
pas examinées par l'autorité municipale ; les
fruits sont mangés verts et l'eau n'est pas
filtrée.
Une ville d'Europe qui se trouverait dans
ces conditions antihygiéniques serait décimée
par les épidémies. A Constantinople il y a eu
a peine quelques cas de choléra l'an dernier,
et encore les nombreux médecins municipaux,
intéressés à recevoir des appointements dou-
bles et régulièrement payés pendant la durée
du fléau, faisaient passer pour cholériques et
traitaient comme tels tous les ivrognes qui
restituaient leur trop plein dans la rue. Plu-
sieurs disciples de Bacchus ont été l'objet
de soins si nombreux et si énergiques qu'ils
en sont morts.
Les maisons sont construites — toujours
sans aucun contrôle — avec une économie
effrayante. On doit les pourvoir de fenêtres à
guillotine, les murs n'étant pas assez épais
pour permettre d'établir des volets. Un vio-
lent tremblement de terre a lieu, suivi de
plusieurs autres secousses, et aucune de ces
maisons qui tiennent debout par miracle ne
s'écroule.
Il ne s'est, en effet, écroulé que de vieilles
bâtisses imprudemment laissées debout. Le
grand bazar était beaucoup trop chargé par le
haut. Sa toiture n'avait jamais été réparée et
l'eau s'infiltrait dans tous les murs ; des ar-
bustes nombreux avaient poussé sur les toits
de cet édifice antique.
Les chevaux galopent à fond de train sans s,
écraser personne, il en est de même des voi-
tures qui font absolument tout ce qui leur
plait. Ces véhicules, tous dépourvus de frein,
descendent au grand trot les parties les plus
raides. Pas d'accident.
Les nombreux habitants de Cadikeuy—
l'antique Chalcédoine — des îles des Princes et
des petits ports de la Marmara, circulent jour-
nellement sur de vieux bateaux, pour les-
quels l'heure de la retraite a sonné depuis
longtemps, munis de machines éreintées. Ce
matériel de la Compagnie Mahssoussé offre les
plus grands dangers et cependant, malgré les
violents vents du sud, très durs dans la Mar-
mara, aucun de ces sabots ne s'est encore dis-
loqué en route.
Dans le port, les vapeurs, les barques, les
mahions, les caïks — dont l'équilibre est as-
surè par la position des voyageurs — s'entre.
croisent, les légères embarcations sont très
imprudentes : pas de naufrages.
La police régulière (pour la distinguer de la
police secrète) est besoigneuse, les voleurs sa-
vent sortir de prison. Malgré ces conditions
favorables .- pour les filous — le nombre des
vols est restreint ; il est certainement inférieur
à la moyenne des autres capitales.
Le tribunal de commerce fonctionne déplo-
rablement; on peut dire qu'un sujet ottoman
ne paye ses dettes que s'il le veut bien; les
hauts fonctionnaires donnent l'exemple en ne
payant pas. Cependant la généralité des com-
merçants indigènes tiennent assez bien leurs
engagements.
Que faut-il voir dans cette immunité dont
jouit la capitale des Osmanlis ? Le doigt de
Dieu. Eh bien, sans me permettre de critiquer
les desseins de l'êtrtl suprême, je dois consta-
ter qu'il a des préfe-r&nces bUairres.
Rien à vendre et beaucoup à payer
Les populations agricoles de la Turquie
vont passer un triste hiver.
Ces malheureux cultivateurs, écrasés par
l'impôt et rongés par l'usure, arrivent tout
juste à vivre, malgré leur sobriété excessive,
ou plutôt à ne pas mourir. Cette année leur
sort a empiré.
Les récoltes ont été généralement peu abon-
dantes et le peu de produits du sol qui a été
obtenu se vend déplorablement mal, surtout
les céréales qui cobsiitr'ent la principale ri-
chesse du pays. Les beaux blés durs se ven-
dent avec peine à 15 piastres le hilé (3 fr. 15
les quarante litres.)
Les côtes de la mer de Marmara sont cou-
vertes de vignes. Tant que la France, n'ayant
pas reconstitué son vignoble, a dû acheter
des vins en Turquie, les vins de ces localités
se sont vendus à de hauts prix et l'aisanca
régnait dans tous les villages vinicoles ;
maintenant que — heureusement — notre
pays n'a plus besoin d'un appoint étranger,
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