Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-09-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 15 septembre 1894 15 septembre 1894
Description : 1894/09/15 (A24,N8279). 1894/09/15 (A24,N8279).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7562507h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. —N* 8,279 LE NUMERO QHQ CBWîMES -: - ":':':' 1. < SAMEDI 15 SEPTEMBRE 1S9 4
T 1G1 VïVK OîîPPï P
ii £ 1 À1A ulluLIi
RCNCTtfR ET lOffVfffSTRfnM
142, Rue MontmartM
PàBB
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOUARD PORTALIS
rtili Iinmi i télégraphique: XIX. BlfeOUK—PAXSB
Téléphone: 20.289 biu
AmmittÉm
Cbmt KM. LAGRANGE, CBRP * 01
6, place dt la Btntrtt, g
ABONNEMENTS
Paris. Irtis Bois, 61.; Il loiI, il f.; III I*,
Départements — 7 f.; — 12 f.; — 24 £ £
Union Postale - 91.; — 161.; - 33g
Lss Abonnements sont reçus sans frais 48118
loua les Bureaux de Poste.
LES COUPABLES
Les morts vont vite. Pas si vite peut-
être qu'il- ne nous soit permis de
revenir sur cette sinistre catastrophe
d'Appilly, épisode d'une série qui, de-
puis longtemps ouverte, ne parait pas
près, hélas ! de se clore.
Nous lisions, hier, dans un grave
journal, ces lignes pleines d'une déli-
cieuse ironie : « La Compagnie du Nord
attend avec confiance le résultat de l'en-
quête faite par les soins du ministère
des travaux publics. »
Je comprends, en effet, que les gros
bonnets de la compagnie soient sans in-
quiétude sur les résultats d'une enquête
conduite par les ingénieurs du con-
trôle. Les « chers camarades » ne se
mangent pas entre eux.
Est-ce à dire que rien ne sera fait?
A quoi pensez-vous ? M. Barthou ne le
souffrirait pas.
La justice informe et déjà elle a dé-
couvert des charges graves contre une
garde-barrière. La malheureuse sera
poursuivie, n'en doutez pas, et elle ap-
prendra à ses dépens qu'il y a des ju-
ges en France.
De qui se moquê-t-on et qui espère-t-
on tromper par cette comédie ?
On connaît les auteurs responsables
de la catastrophe d'Appilly. On ne les
poursuivra pas. Ils continueront à jouir,
sous l'œil bienveillant de M. le minis-
tre de la justice et de son collègue des
travaux publics, de l'impunité tran-
quille qui est la récompense méritée
des amis du gouvernement.
Lisez ces attendus d'un jugement que
le tribunal de Compiègne rendait, il n'y
a pas longtemps—le 13 mars dernier—
dans un procès intenté pour homicide
par imprudence contre le malheureux
chef de gare d'Appilly qui fut acquitté.
« Attendu que Boubay est l'unique
» agent de la compagnie à la station
» d'Appilly et qu'en cette qualité il doit
2 seul faire face aux multiples exigen-
» ces de son service ;
» Attendu qu'encore bien qu'on puisse
» légitimement reprocher à la com-
yrpagnie de n'avoir qu'un personnel
» insuffisant, ce grief, loin d'aggraver
» les responsabilités pénales de Bou-
» bay, ne peut au contraire que les
» atténuer. »
Eh bien ! que faisaient donc les
« chers camarades » du contrôle, en
mars dernier ? Ils ne contrôlaient donc
pas ? Ou s'ils ont rempli leur devoir et
signalé au ministère cet intéressant ju-
* gement, qu'a-t-on fait du rapport dans
les bureaux ?
La Compagnie du Nord a-t-elle été
officiellement mise en demeure de remé-
dier à un état de choses si périlleux ?
Aussi bien elle n'ignorait pas la si-
tuation. Le maire d'Appilly la lui avait
dénoncée à maintes reprises.
Elle fait aujourd'hui plaider les cir-
constances atténuantes ; elle déclare que
le chef de gare n'avait jamais réclamé
un aide. Parbleu ! Comme on connaît
ses saints, on les honore. Il préféra ris-
quer chaque jour sa vie que de provo-
quer sa mise à la retraite par une de-
mande d'ailleurs inutile, puisque les.
grand chefs, au courant de tout, ne bou-
geaient pas.
Aujourd'hui, ils vont sans doute se
remuer. Une marchande de pommes
écrasée, cela ne valait pas la peine
qu'on s'émût. Un express qui déraille,
cinq personnes tuées, cela fait du bruit
dans la presse. On adjoindra un aide
au successeur de M." Boubay, on distri-
buera quelques indemnités prises sur
les larges bénéfices réalisés au dépens
de la sécurité du public, et tout sera
dit.
Pardon, M. le ministre de la justice,
et vous, est-ce que vous n'aurez pas vo-
tre petit mot à dire? Entre une arresta-
tion de citoyen paisible, dénoncé comme
anarchiste, et une poursuite contre un
journaliste, priez donc votre procureur
de relire le code pénal. Il y trouvera
un article qui punit l'homicide par im-
prudence.
Dites-lui donc, à votre procureur, que
cet article s'applique à tout le monde,
même aux membres du conseil d'admi-
nistration du chemin de fer du Nord.
Il sera peut-être surpris, mais il obéira.
Que me répondez-vous? Que le pré-
sident de la République s'appelle Casi-
mir-Perier.
Ah ! vous m'en direz tant !
A. Millerand.
LA
RETRAITE DU COMTE D'HAUSSONVILLE
La mort du comte de Paris va naturelle-
ment avoir pour effet de faire changer de
main la direction du parti royaliste.
M. le comte d'Haussonville qui avait suc-
cédé il y a quelques années à M. Bocher à la
tête du parti, est d'ores et déjà démisslQnnai.
- Le Gaulois l'annonce en ces tsïines ;
« Monsieur le duc d'Orléans, désirant gar-
der toute la direction de son parti, a accepté
la démission que lui avait offerte le comte
d'Haussonville, tout en lui exprimant sa re-
connaissance pour les services qu'il avait
rendus à la cause et à son père. »
Puis il ajoute que « toutes les personnes
du service d'honneur de M. le comte de Paris
ont donné leur démission, suivant l'usage,
pour rendre au prince toute sa liberté d'ac-
tion », et qu' « on croit que M. le duc d'Or-
léans choisira ses conseillers parmi les per-
sonnes qui ont figuré au dîner qu'il a offert
mercredi soir à Grosvenor-hotel, avec quel-
ques autres, tels que le duc Decazes ».
Or, voici les noms des convives qui assis-
taient à ce repas, en dehors du comte d'Eu,
du duc d'Alençon, de l'infant don Antonio,
du prince Emmanuel d'Orléans et de trois au-
tres princes étrangers :
Duc de Luynes, duc de Broglie, duc Decazes,
d'Audiffret-Pasquier, M. Bocher, duc de Doudeau-
ville, M. Buffet, marquis de Lasteyrie, général
de Gharette, marquis d'Harcourt, M. de Caze-
nove de Pradines M. Hervé, général Humann,
comte de Chevilly, colonel de Parseval, comte
de Saporta, baron de Fonscolombe, comte de
Bourbon-Lignières, M. La Chambre, M. Amédée
Dufaure, baron de Chabaud la Tour, M. de Witt,
M. Emmanuel Bocher, comte Gonzague Costa de
Beauregard, M. Calla, M. Dufeuille, le docteur Ré-
camier et M. Eugène Schneider.
On ne voit pas précisément à la lecture
de cette liste quels sont les, nouveaux éléments
sur lesquels peut compter le duc d'Orléans
pour donner à la politique royaliste cette
orientation nouvelle dont on a tant parlé.
MOUVEMENT ADMINISTRATIF
Le Journal officiel publie ce matin le mou-
vement administratif suivant :
M. Hoger, préfet de la Corrèze, est nommé préfet
de l'Isère, en remplacement de M. Robert dont la
démission est acceptée.
M. Pascal, sous-préfet de Coutances, est nommé
préfet de la Corrèze.
M. Bonhoure, sous-préfet de Sisteron, est nommé
sous-préfet de Poligny.
M. Regnault. sous-préfet de Vienne, est nommé
sous-préfet de Coutances.
M. Germont, sous-préfet de Poligny, est nommé
sous-préfet de Sancerre, en remplacement de M.
Leygue, mis en disponibilité sur sa demande.
M. Nicolet, secrétaire général du Puy-de-Dôme,
est nommé sous-préfet de Vienne.
M. Beaucaire, ancien conseiller de préfecture du
Nard, ancien sous-chef de cabinet du ministre de
l'intérieur, est nommé secrétaire général de la pré-
fecture du Puy-de-Dôme.
M. Renault, conseiller de préfecture de la Vendée,
est nommé conseiller de préfecture de l'Ain, en
remplacement de M. Larozc, précédemment appelé,
sur sa demande, à d'autres fonctions.
M. Laforest, licencié en droit, est nommé con-
seiller de préfecture de la Vendée.
M. Dupràz, conseiller général, est nommé sous-
préfet de. Sisteron.
LE REFUS DÈ M. WHLOECK-ROUSSEAU
Une élection sénatoriale va avoir lieu dans
la Loire pour remplacer M. de la Berge. La
candidature de M. Waldeck-Rousseau, ancien
député d'Ille-et-Vilaine, ancien ministre de
l'intérieur dans le cabinet Jules Ferry, est
adoptée par la grande majorité des délégués
sénatoriaux. Si l'éminent avocat se présente,
il sera, nous dit-on, élu au premier tour.
Mais M. Waldeck-Rousseau ne se présen-
tera pas, malgré l'enthousiasme que son nom
a soulevé dans le département.
Un de ses amis nous disait hier : « Il en a
eu l'intention, mais il s'est ravisé. Le mo-
ment ne lui paraît pas encore venu de ren-
trer dans la politique. »
M. Waldeck-Rousseau est actuellement en
villégiature dans la Haute-Loire où il possède
des propriétés.
M. CHARLES DUPUY A CHATEAUQUN
Plusieurs journaux ont annoncé hier soir
que le président du conseil accompagnerait
le président de la République, les 18, 19 et 20,
aux manœuvres de forteresse et aux manœu-
vres de la Beauce.
Le voyage de M. Charles Dupuy n'est pas
aussi certain que cela, son état de santé lais-
sant beaucoup à désirer. Depuis son retour
d'Ille-sur-Têt, le président du conseil n'a pas
quitté la chambre, il n'a pas reçu dans
son cabinet; hier encore, il a présidé le con-
seil de cabinet dans son appartement particu-
lier.
Ajoutons que les amis de M. Dupuy qui
ont pu le voir depuis son arrivée à Paris ne
sont pas sans être inquiets sur la persistance
des coliques néphrétiques du chef du gouver-
nement.
L'ENQUÊTE SUR LA MARINE
La délégation de la commission extraparle-
mentaire de la marine que préside M. Bou-
chard, président de chambre à la cour des
comptes, quittera Paris ]e 18 septembre pour
commencer son enquête par le port de Cher-
bourg où elle arrivera le 20. Les délégués vi-
siteront successivement Brest et Lorient; ils
seront à Rochefort le 13 octobre.
•Puisque nous parlons de l'enquête sur la
marine, ajoutons que la commission extra-
parlementaire sera invitée, par la voie parle-
mentaire, à déposer son rapport général avant
la discussion du budget de la marine.
LA MISSION MTE!L
M. Delcassé vient d'être avisé que le lieu-
tenant-colonel Monteil, chargé du comman-
dement de la colonne qui doit protéger Kong
et barrer la route à Samory a débarqué hier
à Gfand-Bassam.
La plus grande partie des troupes amenées
par lui au Congo sera dirigée vers leM'Bomou
où elle renforcera les troupes du commandant
Decazes. Déjà une premièra compagnie a
quitté Loango depuis deux semaines et elle
ne tardera sans doute pas à atteindre Braz.
zaville d'où elle gagnera les Abiras par le
Congo et l'Oubanghi.
La construction de la ligne télégraphique
de Loango à Brazzaville sera poussée très ac-
tivement.
ammmaBsa^Bamataai
LA CHAMBRE & L'ACCIDENT D'APPILLY
On annonce que MM. Pelletan et Bazille ont
l'intention de déposer, dès la rentrée des
Chambres, un projet de loi sur le contrôle des
chemins de fer. Ces députés considèrent que
la mauvaise organisation du contrôle est la
cause principale du terrible accident d'Ap-
pilly.
D'autre part nous apprenons que M. Louis
Lacombe, député de l'Aveyron, compte inter-
peller le ministre des travaux publics au sujet
de cet accident. M. Lacombe visera égâlêZuêni,
celui qui s'est produit récemment dans sa
région sur la ligne de Béziers à Rodez.
La thèse de M. Lacombe porte sur la situa-
tion faite par les compagoj.es aux petits em-
ployés et, natureuem^îi" sur i insumsance du
L service de contres;
A LA VILLETTE
LES BOUCHERS MÈCONTENTS
Les taxes aux abattoirs. — Un vote du
conseil municipal. — L'arrêté du
préfet de la Seine. — La résis-
tance des bouchers.
Les bouchers en gros s'agitent beaucoup
depuis quelques jours. Ils se réunissent, dis-
cutent, nomment des délégués, envoient du
papier timbré au préfet de la Seine. Bref,
les abattoirs sont presque en révolution. La
cause ? Elle n'est pas neuve. Les lecteurs du
XIXe Siècle la connaissent bien. Il s'agit tou-
jours des taxes que le conseil municipal veut
percevoir sur les bouchers en gros des abat-
toirs et contre l'application desquelles ils
protestent.
Il y a trois ans que l'affaire traîne. A cette
époque on s'aperçut au conseil municipal
que le marché aux bestiaux de la Villette n'é-
tait pas florissant. Ses recettes baissaient.
Quelques conseillers prétendirent que si les
recettent diminuaient, la raison en était dans
l'habitude piise de faire arriver directement
le bétail par les abattoirs pour le conduire
aux échaudoirs, c'est-à-dire aux tueries, sans
passer par le marché. De cette façon, le paye-
ment de la taxe due par les animaux entrant
au marché de la Villette était évité. Pour pa-
rer aux dangers financiers de cette fraude, le
conseil municipal, sur le rapport de M. Fous-
sier, décida que les bouchers des abbatoirs
payeraient une taxe par cent kilos de viande
abattue : on l'appela la surtaxe d'abatage
ou taxe d'equivalence.
Puis, du même coup, pour augmenter la
recette qu'elle donnerait, l'assemblé commu-
nale décida que les échaudoirs, qui, jusqu'à
cette époque, revenaient aux maîtres-ouvriers
par rang d'ancienneté, seraient mis en adju-
dication.
LA RÉSISTANCE
Les bouchers en gros crièrent. Ils contestè-
rent au conseil municipal le droit de prendre
cette double mesure ; ils firent tant et si bien
que la délibération première du conseil mu-
nicipal ne fut pas appliquée et que, le 1er dé-
cembre 1893, M. Foussier faisait renoncer ses
collègues à la mise en adjudication des échau-
doirs et transformait la surtaxe d'abatage
aux cent kilos en une taxe par tête d'animal,
dite taxe de marché, pour l'occupation des
échaudoirs servant à la vente.
Les bouchers ne se montrèrent pas encore
satisfaits. Ils continuèrent à crier à l'illéga-
lité. Une commission extra-municipale exa-
mina leurs plaintes. Elle émit un avis favo-
rable à la délibération du conseil municipal
dans sa séance du 5 juin 1894.
S'appuyant sur cette délibération et sur cet
avis, le préfet de la Seine prenait ces jours-ci
un arrêté conforme. C'est cet arrêté qui a mis
le feu aux poudres. -
Le premier mouvement des bouchers en
gros fut tout de révolte. Le plus grand nom-
bre d'entre eux déclaraient qu'ils ne paye-
raient pas la taxe, dussent-ils être poursui-
vis. Peu à peu les cerveaux échauffés se sont
calmés et l'on discute aujourd'hui plus posé-
ment.
« Nous sommes forts de notre droit, nous
disait hier un des membres de la chambre
syndicale de la boucherie en gros. L'arrêté du
préfet de la Seine viole les lois et décrets qui
régissent les abattoirs. Ces textes sont for-
mels. La loi de 1846 a établi la perception des
taxes au poids et non à la tête, et c'est la
logique, car il est inadmissible de faire
payer la même taxe à un bœuf de 100 kilos
qu'à un autre de 600. D'ailleurs, le principe
posé par le législateur en matière de création
d'abattoir reste entier : « L'abattoir ne doit
jamais 6Le la source de bénéfices ou de re-
venus pour la commune ou la ville.
» Nous lutterons donc à outrance contre la
mesure arbitraire qui nous atteint. La majo-
rité de mes collègues s'est déclarée hostile à
l'idée de refuser le payement de la taxe. Cette
idée ne leur a pas paru pratique. Nous allons
épuiser tous les moyens légaux, comme nous
l'a conseillé notre avocat, Me Comby. Les
bouchers au détail nous appuient ; nous
sommes assurés de leur concours absolu.
Nous avons introduit devant le conseil d'Etat
un recours en annulation de l'arrêté portant
la nouvelle tarification des échaudoirs.
ENVOI DE PAPIER TIMBRÉ
AU PRÉFET
» En même temps, nous adressions la pro-
testation suivante à M. le préfet de la Seine,
par ministère d'huissier :
« L'an mil huit cent quatre-vingt-quatorze, le
» dix-huit août, à la requête du syndicat des mar-
» chands bouchers en gros, dont le siège social est
» à Paris, rue de Flandre, 176.
» Pour lequel domicile est élu à Paris, rue de
» Harlay-au- Palais, noZS, en l'étudedeMeAdaixi,
» avoué prés le tribunal civil de la Seine, j'ai.
»
» soussigné signifié, dit et déclaré à M. le préfet
» de la Seine, au nom et comme représentant la
» ville de Paris, en ses bureaux, sis même ville,
» Hôtel de Ville, où étantet parlant à
» que le syndicat requérant, proteste énergique-
» ment contre l'arrêté rendu par M. le préfet de la
» Seine, le trois août 1894, fixant une taxe de
» soixante-quinze centimes (0,75) par bœuf, vingt-
» cinq centimes (0,25) par veau, et cinq centimes
» (0,05) par mouton entrant aux abattoirs de Paris,
» sis à Grenelle, la Villette et Villejuif, dans les
» échaudoirs réservés pour la vente en gros;
» Quo l'arrêté sus-énoncé est illégal, qu'il est basé
a sur uhe délibération du conseil municipal de la
» ville de Paris du premier décembre 1893, laquelle
» devait être soumise à l'approbation du conseil
» d'Etat, puisqu'elle créait une taxe nouvelle frap-
» pant les abattoirs ;
« Qu'en conséquence, le syndicat vient déclarer
» par les présentes que ses membres entendent
» payer et ne payeront ladite taxe qui comme con-
» traints et forcés, se réservant d'attaquer ledit
» arrêté par toutes les voies et moyens de droit et de
» saisir toutes juridictions compétentes.
» Sons toutes réserves.
» A ce qu'il n'en ignore.
» Et je lui ai. étant et parlant comma dessus,
» laissé copie du présent. »
Ainsi parlent et agissent les bouchers en
gros de la Villette.
Au conseil municipal, on répond à toutes ces
protestations que les abattoirs ne sont pas
restés ce qu'ils étaient primitivement : un lieu
où les bouchers venaient eux-mêmes tuer les
animaux qu'ils détaillaient ensuite.
Aujourd'hui, les occupants des échaudoirs
ne servent pas seulement d'intermédiaires aux.
bouchers de détail pour l'abattage des ani-
maux, ils sont encore et avant tout des mar-
chands en gros.
L'abattoir se trouve double d'un marché à
la viande. Et ce marché, la ville de Paris a
parfaitement le droit — nul ne le contesterait
sérieusement — de frapper d'une taxe de lo-
cation ceux qui l'occupent.
Tels sont les arguments présentés de part
et d'autre. Nous souhaitons que les consom-
mateurs n'aient pas à souffrir de ce conflit.
LE CONGRÈS DE LA BOUCHERIE
Un congrès de la boucherie française se tiendra
à Paris du lundi 22 octobre au vendredi 26 inclus.
A l'ordre du jour sont inscrites les questions re-
latives à l'abrogation de la loi du 19-22 juillet
1791 sur la taxe de la viande et à l'application arbi-
traire du décret du 1er août 1864 sur les taxes
d'abatage, à la création de boucheries militaires,
la réglementation des fournitures de viandes aux
troupes, etc.
Un grand banquet offert par la boucherie pari-
sienne clôturera les travaux de ce congrès.
LES CANDIDATS DE NOGENT
MM. Bachimont et Robert, candidats à
l'élection de Nogent-sur-Seine, viennent d'a-
dresser une circulaire aux électeurs en vue
du second tour de scrutin, le 23 septembre.
Le candidat officiel de toutes les réactions, dit
M. Bachimont, a été battu par une majorité de
500 voix.
Votre verdict est significatif.
Il me fait un devoir de rester au poste de com-
bat où votre confiance vient de me placer.
Au scrutin de ballottage du 23 septembre, for-
tifiés par le même désir de servir, la cause de la
démocratie, vous manifesterez avec plus d'intensité
encore votre profonde conviction en faveur de
cette République que nous aimons avec tant d'ar-
deur et que nous voudrions voir prospère et fé-
conde.
Unissons-nous donc pour la défendre contre tous
ses adversaires, masqués ou non, qui veulent la
rapetisser à l'égal de la monarchie et qui repous-
sent de parti pris ou par intérêt toutes les réformes
sur lesquelles vous aviez le droit de compter.
Dans l'appel de M. Robert nous trouvons
les lignes suivantes :
Je vous remercie donc, cultivateurs, qui savez
que dès la rentrée des Chambres je demanderai les
mesures nécessaires pour mettre le blé à 25 francs,
ainsi que le dégrèvement de l'impôt foncier, le
droit sur les laines étrangères et le payement par
l'Etat du traitement des maîtresses de couture des
écoles mixtes qui obère actuellement le budget de
nos communes les plus pauvres.
Je vous remercie donc, ouvriers de la bonneterie
et de nos autres industries champenoises, qui vous
êtes rappelé que j'ai toujours soutenu les syndicats
professionnels, la loi de mon ami Bovier-Lapierre,
la participation aux bénéfices, la loi en faveur des
agents commissionnés des chemins de fer, l'aug-
mentation des subventions de l'Etat aux sociétes
de secours mutuels, les retraites des invalides du
travail, et toutes les réformes démocratiques de na-
ture à amener le relèvement des salaires et à les
mettre mieux en rapport avec les nécessités do la
vie moderne.
La France regarde l'arrondissement de Nogent-
sur-Seine. Son vote du 23 septembre, completant
celui du 9, attestera sa fidélité aux traditions de
l'arrondissement, à son idéal de patriotisme, de
justice et de liberté. Il aura, une fois de plus, af-
firmé cette orientation politique qui est la sienne,
dont s'honore et que suit la nation.
Il est bon d'ajouter que M. Pedron candi-
dat ouvrier, s'est désisté en faveur de M. Ba-
chimont.
LES JURYS D'APPEL
Opinion d'un magistrat
lie rejet par la cour suprême du pourvoi du
docteur Laffitte, condamné, quoique innocent,
par la cour d'assises de Seine-et-Oise à trois
ans de prison pour complicité d'avortement,
va remettre en discussion, dans la presse, la
question de l'appel en matière de crimes sou-
mis à la juridiction du jury.
Aujourd'hui, en effet, le docteur Laffitte est
définitivement condamné à trois ans de pri-
son. Il n'y a, d'une façon absolue, aucun
moyen légal d'annuler cette condamnation
inique.
Aussitôt après 4e prononcé du verdict de
culpabilité par les jurés de Seine-et-Oise, il
était loisible à la cour, si, conformément au
texte de l'article 352 du code d'instruction
criminelle « elle eût été convaincue que les ju-
rés, tout en observant les formes, s'étaient
trompés au fond », de déclarer qu'il était sur-
sis au jugement et de renvoyer l'affaire à la
session suivante. Tout alors aurait été remis
en question.
Mais la cour d'assises de Seine-et-Oise
n'ayant pas cru devoir appliquer l'article 302
du code d'instruction criminelle et la cham-
bre criminelle de la cour suprême venant de
rejeter le pourvoi, il n'y a plus actuellement,
nous le répétons, de voie légale pour faire in-
firmer l'arrêt injuste qui a condamné le doc-
teur Laffitte à trois ans de prison.
C'est là, on le reconnaîtra facilement, une
terrible lacune dans notre droit pénal. Aussi
la question de l'appel en matière criminelle
est-elle puissamment à l'ordre du jour.
Un magistrat très distingué, qu'hier,au sor-
tir de l'audience de la cour suprême, nous in-
terrogions à ce sujet, nous a fait cette subs-
tantielle déclaration :
« Je suis absolument d'avis — et tout le
monde pense comme moi — que le droit de
faire appel doit appartenir aussi bien à l'in-
dividti condamné en cour d'assises à la peine
de mort, qu'à celui qui a été frappé par le
tribunal de simple police de trois jours d'em-
prisonnement seulement. Mais comment,
en se conformant aux principes généraux qui
ont présidé à l'organisation du jury, consti-
tuer une juridiction d'appel en matière crimi-
nelle?
» D'après moi, le procédé serait bien
simp'e.
» Tout d'abord, avec quelques modifica-
tions au jury actuel, on ferait de lui le jury
de première instance, un jury composé de six
membres seulement.
» Quant au jury d'appel, il devrait natu-
rellement. être, en théorie tout au moins,
d'une composition supérieure au jury de pre-
mière instance. Cette supériorité, on essaye-
rait de l'obtenir :
» 1:JEn fixant à douze le nombre des jurés
appelés à siéger ;
» 20 En prenant la fleur du panier des ju-
rés actuels.
» Je ne me dissimule pas qu'on se heurte-
rait à certaines difficultés pour faire un choix
judicieux de cette fleur du panier. Mais on
pourrait, afin de tentur de diminuer le plus
possible les chances d'erreur, ? prendre en
considération, par exemple, les titres univer-
sitaires et surtout les situations occupées.
De cette façon, après quelques tâtonnements,
on arriverait à constituer un jury d'apper
fort présentable, mais un jury, il ne faut pas
l'oublier, qui statuerait tout à la. fois sur les
appels du ministère public et sur ceux des
condamnés. On diminuerait certainement
ainsi le nombre et des acquittements scanda-
leux et des condamnations iniques. »
Cette conversation d'un magistrat qui a di-
rigé des sessions d'assises nous a paru méri-
ter d'être reproduite.
DRAME CONJUGAL
Rodez, 13 septembre.
Un double homicide a été commis hier soir à la
Terrisse, canton de Sainte-Geneviève.
Le nommé Jean Boulet, cantonnier à Saint-Chély-
d'Apcher, avait fait condamner pour adultère sa
femme, Mélanie Pougnet, et l'amant de celle-ci,
nommé également Boulet mais sans aucun lien de
parenté avec le cantonnier.
Malgré cette condamnation, les époux Boulet
avaient repris la vie commune. Mais hier, le can-
tonnier, avant de nouveau surpris les deux amants
en flagrant délit, les tua tous les deux.
Le parquet d'ïEtspalion s'est transporté dans la
soirée sur le 're du drame.
LA VIE DE PARIS
Le compositeur de musique M. Emma-
nuel Chabrier, qui vient de mourir, a suc-
combé, assez jeune encore, à cet horrible
mal de la paralysie générale qui, depuis
quelque temps, faisait souhaiter pour lui
que la mort vînt le délivrer de ses souf-
frances. Il n'était pas très âgé encore,
étant né en 1842. C'était une de mes plus
anciennes camaraderies de Paris. A peu
près du même âge, nous nous connûmes
au quartier Latin, moi étudiant qui n'al-
lait pas très souvent à l'Ecole de droit, lui
employé au ministère de l'intérieur, tout
en faisant aussi son droit.
Son cousin, M. Cornil, aujourd'hui sé-
nateur et professeur à l'Ecole de médecine,
mon ami, étudiant comme nous, nous fît
connaître l'un à l'autre. Nous avions cha-
cun, hors de nos études, notre marotte.
Cornil dessinait, Chabrier jouait du piano,
je faisais des vers. A vingt-quatre heu-
res de distance, Chabrier perdit son père
et sa mère, qui lui laissèrent de l'aisance.
Il en profita surtout pour pousser plus
avant ses études musicales. De ce jour il
commença la curieuse collection d'instru-
ments de musique qu'il a, je pense, con-
servée et augmentée. Il se maria assez
jeune et, dès lors, vécut assez retiré. Il y
avait en lui un fond de tristesse qui l'éloi-
.gnait du monde, où il ne paraissait que
par intervalles, s'y montrant alors d'une
gaîté exubérante. Etat d'esprit assez bi-
zarre, peut-être précurseur du mal qui de-
vait le frapper.
E. Chabrier était un admirable virtuose.
C'était plaisir d'entendre son jeu, extraor-
dinairement brillant, quand on pouvait le
décider à s'asseoir devant un piano. Car,
sars aller aussi loin que Reyer, il ne fai-
sait pas cas de son talent d'instrumentiste
et il voulait être un compositeur et non un
exécutant. On peut trouver dans les com-
positions de Chabrier le même contraste
que dans son caractère : il fut à la fois
un écrivain de musique très sévère, imbu
des idées de Wagner, quoiqu'il ne les ait
jamais appliquées qu'avec beaucoup de ré-
serves, et un compositeur fantaisiste qui
ne dédaignait pas les joyeusetés les plus
outrées de l'opérette.
Certaines compositions de lui, gardées
pour l'intimité, sont des farces très gaies.
Il débuta en 1877, aux Bounes-Parisiens,
par un petit opéra-bouffe en trois actes,
l'Etoile, qui réussit assez bien. Au même
théâtre, je crois, il donna plus tard un
acte d'opérette, l'Education manquée.
Mais l'évolution s'était faite dans son es-
prit et dans son talent, et en 1886 il
donna à Bruxelles son opéra de Gwendo-
line. Le succès fut assez grand pour qu'on
pût s'étonner une fois de plus .que les mu-
siciens français aient besoin de passer la
frontière pour se faire jouer. Gwendollne
fut d'ailleurs par la suite jouée à l'Opéra.
A l'Opéra-Comique, trois jours avant
l'incendie de la salle, on avait représenté
le Roi malgré lui. Le sinistre qui vint in-
terrompre les représentations de ces trois
actes frappa vivement l'esprit de Chabrier.
Il eut cependant la satisfaction de connaître
de grands succès aux concerts Lamou-
reux. Il était entré dans la maison comme
chef des chœurs. Ce fut lui qui fit jouer
Tristan et Iseult, et il donna de son
cru la Sulamite, sorte d'héroïde et de
cantate dont M. Richepin écrivit les vers,
et la valse-concerto Espana, qui fut le
plus populaire de ses ouvrages.
Quand la maladie est venue atteindre
Chabrier, ce très laborieux musicien (mal-
gré ses périodes de paresse) avait en train
plusieurs ouvrages. On cite un opéra-co-
mique, les Muscadins, tiré du roman et
du drame de M. Claretie, et surtout une
Briséis ou la Fiancée de Corinthe, d'a-
près le drame de Gœthe. J'avais moi-
même esquissé une collaboration avec
Chabrier. En 1867, il me demanda un
livret d'opéra et je lui donnai deux ou
trois actes et un scénario d'un Jean
Hunyade. La guerre, les voyages, nous
firent abandonner et perdre de vue cette
œuvre que j'avais oubliée et que la mort
de Chabrier me rappelle tristement. Il
l'avait poussée assez avant. Des frag-
ments assez considérables s'en retrouvent
dans Gwendoline et, paraît-il, dans Bri-
séis.
Chabrier était un musicien très savant,
capable des tâches les plus ardues. Mais
il avait surtout le goût, la passion du pit-
toresque et do la couleur. C'est pour cela
que le sujet de Jean Hunyade l'avait sé-
duit par le contraste des milieux. Il y avait
une partie idyllique se passant à la cam-
pagne, des scènes orientales au harem, et
le grand fracas chevaleresque et militaire
dans le camp des cavaliers hongrois. Je
regrette, à parler franc, que l'œuvre ait été
interrompue. Mais c'est la mélancolie des
existences agitées (et celle de Chabrier, si
calme en apparence, fut toujours tourmen-
tée par sa mauvaise santé), qu'on y trouve
toujours des rêves irréalisés, des projets
par centaines, des entreprises abandon-
nées.
Malgré la très belle notoriété que Cha-
brier s'était faite dans le monde musical,
apprécié en Allemagne autant qu'en
France, je crois.qu'il n'a pas pu donner sa
mesure. C'est un malheur commun à
beaucoup de musiciens et qui tient, pour
une grande part, à la difficulté qu'ils trou-
vent à se faire jouer à Paris. L'opéra,
avec ses coûteuses splendeurs, est une
trop grosse affaire. Tandis que presque
partout un opéra peut être monté comme
on monte un drame, à Paris les frais sont
tels que rien ne saurait être lâché à l'im-
prévu.
Pour monter un opéra d'un composi-
teur, on veut qu'il ait un nom connu du
public, alors que cette notoriété ne peut
lui venir que de l'opéra même. C'est un
cercle vicieux. Pour vous faire connaître,
dit-on à nos musiciens, il faut que vous
soyez déjà connus t Ceci arrête, décou-
rage bien des bonnes volontés. Il est bien
fâcheux qu'il n'y ait pas à Paris un théâ-
tre de musique, comme fut le Théâtre-
Lyritjue autrefois, où le public, moins exi-
geant pour la mise en scène, pourrait être
appelé à entendre les œuvres desjeunest
musiciens. A eux, comme aux auteurs
dramatiques, l'expérience de la scène est
nécessaire. Où peuvent-ils l'acquérir?
Chabrier, comme la plupart des musi-
ciens contemporains qui restent, en che-
veux blancs, des « jeunes musiciens»,
c'est-à-dire des musiciens peu joués, souf-
frit beaucoup de cette difficulté qu'éprou-
vent les compositeurs à aborder le grand
public. Qui sait si, Gwendoline ayant
trouvé accueil à l'Opéra vingt ans plus tôt,
son auteur n'eût pas écrit bien d'autres
œuvres et acquis une renommée plus
grande que celle qu'il laisse en mou-
rant?
Henry Pouquier.
MORT DE M. E. CHABRIER
On annonce la mort de M. Emmanuel Cha-
brier, l'éminent compositeur, qui a succombé
hier matin, à Paris, à la paralysie générale
dont il était atteint depuis longtemps déjà.
On a de lui l'Etoile, opérette jouée aux
Bouffes-Parisiens, le Roi malgré lui, opéra-
comique joué rue Favart, trois jours avant
l'incendie, Gwendoline, représentee à l'Opéra
après avoir été donnée avec succès sur plu-
sieurs théâtres allemands.
Il laisse un drame lyrique en trois actes;
non terminé, ayant pour titre Briséis ou la,
Fiancée de Corinthe, d'après Gœthe.
Emmanuel Chabrier était né à Ambert en
janvier 1841. Il fit son droit à Paris, puis
entra au ministère de l'intérieur où il resta;
seize ans comme employé.
En 1881 il entra en qualité de chef des
chœurs aux concerts organisés par Charles
Lamoureux et il y dirigea les deux actes
donnés à ce moment en entier, de Tristan et
Iseult.
L'année suivante, au retour d'un voyage
en Espagne, il écrivit Espana, la célèbre
valse. Puis vint laSulamite, paroles de Riche-
pin, et l'Ode à la musique.
Chabrier avait, en outre, commencé plu-
sieurs opéras ou opéras-comiques, notam
ment les Muscadins dont le livret est de M,
Jules Claretie, une petite opérette dix-hui-
tième siècle en collaboration avec M. Paul
Verlaine, le Sabbat, opéra-comique en un
acte sur un livret d'Armand Silvestre, Jean
Hunyade, œuvre à laquelle il collabora avec
M. Henry Fouquier en 1867.
ACCIDENT DE CHEMIN DE FER
Versailles, 13 septembre.
Cette nuit, le train 45, composé de douze voiturest
et conduit par le mécanicien Vivier, arrivant da
Paris frïve droite.) à minuit dix-sept, a violemment
tamponné le butoir du quai en entrant en gare.
Dans le choc qui en est résulté, trois perElonnelf
ont reçu des contusions à la tête; ce sont. MM. le
capitaine Lefebvre, du 22* d'artillerie, Le Boulch,
éditeur de musique à Versailles, et une dame dont
le nom est reste inconnu.
LA CATASTROPHE D'APPILLY
L'enquête du parquet. - La compa-
gnie responsable. — Les victimes.
Non seulement l'avis de la population d'Apt
pilly et des employés du chemin de fer da
Nord des gares environnantes est unanime
pour déclarer la compagnie responsable de
l'erreur commise par le malheureux M. Bou-
bay, mais l'avis du parquet de Compiègne
est identique.
Depuis deux jours M. Gillard, substitut,
procède à une minutieuse enquête et il en
ressort les choses intéressantes que voici :
1° Confirmation de ce que nous avons dit
au sujet des multiples besognes dont était
chargé M. Boubay, lampiste, caissier, télé-
graphiste, garde excentrique, en même temps
que chef de gare.
2o Il a été établi d'une façon péremptoire
que M. Boubay, en engageant une machine
de manœuvre sur la voie que suivait le train
115, ne commettait pas une imprudence si
grande que la compagnie le prétend. Il devait
y aller chercher deux wagons de marchan-
dises, et il était à un mètre d'une voie de dé-
gagement quand le choc s'est produit. Cela
ressort de la déposition du chauffeur Cordon-
nier du train 115, qui, vingt-cinq mètres en-
core avant que la collision eût lieu, croyait
qu'elle ne se produirait pas, la machine de,
manœuvre étant sur le point de quitter la voie
principale.
pr Cette machine n'a d'aiaeurs été quefileuréô
et fort peu endommagée.
M. Gillard, tout en admettant que M. Bou-
bay a contrevenu aux règlements, a terminé
son premier rapport adressé au procureur gé,
néral par cette conclusion : que M. Boubay a
été obligé par les exigences du service d'agie
ainsi qu'il l'a fait et qu'il y a une part de res-
ponsabilité à attribuer à la compagnie du
Nord.
A l'occasion des poursuites dont M. Boubay
fut l'objet il y a quelques mois, poursuites
qui se terminèrent, nous l'avons dit, par un
acquittement, le maire d'Appilly écrivit -plu-
sieurs fois au conseil d'administration de la
compagnie pour appeler son attention sur
l'organisation défectueuse de la station d'Ap-
pilly, sur l'insuffisance du personnel et sur
les dangers à redouter.
Ces lettres restèrent sans effet et aujour-
d'hui qu'on les lui rappelle, la compagnie
pour toute défense, répond que si M. Boubay,
était surmené, il n'avait qu'à se plaindre lui-
même. Elle se propose aussi de faire pour-,
suivre une malheureuse garde-barrière de
service à un passage à niveau situé quel-*
ques mètres avant la gare d'Appilly, qui
n'aurait pas agité son drapeau rouge au pas-
sage du train 115, qu'elle devait voir en dan-
ger.
Tout cela constitue une bien piteuse jus«
tification. L
Aussi piteuse est la justification de la com-
pagnie en ce qui concerne la façon dont
les blessés ont été secourus. Non seule-
ment il n'y avait rien pour les panser dans
les boîtes de secours que les règlements obli-
gent les compagnies de chemins de fer à tenir
garnies de tout ce qu'il faut pour donner lea
premiers soins aux victimes d'un accident
quelconque, mais encore la préoccupation
principale des agents de la compagnie a été
d'opérer le sauvetage du matériel avant celui
des malheureux qui se trouvaient dessous.
Ce n'est pas notre opinion que nous donnons
ici, mais celle de M. Gillard, substitut du pro-
cureur de la République au parquet de Corn*
piègne. Cet honorable magistrat a été indigni
de la façon dont les ingénieurs de la compa-
gnie ont agi en la circonstance. L'un d'eux,
sur son observation qu'il mettait plus de zèle
à sauver des débris de compartiments qu'a
retirer les blessés qui se trouvaient dessous.
a osé lui répondre que c'est ainsi que ça de*
vait être.
La compagnie, appelée & s'expliquer aujou»
d'hui sur une aussi grave accusation, Tépootf
T 1G1 VïVK OîîPPï P
ii £ 1 À1A ulluLIi
RCNCTtfR ET lOffVfffSTRfnM
142, Rue MontmartM
PàBB
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOUARD PORTALIS
rtili Iinmi i télégraphique: XIX. BlfeOUK—PAXSB
Téléphone: 20.289 biu
AmmittÉm
Cbmt KM. LAGRANGE, CBRP * 01
6, place dt la Btntrtt, g
ABONNEMENTS
Paris. Irtis Bois, 61.; Il loiI, il f.; III I*,
Départements — 7 f.; — 12 f.; — 24 £ £
Union Postale - 91.; — 161.; - 33g
Lss Abonnements sont reçus sans frais 48118
loua les Bureaux de Poste.
LES COUPABLES
Les morts vont vite. Pas si vite peut-
être qu'il- ne nous soit permis de
revenir sur cette sinistre catastrophe
d'Appilly, épisode d'une série qui, de-
puis longtemps ouverte, ne parait pas
près, hélas ! de se clore.
Nous lisions, hier, dans un grave
journal, ces lignes pleines d'une déli-
cieuse ironie : « La Compagnie du Nord
attend avec confiance le résultat de l'en-
quête faite par les soins du ministère
des travaux publics. »
Je comprends, en effet, que les gros
bonnets de la compagnie soient sans in-
quiétude sur les résultats d'une enquête
conduite par les ingénieurs du con-
trôle. Les « chers camarades » ne se
mangent pas entre eux.
Est-ce à dire que rien ne sera fait?
A quoi pensez-vous ? M. Barthou ne le
souffrirait pas.
La justice informe et déjà elle a dé-
couvert des charges graves contre une
garde-barrière. La malheureuse sera
poursuivie, n'en doutez pas, et elle ap-
prendra à ses dépens qu'il y a des ju-
ges en France.
De qui se moquê-t-on et qui espère-t-
on tromper par cette comédie ?
On connaît les auteurs responsables
de la catastrophe d'Appilly. On ne les
poursuivra pas. Ils continueront à jouir,
sous l'œil bienveillant de M. le minis-
tre de la justice et de son collègue des
travaux publics, de l'impunité tran-
quille qui est la récompense méritée
des amis du gouvernement.
Lisez ces attendus d'un jugement que
le tribunal de Compiègne rendait, il n'y
a pas longtemps—le 13 mars dernier—
dans un procès intenté pour homicide
par imprudence contre le malheureux
chef de gare d'Appilly qui fut acquitté.
« Attendu que Boubay est l'unique
» agent de la compagnie à la station
» d'Appilly et qu'en cette qualité il doit
2 seul faire face aux multiples exigen-
» ces de son service ;
» Attendu qu'encore bien qu'on puisse
» légitimement reprocher à la com-
yrpagnie de n'avoir qu'un personnel
» insuffisant, ce grief, loin d'aggraver
» les responsabilités pénales de Bou-
» bay, ne peut au contraire que les
» atténuer. »
Eh bien ! que faisaient donc les
« chers camarades » du contrôle, en
mars dernier ? Ils ne contrôlaient donc
pas ? Ou s'ils ont rempli leur devoir et
signalé au ministère cet intéressant ju-
* gement, qu'a-t-on fait du rapport dans
les bureaux ?
La Compagnie du Nord a-t-elle été
officiellement mise en demeure de remé-
dier à un état de choses si périlleux ?
Aussi bien elle n'ignorait pas la si-
tuation. Le maire d'Appilly la lui avait
dénoncée à maintes reprises.
Elle fait aujourd'hui plaider les cir-
constances atténuantes ; elle déclare que
le chef de gare n'avait jamais réclamé
un aide. Parbleu ! Comme on connaît
ses saints, on les honore. Il préféra ris-
quer chaque jour sa vie que de provo-
quer sa mise à la retraite par une de-
mande d'ailleurs inutile, puisque les.
grand chefs, au courant de tout, ne bou-
geaient pas.
Aujourd'hui, ils vont sans doute se
remuer. Une marchande de pommes
écrasée, cela ne valait pas la peine
qu'on s'émût. Un express qui déraille,
cinq personnes tuées, cela fait du bruit
dans la presse. On adjoindra un aide
au successeur de M." Boubay, on distri-
buera quelques indemnités prises sur
les larges bénéfices réalisés au dépens
de la sécurité du public, et tout sera
dit.
Pardon, M. le ministre de la justice,
et vous, est-ce que vous n'aurez pas vo-
tre petit mot à dire? Entre une arresta-
tion de citoyen paisible, dénoncé comme
anarchiste, et une poursuite contre un
journaliste, priez donc votre procureur
de relire le code pénal. Il y trouvera
un article qui punit l'homicide par im-
prudence.
Dites-lui donc, à votre procureur, que
cet article s'applique à tout le monde,
même aux membres du conseil d'admi-
nistration du chemin de fer du Nord.
Il sera peut-être surpris, mais il obéira.
Que me répondez-vous? Que le pré-
sident de la République s'appelle Casi-
mir-Perier.
Ah ! vous m'en direz tant !
A. Millerand.
LA
RETRAITE DU COMTE D'HAUSSONVILLE
La mort du comte de Paris va naturelle-
ment avoir pour effet de faire changer de
main la direction du parti royaliste.
M. le comte d'Haussonville qui avait suc-
cédé il y a quelques années à M. Bocher à la
tête du parti, est d'ores et déjà démisslQnnai.
- Le Gaulois l'annonce en ces tsïines ;
« Monsieur le duc d'Orléans, désirant gar-
der toute la direction de son parti, a accepté
la démission que lui avait offerte le comte
d'Haussonville, tout en lui exprimant sa re-
connaissance pour les services qu'il avait
rendus à la cause et à son père. »
Puis il ajoute que « toutes les personnes
du service d'honneur de M. le comte de Paris
ont donné leur démission, suivant l'usage,
pour rendre au prince toute sa liberté d'ac-
tion », et qu' « on croit que M. le duc d'Or-
léans choisira ses conseillers parmi les per-
sonnes qui ont figuré au dîner qu'il a offert
mercredi soir à Grosvenor-hotel, avec quel-
ques autres, tels que le duc Decazes ».
Or, voici les noms des convives qui assis-
taient à ce repas, en dehors du comte d'Eu,
du duc d'Alençon, de l'infant don Antonio,
du prince Emmanuel d'Orléans et de trois au-
tres princes étrangers :
Duc de Luynes, duc de Broglie, duc Decazes,
d'Audiffret-Pasquier, M. Bocher, duc de Doudeau-
ville, M. Buffet, marquis de Lasteyrie, général
de Gharette, marquis d'Harcourt, M. de Caze-
nove de Pradines M. Hervé, général Humann,
comte de Chevilly, colonel de Parseval, comte
de Saporta, baron de Fonscolombe, comte de
Bourbon-Lignières, M. La Chambre, M. Amédée
Dufaure, baron de Chabaud la Tour, M. de Witt,
M. Emmanuel Bocher, comte Gonzague Costa de
Beauregard, M. Calla, M. Dufeuille, le docteur Ré-
camier et M. Eugène Schneider.
On ne voit pas précisément à la lecture
de cette liste quels sont les, nouveaux éléments
sur lesquels peut compter le duc d'Orléans
pour donner à la politique royaliste cette
orientation nouvelle dont on a tant parlé.
MOUVEMENT ADMINISTRATIF
Le Journal officiel publie ce matin le mou-
vement administratif suivant :
M. Hoger, préfet de la Corrèze, est nommé préfet
de l'Isère, en remplacement de M. Robert dont la
démission est acceptée.
M. Pascal, sous-préfet de Coutances, est nommé
préfet de la Corrèze.
M. Bonhoure, sous-préfet de Sisteron, est nommé
sous-préfet de Poligny.
M. Regnault. sous-préfet de Vienne, est nommé
sous-préfet de Coutances.
M. Germont, sous-préfet de Poligny, est nommé
sous-préfet de Sancerre, en remplacement de M.
Leygue, mis en disponibilité sur sa demande.
M. Nicolet, secrétaire général du Puy-de-Dôme,
est nommé sous-préfet de Vienne.
M. Beaucaire, ancien conseiller de préfecture du
Nard, ancien sous-chef de cabinet du ministre de
l'intérieur, est nommé secrétaire général de la pré-
fecture du Puy-de-Dôme.
M. Renault, conseiller de préfecture de la Vendée,
est nommé conseiller de préfecture de l'Ain, en
remplacement de M. Larozc, précédemment appelé,
sur sa demande, à d'autres fonctions.
M. Laforest, licencié en droit, est nommé con-
seiller de préfecture de la Vendée.
M. Dupràz, conseiller général, est nommé sous-
préfet de. Sisteron.
LE REFUS DÈ M. WHLOECK-ROUSSEAU
Une élection sénatoriale va avoir lieu dans
la Loire pour remplacer M. de la Berge. La
candidature de M. Waldeck-Rousseau, ancien
député d'Ille-et-Vilaine, ancien ministre de
l'intérieur dans le cabinet Jules Ferry, est
adoptée par la grande majorité des délégués
sénatoriaux. Si l'éminent avocat se présente,
il sera, nous dit-on, élu au premier tour.
Mais M. Waldeck-Rousseau ne se présen-
tera pas, malgré l'enthousiasme que son nom
a soulevé dans le département.
Un de ses amis nous disait hier : « Il en a
eu l'intention, mais il s'est ravisé. Le mo-
ment ne lui paraît pas encore venu de ren-
trer dans la politique. »
M. Waldeck-Rousseau est actuellement en
villégiature dans la Haute-Loire où il possède
des propriétés.
M. CHARLES DUPUY A CHATEAUQUN
Plusieurs journaux ont annoncé hier soir
que le président du conseil accompagnerait
le président de la République, les 18, 19 et 20,
aux manœuvres de forteresse et aux manœu-
vres de la Beauce.
Le voyage de M. Charles Dupuy n'est pas
aussi certain que cela, son état de santé lais-
sant beaucoup à désirer. Depuis son retour
d'Ille-sur-Têt, le président du conseil n'a pas
quitté la chambre, il n'a pas reçu dans
son cabinet; hier encore, il a présidé le con-
seil de cabinet dans son appartement particu-
lier.
Ajoutons que les amis de M. Dupuy qui
ont pu le voir depuis son arrivée à Paris ne
sont pas sans être inquiets sur la persistance
des coliques néphrétiques du chef du gouver-
nement.
L'ENQUÊTE SUR LA MARINE
La délégation de la commission extraparle-
mentaire de la marine que préside M. Bou-
chard, président de chambre à la cour des
comptes, quittera Paris ]e 18 septembre pour
commencer son enquête par le port de Cher-
bourg où elle arrivera le 20. Les délégués vi-
siteront successivement Brest et Lorient; ils
seront à Rochefort le 13 octobre.
•Puisque nous parlons de l'enquête sur la
marine, ajoutons que la commission extra-
parlementaire sera invitée, par la voie parle-
mentaire, à déposer son rapport général avant
la discussion du budget de la marine.
LA MISSION MTE!L
M. Delcassé vient d'être avisé que le lieu-
tenant-colonel Monteil, chargé du comman-
dement de la colonne qui doit protéger Kong
et barrer la route à Samory a débarqué hier
à Gfand-Bassam.
La plus grande partie des troupes amenées
par lui au Congo sera dirigée vers leM'Bomou
où elle renforcera les troupes du commandant
Decazes. Déjà une premièra compagnie a
quitté Loango depuis deux semaines et elle
ne tardera sans doute pas à atteindre Braz.
zaville d'où elle gagnera les Abiras par le
Congo et l'Oubanghi.
La construction de la ligne télégraphique
de Loango à Brazzaville sera poussée très ac-
tivement.
ammmaBsa^Bamataai
LA CHAMBRE & L'ACCIDENT D'APPILLY
On annonce que MM. Pelletan et Bazille ont
l'intention de déposer, dès la rentrée des
Chambres, un projet de loi sur le contrôle des
chemins de fer. Ces députés considèrent que
la mauvaise organisation du contrôle est la
cause principale du terrible accident d'Ap-
pilly.
D'autre part nous apprenons que M. Louis
Lacombe, député de l'Aveyron, compte inter-
peller le ministre des travaux publics au sujet
de cet accident. M. Lacombe visera égâlêZuêni,
celui qui s'est produit récemment dans sa
région sur la ligne de Béziers à Rodez.
La thèse de M. Lacombe porte sur la situa-
tion faite par les compagoj.es aux petits em-
ployés et, natureuem^îi" sur i insumsance du
L service de contres;
A LA VILLETTE
LES BOUCHERS MÈCONTENTS
Les taxes aux abattoirs. — Un vote du
conseil municipal. — L'arrêté du
préfet de la Seine. — La résis-
tance des bouchers.
Les bouchers en gros s'agitent beaucoup
depuis quelques jours. Ils se réunissent, dis-
cutent, nomment des délégués, envoient du
papier timbré au préfet de la Seine. Bref,
les abattoirs sont presque en révolution. La
cause ? Elle n'est pas neuve. Les lecteurs du
XIXe Siècle la connaissent bien. Il s'agit tou-
jours des taxes que le conseil municipal veut
percevoir sur les bouchers en gros des abat-
toirs et contre l'application desquelles ils
protestent.
Il y a trois ans que l'affaire traîne. A cette
époque on s'aperçut au conseil municipal
que le marché aux bestiaux de la Villette n'é-
tait pas florissant. Ses recettes baissaient.
Quelques conseillers prétendirent que si les
recettent diminuaient, la raison en était dans
l'habitude piise de faire arriver directement
le bétail par les abattoirs pour le conduire
aux échaudoirs, c'est-à-dire aux tueries, sans
passer par le marché. De cette façon, le paye-
ment de la taxe due par les animaux entrant
au marché de la Villette était évité. Pour pa-
rer aux dangers financiers de cette fraude, le
conseil municipal, sur le rapport de M. Fous-
sier, décida que les bouchers des abbatoirs
payeraient une taxe par cent kilos de viande
abattue : on l'appela la surtaxe d'abatage
ou taxe d'equivalence.
Puis, du même coup, pour augmenter la
recette qu'elle donnerait, l'assemblé commu-
nale décida que les échaudoirs, qui, jusqu'à
cette époque, revenaient aux maîtres-ouvriers
par rang d'ancienneté, seraient mis en adju-
dication.
LA RÉSISTANCE
Les bouchers en gros crièrent. Ils contestè-
rent au conseil municipal le droit de prendre
cette double mesure ; ils firent tant et si bien
que la délibération première du conseil mu-
nicipal ne fut pas appliquée et que, le 1er dé-
cembre 1893, M. Foussier faisait renoncer ses
collègues à la mise en adjudication des échau-
doirs et transformait la surtaxe d'abatage
aux cent kilos en une taxe par tête d'animal,
dite taxe de marché, pour l'occupation des
échaudoirs servant à la vente.
Les bouchers ne se montrèrent pas encore
satisfaits. Ils continuèrent à crier à l'illéga-
lité. Une commission extra-municipale exa-
mina leurs plaintes. Elle émit un avis favo-
rable à la délibération du conseil municipal
dans sa séance du 5 juin 1894.
S'appuyant sur cette délibération et sur cet
avis, le préfet de la Seine prenait ces jours-ci
un arrêté conforme. C'est cet arrêté qui a mis
le feu aux poudres. -
Le premier mouvement des bouchers en
gros fut tout de révolte. Le plus grand nom-
bre d'entre eux déclaraient qu'ils ne paye-
raient pas la taxe, dussent-ils être poursui-
vis. Peu à peu les cerveaux échauffés se sont
calmés et l'on discute aujourd'hui plus posé-
ment.
« Nous sommes forts de notre droit, nous
disait hier un des membres de la chambre
syndicale de la boucherie en gros. L'arrêté du
préfet de la Seine viole les lois et décrets qui
régissent les abattoirs. Ces textes sont for-
mels. La loi de 1846 a établi la perception des
taxes au poids et non à la tête, et c'est la
logique, car il est inadmissible de faire
payer la même taxe à un bœuf de 100 kilos
qu'à un autre de 600. D'ailleurs, le principe
posé par le législateur en matière de création
d'abattoir reste entier : « L'abattoir ne doit
jamais 6Le la source de bénéfices ou de re-
venus pour la commune ou la ville.
» Nous lutterons donc à outrance contre la
mesure arbitraire qui nous atteint. La majo-
rité de mes collègues s'est déclarée hostile à
l'idée de refuser le payement de la taxe. Cette
idée ne leur a pas paru pratique. Nous allons
épuiser tous les moyens légaux, comme nous
l'a conseillé notre avocat, Me Comby. Les
bouchers au détail nous appuient ; nous
sommes assurés de leur concours absolu.
Nous avons introduit devant le conseil d'Etat
un recours en annulation de l'arrêté portant
la nouvelle tarification des échaudoirs.
ENVOI DE PAPIER TIMBRÉ
AU PRÉFET
» En même temps, nous adressions la pro-
testation suivante à M. le préfet de la Seine,
par ministère d'huissier :
« L'an mil huit cent quatre-vingt-quatorze, le
» dix-huit août, à la requête du syndicat des mar-
» chands bouchers en gros, dont le siège social est
» à Paris, rue de Flandre, 176.
» Pour lequel domicile est élu à Paris, rue de
» Harlay-au- Palais, noZS, en l'étudedeMeAdaixi,
» avoué prés le tribunal civil de la Seine, j'ai.
»
» soussigné signifié, dit et déclaré à M. le préfet
» de la Seine, au nom et comme représentant la
» ville de Paris, en ses bureaux, sis même ville,
» Hôtel de Ville, où étantet parlant à
» que le syndicat requérant, proteste énergique-
» ment contre l'arrêté rendu par M. le préfet de la
» Seine, le trois août 1894, fixant une taxe de
» soixante-quinze centimes (0,75) par bœuf, vingt-
» cinq centimes (0,25) par veau, et cinq centimes
» (0,05) par mouton entrant aux abattoirs de Paris,
» sis à Grenelle, la Villette et Villejuif, dans les
» échaudoirs réservés pour la vente en gros;
» Quo l'arrêté sus-énoncé est illégal, qu'il est basé
a sur uhe délibération du conseil municipal de la
» ville de Paris du premier décembre 1893, laquelle
» devait être soumise à l'approbation du conseil
» d'Etat, puisqu'elle créait une taxe nouvelle frap-
» pant les abattoirs ;
« Qu'en conséquence, le syndicat vient déclarer
» par les présentes que ses membres entendent
» payer et ne payeront ladite taxe qui comme con-
» traints et forcés, se réservant d'attaquer ledit
» arrêté par toutes les voies et moyens de droit et de
» saisir toutes juridictions compétentes.
» Sons toutes réserves.
» A ce qu'il n'en ignore.
» Et je lui ai. étant et parlant comma dessus,
» laissé copie du présent. »
Ainsi parlent et agissent les bouchers en
gros de la Villette.
Au conseil municipal, on répond à toutes ces
protestations que les abattoirs ne sont pas
restés ce qu'ils étaient primitivement : un lieu
où les bouchers venaient eux-mêmes tuer les
animaux qu'ils détaillaient ensuite.
Aujourd'hui, les occupants des échaudoirs
ne servent pas seulement d'intermédiaires aux.
bouchers de détail pour l'abattage des ani-
maux, ils sont encore et avant tout des mar-
chands en gros.
L'abattoir se trouve double d'un marché à
la viande. Et ce marché, la ville de Paris a
parfaitement le droit — nul ne le contesterait
sérieusement — de frapper d'une taxe de lo-
cation ceux qui l'occupent.
Tels sont les arguments présentés de part
et d'autre. Nous souhaitons que les consom-
mateurs n'aient pas à souffrir de ce conflit.
LE CONGRÈS DE LA BOUCHERIE
Un congrès de la boucherie française se tiendra
à Paris du lundi 22 octobre au vendredi 26 inclus.
A l'ordre du jour sont inscrites les questions re-
latives à l'abrogation de la loi du 19-22 juillet
1791 sur la taxe de la viande et à l'application arbi-
traire du décret du 1er août 1864 sur les taxes
d'abatage, à la création de boucheries militaires,
la réglementation des fournitures de viandes aux
troupes, etc.
Un grand banquet offert par la boucherie pari-
sienne clôturera les travaux de ce congrès.
LES CANDIDATS DE NOGENT
MM. Bachimont et Robert, candidats à
l'élection de Nogent-sur-Seine, viennent d'a-
dresser une circulaire aux électeurs en vue
du second tour de scrutin, le 23 septembre.
Le candidat officiel de toutes les réactions, dit
M. Bachimont, a été battu par une majorité de
500 voix.
Votre verdict est significatif.
Il me fait un devoir de rester au poste de com-
bat où votre confiance vient de me placer.
Au scrutin de ballottage du 23 septembre, for-
tifiés par le même désir de servir, la cause de la
démocratie, vous manifesterez avec plus d'intensité
encore votre profonde conviction en faveur de
cette République que nous aimons avec tant d'ar-
deur et que nous voudrions voir prospère et fé-
conde.
Unissons-nous donc pour la défendre contre tous
ses adversaires, masqués ou non, qui veulent la
rapetisser à l'égal de la monarchie et qui repous-
sent de parti pris ou par intérêt toutes les réformes
sur lesquelles vous aviez le droit de compter.
Dans l'appel de M. Robert nous trouvons
les lignes suivantes :
Je vous remercie donc, cultivateurs, qui savez
que dès la rentrée des Chambres je demanderai les
mesures nécessaires pour mettre le blé à 25 francs,
ainsi que le dégrèvement de l'impôt foncier, le
droit sur les laines étrangères et le payement par
l'Etat du traitement des maîtresses de couture des
écoles mixtes qui obère actuellement le budget de
nos communes les plus pauvres.
Je vous remercie donc, ouvriers de la bonneterie
et de nos autres industries champenoises, qui vous
êtes rappelé que j'ai toujours soutenu les syndicats
professionnels, la loi de mon ami Bovier-Lapierre,
la participation aux bénéfices, la loi en faveur des
agents commissionnés des chemins de fer, l'aug-
mentation des subventions de l'Etat aux sociétes
de secours mutuels, les retraites des invalides du
travail, et toutes les réformes démocratiques de na-
ture à amener le relèvement des salaires et à les
mettre mieux en rapport avec les nécessités do la
vie moderne.
La France regarde l'arrondissement de Nogent-
sur-Seine. Son vote du 23 septembre, completant
celui du 9, attestera sa fidélité aux traditions de
l'arrondissement, à son idéal de patriotisme, de
justice et de liberté. Il aura, une fois de plus, af-
firmé cette orientation politique qui est la sienne,
dont s'honore et que suit la nation.
Il est bon d'ajouter que M. Pedron candi-
dat ouvrier, s'est désisté en faveur de M. Ba-
chimont.
LES JURYS D'APPEL
Opinion d'un magistrat
lie rejet par la cour suprême du pourvoi du
docteur Laffitte, condamné, quoique innocent,
par la cour d'assises de Seine-et-Oise à trois
ans de prison pour complicité d'avortement,
va remettre en discussion, dans la presse, la
question de l'appel en matière de crimes sou-
mis à la juridiction du jury.
Aujourd'hui, en effet, le docteur Laffitte est
définitivement condamné à trois ans de pri-
son. Il n'y a, d'une façon absolue, aucun
moyen légal d'annuler cette condamnation
inique.
Aussitôt après 4e prononcé du verdict de
culpabilité par les jurés de Seine-et-Oise, il
était loisible à la cour, si, conformément au
texte de l'article 352 du code d'instruction
criminelle « elle eût été convaincue que les ju-
rés, tout en observant les formes, s'étaient
trompés au fond », de déclarer qu'il était sur-
sis au jugement et de renvoyer l'affaire à la
session suivante. Tout alors aurait été remis
en question.
Mais la cour d'assises de Seine-et-Oise
n'ayant pas cru devoir appliquer l'article 302
du code d'instruction criminelle et la cham-
bre criminelle de la cour suprême venant de
rejeter le pourvoi, il n'y a plus actuellement,
nous le répétons, de voie légale pour faire in-
firmer l'arrêt injuste qui a condamné le doc-
teur Laffitte à trois ans de prison.
C'est là, on le reconnaîtra facilement, une
terrible lacune dans notre droit pénal. Aussi
la question de l'appel en matière criminelle
est-elle puissamment à l'ordre du jour.
Un magistrat très distingué, qu'hier,au sor-
tir de l'audience de la cour suprême, nous in-
terrogions à ce sujet, nous a fait cette subs-
tantielle déclaration :
« Je suis absolument d'avis — et tout le
monde pense comme moi — que le droit de
faire appel doit appartenir aussi bien à l'in-
dividti condamné en cour d'assises à la peine
de mort, qu'à celui qui a été frappé par le
tribunal de simple police de trois jours d'em-
prisonnement seulement. Mais comment,
en se conformant aux principes généraux qui
ont présidé à l'organisation du jury, consti-
tuer une juridiction d'appel en matière crimi-
nelle?
» D'après moi, le procédé serait bien
simp'e.
» Tout d'abord, avec quelques modifica-
tions au jury actuel, on ferait de lui le jury
de première instance, un jury composé de six
membres seulement.
» Quant au jury d'appel, il devrait natu-
rellement. être, en théorie tout au moins,
d'une composition supérieure au jury de pre-
mière instance. Cette supériorité, on essaye-
rait de l'obtenir :
» 1:JEn fixant à douze le nombre des jurés
appelés à siéger ;
» 20 En prenant la fleur du panier des ju-
rés actuels.
» Je ne me dissimule pas qu'on se heurte-
rait à certaines difficultés pour faire un choix
judicieux de cette fleur du panier. Mais on
pourrait, afin de tentur de diminuer le plus
possible les chances d'erreur, ? prendre en
considération, par exemple, les titres univer-
sitaires et surtout les situations occupées.
De cette façon, après quelques tâtonnements,
on arriverait à constituer un jury d'apper
fort présentable, mais un jury, il ne faut pas
l'oublier, qui statuerait tout à la. fois sur les
appels du ministère public et sur ceux des
condamnés. On diminuerait certainement
ainsi le nombre et des acquittements scanda-
leux et des condamnations iniques. »
Cette conversation d'un magistrat qui a di-
rigé des sessions d'assises nous a paru méri-
ter d'être reproduite.
DRAME CONJUGAL
Rodez, 13 septembre.
Un double homicide a été commis hier soir à la
Terrisse, canton de Sainte-Geneviève.
Le nommé Jean Boulet, cantonnier à Saint-Chély-
d'Apcher, avait fait condamner pour adultère sa
femme, Mélanie Pougnet, et l'amant de celle-ci,
nommé également Boulet mais sans aucun lien de
parenté avec le cantonnier.
Malgré cette condamnation, les époux Boulet
avaient repris la vie commune. Mais hier, le can-
tonnier, avant de nouveau surpris les deux amants
en flagrant délit, les tua tous les deux.
Le parquet d'ïEtspalion s'est transporté dans la
soirée sur le 're du drame.
LA VIE DE PARIS
Le compositeur de musique M. Emma-
nuel Chabrier, qui vient de mourir, a suc-
combé, assez jeune encore, à cet horrible
mal de la paralysie générale qui, depuis
quelque temps, faisait souhaiter pour lui
que la mort vînt le délivrer de ses souf-
frances. Il n'était pas très âgé encore,
étant né en 1842. C'était une de mes plus
anciennes camaraderies de Paris. A peu
près du même âge, nous nous connûmes
au quartier Latin, moi étudiant qui n'al-
lait pas très souvent à l'Ecole de droit, lui
employé au ministère de l'intérieur, tout
en faisant aussi son droit.
Son cousin, M. Cornil, aujourd'hui sé-
nateur et professeur à l'Ecole de médecine,
mon ami, étudiant comme nous, nous fît
connaître l'un à l'autre. Nous avions cha-
cun, hors de nos études, notre marotte.
Cornil dessinait, Chabrier jouait du piano,
je faisais des vers. A vingt-quatre heu-
res de distance, Chabrier perdit son père
et sa mère, qui lui laissèrent de l'aisance.
Il en profita surtout pour pousser plus
avant ses études musicales. De ce jour il
commença la curieuse collection d'instru-
ments de musique qu'il a, je pense, con-
servée et augmentée. Il se maria assez
jeune et, dès lors, vécut assez retiré. Il y
avait en lui un fond de tristesse qui l'éloi-
.gnait du monde, où il ne paraissait que
par intervalles, s'y montrant alors d'une
gaîté exubérante. Etat d'esprit assez bi-
zarre, peut-être précurseur du mal qui de-
vait le frapper.
E. Chabrier était un admirable virtuose.
C'était plaisir d'entendre son jeu, extraor-
dinairement brillant, quand on pouvait le
décider à s'asseoir devant un piano. Car,
sars aller aussi loin que Reyer, il ne fai-
sait pas cas de son talent d'instrumentiste
et il voulait être un compositeur et non un
exécutant. On peut trouver dans les com-
positions de Chabrier le même contraste
que dans son caractère : il fut à la fois
un écrivain de musique très sévère, imbu
des idées de Wagner, quoiqu'il ne les ait
jamais appliquées qu'avec beaucoup de ré-
serves, et un compositeur fantaisiste qui
ne dédaignait pas les joyeusetés les plus
outrées de l'opérette.
Certaines compositions de lui, gardées
pour l'intimité, sont des farces très gaies.
Il débuta en 1877, aux Bounes-Parisiens,
par un petit opéra-bouffe en trois actes,
l'Etoile, qui réussit assez bien. Au même
théâtre, je crois, il donna plus tard un
acte d'opérette, l'Education manquée.
Mais l'évolution s'était faite dans son es-
prit et dans son talent, et en 1886 il
donna à Bruxelles son opéra de Gwendo-
line. Le succès fut assez grand pour qu'on
pût s'étonner une fois de plus .que les mu-
siciens français aient besoin de passer la
frontière pour se faire jouer. Gwendollne
fut d'ailleurs par la suite jouée à l'Opéra.
A l'Opéra-Comique, trois jours avant
l'incendie de la salle, on avait représenté
le Roi malgré lui. Le sinistre qui vint in-
terrompre les représentations de ces trois
actes frappa vivement l'esprit de Chabrier.
Il eut cependant la satisfaction de connaître
de grands succès aux concerts Lamou-
reux. Il était entré dans la maison comme
chef des chœurs. Ce fut lui qui fit jouer
Tristan et Iseult, et il donna de son
cru la Sulamite, sorte d'héroïde et de
cantate dont M. Richepin écrivit les vers,
et la valse-concerto Espana, qui fut le
plus populaire de ses ouvrages.
Quand la maladie est venue atteindre
Chabrier, ce très laborieux musicien (mal-
gré ses périodes de paresse) avait en train
plusieurs ouvrages. On cite un opéra-co-
mique, les Muscadins, tiré du roman et
du drame de M. Claretie, et surtout une
Briséis ou la Fiancée de Corinthe, d'a-
près le drame de Gœthe. J'avais moi-
même esquissé une collaboration avec
Chabrier. En 1867, il me demanda un
livret d'opéra et je lui donnai deux ou
trois actes et un scénario d'un Jean
Hunyade. La guerre, les voyages, nous
firent abandonner et perdre de vue cette
œuvre que j'avais oubliée et que la mort
de Chabrier me rappelle tristement. Il
l'avait poussée assez avant. Des frag-
ments assez considérables s'en retrouvent
dans Gwendoline et, paraît-il, dans Bri-
séis.
Chabrier était un musicien très savant,
capable des tâches les plus ardues. Mais
il avait surtout le goût, la passion du pit-
toresque et do la couleur. C'est pour cela
que le sujet de Jean Hunyade l'avait sé-
duit par le contraste des milieux. Il y avait
une partie idyllique se passant à la cam-
pagne, des scènes orientales au harem, et
le grand fracas chevaleresque et militaire
dans le camp des cavaliers hongrois. Je
regrette, à parler franc, que l'œuvre ait été
interrompue. Mais c'est la mélancolie des
existences agitées (et celle de Chabrier, si
calme en apparence, fut toujours tourmen-
tée par sa mauvaise santé), qu'on y trouve
toujours des rêves irréalisés, des projets
par centaines, des entreprises abandon-
nées.
Malgré la très belle notoriété que Cha-
brier s'était faite dans le monde musical,
apprécié en Allemagne autant qu'en
France, je crois.qu'il n'a pas pu donner sa
mesure. C'est un malheur commun à
beaucoup de musiciens et qui tient, pour
une grande part, à la difficulté qu'ils trou-
vent à se faire jouer à Paris. L'opéra,
avec ses coûteuses splendeurs, est une
trop grosse affaire. Tandis que presque
partout un opéra peut être monté comme
on monte un drame, à Paris les frais sont
tels que rien ne saurait être lâché à l'im-
prévu.
Pour monter un opéra d'un composi-
teur, on veut qu'il ait un nom connu du
public, alors que cette notoriété ne peut
lui venir que de l'opéra même. C'est un
cercle vicieux. Pour vous faire connaître,
dit-on à nos musiciens, il faut que vous
soyez déjà connus t Ceci arrête, décou-
rage bien des bonnes volontés. Il est bien
fâcheux qu'il n'y ait pas à Paris un théâ-
tre de musique, comme fut le Théâtre-
Lyritjue autrefois, où le public, moins exi-
geant pour la mise en scène, pourrait être
appelé à entendre les œuvres desjeunest
musiciens. A eux, comme aux auteurs
dramatiques, l'expérience de la scène est
nécessaire. Où peuvent-ils l'acquérir?
Chabrier, comme la plupart des musi-
ciens contemporains qui restent, en che-
veux blancs, des « jeunes musiciens»,
c'est-à-dire des musiciens peu joués, souf-
frit beaucoup de cette difficulté qu'éprou-
vent les compositeurs à aborder le grand
public. Qui sait si, Gwendoline ayant
trouvé accueil à l'Opéra vingt ans plus tôt,
son auteur n'eût pas écrit bien d'autres
œuvres et acquis une renommée plus
grande que celle qu'il laisse en mou-
rant?
Henry Pouquier.
MORT DE M. E. CHABRIER
On annonce la mort de M. Emmanuel Cha-
brier, l'éminent compositeur, qui a succombé
hier matin, à Paris, à la paralysie générale
dont il était atteint depuis longtemps déjà.
On a de lui l'Etoile, opérette jouée aux
Bouffes-Parisiens, le Roi malgré lui, opéra-
comique joué rue Favart, trois jours avant
l'incendie, Gwendoline, représentee à l'Opéra
après avoir été donnée avec succès sur plu-
sieurs théâtres allemands.
Il laisse un drame lyrique en trois actes;
non terminé, ayant pour titre Briséis ou la,
Fiancée de Corinthe, d'après Gœthe.
Emmanuel Chabrier était né à Ambert en
janvier 1841. Il fit son droit à Paris, puis
entra au ministère de l'intérieur où il resta;
seize ans comme employé.
En 1881 il entra en qualité de chef des
chœurs aux concerts organisés par Charles
Lamoureux et il y dirigea les deux actes
donnés à ce moment en entier, de Tristan et
Iseult.
L'année suivante, au retour d'un voyage
en Espagne, il écrivit Espana, la célèbre
valse. Puis vint laSulamite, paroles de Riche-
pin, et l'Ode à la musique.
Chabrier avait, en outre, commencé plu-
sieurs opéras ou opéras-comiques, notam
ment les Muscadins dont le livret est de M,
Jules Claretie, une petite opérette dix-hui-
tième siècle en collaboration avec M. Paul
Verlaine, le Sabbat, opéra-comique en un
acte sur un livret d'Armand Silvestre, Jean
Hunyade, œuvre à laquelle il collabora avec
M. Henry Fouquier en 1867.
ACCIDENT DE CHEMIN DE FER
Versailles, 13 septembre.
Cette nuit, le train 45, composé de douze voiturest
et conduit par le mécanicien Vivier, arrivant da
Paris frïve droite.) à minuit dix-sept, a violemment
tamponné le butoir du quai en entrant en gare.
Dans le choc qui en est résulté, trois perElonnelf
ont reçu des contusions à la tête; ce sont. MM. le
capitaine Lefebvre, du 22* d'artillerie, Le Boulch,
éditeur de musique à Versailles, et une dame dont
le nom est reste inconnu.
LA CATASTROPHE D'APPILLY
L'enquête du parquet. - La compa-
gnie responsable. — Les victimes.
Non seulement l'avis de la population d'Apt
pilly et des employés du chemin de fer da
Nord des gares environnantes est unanime
pour déclarer la compagnie responsable de
l'erreur commise par le malheureux M. Bou-
bay, mais l'avis du parquet de Compiègne
est identique.
Depuis deux jours M. Gillard, substitut,
procède à une minutieuse enquête et il en
ressort les choses intéressantes que voici :
1° Confirmation de ce que nous avons dit
au sujet des multiples besognes dont était
chargé M. Boubay, lampiste, caissier, télé-
graphiste, garde excentrique, en même temps
que chef de gare.
2o Il a été établi d'une façon péremptoire
que M. Boubay, en engageant une machine
de manœuvre sur la voie que suivait le train
115, ne commettait pas une imprudence si
grande que la compagnie le prétend. Il devait
y aller chercher deux wagons de marchan-
dises, et il était à un mètre d'une voie de dé-
gagement quand le choc s'est produit. Cela
ressort de la déposition du chauffeur Cordon-
nier du train 115, qui, vingt-cinq mètres en-
core avant que la collision eût lieu, croyait
qu'elle ne se produirait pas, la machine de,
manœuvre étant sur le point de quitter la voie
principale.
pr Cette machine n'a d'aiaeurs été quefileuréô
et fort peu endommagée.
M. Gillard, tout en admettant que M. Bou-
bay a contrevenu aux règlements, a terminé
son premier rapport adressé au procureur gé,
néral par cette conclusion : que M. Boubay a
été obligé par les exigences du service d'agie
ainsi qu'il l'a fait et qu'il y a une part de res-
ponsabilité à attribuer à la compagnie du
Nord.
A l'occasion des poursuites dont M. Boubay
fut l'objet il y a quelques mois, poursuites
qui se terminèrent, nous l'avons dit, par un
acquittement, le maire d'Appilly écrivit -plu-
sieurs fois au conseil d'administration de la
compagnie pour appeler son attention sur
l'organisation défectueuse de la station d'Ap-
pilly, sur l'insuffisance du personnel et sur
les dangers à redouter.
Ces lettres restèrent sans effet et aujour-
d'hui qu'on les lui rappelle, la compagnie
pour toute défense, répond que si M. Boubay,
était surmené, il n'avait qu'à se plaindre lui-
même. Elle se propose aussi de faire pour-,
suivre une malheureuse garde-barrière de
service à un passage à niveau situé quel-*
ques mètres avant la gare d'Appilly, qui
n'aurait pas agité son drapeau rouge au pas-
sage du train 115, qu'elle devait voir en dan-
ger.
Tout cela constitue une bien piteuse jus«
tification. L
Aussi piteuse est la justification de la com-
pagnie en ce qui concerne la façon dont
les blessés ont été secourus. Non seule-
ment il n'y avait rien pour les panser dans
les boîtes de secours que les règlements obli-
gent les compagnies de chemins de fer à tenir
garnies de tout ce qu'il faut pour donner lea
premiers soins aux victimes d'un accident
quelconque, mais encore la préoccupation
principale des agents de la compagnie a été
d'opérer le sauvetage du matériel avant celui
des malheureux qui se trouvaient dessous.
Ce n'est pas notre opinion que nous donnons
ici, mais celle de M. Gillard, substitut du pro-
cureur de la République au parquet de Corn*
piègne. Cet honorable magistrat a été indigni
de la façon dont les ingénieurs de la compa-
gnie ont agi en la circonstance. L'un d'eux,
sur son observation qu'il mettait plus de zèle
à sauver des débris de compartiments qu'a
retirer les blessés qui se trouvaient dessous.
a osé lui répondre que c'est ainsi que ça de*
vait être.
La compagnie, appelée & s'expliquer aujou»
d'hui sur une aussi grave accusation, Tépootf
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.75%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.75%.
- Auteurs similaires Salon des artistes français Salon des artistes français /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Salon des artistes français" or dc.contributor adj "Salon des artistes français")Société nationale des beaux arts Société nationale des beaux arts /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Société nationale des beaux arts" or dc.contributor adj "Société nationale des beaux arts") Société des artistes français Société des artistes français /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Société des artistes français" or dc.contributor adj "Société des artistes français") Société internationale des beaux arts Société internationale des beaux arts /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Société internationale des beaux arts" or dc.contributor adj "Société internationale des beaux arts")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7562507h/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7562507h/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7562507h/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7562507h/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7562507h
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7562507h
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7562507h/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest