Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-09-14
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 14 septembre 1894 14 septembre 1894
Description : 1894/09/14 (A24,N8278). 1894/09/14 (A24,N8278).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75625063
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
'VA - - ..1. VENLIIREDI 14 SL?PTEM13RE - 1891
r VÎNCT-QU.AT..RIÈME AWîÊ. Ë. — N* 8,277 M NUMÉRO C3NQ CTSBMBS VENDREDI 14 SEPTEMBRE 1894
nmcïm cr «omRsmTWi
I425 Rue Montmartre
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOt.JARD PORTALIS
Êéseeae télégraphique : XIX" STÈICUE—PASE1
Téléphone: 20.289 bi4.
- ARnVOfVCBS
C8*es MM. LAGRANGE, cerf et G*
6, place de fa Bourse, 6
A B O NMEHENTS
Pari» Irais lois, 6/.; Si lois. 41 f.; UI la, 201
Départements — 7f.; — 12 f.; — 24 L
Union Postale — 9f.; — 161.; - 32 t
Le8 Abonnements sont reçus sans frais dans
tous les Bureaux de Poste.
EN ALLEMAGNE
Il y avait longtemps que Guillaume II
se taisait, et on pouvait se demander si
le jeune et tumultueux empereur n'était
point apaisé.
Après l'efférvescence des débuts du
règne, il n'était pas impossible de sup-
poser que, l'exercice du pouvoir et le
temps ayant fait leur œuvre, le brillant
et inquiétant maître de l'Allemagne
sentait mieux le poids des responsabili-
tés et se guérissait de son incontinence
de paroles.
Le discours qu'il vient de prononcer
à Kœnigsberg montre que Guillaume II
n'entend pas modifier ses allures, et qu'il
est touj ours animé du même esprit ins-
piré par un singulier mélange d'idées
modernes et de réminiscences du moyen
âge.
Là, dans la Prusse orientale, il a parlé
à sa fidèle noblesse comme s'il était à la
veille de se mettre à sa tête pour une
croisade. Son langage remonte en ar-
rière le cours des siècles, et il laisse
voir qu'il persiste dans sa fameuse opi-
nion : « la volonté du roi est la loi su-
prême. »
Tont cela nous paraît fort étrange et
incompatible avec les conditions du
monde moderne. Mais c'est peut-être
parce que nous jugeons les choses à notre
point de vue et parce que nous ne com-
prenons rien aux cerveaux germains.
Quoique les Allemands soient nos
voisins et que notre frontière soit une
ligne fictive de convention, surtout de-
puis nos malheurs de 1870, il y a un
abîme entre eux et nous.
Comme dit le Mardoche de Musset,
nous n'avons pas le crâne fait de même ;
et M. de Bismarck était logique lorsque,
discutant la terrible paix, il disait à nos
plénipotentiaires : « Vous me donnez
des raisons françaises ; donnez-moi
donc des raisons allemandes. Celles-là
seules me touchent. »
C'est pour cela que certains actes déci-
dés à Berlin nous paraissent inexplica-
bles et le seraient à Paris.
Ainsi, par exemple, le bruit fait au-
tour de l'arrestation de Mme Ismert,
accusée d'espionnage et que l'on s'ap-
prête à traduire 1 devant la haute cour
de Leipzig sous l'inculpation de trahi-
son. ---: -
A première vue-ce procès semble
un peu puéril et on se demande ce que
cette darne pouvait porter de si grave
pour l'empire sous ses jupons.
Pour espionner en temps de guerre,
le premier venu est capable de rendre
un service, eu renseignant sur la posi-
tion des troupes ennemies. Mais en
temps de paix?
Ces affaires-là sont fort exagérées par
la Prusse, parce qu'il entre dans son
plan d'agiter sans cesse le spectre d'une
invasion afin d'étouffer les résistances
autonomistes sous la menace constante
d'une guerre.
Guillaume II n'ignore pas que tous
les Allemands ne savourent pas les joies
de la Constitution. Il refoule les regrets
de l'indépendance perdue en racontant
que son gouvernement sauve sans cesse
la patrie.
C'est comme ces manœuvres qu'il a
ordonnées en prenant pour thème la ré-
sistance à une armée venant de l'Est. A
première vue cela parait fort mala-
droit.
De l'Est, en effet, il ne peut venir
que des Russes, car, jusqu'à ce jour,
des armées ne tombent pas du ciel et
ne descendent pas de ballons. C'était
donc admettre l'hypothèse d'une guerre
avec le tsar.
Alexandre III en a été très froissé, et
il a répondu à ce procédé en ne per-
mettant pas à son héritier de venir as-
sister à ces manœuvres, ainsi que la
chose avait été convenue antérieure-
ment à la suite d'une invitation pres-
sante de Guillaume II au tsarévitch.
Quand on se rappelle les efforts de
l'empereur d'Allemagne lors de son
avènement pour plaire au tsar, on
est surpris d'abord qu'il ait agi delà
sorte. Ce n'était pas la peine de faire
deux voyages à Saint-Pétersbourg sans
y être prié.
Mais, à la réflexion, on se rend
compte que tout cela tient au même
plan. La Prusse se pose devant l'Alle-
magne comme la garante de l'intégrité
de l'empire et elle demande qu'on ne
lui marchande ni les hommes ni l'ar-
gent, en rappelant sans cesse que l'ac-
cord franco-russe est une menace sus-
pendue sur l'avenir.
Toutefois, ces agissements de Guil-
laume Il ne réussissent pas à modifier
le fond des choses. Malgré la tendance
germanique à l'obéissance, l'unité mo-
rale n'est pas faite et elle ne se fera pas
de si tôt. ',
Ce n'est pas qu'il faille prendre au
sérieux les résistances des populations.
Si on se fiait au témoignage de ses
oreilles quand on écoute les propos des
brasseries, on croirait que le flot démo-
cratique monte. Mais après avoir tenu
un langage subversif et bu comme un
tonneau, un brave Allemand rentre pai-
siblement chez lui. Dans ce pays, plus
que partout ailleurs, il y a loin de la
coupe aux lèvres.
Néanmoins on subit la Prusse sans
l'aimer, et beaucoup pensent dans les
replis secrets de leur cœur comme
Heine qui, vivant à Paris, signait:
« Prussien libéré ».
Usait.
Les Obsèques è Comte fle Paris
A STOWE-HOUSE ET A WEYBRIDGE
Buckingham, 12 septembre.
La petite ville de Buckingham, ordinaire-
ment si tranquille, présente ce matin un as-
pect inaccoutumé. Les visiteurs, militaires,
journalistes, amis de la famille, qui encom-
brent les hôtels font leurs préparatifs pour se
rendre à Stowe house, située à quatre milles
de là.
C'est un va-et-vient sans pareil. Le temps
est superbe et c'est sous un ciel bleu, assez
rare ici, que les dépouilles du prince mort
vont être portées, au tombeau.
Vers sept heures la cloche commence à
sonner. —
Le cercueil est porte à l'entrée du salon et
est placé entre deux rangées de pompiers et
de policemea.
Pendant ce temps, la famille assiste à une
messe basse, dite par le P. Cafïerata dans
la chapelle.
Quand les cloches cessent de sonner, vers 8
heures, la grande porte du salon s'ouvre et
le cercueil, noir et argent, couvert mainte-
nant d'un drap mortuaire violet et tricolore,
est porté sur le char funèbre.
Tous les princes se placent à leur ranget
marchent derrière le duc Ji'Orléans qui, très
pâle, se tieut les bras croisés sur la poitrine.
- Viennent. d'abord: le prince Ferdinand et
le duc de- Chartres ; puis le duc de Nemours,
le duc d'Aumale, le prince de Joinville, le
comte d'Eu, le prince Antoine, le duc de Pen-
thièvre;
Des voitures vides les suivent; puis vien-
nent les voitures de la comtesse de Paris, de
la reine de Portugal, de la duchesse xie Mont-
pensier, dé là princesse Louise, de l'infante
Eulalie, de la princesse Waldemar, etc.
Le convoi s'avance très lentement jusqu'à
une certaine distance dans le parc ; puis les
princes montent dans les voitures laissées vi-
des, nour finir le trajet jusqu'à Buckingham.
A la porte d'entrée du parc, on trouve la
municipalité qui attencllà avec un détache-
ment de soldats volontaires et une fouie, as-
sez grande.
Le cortège a traversé la ville au milieu
d'nne -foule nombreuse et recueillie. Beau-
coup dé boutiques sont fermées.
Le cercueil a été placé dans un fourgon.
La comtesse de Paris, dont la. pâleur est
très grande, tous les membres de la famille
et les amis sont montés dans le train qui part
pour Weybridge.
Weybridge, 12 septembre.
Le train funèbre est arrivé à Weybridge à
il h. 50.
Les princesses ont pris place dans des voi-
turcs; les princes' se sont formés en cortège
derrière le char funèbre, qui est semblable à
celui de Stowe-house, pour aller à l'église.
L'église est toute petite; elle peut contenir
150 personnes à peine.
L'intérieur de la chapelle est simplement
décoré de panneaux de velours noir bordé de
blanc; l'autel est garni de draperies violettes.
Immédiatement après l'entrée de la famille
'royale, on ferme les portes de l'église et
nombre dépopulations et d'assistants venus
tout exprès de France ( sont obligés de rester
dehors.
Les fleurs, les couronnes, les croix sont
mises en place et envahissent , rapidement le
chœur. Trois drapeaux envoyés, l'un par la
Jeunesse royaliste de Péris, le deuxième par
la Jeunesse royaliste de Bordeaux et le troi-
sième par la Jeunesse royaliste de Nantes,
sont placés à droite et à gauche de l'entrée
du chœur. Ils sont cravatés de deuil.
La bannière des zouaves de Charette, trouée
de balles à Patay, est auprès de l'autel. Le
général de Charette la porte lui-même.
Le catafalque, composé de deux tréteaux
garnis de velours, sur lequel le cercueil est
placé, est surmonté d'un drapeau tricolore.
La cérémonie est simple et très impression-
nante. On commence les absoutes à une heure
cinq ; la première est donnée par l'évêque de
Southwark, la deuxième par M. d'Hulst, la
troisième et la quatrième par des prêtres
français, la cinquième et dernière par le car-
dinal Vaughan.
La cérémonie se termine par la procession
qui se forme pour porter le cercueil dans le
caveau.
DÉCLARATION DU DUC D'ORLÉANS
Londres, 12 septembre.
A cinq heures précises, le duc d'Orléans re-
cevait à Grosvenor-hotel environ un millier
de Français et leur adressait les paroles sui-
vantes :
« C'est avec une douloureuse émotion que
je recois l'hommage de votre dévouement et
vous en remercie ; votre présence ici ne témoi-
gne pas seulement de votre respect et de votre
attachement pour celui que nous avons perdu,
elle est aussi la preuve de votre fidélité au
principe de la monarchie nationale et tradi-
tionnelle dont je suis le représentant et dont
il m'a transmis l'héritage.
» je connais les droits que cet héritage me
confère, et les devoirs qu'il m'impose envers
la France. Guidé par les màgnifiques exem-
ples que mon père m'a donnés pendant sa
vie et qu'il a consacrés par sa mort si coura-
geusement envisagée et si chrétiennement
acceptée, fortifié par votre concours, par ce-
lui des amis absents qui, de tous les points
de la France, m'ont déjà fait parvenir l'ex-
pression de leur dévouement, et faisant appel
à tous les hommes de cœur, je remplirai sans
défaillance la mission qui m'incombe.
» Quoique jeune encore, j'ai la conscience
de mes devoirs ; avec mon grand amour pour
la France, je consacrerai tout ce que j'ai de
force et d'énergie à les accomplir et, avec
l'aide de Dieu, je les accomplirai. »
Après avoir terminé, le duc d'Orléans a vi-
vement remercié les conseillers de son père.
Il a embrassé MM. Bocher, d'Audiffret-Pas-
quier et Buffet ; il a serré Isa mains de M.
Hervé et de quelques autres ; puis il a fait le
tour du grand salon, adressant des paroles à
la plupart, M il en a retenu un certsçiu nom-
breà aUwr. : r r
ENTERRÉS VIVANTS
UNE CRÉATION NÉCESSAIRE
Les chambres mortuaires d'attente. — Leur
triple utilité. - Les dangers d'inhu-
mation précipitée. — Quelques
exemples d'enterrés vivants.
Le 8 juin dernier, le conseil municipal, sur
un rapport de M. Grebauval, conforme à une
délibération antérieure de la même assem-
blée, autorisait M. le docteur Bergeron à
créer des chambres mortuaires d'attente où
les familles pourraient faire déposer provisoi-
rement le corps de leurs décédés en attendant
l'inhumation définitive. Nous posséderons
probablement ces maisons funéraires, à Paris,
dans le courant del'année prochaine. Déjà, il
en existe dans plusieurs villes de l'étranger.
L'Allemagne n'a pas étéle dernierpays où l'on
en ait construit. Avant donc que l'usage s'en
soit généralisé chez nous, peut-être convien-
drait-il de rappeler les raisons d'établissement
de ces maisons, à quels béoins elles répondent.
L'UTILITÉ DES MAISONS
MORTUAIRES D'ATTENTE
L'utilité de ces maisons mortuaires se pré-
sente sous un triple point de vue : médical,
hygiénique, philanthropique.
M. le docteur Lamouroux qui, le premier,
à l'Hôtel .de Ville, il y a quatorze ans, pro-
duisit sur cette question un remarquable tra..
vail, marqua fort bien ce triple caractère.
L'hygiène commande lorsque de grandes
épidémies sévissent sur une ville, et même
avant qu'elles n'aient atteint tout leur déve-
loppement, d'isoler les malades. A plus forte
raison doit-on enlever le plus rapidement pos-
sible le corps des décédes ou présumés tels,
pour soustraire le voisinage à la contagion
directe ou indirecte. De tout temps, il - existe
des arrêts des parlements 4e Toulouse et de
Paris datant de 1529 et de 1533, — on a re-
connu la nécessité de cet enlèvement. Ce n'est
pas aujourd'hui qu'on la discuterait.
La plus élémentaire humanité fait égale-
ment souhaiter dans bien des cas que les
morts soient éloignés des êtres vivants. Beau-
coup de malheureuses familles n'ont pour tout
logement qu'une chambre où il leur faut ac-
complir tous les actes de la vie , les repas, le
travail, le sommeil. On conçoit ce qu'a d'indé-
cent et de pénible cette cohabitation avec un
caaavre.
Mais la raison qui le plus fortement décida
la création de maisons mortuaires d'attente
ç'a été la raison médicale, le péril que présen-
tent des inhumations précipitées. Etre enterré
vivant 1 Quelle perspective terrifiante ! Ce ne
sont point seulement 'les gens simples
qui l'ont envisagée ; des esprits -sérieux,
doctes, en ont été hantés au point d'exiger,
par dispositions testamentaires, ou que leur
corps soit l'oljet d'épreuves douloureuses
après la mort présumée : sections des artères,
incisions à la plante des pieds, etc., ou qu'on
les enterre sans cercueil dans l'espoir d'être
étouffés plus vite.
M. le docteur de Lignières, dans un mé-
moire adressé à l'Institut, il n'y pas long-
temps, rapporte d'après Tourdes, auteur du
Dictionnaire encyclopédique des sciences
medicales, plusieurs exemples de cette préoc-
cupation : C'est une veuve Rosny qui or-
donne, par testament, à son médecin, de lui
trancher la tête quand il croira le décès sur-
venu, puis un. médecin israélite qui avait
chargé un de ses confrères de lui ouvrir une
carotide et une artère fémorale, ce qui fut
fait.
Est-il donc bien difficile de reconnaître la
mort ?
Plus qu'on ne le pense ordinairement. Il
r n'existe aucun signe probant, caractéristique,
absolu, de la mort.
Aucun de ces signes, pris isolément, ne
fournit d'indice certain, là putréfaction mê-
me, qui l'eût crut jie peut être considérée
comme un signe indubitable de décès, que
lorsqu'elle commence à se répandre sur une
notable étendue, car, ainsi que le fait remar-
quer M. le docteur de Lignières, d'après Hal-
ler, « un commencement de décomposition
putride peut, dans certaines maladies, se
manifester sur plusiéurs parties du corps vi-
vant, et les malades exhalent alors une odeur
cadavéreuse avant d'avoir succombé. »
QUELQUES VICTIMES
Cette incertitude dans laquelle les médecins
se trouvent d'affirmer la mort véritable mé-
rité de donner à réfléchir aux vivants. Certes
l'exagération a grande place dans les histoires
de résurrection contées un peu partout et que
l'imagination populaire a amplifiées; neuf
fois sur dix, les faits divers se rapportant à
l'enterrement de personnes vivantes sont,
renseignements pris, faux d'un bout à l'au-
tre. Malheureusement ce genre d'accidents.
ordinairement mortels existe; on en cite des
exemples historiques. L'abbëPrévost, l'auteur
de Manon Lescaut, tombe, frappé d'apoplexie,
dans la forêt de Chantilly. La justice donne
l'ordre de procéder à son autopsie. Au pre-
coup de scalpel, l'abbé poussa un cri qui prou-
vait bien qu'il était encore de ce modde. Il en
sortit bientôt après des suites de cette « er-
reur ».
Gauthier, conseiller et médecin du roi
Louis XVI, raconte la façon dont fut enterré
vivant L'Allemand, médecin de la princesse
de Craon ; Amelot de la Houssaye, dans ses
mémoires, cite lo cas du cardinal d'Espinosa,
premier ministre d'Espagne. Il ressemble à
celui de l'abbé Prévost, mais le dépasse en
horreur :
« Il n'était pas mort quand on le mit entre
» les mains des chirurgiens pour être em-
» baumé. Il revint à lui pendant qu'on l'ou-
» vrait ; il repoussa la main du chirurgien,
» ou pour mieux dire de l'assassin qui le dis-
» séquait; mais on ne laissa pas pour cela
» d'achever l'opération. »
Le récit le plus saisissant qu'on ait fait
d'un enterrement de personne vivante l'a été
au Sénat impérial, le 29 février 1866.
L'assemblée discutait une'pétition d'Hïppo-
ly.te Camot, dans laquelle on demandait de
doubler le délai de 24 heures pour l'inhuma-
tion, d'installer un appareil électrique dans
chaque cimetière, et, en outre, de supprimer
le couvercle.du cereu.eil,-, Le c 'ar(liual Donnet,
archevêque de Bordeaux, déclara que deux
fois, au début -de sa carrière pastorale, il
avait empêché des inhumations de personnes
vivantes, dont Fune vécut encore douze heu-
res et dont l'autre- revint complètement à la
vie. Puis il cita cet autre fait :
« En 1826, un jeune prêtre, au milieu d'une
cathédrale pleine d'auditeurs s'affaissa subi-
tement dans la chaire d'où il faisait entendre
sa parole, Un médecin déclare la mort cons-
tante et fait donner le permis d'inhumer pour
le lendemain, L'évêque de la cathédrale où
l'événement était arrivé récitait déjà le De
Profundis au pied du lit funèbre et on avait
pris les dimensions du cercueil ; la nuit ap-
prochait, et on comprend les angoisses du
jeune prêtre dont l'oreille saisissait le .bruit
de tous les préparatifs. Enfin, il entend la
voix d'un de r ses amis d'enfance, et cette voix
provoquant chez lui un effort surhumain
waèûe .un résultat meyv~UMX. Le lende-
main, il pouvait reparaître dans sa chaire. Il
est aujourd'hui au milieu de vous, vous
priant de demander au dépositaire du pou-
voir non seulement de veiller à ce @ que les
prescriptions légales soient observées, mais
encore d'en formuler de nouvelles pour pré-
venir des malheurs trop fréquents ou d'une
nature irréparable. »
GARANTIES LÉGALES
INSUFFISANTES
Malgré l'éloquence de cet exemple person-
nel du cardinal Dohnet, malgré les efforts de
M. Carnot et de plusieurs autres * orateurs,
le Sénat repoussa la- motion qui lui était sou-
mise.
Aujourd'hui, quelles garanties possédons-
nous contre un enfouissement prématuré qui
pourrait ne pas déplaire à des héritiers pres-
sés ou à une épouse désireuse de convoler en
nouvelles noces ?
La loi prescrit deux mesures : un délai de
vingt-quatre heures avant l'inhumation —
que, dans la pratique, on abroge fréquem-
ment — et la vérificationdu déces par l'offi-
cier de l'état-civil. Comme, d'une part, ce
fonctionnaire n'encourt aucune responsabi-
lité, et que, d'autre part, en fût-il autrement
et un médecin l'assisterait-il toujours, l'un et
l'autre ne sauraient se prononcer catégori-
quement sur la fin de fia vie que ne sont pas
arrivés à reconnaître -sûrement les plus
hautes autorités scientifiques, personns n'est
à l'abri d'une inhumation précipitée.
En Autriche et dans, presque toute l'Alle-
magne, jamais un cercueil n'est cloué et des
précautions sont prises pour que l'air y pé-
nètre.
Jamais l'inhumation n'a lieu avant qu'il
n'ait été gardé dans la chambre mortuaire
des cimetières jusqu'à la décomposition carac-
téristique constatée par un médecin officiel.
Rien ne nous empêcherait, en France, de
prendre la première de ces mesures. Grâce à
elle, au moins, les morts qui auraient envie
de ressusciter le pourraient en toute liberté.
Les efforts de MM. les docteurs de Ligniè-
res, Lamouroux et Bergeron vont enfin per-
mettre l'application partielle de la seconde de
ces mesures. Les chambres mortuaires d'at-
tente, que ce dernier va construire avec l'a-
grément du conseil municipal, rassureront
ceux qu'épouvantent pour eux et pour les
êtres qui leur sont chers le plus terrible des
supplices : la descente, vivant, au tombeau.
MORT
D'UNE BELLE-SŒUR DE M. CASIMIR-PERIER
Pointe-d'Ailly, 12 septembre.
Mme Delaporte, demi-sœur d'un premier
lit de Mme Jean Casimir-Perier, et par con-
séquent belle-sœur et cousine du président de
la République, est morte aujourd'hui à qua-
tre heures du soir, à Varangeville-sur-Mer,
emportée par une péritonite aiguë en trois
jours.
Mme Delaporte était divorcée depuis plu-
sieurs années et son mari, ancien avoué à
Paris, avait, depuis, contracté une nouvelle
union.
Mme Delaporte a eu deux filles. L'une, Mme
Lassimone, fut assassinée, on se souvient
dans quelles conditions, par Mme Raymond.
L'autre a épousé M. Thomeguex.
LES LADRERIES
DE L'ADMINISTRATION COLONIALE
Malgré la décision ptise par le ministre de
la marine, en dàte du 28 janvier 1894, accor-
dant le bénéfice de la campagne de guerre
aux troupes qui ont pris part à l'expédition
du Siam, l'administration des colonies se re-
fuse obstinément d'en tenir compte aux
ayants droit. C'est ainsi qu'on a refusé de
payer aux officiers l'indemnité d'entrée en
campagne, à laquelle ils ont droit d'après les
règlements en vigueur l
D'autre part, on n'a payé que demi-solde
(solde de captivité), au capitaine Thoreux,
parce qu'il fut prisonnier dès rebelles du 5 mai
au 15 juillet.
On oublie que si ce système était admis
durant la guerre européenne, cela provenait
uniquement de ce que les parties belligé-
rantes se remboursaient mutuellement les
dépenses pour la nourriture des prisonniers ;
et il n'y a pas lieu de croire que le gouverne-
ment français ait remboursé au Siam les frais
de nourriture du capitaine Thoreux. Pour-
tant, il est bon de rappeler qu'en ce qui con-
cerne M. Grosgurin, fonctionnaire mis à mort
par les Siamois, une indemnité a été accordée
à sa famille, alors qu'à un officier français
prisonnier dans les mêmes conditions, on a
cru devoir lui réduire de moitié sa solde.
Superbe et d'une logique douteuse, l'admi-
nistration coloniale !
LE PRINCE ET LA PRINCESSE DE BISMARCK
Berlin, 12 septembre.
La princesse de Bismarck va beaucoup mieux et
a pu quitter le lit. Le prince est en excellente
santé.
snmm
ENTRE MAGISTRAT ET COCHON
Un président trop susceptible
(DE NOTRES CORRESPONDANT PARTICULIER)
- Saint-Cast, 12 septembre.
Quoiqu'elle date de huit jours, on s'amuse en-
core sur la plage de Saint-Cast do la plaisante
aventure à laquelle- a été mêlé, au commencement
de ce mois M, Gabriel Gouin, président du tribu-
nal de Saint-Brieuc.
Il sortait de table et flânait, dans l'après-midi,
aux environ de Saint-Cast, quand, devant la porte
d'une ferme, il aperçut un énorme cochon occupé
à satisfaire un besoin au beau milieu du chemin.
M. Gabriel Gouin, qui est pudique, dérangea
l'animal à coups de parapluie et, l'invectivant, es-
saya de lui faire reprendre le chemin de la
ferme.
Le cochon lui résista, fit tête, tout comme s'il
était un sanglier ; mais dépourvu de boutoirs, il
n'intimida pas le président qui continua à le rosser
en lui adressant les plus violentes injures.
Le pauvre cochon, sur le gras derrière dugael les
baleines du parapluie présidentiel produisaient un
fâcheux effet, se mit à pousser des cris si lamen-
tables que la fermière, une robuste matrone, ac-
courut.
— Qu'avez-vous donc à taper comme ça sur
mon cochon? dit-elle furieuse à M. Gouin.
— Votre cochon est le syndic des coelions, répli-
qua le président, le plus répugnant cochon qu'il
m'ait jamais été donné de voir dans ma longue car-
rière de magistrat; je viens de le surprendre en
flagrant délit d'outrage à la pudeur et à la morale
publique, et si je n'avais égard au rang inférieur
qu'il occupe dans l'échelle sociale, je le ferais pour-
suivre et à sondéfaut vous-même, comme civilement
responsable.
Ce discours fut accentué d'un telle série de coups
de parapluie sur les jambons futurs de la pauvre
bête, lue la fermière, qui tenait à son bien, se hâta
de le défendre, et entre elle, le compagnon de saint
Antoine et le touriste de Saint-Cast il y eut une
lutte homérique qui se termina par la retraite du
cochon vers son auge et par celle de M. Gouin vers
sa villégiature, mais non sans qu'il eut menacltla
fermière du tribunal dont il a la présidence.
Lo Réveil breton, qui s'est amusé de cette pe-
tite histoire, dit à ce propos :
« L'on pense toutefois que l'affaire n'aura pas de
suite, le président ayant déclaré que les verres de
son lorgnon se trouvant obscurcis par les brouil-
lards de la plage, il avait cru se trouver en P.
sence d'un de ses clients ordinaires. »
Mettes du Proqrès
LES CAUSES FINALES
Je reçois la lettre, indiscrète peut-être,
mais amusante et aimable que voici :
Cher monsieur,
Tout est tUile dans la nature, dit un vieux
proverbe qui vient sans cesse me tourmenter
par suite des agacements continuels des
mouches.
Quelle est donc l'utilité des mouches ordi-
naires, si tracassières, des mouches à vers et
des moustiques?
Quand j'étais enfant, j'éprouvais pour ces
insectes la même répulsion qu'aujourd'hui.
Mon professeur de troisième, un excellent et
digne homme, beaucoup plus fort sur la
langue de Cicéron que sur l'histoire naturelle,
me répondait invariablement, lorsque je lui
demandais des explications sur l'utilité des
mouches :
— Elles ont été créées pour exercer la pa-
tience de l'homme (sic).
Passant à un autre ordre d'idées, je viens
encore vous poser la question suivante : A
quoi servent donc les puces et les punaises?
Voilà, mon cher monsieur, un beau sujet
pour vos Tablettes et qui sera goûté, soyez-en
certain, par de nombreux lecteurs.
J'aime à penser que vous serez un peu plus
explicite que mon ancien professeur.
Comme conclusion, j'ajouterai :
Que Lucet LUCEAT, et je serai satisfait.
Croyez, etc.
UN RURAL,
abonné au XIXe Siècle.
Que ce soit là un joli sujet à mettre en
« Tablettes », je n'en disconviens pas;
mais comme le Créateur — dont les voies
(ne l'oublions pas 1) sont impénétrables —
ne m'a pas fait de confidences, l'œuvre ne
laisse pas d'être délicate.
En ce qui concerne les mouches, cepen-
dant, le problème serait plutôt simple, un
certain Emerson, chimiste d'origine et
anglais de profession, s'étant chargé, il y
a déjà beau jour, de la résoudre.
D'après mondit Emerson, la mission
providentielle des mouches ne serait rien
moins qu'une mission d'assainissement
préventif. Les mouches, en effet, seraient
chargées de nettoyer l'atmosphère am-
biante et de l'expurger des innombrables
germes, spores et ferments dont les invi-
sibles essaims, peuplent ses translucides
profondeurs.
Avez-vous jamais observé une mouche
au moment où, après avoir voleté çà et là,
elle vient enfin de se poser? Regardez-la
attentivement. Elle va exécuter une série
de mouvements rappelant le manège du
chat qui fait sa toilette ou du moineau qui
lustre ses plumes. On pourrait croire que
c'est là pure coquetterie, car la mouche,
en dépit de ses mœurs bizarres et des sin-
gulières régions où elle fréquente, est un
petit animal fort élégant et très soigné de
sa personne. Mais, en réalité, c'est tout
une autre histoire, dans laquelle le souci
de la propreté n'entre que pour très peu
de chose.
La vérité ne se discerne pas toujours à
l'œil nu, mais en regardant les mouches
au microscope, M. Emerson a découvert,
que leur corps grouille littéralement de
parasites d'une petitesse invraisemblable
et que toutes leurs gesticulations ont pour
but unique de rassembler en un seul point
le plus grand nombre possible de ces
atomes vivants, pour n'en faire ensuite
qu'une bouchée.
Notre Anglais crut d'abord que, sem-
blables au comte Ugolin de la légende
dantesque, c'était leur propre progéniture
que dévoraient ainsi les mouches. On
sait, en effet, qu'elles portent leurs petits
accrochés à leur ventre. Mais en y regar-
dant de plus près, il dut reconnaître son
erreur et formellement conclure :
lo Que ce ne sont ni leurs petits ni leurs
œufs que les mouches s'ingurgitent ainsi,
mais des choses animées, animalcules impal-
pables ou cryptogames subtils, moisissures
ou pucerons qui flottent dans l'air et se col-
lent à leurs pattes, à leurs ailes, à leurs
flancs ;
2o Que notre atmosphère est littéralement
saturée de ces parasites, qui ne sont autre
chose que des microbes, de telle sorte que
sans cette intervention tutélaire l'acte de
respirer équivaudrait à boire la mort à petites
gorgées.
Quand donc les mouches pullulent quel-
que part, c'est que, très probablement, le
gibier microbien y abonde. Il serait ma-
ladroit de les expulser et injuste de s'en
plaindre. C'est pour notre santé qu'elles
travaillent. A ce compte-là, on doit leur
pardonner d'aigrir le lait, de tourner les
sauces, de « coloniser » la viande et de
troubler le sommeil des honnêtes dor-
meurs.
Exercer l'homme à la patience — qui
est une vertu précieuse et qui peut même
à la longue devenir du génie — c'était déjà
bien. Faire la chasse aux microbes, c'est
mieux.
Vous voyez bien que tout est prévu et
merveilleusement réglé.
Il est vrai que si les mouches dévorent,
au vol, le plus de microbes qu'elles peu-
vent, il arrive en revanche qu'elles col-
portent, et, par ricochet, qu'elles étalent
la contagion au lieu de la restreindre Le
fait parait établi pour le charbon et pour
le choléra, et il n'est point absurde de sup-
poser que, plus d'une fois, les mouches
ont joué leur petit rôle dans la transmis-
sion de la tuberculose, de l'érysipèle, de la
diphtérie, de l'infection purulente, etc. En
ce qui concerne particulièrement la fièvre
jaune, il résulte des études du docteur cu-
bain Finlay et du docteur américain Ham-
mond — pour ne citer que ces deux-là —
que les principaux agents de propagation
du fléau ce sont. les moustiques, sur les-
quels mon « rural » sollicite également
mon avis. -
D'accord ! Mais vous savez bien qu'il y
a trop de monde au monde et que l'hu-
manité pousse trop dru. Malthus l'a dit et
il n'avait peut-être pas tort. S'il ne surve-
nait pas de tômps en temps une bonne pe-
tite éiêmie, il n'y aurait bientôt plus
iasez* de place au soleil ni assez de foin
1 au râtelier.
A quelque point de vue qu'on se placs
et par quelque bout qu'on prenne la ques-
tion, on finit toujours par être obligé de
reconnaître que les mouches elles-mêmes
et les moustique ont, dans l'harmonie
savante et compliquée du Cosmos, leurs
fonctions avouables et leur spéciale utilité.
Restent les puces et les punaises. Ici js
l'avoue, je me sens un brin embarrassé,
personne n'ayant encore pris la peine,
comme pour les mouches, de dresser le
bilan de l'optimisme.
Peut-être pourrait-on dire, à la rigueur,
que la puce — une bête ravissante, en fin
de compte, avec son corselet d'or bruni
— a sa valeur esthétique, en même temps
que l'exemple de ses mœurs acrobatiques
est fait pour réveiller chez les races tor-
pides le goût salutaire du sport. Qui sait
si ce n'est pas le spectacle de ses sauts pé-
rilleux qui suggéra jadis à Paschal Grous-
set la riche idée de se faire l'apôtre de la
renaissance physique?
Malheureusement, il y a la punaise,
emblême de la platitude, dont aucun ca-
suiste ne saurait trouver le moindre bien
à dire. Cela prouve-t-il' positivement la
malfaisance de la punaise, ou l'insuffi-
sance de l'esprit d'analyse? That is the
question — une « couestcheunne » qui,
faute d'y pouvoir victorieusement ré-
pondre, va me fournir, à tout le moins, un
prétexte pour transporter le débat sur un
terrain plus sérieux.
Nous n'avons pas à connaître ni même
à rechercher l'utilité de telles ou telles
plantes qui peuvent être vénéneuses, ou
de telles ou telles bêtes qui peuvent être
féroces. Rien nQ sert a-rien, en réalité, tout
être vivant, animal ou végétal, ayant en
soi, par soi et pour soi, son unique raison
d'être.
La vérité est que nous n'avons, enpareille
matière, souci que de nous-mêmes, de no-
tre propre intérêt, comme si chacun de
nous était effectivement l'aboutissant de
tout. C'est une conception fausse^ parce
que trop étroite. La doctrine anthropocen*
trique, qui prétendait rattacher au roi de
la création tous les fils de l'univers, la
doctrine anthropocentrique a fait son
temps,, de même que les causes finales.
On ne peut plus soutenir sans rire que la
Nature est une très bonne et très charita-
ble personne, une manière de Petit-Man-
teau-Bleu qui aurait tout arrangé pour le
mieux dans l'intérêt de la sécurité, du
bien-être et de l'agrément des bipèdes dé-
plumés que nous sommes, au point défaire
passer les fleuves à travers ou, tout au
moins, à proximité des grandes villes et
de diviser le melon par tranches pour qu'il
pût être mangé plus commodément en fa*
mille.
A quoi sert la vermine ? Eh mon Dieu !
elle se sert à elle-même. Là n'est pas seu<
lement son excuse : c'est aussi son unique
but. Dès lors, la satisfaction de l'homme
— qui n'est qu'une vermine un peu plus
grosse — n'a pas, dans le plan général des
choses, à entrer plus que de raison en li-
gne de compte. Ne faut-il pas que tout le
monde vive, jusques et y compris les mou-
ches, puces, punaises, moustiques et mi.
crobes, jusques et y compris le bacille de
la tuberculose et le vibrion du choléra ?
Il est vrai que si nous n'avons pas le
droit de protester, nous avons celui de
nous défendre. A ce propos, voici les
conseils que je puis, gratis pro Deo, of-
frir aux intéressés : Saturez l'air de vos
appartements de bôrô-thymol pulvérisé au
vaporisateur, observez partout une pro.
preté méticuleuse, lavez les planchers à
l'hermitine et les jointures des meubles à
la naphtaline ou au pétrole, évitez lepitch-
pin, mettez des feuilles d'eucalyptus sous
vos traversins et vos matelas. et dormez
en paix. C'est la grâce que je vous sou-
haite — et que je vous promets !
Raoul Lucet.
Lottros il Yieui Fonte
PIÈCES A CONVICTION
Paris, le 12 septembre.
Monsieur le rédacteur,
Un journal de Vichy a dit, parait-il, que
le tenancier du Cercle international de
Vichy n'était plus italien. Il se serait fait
naturaliser, il y a quatre mois, le 4 juin
1894. Je connais pour ma part des Italiens
qui sont les plus braves gens du monde,
qui n'ont jamais fait de tort à personne.,
qui gagnent honorablement leur vie.et aux-
quels ont fait attendre depuis des années
leur naturalisation ; mais M. JUfleth n a eu
sans doute qu'à la demander pour l'ob-
tenir. Je vois d'ici la note fournie par
le commissaire de Vichy et par le préfet
de l'Allier. Ce funeste Italien, qui a
dévalisé des générations de baigneurs et
qui s'empresse d'expédier leurs dépouilles
dans sa patrie d'origine où il les con-
vertit en superbes villas, devait y être
présenté comme le modèle de toutes les
vertus publiques et privées. D'où cette
moralité qu'il vaut toujours mieux faire
grand. Un modeste joueur de bonneteau
n'aura jamais droit aux faveurs de l'admi-
nistration, tandis que, devant le tenancier
d'un luxueux tripot comme le Cercle in-
ternational. toutes les autorités s'incline-
ront.
Si au lieu de donner à jouer au baccara
dans un splendide local, M. Jurietti s'était
contenté d'étaler des cartes biseautées sur
un parapluie ouvert en guise de table de
jeu, le long de quelque boulevard exté"
rieur, comme font les joueurs de bonne<
teau, eût-il jamais marié sa fille à un bah<
qujer qui est en même temps président
d'un tribunal de commerce, et chez le-
quel les traites signées par les victimes
de l'International au profit du nommé
Evrard ne doivent pas être d'un escompte
trop difficile ?
Ce naturalisé de fraîche date a, d'ail-
leurs, comme principaux complices, toute
une bande d'étrangers. André est belge,
Pacifique et César sont suisses. Il doit
y avoir aussi dans son personnel un
nommé Bollen qui est belge.
r VÎNCT-QU.AT..RIÈME AWîÊ. Ë. — N* 8,277 M NUMÉRO C3NQ CTSBMBS VENDREDI 14 SEPTEMBRE 1894
nmcïm cr «omRsmTWi
I425 Rue Montmartre
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOt.JARD PORTALIS
Êéseeae télégraphique : XIX" STÈICUE—PASE1
Téléphone: 20.289 bi4.
- ARnVOfVCBS
C8*es MM. LAGRANGE, cerf et G*
6, place de fa Bourse, 6
A B O NMEHENTS
Pari» Irais lois, 6/.; Si lois. 41 f.; UI la, 201
Départements — 7f.; — 12 f.; — 24 L
Union Postale — 9f.; — 161.; - 32 t
Le8 Abonnements sont reçus sans frais dans
tous les Bureaux de Poste.
EN ALLEMAGNE
Il y avait longtemps que Guillaume II
se taisait, et on pouvait se demander si
le jeune et tumultueux empereur n'était
point apaisé.
Après l'efférvescence des débuts du
règne, il n'était pas impossible de sup-
poser que, l'exercice du pouvoir et le
temps ayant fait leur œuvre, le brillant
et inquiétant maître de l'Allemagne
sentait mieux le poids des responsabili-
tés et se guérissait de son incontinence
de paroles.
Le discours qu'il vient de prononcer
à Kœnigsberg montre que Guillaume II
n'entend pas modifier ses allures, et qu'il
est touj ours animé du même esprit ins-
piré par un singulier mélange d'idées
modernes et de réminiscences du moyen
âge.
Là, dans la Prusse orientale, il a parlé
à sa fidèle noblesse comme s'il était à la
veille de se mettre à sa tête pour une
croisade. Son langage remonte en ar-
rière le cours des siècles, et il laisse
voir qu'il persiste dans sa fameuse opi-
nion : « la volonté du roi est la loi su-
prême. »
Tont cela nous paraît fort étrange et
incompatible avec les conditions du
monde moderne. Mais c'est peut-être
parce que nous jugeons les choses à notre
point de vue et parce que nous ne com-
prenons rien aux cerveaux germains.
Quoique les Allemands soient nos
voisins et que notre frontière soit une
ligne fictive de convention, surtout de-
puis nos malheurs de 1870, il y a un
abîme entre eux et nous.
Comme dit le Mardoche de Musset,
nous n'avons pas le crâne fait de même ;
et M. de Bismarck était logique lorsque,
discutant la terrible paix, il disait à nos
plénipotentiaires : « Vous me donnez
des raisons françaises ; donnez-moi
donc des raisons allemandes. Celles-là
seules me touchent. »
C'est pour cela que certains actes déci-
dés à Berlin nous paraissent inexplica-
bles et le seraient à Paris.
Ainsi, par exemple, le bruit fait au-
tour de l'arrestation de Mme Ismert,
accusée d'espionnage et que l'on s'ap-
prête à traduire 1 devant la haute cour
de Leipzig sous l'inculpation de trahi-
son. ---: -
A première vue-ce procès semble
un peu puéril et on se demande ce que
cette darne pouvait porter de si grave
pour l'empire sous ses jupons.
Pour espionner en temps de guerre,
le premier venu est capable de rendre
un service, eu renseignant sur la posi-
tion des troupes ennemies. Mais en
temps de paix?
Ces affaires-là sont fort exagérées par
la Prusse, parce qu'il entre dans son
plan d'agiter sans cesse le spectre d'une
invasion afin d'étouffer les résistances
autonomistes sous la menace constante
d'une guerre.
Guillaume II n'ignore pas que tous
les Allemands ne savourent pas les joies
de la Constitution. Il refoule les regrets
de l'indépendance perdue en racontant
que son gouvernement sauve sans cesse
la patrie.
C'est comme ces manœuvres qu'il a
ordonnées en prenant pour thème la ré-
sistance à une armée venant de l'Est. A
première vue cela parait fort mala-
droit.
De l'Est, en effet, il ne peut venir
que des Russes, car, jusqu'à ce jour,
des armées ne tombent pas du ciel et
ne descendent pas de ballons. C'était
donc admettre l'hypothèse d'une guerre
avec le tsar.
Alexandre III en a été très froissé, et
il a répondu à ce procédé en ne per-
mettant pas à son héritier de venir as-
sister à ces manœuvres, ainsi que la
chose avait été convenue antérieure-
ment à la suite d'une invitation pres-
sante de Guillaume II au tsarévitch.
Quand on se rappelle les efforts de
l'empereur d'Allemagne lors de son
avènement pour plaire au tsar, on
est surpris d'abord qu'il ait agi delà
sorte. Ce n'était pas la peine de faire
deux voyages à Saint-Pétersbourg sans
y être prié.
Mais, à la réflexion, on se rend
compte que tout cela tient au même
plan. La Prusse se pose devant l'Alle-
magne comme la garante de l'intégrité
de l'empire et elle demande qu'on ne
lui marchande ni les hommes ni l'ar-
gent, en rappelant sans cesse que l'ac-
cord franco-russe est une menace sus-
pendue sur l'avenir.
Toutefois, ces agissements de Guil-
laume Il ne réussissent pas à modifier
le fond des choses. Malgré la tendance
germanique à l'obéissance, l'unité mo-
rale n'est pas faite et elle ne se fera pas
de si tôt. ',
Ce n'est pas qu'il faille prendre au
sérieux les résistances des populations.
Si on se fiait au témoignage de ses
oreilles quand on écoute les propos des
brasseries, on croirait que le flot démo-
cratique monte. Mais après avoir tenu
un langage subversif et bu comme un
tonneau, un brave Allemand rentre pai-
siblement chez lui. Dans ce pays, plus
que partout ailleurs, il y a loin de la
coupe aux lèvres.
Néanmoins on subit la Prusse sans
l'aimer, et beaucoup pensent dans les
replis secrets de leur cœur comme
Heine qui, vivant à Paris, signait:
« Prussien libéré ».
Usait.
Les Obsèques è Comte fle Paris
A STOWE-HOUSE ET A WEYBRIDGE
Buckingham, 12 septembre.
La petite ville de Buckingham, ordinaire-
ment si tranquille, présente ce matin un as-
pect inaccoutumé. Les visiteurs, militaires,
journalistes, amis de la famille, qui encom-
brent les hôtels font leurs préparatifs pour se
rendre à Stowe house, située à quatre milles
de là.
C'est un va-et-vient sans pareil. Le temps
est superbe et c'est sous un ciel bleu, assez
rare ici, que les dépouilles du prince mort
vont être portées, au tombeau.
Vers sept heures la cloche commence à
sonner. —
Le cercueil est porte à l'entrée du salon et
est placé entre deux rangées de pompiers et
de policemea.
Pendant ce temps, la famille assiste à une
messe basse, dite par le P. Cafïerata dans
la chapelle.
Quand les cloches cessent de sonner, vers 8
heures, la grande porte du salon s'ouvre et
le cercueil, noir et argent, couvert mainte-
nant d'un drap mortuaire violet et tricolore,
est porté sur le char funèbre.
Tous les princes se placent à leur ranget
marchent derrière le duc Ji'Orléans qui, très
pâle, se tieut les bras croisés sur la poitrine.
- Viennent. d'abord: le prince Ferdinand et
le duc de- Chartres ; puis le duc de Nemours,
le duc d'Aumale, le prince de Joinville, le
comte d'Eu, le prince Antoine, le duc de Pen-
thièvre;
Des voitures vides les suivent; puis vien-
nent les voitures de la comtesse de Paris, de
la reine de Portugal, de la duchesse xie Mont-
pensier, dé là princesse Louise, de l'infante
Eulalie, de la princesse Waldemar, etc.
Le convoi s'avance très lentement jusqu'à
une certaine distance dans le parc ; puis les
princes montent dans les voitures laissées vi-
des, nour finir le trajet jusqu'à Buckingham.
A la porte d'entrée du parc, on trouve la
municipalité qui attencllà avec un détache-
ment de soldats volontaires et une fouie, as-
sez grande.
Le cortège a traversé la ville au milieu
d'nne -foule nombreuse et recueillie. Beau-
coup dé boutiques sont fermées.
Le cercueil a été placé dans un fourgon.
La comtesse de Paris, dont la. pâleur est
très grande, tous les membres de la famille
et les amis sont montés dans le train qui part
pour Weybridge.
Weybridge, 12 septembre.
Le train funèbre est arrivé à Weybridge à
il h. 50.
Les princesses ont pris place dans des voi-
turcs; les princes' se sont formés en cortège
derrière le char funèbre, qui est semblable à
celui de Stowe-house, pour aller à l'église.
L'église est toute petite; elle peut contenir
150 personnes à peine.
L'intérieur de la chapelle est simplement
décoré de panneaux de velours noir bordé de
blanc; l'autel est garni de draperies violettes.
Immédiatement après l'entrée de la famille
'royale, on ferme les portes de l'église et
nombre dépopulations et d'assistants venus
tout exprès de France ( sont obligés de rester
dehors.
Les fleurs, les couronnes, les croix sont
mises en place et envahissent , rapidement le
chœur. Trois drapeaux envoyés, l'un par la
Jeunesse royaliste de Péris, le deuxième par
la Jeunesse royaliste de Bordeaux et le troi-
sième par la Jeunesse royaliste de Nantes,
sont placés à droite et à gauche de l'entrée
du chœur. Ils sont cravatés de deuil.
La bannière des zouaves de Charette, trouée
de balles à Patay, est auprès de l'autel. Le
général de Charette la porte lui-même.
Le catafalque, composé de deux tréteaux
garnis de velours, sur lequel le cercueil est
placé, est surmonté d'un drapeau tricolore.
La cérémonie est simple et très impression-
nante. On commence les absoutes à une heure
cinq ; la première est donnée par l'évêque de
Southwark, la deuxième par M. d'Hulst, la
troisième et la quatrième par des prêtres
français, la cinquième et dernière par le car-
dinal Vaughan.
La cérémonie se termine par la procession
qui se forme pour porter le cercueil dans le
caveau.
DÉCLARATION DU DUC D'ORLÉANS
Londres, 12 septembre.
A cinq heures précises, le duc d'Orléans re-
cevait à Grosvenor-hotel environ un millier
de Français et leur adressait les paroles sui-
vantes :
« C'est avec une douloureuse émotion que
je recois l'hommage de votre dévouement et
vous en remercie ; votre présence ici ne témoi-
gne pas seulement de votre respect et de votre
attachement pour celui que nous avons perdu,
elle est aussi la preuve de votre fidélité au
principe de la monarchie nationale et tradi-
tionnelle dont je suis le représentant et dont
il m'a transmis l'héritage.
» je connais les droits que cet héritage me
confère, et les devoirs qu'il m'impose envers
la France. Guidé par les màgnifiques exem-
ples que mon père m'a donnés pendant sa
vie et qu'il a consacrés par sa mort si coura-
geusement envisagée et si chrétiennement
acceptée, fortifié par votre concours, par ce-
lui des amis absents qui, de tous les points
de la France, m'ont déjà fait parvenir l'ex-
pression de leur dévouement, et faisant appel
à tous les hommes de cœur, je remplirai sans
défaillance la mission qui m'incombe.
» Quoique jeune encore, j'ai la conscience
de mes devoirs ; avec mon grand amour pour
la France, je consacrerai tout ce que j'ai de
force et d'énergie à les accomplir et, avec
l'aide de Dieu, je les accomplirai. »
Après avoir terminé, le duc d'Orléans a vi-
vement remercié les conseillers de son père.
Il a embrassé MM. Bocher, d'Audiffret-Pas-
quier et Buffet ; il a serré Isa mains de M.
Hervé et de quelques autres ; puis il a fait le
tour du grand salon, adressant des paroles à
la plupart, M il en a retenu un certsçiu nom-
breà aUwr. : r r
ENTERRÉS VIVANTS
UNE CRÉATION NÉCESSAIRE
Les chambres mortuaires d'attente. — Leur
triple utilité. - Les dangers d'inhu-
mation précipitée. — Quelques
exemples d'enterrés vivants.
Le 8 juin dernier, le conseil municipal, sur
un rapport de M. Grebauval, conforme à une
délibération antérieure de la même assem-
blée, autorisait M. le docteur Bergeron à
créer des chambres mortuaires d'attente où
les familles pourraient faire déposer provisoi-
rement le corps de leurs décédés en attendant
l'inhumation définitive. Nous posséderons
probablement ces maisons funéraires, à Paris,
dans le courant del'année prochaine. Déjà, il
en existe dans plusieurs villes de l'étranger.
L'Allemagne n'a pas étéle dernierpays où l'on
en ait construit. Avant donc que l'usage s'en
soit généralisé chez nous, peut-être convien-
drait-il de rappeler les raisons d'établissement
de ces maisons, à quels béoins elles répondent.
L'UTILITÉ DES MAISONS
MORTUAIRES D'ATTENTE
L'utilité de ces maisons mortuaires se pré-
sente sous un triple point de vue : médical,
hygiénique, philanthropique.
M. le docteur Lamouroux qui, le premier,
à l'Hôtel .de Ville, il y a quatorze ans, pro-
duisit sur cette question un remarquable tra..
vail, marqua fort bien ce triple caractère.
L'hygiène commande lorsque de grandes
épidémies sévissent sur une ville, et même
avant qu'elles n'aient atteint tout leur déve-
loppement, d'isoler les malades. A plus forte
raison doit-on enlever le plus rapidement pos-
sible le corps des décédes ou présumés tels,
pour soustraire le voisinage à la contagion
directe ou indirecte. De tout temps, il - existe
des arrêts des parlements 4e Toulouse et de
Paris datant de 1529 et de 1533, — on a re-
connu la nécessité de cet enlèvement. Ce n'est
pas aujourd'hui qu'on la discuterait.
La plus élémentaire humanité fait égale-
ment souhaiter dans bien des cas que les
morts soient éloignés des êtres vivants. Beau-
coup de malheureuses familles n'ont pour tout
logement qu'une chambre où il leur faut ac-
complir tous les actes de la vie , les repas, le
travail, le sommeil. On conçoit ce qu'a d'indé-
cent et de pénible cette cohabitation avec un
caaavre.
Mais la raison qui le plus fortement décida
la création de maisons mortuaires d'attente
ç'a été la raison médicale, le péril que présen-
tent des inhumations précipitées. Etre enterré
vivant 1 Quelle perspective terrifiante ! Ce ne
sont point seulement 'les gens simples
qui l'ont envisagée ; des esprits -sérieux,
doctes, en ont été hantés au point d'exiger,
par dispositions testamentaires, ou que leur
corps soit l'oljet d'épreuves douloureuses
après la mort présumée : sections des artères,
incisions à la plante des pieds, etc., ou qu'on
les enterre sans cercueil dans l'espoir d'être
étouffés plus vite.
M. le docteur de Lignières, dans un mé-
moire adressé à l'Institut, il n'y pas long-
temps, rapporte d'après Tourdes, auteur du
Dictionnaire encyclopédique des sciences
medicales, plusieurs exemples de cette préoc-
cupation : C'est une veuve Rosny qui or-
donne, par testament, à son médecin, de lui
trancher la tête quand il croira le décès sur-
venu, puis un. médecin israélite qui avait
chargé un de ses confrères de lui ouvrir une
carotide et une artère fémorale, ce qui fut
fait.
Est-il donc bien difficile de reconnaître la
mort ?
Plus qu'on ne le pense ordinairement. Il
r n'existe aucun signe probant, caractéristique,
absolu, de la mort.
Aucun de ces signes, pris isolément, ne
fournit d'indice certain, là putréfaction mê-
me, qui l'eût crut jie peut être considérée
comme un signe indubitable de décès, que
lorsqu'elle commence à se répandre sur une
notable étendue, car, ainsi que le fait remar-
quer M. le docteur de Lignières, d'après Hal-
ler, « un commencement de décomposition
putride peut, dans certaines maladies, se
manifester sur plusiéurs parties du corps vi-
vant, et les malades exhalent alors une odeur
cadavéreuse avant d'avoir succombé. »
QUELQUES VICTIMES
Cette incertitude dans laquelle les médecins
se trouvent d'affirmer la mort véritable mé-
rité de donner à réfléchir aux vivants. Certes
l'exagération a grande place dans les histoires
de résurrection contées un peu partout et que
l'imagination populaire a amplifiées; neuf
fois sur dix, les faits divers se rapportant à
l'enterrement de personnes vivantes sont,
renseignements pris, faux d'un bout à l'au-
tre. Malheureusement ce genre d'accidents.
ordinairement mortels existe; on en cite des
exemples historiques. L'abbëPrévost, l'auteur
de Manon Lescaut, tombe, frappé d'apoplexie,
dans la forêt de Chantilly. La justice donne
l'ordre de procéder à son autopsie. Au pre-
coup de scalpel, l'abbé poussa un cri qui prou-
vait bien qu'il était encore de ce modde. Il en
sortit bientôt après des suites de cette « er-
reur ».
Gauthier, conseiller et médecin du roi
Louis XVI, raconte la façon dont fut enterré
vivant L'Allemand, médecin de la princesse
de Craon ; Amelot de la Houssaye, dans ses
mémoires, cite lo cas du cardinal d'Espinosa,
premier ministre d'Espagne. Il ressemble à
celui de l'abbé Prévost, mais le dépasse en
horreur :
« Il n'était pas mort quand on le mit entre
» les mains des chirurgiens pour être em-
» baumé. Il revint à lui pendant qu'on l'ou-
» vrait ; il repoussa la main du chirurgien,
» ou pour mieux dire de l'assassin qui le dis-
» séquait; mais on ne laissa pas pour cela
» d'achever l'opération. »
Le récit le plus saisissant qu'on ait fait
d'un enterrement de personne vivante l'a été
au Sénat impérial, le 29 février 1866.
L'assemblée discutait une'pétition d'Hïppo-
ly.te Camot, dans laquelle on demandait de
doubler le délai de 24 heures pour l'inhuma-
tion, d'installer un appareil électrique dans
chaque cimetière, et, en outre, de supprimer
le couvercle.du cereu.eil,-, Le c 'ar(liual Donnet,
archevêque de Bordeaux, déclara que deux
fois, au début -de sa carrière pastorale, il
avait empêché des inhumations de personnes
vivantes, dont Fune vécut encore douze heu-
res et dont l'autre- revint complètement à la
vie. Puis il cita cet autre fait :
« En 1826, un jeune prêtre, au milieu d'une
cathédrale pleine d'auditeurs s'affaissa subi-
tement dans la chaire d'où il faisait entendre
sa parole, Un médecin déclare la mort cons-
tante et fait donner le permis d'inhumer pour
le lendemain, L'évêque de la cathédrale où
l'événement était arrivé récitait déjà le De
Profundis au pied du lit funèbre et on avait
pris les dimensions du cercueil ; la nuit ap-
prochait, et on comprend les angoisses du
jeune prêtre dont l'oreille saisissait le .bruit
de tous les préparatifs. Enfin, il entend la
voix d'un de r ses amis d'enfance, et cette voix
provoquant chez lui un effort surhumain
waèûe .un résultat meyv~UMX. Le lende-
main, il pouvait reparaître dans sa chaire. Il
est aujourd'hui au milieu de vous, vous
priant de demander au dépositaire du pou-
voir non seulement de veiller à ce @ que les
prescriptions légales soient observées, mais
encore d'en formuler de nouvelles pour pré-
venir des malheurs trop fréquents ou d'une
nature irréparable. »
GARANTIES LÉGALES
INSUFFISANTES
Malgré l'éloquence de cet exemple person-
nel du cardinal Dohnet, malgré les efforts de
M. Carnot et de plusieurs autres * orateurs,
le Sénat repoussa la- motion qui lui était sou-
mise.
Aujourd'hui, quelles garanties possédons-
nous contre un enfouissement prématuré qui
pourrait ne pas déplaire à des héritiers pres-
sés ou à une épouse désireuse de convoler en
nouvelles noces ?
La loi prescrit deux mesures : un délai de
vingt-quatre heures avant l'inhumation —
que, dans la pratique, on abroge fréquem-
ment — et la vérificationdu déces par l'offi-
cier de l'état-civil. Comme, d'une part, ce
fonctionnaire n'encourt aucune responsabi-
lité, et que, d'autre part, en fût-il autrement
et un médecin l'assisterait-il toujours, l'un et
l'autre ne sauraient se prononcer catégori-
quement sur la fin de fia vie que ne sont pas
arrivés à reconnaître -sûrement les plus
hautes autorités scientifiques, personns n'est
à l'abri d'une inhumation précipitée.
En Autriche et dans, presque toute l'Alle-
magne, jamais un cercueil n'est cloué et des
précautions sont prises pour que l'air y pé-
nètre.
Jamais l'inhumation n'a lieu avant qu'il
n'ait été gardé dans la chambre mortuaire
des cimetières jusqu'à la décomposition carac-
téristique constatée par un médecin officiel.
Rien ne nous empêcherait, en France, de
prendre la première de ces mesures. Grâce à
elle, au moins, les morts qui auraient envie
de ressusciter le pourraient en toute liberté.
Les efforts de MM. les docteurs de Ligniè-
res, Lamouroux et Bergeron vont enfin per-
mettre l'application partielle de la seconde de
ces mesures. Les chambres mortuaires d'at-
tente, que ce dernier va construire avec l'a-
grément du conseil municipal, rassureront
ceux qu'épouvantent pour eux et pour les
êtres qui leur sont chers le plus terrible des
supplices : la descente, vivant, au tombeau.
MORT
D'UNE BELLE-SŒUR DE M. CASIMIR-PERIER
Pointe-d'Ailly, 12 septembre.
Mme Delaporte, demi-sœur d'un premier
lit de Mme Jean Casimir-Perier, et par con-
séquent belle-sœur et cousine du président de
la République, est morte aujourd'hui à qua-
tre heures du soir, à Varangeville-sur-Mer,
emportée par une péritonite aiguë en trois
jours.
Mme Delaporte était divorcée depuis plu-
sieurs années et son mari, ancien avoué à
Paris, avait, depuis, contracté une nouvelle
union.
Mme Delaporte a eu deux filles. L'une, Mme
Lassimone, fut assassinée, on se souvient
dans quelles conditions, par Mme Raymond.
L'autre a épousé M. Thomeguex.
LES LADRERIES
DE L'ADMINISTRATION COLONIALE
Malgré la décision ptise par le ministre de
la marine, en dàte du 28 janvier 1894, accor-
dant le bénéfice de la campagne de guerre
aux troupes qui ont pris part à l'expédition
du Siam, l'administration des colonies se re-
fuse obstinément d'en tenir compte aux
ayants droit. C'est ainsi qu'on a refusé de
payer aux officiers l'indemnité d'entrée en
campagne, à laquelle ils ont droit d'après les
règlements en vigueur l
D'autre part, on n'a payé que demi-solde
(solde de captivité), au capitaine Thoreux,
parce qu'il fut prisonnier dès rebelles du 5 mai
au 15 juillet.
On oublie que si ce système était admis
durant la guerre européenne, cela provenait
uniquement de ce que les parties belligé-
rantes se remboursaient mutuellement les
dépenses pour la nourriture des prisonniers ;
et il n'y a pas lieu de croire que le gouverne-
ment français ait remboursé au Siam les frais
de nourriture du capitaine Thoreux. Pour-
tant, il est bon de rappeler qu'en ce qui con-
cerne M. Grosgurin, fonctionnaire mis à mort
par les Siamois, une indemnité a été accordée
à sa famille, alors qu'à un officier français
prisonnier dans les mêmes conditions, on a
cru devoir lui réduire de moitié sa solde.
Superbe et d'une logique douteuse, l'admi-
nistration coloniale !
LE PRINCE ET LA PRINCESSE DE BISMARCK
Berlin, 12 septembre.
La princesse de Bismarck va beaucoup mieux et
a pu quitter le lit. Le prince est en excellente
santé.
snmm
ENTRE MAGISTRAT ET COCHON
Un président trop susceptible
(DE NOTRES CORRESPONDANT PARTICULIER)
- Saint-Cast, 12 septembre.
Quoiqu'elle date de huit jours, on s'amuse en-
core sur la plage de Saint-Cast do la plaisante
aventure à laquelle- a été mêlé, au commencement
de ce mois M, Gabriel Gouin, président du tribu-
nal de Saint-Brieuc.
Il sortait de table et flânait, dans l'après-midi,
aux environ de Saint-Cast, quand, devant la porte
d'une ferme, il aperçut un énorme cochon occupé
à satisfaire un besoin au beau milieu du chemin.
M. Gabriel Gouin, qui est pudique, dérangea
l'animal à coups de parapluie et, l'invectivant, es-
saya de lui faire reprendre le chemin de la
ferme.
Le cochon lui résista, fit tête, tout comme s'il
était un sanglier ; mais dépourvu de boutoirs, il
n'intimida pas le président qui continua à le rosser
en lui adressant les plus violentes injures.
Le pauvre cochon, sur le gras derrière dugael les
baleines du parapluie présidentiel produisaient un
fâcheux effet, se mit à pousser des cris si lamen-
tables que la fermière, une robuste matrone, ac-
courut.
— Qu'avez-vous donc à taper comme ça sur
mon cochon? dit-elle furieuse à M. Gouin.
— Votre cochon est le syndic des coelions, répli-
qua le président, le plus répugnant cochon qu'il
m'ait jamais été donné de voir dans ma longue car-
rière de magistrat; je viens de le surprendre en
flagrant délit d'outrage à la pudeur et à la morale
publique, et si je n'avais égard au rang inférieur
qu'il occupe dans l'échelle sociale, je le ferais pour-
suivre et à sondéfaut vous-même, comme civilement
responsable.
Ce discours fut accentué d'un telle série de coups
de parapluie sur les jambons futurs de la pauvre
bête, lue la fermière, qui tenait à son bien, se hâta
de le défendre, et entre elle, le compagnon de saint
Antoine et le touriste de Saint-Cast il y eut une
lutte homérique qui se termina par la retraite du
cochon vers son auge et par celle de M. Gouin vers
sa villégiature, mais non sans qu'il eut menacltla
fermière du tribunal dont il a la présidence.
Lo Réveil breton, qui s'est amusé de cette pe-
tite histoire, dit à ce propos :
« L'on pense toutefois que l'affaire n'aura pas de
suite, le président ayant déclaré que les verres de
son lorgnon se trouvant obscurcis par les brouil-
lards de la plage, il avait cru se trouver en P.
sence d'un de ses clients ordinaires. »
Mettes du Proqrès
LES CAUSES FINALES
Je reçois la lettre, indiscrète peut-être,
mais amusante et aimable que voici :
Cher monsieur,
Tout est tUile dans la nature, dit un vieux
proverbe qui vient sans cesse me tourmenter
par suite des agacements continuels des
mouches.
Quelle est donc l'utilité des mouches ordi-
naires, si tracassières, des mouches à vers et
des moustiques?
Quand j'étais enfant, j'éprouvais pour ces
insectes la même répulsion qu'aujourd'hui.
Mon professeur de troisième, un excellent et
digne homme, beaucoup plus fort sur la
langue de Cicéron que sur l'histoire naturelle,
me répondait invariablement, lorsque je lui
demandais des explications sur l'utilité des
mouches :
— Elles ont été créées pour exercer la pa-
tience de l'homme (sic).
Passant à un autre ordre d'idées, je viens
encore vous poser la question suivante : A
quoi servent donc les puces et les punaises?
Voilà, mon cher monsieur, un beau sujet
pour vos Tablettes et qui sera goûté, soyez-en
certain, par de nombreux lecteurs.
J'aime à penser que vous serez un peu plus
explicite que mon ancien professeur.
Comme conclusion, j'ajouterai :
Que Lucet LUCEAT, et je serai satisfait.
Croyez, etc.
UN RURAL,
abonné au XIXe Siècle.
Que ce soit là un joli sujet à mettre en
« Tablettes », je n'en disconviens pas;
mais comme le Créateur — dont les voies
(ne l'oublions pas 1) sont impénétrables —
ne m'a pas fait de confidences, l'œuvre ne
laisse pas d'être délicate.
En ce qui concerne les mouches, cepen-
dant, le problème serait plutôt simple, un
certain Emerson, chimiste d'origine et
anglais de profession, s'étant chargé, il y
a déjà beau jour, de la résoudre.
D'après mondit Emerson, la mission
providentielle des mouches ne serait rien
moins qu'une mission d'assainissement
préventif. Les mouches, en effet, seraient
chargées de nettoyer l'atmosphère am-
biante et de l'expurger des innombrables
germes, spores et ferments dont les invi-
sibles essaims, peuplent ses translucides
profondeurs.
Avez-vous jamais observé une mouche
au moment où, après avoir voleté çà et là,
elle vient enfin de se poser? Regardez-la
attentivement. Elle va exécuter une série
de mouvements rappelant le manège du
chat qui fait sa toilette ou du moineau qui
lustre ses plumes. On pourrait croire que
c'est là pure coquetterie, car la mouche,
en dépit de ses mœurs bizarres et des sin-
gulières régions où elle fréquente, est un
petit animal fort élégant et très soigné de
sa personne. Mais, en réalité, c'est tout
une autre histoire, dans laquelle le souci
de la propreté n'entre que pour très peu
de chose.
La vérité ne se discerne pas toujours à
l'œil nu, mais en regardant les mouches
au microscope, M. Emerson a découvert,
que leur corps grouille littéralement de
parasites d'une petitesse invraisemblable
et que toutes leurs gesticulations ont pour
but unique de rassembler en un seul point
le plus grand nombre possible de ces
atomes vivants, pour n'en faire ensuite
qu'une bouchée.
Notre Anglais crut d'abord que, sem-
blables au comte Ugolin de la légende
dantesque, c'était leur propre progéniture
que dévoraient ainsi les mouches. On
sait, en effet, qu'elles portent leurs petits
accrochés à leur ventre. Mais en y regar-
dant de plus près, il dut reconnaître son
erreur et formellement conclure :
lo Que ce ne sont ni leurs petits ni leurs
œufs que les mouches s'ingurgitent ainsi,
mais des choses animées, animalcules impal-
pables ou cryptogames subtils, moisissures
ou pucerons qui flottent dans l'air et se col-
lent à leurs pattes, à leurs ailes, à leurs
flancs ;
2o Que notre atmosphère est littéralement
saturée de ces parasites, qui ne sont autre
chose que des microbes, de telle sorte que
sans cette intervention tutélaire l'acte de
respirer équivaudrait à boire la mort à petites
gorgées.
Quand donc les mouches pullulent quel-
que part, c'est que, très probablement, le
gibier microbien y abonde. Il serait ma-
ladroit de les expulser et injuste de s'en
plaindre. C'est pour notre santé qu'elles
travaillent. A ce compte-là, on doit leur
pardonner d'aigrir le lait, de tourner les
sauces, de « coloniser » la viande et de
troubler le sommeil des honnêtes dor-
meurs.
Exercer l'homme à la patience — qui
est une vertu précieuse et qui peut même
à la longue devenir du génie — c'était déjà
bien. Faire la chasse aux microbes, c'est
mieux.
Vous voyez bien que tout est prévu et
merveilleusement réglé.
Il est vrai que si les mouches dévorent,
au vol, le plus de microbes qu'elles peu-
vent, il arrive en revanche qu'elles col-
portent, et, par ricochet, qu'elles étalent
la contagion au lieu de la restreindre Le
fait parait établi pour le charbon et pour
le choléra, et il n'est point absurde de sup-
poser que, plus d'une fois, les mouches
ont joué leur petit rôle dans la transmis-
sion de la tuberculose, de l'érysipèle, de la
diphtérie, de l'infection purulente, etc. En
ce qui concerne particulièrement la fièvre
jaune, il résulte des études du docteur cu-
bain Finlay et du docteur américain Ham-
mond — pour ne citer que ces deux-là —
que les principaux agents de propagation
du fléau ce sont. les moustiques, sur les-
quels mon « rural » sollicite également
mon avis. -
D'accord ! Mais vous savez bien qu'il y
a trop de monde au monde et que l'hu-
manité pousse trop dru. Malthus l'a dit et
il n'avait peut-être pas tort. S'il ne surve-
nait pas de tômps en temps une bonne pe-
tite éiêmie, il n'y aurait bientôt plus
iasez* de place au soleil ni assez de foin
1 au râtelier.
A quelque point de vue qu'on se placs
et par quelque bout qu'on prenne la ques-
tion, on finit toujours par être obligé de
reconnaître que les mouches elles-mêmes
et les moustique ont, dans l'harmonie
savante et compliquée du Cosmos, leurs
fonctions avouables et leur spéciale utilité.
Restent les puces et les punaises. Ici js
l'avoue, je me sens un brin embarrassé,
personne n'ayant encore pris la peine,
comme pour les mouches, de dresser le
bilan de l'optimisme.
Peut-être pourrait-on dire, à la rigueur,
que la puce — une bête ravissante, en fin
de compte, avec son corselet d'or bruni
— a sa valeur esthétique, en même temps
que l'exemple de ses mœurs acrobatiques
est fait pour réveiller chez les races tor-
pides le goût salutaire du sport. Qui sait
si ce n'est pas le spectacle de ses sauts pé-
rilleux qui suggéra jadis à Paschal Grous-
set la riche idée de se faire l'apôtre de la
renaissance physique?
Malheureusement, il y a la punaise,
emblême de la platitude, dont aucun ca-
suiste ne saurait trouver le moindre bien
à dire. Cela prouve-t-il' positivement la
malfaisance de la punaise, ou l'insuffi-
sance de l'esprit d'analyse? That is the
question — une « couestcheunne » qui,
faute d'y pouvoir victorieusement ré-
pondre, va me fournir, à tout le moins, un
prétexte pour transporter le débat sur un
terrain plus sérieux.
Nous n'avons pas à connaître ni même
à rechercher l'utilité de telles ou telles
plantes qui peuvent être vénéneuses, ou
de telles ou telles bêtes qui peuvent être
féroces. Rien nQ sert a-rien, en réalité, tout
être vivant, animal ou végétal, ayant en
soi, par soi et pour soi, son unique raison
d'être.
La vérité est que nous n'avons, enpareille
matière, souci que de nous-mêmes, de no-
tre propre intérêt, comme si chacun de
nous était effectivement l'aboutissant de
tout. C'est une conception fausse^ parce
que trop étroite. La doctrine anthropocen*
trique, qui prétendait rattacher au roi de
la création tous les fils de l'univers, la
doctrine anthropocentrique a fait son
temps,, de même que les causes finales.
On ne peut plus soutenir sans rire que la
Nature est une très bonne et très charita-
ble personne, une manière de Petit-Man-
teau-Bleu qui aurait tout arrangé pour le
mieux dans l'intérêt de la sécurité, du
bien-être et de l'agrément des bipèdes dé-
plumés que nous sommes, au point défaire
passer les fleuves à travers ou, tout au
moins, à proximité des grandes villes et
de diviser le melon par tranches pour qu'il
pût être mangé plus commodément en fa*
mille.
A quoi sert la vermine ? Eh mon Dieu !
elle se sert à elle-même. Là n'est pas seu<
lement son excuse : c'est aussi son unique
but. Dès lors, la satisfaction de l'homme
— qui n'est qu'une vermine un peu plus
grosse — n'a pas, dans le plan général des
choses, à entrer plus que de raison en li-
gne de compte. Ne faut-il pas que tout le
monde vive, jusques et y compris les mou-
ches, puces, punaises, moustiques et mi.
crobes, jusques et y compris le bacille de
la tuberculose et le vibrion du choléra ?
Il est vrai que si nous n'avons pas le
droit de protester, nous avons celui de
nous défendre. A ce propos, voici les
conseils que je puis, gratis pro Deo, of-
frir aux intéressés : Saturez l'air de vos
appartements de bôrô-thymol pulvérisé au
vaporisateur, observez partout une pro.
preté méticuleuse, lavez les planchers à
l'hermitine et les jointures des meubles à
la naphtaline ou au pétrole, évitez lepitch-
pin, mettez des feuilles d'eucalyptus sous
vos traversins et vos matelas. et dormez
en paix. C'est la grâce que je vous sou-
haite — et que je vous promets !
Raoul Lucet.
Lottros il Yieui Fonte
PIÈCES A CONVICTION
Paris, le 12 septembre.
Monsieur le rédacteur,
Un journal de Vichy a dit, parait-il, que
le tenancier du Cercle international de
Vichy n'était plus italien. Il se serait fait
naturaliser, il y a quatre mois, le 4 juin
1894. Je connais pour ma part des Italiens
qui sont les plus braves gens du monde,
qui n'ont jamais fait de tort à personne.,
qui gagnent honorablement leur vie.et aux-
quels ont fait attendre depuis des années
leur naturalisation ; mais M. JUfleth n a eu
sans doute qu'à la demander pour l'ob-
tenir. Je vois d'ici la note fournie par
le commissaire de Vichy et par le préfet
de l'Allier. Ce funeste Italien, qui a
dévalisé des générations de baigneurs et
qui s'empresse d'expédier leurs dépouilles
dans sa patrie d'origine où il les con-
vertit en superbes villas, devait y être
présenté comme le modèle de toutes les
vertus publiques et privées. D'où cette
moralité qu'il vaut toujours mieux faire
grand. Un modeste joueur de bonneteau
n'aura jamais droit aux faveurs de l'admi-
nistration, tandis que, devant le tenancier
d'un luxueux tripot comme le Cercle in-
ternational. toutes les autorités s'incline-
ront.
Si au lieu de donner à jouer au baccara
dans un splendide local, M. Jurietti s'était
contenté d'étaler des cartes biseautées sur
un parapluie ouvert en guise de table de
jeu, le long de quelque boulevard exté"
rieur, comme font les joueurs de bonne<
teau, eût-il jamais marié sa fille à un bah<
qujer qui est en même temps président
d'un tribunal de commerce, et chez le-
quel les traites signées par les victimes
de l'International au profit du nommé
Evrard ne doivent pas être d'un escompte
trop difficile ?
Ce naturalisé de fraîche date a, d'ail-
leurs, comme principaux complices, toute
une bande d'étrangers. André est belge,
Pacifique et César sont suisses. Il doit
y avoir aussi dans son personnel un
nommé Bollen qui est belge.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.51%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.51%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75625063/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75625063/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75625063/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75625063/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75625063
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75625063
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75625063/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest