Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-09-11
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 11 septembre 1894 11 septembre 1894
Description : 1894/09/11 (A24,N8275). 1894/09/11 (A24,N8275).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7562503v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
- VINGT-QtTATIUÈME ANKÉE.—8^75 ■ r LE --ao:,Gdfè
..M:Alttlt _W"'K- .t894
ShBBH^^b '-'BMË&^^BB5BI^K ^■ £ «ë139w'V^IBHB eL
ET «bihbumt—
142, Rue MontmartM
PÂBS8
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOUARD PORTALIS
Adresse télégraphique : XIX" SièOMB—PABBt J
Téléphone : 20.280 bia.
uvniifitf
Otes rM. LAGRANGE, CERF et 0*
6, place de ÙllJtnJNe. 6
ABONNE BIEN TS
Paris ,.. Trois lois, 6 (.; Sii Ion, 11 {.; Da AI, 201
Départements — 71; — 12 f.; - 241
Union Postale — 9f.; — 16 f.; - 331
Les Abonnements sont reçus sans frais d.
tous les Bureaux de Poste.
Heureux parpersnasion
Ils sont nombreux, les hommes qui di-
sent,. quand ils ont trop bu, que tout le
monde est ivre ; ils sont aussi quelquefois
divertissants.
Un de mes plus grands amusements,
ces temps derniers, a été de lire une chro-
nique du plus joyeux optimisme dans un
journal très populaire que dirige un richis-
sime sénateur (Petit Parisien du 16
août).
Cette chronique est à encadrer, et c'est
ce que j'en ai fait. Elle pourra me servir à
confondre les personnes qui viendront se
plaindre à moi et à me tirer d'affaire vis-
a-vis de celles qui seraient tentées de me
demander un emprunt d'argent : je pense
arriver sans peine à leur prouver qu'ils
n'ont besoin de rien.
Si les paroles réconfortantes de l'écri-
vain qui voit tout en rose ont porté dans
les masses à qui elles étaient destinées,
tout le monde est dans le parfait bonheur,
au moins par persuasion.
A notre époque, il n'y a que des heu-
reux. La vie est facile. La misère a dis-
paru. Tout est pour le mieux dans le meil-
leur des mondes.
La vie matérielle est douce et belle, c'est
lui qui parle. Tout est pour rien sur le
marché. On a parlé de la « cherté des sub-
sistânçes ? » Des blagues !
Le pain est à « vil prix » le « vin à deux
ou trois sous le litre » ; le fruit « est à
rien » ; le sucre et l'alcool sont aussi à très
bas Drix.
Pour l'habillement, même phénomène :
« Les plus belles étoffes de soie et de laine
sont à la portée de toutes les femmes qui
en ont envie. »
On ne « distingue pas la petite ouvrière
de la petite bourgeoise ni la petite bour-
geoise de la duchesse ».
Et l'ameublement? Partout le luxe.
« L'argenterie aristocratique a remplacé
réiûckOTle fer-blanc. Qui n'a pas aujour-
d'hui service d'argenterie ?
Et la" moisson est splendide, la vigne
magnifique. Tout cela vient tout seul, pen-
dant que les paysans « rient et chan-
tent ».
A
Comme les faits s'enchaînent ! Si la va-
leur des produits du travail a baissé, le
prix du travail a haussé. « Le gagiste ga-
gne1 le double, les salaires ont triplé. »
g Donc l'ouvrier a quatre et six fois de plus
à consommer qu'autrefois. C'est une exis-
tence toute de délices pour lui.
L'économie lui est facile. S'il n'écono-
mise pas, il jouit. Il se « capitalise lui-
même ». Le mot est exquis. Il se donne
toutes les satisfactions et il lui reste encore
un sou pour acheter le Petit Parisien,
une création moderne, qui lui aurait coûté
jadis 70, 80 et 120 francs par an.
Ainsi, c'est entendu, « on lit pour rien »
et « on vit, et largement, pour presque
rien ». Ceci est dit en toutes lettres, je le
répète, dans un journal hTpar les prolé-
taires. Ceux qui ne sont pas contents,
qu'ils nous donnent la paix, ce sont des
pessimistes !
A
Je voudrais bien savoir ce qu'ont pensé,
à la lecture de l'article dont je donne l'idée
très fidèlement, l'ouvrier dont la paye est
dépensée par anticipation en achats indis-'
pensables pour son ménage, et le paysan
qui sue toute l'année pour obtenir une ré-
colte sans cesse menacée par les caprices
des saisons.
* Je serais désireux de savoir s'ils se
sont trouvés aussi heureux que lé disait
le journaliste satisfait, ou si, au contraire,
ils n'ont vu là qu'un tableau riant fait
d'une plume alerte obéissant à une ima-
gination féconde et exaltée, car la situa-
tion qu'il a décrite peut fort bien être son
idéal, mais elle n'est pas réelle, tant s'en
faut.
&? ■. -
Pour la majorité, la vie est aussi dure
qu'il y a trente ou quarante ans, voilà la
déplorable vérité.
Non, les cours des marchandises ne
sont pas avilis. Quelques objets, de pro-
duction industrielle, ont diminué de prix;
mais les denrées nécessaires à l'existence,
celles dont on ne peut se passer et qu'il
faut se procurer d'abord, ont conservé
leur valeur.
Le pain est toujours cher; le blé est
vendu en France à un plus haut prix que
dans les autres pays : 2 francs de plus le
quintal qu'à Berlin, 4 francs de plus qu'à
Vienne, 5 francs de plus qu'à Bruxelles,
7 francs de plus qu'à Amsterdam, 8 francs
de plus qu'à New-York et 9 francs de plus
qu'à Chicago.
Le vin est toujours aussi cher.
Et la viande a augmenté de prix.
Les mercuriales de la Ville Lté nous
apprennent que le bœuf, vendu aujour-
d'hui 1 fr. 61 le kilo, se vendait 1 fr. 30 en
1893, 1 fr. 35 en 1892, 1 fr. 47 en 1891 et
1 fr. 48 en 1890. Le veau, qui était à
1 fr. 50 en 1890, est aujourd'hui à 1 fr. 73.
A
Avant de se procurer de l'argenterie et
de-s robes de soie, la ménagère doit assu-
rer d'abord le nécessaire à la maison.
L'optimisme ne remplace ni le pain ni la
viande,et l'argent manque parfois pour en
acheter.
Il n'est pourtant pas permis d'ignorer
qu'il y a des hommes de peine, des jour-
naliers, des ouvriers et des employés qui
gagnent moins de quatre francs par jour,
même à Paris, et que la plupart ont une
famille à entretenir.
On ne peut ignorer non plus qu'en pro-
vince, s'il y a quelques industries où l'ou-
vrier trouve un salaire rémunérateur, gé-
néralement les ouvriers gagnent beaucoup
moins qu'à Paris, et qu'enfin il y a toute
une population, de travailleurs agricoles
dont le gain ne représente pas une valeur
de un franc cinquante centimes par
jour.
En admettant ces données, on ne peut
plus s'écrier que tout est bien, que tout est
beau et qu'il n'y a plus rien à faire.
Convenons que notre société est en
progrès sur l'ancienne, mais n'allons pas
jusqu'à nous figurer que le progrès est
très avancé et que tout le monde en a pro-
fité.
***
En regard du luxe qui s'est étendu, on
pourrait fort bien montrer le chiffre des
malheureux qui s'est également augmenté :
la statistique des bureaux de bienfaisance
accuse un accroissement annuel du nom-
bre des personnes qui sollicitent des se-
cours..
On ne saurait trouver là les indices
d'une prospérité générale.
Beaucoup de gens se privent à peu près
sur tout, même sur la nourriture, et ils
ne le font pas par pessimisme.
N'est-il pas vraiment étrange de lire
de semblables. dithyrambes sur un état
social encore si imparfait ? Le rôle de la
presse n'est pas de pousser les choses au
noir, mais non plus de les montrer trop
belles. Son objet principal est de rensei-
gner exactement le lecteur, ce qui n'a pas
lieu quand on lui dit le contraire de la
vérité.
A présent, je serais bien aise de me
tromper. Je lirais avec un indicible bon-
heur le discours dans lequel M. Jean Du-
puy démontrerait à la tribune du Sénat,
par des exemples probants, l'exactitude
des faits avancés par le rédacteur de son
journal dans un article qui, pour être d'un
beau lyrisme, ne m'a pas semblé assez
concluant.
Thomas Graindorge.
Le Dupuysmc dans la Haute-Loire
Le Temps nous a parlé des actes de
favoritisme qui, en Corse, compromet-
taient la bonne administration de la jus-
tice. Pourquoi ne nous parle-t-il pas de ce
qui se passe dans la Haute-Loire où M.
Dupuy est député et, depuis qu'il a été
ministre, véritable chef et potentat de
toute l'administration du département?
Nous avons conté l'histoire de ce can-
didat nommé juge de paix dans la com-
mune et le canton où il avait été battu et
rebattu aux élections municipales, aux
élections au conseil général,, aux élections
législatives.
Voiai un autre exemple pris dans le
même département de la Haute-Loire et
dans le même arrondissement d'Yssin-
geaux: ,
Le tribunal d'Yssingeaùx compte parmi
ses membres un ancien bonapartiste qui
jusqu'à ces derniers temps ne cachait ni
ses préférences politiques, ni son mépris
pour la République.
Ce juge, nommé Gondre, eut l'idée assez
singulière d'acheter à son fils une étude de
notaire à Yssingeaux.
Mais, lorsque vint le moment de la no-
mination du notaire, la chancellerie, esti-
mant que la présence du père comme juge
au tribunal et celle du fils comme notaire
danslamême localité présenteraient des in-
convénients par trop sérieux pour l'admi-
nistration de la justice, se refusa à cette
nomination y mettant pour condition que
M. Gondre donnât sa démission ou accep-
tât son changement.
M. Charles Dupuy était à cette époque,
comme aujourd'hui, président du conseil,
et M. Guérin ministre de la justice. On
voulait rallier des voix au rallié M. Néron,
futur candidat officiel dé l'arrondissement.
Alors M. Dupuy, pour gagner à son candi-
dat l'appui de M. Gondre et celui de son
fils, donna l'ordre de faire cette nomina-
tion qu'un dçs plus hauts fonctionnaires
du ministère de la justice, que nous pour-
rions nommer, se refusait à présenter en
la qualifiant hautement de scandaleuse.
M. Guérin naturellement obéit à M. Du-
puy et la nomination eut lieu.
Depuis lors, tout ce qui touche au tribu-
nal d'Yssingeaux joint ses efforts à ceux
de papa Gondre pour rabattre la clientèle
dans "l'étude du fils du juge, heureux pos-
sesseur d'un office extraordinairement pri-
vilégié. Ne faut-il pas se ménager les bon-
nes grâces du juge qui, en fait, est le véri-
table président?
Avec ce système on ne tardera pas à
nous ramener par une voie détournée au
bon temps du régime des épices.
La situation créée par la nomination de
M. Gondre fils comme notaire dans la
localité ou son père est membre du tribu-
nal a donné des résultats qui, pour être
logiques, n'en sont pas moins stupéfiants.
C'est ainsi qu'une dame de Mira val, veuve
Roméas, s'est vu imposer malgré elle, par
papa Gondre, le fils Gondre comme liqui-
dateur de la succession de son mari dont
elle est la légataire universelle. Mme de
Miraval a même adressé à ce sujet une
pétition à la Chambre des députés.
Une loi du 20 avril 1810, art. 63,et une du
30 août 1883, art. 10, ont réglé la nomina-
tion des greffiers et des avoués, en même
emps que l'exercice de la profession d'a-
vocat en raison de leur degré de parenté
avec les membres des cours et tribunaux
près desquels ils exercent. Une lacune,
nous avons eu l'occasion déjà de le faire
remarquer, existe en ce qui concerne le
notariat. Ne se trouvera-t-il pas un député
pour proposer qu'elle soit comolee ?
Le bouquet, c'est que le fils à papa, dont
M. Dupuy a exigé la nomination, serait
loin d'être le modèle du parfait notaire, et
que des plaintes nombreuses et précises
ont obligé le procureur général près la
cour de Riom, M. Gubian, à rédiger une
circulaire confidentielle pour interdire les
procédés employés par cet étrange officier
ministériel.
Est-ce ainsi que,sous le principat,de M.
Casimir-Perier on entend rehausser en
France le prestige de la justice, et ne se-
rait-il pas aussi utile à l'ordre public d'en
finir avec ces agissements et avec ceux
qui les emploient que de voter des lois
coiitee r.-chie t
■.■■y _.-:<-.. 'J!
La Fortune ies d'Orléans
A PROPOS DE LA SUCCESSION
DU COMTE DE PARIS
L' « or » des d'Orléans. — D'où vient la
fortune de la famille royale de
France. — Phases successives.
On sait que la famille d'Orléans a toujours
passé, sinon pour Tune des plus généreuses,
au moins pour l'une des plus riches familles
princières de l'Europe. ,
Mais si l'on parle fréquemment de sa for-
tune, on en connaît moins souvent l'origine et
l'histoire.
Qu'on nous permette donc d'en retracer à
grands traits les phases successives.
Au moment où il monta sur le trône,Louis-
Philippe jouissait — les lettres de M. de Cor-
nemin sur la liste civile l'établissent — d'un
revenu de plus de huit millions.
Les biens composant sa fortune personnelle
provenaient, en dehors de son patrimoine
proprement dit, les uns de l'apanage de la
maison d'Orléans et les autres des apanages
des deux enfants que Mme de Montes-
pnn avait donnés à Louis XIV, le duc du
Maine et le comte de Toulouse,dont sa mère,
née Marie-Louise-Adélaïde de Bourbon-Pen-
thièvre, était la dernière descendante et héri-
fi irA
LES APANAGES
Ruinée par la Révolution, la veuve de Phi-
lippe-Egalité était en effet rentrée en posses-
sion de sa fortune, estimée à 40 millions en-
viron, par une ordonnance royale du 20 août
1814 et en avait laissé à sa mort, survenue le22
juin 1821, les deux tiers à son fils et un tiers
à sa fille, Mme Adélaïde, en accordant toute-
fois à sa belle-fille Marie-Amélie la jouissance
des biens constituant l'ancien duché d'Au-
male.
L'apanage de la maison d'Orléans que
Louis XVIII restitua à « son bien-aimé cou-
sin et à sa sœur » n'était pas moins considé-
rable.
Il avait été créé par un édit de Louis XIV,
enregistré au Parlement le 10 mai 1661, qui
accordait à son frère, Philippe d'Orléans,
jusqu'à concurrence de 200,000 livres de
rente, les duchés d'Orléans, de Valois, de
Chartres et la seigneurie de Montargis, for-
mant auparavant l'apanage de Gaston, frère
de Louis XIII.
Une diminution de revenus ayant été consta-
tée par procès-verbal, des édite postérieurs
ajoutèrent plusieurs domaines à l'apanage,
entre autres le duché de Nemours, le comté de
Dourdan et Romorantin, le marquisat de
Coucyet Follembray.
En outre, le Palais-Royal, que Richelieu
avait donné à la couronne et que le roi-soleil
habita pendant les troubles de la Fronde, en
fut détaché et donné au duc d'Orléans par
ordonnance en date de février 1692.
Plus tard, Louis XV agrandit encore par
de nouvelles libéralités — ordonnances des
17 juillet 1740, 28 janvier 1751 et 17 dé-
cembre 1766 - cetté immense fortune qui
arrivait à présenter pour son heureux posses-
seur, en 1790, un revenu de 4,100,000 livres,
dépassant, ainsi que le constate le Moniteur
du 15 août de cette même année, le produit
des apanages réunis du comte de Provence,
depuis Louis XVIII, et du comte d'Artois,
depuis Charles X. ; -
Mais après la promulgation de la loi du
21 décembre 1790, qui supprimait les apana-
ges en accordant simplement à leurs benéfi-
ciaires un million de rentes annuelles sous le
nom de rentes apanagères ,tous les domaines
de l'apanage d'Orléans furent réunis au do-
maine de l'Etat et occupés par ses agents.
Bien que cette législation fût reconnue par-
les Bourbons de la branche ainée au moment
de leur rentrée en France, Louis XVIII rendit
à la date des 18 et 20 mai, 17 septembre et
7 octobre 1814, des ordonnances en vertu des-
quelles Louis-Philippe et Madame Adélaïde
rentrèrent en possession de tous les biens « non
aliénés » dont leur père avait joui titre et sous quelque dénomination que ce
soit ». -"'
Charles X poussa la bienveillance plus loin
encore. Il fit sanctionner par une loi, en 1825,
les dispositions des ordonnances rendues par
son frère.
La chose ne fut pas sans soulever quelques
difficultés, mais comme le roi avait pris soin
de faire présenter le projet en même temps
que celui qui concernait sa propre liste civile
et qu'il avait prévenu les députés les plus in-
fluents « qu'il en regarderait le rejet comme
une injure personnelle », il fut adopté.
A l'avènement de Louis-Philippe au trône,
tous les biens qu'il tenait de cet apanage
furent naturelle-mont de nouveau réunis au
domaine de l'Etat. Il continua seulement à
en percevoir l'usufruit comme auparavant
et à encaisser de ce chef tous les ans 2,523,000
francs.
Ainsij grâce à la reconstitution de l'ancien
apanage d'Orléans, le grand-père du comte de
Paris reçut en trente-quatre ans, de 1814 à
1848, plus de quatre-vingt-cinq millions.
LE PATRIMOINE DES D'ORLÉANS
Mais passons à son patrimoine proprement
dit:
Philippe-Egalité, en mourant guillotiné en
1793, n'avait pas laissé moins de 74,000,000
de dettes sur ses biens patrimoniaux qu'il
avait, du reste, abandonnés lui-même à ses
créanciers par un concordat en date du 6 jan-
vier 1792.
Mis aux enchères, l'Etat les racheta en
partie et paya les dettes jusqu'à concurrence
de 37,740,000 francs.
Une ordonnance de Louis XVIII fit restituer
à son cousin, malgré cette situation parti-
culière, toutes les propriétés du patrimoine
de son père ou que l'Etat avait acquises léga-
lement dans les conditions que nous venons
de retracer ou qui restaient encore comme
gage des créanciers non payés.
Pour les premières, les choses allèrent
toutes seules. Pour les secondes — qui repré-
sentaient encore, au dire de M. Dupin. lui-
même, une dizaine de millions au bas mot —
il y eut un peu de tirage. Mais on invoqua la
prescription et tout fut dit.
Les Bourbons ne s'en tinrent, pas là.
Louis XVIII paya toutes le s déttes que Louis-
Philippe avait contractées en exil, et Charles X
le fit admettre, contrairement à la volonté de
son ministre des finances, M. deVillèle, pour
17,169,734 fr. 67 c. dans la liquidation du
milliard d'indemnité accordé aux. émigrés par
la loi du 17 a vni lb:*&>.
On aurait trop à faire s'il fallait' signaler
tous les autres capitaux que le roi-citoyen re-
cueillit plus tard à la suite de divers procès
qu'il intenta,soit à la ville de Paris, soit à de
nombreux propriétaires de la Manche, ou
qu'il accumula par d'heureux placements à
l'étranger.
Mais on peut certainement affirmer qu'il
avait en 1830 une fortune qui ne devait pas
représentér beaucoup moins de deux cents
millions.
LA DONATION DU 7 AOUT 1830
Les termes de la loi de 1314 déclarant que
les biens du prince qui parvenait au trône
étaient à l'instant même réunis au domaine
de la nation, Louis-Philippe, deux jours
avant d'être proclamé roi, dans la soirée du
6 au 7 août, fit, par acte devant notaire, do-
nation de tous ses biens, y compris ceux qui
lui venaient de sa mère, à ses enfants mi-
neurs. Seuls, ce-ux qu'il tenait de l'apanage
d'Orléans et dont il ne pouvait disposer à son
gré, furent exceptés de ce fameux contrat qui
devait lui assurer, à lui et à sa famille, la
possession et la jouissance d'une immense
fortune, quels que pussent être les événements,
en dehors des douze millions qu'il allait avoir
de la liste civile.
LA CONFISCATION DE 1852
ET LA RESTITUTION DE 1872
Partagée entre les sept plus jeunes enfants
du roi — car le duc d'Orléans, héritier pré-
somptif, avait été soigneusement exclu de la
donation — cette fortune fut, comme on sait,
confisquée au lendemain du coup d'Etat, par
les décrets du 22 janvier 1852. Elle s'était en-
tre temps considérablement accrue, d'abord
par la gestion habile et intelligente qui en
avait été faite, et ensuite par divers héritages,
celui de madame Adélaïde et celui du prince
de Condé, entre autres, ce dernier revenant
tout entier au duc d'Aumale et estimé environ
cinquante millions. Mais bien que d'après le
texte même des décrets elle dût s'élever, rien
qu'en immeubles en France, à près de trois
cents millions, on ne put guère saisir que
pour une cinquantaine de millions de pro-
priétés, grâce à certaines précautions prises
et peut-être aussi parce qu'on avait tout de
même un peu exagéré dans l'évaluation.
L'affaire fit, on s'en souvient, grand bruit
à l'époque. Plusieurs ministres du prince-
président, Morny, Fould, Rouher, Magnan,
protestèrent par des démissions. Puis le ta-
page se calma et jusqu'à la fin de l'empire il
n'en fut plus question.
A leur rentrée en France, les princes d'Or-
léans, dont la plus grande partie de la fortune
avait échappé au séquestre, soit par des pla-
cements en valeurs, soit par des placements
en immeubles à l'étranger, réclamèrent dans
des circonstances qu'il serait superflu de rap-
peler la restitution de ceux de leurs biens
qui avaient été confisqués. L'Assemblée na-
tionale fit droit à leur demande le 23 novem-
bre 1872 et chacune des huit branches de la
famille eut sa part sur ces fameux « quarante
millions » dont on a tant parlé.
LA FORTUNE DU COMTE DE PARIS
Des 27 princes ou princesses dont se compo-
sait alors la descendance de Louis-Philippe,
le moins favorisé était incontestablement le
comte de Paris.
Son père avait été exclu de la donation du
7 août 1830. Sa mère était une des princesses
les plus pauvres d'Allemagne. Ils n'avaient
donc, lui et son frère, qu'une très minime
partie de l'énorme fortune de leur aïeul.
Et vraiment, à côté de ses oncles, du duc
d'Aumalet héritier des Condés, du duc de
Montpensier, marié richement à la sœur de
la reine Isabelle, le chef-de la maison d'Or-
léans faisait modeste figure.
Son union, précisément avec une fille du
duc de Montpensier, avait bien un peu amé-
lioré ses affaires. Mais elles étaient encore
loin d'être brillantes, quand la restitution des
biens confisqués en 1852 vint le tirer d'em-
barras.
A quel 'chiffre s'éleva la somme qui lui
revint sur ce gros capital ? C'est ce qu'on ne
sait pas au juste. - ,
On peut dire seulement qu'il avait déjà
quelque chose comme sept à huit millions
quand coup sur coup il hérita de vingt-cinq
millions que la duchesse de Galliera lui légua
par testament, en mourant, et de huit ou dix
autres de son beau-père.
SA SUCCESSION
Au total, sans exagération, c'est à peu près
quarante millions qu'il laisse à ses enfants,
après naturellement l'attribution qui appar-
tient en propre à leur mère.
Ils sont six à se les partager et déjà le
Figaro nous apprend comment ils se les ré-
partiront :
« Le duc d'Orléans, annonce-t-il, comme
chef de la famille politique, sera tout natu-
rellement avantagé : il aura à sa disposition
immédiate un revenu de 250.000 francs envi-
ron, s'ajoutant à la pension de 100.000 francs
par an que lui servaient depuis sa sortie de
Clairvaux son père et sa mère. -
» La même pension de 100.000 francs était
servie, depuis son mariage, à la princesse'
Amélie, reine de Portugal.
» M. le duc d'Orléans, le nouveau chef de
la famille, recevra en outré le château d'Eu.
» Le vaste domaine de Villamanrique re-
viendra à son jeune frère, héritier des titres
du duc de Montpensier. »
Notre confrère dit ensuite que ce domaine
d'Espagne, que le comte de Paris se plaisait
à agrandir constamment, comprend plusieurs
milliers d'hectares presque exclusivement
plantés d'eucalyptus et que cette exploitation,
qui n'a pas encore donne de grands résultats,
est en excellente voie.
Il nous apprend aussi que la direction des
terres seigneuriales d'Eu et du Tréport a été
confiée à un agriculteur de profession, et
qu'on y pratique en grand l'élevage des trou-
peaux de moutons shropohire, qui y ont
admirablement réussi.
Il nous dit enfin que le comte de Paris,
depuis sa rentrée en France jusqu'à son der-
nier exil, avait dépensé plus de 6 millions
pour installer, entretenir et agrandir le châ-
teau d'Eu ou ses dépendances, et que natu-
rellement toutes ces sommes ont été pour
ainsi dire perdues par suite de l'exil.
Nous n'ajouterons rien à ces renseigne-
ments, sinon que les enfants du comte de
Paris ou, pour mieux dire, que leur mère a
encore un gros héritage en perspective : celui
de la duchesse de Montpensier.
Mais malgré cela, le jeune duc d'Orléans
ne parait pas près d'avoir la fortune de son
bisaïeul.
En finances comme en politique, le duc
d'Orléans d'alors semblait s'entendre un peu
mieux que le duc d'Oriéans' d'aujourd'hui.
ÉLECTIOnS MUNICIPALES
A SAINT-OUEN ET A BAGNOLET
Le second tour de scrutin pour les élec-
tioas municipales complémentaires de Saint-
Ouen a eu lieu hier.
Des quatre listes qui se trouvaient en
présence, la liste socialiste revislonniste a
été élue en entier.
Voici d'ailleurs les résultats :
Inscrits : 5.728. — Votants : 2.966
BuUetins blancs ou nuls, 49.
Liste socialiste révisionniste : Basset,
1,523 ; Renard, 1,448 ; Viard, 1,405 ; Reveil-
las, 1,397 ; Marette, 1,329.
Liste blanquiste : Courtoison, 1,014 ; Cha-
lufour, 1,013 ; Lemont, 946 ; Renault, 963 ;
Wurtz, 983.
i Liste possibiliste : Lefebvre, 263 ; Roger,
259 ; Philippe, 257 ; Traiter 356 > Thou-
LTÎgnoû, 217.
Liste progressiste : Simon, 36 ; Couvrat,
32 ; Garçonnet, 28 ; Mary, 28 ; Letnrd, 28.
A Bagnolet également, le deuxième tour de
scrutin pour les élections municipales com-
plémentaires a eu lieu hier.
Voici les résultats obtenus :
Inscrits : 1.423 — Votants : 907
Liste progressiste : MM. Joseph 470, Bi-
dault 465, Zogala 458, Mailluchet 447, Dauer
445, Villette 441, Delonnetbeau 438; Gouyon
436, Dierzé 430.
La liste progressiste est élue en entier;
vient ensuite la liste socialiste qui obtient :
MM. Sourriau 399, Goubeaux388, Canu386,
Gaugois 388, Kieffer 384, Sigot 382, Delmas
380, Bouclet 379, Parmentier 376.
Aussitôt ce résultat connu, M. Hure, maire
de Bagnolet, qui patronnait la liste socialiste,
a annoncé qu'il allait donner sa démission de
maire.
BM—M—W—SBBHMi
ELECTION LÉGISLATIVE DE L'AUBE
Arrondissement de Nogent-sur-Seine
Inscrits : 11.398 — Votants : 10.935
MM. Robert, anc. dép. rép. mod. 4.031 voix
Bachimont, radical. 3.341
Perdron, socialiste-révol 1.183
Gaudineaurép. 122
(Ballottage)
[Il s'agissait d'élire un successeur à M. Casimir-
Perier. Aux élections générales du 22 août 1893,
le président de la République avait été élu, au pre-
mier tour, par 6,857 voix contre 983 données à
M. Henri Gornet, socialiste.]
Catastpopiie sur la ligne du Nord
Cinquante victimes. — Nos informations
Un terrible accident de chemin de fer s'est
produit hier. Le rapide de Paris-Cologne a
déraillé, faisant un nombre considérable de
victimes, une cinquantaine de tués ou bles-
sés. On ne sait au juste, la nouvelle avant été
connue assez tard à Paris et la compagnie du
Nord se refusant à donner la moindre infor-
mation.
Voici les dépêches que nous ayons reçues :
Chauny, 9 septembre.
On annonce qu'un accident de chemin de
fer s'est produit cette après-midi entre No y on
et Chauny.
Il y aurait de nombreuses victimes.
Les détails manquent.
Chauny, 9 septembre.
C'est le rapide no 115, qui part de Paris à
midi quarante, qui a déraillé en pleine voie à
Appilly.
Il y a de nombreuses victimes. -
Le chef de gare d'Appilly a été tué ainsi que
plusieurs voyageurs.
D'autres voyageurs, le mécanicien, le
chauffeur, le garde-frein ont été blessés.
Saint-Quentin, 9 septembre, 9 h. 35 soir.
Le train 115 a déraillé à Appilly par suite
de la rencontre avec un wagon de marchan-
dises en manœuvre.
On dit ici que le nombre des morts est d'une
dizaine et celui des blessés d'une vingtaine.
Le chef de gare d'Appilly est tué.
L'accident aurait été plus terrible sans le
sang-froid du mécanicien qui a renversé la
vapeur.
Lui-même a eu la tête fendue et ses jours
sont en danger.
M. Barthou à Appilly
Le ministre, des travaux publics, qui se
disposait âtlaJL'tirpour le Midi, se trouvait à
la gare de Lyon. lorsqu'il apprit l'accident
d'Appilly.
Il s'est immédiatement fait conduire à la
gare du Nord et a pris le train de 9 heures 25
pour se rendre a Appilly.
On n'a pas oublié qu'il y a quatre ans,
quelques jours avant la catastrophe de Saint-
Mandé, le rapide qui part de Cologne à lb.45
du soir et arrive à Paris 11 h. 31, dérailla
près de Creil, faisant pas mal de victimes.
NOS RENSEIGNEMENTS
Quelques voyageurs qui se trouvaient dans
le train 115 sont rentrés dans la soirée à
Paris.
Parmi eux, le mécanicien du rapide, M.
Desbord, dont l'état est grave et qui a été re-
conduit à son domicile, 50, rueCnampionnet.
M. Schock, un Suédois, qui se rendait - à
Amsterdam, est rentré au Grand-Hôtel. Sous
le coup de l'émotion, il nous a raconté que
les deux wagons de premières avaient été ré-
duits complètement en miettes.
Dans le premier, quatre voyageurs ont été
tués ; dans le second, tous les voyageurs ont
été blessés, la plupart ont eu les jambes
brisées.
Les dégâts sont énormes ; la voie ne pourra
être dégagée partiellement qu'à deux heures
du matin. -
Les secours ont été très longs à organiser ;
l'affolement était complet et, pendant un long
temps le personnel de la gare, les voyageurs
avaient perdu tout sang-froid, tandis que
les victimes réclamaient des soins, criant
« Au secours ! » et faisant entendre les plain-
tes que leur arrachait la souffrance.
Enfin des secours sont arrivés de Saint-
Quentin, de Compiègne, d'un peu partout
Les médecins se mirent à l'œuvre dès qu'on
put retirer les morts et les blessés ensevelis
sous les matériaux des wagons brisés.
L'un des premiers retirés est un négociant
de Mayenne.
Le chef de gare d'Appilly s'appelle Boulay.
Le mécanicien de la machine en manœuvre
est M. Hyacinthe Roze, très grièvement tou-
ché.
Nouvelles dépêches
Des troupes de Saint-Quentin ont aidé au
transport des morts et des blessés et au dé-
blayement de la voie. ,
A six heures, six wagons obstruaient en-
core la voie.
Parmi les blessés se trouve M, Lefort,
sous-directeur de la Compagnie des wagons-
lits.
On cite également un prêtre parmi les vic-
times.
GUILLAUME A LEMBERG
Lemberg, 9 septembre.
L'empereur a assisté ce matin à la messe
à la cathédrale; puis il a visité les écoles et
les établissements publics et a assisté à la
pose de la dernière pierre du bâtiment de
l'Université, à l'inauguration de la Faculté
de médecine et du champ de tir; il se rendra
ce soir à l'exposition.
L'empereur a été partout l'objet d'ovations
enthousiastes auxquelles a pris part hier et
aujourd'hui la population rurale arrivée en
foUle, '.h
Tahlncs du Propres
LE QUASI-DIAMANT
Depuis qu'on en a rayé le mot impos-
sible, qui tenait apparemment plus de
place qu'il n'en avait l'air, le dictionnaire
scientifique s'enrichit tous les jours de vo-
cables neufs, qui ont tôt fait, avec ou sans
l'approbation de ces bons messieurs de.
l'Académie, de conquérir droit de cité dans
la langue courante. Abstraction faite même
de la terminologie électrique, avec ses
« volts », ses « ampères », ses « ohms », ses
« shunts », ses « courants polyphasés »,
son « hystérésis y, etc., qui constitue déjà
tout un volapûk international, on voit
surgir à chaque instant des méthodes ou '*
des idées inédites, des produits, des appax
reils insoupçonnés, dont le nom improvisé,
plus ou moins pittoresque, suggestif ou
barbare, ne tarde guère à être sur toutes
les lèvres.
Une colonne entière de ce journal pas-
serait à la sèche énumération de ces nou-
veautés polymorphes, qui vont depuis
l' « antipyrine » jusqu'au « carborundum »,
en passant par le « giffardage », --- la -- « pha- --
gocytose », les « goubets » sous-marins,
l' « hermitine », le « séquardisme » et la
« sidération » — sans oublier l'antisepsie.
Cette incessante rénovation mérite peut-
être qu'on s'y arrête et que, de temps en
temps, l'on essaye d'en illuminer les té-
nébreux méandres à l'aide de quelques
explications succinctes et de quelques com-
mentaires bien sentis.
Qu'est-ce, par exemple, que le carborun-
dum, dont le fameux électricien Nicholas
Tesla fut l'un des premiers à parler en
Europe, il y a deux ans, et qui, depuis,
fait si grand bruit dans le Landerneau
industriel ?
Mon Dieu ! ce n'est ni très abstrus, ni
très compliqué.
Le carboi tir --im est un corps absolu
ment artificiel, tenant le milieu -entre le
diamant et le papier de verre, et destiné à
remplacer l'émeri. C'est un produit chimi-
que, un article de pure fabrication, dont
la conception, tout en étant (en théorie)
d'une simplicité enfantine, a dû attelldre,
pour, entrer dans la pratique, que la science
électrique, qui chemine pourtant à pas de
géant, fût arrivée au degré de puissance
et de raffinement qu'elle vient seulement
d'atteindre. C'est en effet une combinaison
atome pour atome, de carbone et de sili-
cium (sa formule s'écrit ainsi : C Si), ayant
besoin, pour s'opérer, de ces effroyables
courants électriques qu'on ne sait produire
que depuis peu, et dont les prodigieuses
tensions sont en mesure de réduire, de
fondre et de discipliner les matériaux les
plusréfractaires.
Le carborundum - dont le nom com-
posé rappelle les origines bilatérales —
fut découvert, il y a trois ou quatre ans,
à Menlo-Park,- dans le laboratoire d'Edi-
son, par un M. Acheson, élève et secrétaire
du fameux thaumaturge — un peu beau<
coup grâce au hasard. Pendant qu'il étai
en train de chauffer tour à tour une foul(
de corps divers dans le four électrique,
M. Acheson, dont le rêve secret était, on
peut bien le dire, de réaliser enfin la syn-
thèse du diamant, M. Acheson reconnut
qu'un mélange d'argile et de coke pilé
donnait, à ces formidables températures,
une masse visqueuse, truffée de petits
cristaux bleuâtres, très brillants et d'une
extrême dureté. Il lui parut qu'il y avait
là un phénomène inattendu, dont il serait
peut-être possible un jour ou l'autre de
tirer parti..Aussi se mit-il à étudier très
attentivement le produit obtenu, qui pou-
vait attaquer le diamant lui-même, et à
multiplier les expériences contradictoires.
Il finit par reconnaître à la longue que le
facteur principal de la formation de ces
cristaux était la silice de l'argile exclusi-
vement. Il entreprit alors de nouveaux
essais, en remplaçant l'argile par le sable
des verriers, constitué — chacun sait ça
— par de la silice presque pure. Le résul-
tat fut merveilleux, et le carborundum
vit définitivement le jour.
Cette fabrication, au surplus, n'a rien
de supérieurement malin. Le coke, pulvé-
risé préalablement dans un broyeur et
mélangé au sable dans le rapport de 4
parties de coke contre 5 parties de sable,
plus un petit assaisonnement, à fins ag-
gluminatives, de sel marin, est introduit
dans le four électrique, où le courant —
qui dépasse parfois 1,000 ampères—arrive
par l'intermédiaire de grosses baguettes
de charbon. L'opération dure une douzaine
d'heures. Après quoi l'on démolit le four
et l'on découvre le carbure de silicium
cristallisé, sous la forme d'une masse de
cendre poreuse, qu'on lave à l'acide et à
l'eau, qu'on sèche ensuite, qu'on écrase
et qu'on passe au tamis. Après ce multi-
ple traitement, il ne subsiste plus, sous
les espèces et apparences de cristaux ver-
dâtres (qu'on trie par grosseurs à la fi-
lière), que le carborundum propremeai
dit.
Veuillez observer que ce casborundum,
en raison même de sa genèse, qui en fait
un charbon cristallisé, ressemble singu-
lièrement au diamant. n lui ressemble
encore davantage par ses propriétés se-
condaires et, en particulier, par-sa dureté
excessive, qui le rend capable de mordre
sur le diamant vierge jusqu'ici de toute
morsure étrangère La vérité est, au de-
meurant, que le carborundum n'es autre
chose que du diamant, une forme infé-
rieure et grossière du diamant tel que M.
Moissan i a réalisé depuis dans le labora-
toire, en quantités infinitésimales, sous
l'action combinée de températures infer-
nales et de pressions extraordinaires.
Ce n'est pourtant pas une pierre pré-
cieuse, et cette fausse gemme, terne, opa-
que et glauque, n'aura jamais les feux, iri-
sés qui donnent au diamant sa fabuleuse
valeur marchande Mais le diamant et le
carborundum n'en sont pas moins de la
même famille, tant et si bien que si celui-
! ci n'est pas comparable à celui-là au point
de vue ornemental ou décoratif, pour le
• reste, en revanche, et notamment au point
..M:Alttlt _W"'K- .t894
ShBBH^^b '-'BMË&^^BB5BI^K ^■ £ «ë139w'V^IBHB eL
ET «bihbumt—
142, Rue MontmartM
PÂBS8
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOUARD PORTALIS
Adresse télégraphique : XIX" SièOMB—PABBt J
Téléphone : 20.280 bia.
uvniifitf
Otes rM. LAGRANGE, CERF et 0*
6, place de ÙllJtnJNe. 6
ABONNE BIEN TS
Paris ,.. Trois lois, 6 (.; Sii Ion, 11 {.; Da AI, 201
Départements — 71; — 12 f.; - 241
Union Postale — 9f.; — 16 f.; - 331
Les Abonnements sont reçus sans frais d.
tous les Bureaux de Poste.
Heureux parpersnasion
Ils sont nombreux, les hommes qui di-
sent,. quand ils ont trop bu, que tout le
monde est ivre ; ils sont aussi quelquefois
divertissants.
Un de mes plus grands amusements,
ces temps derniers, a été de lire une chro-
nique du plus joyeux optimisme dans un
journal très populaire que dirige un richis-
sime sénateur (Petit Parisien du 16
août).
Cette chronique est à encadrer, et c'est
ce que j'en ai fait. Elle pourra me servir à
confondre les personnes qui viendront se
plaindre à moi et à me tirer d'affaire vis-
a-vis de celles qui seraient tentées de me
demander un emprunt d'argent : je pense
arriver sans peine à leur prouver qu'ils
n'ont besoin de rien.
Si les paroles réconfortantes de l'écri-
vain qui voit tout en rose ont porté dans
les masses à qui elles étaient destinées,
tout le monde est dans le parfait bonheur,
au moins par persuasion.
A notre époque, il n'y a que des heu-
reux. La vie est facile. La misère a dis-
paru. Tout est pour le mieux dans le meil-
leur des mondes.
La vie matérielle est douce et belle, c'est
lui qui parle. Tout est pour rien sur le
marché. On a parlé de la « cherté des sub-
sistânçes ? » Des blagues !
Le pain est à « vil prix » le « vin à deux
ou trois sous le litre » ; le fruit « est à
rien » ; le sucre et l'alcool sont aussi à très
bas Drix.
Pour l'habillement, même phénomène :
« Les plus belles étoffes de soie et de laine
sont à la portée de toutes les femmes qui
en ont envie. »
On ne « distingue pas la petite ouvrière
de la petite bourgeoise ni la petite bour-
geoise de la duchesse ».
Et l'ameublement? Partout le luxe.
« L'argenterie aristocratique a remplacé
réiûckOTle fer-blanc. Qui n'a pas aujour-
d'hui service d'argenterie ?
Et la" moisson est splendide, la vigne
magnifique. Tout cela vient tout seul, pen-
dant que les paysans « rient et chan-
tent ».
A
Comme les faits s'enchaînent ! Si la va-
leur des produits du travail a baissé, le
prix du travail a haussé. « Le gagiste ga-
gne1 le double, les salaires ont triplé. »
g Donc l'ouvrier a quatre et six fois de plus
à consommer qu'autrefois. C'est une exis-
tence toute de délices pour lui.
L'économie lui est facile. S'il n'écono-
mise pas, il jouit. Il se « capitalise lui-
même ». Le mot est exquis. Il se donne
toutes les satisfactions et il lui reste encore
un sou pour acheter le Petit Parisien,
une création moderne, qui lui aurait coûté
jadis 70, 80 et 120 francs par an.
Ainsi, c'est entendu, « on lit pour rien »
et « on vit, et largement, pour presque
rien ». Ceci est dit en toutes lettres, je le
répète, dans un journal hTpar les prolé-
taires. Ceux qui ne sont pas contents,
qu'ils nous donnent la paix, ce sont des
pessimistes !
A
Je voudrais bien savoir ce qu'ont pensé,
à la lecture de l'article dont je donne l'idée
très fidèlement, l'ouvrier dont la paye est
dépensée par anticipation en achats indis-'
pensables pour son ménage, et le paysan
qui sue toute l'année pour obtenir une ré-
colte sans cesse menacée par les caprices
des saisons.
* Je serais désireux de savoir s'ils se
sont trouvés aussi heureux que lé disait
le journaliste satisfait, ou si, au contraire,
ils n'ont vu là qu'un tableau riant fait
d'une plume alerte obéissant à une ima-
gination féconde et exaltée, car la situa-
tion qu'il a décrite peut fort bien être son
idéal, mais elle n'est pas réelle, tant s'en
faut.
&? ■. -
Pour la majorité, la vie est aussi dure
qu'il y a trente ou quarante ans, voilà la
déplorable vérité.
Non, les cours des marchandises ne
sont pas avilis. Quelques objets, de pro-
duction industrielle, ont diminué de prix;
mais les denrées nécessaires à l'existence,
celles dont on ne peut se passer et qu'il
faut se procurer d'abord, ont conservé
leur valeur.
Le pain est toujours cher; le blé est
vendu en France à un plus haut prix que
dans les autres pays : 2 francs de plus le
quintal qu'à Berlin, 4 francs de plus qu'à
Vienne, 5 francs de plus qu'à Bruxelles,
7 francs de plus qu'à Amsterdam, 8 francs
de plus qu'à New-York et 9 francs de plus
qu'à Chicago.
Le vin est toujours aussi cher.
Et la viande a augmenté de prix.
Les mercuriales de la Ville Lté nous
apprennent que le bœuf, vendu aujour-
d'hui 1 fr. 61 le kilo, se vendait 1 fr. 30 en
1893, 1 fr. 35 en 1892, 1 fr. 47 en 1891 et
1 fr. 48 en 1890. Le veau, qui était à
1 fr. 50 en 1890, est aujourd'hui à 1 fr. 73.
A
Avant de se procurer de l'argenterie et
de-s robes de soie, la ménagère doit assu-
rer d'abord le nécessaire à la maison.
L'optimisme ne remplace ni le pain ni la
viande,et l'argent manque parfois pour en
acheter.
Il n'est pourtant pas permis d'ignorer
qu'il y a des hommes de peine, des jour-
naliers, des ouvriers et des employés qui
gagnent moins de quatre francs par jour,
même à Paris, et que la plupart ont une
famille à entretenir.
On ne peut ignorer non plus qu'en pro-
vince, s'il y a quelques industries où l'ou-
vrier trouve un salaire rémunérateur, gé-
néralement les ouvriers gagnent beaucoup
moins qu'à Paris, et qu'enfin il y a toute
une population, de travailleurs agricoles
dont le gain ne représente pas une valeur
de un franc cinquante centimes par
jour.
En admettant ces données, on ne peut
plus s'écrier que tout est bien, que tout est
beau et qu'il n'y a plus rien à faire.
Convenons que notre société est en
progrès sur l'ancienne, mais n'allons pas
jusqu'à nous figurer que le progrès est
très avancé et que tout le monde en a pro-
fité.
***
En regard du luxe qui s'est étendu, on
pourrait fort bien montrer le chiffre des
malheureux qui s'est également augmenté :
la statistique des bureaux de bienfaisance
accuse un accroissement annuel du nom-
bre des personnes qui sollicitent des se-
cours..
On ne saurait trouver là les indices
d'une prospérité générale.
Beaucoup de gens se privent à peu près
sur tout, même sur la nourriture, et ils
ne le font pas par pessimisme.
N'est-il pas vraiment étrange de lire
de semblables. dithyrambes sur un état
social encore si imparfait ? Le rôle de la
presse n'est pas de pousser les choses au
noir, mais non plus de les montrer trop
belles. Son objet principal est de rensei-
gner exactement le lecteur, ce qui n'a pas
lieu quand on lui dit le contraire de la
vérité.
A présent, je serais bien aise de me
tromper. Je lirais avec un indicible bon-
heur le discours dans lequel M. Jean Du-
puy démontrerait à la tribune du Sénat,
par des exemples probants, l'exactitude
des faits avancés par le rédacteur de son
journal dans un article qui, pour être d'un
beau lyrisme, ne m'a pas semblé assez
concluant.
Thomas Graindorge.
Le Dupuysmc dans la Haute-Loire
Le Temps nous a parlé des actes de
favoritisme qui, en Corse, compromet-
taient la bonne administration de la jus-
tice. Pourquoi ne nous parle-t-il pas de ce
qui se passe dans la Haute-Loire où M.
Dupuy est député et, depuis qu'il a été
ministre, véritable chef et potentat de
toute l'administration du département?
Nous avons conté l'histoire de ce can-
didat nommé juge de paix dans la com-
mune et le canton où il avait été battu et
rebattu aux élections municipales, aux
élections au conseil général,, aux élections
législatives.
Voiai un autre exemple pris dans le
même département de la Haute-Loire et
dans le même arrondissement d'Yssin-
geaux: ,
Le tribunal d'Yssingeaùx compte parmi
ses membres un ancien bonapartiste qui
jusqu'à ces derniers temps ne cachait ni
ses préférences politiques, ni son mépris
pour la République.
Ce juge, nommé Gondre, eut l'idée assez
singulière d'acheter à son fils une étude de
notaire à Yssingeaux.
Mais, lorsque vint le moment de la no-
mination du notaire, la chancellerie, esti-
mant que la présence du père comme juge
au tribunal et celle du fils comme notaire
danslamême localité présenteraient des in-
convénients par trop sérieux pour l'admi-
nistration de la justice, se refusa à cette
nomination y mettant pour condition que
M. Gondre donnât sa démission ou accep-
tât son changement.
M. Charles Dupuy était à cette époque,
comme aujourd'hui, président du conseil,
et M. Guérin ministre de la justice. On
voulait rallier des voix au rallié M. Néron,
futur candidat officiel dé l'arrondissement.
Alors M. Dupuy, pour gagner à son candi-
dat l'appui de M. Gondre et celui de son
fils, donna l'ordre de faire cette nomina-
tion qu'un dçs plus hauts fonctionnaires
du ministère de la justice, que nous pour-
rions nommer, se refusait à présenter en
la qualifiant hautement de scandaleuse.
M. Guérin naturellement obéit à M. Du-
puy et la nomination eut lieu.
Depuis lors, tout ce qui touche au tribu-
nal d'Yssingeaux joint ses efforts à ceux
de papa Gondre pour rabattre la clientèle
dans "l'étude du fils du juge, heureux pos-
sesseur d'un office extraordinairement pri-
vilégié. Ne faut-il pas se ménager les bon-
nes grâces du juge qui, en fait, est le véri-
table président?
Avec ce système on ne tardera pas à
nous ramener par une voie détournée au
bon temps du régime des épices.
La situation créée par la nomination de
M. Gondre fils comme notaire dans la
localité ou son père est membre du tribu-
nal a donné des résultats qui, pour être
logiques, n'en sont pas moins stupéfiants.
C'est ainsi qu'une dame de Mira val, veuve
Roméas, s'est vu imposer malgré elle, par
papa Gondre, le fils Gondre comme liqui-
dateur de la succession de son mari dont
elle est la légataire universelle. Mme de
Miraval a même adressé à ce sujet une
pétition à la Chambre des députés.
Une loi du 20 avril 1810, art. 63,et une du
30 août 1883, art. 10, ont réglé la nomina-
tion des greffiers et des avoués, en même
emps que l'exercice de la profession d'a-
vocat en raison de leur degré de parenté
avec les membres des cours et tribunaux
près desquels ils exercent. Une lacune,
nous avons eu l'occasion déjà de le faire
remarquer, existe en ce qui concerne le
notariat. Ne se trouvera-t-il pas un député
pour proposer qu'elle soit comolee ?
Le bouquet, c'est que le fils à papa, dont
M. Dupuy a exigé la nomination, serait
loin d'être le modèle du parfait notaire, et
que des plaintes nombreuses et précises
ont obligé le procureur général près la
cour de Riom, M. Gubian, à rédiger une
circulaire confidentielle pour interdire les
procédés employés par cet étrange officier
ministériel.
Est-ce ainsi que,sous le principat,de M.
Casimir-Perier on entend rehausser en
France le prestige de la justice, et ne se-
rait-il pas aussi utile à l'ordre public d'en
finir avec ces agissements et avec ceux
qui les emploient que de voter des lois
coiitee r.-chie t
■.■■y _.-:<-.. 'J!
La Fortune ies d'Orléans
A PROPOS DE LA SUCCESSION
DU COMTE DE PARIS
L' « or » des d'Orléans. — D'où vient la
fortune de la famille royale de
France. — Phases successives.
On sait que la famille d'Orléans a toujours
passé, sinon pour Tune des plus généreuses,
au moins pour l'une des plus riches familles
princières de l'Europe. ,
Mais si l'on parle fréquemment de sa for-
tune, on en connaît moins souvent l'origine et
l'histoire.
Qu'on nous permette donc d'en retracer à
grands traits les phases successives.
Au moment où il monta sur le trône,Louis-
Philippe jouissait — les lettres de M. de Cor-
nemin sur la liste civile l'établissent — d'un
revenu de plus de huit millions.
Les biens composant sa fortune personnelle
provenaient, en dehors de son patrimoine
proprement dit, les uns de l'apanage de la
maison d'Orléans et les autres des apanages
des deux enfants que Mme de Montes-
pnn avait donnés à Louis XIV, le duc du
Maine et le comte de Toulouse,dont sa mère,
née Marie-Louise-Adélaïde de Bourbon-Pen-
thièvre, était la dernière descendante et héri-
fi irA
LES APANAGES
Ruinée par la Révolution, la veuve de Phi-
lippe-Egalité était en effet rentrée en posses-
sion de sa fortune, estimée à 40 millions en-
viron, par une ordonnance royale du 20 août
1814 et en avait laissé à sa mort, survenue le22
juin 1821, les deux tiers à son fils et un tiers
à sa fille, Mme Adélaïde, en accordant toute-
fois à sa belle-fille Marie-Amélie la jouissance
des biens constituant l'ancien duché d'Au-
male.
L'apanage de la maison d'Orléans que
Louis XVIII restitua à « son bien-aimé cou-
sin et à sa sœur » n'était pas moins considé-
rable.
Il avait été créé par un édit de Louis XIV,
enregistré au Parlement le 10 mai 1661, qui
accordait à son frère, Philippe d'Orléans,
jusqu'à concurrence de 200,000 livres de
rente, les duchés d'Orléans, de Valois, de
Chartres et la seigneurie de Montargis, for-
mant auparavant l'apanage de Gaston, frère
de Louis XIII.
Une diminution de revenus ayant été consta-
tée par procès-verbal, des édite postérieurs
ajoutèrent plusieurs domaines à l'apanage,
entre autres le duché de Nemours, le comté de
Dourdan et Romorantin, le marquisat de
Coucyet Follembray.
En outre, le Palais-Royal, que Richelieu
avait donné à la couronne et que le roi-soleil
habita pendant les troubles de la Fronde, en
fut détaché et donné au duc d'Orléans par
ordonnance en date de février 1692.
Plus tard, Louis XV agrandit encore par
de nouvelles libéralités — ordonnances des
17 juillet 1740, 28 janvier 1751 et 17 dé-
cembre 1766 - cetté immense fortune qui
arrivait à présenter pour son heureux posses-
seur, en 1790, un revenu de 4,100,000 livres,
dépassant, ainsi que le constate le Moniteur
du 15 août de cette même année, le produit
des apanages réunis du comte de Provence,
depuis Louis XVIII, et du comte d'Artois,
depuis Charles X. ; -
Mais après la promulgation de la loi du
21 décembre 1790, qui supprimait les apana-
ges en accordant simplement à leurs benéfi-
ciaires un million de rentes annuelles sous le
nom de rentes apanagères ,tous les domaines
de l'apanage d'Orléans furent réunis au do-
maine de l'Etat et occupés par ses agents.
Bien que cette législation fût reconnue par-
les Bourbons de la branche ainée au moment
de leur rentrée en France, Louis XVIII rendit
à la date des 18 et 20 mai, 17 septembre et
7 octobre 1814, des ordonnances en vertu des-
quelles Louis-Philippe et Madame Adélaïde
rentrèrent en possession de tous les biens « non
aliénés » dont leur père avait joui
soit ». -"'
Charles X poussa la bienveillance plus loin
encore. Il fit sanctionner par une loi, en 1825,
les dispositions des ordonnances rendues par
son frère.
La chose ne fut pas sans soulever quelques
difficultés, mais comme le roi avait pris soin
de faire présenter le projet en même temps
que celui qui concernait sa propre liste civile
et qu'il avait prévenu les députés les plus in-
fluents « qu'il en regarderait le rejet comme
une injure personnelle », il fut adopté.
A l'avènement de Louis-Philippe au trône,
tous les biens qu'il tenait de cet apanage
furent naturelle-mont de nouveau réunis au
domaine de l'Etat. Il continua seulement à
en percevoir l'usufruit comme auparavant
et à encaisser de ce chef tous les ans 2,523,000
francs.
Ainsij grâce à la reconstitution de l'ancien
apanage d'Orléans, le grand-père du comte de
Paris reçut en trente-quatre ans, de 1814 à
1848, plus de quatre-vingt-cinq millions.
LE PATRIMOINE DES D'ORLÉANS
Mais passons à son patrimoine proprement
dit:
Philippe-Egalité, en mourant guillotiné en
1793, n'avait pas laissé moins de 74,000,000
de dettes sur ses biens patrimoniaux qu'il
avait, du reste, abandonnés lui-même à ses
créanciers par un concordat en date du 6 jan-
vier 1792.
Mis aux enchères, l'Etat les racheta en
partie et paya les dettes jusqu'à concurrence
de 37,740,000 francs.
Une ordonnance de Louis XVIII fit restituer
à son cousin, malgré cette situation parti-
culière, toutes les propriétés du patrimoine
de son père ou que l'Etat avait acquises léga-
lement dans les conditions que nous venons
de retracer ou qui restaient encore comme
gage des créanciers non payés.
Pour les premières, les choses allèrent
toutes seules. Pour les secondes — qui repré-
sentaient encore, au dire de M. Dupin. lui-
même, une dizaine de millions au bas mot —
il y eut un peu de tirage. Mais on invoqua la
prescription et tout fut dit.
Les Bourbons ne s'en tinrent, pas là.
Louis XVIII paya toutes le s déttes que Louis-
Philippe avait contractées en exil, et Charles X
le fit admettre, contrairement à la volonté de
son ministre des finances, M. deVillèle, pour
17,169,734 fr. 67 c. dans la liquidation du
milliard d'indemnité accordé aux. émigrés par
la loi du 17 a vni lb:*&>.
On aurait trop à faire s'il fallait' signaler
tous les autres capitaux que le roi-citoyen re-
cueillit plus tard à la suite de divers procès
qu'il intenta,soit à la ville de Paris, soit à de
nombreux propriétaires de la Manche, ou
qu'il accumula par d'heureux placements à
l'étranger.
Mais on peut certainement affirmer qu'il
avait en 1830 une fortune qui ne devait pas
représentér beaucoup moins de deux cents
millions.
LA DONATION DU 7 AOUT 1830
Les termes de la loi de 1314 déclarant que
les biens du prince qui parvenait au trône
étaient à l'instant même réunis au domaine
de la nation, Louis-Philippe, deux jours
avant d'être proclamé roi, dans la soirée du
6 au 7 août, fit, par acte devant notaire, do-
nation de tous ses biens, y compris ceux qui
lui venaient de sa mère, à ses enfants mi-
neurs. Seuls, ce-ux qu'il tenait de l'apanage
d'Orléans et dont il ne pouvait disposer à son
gré, furent exceptés de ce fameux contrat qui
devait lui assurer, à lui et à sa famille, la
possession et la jouissance d'une immense
fortune, quels que pussent être les événements,
en dehors des douze millions qu'il allait avoir
de la liste civile.
LA CONFISCATION DE 1852
ET LA RESTITUTION DE 1872
Partagée entre les sept plus jeunes enfants
du roi — car le duc d'Orléans, héritier pré-
somptif, avait été soigneusement exclu de la
donation — cette fortune fut, comme on sait,
confisquée au lendemain du coup d'Etat, par
les décrets du 22 janvier 1852. Elle s'était en-
tre temps considérablement accrue, d'abord
par la gestion habile et intelligente qui en
avait été faite, et ensuite par divers héritages,
celui de madame Adélaïde et celui du prince
de Condé, entre autres, ce dernier revenant
tout entier au duc d'Aumale et estimé environ
cinquante millions. Mais bien que d'après le
texte même des décrets elle dût s'élever, rien
qu'en immeubles en France, à près de trois
cents millions, on ne put guère saisir que
pour une cinquantaine de millions de pro-
priétés, grâce à certaines précautions prises
et peut-être aussi parce qu'on avait tout de
même un peu exagéré dans l'évaluation.
L'affaire fit, on s'en souvient, grand bruit
à l'époque. Plusieurs ministres du prince-
président, Morny, Fould, Rouher, Magnan,
protestèrent par des démissions. Puis le ta-
page se calma et jusqu'à la fin de l'empire il
n'en fut plus question.
A leur rentrée en France, les princes d'Or-
léans, dont la plus grande partie de la fortune
avait échappé au séquestre, soit par des pla-
cements en valeurs, soit par des placements
en immeubles à l'étranger, réclamèrent dans
des circonstances qu'il serait superflu de rap-
peler la restitution de ceux de leurs biens
qui avaient été confisqués. L'Assemblée na-
tionale fit droit à leur demande le 23 novem-
bre 1872 et chacune des huit branches de la
famille eut sa part sur ces fameux « quarante
millions » dont on a tant parlé.
LA FORTUNE DU COMTE DE PARIS
Des 27 princes ou princesses dont se compo-
sait alors la descendance de Louis-Philippe,
le moins favorisé était incontestablement le
comte de Paris.
Son père avait été exclu de la donation du
7 août 1830. Sa mère était une des princesses
les plus pauvres d'Allemagne. Ils n'avaient
donc, lui et son frère, qu'une très minime
partie de l'énorme fortune de leur aïeul.
Et vraiment, à côté de ses oncles, du duc
d'Aumalet héritier des Condés, du duc de
Montpensier, marié richement à la sœur de
la reine Isabelle, le chef-de la maison d'Or-
léans faisait modeste figure.
Son union, précisément avec une fille du
duc de Montpensier, avait bien un peu amé-
lioré ses affaires. Mais elles étaient encore
loin d'être brillantes, quand la restitution des
biens confisqués en 1852 vint le tirer d'em-
barras.
A quel 'chiffre s'éleva la somme qui lui
revint sur ce gros capital ? C'est ce qu'on ne
sait pas au juste. - ,
On peut dire seulement qu'il avait déjà
quelque chose comme sept à huit millions
quand coup sur coup il hérita de vingt-cinq
millions que la duchesse de Galliera lui légua
par testament, en mourant, et de huit ou dix
autres de son beau-père.
SA SUCCESSION
Au total, sans exagération, c'est à peu près
quarante millions qu'il laisse à ses enfants,
après naturellement l'attribution qui appar-
tient en propre à leur mère.
Ils sont six à se les partager et déjà le
Figaro nous apprend comment ils se les ré-
partiront :
« Le duc d'Orléans, annonce-t-il, comme
chef de la famille politique, sera tout natu-
rellement avantagé : il aura à sa disposition
immédiate un revenu de 250.000 francs envi-
ron, s'ajoutant à la pension de 100.000 francs
par an que lui servaient depuis sa sortie de
Clairvaux son père et sa mère. -
» La même pension de 100.000 francs était
servie, depuis son mariage, à la princesse'
Amélie, reine de Portugal.
» M. le duc d'Orléans, le nouveau chef de
la famille, recevra en outré le château d'Eu.
» Le vaste domaine de Villamanrique re-
viendra à son jeune frère, héritier des titres
du duc de Montpensier. »
Notre confrère dit ensuite que ce domaine
d'Espagne, que le comte de Paris se plaisait
à agrandir constamment, comprend plusieurs
milliers d'hectares presque exclusivement
plantés d'eucalyptus et que cette exploitation,
qui n'a pas encore donne de grands résultats,
est en excellente voie.
Il nous apprend aussi que la direction des
terres seigneuriales d'Eu et du Tréport a été
confiée à un agriculteur de profession, et
qu'on y pratique en grand l'élevage des trou-
peaux de moutons shropohire, qui y ont
admirablement réussi.
Il nous dit enfin que le comte de Paris,
depuis sa rentrée en France jusqu'à son der-
nier exil, avait dépensé plus de 6 millions
pour installer, entretenir et agrandir le châ-
teau d'Eu ou ses dépendances, et que natu-
rellement toutes ces sommes ont été pour
ainsi dire perdues par suite de l'exil.
Nous n'ajouterons rien à ces renseigne-
ments, sinon que les enfants du comte de
Paris ou, pour mieux dire, que leur mère a
encore un gros héritage en perspective : celui
de la duchesse de Montpensier.
Mais malgré cela, le jeune duc d'Orléans
ne parait pas près d'avoir la fortune de son
bisaïeul.
En finances comme en politique, le duc
d'Orléans d'alors semblait s'entendre un peu
mieux que le duc d'Oriéans' d'aujourd'hui.
ÉLECTIOnS MUNICIPALES
A SAINT-OUEN ET A BAGNOLET
Le second tour de scrutin pour les élec-
tioas municipales complémentaires de Saint-
Ouen a eu lieu hier.
Des quatre listes qui se trouvaient en
présence, la liste socialiste revislonniste a
été élue en entier.
Voici d'ailleurs les résultats :
Inscrits : 5.728. — Votants : 2.966
BuUetins blancs ou nuls, 49.
Liste socialiste révisionniste : Basset,
1,523 ; Renard, 1,448 ; Viard, 1,405 ; Reveil-
las, 1,397 ; Marette, 1,329.
Liste blanquiste : Courtoison, 1,014 ; Cha-
lufour, 1,013 ; Lemont, 946 ; Renault, 963 ;
Wurtz, 983.
i Liste possibiliste : Lefebvre, 263 ; Roger,
259 ; Philippe, 257 ; Traiter 356 > Thou-
LTÎgnoû, 217.
Liste progressiste : Simon, 36 ; Couvrat,
32 ; Garçonnet, 28 ; Mary, 28 ; Letnrd, 28.
A Bagnolet également, le deuxième tour de
scrutin pour les élections municipales com-
plémentaires a eu lieu hier.
Voici les résultats obtenus :
Inscrits : 1.423 — Votants : 907
Liste progressiste : MM. Joseph 470, Bi-
dault 465, Zogala 458, Mailluchet 447, Dauer
445, Villette 441, Delonnetbeau 438; Gouyon
436, Dierzé 430.
La liste progressiste est élue en entier;
vient ensuite la liste socialiste qui obtient :
MM. Sourriau 399, Goubeaux388, Canu386,
Gaugois 388, Kieffer 384, Sigot 382, Delmas
380, Bouclet 379, Parmentier 376.
Aussitôt ce résultat connu, M. Hure, maire
de Bagnolet, qui patronnait la liste socialiste,
a annoncé qu'il allait donner sa démission de
maire.
BM—M—W—SBBHMi
ELECTION LÉGISLATIVE DE L'AUBE
Arrondissement de Nogent-sur-Seine
Inscrits : 11.398 — Votants : 10.935
MM. Robert, anc. dép. rép. mod. 4.031 voix
Bachimont, radical. 3.341
Perdron, socialiste-révol 1.183
Gaudineaurép. 122
(Ballottage)
[Il s'agissait d'élire un successeur à M. Casimir-
Perier. Aux élections générales du 22 août 1893,
le président de la République avait été élu, au pre-
mier tour, par 6,857 voix contre 983 données à
M. Henri Gornet, socialiste.]
Catastpopiie sur la ligne du Nord
Cinquante victimes. — Nos informations
Un terrible accident de chemin de fer s'est
produit hier. Le rapide de Paris-Cologne a
déraillé, faisant un nombre considérable de
victimes, une cinquantaine de tués ou bles-
sés. On ne sait au juste, la nouvelle avant été
connue assez tard à Paris et la compagnie du
Nord se refusant à donner la moindre infor-
mation.
Voici les dépêches que nous ayons reçues :
Chauny, 9 septembre.
On annonce qu'un accident de chemin de
fer s'est produit cette après-midi entre No y on
et Chauny.
Il y aurait de nombreuses victimes.
Les détails manquent.
Chauny, 9 septembre.
C'est le rapide no 115, qui part de Paris à
midi quarante, qui a déraillé en pleine voie à
Appilly.
Il y a de nombreuses victimes. -
Le chef de gare d'Appilly a été tué ainsi que
plusieurs voyageurs.
D'autres voyageurs, le mécanicien, le
chauffeur, le garde-frein ont été blessés.
Saint-Quentin, 9 septembre, 9 h. 35 soir.
Le train 115 a déraillé à Appilly par suite
de la rencontre avec un wagon de marchan-
dises en manœuvre.
On dit ici que le nombre des morts est d'une
dizaine et celui des blessés d'une vingtaine.
Le chef de gare d'Appilly est tué.
L'accident aurait été plus terrible sans le
sang-froid du mécanicien qui a renversé la
vapeur.
Lui-même a eu la tête fendue et ses jours
sont en danger.
M. Barthou à Appilly
Le ministre, des travaux publics, qui se
disposait âtlaJL'tirpour le Midi, se trouvait à
la gare de Lyon. lorsqu'il apprit l'accident
d'Appilly.
Il s'est immédiatement fait conduire à la
gare du Nord et a pris le train de 9 heures 25
pour se rendre a Appilly.
On n'a pas oublié qu'il y a quatre ans,
quelques jours avant la catastrophe de Saint-
Mandé, le rapide qui part de Cologne à lb.45
du soir et arrive à Paris 11 h. 31, dérailla
près de Creil, faisant pas mal de victimes.
NOS RENSEIGNEMENTS
Quelques voyageurs qui se trouvaient dans
le train 115 sont rentrés dans la soirée à
Paris.
Parmi eux, le mécanicien du rapide, M.
Desbord, dont l'état est grave et qui a été re-
conduit à son domicile, 50, rueCnampionnet.
M. Schock, un Suédois, qui se rendait - à
Amsterdam, est rentré au Grand-Hôtel. Sous
le coup de l'émotion, il nous a raconté que
les deux wagons de premières avaient été ré-
duits complètement en miettes.
Dans le premier, quatre voyageurs ont été
tués ; dans le second, tous les voyageurs ont
été blessés, la plupart ont eu les jambes
brisées.
Les dégâts sont énormes ; la voie ne pourra
être dégagée partiellement qu'à deux heures
du matin. -
Les secours ont été très longs à organiser ;
l'affolement était complet et, pendant un long
temps le personnel de la gare, les voyageurs
avaient perdu tout sang-froid, tandis que
les victimes réclamaient des soins, criant
« Au secours ! » et faisant entendre les plain-
tes que leur arrachait la souffrance.
Enfin des secours sont arrivés de Saint-
Quentin, de Compiègne, d'un peu partout
Les médecins se mirent à l'œuvre dès qu'on
put retirer les morts et les blessés ensevelis
sous les matériaux des wagons brisés.
L'un des premiers retirés est un négociant
de Mayenne.
Le chef de gare d'Appilly s'appelle Boulay.
Le mécanicien de la machine en manœuvre
est M. Hyacinthe Roze, très grièvement tou-
ché.
Nouvelles dépêches
Des troupes de Saint-Quentin ont aidé au
transport des morts et des blessés et au dé-
blayement de la voie. ,
A six heures, six wagons obstruaient en-
core la voie.
Parmi les blessés se trouve M, Lefort,
sous-directeur de la Compagnie des wagons-
lits.
On cite également un prêtre parmi les vic-
times.
GUILLAUME A LEMBERG
Lemberg, 9 septembre.
L'empereur a assisté ce matin à la messe
à la cathédrale; puis il a visité les écoles et
les établissements publics et a assisté à la
pose de la dernière pierre du bâtiment de
l'Université, à l'inauguration de la Faculté
de médecine et du champ de tir; il se rendra
ce soir à l'exposition.
L'empereur a été partout l'objet d'ovations
enthousiastes auxquelles a pris part hier et
aujourd'hui la population rurale arrivée en
foUle, '.h
Tahlncs du Propres
LE QUASI-DIAMANT
Depuis qu'on en a rayé le mot impos-
sible, qui tenait apparemment plus de
place qu'il n'en avait l'air, le dictionnaire
scientifique s'enrichit tous les jours de vo-
cables neufs, qui ont tôt fait, avec ou sans
l'approbation de ces bons messieurs de.
l'Académie, de conquérir droit de cité dans
la langue courante. Abstraction faite même
de la terminologie électrique, avec ses
« volts », ses « ampères », ses « ohms », ses
« shunts », ses « courants polyphasés »,
son « hystérésis y, etc., qui constitue déjà
tout un volapûk international, on voit
surgir à chaque instant des méthodes ou '*
des idées inédites, des produits, des appax
reils insoupçonnés, dont le nom improvisé,
plus ou moins pittoresque, suggestif ou
barbare, ne tarde guère à être sur toutes
les lèvres.
Une colonne entière de ce journal pas-
serait à la sèche énumération de ces nou-
veautés polymorphes, qui vont depuis
l' « antipyrine » jusqu'au « carborundum »,
en passant par le « giffardage », --- la -- « pha- --
gocytose », les « goubets » sous-marins,
l' « hermitine », le « séquardisme » et la
« sidération » — sans oublier l'antisepsie.
Cette incessante rénovation mérite peut-
être qu'on s'y arrête et que, de temps en
temps, l'on essaye d'en illuminer les té-
nébreux méandres à l'aide de quelques
explications succinctes et de quelques com-
mentaires bien sentis.
Qu'est-ce, par exemple, que le carborun-
dum, dont le fameux électricien Nicholas
Tesla fut l'un des premiers à parler en
Europe, il y a deux ans, et qui, depuis,
fait si grand bruit dans le Landerneau
industriel ?
Mon Dieu ! ce n'est ni très abstrus, ni
très compliqué.
Le carboi tir --im est un corps absolu
ment artificiel, tenant le milieu -entre le
diamant et le papier de verre, et destiné à
remplacer l'émeri. C'est un produit chimi-
que, un article de pure fabrication, dont
la conception, tout en étant (en théorie)
d'une simplicité enfantine, a dû attelldre,
pour, entrer dans la pratique, que la science
électrique, qui chemine pourtant à pas de
géant, fût arrivée au degré de puissance
et de raffinement qu'elle vient seulement
d'atteindre. C'est en effet une combinaison
atome pour atome, de carbone et de sili-
cium (sa formule s'écrit ainsi : C Si), ayant
besoin, pour s'opérer, de ces effroyables
courants électriques qu'on ne sait produire
que depuis peu, et dont les prodigieuses
tensions sont en mesure de réduire, de
fondre et de discipliner les matériaux les
plusréfractaires.
Le carborundum - dont le nom com-
posé rappelle les origines bilatérales —
fut découvert, il y a trois ou quatre ans,
à Menlo-Park,- dans le laboratoire d'Edi-
son, par un M. Acheson, élève et secrétaire
du fameux thaumaturge — un peu beau<
coup grâce au hasard. Pendant qu'il étai
en train de chauffer tour à tour une foul(
de corps divers dans le four électrique,
M. Acheson, dont le rêve secret était, on
peut bien le dire, de réaliser enfin la syn-
thèse du diamant, M. Acheson reconnut
qu'un mélange d'argile et de coke pilé
donnait, à ces formidables températures,
une masse visqueuse, truffée de petits
cristaux bleuâtres, très brillants et d'une
extrême dureté. Il lui parut qu'il y avait
là un phénomène inattendu, dont il serait
peut-être possible un jour ou l'autre de
tirer parti..Aussi se mit-il à étudier très
attentivement le produit obtenu, qui pou-
vait attaquer le diamant lui-même, et à
multiplier les expériences contradictoires.
Il finit par reconnaître à la longue que le
facteur principal de la formation de ces
cristaux était la silice de l'argile exclusi-
vement. Il entreprit alors de nouveaux
essais, en remplaçant l'argile par le sable
des verriers, constitué — chacun sait ça
— par de la silice presque pure. Le résul-
tat fut merveilleux, et le carborundum
vit définitivement le jour.
Cette fabrication, au surplus, n'a rien
de supérieurement malin. Le coke, pulvé-
risé préalablement dans un broyeur et
mélangé au sable dans le rapport de 4
parties de coke contre 5 parties de sable,
plus un petit assaisonnement, à fins ag-
gluminatives, de sel marin, est introduit
dans le four électrique, où le courant —
qui dépasse parfois 1,000 ampères—arrive
par l'intermédiaire de grosses baguettes
de charbon. L'opération dure une douzaine
d'heures. Après quoi l'on démolit le four
et l'on découvre le carbure de silicium
cristallisé, sous la forme d'une masse de
cendre poreuse, qu'on lave à l'acide et à
l'eau, qu'on sèche ensuite, qu'on écrase
et qu'on passe au tamis. Après ce multi-
ple traitement, il ne subsiste plus, sous
les espèces et apparences de cristaux ver-
dâtres (qu'on trie par grosseurs à la fi-
lière), que le carborundum propremeai
dit.
Veuillez observer que ce casborundum,
en raison même de sa genèse, qui en fait
un charbon cristallisé, ressemble singu-
lièrement au diamant. n lui ressemble
encore davantage par ses propriétés se-
condaires et, en particulier, par-sa dureté
excessive, qui le rend capable de mordre
sur le diamant vierge jusqu'ici de toute
morsure étrangère La vérité est, au de-
meurant, que le carborundum n'es autre
chose que du diamant, une forme infé-
rieure et grossière du diamant tel que M.
Moissan i a réalisé depuis dans le labora-
toire, en quantités infinitésimales, sous
l'action combinée de températures infer-
nales et de pressions extraordinaires.
Ce n'est pourtant pas une pierre pré-
cieuse, et cette fausse gemme, terne, opa-
que et glauque, n'aura jamais les feux, iri-
sés qui donnent au diamant sa fabuleuse
valeur marchande Mais le diamant et le
carborundum n'en sont pas moins de la
même famille, tant et si bien que si celui-
! ci n'est pas comparable à celui-là au point
de vue ornemental ou décoratif, pour le
• reste, en revanche, et notamment au point
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7562503v/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7562503v/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7562503v/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7562503v/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7562503v
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7562503v
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7562503v/f1.image × Aide