Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-08-09
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 09 août 1894 09 août 1894
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. - N° 8,242
LE NUMÉRO CINQ CENTIMES
JEUDI 9 AOUT 1894
REDICTIOI ET IOlillsTRlnll
142, Rue Montmartre
, PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-Edouard PORTALIS
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TÀUnhnna ! 9.n.9.HQ bis.
ARNdlICII
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jourd'hui, des « abonnements de villégia-
ture » à raison de :
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2 mois. 6 francs
A l'occasion des vacances, nous ap-
gelons tout spécialement l'attention sur
U magnifique bicyclette offerte en prime
par le XIXe Siècle.
Voir à la 4e page.
Le Khédive en Europe
Le jeune khédive Abbas-Hilmi sup-
porte mal le joug anglais. Avec les ar-
deurs de son âge et du sang qui coule
dans ses veines, il voudrait affranchir
l'Egypte de la dure protection britan-
nique et il ronge son frein, en atten-
dant l'heure où les événements lui per-
mettront l'audace.
Il avait songé à parcourir l'Europe
officiellement, pour l'intéresser à la
cause de sa patrie et lui montrer les
dangers d'une occupation anglaise pro-
longée. Avec les illusions confiantes de
ses-vingt ans, il pensait même venir à
foudres et plaider son procès auprès
qu gouvernement de la reine Victoria.
Lors de son séjour à Constantinople,
OU l'a dissuadé de ce projet qui ne pou-
vait convenir au sultan. L'empereur des
Ottomans est trop mêlé, en effet, aux
questions diplomatiques pour ignorer
que les grandes puissances ne veulent
pas soulever en ce moment la ques-
tion d'Egypte.
Tout ce qu'Abbas-Pacha aurait pu
dire est connu dans les chancelleries,
où les arguments en faveur de l'évacua-
tion ont été répétés cent fois. Il n'est
douteux pour personne que l'Angleterre
manque aux promesses les plus for-
melles, aux engagements les plus so-
lennels. La présence de ses soldats au
Caire est un péril permanent pour la
paix du monde et modifie gravement
r équilibre dans la Méditerranée,
Seulement, existe-t-il un intérêt assez
grand pour risquer une guerre? Doute
la question est là, et ce n'est point le
vice-roi d'Egypte qui peut la résou-
dre.
Quant à espérer attendrir les cœurs
des ministres britanniques, c'est un rêve-
qu'explique seule la jeunesse du khé-
dive. Il croit encore que la politique
sentimentale existe sur les bords de la
Tamise. L'avenir lui apprendra que l'An-
gleterre a une âme de pierre.
Il y a cinquante quatre ans, M. Thiers,
alors premier ministre, a songé à faire
la guerre pour que l'Egypte victorieuse
vît son indépendance reconnue par l'Eu-
rope.
Le grand pacha d'Egypte Mehemet-
Ali avait obtenu des succès militaires
considérables. De son épée, il menaçait
la Turquie, lorsqu'il fut arrêté dans sa
marche par la quadruple alliance con-
tractée contre lui et contre la France,
sa protectrice, par l'Angleterre, la Rus-
sie, l'Autriche et la Prusse.
M. Thiers, et surtout Louis-Philippe,
crurent avec raison que l'affaire égyp-
tienne ne légitimait pas d'exposer la
France à une coalition. Pour sauver la
face, le roi changea son ministère et le
conquérant égyptien dut se contenter
d'être le fondateur d'une dynastie de
seconde classe, restée sous la suzerai-
neté du sultan.
Ce n'est pas après la perte de l'Al-
sace-Lorraine et la création de l'empire
allemand que la France pourrait ris-
quer davantage une aventure au sujet de
l'Egypte. On en est convaincu à Lon-
dres, et c'est pour cela qu'on le prend
de si haut avec Abbas-Pacha.
Evidemment les Anglais songent à
lui faire jouer le rôle qu'ils infligent
aux rajahs indiens, simples mannequins
dont le résident britannique tire les
ficelles.
Seulement, la vallée du Nil est plus
près de l'Europe que celle du Gange.
Des choses passent inaperçues en Asie
qui sont impossibles au fond de la mer
Méditerranée. Ce qui se fait à Alexan-
drie a pour témoin l'Europe.
Abbas-Pacha a donc raison de pro-
tester et d'attendre. Il a pour lui l'im-
prévu et le long avenir.
Un jour, sous le ministère du cardi-
nal Fleury, un officier qui sollicitait
depuis longtemps un régiment fut reçu
en audience par le tout-puissant ministre
qui refusa durement : « Vous ne serez
jamais colonel tant que je vivrai. -1
Soit, monseigneur, j'attendrai i), ré-
pondit le solliciteur en jetant un regard
sur le vieillard décrépit.
Comme cet officier, le kive peut
contempler la route ouverte devant ses
yeux. A un tournant il rencontrera une
occasion peut-être.
Pour nous, la situation est fort sim-
ple. L'Egypte tient une place à part
dans le compte en partie double où nous
inscrivons nos griefs contre l'Angle-
terre. Comme le droit ne se prescrit
pas, nous pourrons toujours l'invoquer
lorsque les circonstances le permet-
tront.
La politique anglaise est très forte
par sa continuité même, mais elle ne
tient pas assez compte des haines qu'elle
sème.
En voulant planter son drapeau dans
le monde entier, le gouvernement bri-
tannique crée le syndicat des colères.
Tôt ou tard, l'heure de payer sonnera,
et l'échéance sera terrible, parce que la
grandeur est factice.
L'occupation de l'Egypte constitue un
de ces actes qui s'expient, car il froisse
trop de gens et lèse trop de choses. Seu-
lement, il faut que nous sachions at-
tendre.
Aucun pays n'a été conquis aussi sou-
vent que l'Egypte et cependant nulle
race étrangère n'a pu s'y implanter,
parce que les enfants nés d'un croise-
ment n'y vivent jamais.
C'est là un fait singulier, peu expli-
cable, mais incontesté. Il donne la rai-
son de la surprenante similitude des gé-
nérations actuelles avec celles dont les
hiéroglyphes nous ont transmis les ima-
ges à travers les siècles accumulés.
Pas plus que les autres, les Anglais
ne s'implanteront au pied des Pyrami-
des. Quand ils seront partis, le sable ne
gardera même pas leur trace.
lisait.
GUILLAUME EN ANGLETERRE
Londres, 7 août.
La reine d'Angleterre a donné hier soir un
grand dîner en l'honneur de l'empereur d'Al-
lemagne. Le dîner était servi dans la salle
indienne. Il était présidé par la reine qui,
suivant son habitude, était au milieu de la
table, ayant à sa droite l'empereur Guillaume.
Parmi les personnes présentes : le prince de
Galles, le duc d'York, le duc et la duchesse
de Connaught, le prince et la princesse de
Battenberg, la princesse Louise, lord Rose-
bery, etc.
Le souverain d'Allemagne a, dit-on, l'in-
tention d'inviter la reine Victoria à lui faire
une visite à Berlin ou à Potsdam. Depuis
longtemps il a le désir de donner à sa
grand'mère une éclatante réception, mais la
reine redoute par-dessus tout maintenant les
fatigues des fêtes de la cour et elle résiste
aux instances de l'empereur. Il est probable
que si elle se rend en Allemagne en visite
chez ce dernier, cette visite aura lieu dans un
château du Rhin.
Notons en terminant qu'un petit incident
s'est produit hier au moment de l'arrivée de
l'empereur d'Allemagne à Douvres.
Le yacht arrivait en vue de Douvres. L'em-
pereur, suivant l'usage, fit saluer d'une salve
de coups de canon le drapeau anglais. Puis
le yacht ralentit sa marche, attendant une
réponse ; mais, aucune salve n'étant tirée de
terre, le yacht reprit sa marche vers Cowes ;
ce n'est que 20 minutes après qu'un salut de
réponse fut tiré par un des forts situés à l'ouest
de Douvres.
UNE COMMUNE EMPOISONNÉE
Les habitants de la charmante commune
du Perreux, et principalement ceux du quar-
tier des Joncs-Marins, se plaignaient depuis
plusieurs semaines d'odeurs méphitiques ré-
pandues dans l'atmosphère et dont la prove-
nance était inconnue de tous.
Hier, heureusement, les gendarmes de No-
gent-sur-Marne, en ronde dans la localité, ont
trouvé le foyer d'infection ; ils ont surpris les
employés d'une compagnie de vidange de
Nogent en train de verser le contenu de leurs
tonneaux dans une bouche d'égout de l'ave-
nue de Rosny, puis, continuant leurs recher-
ches, ont découvert sur la limite des territoi-
res des communes de Neuilly-Plaisance et du
Perreux un charmant petit bois dans lequel
une compagnie de Vincennes et une de Nogent
venaient déposer journellement leurs matiè-
res, le transformant en un foyer épidé-
micrue.
Procès-verbal a été aussitôt dressé contre
les ouvriers, dont les patrons seront civile-
ment responsables.
Il résulte de l'enquête que la compagnie de
Vincennes prise en défaut est propriétaire
d'un dépotoir sis dans les environs de Choisy-
le-Roi, mais qu'elle le trouve trop éloigne ;
quant à celle de Nogent-sur-Marne, fait assez
curieux, elle n'en possède pas et décharge ses
tonneaux où bon lui semble.
Il est temps de remédier à un état de choses,
si préjudiciable à la salubrité publique et de
punir sévèrement les délinquants qui, dans
un but de lucre, n'hésitent pas à empoisonner
une population entière.
Les municipalités de Nogent-sur-Marne et
du Perreux sont décidées a contraindre les
compagnies à acquérir un dépotoir par tous
les moyens en leur pouvoir.
M.PRAL
Gagliari, 7 août.
Le consul de France et le frere de M. Pral sont
allés remercier le préfet de son aide active à l'oc-
casion du séquestre des Français retenus par les
brigands. Ils l'ont remercié également au nom des
nationaux français.
L'argent pour la rançon imposée pour M. Pral
n'est pas encore envoyé.
LE ROI DE GRÈCE
ET M. CASIMIR-PEBIEB
Vienne, 7 août.
On mande d'Athènes à la Politische Correspon-
denz que le roi de Grèce passera par Paris à son
reteur d'Aix-les-Bains.
il s'y rencontrera avec M. Casimir-Perier, prési-
dent de la République française.
LAVIEDEPARIS
1 --
Le monde des arts vient de perdre, avec
le sculpteur Auguste Gain, un artiste dis-
tingué et, surtout peut-être, un homme
dont la vie peut être donnée en exemple
dans le temps troublé que nous traver-
sons. Cain était né à Paris d'un vieux
soldat en retraite qui ne put, vivant d'une
maigre pension, lui faire donner aucune
espèce d'éducation. Il dut s'élever, s'ins-
truire seul, allant à l'école quand il pou-
vait. On en fit un ouvrier. Il débuta par
être ébéniste.
Là il prit le goût de l'ornementation et,
pour se perfectionner dans son métier,
s'adonna au dessin, sans autre espoir que
celui de devenir un bon ornemaniste. Ce-
pendant, ses progrès furent tels qu'il son-
gea à la sculpture et il entra dans l'atelier
de Rude. La misère interrompit encore
ses études. Cain quitta l'atelier de Rude ;
mais il put suivre les cours de dessin et
de modelage que Barye avait installés au
Jardin des Plantes, où l'on copiait les ani-
maux sur nature. Je ne sais pas, je le dis
en passant, si ce cours très intéressant
existe toujours ?
Là, Cain fit de rapides progrès sous la
direction d'un maître admirable. Il connut
alors, sans doute, chez Barye le sculpteur
Mène qui passait pour le meilleur élève
du maître. Mène donna des conseils au
jeune sculpteur, l'associa à quelques-uns
de ses travaux et, enfin, le prit pour gen-
dre. De ce mariage artistique sont nés
deux peintres qui ont un bon renom parmi
les peintres de genre et de genre histo-
rique.
Pendant longtemps, malgré son aspira-
tion vers la grande sculpture, Cain fut
obligé de se contenter d'exécuter de furtifs
travaux et de petits modèles, qui le fai-
saient vivre. Il en va de la sorte. Une
grande statue ruine le sculpteur, qui gagne
sa vie, souvent s'enrichit, avec des presse-
papiers ou des dessins de pendule.
fi est vrai que lorsque l'artiste est ha-
bile il peut, dans de petits slijets, mon-
trer du talent et même du génie. Néan-
moins, les modèles faits en vue d'une ex-
ploitation par l'industrie gardent toujours
quelque chose qui ressemble à une trace
de péché originel. Dans ce labeur assidn
Cain trouva les ressources nécessaires
pour satisfaire ses vœux et aborder enfin
la sculpture d'ornement en grand.
Je crois que ce fut aux environs de 1848
qu'il commença à se faire un nom dans les
expositions. Ce nom grandit d'année en
année, avec des œuvres de plus en plus
remarquées. Beaucoup de sculptures de
Cain ont pris place dans nos musées, sur
nos places et nos promenades publiques.
On voit de lui, dans le jardin du Luxem-
bourg, le Lion dévorant une autruche;
dans le jardin des Tuileries, le Tigre
étouffant un crocodile, et encore, dans le
même lieu, le Rhinoeéros luttant avec
des tigres; enfin, à l'Hôtel de Ville, des
Lions.
Cain aimait particulièrement modeler
les grands fauves. Son premier succès
avait été une figure de lionne. Mais il
abordait aussi d'autres sujets. Chargé par
la ville de Genève du monument élevé à
la « gloire » du duc de Brunswick, il n'a-
vait pas été très heureusement inspiré.
Mais je ne vois pas ce qui aurait pu ins-
pirer un artiste dans le personnage ridi-
cule de ce vieil avare suspect dont la
ville de Genève a eu le tort d'accepter
l'héritage.
Il paraît d'ailleurs qu'elle sera forcée de
le rendre et que son monument lui restera
pour compte, ce qui est délicieux. Par
contre, le duc d'Aumale, qui aimait beau-
coup Cain, lui avait confié l'ornementa-
tion cynégétique de Chantilly, où Cain
exécuta de véritables chefs-d'œuvre. Il a
placé là d'admirables groupes de chiens
de chasse et, surtout, de colossales figures
de cerfs aux écoutes, qui sont peut-être
parmi les meilleurs morceaux de son œu-
vre considérable.
Gain, dans cet œuvre, n'eut sans doute
pas l'originalité créatrice et géniale de
Barye, ni même la finesse extrême de
Mène. Mais il montra des qualités de son
propre cru, particulièrement un sens in-
contestable de la décoration. On a dit, non
sans raison, qu'il était dans la tradition
du dix-septième siècle. Il y a, en effet,
dans ses animaux, avec le degré de réa-
lité voulu par l'art d'aujourd'hui, quelque
chose cependant qui sent la noblesse un
peu affectée des compositions d'autrefois.
Il y a des lions, à Versailles, qui ont l'air
de savoir que Louis XTV va les regarder
en passant. Parfois les animaux de Cain
ont, de la sorte, un peu de pose. Mais
l'effet décoratif est toujours très grand.
Et puis, je crois qu'il est bon de rappe-
ler et de saluer ici une de ces belles exis-
tences d'ouvriers qui, par le seul labeur,
par la volonté et la sagesse, se son élevés
peu à peu et sont devenus des artistes et
des maîtres. Ceci est d'un bon exemple.
Des existences comme celle de Cain mon-
trent qu'après tout les obstacles dans no-
tre société ne sont pas toujours insurmon-
tables à une ferme volonté. Je sais bien
qu'il vaudrait mieux que toute vocation
pût s'affirmer librement, aidée de tous
les moyens, ayant toutes les ressources
possibles à son usage.
Mais qui sait si, aussi aisément satis-
faites, les vocations se développeraient
avec la même énergie ? Les « amateurs »
ne vont pas toujours très avant dans les
études de l'art pour lequel ils sont doués.
Je pense, quant à moi, qu'un peu d'effort
nécessaire est une bonne chose. Il ne faut
pas moins en louer ceux qui, comme Gain,
ont su persévérer dans cet effort et se
créer eux-mêmes.
Henry Fouquier.
[M. Auguste Gain était né le 6 novembre 1822.
dans le quartier Rochechouart. Il laisse une veuve
et deux fils, Georges et Henri, qui se sont fait 4au
la peinture de genre une belle place.
Les obsèques auront lieu jeudi, à midi, en l'é-
glise Saint-Martin, rue des Marais. On se réunira
à la maison mortuaire, 19, rue de l'Entrepôt.]
,(\ - LA MÉDAILLE COLONIALES -
Le nombre des demandes de médaille colonia-
le arrivées jusqu'ici au ministère de la guerre s'é-
lève à 75,000 il augmente chaque jour et dépassera
bientôt 100,000.
La plupart de ces demandes exigent des recher-
ches très longues dans les archives de la guerre.
Dans ces conditions, il est matériellement impos-
sible de répondre dès maintenant à toutes les de-
mandes, et le ministère de la guerre doit se borner
à écrire aux demandeurs dont les titres à la mé-
daille coloniale ne sont pas reconnus fondés.
L'ANARCHISTE BALDI SANTO
Plusieurs de nos confrères ont annoncé, il
y a quelques semaines, l'arrestation à Periers
(Manche) de quatre anarchistes qui se prépa-
raient à passer en Angleterre.
Après avoir été promenés successivement
de la prison de Periers à celles de Vire et de
Coutances et confrontés avec une jeune bonne
qui prétendait leur avoir entendu faire l'apo-
logie du crime de Caserio, ces quatre pseudo-
anarchistes, reconnus innocents des faits qui
leur étaient imputés, viennent d'être remis en
liberté.
Parmi eux se trouvait un Autrichien du
nom de Baldi Santo, marchand de chromos,
âgé de dix-huit ans et fort imberbe d'ailleurs,
dans la personne duquel la police et le par-
quet s'obstinaient à voir le fameux anarchiste
italien Baldi Santo, qui leur avait été signalé,
bien qu'il n'y eût aucune ressemblance pos-
sible, celui-ci étant âgé de quarante ans.
COMPLOT CONTRE LES ENFANTS
DE M. CLEVELAND
Washington, 7 août.
Les détectives de Gray-Gables, où Mme Cleve-
land se trouve en ce moment en villégiature avec
ses deux jeunes enfants, auraient découvert un
complot ayant pour but l'enlèvement de ces der-
niers. Ils ont reçu l'ordre de veiller constamment
sur la famille du président jusqu'à son retour à
Waâhiûgton.
POISSONS MALADES 1
H y a plusieurs années, le XIXe Siècle a été
le premier à signaler l'épidémie qui sévit sur
les barbillons.
Pendant deux ans, aucun poisson malade
ne fut pèché ou trouvé demi-mort dans les
herbes bordant les rives de la Seine et de la
Marne.
Cette année, le mal parait avoir fait sa réap-
parition, car depuis plusieurs jours de nom-
breux poissons sont repêchés allant à la dé-
rive, essayant, mais en vain, de lutter contre
le courant qui les entraîne.
Le mal, cette année, ne s'est pas seulement
attaqué aux barbillons, mais à tous les pois-
sons en général, atteignant une assez forte
taille tels que juaines, brèmes, gardons, etc.
Le menu fretin, goujons, ablettes, etc., jus-
qu'à présent ne ressentait nullement les at-
teintes du mal ; c'est par milliers que chaque
jour sont repêchés, de l'écluse de Noisiel au
barrage de Charenton, les poissons conta-
minés.
LA
GUERRE ENTRE LA CHINE & LE JAPON
Londres, 7 août.
LI-Hung-Chang continue à diriger toutes
les opérations et à centraliser tous les pou-
voirs. Il s'est fait excuser personnellement
auprès du ministre japonais en Chine, insulté
à Takou par la soldatesque au moment de
son départ. Les forts de Takou ont été rat-
tachés àTien-Tsin par le téléphone, et l'on pro-
cède au placement des torpilles le long de la
côte.
Tous les navires chinois susceptibles d'une
utilisation militaire ont été enrôles.
On télégraphie de Séoul au New-York He-
rald que les troupes russes ont été renforcées
sur la rivière Tioumen, frontière de Corée.
MONTAIGUS ET CAPULETS LACE DEMON lE liS
Athènes, 7 août.
On sait-que des conflits éclatent assez fréquem-
ment entre diverses familles dans les villages de
la province de Lacédémone.
Dernièrement, dans le village de Katiphori, deux
familles ont eu recours aux armes pour vider une
ancienne querelle., Bientôt tous les habitants du
Village prirent part au conflit et formèrent deux
camps.
Une bataille en règle durait depuis plusieurs
heures, lorsque la force armée parut enfin. Mal lui
ou prit, car les deux camps unis tournèrent leurs
armes contre les soldats, et il y eut beaucoup de
morts et de blessés. Après quoi, les habitants de
Katiphori se réfugièrent dans leurs maisons et
continuèrent à s'envoyer des balles.
De forts détachements de troupe sont partis à
la hâte da Calamas, pour mettre fin à cette guerre
d'un autre âge.
LA FOUDRE SUR LE PALAIS DE POTSDAM
Potsdam, 7 août.
Pendant un orage qui a éclaté aujourd'hui, la
foudre est tombée sur le Nouveau Palais, un peu
après quatre heures. Elle est descendue le long
d'un fil télégraphique et a mis en mouvement lés
signaux d'alarme.
Les pompiers du Nouveau Palaiset de Potsdam,
ainsi alarmés, se sont précipités sur les lieux.
Aucun dégât ne s'est produit
HORRIBLE FRATRICIDE
Montbrison, 7 août.
La commune de la Chamba, canton de
Noirétable, a été hier le théâtre d'un meutre
odieux commis dans des circonstances parti-
culièrement atroces.
C'est un fratricide suscité par des ques-
tions d'intérêt. Les frères Jean-Marie et Jean
Grange, de Versanne, étaient en mésintelli-
gence au sujet de l'héritage de leur père. Ils
en vinrent à une querelle qui dégénéra en
une rixe, dans laquelle Jean reçut plusieurs
coups de pied dans le bas-ventre et dans la
tête. Il mourut, au bout de quelques secondes,
d'une perforation des Intestins et cPtine con-
gestion cérébrale.
Le parquet de Montbrison s'est rendu sur
les lieux et a fait procéder à l'arrestation du
meurtrier qui a été transféré à la prison de
Montbrison.
Dans son désespoir, il a tenté par trois fois
de se suicider. Il est étroitement surveillé.
L'assassin passera aux assises de septem.
bre.
COLLISION DE TRAINS
Gênes, 7 août.
Cette nuit une collision s'est produite entre deux
traiM & la gare ci' Â.quaSanta, sur la ligne de Gê-
DU t. Ad.
Neuf personnes ont été blessée* Légèrement,
LE PROCES DES TRENTE
.———
LA DEUXIÈME AUDIENCE
Changement à vue. — Nouvelle troupe.-
Le cambriolage et les vols. — Un
homme d'action sourd et boiteux.
L'anarchie détonante et surtout cambrio-
lante a rejeté à l'arrière-plan les philosophes
et les théoriciens. Les grands premiers rôles de
l'audience d'hier n'ont plus été ni Jean Grave
ni Sébastien Faure, mais Fèlix Fénéon, le
paradoxal fonctionnaire du ministère de la
guerre, Matha l'hypothétique complice d'E-
mile Henry, et Ortiz, ce dangereux et amusant
Cartouche d'une modernité exquise.
La justice a d'ailleurs changé son décor, et
quand nous arrivons, nous nous trouvons en
présence d'un véritable déballage. Les ballots
ont été crevés, tout un assortiment nouveau a
été apporté du greffe et la table des pièces à
conviction est devenue un véritable comptoir
de brocanteur.
Sous le bureau du président, une bicyclette
qui n'était pas, chose étonnante, une XIXe,
des valises de toutes dimensions, des objets
en ruolz, huiliers, cafetières, des lingots d'ar-
en ruolz, l'inévitable jumelle et la longue-vue
genterie, l'inévitable jumelle et la longue-vue
de campagne, des fusils, des revolvers, un
couvre-pied rose, des fausses clefs, des coins
en bois, une pince-monseigneur superbe en
trois parties, un triptyque, et enfin la fa-
meuse scie de poche de l'élégant Ortiz. C'est
le déballage qui marque le vol qualifié. Les
jurés peuvent en goûter le désordre.
FÉNÉON
C'est par Fénéon que se rouvre le feu des
interrogatoires.
Fénéon a des réponses sèches, tranchantes ;
à l'entendre parler, on devine l'homme de let-
tres qui affecte d'écrire avec un bistouri.
Le président rappelant à l'accusé qu'il a
collaboré au journai VEn-Dehors, Fénéon ré-
pond:
- Je ne collaborai pas au journal l'En-Dehors,
J'explique : En l'espace d'un mois j'ai remis à cette
feuille qui n'était pas alors très révolutionnaire,
qui était littéraire, trois articles : l'un sur un ro-
man, l'autre sur une représentation au Chat-Noir,
le troisième sur des peintures exposées à l'Ecole.
Et, droit comme une barre de fer de la nu-
que aux talons, l'accusé n'a qu'un geste : il
raidit l'étoffe de son veston en plongeant les
pouces dans l'ouverture des poches.
L'interrogatoire se poursuit, et le président
aborde la question des relations de Fénéon
avec des anarchistes en vue :
— Vous étiez l'ami d'Alexandre Cohen qui a écrit
une lettre honteuse sur l'enterrement du maréchal
de Mac-Mahon ?
— Cohen était révolutionnaire et le maréchal
avait commandé l'armée qui réprima l'insurrection
de 1871. Cette lettre n'a pas été écrite à moi. Je n'ai
pas mission de commenter les fantaisies épistolaires
de M. Cohen. C'était d'ailleurs une haine factice
où les mots dépassent la pensée.
— Vous étiez aussi l'ami intime de l'anarchiste
allemand Kampfmeyer?
— Le mot est trop fort. Ami intime l II ne sait
pas le français et je ne sais pas l'allemand. Lors-
que, à la suite de l'expulsion de Cohen, Kampf-
meyer a jugé à propos de quitter aussi la France,
il s est adressé, pour le déménagement de son mo-
bilier, à ses voisins dont j'étais.
— Il vous avait remis la clef de son apparte-
ment.
- C'est exact.
- Plus tard, vous avez donné l'hospitalité à
Matha ?
— Nullement. Matha m'avait été adressé par
Cohen qui m'avait prié de lui remettre la clé de
l'appartement occupe par Kampfmeyer. Matha est
venu, je lui ai donné la clé. Elle ne m'appartenait
pas, le logement ne m'appartenait pas. En tout cas
ce ne serait pas un crime de donner l'hospitalité à
quelqu'un.
— Vous avez donné l'hospitalité à Matha. Le 25
avril, quand on vous a arrêté, vous avez nié con-
naître celui-ci.
— On ne m'a pas laissé le temps de prendre l'habi-
tude des menottes. Si on m'avait demandé des ren-
seignements sur moi, je les aurais donnés ; sur un
autre, il m'a paru décent d'attendre. Je savais que
Matha avait été condamné à une peine de dix-huit
mois de prison. Sans doute il s'ennuyait à Londres
et il m'avait dit que, pour pouvoir vivre en France,
il préférait faire ses dix-huit mois. Néanmoins, je
n'ai voulu rien dire.
— Et Ortiz?
— Je ne le connaissais pas. Peut-être ai-je pu le
voir à l'E-nDehors une ou deux fois ; on y avait
des discussions littéraires, on y faisait des armes.
Je ne cherche nullement à chicaner; mais, hier, on
a été obligé de m'indiquer quel était cet Ortiz.
— Votre concierge affirmé avoir vu Ortiz sortir
souvent, très souvent de chez-vous; elle parle d'au-
tres personnages suspects.
— Je recevais des poètes et des peintres et ma
concierge n'a pas qualité pour. (hilarité). Elle
s'est trompée, je ne veux pas user d'autre expres-
sion par respect pour les témoins. Vous verrez la
figure de cette femme: qui n'est peut-être pas très
bienveillante pour moi.
DÉTONATEURS DE FAMILLE
Passe encore cette curiosité dont s'est ac-
cusé Fénéon à l'endroit de l'anarchie et des
anarchistes. Il y a plus :
Le président. — Vous êtes également poursuivi
pour détention de produits explosifs sans motif légi-
time. On a trouvé chez vous, dans votre bureau du
ministère de la guerre, des tubes en cuivre qui n'é-
taient autres que des détonateurs, ainsi qu'un fla-
con de mercure. n'où venaient-ils ?
Avec un air de parti pris de l'homme qui se
dit : « On en croira ce qu'on voudra, mais je
ne dirai pas autre chose », Fénéon se lance
dans son système de défense qui nous fournit
après la légendaire « croix de ma mère » l'im-
prévu « détonateur de mon père ».
— J'ai trouvé cela, dit-il, dans la chambre de mon
père mort le 12 avril. J'ignorais que ce fussent des
détonateurs.
— Vous les avez emportés au ministère ?
— Oui. J'ai aussi emporté trois cartons de
lettres. A cause de mes relations avec Cohen et de
l'animosité de ma concierge, je pouvais craindre
une perquisition, quoique improbable.
On les a lues toutes ces lettres, on n'y a rien
trouvé, et cependant je les avais portées au minis-
tère. L'inventaire fait par le juge d'instruction
commence par une médaille de Sainte-Hélène et
finit par une peau de chat. Ce ne sont pas là des
objets dangereux, et pourtant je les ai portés au
ministère; j'ai considéré les tubes comme aussi peu
dangereux ; il n'y a pas lieu d'interpréter corffere
moi ce transport.
Ces fameux tubes dont on parle, mon père les
avait trouvés dans la rue. C était pour moi des
babioles. -
— Votre père n'aurait pas gardé ces engins ;
l'accusation dira que vous les aviez reçus de quel-
qu'un que vous ne voulez pas nommer par point
d'honneur.
— Je maintiens rigoureusement ce que j'ai dit.
— Mais enfin comment expliquez-vous que l'on
trouve pareille chose dans la rue ?
— M. le juge d'instruction m'a bien dit : « Vous
auriez dû jeter ces tubes par la fenêtre plutôt que
les emporter au ministère ». Cela démontre bien
qu'on pouvait les trouver dans la rue. (Rires.)
Les tubes et les flacons sont présentés à Fé-
néon qui les regarde d'un air absolument dé-
taché.
— Je ne reconnais pas précisément ces objets,
mais il est possible que ce soient ceux que l'on a
trouvés chez moi.
— Emile Henry a reconnu ce flacon comme lui,
ayant appartenu, ou du motns comme pareil à
tèlui qu ü avait.
- On lui aurait présenté un tonneau de mercure,
il se serait vanté de l'avoir ea chez lui ; il y met.
tait une espèce de bravade et il ne se faisait pas
faute de mystifier la justice.
Ici finit l'interrogatoire de l'impassible
Fénéon et commence celui plus tourmenté de
Matha.
MATHA
L'accusé a la tête barbarement broussail-
leuse. Quand on s'appelle Matha, on se doit
de ressembler à un héros carthaginois, genrq
Salammbô.
Matha a encouru en cour d'assises deux
condamnations pour ses écarts de parole,
mais il ne les a pas subies. Le président lui
rappelle ces condamnations :
— En janvier 1892 vous êtes devenu le gérant de
l'En-Dehors. En août, vous vous êtes réfugié à
Londres et vous vous êtes mis en relation avec dei
anarchistes, notamment avec Emile Henry.
— J'ai connu des anarchistes, mais je n'ai pas
eu avec eux les relations suivies dont vous parlez.
— Vous avez assisté à une réunion dans laquelle
a été prise une décision concernant l'anarchie ?
— Je le nie,je ne connaissais aucun des individufl
faisant partie de cette réunion.
— Pourquoi êtes-vous revenu de Londres en
janvier 1894?
-Parce que je m'y ennuyais, j'aimais mieux
Paris.
— Pourquoi donc êtes-vous reparti pour Lon-
dres ?
— C'était ma fantaisie; qu'est-ce que cela prouve?
— Vous revenez l'avant-veille de l'attentat du ca-
fé Terminus et vous repartez quelques jours après.
Vous aviez sans doute quelque mission anarchiste,
car vous ne donnez aucune explication de toutes
ces allées et venues.
— Tout cela c'est des hypothèses de l'accusa.
tion ; je n'ai aucune raison à donner, c'est à
l'accusation à prouver les hypothèses qu'elle fait ;
on interprète mes voyages comme on veut, c'est de
la fantaisie.
Une discussion s'engage entre la défense et
l'accusation au sujet des dates des différents
voyages de Matha entre Paris et Londres.
— L'accusation vous dira que vous serviez d'in-
termédiatre entre les anarchistes de Londres et
ceux de Paris.
— Il faudra le prouver.
— Après l'attentat du Terminus, vous avez dé-
ménagé; vous avez quitté le logement de Kampf-
meyer pour aller chez les époux Gossot, rue Cadet.
— Quand ce serait le jour même, qu'est-ce que
cela prouverait?
On voit comment l'accusé traite ces coince
dences dont la justice s'inquiète. :
L'ÈLÉGANT ORTIZ
Mais voici le tour d'Ortiz. Fils d'Autri..
chienne et de Polonais, l'accusé a terminé ses
études à Paris comme boursier du collège
Chaptal. Il a donc non seulement de la tenuq
mais encore de l'instruction.
L'interrogatoire porte d'abord sur la colla-
boration d'Ortiz à certains journaux anar-
chistes et à un manifeste excitant au vol et
au pillage.
Ortiz. — Je n'ai pas excité au vol, j'ai conseillé
aux masses de s'emparer des outils et de tous les
moyens de production ; d'ailleurs, je n'ai pas été
poursuivi ; J ai émis des opinions collectivistes et
voilà tout. Je n'étais pas à la réunion où a été
signé le manifeste au bas duquel on trouve mon
nom.
— De 1887 à 1892, vous n'avez pas cessé de faire
de la propagande anarchiste par ie fait, par le vol
par exemple. Les vols que vous avez commis ont
été perpétrés par une bande d'étrangers : les Chéri-
cotti, les Belotti, dont vous faites partie, Ortiz.
- Je n'ai pas commis de vol.
- Vous êtes accusé de complicité dans les vols
dont les produits étaient centralisés boulevard
Brune.
Et le président rappelle les circonstances
des trois expéditions dont l'acte d'accusa-
tion publié par nous hier fournissait les
détails, le vol de Ficquefleur notamment qui
fut entouré d'une mise en scène qui ne da.
parerait pas le meilleur roman-feuilleton.
Le premier vol relevé fut commis à Abbe-
ville, chez M. Flandrin, ancien juge.
— L'un des individus condamnés a déclaré que
les titres volés qui n'avaient pu être négociés A
Londres, vous avaient été remis.
— C'est une déclaration intéressée pour faire
diminuer sa peine ; si j'avais participé a pour faire
n'aurais pas été dans la misère, comme j'y étais à
cette époque.
— Ainsi, vous niez?
— Formellement.
— Après le vol, vous allez à Londres.
— Oui, pour rejoindre mon beau-père.
— L'accusation dira que c'était pour aller négo-
cier les titres volés,
Le président expose les circonstances du vo
de Ficcruefleur, auquel aurait pris, part avec
un troisième complice resté inconnu et Ortiz,
Emile Henry lui-même, jouant le rôle de fils
de grand industriel anglais, pendant qu'Ortiz
se présentait sous 'le nom de Nicole, comme
ami de collège du jeune Londonien, et prenait
le titre d'ingenieur.
— Vous êtes resté plusieurs jours à la Rivière.
Saint-Sauveur avant de commettre le vol ; vous
avez été invité à aller prendre le thé chez le maire,
qui vous a parfaitement reconnu.
— Le maire se trompe et les autres témoins ne
font que répéter ce qu'a dit le maire.
— Ces témoin? vous ont vu plusieurs fois du-
rant les dix jours que vous êtes resté à la Rivière-
Saint-Sauveur.
— J'affirme de la façon la plus énergique que
je n'y étais pas.
— Il sera démontré que vous étiez à la Ri-
vière-Saint-Sauveur dans les jours qui ont précédé
le vol; c'est contre toute évidence que vous soute.
nez le contraire.
— Je n'ai pas été à la Rivière-Saint-Sauveur.
— Emile Henry a renvoyé à Mme Castel le cer-
tificat de 800,000 francs qu'il ne pouvait pas négo-
cier: il a été reconnu et il est prouvé que vous
étiez avec Emile Henry à la Rivière. Nous arri-
vons au vol commis par vous et Cliericotti au châ-
teau de M. de Magnier, à Nogent-les-Vierges, dans
la nuit du 29 au 30 janvier 1894.
- Je nie absolument.
- On a saisi chez M. Giroux divers objets volés
chez M. de Magnier ; voici un fusil et une carabine
Flobert que vous avez vendus à M. Giroux, que
vous prétendez ne pas connaître.
— J'ai vu M. Giroux au moment où je voulait
acheter des meubles, pour ne plus vivre avec rux
maîtresse que je craignais de compromettre; mais
ce n'est pas moi qui ai envoyé ces fusils.
— Et le réveille-matin ?
— C'est également de M. Molmet que je le tiens.
L'audience, à cet instant, est suspendue à
la demande d'un des jurés que trouble sans
doute le temps orageux.
Au moment où les accusés sortent de la
salle, l'un d'eux se retourne vers les bancs de
la presse et crie : « Faites-nous donc passer un
journal qui donne nos têtes. »
Mais l'audience est bientôt reprise, et ia
président pose cette question à Ortiz :
— Que veniez-vous faire au boulevard Brune, aiL
moment où on vous a arrêté?
— J'étais venu accompagner Bertani.
— On a trouvé sur vous une scie ; d'où vous
venait-elle?
— Elle était à Bertani.
— C'est avec une scie pareille qu'on a scié la
coffre-fort chez M. Flandrin. Bertani à dit que c'é-
tait vous qui l'aviez payée. Ainsi, elle était à l'un
de vous deux ; elle était au service de la bande.
Cet instrument alors exhibé tient dans la
poche la place d'un large portefeuille,
M. l'avocat général Bulot interpelle directe-
ment Ortiz, et, lui faisant passer un écrit, lui
demande s'il reconnaît son écriture. L'accusé
dit ne pas la reconnaître.
La réponse ne parait pas surprendre le ma
gistra^ car, siuvaat iui,. cet A~d~<~ Ja mat.
LE NUMÉRO CINQ CENTIMES
JEUDI 9 AOUT 1894
REDICTIOI ET IOlillsTRlnll
142, Rue Montmartre
, PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-Edouard PORTALIS
Adresse télégraphique : XIX" SIÈCLB-PABJ.8
TÀUnhnna ! 9.n.9.HQ bis.
ARNdlICII
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par le XIXe Siècle.
Voir à la 4e page.
Le Khédive en Europe
Le jeune khédive Abbas-Hilmi sup-
porte mal le joug anglais. Avec les ar-
deurs de son âge et du sang qui coule
dans ses veines, il voudrait affranchir
l'Egypte de la dure protection britan-
nique et il ronge son frein, en atten-
dant l'heure où les événements lui per-
mettront l'audace.
Il avait songé à parcourir l'Europe
officiellement, pour l'intéresser à la
cause de sa patrie et lui montrer les
dangers d'une occupation anglaise pro-
longée. Avec les illusions confiantes de
ses-vingt ans, il pensait même venir à
foudres et plaider son procès auprès
qu gouvernement de la reine Victoria.
Lors de son séjour à Constantinople,
OU l'a dissuadé de ce projet qui ne pou-
vait convenir au sultan. L'empereur des
Ottomans est trop mêlé, en effet, aux
questions diplomatiques pour ignorer
que les grandes puissances ne veulent
pas soulever en ce moment la ques-
tion d'Egypte.
Tout ce qu'Abbas-Pacha aurait pu
dire est connu dans les chancelleries,
où les arguments en faveur de l'évacua-
tion ont été répétés cent fois. Il n'est
douteux pour personne que l'Angleterre
manque aux promesses les plus for-
melles, aux engagements les plus so-
lennels. La présence de ses soldats au
Caire est un péril permanent pour la
paix du monde et modifie gravement
r équilibre dans la Méditerranée,
Seulement, existe-t-il un intérêt assez
grand pour risquer une guerre? Doute
la question est là, et ce n'est point le
vice-roi d'Egypte qui peut la résou-
dre.
Quant à espérer attendrir les cœurs
des ministres britanniques, c'est un rêve-
qu'explique seule la jeunesse du khé-
dive. Il croit encore que la politique
sentimentale existe sur les bords de la
Tamise. L'avenir lui apprendra que l'An-
gleterre a une âme de pierre.
Il y a cinquante quatre ans, M. Thiers,
alors premier ministre, a songé à faire
la guerre pour que l'Egypte victorieuse
vît son indépendance reconnue par l'Eu-
rope.
Le grand pacha d'Egypte Mehemet-
Ali avait obtenu des succès militaires
considérables. De son épée, il menaçait
la Turquie, lorsqu'il fut arrêté dans sa
marche par la quadruple alliance con-
tractée contre lui et contre la France,
sa protectrice, par l'Angleterre, la Rus-
sie, l'Autriche et la Prusse.
M. Thiers, et surtout Louis-Philippe,
crurent avec raison que l'affaire égyp-
tienne ne légitimait pas d'exposer la
France à une coalition. Pour sauver la
face, le roi changea son ministère et le
conquérant égyptien dut se contenter
d'être le fondateur d'une dynastie de
seconde classe, restée sous la suzerai-
neté du sultan.
Ce n'est pas après la perte de l'Al-
sace-Lorraine et la création de l'empire
allemand que la France pourrait ris-
quer davantage une aventure au sujet de
l'Egypte. On en est convaincu à Lon-
dres, et c'est pour cela qu'on le prend
de si haut avec Abbas-Pacha.
Evidemment les Anglais songent à
lui faire jouer le rôle qu'ils infligent
aux rajahs indiens, simples mannequins
dont le résident britannique tire les
ficelles.
Seulement, la vallée du Nil est plus
près de l'Europe que celle du Gange.
Des choses passent inaperçues en Asie
qui sont impossibles au fond de la mer
Méditerranée. Ce qui se fait à Alexan-
drie a pour témoin l'Europe.
Abbas-Pacha a donc raison de pro-
tester et d'attendre. Il a pour lui l'im-
prévu et le long avenir.
Un jour, sous le ministère du cardi-
nal Fleury, un officier qui sollicitait
depuis longtemps un régiment fut reçu
en audience par le tout-puissant ministre
qui refusa durement : « Vous ne serez
jamais colonel tant que je vivrai. -1
Soit, monseigneur, j'attendrai i), ré-
pondit le solliciteur en jetant un regard
sur le vieillard décrépit.
Comme cet officier, le kive peut
contempler la route ouverte devant ses
yeux. A un tournant il rencontrera une
occasion peut-être.
Pour nous, la situation est fort sim-
ple. L'Egypte tient une place à part
dans le compte en partie double où nous
inscrivons nos griefs contre l'Angle-
terre. Comme le droit ne se prescrit
pas, nous pourrons toujours l'invoquer
lorsque les circonstances le permet-
tront.
La politique anglaise est très forte
par sa continuité même, mais elle ne
tient pas assez compte des haines qu'elle
sème.
En voulant planter son drapeau dans
le monde entier, le gouvernement bri-
tannique crée le syndicat des colères.
Tôt ou tard, l'heure de payer sonnera,
et l'échéance sera terrible, parce que la
grandeur est factice.
L'occupation de l'Egypte constitue un
de ces actes qui s'expient, car il froisse
trop de gens et lèse trop de choses. Seu-
lement, il faut que nous sachions at-
tendre.
Aucun pays n'a été conquis aussi sou-
vent que l'Egypte et cependant nulle
race étrangère n'a pu s'y implanter,
parce que les enfants nés d'un croise-
ment n'y vivent jamais.
C'est là un fait singulier, peu expli-
cable, mais incontesté. Il donne la rai-
son de la surprenante similitude des gé-
nérations actuelles avec celles dont les
hiéroglyphes nous ont transmis les ima-
ges à travers les siècles accumulés.
Pas plus que les autres, les Anglais
ne s'implanteront au pied des Pyrami-
des. Quand ils seront partis, le sable ne
gardera même pas leur trace.
lisait.
GUILLAUME EN ANGLETERRE
Londres, 7 août.
La reine d'Angleterre a donné hier soir un
grand dîner en l'honneur de l'empereur d'Al-
lemagne. Le dîner était servi dans la salle
indienne. Il était présidé par la reine qui,
suivant son habitude, était au milieu de la
table, ayant à sa droite l'empereur Guillaume.
Parmi les personnes présentes : le prince de
Galles, le duc d'York, le duc et la duchesse
de Connaught, le prince et la princesse de
Battenberg, la princesse Louise, lord Rose-
bery, etc.
Le souverain d'Allemagne a, dit-on, l'in-
tention d'inviter la reine Victoria à lui faire
une visite à Berlin ou à Potsdam. Depuis
longtemps il a le désir de donner à sa
grand'mère une éclatante réception, mais la
reine redoute par-dessus tout maintenant les
fatigues des fêtes de la cour et elle résiste
aux instances de l'empereur. Il est probable
que si elle se rend en Allemagne en visite
chez ce dernier, cette visite aura lieu dans un
château du Rhin.
Notons en terminant qu'un petit incident
s'est produit hier au moment de l'arrivée de
l'empereur d'Allemagne à Douvres.
Le yacht arrivait en vue de Douvres. L'em-
pereur, suivant l'usage, fit saluer d'une salve
de coups de canon le drapeau anglais. Puis
le yacht ralentit sa marche, attendant une
réponse ; mais, aucune salve n'étant tirée de
terre, le yacht reprit sa marche vers Cowes ;
ce n'est que 20 minutes après qu'un salut de
réponse fut tiré par un des forts situés à l'ouest
de Douvres.
UNE COMMUNE EMPOISONNÉE
Les habitants de la charmante commune
du Perreux, et principalement ceux du quar-
tier des Joncs-Marins, se plaignaient depuis
plusieurs semaines d'odeurs méphitiques ré-
pandues dans l'atmosphère et dont la prove-
nance était inconnue de tous.
Hier, heureusement, les gendarmes de No-
gent-sur-Marne, en ronde dans la localité, ont
trouvé le foyer d'infection ; ils ont surpris les
employés d'une compagnie de vidange de
Nogent en train de verser le contenu de leurs
tonneaux dans une bouche d'égout de l'ave-
nue de Rosny, puis, continuant leurs recher-
ches, ont découvert sur la limite des territoi-
res des communes de Neuilly-Plaisance et du
Perreux un charmant petit bois dans lequel
une compagnie de Vincennes et une de Nogent
venaient déposer journellement leurs matiè-
res, le transformant en un foyer épidé-
micrue.
Procès-verbal a été aussitôt dressé contre
les ouvriers, dont les patrons seront civile-
ment responsables.
Il résulte de l'enquête que la compagnie de
Vincennes prise en défaut est propriétaire
d'un dépotoir sis dans les environs de Choisy-
le-Roi, mais qu'elle le trouve trop éloigne ;
quant à celle de Nogent-sur-Marne, fait assez
curieux, elle n'en possède pas et décharge ses
tonneaux où bon lui semble.
Il est temps de remédier à un état de choses,
si préjudiciable à la salubrité publique et de
punir sévèrement les délinquants qui, dans
un but de lucre, n'hésitent pas à empoisonner
une population entière.
Les municipalités de Nogent-sur-Marne et
du Perreux sont décidées a contraindre les
compagnies à acquérir un dépotoir par tous
les moyens en leur pouvoir.
M.PRAL
Gagliari, 7 août.
Le consul de France et le frere de M. Pral sont
allés remercier le préfet de son aide active à l'oc-
casion du séquestre des Français retenus par les
brigands. Ils l'ont remercié également au nom des
nationaux français.
L'argent pour la rançon imposée pour M. Pral
n'est pas encore envoyé.
LE ROI DE GRÈCE
ET M. CASIMIR-PEBIEB
Vienne, 7 août.
On mande d'Athènes à la Politische Correspon-
denz que le roi de Grèce passera par Paris à son
reteur d'Aix-les-Bains.
il s'y rencontrera avec M. Casimir-Perier, prési-
dent de la République française.
LAVIEDEPARIS
1 --
Le monde des arts vient de perdre, avec
le sculpteur Auguste Gain, un artiste dis-
tingué et, surtout peut-être, un homme
dont la vie peut être donnée en exemple
dans le temps troublé que nous traver-
sons. Cain était né à Paris d'un vieux
soldat en retraite qui ne put, vivant d'une
maigre pension, lui faire donner aucune
espèce d'éducation. Il dut s'élever, s'ins-
truire seul, allant à l'école quand il pou-
vait. On en fit un ouvrier. Il débuta par
être ébéniste.
Là il prit le goût de l'ornementation et,
pour se perfectionner dans son métier,
s'adonna au dessin, sans autre espoir que
celui de devenir un bon ornemaniste. Ce-
pendant, ses progrès furent tels qu'il son-
gea à la sculpture et il entra dans l'atelier
de Rude. La misère interrompit encore
ses études. Cain quitta l'atelier de Rude ;
mais il put suivre les cours de dessin et
de modelage que Barye avait installés au
Jardin des Plantes, où l'on copiait les ani-
maux sur nature. Je ne sais pas, je le dis
en passant, si ce cours très intéressant
existe toujours ?
Là, Cain fit de rapides progrès sous la
direction d'un maître admirable. Il connut
alors, sans doute, chez Barye le sculpteur
Mène qui passait pour le meilleur élève
du maître. Mène donna des conseils au
jeune sculpteur, l'associa à quelques-uns
de ses travaux et, enfin, le prit pour gen-
dre. De ce mariage artistique sont nés
deux peintres qui ont un bon renom parmi
les peintres de genre et de genre histo-
rique.
Pendant longtemps, malgré son aspira-
tion vers la grande sculpture, Cain fut
obligé de se contenter d'exécuter de furtifs
travaux et de petits modèles, qui le fai-
saient vivre. Il en va de la sorte. Une
grande statue ruine le sculpteur, qui gagne
sa vie, souvent s'enrichit, avec des presse-
papiers ou des dessins de pendule.
fi est vrai que lorsque l'artiste est ha-
bile il peut, dans de petits slijets, mon-
trer du talent et même du génie. Néan-
moins, les modèles faits en vue d'une ex-
ploitation par l'industrie gardent toujours
quelque chose qui ressemble à une trace
de péché originel. Dans ce labeur assidn
Cain trouva les ressources nécessaires
pour satisfaire ses vœux et aborder enfin
la sculpture d'ornement en grand.
Je crois que ce fut aux environs de 1848
qu'il commença à se faire un nom dans les
expositions. Ce nom grandit d'année en
année, avec des œuvres de plus en plus
remarquées. Beaucoup de sculptures de
Cain ont pris place dans nos musées, sur
nos places et nos promenades publiques.
On voit de lui, dans le jardin du Luxem-
bourg, le Lion dévorant une autruche;
dans le jardin des Tuileries, le Tigre
étouffant un crocodile, et encore, dans le
même lieu, le Rhinoeéros luttant avec
des tigres; enfin, à l'Hôtel de Ville, des
Lions.
Cain aimait particulièrement modeler
les grands fauves. Son premier succès
avait été une figure de lionne. Mais il
abordait aussi d'autres sujets. Chargé par
la ville de Genève du monument élevé à
la « gloire » du duc de Brunswick, il n'a-
vait pas été très heureusement inspiré.
Mais je ne vois pas ce qui aurait pu ins-
pirer un artiste dans le personnage ridi-
cule de ce vieil avare suspect dont la
ville de Genève a eu le tort d'accepter
l'héritage.
Il paraît d'ailleurs qu'elle sera forcée de
le rendre et que son monument lui restera
pour compte, ce qui est délicieux. Par
contre, le duc d'Aumale, qui aimait beau-
coup Cain, lui avait confié l'ornementa-
tion cynégétique de Chantilly, où Cain
exécuta de véritables chefs-d'œuvre. Il a
placé là d'admirables groupes de chiens
de chasse et, surtout, de colossales figures
de cerfs aux écoutes, qui sont peut-être
parmi les meilleurs morceaux de son œu-
vre considérable.
Gain, dans cet œuvre, n'eut sans doute
pas l'originalité créatrice et géniale de
Barye, ni même la finesse extrême de
Mène. Mais il montra des qualités de son
propre cru, particulièrement un sens in-
contestable de la décoration. On a dit, non
sans raison, qu'il était dans la tradition
du dix-septième siècle. Il y a, en effet,
dans ses animaux, avec le degré de réa-
lité voulu par l'art d'aujourd'hui, quelque
chose cependant qui sent la noblesse un
peu affectée des compositions d'autrefois.
Il y a des lions, à Versailles, qui ont l'air
de savoir que Louis XTV va les regarder
en passant. Parfois les animaux de Cain
ont, de la sorte, un peu de pose. Mais
l'effet décoratif est toujours très grand.
Et puis, je crois qu'il est bon de rappe-
ler et de saluer ici une de ces belles exis-
tences d'ouvriers qui, par le seul labeur,
par la volonté et la sagesse, se son élevés
peu à peu et sont devenus des artistes et
des maîtres. Ceci est d'un bon exemple.
Des existences comme celle de Cain mon-
trent qu'après tout les obstacles dans no-
tre société ne sont pas toujours insurmon-
tables à une ferme volonté. Je sais bien
qu'il vaudrait mieux que toute vocation
pût s'affirmer librement, aidée de tous
les moyens, ayant toutes les ressources
possibles à son usage.
Mais qui sait si, aussi aisément satis-
faites, les vocations se développeraient
avec la même énergie ? Les « amateurs »
ne vont pas toujours très avant dans les
études de l'art pour lequel ils sont doués.
Je pense, quant à moi, qu'un peu d'effort
nécessaire est une bonne chose. Il ne faut
pas moins en louer ceux qui, comme Gain,
ont su persévérer dans cet effort et se
créer eux-mêmes.
Henry Fouquier.
[M. Auguste Gain était né le 6 novembre 1822.
dans le quartier Rochechouart. Il laisse une veuve
et deux fils, Georges et Henri, qui se sont fait 4au
la peinture de genre une belle place.
Les obsèques auront lieu jeudi, à midi, en l'é-
glise Saint-Martin, rue des Marais. On se réunira
à la maison mortuaire, 19, rue de l'Entrepôt.]
,(\ - LA MÉDAILLE COLONIALES -
Le nombre des demandes de médaille colonia-
le arrivées jusqu'ici au ministère de la guerre s'é-
lève à 75,000 il augmente chaque jour et dépassera
bientôt 100,000.
La plupart de ces demandes exigent des recher-
ches très longues dans les archives de la guerre.
Dans ces conditions, il est matériellement impos-
sible de répondre dès maintenant à toutes les de-
mandes, et le ministère de la guerre doit se borner
à écrire aux demandeurs dont les titres à la mé-
daille coloniale ne sont pas reconnus fondés.
L'ANARCHISTE BALDI SANTO
Plusieurs de nos confrères ont annoncé, il
y a quelques semaines, l'arrestation à Periers
(Manche) de quatre anarchistes qui se prépa-
raient à passer en Angleterre.
Après avoir été promenés successivement
de la prison de Periers à celles de Vire et de
Coutances et confrontés avec une jeune bonne
qui prétendait leur avoir entendu faire l'apo-
logie du crime de Caserio, ces quatre pseudo-
anarchistes, reconnus innocents des faits qui
leur étaient imputés, viennent d'être remis en
liberté.
Parmi eux se trouvait un Autrichien du
nom de Baldi Santo, marchand de chromos,
âgé de dix-huit ans et fort imberbe d'ailleurs,
dans la personne duquel la police et le par-
quet s'obstinaient à voir le fameux anarchiste
italien Baldi Santo, qui leur avait été signalé,
bien qu'il n'y eût aucune ressemblance pos-
sible, celui-ci étant âgé de quarante ans.
COMPLOT CONTRE LES ENFANTS
DE M. CLEVELAND
Washington, 7 août.
Les détectives de Gray-Gables, où Mme Cleve-
land se trouve en ce moment en villégiature avec
ses deux jeunes enfants, auraient découvert un
complot ayant pour but l'enlèvement de ces der-
niers. Ils ont reçu l'ordre de veiller constamment
sur la famille du président jusqu'à son retour à
Waâhiûgton.
POISSONS MALADES 1
H y a plusieurs années, le XIXe Siècle a été
le premier à signaler l'épidémie qui sévit sur
les barbillons.
Pendant deux ans, aucun poisson malade
ne fut pèché ou trouvé demi-mort dans les
herbes bordant les rives de la Seine et de la
Marne.
Cette année, le mal parait avoir fait sa réap-
parition, car depuis plusieurs jours de nom-
breux poissons sont repêchés allant à la dé-
rive, essayant, mais en vain, de lutter contre
le courant qui les entraîne.
Le mal, cette année, ne s'est pas seulement
attaqué aux barbillons, mais à tous les pois-
sons en général, atteignant une assez forte
taille tels que juaines, brèmes, gardons, etc.
Le menu fretin, goujons, ablettes, etc., jus-
qu'à présent ne ressentait nullement les at-
teintes du mal ; c'est par milliers que chaque
jour sont repêchés, de l'écluse de Noisiel au
barrage de Charenton, les poissons conta-
minés.
LA
GUERRE ENTRE LA CHINE & LE JAPON
Londres, 7 août.
LI-Hung-Chang continue à diriger toutes
les opérations et à centraliser tous les pou-
voirs. Il s'est fait excuser personnellement
auprès du ministre japonais en Chine, insulté
à Takou par la soldatesque au moment de
son départ. Les forts de Takou ont été rat-
tachés àTien-Tsin par le téléphone, et l'on pro-
cède au placement des torpilles le long de la
côte.
Tous les navires chinois susceptibles d'une
utilisation militaire ont été enrôles.
On télégraphie de Séoul au New-York He-
rald que les troupes russes ont été renforcées
sur la rivière Tioumen, frontière de Corée.
MONTAIGUS ET CAPULETS LACE DEMON lE liS
Athènes, 7 août.
On sait-que des conflits éclatent assez fréquem-
ment entre diverses familles dans les villages de
la province de Lacédémone.
Dernièrement, dans le village de Katiphori, deux
familles ont eu recours aux armes pour vider une
ancienne querelle., Bientôt tous les habitants du
Village prirent part au conflit et formèrent deux
camps.
Une bataille en règle durait depuis plusieurs
heures, lorsque la force armée parut enfin. Mal lui
ou prit, car les deux camps unis tournèrent leurs
armes contre les soldats, et il y eut beaucoup de
morts et de blessés. Après quoi, les habitants de
Katiphori se réfugièrent dans leurs maisons et
continuèrent à s'envoyer des balles.
De forts détachements de troupe sont partis à
la hâte da Calamas, pour mettre fin à cette guerre
d'un autre âge.
LA FOUDRE SUR LE PALAIS DE POTSDAM
Potsdam, 7 août.
Pendant un orage qui a éclaté aujourd'hui, la
foudre est tombée sur le Nouveau Palais, un peu
après quatre heures. Elle est descendue le long
d'un fil télégraphique et a mis en mouvement lés
signaux d'alarme.
Les pompiers du Nouveau Palaiset de Potsdam,
ainsi alarmés, se sont précipités sur les lieux.
Aucun dégât ne s'est produit
HORRIBLE FRATRICIDE
Montbrison, 7 août.
La commune de la Chamba, canton de
Noirétable, a été hier le théâtre d'un meutre
odieux commis dans des circonstances parti-
culièrement atroces.
C'est un fratricide suscité par des ques-
tions d'intérêt. Les frères Jean-Marie et Jean
Grange, de Versanne, étaient en mésintelli-
gence au sujet de l'héritage de leur père. Ils
en vinrent à une querelle qui dégénéra en
une rixe, dans laquelle Jean reçut plusieurs
coups de pied dans le bas-ventre et dans la
tête. Il mourut, au bout de quelques secondes,
d'une perforation des Intestins et cPtine con-
gestion cérébrale.
Le parquet de Montbrison s'est rendu sur
les lieux et a fait procéder à l'arrestation du
meurtrier qui a été transféré à la prison de
Montbrison.
Dans son désespoir, il a tenté par trois fois
de se suicider. Il est étroitement surveillé.
L'assassin passera aux assises de septem.
bre.
COLLISION DE TRAINS
Gênes, 7 août.
Cette nuit une collision s'est produite entre deux
traiM & la gare ci' Â.quaSanta, sur la ligne de Gê-
DU t. Ad.
Neuf personnes ont été blessée* Légèrement,
LE PROCES DES TRENTE
.———
LA DEUXIÈME AUDIENCE
Changement à vue. — Nouvelle troupe.-
Le cambriolage et les vols. — Un
homme d'action sourd et boiteux.
L'anarchie détonante et surtout cambrio-
lante a rejeté à l'arrière-plan les philosophes
et les théoriciens. Les grands premiers rôles de
l'audience d'hier n'ont plus été ni Jean Grave
ni Sébastien Faure, mais Fèlix Fénéon, le
paradoxal fonctionnaire du ministère de la
guerre, Matha l'hypothétique complice d'E-
mile Henry, et Ortiz, ce dangereux et amusant
Cartouche d'une modernité exquise.
La justice a d'ailleurs changé son décor, et
quand nous arrivons, nous nous trouvons en
présence d'un véritable déballage. Les ballots
ont été crevés, tout un assortiment nouveau a
été apporté du greffe et la table des pièces à
conviction est devenue un véritable comptoir
de brocanteur.
Sous le bureau du président, une bicyclette
qui n'était pas, chose étonnante, une XIXe,
des valises de toutes dimensions, des objets
en ruolz, huiliers, cafetières, des lingots d'ar-
en ruolz, l'inévitable jumelle et la longue-vue
genterie, l'inévitable jumelle et la longue-vue
de campagne, des fusils, des revolvers, un
couvre-pied rose, des fausses clefs, des coins
en bois, une pince-monseigneur superbe en
trois parties, un triptyque, et enfin la fa-
meuse scie de poche de l'élégant Ortiz. C'est
le déballage qui marque le vol qualifié. Les
jurés peuvent en goûter le désordre.
FÉNÉON
C'est par Fénéon que se rouvre le feu des
interrogatoires.
Fénéon a des réponses sèches, tranchantes ;
à l'entendre parler, on devine l'homme de let-
tres qui affecte d'écrire avec un bistouri.
Le président rappelant à l'accusé qu'il a
collaboré au journai VEn-Dehors, Fénéon ré-
pond:
- Je ne collaborai pas au journal l'En-Dehors,
J'explique : En l'espace d'un mois j'ai remis à cette
feuille qui n'était pas alors très révolutionnaire,
qui était littéraire, trois articles : l'un sur un ro-
man, l'autre sur une représentation au Chat-Noir,
le troisième sur des peintures exposées à l'Ecole.
Et, droit comme une barre de fer de la nu-
que aux talons, l'accusé n'a qu'un geste : il
raidit l'étoffe de son veston en plongeant les
pouces dans l'ouverture des poches.
L'interrogatoire se poursuit, et le président
aborde la question des relations de Fénéon
avec des anarchistes en vue :
— Vous étiez l'ami d'Alexandre Cohen qui a écrit
une lettre honteuse sur l'enterrement du maréchal
de Mac-Mahon ?
— Cohen était révolutionnaire et le maréchal
avait commandé l'armée qui réprima l'insurrection
de 1871. Cette lettre n'a pas été écrite à moi. Je n'ai
pas mission de commenter les fantaisies épistolaires
de M. Cohen. C'était d'ailleurs une haine factice
où les mots dépassent la pensée.
— Vous étiez aussi l'ami intime de l'anarchiste
allemand Kampfmeyer?
— Le mot est trop fort. Ami intime l II ne sait
pas le français et je ne sais pas l'allemand. Lors-
que, à la suite de l'expulsion de Cohen, Kampf-
meyer a jugé à propos de quitter aussi la France,
il s est adressé, pour le déménagement de son mo-
bilier, à ses voisins dont j'étais.
— Il vous avait remis la clef de son apparte-
ment.
- C'est exact.
- Plus tard, vous avez donné l'hospitalité à
Matha ?
— Nullement. Matha m'avait été adressé par
Cohen qui m'avait prié de lui remettre la clé de
l'appartement occupe par Kampfmeyer. Matha est
venu, je lui ai donné la clé. Elle ne m'appartenait
pas, le logement ne m'appartenait pas. En tout cas
ce ne serait pas un crime de donner l'hospitalité à
quelqu'un.
— Vous avez donné l'hospitalité à Matha. Le 25
avril, quand on vous a arrêté, vous avez nié con-
naître celui-ci.
— On ne m'a pas laissé le temps de prendre l'habi-
tude des menottes. Si on m'avait demandé des ren-
seignements sur moi, je les aurais donnés ; sur un
autre, il m'a paru décent d'attendre. Je savais que
Matha avait été condamné à une peine de dix-huit
mois de prison. Sans doute il s'ennuyait à Londres
et il m'avait dit que, pour pouvoir vivre en France,
il préférait faire ses dix-huit mois. Néanmoins, je
n'ai voulu rien dire.
— Et Ortiz?
— Je ne le connaissais pas. Peut-être ai-je pu le
voir à l'E-nDehors une ou deux fois ; on y avait
des discussions littéraires, on y faisait des armes.
Je ne cherche nullement à chicaner; mais, hier, on
a été obligé de m'indiquer quel était cet Ortiz.
— Votre concierge affirmé avoir vu Ortiz sortir
souvent, très souvent de chez-vous; elle parle d'au-
tres personnages suspects.
— Je recevais des poètes et des peintres et ma
concierge n'a pas qualité pour. (hilarité). Elle
s'est trompée, je ne veux pas user d'autre expres-
sion par respect pour les témoins. Vous verrez la
figure de cette femme: qui n'est peut-être pas très
bienveillante pour moi.
DÉTONATEURS DE FAMILLE
Passe encore cette curiosité dont s'est ac-
cusé Fénéon à l'endroit de l'anarchie et des
anarchistes. Il y a plus :
Le président. — Vous êtes également poursuivi
pour détention de produits explosifs sans motif légi-
time. On a trouvé chez vous, dans votre bureau du
ministère de la guerre, des tubes en cuivre qui n'é-
taient autres que des détonateurs, ainsi qu'un fla-
con de mercure. n'où venaient-ils ?
Avec un air de parti pris de l'homme qui se
dit : « On en croira ce qu'on voudra, mais je
ne dirai pas autre chose », Fénéon se lance
dans son système de défense qui nous fournit
après la légendaire « croix de ma mère » l'im-
prévu « détonateur de mon père ».
— J'ai trouvé cela, dit-il, dans la chambre de mon
père mort le 12 avril. J'ignorais que ce fussent des
détonateurs.
— Vous les avez emportés au ministère ?
— Oui. J'ai aussi emporté trois cartons de
lettres. A cause de mes relations avec Cohen et de
l'animosité de ma concierge, je pouvais craindre
une perquisition, quoique improbable.
On les a lues toutes ces lettres, on n'y a rien
trouvé, et cependant je les avais portées au minis-
tère. L'inventaire fait par le juge d'instruction
commence par une médaille de Sainte-Hélène et
finit par une peau de chat. Ce ne sont pas là des
objets dangereux, et pourtant je les ai portés au
ministère; j'ai considéré les tubes comme aussi peu
dangereux ; il n'y a pas lieu d'interpréter corffere
moi ce transport.
Ces fameux tubes dont on parle, mon père les
avait trouvés dans la rue. C était pour moi des
babioles. -
— Votre père n'aurait pas gardé ces engins ;
l'accusation dira que vous les aviez reçus de quel-
qu'un que vous ne voulez pas nommer par point
d'honneur.
— Je maintiens rigoureusement ce que j'ai dit.
— Mais enfin comment expliquez-vous que l'on
trouve pareille chose dans la rue ?
— M. le juge d'instruction m'a bien dit : « Vous
auriez dû jeter ces tubes par la fenêtre plutôt que
les emporter au ministère ». Cela démontre bien
qu'on pouvait les trouver dans la rue. (Rires.)
Les tubes et les flacons sont présentés à Fé-
néon qui les regarde d'un air absolument dé-
taché.
— Je ne reconnais pas précisément ces objets,
mais il est possible que ce soient ceux que l'on a
trouvés chez moi.
— Emile Henry a reconnu ce flacon comme lui,
ayant appartenu, ou du motns comme pareil à
tèlui qu ü avait.
- On lui aurait présenté un tonneau de mercure,
il se serait vanté de l'avoir ea chez lui ; il y met.
tait une espèce de bravade et il ne se faisait pas
faute de mystifier la justice.
Ici finit l'interrogatoire de l'impassible
Fénéon et commence celui plus tourmenté de
Matha.
MATHA
L'accusé a la tête barbarement broussail-
leuse. Quand on s'appelle Matha, on se doit
de ressembler à un héros carthaginois, genrq
Salammbô.
Matha a encouru en cour d'assises deux
condamnations pour ses écarts de parole,
mais il ne les a pas subies. Le président lui
rappelle ces condamnations :
— En janvier 1892 vous êtes devenu le gérant de
l'En-Dehors. En août, vous vous êtes réfugié à
Londres et vous vous êtes mis en relation avec dei
anarchistes, notamment avec Emile Henry.
— J'ai connu des anarchistes, mais je n'ai pas
eu avec eux les relations suivies dont vous parlez.
— Vous avez assisté à une réunion dans laquelle
a été prise une décision concernant l'anarchie ?
— Je le nie,je ne connaissais aucun des individufl
faisant partie de cette réunion.
— Pourquoi êtes-vous revenu de Londres en
janvier 1894?
-Parce que je m'y ennuyais, j'aimais mieux
Paris.
— Pourquoi donc êtes-vous reparti pour Lon-
dres ?
— C'était ma fantaisie; qu'est-ce que cela prouve?
— Vous revenez l'avant-veille de l'attentat du ca-
fé Terminus et vous repartez quelques jours après.
Vous aviez sans doute quelque mission anarchiste,
car vous ne donnez aucune explication de toutes
ces allées et venues.
— Tout cela c'est des hypothèses de l'accusa.
tion ; je n'ai aucune raison à donner, c'est à
l'accusation à prouver les hypothèses qu'elle fait ;
on interprète mes voyages comme on veut, c'est de
la fantaisie.
Une discussion s'engage entre la défense et
l'accusation au sujet des dates des différents
voyages de Matha entre Paris et Londres.
— L'accusation vous dira que vous serviez d'in-
termédiatre entre les anarchistes de Londres et
ceux de Paris.
— Il faudra le prouver.
— Après l'attentat du Terminus, vous avez dé-
ménagé; vous avez quitté le logement de Kampf-
meyer pour aller chez les époux Gossot, rue Cadet.
— Quand ce serait le jour même, qu'est-ce que
cela prouverait?
On voit comment l'accusé traite ces coince
dences dont la justice s'inquiète. :
L'ÈLÉGANT ORTIZ
Mais voici le tour d'Ortiz. Fils d'Autri..
chienne et de Polonais, l'accusé a terminé ses
études à Paris comme boursier du collège
Chaptal. Il a donc non seulement de la tenuq
mais encore de l'instruction.
L'interrogatoire porte d'abord sur la colla-
boration d'Ortiz à certains journaux anar-
chistes et à un manifeste excitant au vol et
au pillage.
Ortiz. — Je n'ai pas excité au vol, j'ai conseillé
aux masses de s'emparer des outils et de tous les
moyens de production ; d'ailleurs, je n'ai pas été
poursuivi ; J ai émis des opinions collectivistes et
voilà tout. Je n'étais pas à la réunion où a été
signé le manifeste au bas duquel on trouve mon
nom.
— De 1887 à 1892, vous n'avez pas cessé de faire
de la propagande anarchiste par ie fait, par le vol
par exemple. Les vols que vous avez commis ont
été perpétrés par une bande d'étrangers : les Chéri-
cotti, les Belotti, dont vous faites partie, Ortiz.
- Je n'ai pas commis de vol.
- Vous êtes accusé de complicité dans les vols
dont les produits étaient centralisés boulevard
Brune.
Et le président rappelle les circonstances
des trois expéditions dont l'acte d'accusa-
tion publié par nous hier fournissait les
détails, le vol de Ficquefleur notamment qui
fut entouré d'une mise en scène qui ne da.
parerait pas le meilleur roman-feuilleton.
Le premier vol relevé fut commis à Abbe-
ville, chez M. Flandrin, ancien juge.
— L'un des individus condamnés a déclaré que
les titres volés qui n'avaient pu être négociés A
Londres, vous avaient été remis.
— C'est une déclaration intéressée pour faire
diminuer sa peine ; si j'avais participé a pour faire
n'aurais pas été dans la misère, comme j'y étais à
cette époque.
— Ainsi, vous niez?
— Formellement.
— Après le vol, vous allez à Londres.
— Oui, pour rejoindre mon beau-père.
— L'accusation dira que c'était pour aller négo-
cier les titres volés,
Le président expose les circonstances du vo
de Ficcruefleur, auquel aurait pris, part avec
un troisième complice resté inconnu et Ortiz,
Emile Henry lui-même, jouant le rôle de fils
de grand industriel anglais, pendant qu'Ortiz
se présentait sous 'le nom de Nicole, comme
ami de collège du jeune Londonien, et prenait
le titre d'ingenieur.
— Vous êtes resté plusieurs jours à la Rivière.
Saint-Sauveur avant de commettre le vol ; vous
avez été invité à aller prendre le thé chez le maire,
qui vous a parfaitement reconnu.
— Le maire se trompe et les autres témoins ne
font que répéter ce qu'a dit le maire.
— Ces témoin? vous ont vu plusieurs fois du-
rant les dix jours que vous êtes resté à la Rivière-
Saint-Sauveur.
— J'affirme de la façon la plus énergique que
je n'y étais pas.
— Il sera démontré que vous étiez à la Ri-
vière-Saint-Sauveur dans les jours qui ont précédé
le vol; c'est contre toute évidence que vous soute.
nez le contraire.
— Je n'ai pas été à la Rivière-Saint-Sauveur.
— Emile Henry a renvoyé à Mme Castel le cer-
tificat de 800,000 francs qu'il ne pouvait pas négo-
cier: il a été reconnu et il est prouvé que vous
étiez avec Emile Henry à la Rivière. Nous arri-
vons au vol commis par vous et Cliericotti au châ-
teau de M. de Magnier, à Nogent-les-Vierges, dans
la nuit du 29 au 30 janvier 1894.
- Je nie absolument.
- On a saisi chez M. Giroux divers objets volés
chez M. de Magnier ; voici un fusil et une carabine
Flobert que vous avez vendus à M. Giroux, que
vous prétendez ne pas connaître.
— J'ai vu M. Giroux au moment où je voulait
acheter des meubles, pour ne plus vivre avec rux
maîtresse que je craignais de compromettre; mais
ce n'est pas moi qui ai envoyé ces fusils.
— Et le réveille-matin ?
— C'est également de M. Molmet que je le tiens.
L'audience, à cet instant, est suspendue à
la demande d'un des jurés que trouble sans
doute le temps orageux.
Au moment où les accusés sortent de la
salle, l'un d'eux se retourne vers les bancs de
la presse et crie : « Faites-nous donc passer un
journal qui donne nos têtes. »
Mais l'audience est bientôt reprise, et ia
président pose cette question à Ortiz :
— Que veniez-vous faire au boulevard Brune, aiL
moment où on vous a arrêté?
— J'étais venu accompagner Bertani.
— On a trouvé sur vous une scie ; d'où vous
venait-elle?
— Elle était à Bertani.
— C'est avec une scie pareille qu'on a scié la
coffre-fort chez M. Flandrin. Bertani à dit que c'é-
tait vous qui l'aviez payée. Ainsi, elle était à l'un
de vous deux ; elle était au service de la bande.
Cet instrument alors exhibé tient dans la
poche la place d'un large portefeuille,
M. l'avocat général Bulot interpelle directe-
ment Ortiz, et, lui faisant passer un écrit, lui
demande s'il reconnaît son écriture. L'accusé
dit ne pas la reconnaître.
La réponse ne parait pas surprendre le ma
gistra^ car, siuvaat iui,. cet A~d~<~ Ja mat.
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