Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-08-05
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 05 août 1894 05 août 1894
Description : 1894/08/05 (A24,N8238). 1894/08/05 (A24,N8238).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75624661
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE.' N° 8,238
LE NirCËRO CINQ CENTIMES
DIMANCHE 5 - AOUT i894
; - Xivr nPE t
RfoaCTIOI ET MMtSYMYtM
142, Rue Montmartre"
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOUARD PORTALIS
Adresse télégraphique : XIX' SIÈOLB-PAR18
Téléphone : 20.289 bis.
ANNONCES
CMB MM. LAGRANGE, CERF et CK
6, place de la Bourse. 6
ABONNEMENTS
Pari. Trois Bois, 6 f.; Six lui, il f.; Un h, 20L
Départements — 7 f.; — i2L; — 241
Union Postale — 9f.; — 16 f.; — 32 b
Les 'Abonnements sont reçus sans frais d&M
tous les Bureaux de Poste.
'-
Afin de donner satisfaction aux légi-
times demandes de nombreux lecteurs,
le XIXe SIÈCLE servira, à partir d'au-
jourd'hui, des « abonnements de villégia-
ture » à raison de :
2 mois. 4 francs
1 mois 2 francs
15 jours. 1 franc
8 jours 50 centimes
ETRANGER
15 jours 1 fr. 60
1 mois. 3 francs
2 mois. 6 francs
A l'occasion des vacances, nous ap-
pelons tout spécialement l'attention sur
la magnifique bicyclette offerte en prime
par le XIXe Siècle.
Voir à la 4* page.
LE VERDICT
Les jurés du Rhône ont rendu hier
le verdict que l'on prévoyait. Ils ont
condamné à mort l'anarchiste qui a
assassiné le président Carnot.
Il reste maintenant à savoir quel
compte la cour de cassation tien-
dra des moyens que la défense se pro-
pose de tirer du discours adressé au
début de la session des assises par M.
le conseiller Breuillac. Ce magistrat
avait éprouvé le besoin de déroger à
toutes les habitudes et de prononcer
devant les jurés un réquisitoire anti-
cipé. Est-ce un motif de cassation ? La
cour appréciera. C'est au moins une
grave incorrection, et il est à désirer
qu'à l'avenir les magistrats observent
une plus grande réserve de langage.
Le discours intempestif de M. Breuil-
lac n'a pas d'ailleurs été la seule sur-
prise que nous réservait le procès. C'est
avec une véritable stupéfaction que les
assistants ont entendu le préfet du
Rhône, M. Rivaud, tenir des propos qui
sont de véritables provocations aux at-
tentats anarchistes. La déposition de ce
préfet devant la cour d'assises est véri-
tablement extraordinaire. Ce fonction-
naire a trouvé bon de se livrer, au cours
de sa déposition, à des considérations qui
n'avaient du reste rien à faire dans le
débat et qu'il a terminées ainsi : « Je
crois qu'un homme résolu à tout, qui
s'est désigné une victime, arrivera tou..
jours à la frapper. Quelles que soient
les précautions prises, il trouvera bien,
avec le temps, un interstice où passer
la main armée d'un poignard. »
Paroles singulières dans la bouche
d'un fonctionnaire qui a précisément
des attributions de police, dont le rôle
est de déjouer les intentions criminelles,
dont la mission morale est d'assurer
que, dans la lutte engagée entre la so-
ciété et les malfaiteurs, anarchistes ou
autres, la victoire doit rester à la société
et à ceux qui la protègent. C'est préci-
sément à la conclusion opposée qu'ar-
rive le préfet du Rhône, encourageant
ainsi les ennemis de l'ordre public et
leur donnant,commeun président de dis-
tribution de prix aux jeunes élèves, cette
assurance qu'avec du temps et de la
persévérance ils parviendront à leurs
fins.
Le président des assises a encore
craint que la gaffe de M. le préfet ne
fût pas assez remarquée et il a éprouvé
le besoin d'insister : « C'est ce que tout
le monde pense ici », s'est-il empressé
d'ajouter. Nous ne craignons pas de
dire que ce petit dialogue est infiniment
plus pernicieux que le factum de Case-
rio, et que M. le procureur général Fo-
chier, qui, conformément à la nouvelle
loi, a requis l'interdiction de publier
celui-ci, aurait dû surtout requérir l'in-
terdiction de publier les paroles du pré-
fet et du président des assises.
Quelque soin que l'on ait mis, dans
ce procès, à laisser certaines circons-
tances dans l'ombre, on n'a pu empê-
cher cependant que l'incurie adminis-
trative qui a permis à Caserio d'exé-
cuter son attentat ne fût mise en relief.
La déposition du général Borius montre
en effet que des instructions spéciales
avaient été données par le secrétaire
général de la présidence et que, en outre,
on se reposait sur la police locale, la-
quelle, à Lyon, est aux mains d'un fonc-
tionnaire spécial sous l'autorité du pré-
fet. Les officiers de l'escorte, que M,
Carnot avait fait écarter, n'étaient là
que pour le décor, et la surveillance
réelle devait être exercée par les agents
de la police locale.
Les considérations que M. Rivaud a
présentées ne dégagent pas sa respon-
sabilité ni, par suite, celle de son chef
hiérarchique le ministre de l'intérieur,
qui devait veiller à ce que des mesures
fussent prises pour assurer la sécurité
du chef de l'Etat et dont la vigilance
devait être éveillé par les nombreuses
lettres de menace qui parvenaient à
l'Elysée.
Cette responsabilité, M. Rivaud essaie
inutilement de la rejeter sur les circons-
tances, sur la fatalité, sur la prémédi-
tation de l'assassin. Tout aussi inutile-
ment M. Dupuy cherche à la rejeter sur
d'autres fonctionnaires de son départe-
ment, sur le commissaire central de
Cette qui a été révoqué et sur le préfet
de l'Hérault, M. Delpech, qui est mis
en disponibilité, sous prétexte qu'il n'a
pas informé le ministre de la présence
de Caserio à Cette.
Comment tant de sévérité pour le
préfet de l'Hérault se concilie-t-il avec
tant d'indulgence pour le préfet du
Rhône qui a bel et bien laissé assas-
siner le président à Lyon et pour le
directeur de la sûreté générale qui a
bien, semble-t-il, un peu de responsa-
bilité dans toute cette affaire ? Y aura-
t-il donc toujours deux justices et, selon
que vous serez puissant ou humble,
les jugements de cour, comme au
temps de La Fontaine, vous rendront-ils
blanc ou noir ?
LES PRÉFETS DE M. DUPUY
M. Léon Marchesson
Nous avons annoncé hier que M. Beverini-
Vico, préfet de l'Aude, n'avait p,as accepté la
préfecture de l'Hérault qui lui avait été dé-
volue. Ce refus prouve la légèreté avec la-
quelle le gros M. Dupuy prépare ses mouve-
ments administratifs, légèreté qu'il apporte
d'ailleurs dans tous les actes de son adminis-
tration.
Un préfet qui, en revanche, ne refusera pas
son poste, c'est M. Léon Marchesson, lequel,
au grand désappointement des nombreux
fonctionnaires de l'administration préfecto-
raie qui attendent depuis longtemps un légi-
time avancement, vient d'être nommé d'em-
blée préfet de la Nièvre. Mais il faut dire
qu'en 1885 — époque où fonctionnait encore
le scrutin de liste — M. Léon Marchesson fut
l'inventeur de la candidature de son ancien
camarade Charles Dupuy. M. Charles Du-
puy, qui était déjà gros de corps mais dont
les ressources était minces et qui était dé-
pourvu de toute notoriété politique, trouva,
grâce à son ami Marchesson et à son journal,
tout ce qui lui manquait et devint ainsi dé-
puté de la Haute-Loire.
Depuis lors, les temps ont changé. M.Charles
Dupuy agrandi et M. LéonMarchesson a baissé
à ce point que, l'année dernière, il vendait
son journal la Haute-Loire, qui compta sous
l'Empire M. Paul de Leoni, actuellement ré-
dacteur à l'Autorité, comme rédacteur en
chef, à une société anonyme dans laquelle M.
Charles Dupuy entrait pour huit actions.
M. Charles Dupuy paye donc aujourd'hui
avec l'argent de ces bons contribuables une
dette du passé.
LE SUCCESSEUR DE M. GRELOT
M. Bruman, le nouveau secrétaire général
de la préfecture de la Seine, a rendu visite
hier au préfet de la Seine, aux présidents des
conseils municipal et général et,au syndic
de ces deux assemblées, M. Maury, ainsi
qu'aux principaux chefs de service de l'ad-
ministration. Il est immédiatement reparti
pour la Nièvre dont il quittera définitive-
ment la préfecture lundi prochain.
M, Bruman assistera, en effet, mardi à
l'hôtel de ville à la réception des pompiers
anglais, portugais et belges, et lé soir au
banquet qui leur sera offert en leur honneur
au Palmarium du Jardin d'Acclimatation.
Le successeur de M. Grelot est né le 24 dé-
cembre 1850. Son entrée dans l'administra-
tion comme sous-préfet de Redon (Ille-et-Vi-
laine), date du 30 décembre 1877. Il fut nommé
sous-préfet de Ire classe à Saint-Malo le
15 février 1885 et préfet de la Nièvre le 24
mai 1889.
M. Bruman est docteur en droit et cheva-
lier de la Légion d'honneur. Il a préparé son
agrégation de droit.
De taille moyenne, le nouveau secrétaire
général de la Seine a l'aspect d'un officier. Il
est marié et père de famille.
M. LÉPINE CANDIDAT
Le Figaro annonçait hier que le départ de
M. Lépine était possible, le préfet de police
ayant l'intention de se présenter comme sé-
nateur dans la Loire.
L'information ainsi présentée est un peu
inexacte. Dans le département de la Loire,
où il s'agit de remplacer M. de la Berge,
décédé, deux comités électoraux ont un can-
didat qui a peu de chance d'être élu.
En guise d'outsider, le nom de M. Lépine,
qui a été préfet de la Loire et qui a laissé de
bons souvenirs là-bas, a été prononcé. Mais
jusquà présent M. Lépine n'a rien fait con-
naître de ses intentions.
Dans certains milieux politiques, l'infor-
mation de notre confrère a cependant trouvé
créance ; on y disait même que M. Gragnon,
ancien préfet de police, prendrait la place du
préfet actuel et que la police serait alors com-
plètement réorganisée.
CHRONIQUE
QUERELLE DE LANGUES
Si l'on bataille encore par ci par là sur
les mérites des langues mortes, personne
ne conteste l'utilité des langues vivantes
mais, comme on ne peut les apprendre
toutes, on est souvent fort embarrassé
quand il faut choisir. J'en appelle à tous
les papas qui ont un bambin au collège et
qui, ne sachant à quelle langue les vouer,
sont tout prêts à donner la leur aux chiens.
Depuis la guerre de 1870, l'allemand
tient visiblement la corde. Beaucoup de
gens s'imaginent que les Allemands nous
ont vaincus parce qu'ils savaient le fran-
çais et la géographie, à quoi l'on pourrait
répondre que les vainqueurs d'Iéna étaient
incapables de demander en allemand la
route de Berlin, et qu'on avait battu les
Russes à Borodino avant d'avoir pénétré
les beautés de l'âme slave.
Un autre argument, d'ordre pédago-
gique celui-là, a assuré la supériorité à
l'allemand dans le remaniement des plans
d'études. C'est une langue synthétique,
à inversions et à mots composés, et, de
tous les idiomes modernes, celui qui se
rapproche le plus du latin et du grec. Or,
si les langues mortes branlent dans le
manche, qui nous rendra mieux que l'al-
lemand les vertus éducatrices qu'on at-
tribuait aux vieilles humanités ?
Enfin il y a la raison du plus fort qui
est trop souvent la meilleure. L'allemand,
ayant toutes les faveurs officielles, est de-
venu la langue la plus « utile ». Quicon-
que l'ignore est exclu de droit de toutes
les écoles du gouvernement, et, pour nos
bons snobs de bourgeois, l'interdit du
moyen âge était moins redoutable que
cette excommunication majeure. Tous les
décatisseurs du Marais ont le cerveau
hanté d'un double rêve : faire le voyage
de Jersey sous le patronage de l'agence
Cook et envoyer leurs fils à l'Ecole poly-
technique.
J'ai donc été agréablement surpris d'en-
tendre l'autre jour une autre cloche et un
autre son. J'assistais à une distribution de
prix où le discours d'usage était prononcé
par M. Haussaire. professeur d'anglais.
Naturellement l'orateur a prêché pour son
saint et il a bien fait. Les plaidoyers pro
domo sont les meilleurs. On ne défend
bien que ce qu'on aime.
Sans remonter à la tour de Babel — date
mémorable pourtantpuisqu'elle marque le
moment où l'utilité des langues commença
à se faire sentir — M. Haussaire a déve-
loppé cette pensée de Montaigne : « Je
vouldrais bien sçavoir premièrement ma
langue et ensuite celle de mes voysins où
j'ay plus ordinaire commerce. » Et il a
trouvé, pour établir l'importance de « ce
commerce », des images vives et piquantes
qui se fichaient comme des clous dans
notre mémoire. « Songez que, grâce à la
vapeur, le Parisien de 1894 est plus près
de Londres ou de Berlin que son père ne
l'était d'Orléans en 1830,et que New-York
et Moscou sont moins éloignés de nous
que ne l'eût été Marseille il y a c cent ans !
Songez que, grâce à l'électricité, la place
de l'Opéra est à moins d'une minute du
pont de Londres. » Et pour caractériser la
force d'expansion de nos dévorants voi-
sins :
« Cette île perdue dans la mer au nord-
ouest de l'Europe — quantité géographi-
que presque négligeable — a pris un déve-
loppement extérieur énorme, puisque ses
colonies sont quatre-vingt-douze fois plus
étendues que la mère-patrie. Il n'est pas
sur le globe un endroit bon à occuper où
ne siffle le yes britannique, pas une mer
qui ne soit sillonnée de ses navires por-
tant en poupe la flamme rouge, ornée du
léopard. Ses lignes de navigation forment
un immense réseau de fils croisés et enla-
cés, gigantesque toile d'araignée tendue
sur le monde et dont le centre est Londres,
la ville énorme, plus peuplée à elle seule
que Paris, même grossi des dix plus gran-
des villes de France t »
N'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter plus
que nous ne faisons de cette race active
et remuante, « prompte à prendre, comme
dit l'orateur, et tenace à garder, moins
préoccupée de se faire aimer que de se
faire craindre, à la fois cosmopolite et
d'un patriotisme très jaloux, pays du
horne et patrie des glohe-trotters, qui par-
courent le monde et traversent les mers
avec l'aisance d'un oiseau migrateur ».
Songez que le latin, qui était bien près
jadis d'être une langue universelle, n'a ja-
mais été cependant, comme l'anglais au-
jourd'hui, compris et parlé par cent vingt
millions d'êtres humains ! Songez que nos
échanges avec les pays anglo-saxons at-
teignent quarante pour cent de notre com-
merce général et sont par conséquent,
presque aussi considérables qu'avec toutes
les autres nations réunies.
N'est-ce pas aussi dans l'étude de sa
langue et de sa littérature qu'il faut aller
chercher le secret de ces fortes qualités
qui ont fait l'Anglais d'aujourd'hui? Et
quant à son éducation, s'il y a bien des
réserves à faire de ce côté, s'il y a des
choses qu'on ne lui apprendra jamais,
l'élégance et la politesse, en revanche,
quelle provision de force et de vaillance
on dépose dès la nursery dans son âme !
De bonne heure, dès les premiers jeux
de l'enfance, les Anglais développent en
eux la décision, le coup d'œil, l'esprit d'ini-
tiative et cette mâle franchise qui accepte
les responsabilités. « Ils n'hésitent pas à
expédier leurs enfants seuls, dès l'âge de
14 ou 15 ans — franco,peu fragile - à des
centaines de lieues de distance. Et l'en-
fant se lance dans le grand inconnu de la
vie, surpris, ému, mais plein de vaillance,
parce que dans cet être aux muscles so-
lides, parents et maîtres ont mis de bonne
heure une âme bien trempée. Ils savent
que de cette forte liqueur dont le vase est
imprégné au début de la vie, il gardera
jusqu'au dernier jour l'arôme et le par-
fum. »
Et, en écoutant le très distingué profes-
seur, je me demandais si nous ne nous
laissions pas trop hypnotiser depuis vingt
ans par l'Allemagne. Ceux que nous ren-
controns partout, depuis vingt ans, quand
un conflit surgit sur un point du globe, à
Terre-Neuve, au Siam, en Chine, au
Congo, dans le Pacifique, ce ne sont pas
les Allemands, mais nos bons amis les
Anglais. L'idéal assurément serait d'ap-
prendre les deux langues en extirpant le
grec dans ses dernières racines, ce qui hé-
las 1 se pourrait faire sans douleur. En at-
tendant, l'administration devrait bien re-
noncer à ses préférences exclusives pour
l'allemand, et tenir désormais la balance
égale entre les deux langues-sœurs ou,
tout au moins cousines, puisqu'elles sont,
comme disait spirituellement M. Haus-
saire, également issues de Germains.
André Balz.
EXPLOSION A LYON
Lyon, 3 août.
Une violente explosion s'est produite vers
quatre heures dans les magasins de MM. Pio-
tet et Rorue, fabricants de soiries, 4, Grande-
Ru e-des-Feuillants.
On parlait d'un attentat anarchiste en guise
de réponse à la condamnation de Caserio,
mais il parait que l'explosion a été produite
par un obus.
Voici dans quelles circonstances :
M. Travard, le dessinateur de la maison Pio-
tet, se servait, en guise de presse-papier, d'un
obus de petit calibre qu'il croyait déchargé et
qu'il avait toujours manipulé comme tel. Il
était à son bureau, en compagnie d'un autre
dessinateur de la maison, lorsque, s'étant levé
pour allumer une cigarette, il s'avisa de jeter
dans l'ouverture de l'obus le débris de l'allu-
mette encore enflammée.
A l'instant même il reçut la décharge presque
entière dans la cuisse vers la région de l'aine.
Son collègue, assis à ses côtés, eut une partie
do la figure criblée par les éclats de la poudre
et s'enfuit la figure ensanglantée. Le docteur
Morel, qui passait par hasard dans la Grande-
Rue-des-Feuillants, monta auprès du blessé
que l'on avait relevé immédiatement et, après
un pansement sommaire, ordonna son trans-
fert à l'Hôtel-Dieu.
M. Morel n'a pu se prononcer sur la gra-
vité de la blessure, bien qu'elle ne soit pas
mortelle par elle-même. Mais sa proximite de
la région de l'aine peut en changer complète-
ment la nature et la rendre fatale.
Une foule énorme continue à affluer sur les
lieux et à commenter l'accident.
LES RÉCLAMES POUR L'EXPOSITION DE LYON
M. Claret est un homme vraiment exigeant.
Pour attirer la foule à son exhibition, qui,
d'ailleurs, n'offre aucun intérêt, il a d'abord
fait venir M. Casimir-Perier, alors président
du conseil, et M. Casimir-Perier a été outra-
geusement sifflé. Il a fait venir ensuite M.
Carnot, président de la République, et M.
Carnot a été assassiné. Il a voulu ensuite
faire revenir M. Casimir-Perier, et la munici-
palité lyonnaise a eu assez peu de tact pour
transmettre au nouveau président de la Ré-
publique cette inconvenante invitation.
Mais le président de la République, cette
fois, ne s'est pas laissé faire, et voici la note
qu'a publiée à ce sujet le Salut public de
Lyon :
Il nous revient que beaucoup de personnes, se
laissant prendre à certaines nouvelles fantaisistes
données par quelques-uns de nos confrères de Pa-
ris, s'imaginent que M. le président de la Républi-
que viendra à Lyon en septembre. Nous tenons de
bonne source que M. Casimir-Perier ne viendra
pas à Lyon en 1894. Tout ce qui a été dit jusqu'ici
concernant ce voyage présidentiel peut être consi-
déré comme de simples racontars.
M. Claret ne se contente pas de faire an-
noncer mensongèrement la prochaine venue
du président de la République. Dans une au-
dacieuse réclame parue ces jours derniers
dans les journaux à sa solde, il présentait
comme une nouvelle et irrésistible attraction
venant s'ajouter aux amusements, bars, som-
nambules, danses sénégalaises etc. de son ex-
position, la visite obligatoire à l'endroit où
fut assassiné le président Carnot.
Malgré l'exquise délicatesse de ces réclames,
les visiteurs ne viennent pas. Les rares voya-
geurs qui ayant du temps à perdre s'arrê-
tent en passant disent qu'il n'y a rien d'inté-
ressant à voir à l'exposition Claret, que c'est
d'une tristesse mortelle et ils s'empressent
d'ajouter : Surtout n'y allez pas 1
LE CABINET DANOIS
Copenhague, 3 août.
On a affirmé puis on a démenti que M Estrup,
qui préside depuis dix-neuf années le conseil des
ministres, a l'intention de se retirer. Cette retraite
est aujourd'hui imminente, et dès la semaine pro-
chaine, le roi devra choisir un nouveau cabinet. On
dit que c'est M. de Reedtz-Thott, actuellement titu-
laire du portefeuille des affaires étrangères, qui
sera désigné comme chef du ministère.
FRANÇAIS PRISONNIERS DES BRIGANDS
* Sassari (Italie), 3 août.
Le Français Paty, instituteur à Pirlsi, capturé
par les brigands, est arrivé ce matin seuL
L'autre Français, M. Pral, fils d'un riche indus-
triel de Valence, est toujours au pouvoir des bri-
gands, qui demandent une rançon de 100,000 francs
pour lui rendre la liberté.
LA CROIX VIOLETTE
Le Journal officiel publiera ce matin les nomi-
nations d'officiers de l'Instruction publique et d'offi-
ciers d'Académie faites à l'occasion du 14 Juillet.
Le mouvement porte exclusivement sur le per-
sonnel universitaire.
GonaIllnation à fort
DE
CASERIO
LES INCIDENTS DE LA SECONDE AUDIENCE
Confrontation avec le soldat Leblanc. —
Première application de la loi du 28
juillet 1894. — Le dernier cri de
Caserio. — Indifférence toute
lyonnaise.
(Par dépêche de notre envoyé spécial)
Lyon, 3 août.
C'est par la pluie qu'on se rend aujourd'hui
à la cour d'assises ; peu de monde ah abords
du Palais.
Le service d'ordre est le même qu'hier et
les mesures de surveillance sont on ne peut
plus rigoureuses.
La salle d'audience est absolument comble.
A neuf heures cinq minutes, M. le président
Breuillac annonce que l'audience est ouverte ;
il donne l'ordre d'introduire l'accusé.
Celui-ci arrive bientôt, son même sourire
gouailleur stéréotypé sur le visage.
Deux gendarmes amènent le soldat Le-
blanc, détenu comme insoumis à la prison
militaire de Marseille.
Edouard Leblanc, qui était portefaix à Cette
avant son arrivée au régiment, comparaît
dans la petite tenue des disciplinaires, panta-
lon rouge et veston court.
Malgré les affirmations contraires de Case-
rio, le témoin maintient qu'étant en même
temps que Caserio en traitement à l'hôpital,
Caserio,se promenant dans la cour en compa-
gnie de Saurel, lui présenta ce dernier en lui
disant : « Tiens, voilà un bourgeois ! » La
conversation s'engagea. On parla de l'anar-
chie, et Caserio dit qu'il tâcherait de tuer le
président Carnot, probablement à Lyon où il
viendrait sans doute pour visiter l'Exposition.
- C'est faux ! riposte Caserio ; je n'ai fait part
de mon projet à personne. (Mouvement.)
Leblanc affirme encore que Caserio lui aurait
confié qu'il avait été désigné par le sort.
Caserio : Ce n'est pas vrai t
Leblanc.—Comment ! ca n'est pas vrai! Je venais
de dire : Mais qui donc sera assez téméraire pour
aller tuer le président de la République que j'ai
vu à Paris entouré de troupes et de police? Case-
rio répondit alors : « Le sort en décidera. »
Le président. — Oh 1 si c'est ainsi qu'il a parlé,
il y a une nuance évidente.
— Caserio, ajoute Leblanc, avait dit : « J'ai vu
le roi Humbert. Lui aussi est très entouré et, pour
le tuer, il faudrait lui tirer un coup de fusil dans
la rue. » (Mouvement.)
- Tout cela n'est pas vrai î s'écrie Caserio ; je
n'ai pas été désigné. D'ailleurs, parmi les anar-
chistes, il y a la liberté absolue ; même le sort ne
pourrait les enchaîner. (Mouvement.)
LE RÉQUISITOIRE
Le soldat Leblanc est ramené dans sa cel-
lule et la parole est donnée à M. le procu-
reur général Fochier pour faire le réquisi-
toire.
Messieurs les jurés, dit le procureur général, sur
ces débats que vous avez suivis avec une reli-
gieuse attention,et qui touchent à leur terme, règne
une insurmontable tristesse. Tous nos cœurs sont
étreints par une douloureuse angoisse, aussi pro-
fonde, aussi cruelle, qu'au jour, à l'heure, ou se
répandait la nouvelle que le président Carnot avait
été assassiné.
La France entière suivait avec un intérêt indis-
cutable les fêtes où Lyon l'avait convié, où le chef
de l'Etat aimé autant que respecté venait par sa
présence donner une consécratiou solennelle aux
efforts de notre cité, honorer la grande manifesta-
tion du travail.
Personne ici n'avait perdu le souvenir de la pre-
mière visite du président de la République, visite
qui avait établi entre lui et la population lyonnaise
comme un lien de respectueuse sympathie. Cette
sympathie, cette cordialité populaire véritablement
émouvante, dont il avait conservé la mémoire de-
puis son voyage de 1888, M. Carnot la retrouvait
avec un bonheur dont il ne ménagea pas les ex-
pressions, avec la conscience d'avoir consacré tous
ses efforts pour le plus grand bien de tous aux
devoirs de sa magistrature.
Le président de la République, républicain au
cœur ferme, résolu à ne pas accepter le pouvoir
au delà du terme fixé par la Constitution, recueil-
lait encore une fois, en parcourant la France, les
hommages et les témoignages d'attachement que
les populations adressaient au chef de l'Etat, à
celui qui, toujours, a su si bien assurer au pays le
respect des nations; à l'homme aussi, à ses vertus,
à sa bonté exemplaire, à sa vie familiale, à sa fa-
mille en même temps si digne de tous les respects. Il
recueillait encore une fois ce témoignage d'affection
sincère, pénétrante, bien faite pour toucher celui
qui, en acceptant le pouvoir, avait.pris la noble
devise : « Tout ce que j'ai de force et de dévouement
appartient à mon pays. »
Il est convié par une population amie à venir as-
sister à de grandes fetes. Brillamment accueilli
par les plus humbles, M. Carnot avait admiré no-
tre ville de Lyon, pour lui toute en fête. Il avait
salué notre vieil Hôtel de Ville, visité notre Expo-
sition. Dans un discours, qui désormais hélas !
sera historique, il avait proclamé l'union de tous
les enfants de notre chère France dans la marche
incessante vers le progrès.
Il quittait cette réunion du palais du Commerce
et se disposait à saluer de nouveau la population
lyonnaise. Une deuxième journée aussi enthou-
siaste que la première se préparait pour la gloire
de la République et pour le président Carnot. Tout
à coup un scélérat a brusquement éteint toute cette
joie.
Le lendemain, à l'heure même où le président
Carnot devait recevoir nos derniers saluts, à l'heure
même où il devait, au milieu d'acclamations affec-
tueuses effectuer son départ, à cette heure, un lu-
gubre cortège se déroulait dans les rues de notre
ville. Le peuple lyonnais tout entier, recueilli
malgré son indignation et son horreur," n'accompa-
gnait plus qu'un cortège funèbre suivi par une fa-
mille en pleurs,
Lyon, Paris, toute la France, l'Europe, tous les
mondes civilisés ont fait au glorieux mort de ma-
gnifiques et émouvantes funérailles.
Mais l'apothéose n'efface pas la douleur. Pour-
quoi ce deuil? Quel est donc le criminel? Cet hom-
me de vingt ans, Caserio, n'est pas un Lyonnais,
et certes il était légitime que tout Lyon fût anxieux
de savoir si quelqu'un des siens avait pu violer
ainsi les lois de l'hospitalité. Ce n'est pas un Fran-
çais, ce n'est pas un de ses concitoyens qui a frappé
M. Carnot, c'est un citoyen qui n'a aucune nation,
c'est un anarchiste.
Ils ont été particulièrement égarés par un sem-
blant de patriotisme, ceux-là qui, dans l'exaspéra-
tion de la première heure, se sont livrés, à l'égard
des Italiens habitant notre ville, à des violences
que des malfaiteurs ont approuvées.
Cet homme est un anarchiste, c'est-à-dire qu'il
appartient à cette secte, à ce ramassis de malfai-
teurs qui poursuivent comme des fauves à travers
les sociétés civilisées, cherchant ce qui est la ruine
des choses, la mort des individus.
Ils menacent les plus humbles comme les plus
élevés, les plus modestes comme les plus puis-
sants.
Contre les fauves on se défend, et il n'y a qu'une
manière de se défendre. L'anarchiste est plus dan-
gereux. Rien ne le signale au milieu des autres
hommes, rien ne révèle déjà ses atrocités et ses
violences.
Caserio, dans la foule acclamant le président de
la République, était le premier venu; il était in-
connu de son voisin, c'était un curieux quelconque
sous une apparence indifférente, sous un costuma
banal. L'assassin attendait, guettait sa victime.
En terminant cet exorde émouvant, pro*
noncé d'une voix étreinte par l'émotion que
partage l'auditoire tout entier au souvenir da
terrible drame dont M. le procureur général
Fochier retrace les moindres détails, l'hono*
rable organe du ministère public s'écrie :
On vous dira que s'il eût survécu M. Carnet
eût pardonné. Notre devoir, à nous, est tout autre.
M. Carnot est mort et je viens vous demander
justice. (Mouvement.)
M. Fochier, parlant de lettres de menaces
anonymes envoyées, à l'Elysée, au président
de la République, à sa famille, à son entou-
rage, les qualifie d'odieuses et lâches et dit
qu'elles indiquent bien que l'exécution du
président était dans les vœux des anar-
chistes.
Il y a encore davantage, dit-il, nous avons, ea
Iflet, la littérature anarchiste, dont les auteurs ne
peuvent pas plus se réclamer de la liberté que de
l'humanité. Mais l'heure n'est pas aux longs dis-
cours. Nous ne sommes pas ici pour faire de la
politique ou de la sociologie.
Et alors, après avoir dit que la force hi-
deuse de l'anarohisme était celle de la propa-
gande par le fait, il cite des passages caracté-
ristiques de cette littérature qui préconise le
meurtre et la ruine.
Caserio, ajoute-t-il, est né d'une famille honnête,
et je ne fais nulle difficulté de reconnaître que le
sentiment familial n'est pas encore éteint en lui.
Mais en présence de son forfait, seul le châtiment
suprême sera son expiation. (Mouvement.)
Caserio a commis un crime de droit commun,
dont l'horreur s'aggrave de ce qu'il a plongé dans
la douleur tout un peuple en même temps qu'une
famille tendrement aimée.
Non! s'écrie le procureur général, les anar-
chistes ne sont pas un parti politique.C'est une en-
treprise de destruction et de mort. (Mouvement
prolongé.)
Les républiques comme les monarchies ont le
même devoir : celui d'apporter la même vigueur à
terrasser l'hydre. Au nom de la liberté, de la civi-
lisation et de l'humanité, je vous adjure, s'écrie
M. Fochier, d'accomplir un acte, non pas de ven-
geance, mais de haute et exemplaire justice 1
(Vive sensation.)
Après le réquisitoire, Me Dubreuil, bâton-
nier de l'ordre, a la parole pour présenter la
défense de Caserio. (Vives marques d'atten-
tion.)
LA DÉFENSE
Caserio qui, au cours du réquisitoire, avait
affecté une attitude presque dédaigneuse,a
fléchi, pour ainsi dire, sous l'éloquence de son
défenseur. Au souvenir évoqué de sa mère
remplie de douleur, il a versé d'abondantes
larmes, causant un effet de surprise dans
l'auditoire; mais l'accusé reprend vite son
sang-froid et, quand l'avocat veut le représen-
ter aux jurés comme entaché d'une hérédité
maladive, il proteste vivement. Tel a été
pourtant le principal argument du défenseur
de Caserio.
Le bâtonnier du barreau de Lyon, qui a
rendu à la victime tombée sous le poignard
de son client un éloquent hommage, a fait
une allusion très remarquée à la présence de
tout le barreau de Lyon aux obsèques en cette
ville du président Carnot, alors qu'on sait
qu'à Paris un groupe d'éminents avocats
d'affaires jugea que de soi-disant traditions de
l'ordre lui imposaient l'abstention.
« Vous devez comprendre, messieurs, dit l'hono-
rable défenseur, quelle douloureuse et poignante
émotion m'étreint au cœur. Elle broie en moi les
forces dont j'ai cependant besoin (Mouvement)..
C'est mon titre de bâtonnier qui me vaut l'honneur,
le triste honneur, d'être ici l'avocat de Caserio. Il
faut que j'oublie la chère victime, que je me con-
tienne de pleurer pour ne m'occuper que de l'as.
sassin.» (Mouvement).
Pendant ces paroles de son défenseur, Caserio
manifeste des mouvements visibles d'impatience.
« C'est la loi bourgeoise, poursuit Me Dubreuil,
qui m'attache invinciblement à la défense de cet
accusé.J'obéis aux traditions de notre ordre, et c'est
au nom même de l'humanité, si odieusement ou-
tragée. que je revendique cette place et que je la
garde. »
L'honorable avocat montre alors ce jeune homme,
qui n'a pas encore 22 ans, au sourire doux, à l'al-
lure tranquille, qui refuse systématiquement da.
profiter des mesures de nature à entraver sa mar-
che à l'échafaud. (Mouvement.)
« Quand je le vois, dit-il, n'ayant d'autre souci
que de vous lire un factum banal qui est son plus
sûr moyen de condamnation, je me demande si
c'est avec une volonté suffisamment consciente qu'il
a accompli son crime. »
M' Dubreuil fait ensuite un très beau portrait de
la mère de l'accusé, cette paysanne de la Lombar-
die, qui passe ses journées, assise, la tête dans ses
mains, à murmurer en sanglotant : « Oh! mon
fils ! mon pauvre fils ! » (Sensation.)
A ce moment, Caserio, très ému, ne peut retenir
ses larmes.
« Vous voyez, s'écrie le défenseur, il y a des
larmes réparatrices sous cette écorce d'affreux
sang-froid. »
Enfin, M0 Dubreuil plaide trois points :
1° Le germe héréditaire et les troubles intellec-
tuels ;
2° L'impulsion fatale du milieu social où il s'est
trouvé jeté;
3° L'impossibilité de concilier les sentiments ÍJloo
times de Caserio avec la volonté du crime.
« Que penser de cet homme qui écrit : « Je passe
» mes jours heureux et amusants, pendant que je
» suis en prison. » Et son crime, il l'a accompli
d'un seul bond, qui a duré trente heures. Il n'y a
que les fous, les hallucinés, les hypnotisés qui
obéissent à une force invincible qu'ils ne peuvent
maîtriser.
» Ah ! Caserio a eu le malheur de rencontrer sur
sa route un triste éducateur, l'avocat Gori. »
Caserio, se levant, s'écrie : « Je ne suis pas un.
écolier, ni le disciple de l'avocat Gori. »
Le président lui impose silence et le défenseux
ajoute :
« Oui, ce sont les incitations de l'avocat'Gori qui
ont porté leurs fruits. En 1892, Caserio est arrêté et
condamné dans son pays pour distribution de bro-
chures anarchistes à l'armée.
» Les lectures aussi ont surtout pesé sur lui,
continue Me Dubreuil. L'accusation lui a reproché
ses fréquentations anarchistes. Avec qui donc vou<
liez-vous qu'il vécût, ce proscrit italien ? Caserio
n'a été que le bras. Ce qu'il faut proscrire, c'est
l'intelligence. »
- Non 1 non! s'écrie Caserio, ce n'est pas vrai.
Le président. — Vous aurez la parole tout à
l'heure, asseyez-vous.
Mais Caserio, faisant du bruit, on le menace d«
l'expulser. Il se rassied lor8, en murmurant, main-
tenu sur son banc ç&r la vigoureuse poigne de
nombreux gendarm-
LE NirCËRO CINQ CENTIMES
DIMANCHE 5 - AOUT i894
; - Xivr nPE t
RfoaCTIOI ET MMtSYMYtM
142, Rue Montmartre"
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOUARD PORTALIS
Adresse télégraphique : XIX' SIÈOLB-PAR18
Téléphone : 20.289 bis.
ANNONCES
CMB MM. LAGRANGE, CERF et CK
6, place de la Bourse. 6
ABONNEMENTS
Pari. Trois Bois, 6 f.; Six lui, il f.; Un h, 20L
Départements — 7 f.; — i2L; — 241
Union Postale — 9f.; — 16 f.; — 32 b
Les 'Abonnements sont reçus sans frais d&M
tous les Bureaux de Poste.
'-
Afin de donner satisfaction aux légi-
times demandes de nombreux lecteurs,
le XIXe SIÈCLE servira, à partir d'au-
jourd'hui, des « abonnements de villégia-
ture » à raison de :
2 mois. 4 francs
1 mois 2 francs
15 jours. 1 franc
8 jours 50 centimes
ETRANGER
15 jours 1 fr. 60
1 mois. 3 francs
2 mois. 6 francs
A l'occasion des vacances, nous ap-
pelons tout spécialement l'attention sur
la magnifique bicyclette offerte en prime
par le XIXe Siècle.
Voir à la 4* page.
LE VERDICT
Les jurés du Rhône ont rendu hier
le verdict que l'on prévoyait. Ils ont
condamné à mort l'anarchiste qui a
assassiné le président Carnot.
Il reste maintenant à savoir quel
compte la cour de cassation tien-
dra des moyens que la défense se pro-
pose de tirer du discours adressé au
début de la session des assises par M.
le conseiller Breuillac. Ce magistrat
avait éprouvé le besoin de déroger à
toutes les habitudes et de prononcer
devant les jurés un réquisitoire anti-
cipé. Est-ce un motif de cassation ? La
cour appréciera. C'est au moins une
grave incorrection, et il est à désirer
qu'à l'avenir les magistrats observent
une plus grande réserve de langage.
Le discours intempestif de M. Breuil-
lac n'a pas d'ailleurs été la seule sur-
prise que nous réservait le procès. C'est
avec une véritable stupéfaction que les
assistants ont entendu le préfet du
Rhône, M. Rivaud, tenir des propos qui
sont de véritables provocations aux at-
tentats anarchistes. La déposition de ce
préfet devant la cour d'assises est véri-
tablement extraordinaire. Ce fonction-
naire a trouvé bon de se livrer, au cours
de sa déposition, à des considérations qui
n'avaient du reste rien à faire dans le
débat et qu'il a terminées ainsi : « Je
crois qu'un homme résolu à tout, qui
s'est désigné une victime, arrivera tou..
jours à la frapper. Quelles que soient
les précautions prises, il trouvera bien,
avec le temps, un interstice où passer
la main armée d'un poignard. »
Paroles singulières dans la bouche
d'un fonctionnaire qui a précisément
des attributions de police, dont le rôle
est de déjouer les intentions criminelles,
dont la mission morale est d'assurer
que, dans la lutte engagée entre la so-
ciété et les malfaiteurs, anarchistes ou
autres, la victoire doit rester à la société
et à ceux qui la protègent. C'est préci-
sément à la conclusion opposée qu'ar-
rive le préfet du Rhône, encourageant
ainsi les ennemis de l'ordre public et
leur donnant,commeun président de dis-
tribution de prix aux jeunes élèves, cette
assurance qu'avec du temps et de la
persévérance ils parviendront à leurs
fins.
Le président des assises a encore
craint que la gaffe de M. le préfet ne
fût pas assez remarquée et il a éprouvé
le besoin d'insister : « C'est ce que tout
le monde pense ici », s'est-il empressé
d'ajouter. Nous ne craignons pas de
dire que ce petit dialogue est infiniment
plus pernicieux que le factum de Case-
rio, et que M. le procureur général Fo-
chier, qui, conformément à la nouvelle
loi, a requis l'interdiction de publier
celui-ci, aurait dû surtout requérir l'in-
terdiction de publier les paroles du pré-
fet et du président des assises.
Quelque soin que l'on ait mis, dans
ce procès, à laisser certaines circons-
tances dans l'ombre, on n'a pu empê-
cher cependant que l'incurie adminis-
trative qui a permis à Caserio d'exé-
cuter son attentat ne fût mise en relief.
La déposition du général Borius montre
en effet que des instructions spéciales
avaient été données par le secrétaire
général de la présidence et que, en outre,
on se reposait sur la police locale, la-
quelle, à Lyon, est aux mains d'un fonc-
tionnaire spécial sous l'autorité du pré-
fet. Les officiers de l'escorte, que M,
Carnot avait fait écarter, n'étaient là
que pour le décor, et la surveillance
réelle devait être exercée par les agents
de la police locale.
Les considérations que M. Rivaud a
présentées ne dégagent pas sa respon-
sabilité ni, par suite, celle de son chef
hiérarchique le ministre de l'intérieur,
qui devait veiller à ce que des mesures
fussent prises pour assurer la sécurité
du chef de l'Etat et dont la vigilance
devait être éveillé par les nombreuses
lettres de menace qui parvenaient à
l'Elysée.
Cette responsabilité, M. Rivaud essaie
inutilement de la rejeter sur les circons-
tances, sur la fatalité, sur la prémédi-
tation de l'assassin. Tout aussi inutile-
ment M. Dupuy cherche à la rejeter sur
d'autres fonctionnaires de son départe-
ment, sur le commissaire central de
Cette qui a été révoqué et sur le préfet
de l'Hérault, M. Delpech, qui est mis
en disponibilité, sous prétexte qu'il n'a
pas informé le ministre de la présence
de Caserio à Cette.
Comment tant de sévérité pour le
préfet de l'Hérault se concilie-t-il avec
tant d'indulgence pour le préfet du
Rhône qui a bel et bien laissé assas-
siner le président à Lyon et pour le
directeur de la sûreté générale qui a
bien, semble-t-il, un peu de responsa-
bilité dans toute cette affaire ? Y aura-
t-il donc toujours deux justices et, selon
que vous serez puissant ou humble,
les jugements de cour, comme au
temps de La Fontaine, vous rendront-ils
blanc ou noir ?
LES PRÉFETS DE M. DUPUY
M. Léon Marchesson
Nous avons annoncé hier que M. Beverini-
Vico, préfet de l'Aude, n'avait p,as accepté la
préfecture de l'Hérault qui lui avait été dé-
volue. Ce refus prouve la légèreté avec la-
quelle le gros M. Dupuy prépare ses mouve-
ments administratifs, légèreté qu'il apporte
d'ailleurs dans tous les actes de son adminis-
tration.
Un préfet qui, en revanche, ne refusera pas
son poste, c'est M. Léon Marchesson, lequel,
au grand désappointement des nombreux
fonctionnaires de l'administration préfecto-
raie qui attendent depuis longtemps un légi-
time avancement, vient d'être nommé d'em-
blée préfet de la Nièvre. Mais il faut dire
qu'en 1885 — époque où fonctionnait encore
le scrutin de liste — M. Léon Marchesson fut
l'inventeur de la candidature de son ancien
camarade Charles Dupuy. M. Charles Du-
puy, qui était déjà gros de corps mais dont
les ressources était minces et qui était dé-
pourvu de toute notoriété politique, trouva,
grâce à son ami Marchesson et à son journal,
tout ce qui lui manquait et devint ainsi dé-
puté de la Haute-Loire.
Depuis lors, les temps ont changé. M.Charles
Dupuy agrandi et M. LéonMarchesson a baissé
à ce point que, l'année dernière, il vendait
son journal la Haute-Loire, qui compta sous
l'Empire M. Paul de Leoni, actuellement ré-
dacteur à l'Autorité, comme rédacteur en
chef, à une société anonyme dans laquelle M.
Charles Dupuy entrait pour huit actions.
M. Charles Dupuy paye donc aujourd'hui
avec l'argent de ces bons contribuables une
dette du passé.
LE SUCCESSEUR DE M. GRELOT
M. Bruman, le nouveau secrétaire général
de la préfecture de la Seine, a rendu visite
hier au préfet de la Seine, aux présidents des
conseils municipal et général et,au syndic
de ces deux assemblées, M. Maury, ainsi
qu'aux principaux chefs de service de l'ad-
ministration. Il est immédiatement reparti
pour la Nièvre dont il quittera définitive-
ment la préfecture lundi prochain.
M, Bruman assistera, en effet, mardi à
l'hôtel de ville à la réception des pompiers
anglais, portugais et belges, et lé soir au
banquet qui leur sera offert en leur honneur
au Palmarium du Jardin d'Acclimatation.
Le successeur de M. Grelot est né le 24 dé-
cembre 1850. Son entrée dans l'administra-
tion comme sous-préfet de Redon (Ille-et-Vi-
laine), date du 30 décembre 1877. Il fut nommé
sous-préfet de Ire classe à Saint-Malo le
15 février 1885 et préfet de la Nièvre le 24
mai 1889.
M. Bruman est docteur en droit et cheva-
lier de la Légion d'honneur. Il a préparé son
agrégation de droit.
De taille moyenne, le nouveau secrétaire
général de la Seine a l'aspect d'un officier. Il
est marié et père de famille.
M. LÉPINE CANDIDAT
Le Figaro annonçait hier que le départ de
M. Lépine était possible, le préfet de police
ayant l'intention de se présenter comme sé-
nateur dans la Loire.
L'information ainsi présentée est un peu
inexacte. Dans le département de la Loire,
où il s'agit de remplacer M. de la Berge,
décédé, deux comités électoraux ont un can-
didat qui a peu de chance d'être élu.
En guise d'outsider, le nom de M. Lépine,
qui a été préfet de la Loire et qui a laissé de
bons souvenirs là-bas, a été prononcé. Mais
jusquà présent M. Lépine n'a rien fait con-
naître de ses intentions.
Dans certains milieux politiques, l'infor-
mation de notre confrère a cependant trouvé
créance ; on y disait même que M. Gragnon,
ancien préfet de police, prendrait la place du
préfet actuel et que la police serait alors com-
plètement réorganisée.
CHRONIQUE
QUERELLE DE LANGUES
Si l'on bataille encore par ci par là sur
les mérites des langues mortes, personne
ne conteste l'utilité des langues vivantes
mais, comme on ne peut les apprendre
toutes, on est souvent fort embarrassé
quand il faut choisir. J'en appelle à tous
les papas qui ont un bambin au collège et
qui, ne sachant à quelle langue les vouer,
sont tout prêts à donner la leur aux chiens.
Depuis la guerre de 1870, l'allemand
tient visiblement la corde. Beaucoup de
gens s'imaginent que les Allemands nous
ont vaincus parce qu'ils savaient le fran-
çais et la géographie, à quoi l'on pourrait
répondre que les vainqueurs d'Iéna étaient
incapables de demander en allemand la
route de Berlin, et qu'on avait battu les
Russes à Borodino avant d'avoir pénétré
les beautés de l'âme slave.
Un autre argument, d'ordre pédago-
gique celui-là, a assuré la supériorité à
l'allemand dans le remaniement des plans
d'études. C'est une langue synthétique,
à inversions et à mots composés, et, de
tous les idiomes modernes, celui qui se
rapproche le plus du latin et du grec. Or,
si les langues mortes branlent dans le
manche, qui nous rendra mieux que l'al-
lemand les vertus éducatrices qu'on at-
tribuait aux vieilles humanités ?
Enfin il y a la raison du plus fort qui
est trop souvent la meilleure. L'allemand,
ayant toutes les faveurs officielles, est de-
venu la langue la plus « utile ». Quicon-
que l'ignore est exclu de droit de toutes
les écoles du gouvernement, et, pour nos
bons snobs de bourgeois, l'interdit du
moyen âge était moins redoutable que
cette excommunication majeure. Tous les
décatisseurs du Marais ont le cerveau
hanté d'un double rêve : faire le voyage
de Jersey sous le patronage de l'agence
Cook et envoyer leurs fils à l'Ecole poly-
technique.
J'ai donc été agréablement surpris d'en-
tendre l'autre jour une autre cloche et un
autre son. J'assistais à une distribution de
prix où le discours d'usage était prononcé
par M. Haussaire. professeur d'anglais.
Naturellement l'orateur a prêché pour son
saint et il a bien fait. Les plaidoyers pro
domo sont les meilleurs. On ne défend
bien que ce qu'on aime.
Sans remonter à la tour de Babel — date
mémorable pourtantpuisqu'elle marque le
moment où l'utilité des langues commença
à se faire sentir — M. Haussaire a déve-
loppé cette pensée de Montaigne : « Je
vouldrais bien sçavoir premièrement ma
langue et ensuite celle de mes voysins où
j'ay plus ordinaire commerce. » Et il a
trouvé, pour établir l'importance de « ce
commerce », des images vives et piquantes
qui se fichaient comme des clous dans
notre mémoire. « Songez que, grâce à la
vapeur, le Parisien de 1894 est plus près
de Londres ou de Berlin que son père ne
l'était d'Orléans en 1830,et que New-York
et Moscou sont moins éloignés de nous
que ne l'eût été Marseille il y a c cent ans !
Songez que, grâce à l'électricité, la place
de l'Opéra est à moins d'une minute du
pont de Londres. » Et pour caractériser la
force d'expansion de nos dévorants voi-
sins :
« Cette île perdue dans la mer au nord-
ouest de l'Europe — quantité géographi-
que presque négligeable — a pris un déve-
loppement extérieur énorme, puisque ses
colonies sont quatre-vingt-douze fois plus
étendues que la mère-patrie. Il n'est pas
sur le globe un endroit bon à occuper où
ne siffle le yes britannique, pas une mer
qui ne soit sillonnée de ses navires por-
tant en poupe la flamme rouge, ornée du
léopard. Ses lignes de navigation forment
un immense réseau de fils croisés et enla-
cés, gigantesque toile d'araignée tendue
sur le monde et dont le centre est Londres,
la ville énorme, plus peuplée à elle seule
que Paris, même grossi des dix plus gran-
des villes de France t »
N'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter plus
que nous ne faisons de cette race active
et remuante, « prompte à prendre, comme
dit l'orateur, et tenace à garder, moins
préoccupée de se faire aimer que de se
faire craindre, à la fois cosmopolite et
d'un patriotisme très jaloux, pays du
horne et patrie des glohe-trotters, qui par-
courent le monde et traversent les mers
avec l'aisance d'un oiseau migrateur ».
Songez que le latin, qui était bien près
jadis d'être une langue universelle, n'a ja-
mais été cependant, comme l'anglais au-
jourd'hui, compris et parlé par cent vingt
millions d'êtres humains ! Songez que nos
échanges avec les pays anglo-saxons at-
teignent quarante pour cent de notre com-
merce général et sont par conséquent,
presque aussi considérables qu'avec toutes
les autres nations réunies.
N'est-ce pas aussi dans l'étude de sa
langue et de sa littérature qu'il faut aller
chercher le secret de ces fortes qualités
qui ont fait l'Anglais d'aujourd'hui? Et
quant à son éducation, s'il y a bien des
réserves à faire de ce côté, s'il y a des
choses qu'on ne lui apprendra jamais,
l'élégance et la politesse, en revanche,
quelle provision de force et de vaillance
on dépose dès la nursery dans son âme !
De bonne heure, dès les premiers jeux
de l'enfance, les Anglais développent en
eux la décision, le coup d'œil, l'esprit d'ini-
tiative et cette mâle franchise qui accepte
les responsabilités. « Ils n'hésitent pas à
expédier leurs enfants seuls, dès l'âge de
14 ou 15 ans — franco,peu fragile - à des
centaines de lieues de distance. Et l'en-
fant se lance dans le grand inconnu de la
vie, surpris, ému, mais plein de vaillance,
parce que dans cet être aux muscles so-
lides, parents et maîtres ont mis de bonne
heure une âme bien trempée. Ils savent
que de cette forte liqueur dont le vase est
imprégné au début de la vie, il gardera
jusqu'au dernier jour l'arôme et le par-
fum. »
Et, en écoutant le très distingué profes-
seur, je me demandais si nous ne nous
laissions pas trop hypnotiser depuis vingt
ans par l'Allemagne. Ceux que nous ren-
controns partout, depuis vingt ans, quand
un conflit surgit sur un point du globe, à
Terre-Neuve, au Siam, en Chine, au
Congo, dans le Pacifique, ce ne sont pas
les Allemands, mais nos bons amis les
Anglais. L'idéal assurément serait d'ap-
prendre les deux langues en extirpant le
grec dans ses dernières racines, ce qui hé-
las 1 se pourrait faire sans douleur. En at-
tendant, l'administration devrait bien re-
noncer à ses préférences exclusives pour
l'allemand, et tenir désormais la balance
égale entre les deux langues-sœurs ou,
tout au moins cousines, puisqu'elles sont,
comme disait spirituellement M. Haus-
saire, également issues de Germains.
André Balz.
EXPLOSION A LYON
Lyon, 3 août.
Une violente explosion s'est produite vers
quatre heures dans les magasins de MM. Pio-
tet et Rorue, fabricants de soiries, 4, Grande-
Ru e-des-Feuillants.
On parlait d'un attentat anarchiste en guise
de réponse à la condamnation de Caserio,
mais il parait que l'explosion a été produite
par un obus.
Voici dans quelles circonstances :
M. Travard, le dessinateur de la maison Pio-
tet, se servait, en guise de presse-papier, d'un
obus de petit calibre qu'il croyait déchargé et
qu'il avait toujours manipulé comme tel. Il
était à son bureau, en compagnie d'un autre
dessinateur de la maison, lorsque, s'étant levé
pour allumer une cigarette, il s'avisa de jeter
dans l'ouverture de l'obus le débris de l'allu-
mette encore enflammée.
A l'instant même il reçut la décharge presque
entière dans la cuisse vers la région de l'aine.
Son collègue, assis à ses côtés, eut une partie
do la figure criblée par les éclats de la poudre
et s'enfuit la figure ensanglantée. Le docteur
Morel, qui passait par hasard dans la Grande-
Rue-des-Feuillants, monta auprès du blessé
que l'on avait relevé immédiatement et, après
un pansement sommaire, ordonna son trans-
fert à l'Hôtel-Dieu.
M. Morel n'a pu se prononcer sur la gra-
vité de la blessure, bien qu'elle ne soit pas
mortelle par elle-même. Mais sa proximite de
la région de l'aine peut en changer complète-
ment la nature et la rendre fatale.
Une foule énorme continue à affluer sur les
lieux et à commenter l'accident.
LES RÉCLAMES POUR L'EXPOSITION DE LYON
M. Claret est un homme vraiment exigeant.
Pour attirer la foule à son exhibition, qui,
d'ailleurs, n'offre aucun intérêt, il a d'abord
fait venir M. Casimir-Perier, alors président
du conseil, et M. Casimir-Perier a été outra-
geusement sifflé. Il a fait venir ensuite M.
Carnot, président de la République, et M.
Carnot a été assassiné. Il a voulu ensuite
faire revenir M. Casimir-Perier, et la munici-
palité lyonnaise a eu assez peu de tact pour
transmettre au nouveau président de la Ré-
publique cette inconvenante invitation.
Mais le président de la République, cette
fois, ne s'est pas laissé faire, et voici la note
qu'a publiée à ce sujet le Salut public de
Lyon :
Il nous revient que beaucoup de personnes, se
laissant prendre à certaines nouvelles fantaisistes
données par quelques-uns de nos confrères de Pa-
ris, s'imaginent que M. le président de la Républi-
que viendra à Lyon en septembre. Nous tenons de
bonne source que M. Casimir-Perier ne viendra
pas à Lyon en 1894. Tout ce qui a été dit jusqu'ici
concernant ce voyage présidentiel peut être consi-
déré comme de simples racontars.
M. Claret ne se contente pas de faire an-
noncer mensongèrement la prochaine venue
du président de la République. Dans une au-
dacieuse réclame parue ces jours derniers
dans les journaux à sa solde, il présentait
comme une nouvelle et irrésistible attraction
venant s'ajouter aux amusements, bars, som-
nambules, danses sénégalaises etc. de son ex-
position, la visite obligatoire à l'endroit où
fut assassiné le président Carnot.
Malgré l'exquise délicatesse de ces réclames,
les visiteurs ne viennent pas. Les rares voya-
geurs qui ayant du temps à perdre s'arrê-
tent en passant disent qu'il n'y a rien d'inté-
ressant à voir à l'exposition Claret, que c'est
d'une tristesse mortelle et ils s'empressent
d'ajouter : Surtout n'y allez pas 1
LE CABINET DANOIS
Copenhague, 3 août.
On a affirmé puis on a démenti que M Estrup,
qui préside depuis dix-neuf années le conseil des
ministres, a l'intention de se retirer. Cette retraite
est aujourd'hui imminente, et dès la semaine pro-
chaine, le roi devra choisir un nouveau cabinet. On
dit que c'est M. de Reedtz-Thott, actuellement titu-
laire du portefeuille des affaires étrangères, qui
sera désigné comme chef du ministère.
FRANÇAIS PRISONNIERS DES BRIGANDS
* Sassari (Italie), 3 août.
Le Français Paty, instituteur à Pirlsi, capturé
par les brigands, est arrivé ce matin seuL
L'autre Français, M. Pral, fils d'un riche indus-
triel de Valence, est toujours au pouvoir des bri-
gands, qui demandent une rançon de 100,000 francs
pour lui rendre la liberté.
LA CROIX VIOLETTE
Le Journal officiel publiera ce matin les nomi-
nations d'officiers de l'Instruction publique et d'offi-
ciers d'Académie faites à l'occasion du 14 Juillet.
Le mouvement porte exclusivement sur le per-
sonnel universitaire.
GonaIllnation à fort
DE
CASERIO
LES INCIDENTS DE LA SECONDE AUDIENCE
Confrontation avec le soldat Leblanc. —
Première application de la loi du 28
juillet 1894. — Le dernier cri de
Caserio. — Indifférence toute
lyonnaise.
(Par dépêche de notre envoyé spécial)
Lyon, 3 août.
C'est par la pluie qu'on se rend aujourd'hui
à la cour d'assises ; peu de monde ah abords
du Palais.
Le service d'ordre est le même qu'hier et
les mesures de surveillance sont on ne peut
plus rigoureuses.
La salle d'audience est absolument comble.
A neuf heures cinq minutes, M. le président
Breuillac annonce que l'audience est ouverte ;
il donne l'ordre d'introduire l'accusé.
Celui-ci arrive bientôt, son même sourire
gouailleur stéréotypé sur le visage.
Deux gendarmes amènent le soldat Le-
blanc, détenu comme insoumis à la prison
militaire de Marseille.
Edouard Leblanc, qui était portefaix à Cette
avant son arrivée au régiment, comparaît
dans la petite tenue des disciplinaires, panta-
lon rouge et veston court.
Malgré les affirmations contraires de Case-
rio, le témoin maintient qu'étant en même
temps que Caserio en traitement à l'hôpital,
Caserio,se promenant dans la cour en compa-
gnie de Saurel, lui présenta ce dernier en lui
disant : « Tiens, voilà un bourgeois ! » La
conversation s'engagea. On parla de l'anar-
chie, et Caserio dit qu'il tâcherait de tuer le
président Carnot, probablement à Lyon où il
viendrait sans doute pour visiter l'Exposition.
- C'est faux ! riposte Caserio ; je n'ai fait part
de mon projet à personne. (Mouvement.)
Leblanc affirme encore que Caserio lui aurait
confié qu'il avait été désigné par le sort.
Caserio : Ce n'est pas vrai t
Leblanc.—Comment ! ca n'est pas vrai! Je venais
de dire : Mais qui donc sera assez téméraire pour
aller tuer le président de la République que j'ai
vu à Paris entouré de troupes et de police? Case-
rio répondit alors : « Le sort en décidera. »
Le président. — Oh 1 si c'est ainsi qu'il a parlé,
il y a une nuance évidente.
— Caserio, ajoute Leblanc, avait dit : « J'ai vu
le roi Humbert. Lui aussi est très entouré et, pour
le tuer, il faudrait lui tirer un coup de fusil dans
la rue. » (Mouvement.)
- Tout cela n'est pas vrai î s'écrie Caserio ; je
n'ai pas été désigné. D'ailleurs, parmi les anar-
chistes, il y a la liberté absolue ; même le sort ne
pourrait les enchaîner. (Mouvement.)
LE RÉQUISITOIRE
Le soldat Leblanc est ramené dans sa cel-
lule et la parole est donnée à M. le procu-
reur général Fochier pour faire le réquisi-
toire.
Messieurs les jurés, dit le procureur général, sur
ces débats que vous avez suivis avec une reli-
gieuse attention,et qui touchent à leur terme, règne
une insurmontable tristesse. Tous nos cœurs sont
étreints par une douloureuse angoisse, aussi pro-
fonde, aussi cruelle, qu'au jour, à l'heure, ou se
répandait la nouvelle que le président Carnot avait
été assassiné.
La France entière suivait avec un intérêt indis-
cutable les fêtes où Lyon l'avait convié, où le chef
de l'Etat aimé autant que respecté venait par sa
présence donner une consécratiou solennelle aux
efforts de notre cité, honorer la grande manifesta-
tion du travail.
Personne ici n'avait perdu le souvenir de la pre-
mière visite du président de la République, visite
qui avait établi entre lui et la population lyonnaise
comme un lien de respectueuse sympathie. Cette
sympathie, cette cordialité populaire véritablement
émouvante, dont il avait conservé la mémoire de-
puis son voyage de 1888, M. Carnot la retrouvait
avec un bonheur dont il ne ménagea pas les ex-
pressions, avec la conscience d'avoir consacré tous
ses efforts pour le plus grand bien de tous aux
devoirs de sa magistrature.
Le président de la République, républicain au
cœur ferme, résolu à ne pas accepter le pouvoir
au delà du terme fixé par la Constitution, recueil-
lait encore une fois, en parcourant la France, les
hommages et les témoignages d'attachement que
les populations adressaient au chef de l'Etat, à
celui qui, toujours, a su si bien assurer au pays le
respect des nations; à l'homme aussi, à ses vertus,
à sa bonté exemplaire, à sa vie familiale, à sa fa-
mille en même temps si digne de tous les respects. Il
recueillait encore une fois ce témoignage d'affection
sincère, pénétrante, bien faite pour toucher celui
qui, en acceptant le pouvoir, avait.pris la noble
devise : « Tout ce que j'ai de force et de dévouement
appartient à mon pays. »
Il est convié par une population amie à venir as-
sister à de grandes fetes. Brillamment accueilli
par les plus humbles, M. Carnot avait admiré no-
tre ville de Lyon, pour lui toute en fête. Il avait
salué notre vieil Hôtel de Ville, visité notre Expo-
sition. Dans un discours, qui désormais hélas !
sera historique, il avait proclamé l'union de tous
les enfants de notre chère France dans la marche
incessante vers le progrès.
Il quittait cette réunion du palais du Commerce
et se disposait à saluer de nouveau la population
lyonnaise. Une deuxième journée aussi enthou-
siaste que la première se préparait pour la gloire
de la République et pour le président Carnot. Tout
à coup un scélérat a brusquement éteint toute cette
joie.
Le lendemain, à l'heure même où le président
Carnot devait recevoir nos derniers saluts, à l'heure
même où il devait, au milieu d'acclamations affec-
tueuses effectuer son départ, à cette heure, un lu-
gubre cortège se déroulait dans les rues de notre
ville. Le peuple lyonnais tout entier, recueilli
malgré son indignation et son horreur," n'accompa-
gnait plus qu'un cortège funèbre suivi par une fa-
mille en pleurs,
Lyon, Paris, toute la France, l'Europe, tous les
mondes civilisés ont fait au glorieux mort de ma-
gnifiques et émouvantes funérailles.
Mais l'apothéose n'efface pas la douleur. Pour-
quoi ce deuil? Quel est donc le criminel? Cet hom-
me de vingt ans, Caserio, n'est pas un Lyonnais,
et certes il était légitime que tout Lyon fût anxieux
de savoir si quelqu'un des siens avait pu violer
ainsi les lois de l'hospitalité. Ce n'est pas un Fran-
çais, ce n'est pas un de ses concitoyens qui a frappé
M. Carnot, c'est un citoyen qui n'a aucune nation,
c'est un anarchiste.
Ils ont été particulièrement égarés par un sem-
blant de patriotisme, ceux-là qui, dans l'exaspéra-
tion de la première heure, se sont livrés, à l'égard
des Italiens habitant notre ville, à des violences
que des malfaiteurs ont approuvées.
Cet homme est un anarchiste, c'est-à-dire qu'il
appartient à cette secte, à ce ramassis de malfai-
teurs qui poursuivent comme des fauves à travers
les sociétés civilisées, cherchant ce qui est la ruine
des choses, la mort des individus.
Ils menacent les plus humbles comme les plus
élevés, les plus modestes comme les plus puis-
sants.
Contre les fauves on se défend, et il n'y a qu'une
manière de se défendre. L'anarchiste est plus dan-
gereux. Rien ne le signale au milieu des autres
hommes, rien ne révèle déjà ses atrocités et ses
violences.
Caserio, dans la foule acclamant le président de
la République, était le premier venu; il était in-
connu de son voisin, c'était un curieux quelconque
sous une apparence indifférente, sous un costuma
banal. L'assassin attendait, guettait sa victime.
En terminant cet exorde émouvant, pro*
noncé d'une voix étreinte par l'émotion que
partage l'auditoire tout entier au souvenir da
terrible drame dont M. le procureur général
Fochier retrace les moindres détails, l'hono*
rable organe du ministère public s'écrie :
On vous dira que s'il eût survécu M. Carnet
eût pardonné. Notre devoir, à nous, est tout autre.
M. Carnot est mort et je viens vous demander
justice. (Mouvement.)
M. Fochier, parlant de lettres de menaces
anonymes envoyées, à l'Elysée, au président
de la République, à sa famille, à son entou-
rage, les qualifie d'odieuses et lâches et dit
qu'elles indiquent bien que l'exécution du
président était dans les vœux des anar-
chistes.
Il y a encore davantage, dit-il, nous avons, ea
Iflet, la littérature anarchiste, dont les auteurs ne
peuvent pas plus se réclamer de la liberté que de
l'humanité. Mais l'heure n'est pas aux longs dis-
cours. Nous ne sommes pas ici pour faire de la
politique ou de la sociologie.
Et alors, après avoir dit que la force hi-
deuse de l'anarohisme était celle de la propa-
gande par le fait, il cite des passages caracté-
ristiques de cette littérature qui préconise le
meurtre et la ruine.
Caserio, ajoute-t-il, est né d'une famille honnête,
et je ne fais nulle difficulté de reconnaître que le
sentiment familial n'est pas encore éteint en lui.
Mais en présence de son forfait, seul le châtiment
suprême sera son expiation. (Mouvement.)
Caserio a commis un crime de droit commun,
dont l'horreur s'aggrave de ce qu'il a plongé dans
la douleur tout un peuple en même temps qu'une
famille tendrement aimée.
Non! s'écrie le procureur général, les anar-
chistes ne sont pas un parti politique.C'est une en-
treprise de destruction et de mort. (Mouvement
prolongé.)
Les républiques comme les monarchies ont le
même devoir : celui d'apporter la même vigueur à
terrasser l'hydre. Au nom de la liberté, de la civi-
lisation et de l'humanité, je vous adjure, s'écrie
M. Fochier, d'accomplir un acte, non pas de ven-
geance, mais de haute et exemplaire justice 1
(Vive sensation.)
Après le réquisitoire, Me Dubreuil, bâton-
nier de l'ordre, a la parole pour présenter la
défense de Caserio. (Vives marques d'atten-
tion.)
LA DÉFENSE
Caserio qui, au cours du réquisitoire, avait
affecté une attitude presque dédaigneuse,a
fléchi, pour ainsi dire, sous l'éloquence de son
défenseur. Au souvenir évoqué de sa mère
remplie de douleur, il a versé d'abondantes
larmes, causant un effet de surprise dans
l'auditoire; mais l'accusé reprend vite son
sang-froid et, quand l'avocat veut le représen-
ter aux jurés comme entaché d'une hérédité
maladive, il proteste vivement. Tel a été
pourtant le principal argument du défenseur
de Caserio.
Le bâtonnier du barreau de Lyon, qui a
rendu à la victime tombée sous le poignard
de son client un éloquent hommage, a fait
une allusion très remarquée à la présence de
tout le barreau de Lyon aux obsèques en cette
ville du président Carnot, alors qu'on sait
qu'à Paris un groupe d'éminents avocats
d'affaires jugea que de soi-disant traditions de
l'ordre lui imposaient l'abstention.
« Vous devez comprendre, messieurs, dit l'hono-
rable défenseur, quelle douloureuse et poignante
émotion m'étreint au cœur. Elle broie en moi les
forces dont j'ai cependant besoin (Mouvement)..
C'est mon titre de bâtonnier qui me vaut l'honneur,
le triste honneur, d'être ici l'avocat de Caserio. Il
faut que j'oublie la chère victime, que je me con-
tienne de pleurer pour ne m'occuper que de l'as.
sassin.» (Mouvement).
Pendant ces paroles de son défenseur, Caserio
manifeste des mouvements visibles d'impatience.
« C'est la loi bourgeoise, poursuit Me Dubreuil,
qui m'attache invinciblement à la défense de cet
accusé.J'obéis aux traditions de notre ordre, et c'est
au nom même de l'humanité, si odieusement ou-
tragée. que je revendique cette place et que je la
garde. »
L'honorable avocat montre alors ce jeune homme,
qui n'a pas encore 22 ans, au sourire doux, à l'al-
lure tranquille, qui refuse systématiquement da.
profiter des mesures de nature à entraver sa mar-
che à l'échafaud. (Mouvement.)
« Quand je le vois, dit-il, n'ayant d'autre souci
que de vous lire un factum banal qui est son plus
sûr moyen de condamnation, je me demande si
c'est avec une volonté suffisamment consciente qu'il
a accompli son crime. »
M' Dubreuil fait ensuite un très beau portrait de
la mère de l'accusé, cette paysanne de la Lombar-
die, qui passe ses journées, assise, la tête dans ses
mains, à murmurer en sanglotant : « Oh! mon
fils ! mon pauvre fils ! » (Sensation.)
A ce moment, Caserio, très ému, ne peut retenir
ses larmes.
« Vous voyez, s'écrie le défenseur, il y a des
larmes réparatrices sous cette écorce d'affreux
sang-froid. »
Enfin, M0 Dubreuil plaide trois points :
1° Le germe héréditaire et les troubles intellec-
tuels ;
2° L'impulsion fatale du milieu social où il s'est
trouvé jeté;
3° L'impossibilité de concilier les sentiments ÍJloo
times de Caserio avec la volonté du crime.
« Que penser de cet homme qui écrit : « Je passe
» mes jours heureux et amusants, pendant que je
» suis en prison. » Et son crime, il l'a accompli
d'un seul bond, qui a duré trente heures. Il n'y a
que les fous, les hallucinés, les hypnotisés qui
obéissent à une force invincible qu'ils ne peuvent
maîtriser.
» Ah ! Caserio a eu le malheur de rencontrer sur
sa route un triste éducateur, l'avocat Gori. »
Caserio, se levant, s'écrie : « Je ne suis pas un.
écolier, ni le disciple de l'avocat Gori. »
Le président lui impose silence et le défenseux
ajoute :
« Oui, ce sont les incitations de l'avocat'Gori qui
ont porté leurs fruits. En 1892, Caserio est arrêté et
condamné dans son pays pour distribution de bro-
chures anarchistes à l'armée.
» Les lectures aussi ont surtout pesé sur lui,
continue Me Dubreuil. L'accusation lui a reproché
ses fréquentations anarchistes. Avec qui donc vou<
liez-vous qu'il vécût, ce proscrit italien ? Caserio
n'a été que le bras. Ce qu'il faut proscrire, c'est
l'intelligence. »
- Non 1 non! s'écrie Caserio, ce n'est pas vrai.
Le président. — Vous aurez la parole tout à
l'heure, asseyez-vous.
Mais Caserio, faisant du bruit, on le menace d«
l'expulser. Il se rassied lor8, en murmurant, main-
tenu sur son banc ç&r la vigoureuse poigne de
nombreux gendarm-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.79%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.79%.
- Auteurs similaires Lettres Lettres /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Lettres "Audren de Kerdrel Dom Maur Audren de Kerdrel Dom Maur /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Audren de Kerdrel Dom Maur " Clémencet Dom Charles Clémencet Dom Charles /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Clémencet Dom Charles " Lettre Lettre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=dc.subject adj "Lettre "
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75624661/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75624661/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75624661/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75624661/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75624661
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75624661
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75624661/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest