Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-08-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 août 1894 04 août 1894
Description : 1894/08/04 (A24,N8237). 1894/08/04 (A24,N8237).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
VtNGT-QUATRIÈME ANNÉE. — N° 8,237
LE NUMÉRO CINQ CENTIMES
SAMEDI 4 AOUT 1894
, REDACTION ET ADBIMSTItATIfff
142, Rue Montmartre
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
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COMPTES & MÉCOMPTES
DE
L.A. ]M[.A:R.IE
S'il y a une administration en France
où l'on ait à cœur de se moquer de la Ré-
publique, c'est sans contredit l'adminis-
tration de la marine. Son budget s'enfle
tous les ans, mais plus il s'arrondit, plus
le nombre des constructions navales dimi-
nue. Pour peu que cette progression se
maintienne, les chantiers seront déserts
et les arsenaux vides le jour où les dépen-
ses atteindront leur maximum.
Les crédits demandés pour le budget de
1895 excèdent de dix millions et demi le
chiffre du précédent budget. Mais où va
l'argent? Est-il employé à remplacer le
matériel hors d'usage, à construire des
bâtiments nouveaux et adaptés aux néces-
sités de la guerre moderne? Jetons un
coup d'œil sur le tableau des mises en
chantier prévues pour 1895, et nous cons-
taterons avec surprise que plus on dé-
pense, moins on construit.
*
* *
La Chambre avait adopté en 1891 un
programme destiné à pourvoir, dans une
période de dix ans au remplacement de
tous les navires hors de service ou ayant
perdu toute valeur militaire. 82 bâtiments
devaient ainsi disparaître et être rempla-
cés par autant de constructions neuves en-
treprises à raison de huit unités par an.
Les sommes nécessaires à ces travaux
s'élevaient à 919 millions, qui devaient
être répartis sur une dizaine d'exercices
budgétaires.
Mais, plus on a voté de millions, moins
on a mis de bâtiments sur les chantiers.
Les constructions promises pour 1894
devaient comprendre, par exemple, un
cuirassé d'escadre, deux croiseurs de
2e classe, un croiseur de 3e, un aviso de 2e,
deux chaloupes-canonnières, un torpilleur
de haute mer, trois de 1re classe, quatre de
2e classe et six torpilleurs à embarquer,
soit un total de 21 bâtiments qui devaient
être immédiatement commencés.
Aucun de ces engagements n'a été tenu
et ces travaux fantastiques n'ont été exé-
cutés que sur le papier. Le jour où l'ou
aurait besoin de ces bâtiments imagi-
naires, il en serait d'eux comme des
boutons de guêtre du maréchal Lebœuf.
Si l'on n'a pas entrepris les construc-
tions prévues au budget de 1894, qui nous
dit qu'on entreprendra plutôt celles que
prévoit le budget de 1895 ? On nous aligne
bien encore sur le papier un certain nom-
bre de croiseurs, de torpilleurs et d'avisos
mais on n'ose même plus s'engager à tenir
les promesses du programme de 1891. Et
pourquoi les quelques constructions an-
noncées seraient-elles mieux exécutées
que celles des années précédentes ? Jus-
qu'ici l'administration de la marine n'a
réussi a nous prouver q'une chose, c'est
qu'elle est hors d'état d'exécuter les déci-
sions du Parlement, ou parfaitement déci-
dée à n'en tenir aucun compte.
* *
Que deviennent alors les millions sup-
plémentaires qu'on met chaque année à la
disposition de ce département?
Si l'on ne construit pas, en revanche on
arme à outrance, c'est-à-dire qu'on sur-
mène tant qu'on peut tous les bâtiments
disponibles. La marine mange son blé en
herbe et vit au jour le jour. Mais que le
matériel dont elle use et abuse en ce mo-
ment soit, à un moment donné, paralysé
par des avaries, qu'il soit mis hors de ser-
vice ou démodé par des inventions nou-
velles, nous n'avons aucune réserve en
état de prendre la mer et de remplacer les
imités disparues.
Les dépenses d'armement, qui s'éle-
vaient en 1891 à 79 millions environ, ont
dépassé 92 millions en 1894, et s'accroî-
tront encore de 3 millions en 1895. C'est le
cas de dire qu'on met tout le monde sur le
pont et toutes voiles au vent. On s'est
même glorifié de cet état de choses. On a
répété avec complaisance : « Au lieu d'une
flotte mobilisable, nous avons une flotte
mobilisée. Nos forces navales sont tou-
jours sur le pied de guerre. »
Mais c'est justement parce que ces for-
ces s'usent en temps de paix que nous ris-
quons fort de ne plus les retrouver en
temps de guerre. Nous faisons comme le
chasseur qui tire sa poudre aux moineaux
et qui trouve sa cartouchière vide quand
le vrai gibier sa lève. On use nos escadres
par une navigaiiuu tj.ll.j\:J:::;:::Hve et i on né-
glige de pourvoir à leur remplacement.
Quand il faudra prendre la mer pour le
combat, et non pour la parade, combien de
bâtiments seront bons pour le service ?
Tout dernièrement encore, les journaux
signalaient dans l'escadre du Nord deux
cuirassés en bois sans solidité, sans vi-
tesse, le Suffren et la Victorieuse qui, au
jour de l'action, seraient bons tout au plus
à amarrer au fond de la rade de Brest. Ils
nous coûtent cependant les yeux de la tête
et grèvent chaque année d'un million et
demi le budget.
Un abus, du reste, en entraîne un autre.
Si tous les bâtiments tiennent la mer, les
dépenses du personnel augmentent à pro-
portion. L'on en vient même à payer « la
solde de mer » avec une largesse inquié-
tante, comme on l'a fait récemment, pen-
dant leurs six mois d'inactivité, aux offi-
ciers et équipages de l'escadre du NQrd.
Et, à côté de nous, l'Italie se saigne aux
quatre veines pour accroître son matériel
naval, et l'Angleterre vient de prendre des
mesures destinées à augmenter de cent
unités sa flotte de guerre.
Il est vrai que l'Angleterre fait un large
appel à l'industrie privée. On sait qu'en
cas de guerre elle est en mesure de trans-
former très rapidement la plupart de ses
bâtiments de commerce en bâtiments de
guerre. Chez nous, quand il y a une éco-
nomie à faire, on est sûr au contraire
qu'elle portera sur l'industrie privée. On
n'y a pas manqué, du reste, dans le bud-
get de 1895. Il y a une seule réduction de
16 millions inscrite au chapitre 25. Elle
porte naturellement cette rubrique : « Achat
de bâtiments neufs à l'industrie. »
C'est en vain que vous citerez à nos in-
génieurs sortis de Polytechnique l'exemple
de l'Angleterre. Ils vous répondront qu'il
n'y a point en dehors d'eux de construc-
tions navales possibles ; pour peu que
vous insistiez, ils vous démontreront, par
surcroît, que nous n'avons en fait de ma-
rine rien à apprendre des Anglais et que
c'est Nelson qui a été vaincu à Trafalgar.
Thomas Graindorge.
La Guerre entre la Cbine et le Japon
Les nouvelles que nous savons reçues hier
de Chine ou du Japon sont assez peu nom-
breuses.
Il en est deux toutefois qui ont une impor-
tance particulière. Elles annoncent, en effet,
l'une que les Japonais ont été battus à Yashan
et l'autre que huit navires russes ont quitté
Vladivostock. Mais celle-ci, au moins, qui
est de source anglaise, ne doit être accueillie
que sous les plus expresses réserves.
Les voici dans l'ordre où nous les rece-
vons :
Sanghaï, 2 août, midi.
(source anglaise)
Le bruit court ici que huit navires de
guerre russes, ayant de nombreuses troupes
à bord, ont quitté Vladivostock avec des or-
dres cachetés.
Shanghaï, 2 août.
Une dépêche officielle deTien-Tsin annonce
que, dans l'engagement entre Chinois et Ja-
ponais à Yashan, les 27 et 28 juillet, les Ja-
ponais ont été repoussés avec une perte de
2.000 hommes.
Shanghaï, 2 août.
Le steamer Wuchang est arrivé ici aujour-
d'hui. Les personnes qui le montent ont dé-
claré avoir vu la flotte chinoise mouillée de-
vant Wei-Haï-Wei, dans la matinée du 31
juillet.
Quelques survivants du Kowshung sont at-
tendus ici samedi prochain.
Plusieurs des officiers et des étrangers qui
étaient à bord ont été sauvés.
Yokohama, 2 août.
Le ministre de Chine à Tokio a demandé
son passeport. Il quittera son poste le 3 août.
Le ministre américain a été chargé de
veiller à la protection des résidents chinois
au Japon.
Ajoutons que, d'après une autre dépêche,
l'escadre chinoise du Nord, connue sous le
nom de « Flotte de Peyang » et comptant
treize vaisseaux, est partie de Chefoo, en
route pour la Corée où l'on s'attend à un
combat naval.
En Angleterre
Londres, 2 août.
Une note de source semi-officielle dit :
Bien que les puissances intéressées dans le con-
flit entre la Chine et le Japon ne puissent interve-
nir, aujourd'hui que la guerre a éclaté, pour faire
cesser les hostilités, elles sont néamoins toutes
sans exception extrêmement désireuses de voir le
conflit se terminer à bref délai.
Pour le moment, leur objet immédiat sera de
prendre toutes les mesures possibles pour limiter
la sphère des opérations.
A la Chambre des communes, M. Edward
Grey a annoncé que le Japon avait spontané-
ment déclaré qu'il était prêt à accorder à
l'Angleterre une réparation complète pour la
rencontre dans laquelle le Kowshung a coulé
bas, s'il était démontré que les officiers japo-
nais avaient agi à tort.
Pour le moment, l'amiral Freemantle, com-
mandant l'escadre britannique en Extrême-
Orient, a reçu l'ordre de se tenir dans le voi-
sinage des ports chinois et japonais pour ob-
server les événements et protéger, s'il y a
lieu, les intérêts et les nationaux britanni-
ques.
Des ordres ont été donnés en outre aux re-
présentants de l'Angleterre pour empêcher la
contrebande de guerre sous pavillon britan-
nique.
LA SANTÉ DE M. VOLDERS
Bruxelles, 2 août.
M. Jean Volders, le chef du parti socialiste
belge, a été interné ce matin dans un asile d'alié-
nés. Atteint de démence paralytique depuis plu-
sieurs mois, le rédacteur en chef du Peuple est
menacé de paralysie générale, et, bien que ses for-
ces physiques se maintiennent, son état mental a
paru assez grave pour obliger les médecins à or-
donner l'isolement absolu du malade. Il n'y a plus
aucun espoir de guérison; mais la constitution de
Volders, âgé seulement de trente-huit ans, est as-
sez robuste pour retarder pendant quelque temps
encore un dénouement malheureusement inévi-
table.
LES
GRANDES MANŒUVRES DE FORTERESSE
On sait que d'importantes manœuvres de
forteresse auront lieu sous les murs de Paris
du 5 au 20 septembre prochain, sous la haute
direction du général Saussier.
Le secteur du Nord-Est, comprenant le
plateau de Vaujours, couronné par le fort de
ce nom et son annexe le fort de Chelles, sera
attaqué par les deux divisions - d'infanterie du
3e corps d'armée, la brigade de cavalerie du
5e corps et des troupes spéciales.
Cette petite armée sera placée sous le com-
mandement du général Giovaninnelli, com-
mandant du 3e corps.
Les troupes de la défense seront comman-
dées pat le général Coste, commandant supé-
rieur de la défense du camp retranché de Pa-
ris.
LA VIE DE PARIS
L'accession de M. Casimir-Perier à la
présidence de la République a donné lieu
à beaucoup de commentaires politiques et
sérieux, ce qui était bien naturel. Elle a
également donné prétexte à des repor-
tages effrénés et d-lIne minutie un peu ri-
dicule. On nous a dit comment le nouveau
président habillait ses domestiquas, com-
ment il se vêtait lui-même, qùeHes cra-
vates il affectionnait, et le goût qu'il a
pour, les cols rabattus, de préférence aux
cols droits, a été,nori seulement signalé,
mais débattu comme s'il s'agissait d'une
affaire d'Eta.
La France n'ajpas entendu le conseil de
Dantoiyt eUe ne s'est guère guérie du goût
des individus. La curiosité des person-
nesna fait que croître et embellir, puérile
et superstitieuse, avec un parfum persis-
tant d'adulation monarchique. L'âme cour-
tisanesque du marquis de Dangeau s'est
répandue, éparse, dans l'âme de publicis-
tes complaisants, un peu niais, ou un peu
indiscrets. Ce n'est pas la première fois
qu'on en peut faire laremarque : car tout
ce qu'on nous dit d'inutilevsur le nouveau
président, on nous l'avait dit déjà sur le
général Boulanger et sur bien d'autres.
Ce qui me paraît beaucoup plus intéres-
sant à connaître que la forme des cols du
nouveau chef de l'Etat, ce sont les idées:
qu'il a, surtout sur les matières où il lui
'appartient, par sa charge, de les faire pré-i
valoir. A ce titre, je remarque la nouvelle
donnée de l'exécution, à, Limoges, de l'as-
sassin Bouchareichas. Cet assassin, do-
mestique chez un M. Hervy, avait tué son
maître pour le voler. C'est donc un crimi-
nel, je le reconnais, qui ne saurait béné-
ficier de l'intérêt, allant parfois jusqu'à la
sympathie, qu'on a souvent pour les cri-
minels qui agissent sous l'empire d'une
passion tenue pour noble, amour, jalousie,
vengeance.
Puis cet assassin, condamné une pre-
mière fois par la cour d'assises de Limo-
ges, avait vu l'arrêt réformé en cassation
et avait été renvoyé devant la cour d'as-
sises de Tulle, qui l'avait également con-
damné. Il avait donc, au bas mot, passé
pendant six mois par des alternatives
d'angoisse et d'espérance. Ceci, par la
faute de la justice, un vice de forme ayant
été relevé au cours du procès.
Peut-être, en cas pareil, la justice au-
rait-elle le devoir de tenir quelque compte
de ses propres erreurs. Et puis ce Boucha-
reichas a à peine dix-sept ans. Néan-
moins, on a envoyé M. Deibler couper le
cou à cet enfant. Nous en devons conclure
que, comme M. Carnot, du reste, et le
maréchal de Mac-Mahon, à l'oppositede
Grévy, de Napoléon III et de Louis-Phi-
lippe, M. Casimir-Perier est partisan de la
peine de mort sans tempérament ni atté-
nuation.
Dans ma jeunesse, j'ai été violemment
opposé à la peine de mort, et je frémissais
d'indignation quand je lisais le récit d'une
exécution. Je poussais si loin cette horreur
de la peine de mort qu'avec le bel empor-
tement et le bel illogisme qu'on a à vingt
ans, je cherchai querelle à un mien cou-
sin, voulant à toute force me battre avec
lui et l'embrocher parce que, procureur
impérial, il avait obtenu la tête d'un fort
gredin et s'en montrait content devant moi.
Je suis beaucoup plus calme aujour-
d'hui sur cette question et sur beaucoup
d'autres. La vie assagit ou amollit. Et
puis, j'ai vu la guerre, les épidémies, les
accidents.
Quand, on a vu tomber par centaines et
par milliers les soldats, parfois pour des
querelles qui ne les regardent pas; quand
on a assisté, dans les hôpitaux, à ces épi-
démies qui fauchent les malades et, avec
eux, les médecins qui se dévouent pour
les soigner; quand on lit tous les jours le
récit des morts que cause la nécessité du
travail, on est un peu moins tendre à s'a-
pitoyer sur le sort d'un gredin.
L'appareil de la justice, la mise en mou-
vement de deux ou trois cents personnes
pour couper le col à un seul individu, ficelé,
apporté là comme un bœuf àl'abatoir, sera
toujours un assez vilain spectacle. Mais
enfin, je me sensibilise moins que jadis, et
il se peut que les partisans de la peine de
mort aient de bonnes raisons à faire va-
loir. La question, en tout cas, est devenue
secondaire dans mon esprit. Il est plus in-
téressànt de songer aux braves gens qui
meurent de faim qu'aux escarpes qu'on
« raccourcit ».
Ici, cependant, une émotion me prend,
à, apprendre l'âge du supplicié. Dix-sept
ans, c est, surtout pour un mettre, pour
une brute, tranchons le mot, comme pa-
raît avoir été ce domestique campagnard,
c'est l'enfance. En toute espèce de cas, les
actes d'un garçon de seize ans et demi trou-
vent une excuse dans son âge. Dans les
familles bourgeoises, où cependant l'édu-
cation soignée et le milieu -de moralité
ambiante développent hâtivement le sen-
timent de la responsabilité, lorsqu'un
jeune homme de pareil âge commet
quelque faute, on se hâte de l'excuser.
On admet que, s'il s'agit d'une impru-
dence, il faut la mettre au compte de l'inex-
périence de la vie, et que, s'il s'agit de
quelque chose de plus, l'équité veut qu'on
fasse la part des passions et des entraîne-
ments de la jeunesse. On a raison. Mais
si la société fait bien d'avoir de l'indul-
gence pour des êtres jeunes et protégés,
la justice ne devrait-elle pas avoir de la
pitié pour des êtres jeunes et que la so-
ciété n'a protégés en aucune manière?
Nous avons vu et nous voyons chaque
jour disparaître une à une les disciplines
qui maintenaient la jeunesse, lui appre-
naient la résignation, l'indispensable vertu
des misérables. Quand un de ceux-ci de-
vient criminel, la société n'a-t-elle rien à
se reprocher? Je ne sais pas du tout l'his-
toire de ce Bouchareichas. Mais je sais celle
d'un tas de pauvres enfants, à demi édu-
qués, moralement abandonnés, livrés à des
séductions de tout genre, à des appétits
brutaux que rien ne combat, que rien ne
compense.
Le nombre de ceux qui deviennent cri-
minels augmente, je le sais. On croit
qu'on arrêtera le mal par des rigueurs qui
vont jusqu'à prendre tournure de cruauté.
Je crois qu'on se trompe et j'arrive à me
demander même si, en certains cas, cette
rigueur est légitime.
Henry Fouquier.
LE DOYEN DES AVOCATS
(DB NOTRB COBRMPOHDANT PARTICULIER"*
Berlin, 2 août.
Le doyen des avocats de l'Allemagne et
peut-être de l'Europe vient de célébrer son
centième anniversaire. C'est M. Karl Steg-
mann, né le 31 juillet 1794 à Luenebourg et
inscrit au barreau de Hanovre depuis 1818.
M. Stegmann n'a cessé de travailler dans
son étude que depuis un an.
Il occupe depuis 1826 toujours le même
appartement dans la Verser-Strasse.
MORT D'UNE CENTENAIRE A PARIS
Mme veuve Girault, née Jeannne Julie Baille,
vient de mourir à Paris dans le logement qu'elle
occupait depuis cinquante ans rue baint-Honoré,
numéro 125.
Depuis deux ans, Mme Girault, qui avait con-
servé toutes ses facultés jusqu'au dernier moment,
ne sortait plus.
ARRESTATION DE DEUX FRANÇAIS
AU PAYS MESSIN
Deux honorables habitants de Semur,
dans la Côte-d'Or, MM. Alary ière et fils, ce-
lui-ci voyageur pour le compte d'une des
principales maisons de commerce de la ville,
etaient partis faire un voyage circulaire du
côté de notre frontière de l'Est..
Ces jours-ci ils étaient à Metz. M. Alary
père ayant des frères établis dans la région,
les deux touristes prirent une voiture pour se
rendre dans la campagne messine. Ils con-
vinrent un prix pour la course avec le cocher,
la taxe n'existant pas au-delà des remparts de
la ville.
Malheureusement, ayant gardé la voiture
au repos, ils négligèrent de convenir d'un se-
cond prix pour ce laps de temps. Aussi ne fu-
rent-ils pas peu étonnés lorsque le cocher leur
réclama 35 francs pour le temps de l'arrêt.
Devant leurs récriminations, le cocher devenu
arrogant réclama successivement alors 40, 45
puis finalement 50 francs.
De plus en plus furieux, les voyageurs re-
fusèrent naturellement de payer. Ce que
voyant, l'automédon héla deux gendarmes
allemands que le bruit de lia scène avait at-
tirés.
« — Vous voyez, leur dit-il, ces deux par-
ticuliers, des Français. Eh bien ! ce sont des
espions. Ils m'ont commandé d'approcher des
forts le plus près possible, et ils les ont atten-
tivement examines à l'aide d'une lorgnette. »
N L'accusation était inepte, mais elle eut par-
faitement prise sur le cerveau épais des Alle-
mands, qui arrêtèrent nos deux compatriotes
et les conduisirent au poste où ils passèrent
isolément la nuit.
Ce ne fut que le lendemain qu'ils furent re-
mis en liberté, sur l'ordre du kreisdirector.
LES DICORiTIONS DU 14 JUILLET
Sur la proposition du ministre des travaux
publics, sont promus ou nommés dans l'or-
dre national de la Légion d'honneur :
Commandeurs
MM.
Doniol, inspecteur général des ponts et chaus-
sées, directeur du personnel et de la comptabilité
au ministère des travaux publics.
Rousseau (Armand), inspecteur général des
ponts et chaussées, conseiller d'Etat.
Officiers
MM.
Lorieux (Théodore), inspecteur général des ponts
et chaussées.
Fontaine, ingénieur en chef des ponts et chaus-
sées.
Keller, ingénieur en chef des mines.
Chevaliers
MM.
Lenoir, chef de bureau à l'administration cen-
trale.
Salle, ingénieur des ponts et chaussées.
Michut, ingénieur des ponts et chaussées.
Babinet, ingénieur des ponts et chaussées.
Rolland de Ravel, ingénieur des ponts et chaus-
sées.
Clavel, ingénieur des ponts et chaussés.
Leloutre, ingénieur des ponts et chaussées.
Monet, ingénieur des ponts et chaussées.
Dardenne, ingénieur des ponts et chaussées.
Devos, ingénieur des ponts et chaussées.
Mauris, ingénieur des pcnts et chaussées.
Daudé, sous-ingénieur des ponts et chaussées.
Bosramier,1 conducteur principal des ponts et
chaussées. -
Debacker, conducteur principal des ponts et
chaussées.
GheSneau, ingénieur des mines.
Walckenaer, ingénieur des mines.
Bourdon, contrôleur principal des mjnes.
Chancel, architecte des bâtiments civils.
Batigny, architecte des bâtiments civils.
Roux, architecte des bâtiments civils.
Landry, chef des travaux du garde-meuble na-
tional.
Libaudière, chef du service commercial de la
Compagnie des chemins de fer du Midi.
Dunnett, architecte de la Compagnie du chemin
de fer du Nord.
Grand, directeur des mines d'Albi.
Heilmann, ingénieur civil.
M. DEBS ET LES GRÈVES
Chicago. 2 août. -
M. Debs, le promoteur de la dernière grève des
chemins de fer, déclare qu'il ne se mêlera plus de
grèves. La dernière grève a produit, dit-il, un sen-
timent hostile, et le gouvernement est prêt à les
réprimer à la pointe de la baïonnette.
M. Debs déclare aux ouvriers que le remède qui
leur reste est le bulletin de vote.. -
CASERIO
L'ANARCHISTE-ASSASSIN DEVANT
LA COUR D'ASSISES
Coup d'œil sur Lyon. — Autour du Pa-
lais de Justice. — Le saint Jean-Bap-
tiste des processions. — Le drame
du 24 juin. — Les réponses
de l'Italien.
(Par dépêche de notre envoyé spécial)
Lyon, 2 août.
Il y a exactement quarante jours que, dans
cette même ville de Lyon alors en fête, le pré-
sident Carnot sortait, acclamé, d'un palais
municipal, allant au-devant d'une mort con-
tre laquelle il a été si peu protégé. Aujour-
d'hui, dans un autre palais, une sorte de
grande chapelle de justice, défendue comme
pour un siège que nul ne tente, c'est l'assassin
qu'on amène pour être jugé.
La population lyonnaise, qui fut particuliè-
rement surexcitée au lendemain de l'attentat,
a repris son calme ; on la dirait indifférente
à ce procès, dernier épilogue, chez elle, du
drame du 24 juin. Les jurés qu'elle a fournis,
presque tous hommes d'âge, sont d'aspect pa-
cifique, et les anneaux d'or qui brillent aux
lobes des oreilles de l'un d'eux soulignent ce
que nos jurés de province conservent de
« vieille France ».
Chacun de ces douze juges, dont les noms
seront conservés par l'histoire, a voulu tenir
dans ses mains le poignard de l'assassin : une
arme habillée de clinquant portant un faux
cachet espagnol et qui fut trempée par un ar-
murier auvergnat.
L'interrogatoire de Caserio, qu'on va lire,
a occupé toute la matinée. Ce n'est point la
faute de M. le conseiller Breuillac, président
de la cour, si cet interrogatoire est resté un
peu morne. L'interprète choisi se conformait
mal à son rôle qui est de traduire servilement
questions et réponses. Quoique comprenant
assez bien le français, Caserio a eu trop sou-
vent, comme l'exercice du téléphone nous a
appris à le dire, sa communication avec le
président coupée.
Souriant, d'un air doux, qui contraste vio-
lemmentavec son acte, Santo Caserio jusqu'ici
ne « pose » pas devant le jury. Nous le ver-
rons au moment de la lecture de son factum,
du fameux factum promis, qui sera une fail-
lite pour ceux qui attendraient des révélations
sensationnelles. Apparaîtra sans doute à ce
moment l'illumine, le fanatique, mais en
dehors de sa mimique expressive, l'assassin
de M. Carnot n'a pas de grande originalité
propre. Avec lui, nous sommes loin des Ita-
liens des toiles de Léopold Robert, des « pif-
ferari » chers à nos peintres du boulevard
Malesherbes. Figurez-vous plutôt un de ces
braves garçons qui, quand l'heure de l'appel
sonne, déambulent vers les casernes, leur va-
lise de carton à la main. Déjà, ils se sont fait
tondre la chevelure jusqu'au cuir ; un imper-
ceptible duvet ombre leur lèvre ; solidement
bâtis, charpentiers et mitrons jettent comme
un regard de commisération sur les pitoyables
gavroches que la corvée englobe avec eux.
Caserio est un gars semblable à tous les
autres. Quand il est entré avec sa casquette
blanche sur la tête, il a donné l'impression
d'un ouvrier qu'un verre de trop a placé entre
deux gendarmes. Mais anarchiste 1 assassin
d'un président 1 Dieu certes non !
DE LA PRISON AU PALAIS
DE JUSTICE
Caserio a été transporté de la prison Saint-
Paul au Palais de Justice ce matin à quatre
heures et demie. Un peloton de gendarmes,
accompagnait, sabre au clair, la voiture cel-
lulaire.
Le trajet s'est accompli sans le moindre in-
cident.
Nous pouvons à <;e propos démentir le
bruit, répandu hier soir, qu'une tentative
avait été dirigée contre une voiture cellulaire
par des individus armés.
Le Palais de Justice où vont se dérouler les
débats de ce procès célèbre est situé au pied
même de la ravissante colline où s'élève l'é-
glise de Notre-Dame de Fourvières.
Sa façade, tournée vers la rive droite de la
Saône, consiste en une majestueuse colonnade
corinthienne comprenant 24 colonnes portées
sur un soubassement en pierre de taille.
Ce monument fut construit en 1835 par Bal-
tard sur l'emplacement qu'occupait autrefois
le palais de Roanne, ainsi nommé des comtes
de Forez et de Roanne qui y avaient résidé
et fait rendre la justice en leur nom avant la
domination des archevêques.
La salle des Pas-Perdus avec ses coupoles
et ses bas-reliefs est d'un caractère grandiose.
Quant à la salle des assises, où furent jugés
en 1883 les anarchistes à la tête desquels se
trouvait Kropotkine, elle est haute, mais de
petites dimensions.
Avec les cent et quelques journalistes venus
de tous les points de la France et de l'étranger,
il ne reste plus grande place pour le public
proprement dit. Celui-ci, en effet, en dehors
des trente témoins cités et des nombreux
agents de la sûreté disséminés dans la salle,
n'occupe qu'un très petit nombre de sièges.
Les murs et le plafond sont recouverts de
soie rouge et blanche dont le temps a terni la
couleur ; on remarque surtout son pourtour de
colonnes à chapiteaux en marbre blanc fine-
ment ouvragés dans le goût de la Restaura-
tion. La salle est terminée par une sorte de
rotonde qui abrite les magistrats et au-dessus
de laouelle on aperçoit un superbe christ du
peintre Bonnefond. - -
Un agencement spécial a été opéré ; on a
supprimé la table des pièces à conviction
afin de gagner quelques places. D'ailleurs,
dans ce procès, cette table n'eût été d'aucue
utilité. En effet, déférant aux pieux désirs de
Mme Carnot, la justice n'a pas fait figurer
les vêtements que portait M. Carnot le jour
de l'attentat. Seul, le poignard de l'assassin
sera représenté au jury, ainsi qu'un dessin
du landau dans lequel fut frappé le regretté
président.
A signaler également la modification sui-
vante :
D'ordinaire, les accusés prennent place
dans leur banc situé en face du jury, en tra-
versant les rangs de la foule. Il n'en a pas
été ainsi aujourd'hui : c'est de la salle où,
d'habitude, les accusés attendent que lever-
dict soit prononcé, que Caserio a été directe-
ment introduit devant ses juges.
LES MESURES D'ORDRE
C'est à neuf heures du matin que Caserio
comparait devant la cour d'assises. Nous ne
reviendrons pas sur les mesures d'ordre qui
ont été prises, nous les avons déjà minutieu-
sement décrites.
En plus du bataillon d'infanterie chargé
d entourer le Palais de Justice, une compa-
gnie entière de gardiens de la paix se tient
dans la salle des Pas-Perdus. Les agents de
la Sûreté sont disséminée autour du Palais
et s'occupent surtout de la surveillance des
anarchistes.
L'assassin a été conduit dans la petite salle
affectée aux détenus, séparée de la salle d'au-
dience par un couloir.
C'est là qu'il a déjeuné, gardé par une forte
escouade de gendarmes.
Les anaiichistes ne bougent pas ; ils évitenf
même en public de parler et de commenter le
crime.
Hier, on a arrêté un individu venant d'une
ville du Midi. Il avait été signalé par le com-
missariat spécial de Valence comme ayant
tenu des propos menaçants.
Il s'était dit envoyé par un groupe de com-
pagnons pour faire sauter le Palais.
Arrêté à la descente du train, il a été em-
mené au Dépôt.
La prise ne serait guère sérieuse, car cet in-
dividu est plutôt un alcoolique qu'un anar-
chiste. Il était ivre à ne pas tenir debout quand
il a prononcé les paroles qu'on lui attribue et
que, lui, nie formellement.
Néanmoins on le conserve jusqu'à plus am-
ple information.
Caserio, qui était resté très calme jusqu'à
présent, commence à devenir plus nerveux. Il
est entré dans une violente colère lorsqu'il a
appris que l'avocat Podreider avait eu. à un
moment donné, l'intention de soutenir devant
le jury que lui, Caserio, était fou et que la fo-
lie était héréditaire dans sa famille.
On n'ignore pas en effet que l'avocat Po-
dreider voulait plaider la folie. Il avait même
l'intention d'amener à Lyon une troupe d'a-
liénistes, de médecins et même de garçons
d'infirmerie d'hôpitaux italiens.
Ces messieurs devaient venir certifier que
Caserio était fou parce que son père était
épileptique ; mais l'accuse n'a pas adopté ce
genre de défense : il a déclaré à son défen-
seur, Me Dubreuil, qu'il voulait qu'on plaidât
« l'idéal anarchique ».
Voici, d'ailleurs, la lettre que Caserio a
écrite à Me Podreider à ce sujet :
« Illustrissimo signor avocata Podreider,
» Ayant lu votre dernier télégramme, je voufc
réponds que je ne veux pas que vous fassiez exa-
miner ma chère mère et mes frères pour les faire
passer pour fous. Ils n'ont jamais été fous et le
sont encore moins aujourd'hui,et moi-même je n'ai
jamais été fou autrefois, comme aujourd'hui dans
ce moment où je me trouve en prison je ne le suis
pas.
Si j'ai tué le président de la République, ce
n'est pas parce que je suis fou, mais pour men
idéal anarchiste. Ai-je reçu de vous une défense
qui corresponde à cette idéal anarchiste ? Non.
Je vous salue.
» CASERIO SANTO.
» Prison de Lyon, 27 juillet 1894. »
Les abords du Palais sont gardés par un
bataillon du 98e régiment de ligne, dont les
soldats entourent, l'arme au pied, le vaste
quadrilatère formé par le monument.
Les ponts conduisant au Palais sont barrés
par des piquets de soldats et des gardiens de
la paix.
Les curieux, massés le long du parapet des
quais, sont relativement peu nombreux et
surtout très paisibles. Aucun incident ne se
produit pendant l'entrée à la cour d'assises,
dont la salle est rapidement envahie par les
privilégiés.
Ce n'est qu'après avoir exhibé leur cartes à
cinq ou six reprises différentes, que les jour-
nalistes peuvent enfin gagner leurs places.
C'est un entassement inouï : il y a là plus de
cent représentants de journaux, serrés les
uns contre les autres, pouvant à peine se
mouvoir.
Dans la haute tribune située au fond de la
salle, on aperçoit un essaim de jolies femmes
jouant déjà de l'éventail; la chaleur en effet
est accablante ; au dehors brille un soleil ra-
dieux.
L'AUDIENCE EST OUVERTE
L'audience est ouverte à 9 h. Ij4.
C'est M. le conseiller Breuillac qui préside
les débats, assisté des conseillers Ducros et
Davenière. Un assesseur suppléant et deux
jurés sont adjoints, vu la longueur présumée
des débats.
M. le procureur général Fochier occupe le
siège en personne.
— Gendarmes, faites entrer l'accusé, dit le
président.
Un vif mouvement de curiosité se produit
aussitôt ; tous les regards se tournent vers la
porte qui va livrer passage à l'anarchiste.
Le cabriolet attaché aux poignets, tenu par
deux gendarmes et suivi de quatre autres
dont un brigadier, Caserio pénètre dans le
banc qui lui est réservé. C'est un jeune
homme, presque un enfant, de taille plutôt
petite ; le tête, aux cheveux châtain foncé, est
ovale, les yeux sont vifs ; la figure imberbe
de l'accuse donne à l'ensemble de sa physio-
nomie un air de douceur qui contraste dou-
loureusement avec l'horrible crime dont il a
à répondre aujourd'hui devant le jury.
Caserio est proprement vêtu d'un pantalon
et d'un gilet gris, d'un veston de couleur jaune
sale. La chemise est blanche, à col rabattu.
Une cravate grise, dite régate, entoure son
cou.
Mc Dubreuil, bâtonnier de l'ordre des avo-
cats du barreau de Lyon, assiste l'accusé
Mo Podreider, l'avocat milanais, n'est point
venu prêter le concours de sa parole a son
compatriote. Un interprète, M. de Gcneval,
professeur de langues étrangères à l'Ecole de
commerce, est désigné par la cour pour servir
d'interprète.
Le président, s'adressant à l'accusé :
— Vous vous appelez Caserio Santo Jero-
nimo. Vous êtes ne à Motta-Visconti, dans la
province de Milan, le 20 septembre 1873 ?
R. (D'une voix douce). — Oui Monsieur.
Le président. — C'est bien. Asseyez-vous;
vous allez entendre les charges qui sont por- ,.
tées contre vous.
L'ACTE D'ACCUSATION
Le greffier en chef, assisté de M. Mathieu,
greffier des assises, donne lecture de l'acte
d'accusation qui est ainsi conçu :
Dans la poiréç du £ 4 juin; au milieu des êtOi
LE NUMÉRO CINQ CENTIMES
SAMEDI 4 AOUT 1894
, REDACTION ET ADBIMSTItATIfff
142, Rue Montmartre
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
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tous les Bureaux de Poste.
,' sassiOt de : Brno eViln e DI-Y
COMPTES & MÉCOMPTES
DE
L.A. ]M[.A:R.IE
S'il y a une administration en France
où l'on ait à cœur de se moquer de la Ré-
publique, c'est sans contredit l'adminis-
tration de la marine. Son budget s'enfle
tous les ans, mais plus il s'arrondit, plus
le nombre des constructions navales dimi-
nue. Pour peu que cette progression se
maintienne, les chantiers seront déserts
et les arsenaux vides le jour où les dépen-
ses atteindront leur maximum.
Les crédits demandés pour le budget de
1895 excèdent de dix millions et demi le
chiffre du précédent budget. Mais où va
l'argent? Est-il employé à remplacer le
matériel hors d'usage, à construire des
bâtiments nouveaux et adaptés aux néces-
sités de la guerre moderne? Jetons un
coup d'œil sur le tableau des mises en
chantier prévues pour 1895, et nous cons-
taterons avec surprise que plus on dé-
pense, moins on construit.
*
* *
La Chambre avait adopté en 1891 un
programme destiné à pourvoir, dans une
période de dix ans au remplacement de
tous les navires hors de service ou ayant
perdu toute valeur militaire. 82 bâtiments
devaient ainsi disparaître et être rempla-
cés par autant de constructions neuves en-
treprises à raison de huit unités par an.
Les sommes nécessaires à ces travaux
s'élevaient à 919 millions, qui devaient
être répartis sur une dizaine d'exercices
budgétaires.
Mais, plus on a voté de millions, moins
on a mis de bâtiments sur les chantiers.
Les constructions promises pour 1894
devaient comprendre, par exemple, un
cuirassé d'escadre, deux croiseurs de
2e classe, un croiseur de 3e, un aviso de 2e,
deux chaloupes-canonnières, un torpilleur
de haute mer, trois de 1re classe, quatre de
2e classe et six torpilleurs à embarquer,
soit un total de 21 bâtiments qui devaient
être immédiatement commencés.
Aucun de ces engagements n'a été tenu
et ces travaux fantastiques n'ont été exé-
cutés que sur le papier. Le jour où l'ou
aurait besoin de ces bâtiments imagi-
naires, il en serait d'eux comme des
boutons de guêtre du maréchal Lebœuf.
Si l'on n'a pas entrepris les construc-
tions prévues au budget de 1894, qui nous
dit qu'on entreprendra plutôt celles que
prévoit le budget de 1895 ? On nous aligne
bien encore sur le papier un certain nom-
bre de croiseurs, de torpilleurs et d'avisos
mais on n'ose même plus s'engager à tenir
les promesses du programme de 1891. Et
pourquoi les quelques constructions an-
noncées seraient-elles mieux exécutées
que celles des années précédentes ? Jus-
qu'ici l'administration de la marine n'a
réussi a nous prouver q'une chose, c'est
qu'elle est hors d'état d'exécuter les déci-
sions du Parlement, ou parfaitement déci-
dée à n'en tenir aucun compte.
* *
Que deviennent alors les millions sup-
plémentaires qu'on met chaque année à la
disposition de ce département?
Si l'on ne construit pas, en revanche on
arme à outrance, c'est-à-dire qu'on sur-
mène tant qu'on peut tous les bâtiments
disponibles. La marine mange son blé en
herbe et vit au jour le jour. Mais que le
matériel dont elle use et abuse en ce mo-
ment soit, à un moment donné, paralysé
par des avaries, qu'il soit mis hors de ser-
vice ou démodé par des inventions nou-
velles, nous n'avons aucune réserve en
état de prendre la mer et de remplacer les
imités disparues.
Les dépenses d'armement, qui s'éle-
vaient en 1891 à 79 millions environ, ont
dépassé 92 millions en 1894, et s'accroî-
tront encore de 3 millions en 1895. C'est le
cas de dire qu'on met tout le monde sur le
pont et toutes voiles au vent. On s'est
même glorifié de cet état de choses. On a
répété avec complaisance : « Au lieu d'une
flotte mobilisable, nous avons une flotte
mobilisée. Nos forces navales sont tou-
jours sur le pied de guerre. »
Mais c'est justement parce que ces for-
ces s'usent en temps de paix que nous ris-
quons fort de ne plus les retrouver en
temps de guerre. Nous faisons comme le
chasseur qui tire sa poudre aux moineaux
et qui trouve sa cartouchière vide quand
le vrai gibier sa lève. On use nos escadres
par une navigaiiuu tj.ll.j\:J:::;:::Hve et i on né-
glige de pourvoir à leur remplacement.
Quand il faudra prendre la mer pour le
combat, et non pour la parade, combien de
bâtiments seront bons pour le service ?
Tout dernièrement encore, les journaux
signalaient dans l'escadre du Nord deux
cuirassés en bois sans solidité, sans vi-
tesse, le Suffren et la Victorieuse qui, au
jour de l'action, seraient bons tout au plus
à amarrer au fond de la rade de Brest. Ils
nous coûtent cependant les yeux de la tête
et grèvent chaque année d'un million et
demi le budget.
Un abus, du reste, en entraîne un autre.
Si tous les bâtiments tiennent la mer, les
dépenses du personnel augmentent à pro-
portion. L'on en vient même à payer « la
solde de mer » avec une largesse inquié-
tante, comme on l'a fait récemment, pen-
dant leurs six mois d'inactivité, aux offi-
ciers et équipages de l'escadre du NQrd.
Et, à côté de nous, l'Italie se saigne aux
quatre veines pour accroître son matériel
naval, et l'Angleterre vient de prendre des
mesures destinées à augmenter de cent
unités sa flotte de guerre.
Il est vrai que l'Angleterre fait un large
appel à l'industrie privée. On sait qu'en
cas de guerre elle est en mesure de trans-
former très rapidement la plupart de ses
bâtiments de commerce en bâtiments de
guerre. Chez nous, quand il y a une éco-
nomie à faire, on est sûr au contraire
qu'elle portera sur l'industrie privée. On
n'y a pas manqué, du reste, dans le bud-
get de 1895. Il y a une seule réduction de
16 millions inscrite au chapitre 25. Elle
porte naturellement cette rubrique : « Achat
de bâtiments neufs à l'industrie. »
C'est en vain que vous citerez à nos in-
génieurs sortis de Polytechnique l'exemple
de l'Angleterre. Ils vous répondront qu'il
n'y a point en dehors d'eux de construc-
tions navales possibles ; pour peu que
vous insistiez, ils vous démontreront, par
surcroît, que nous n'avons en fait de ma-
rine rien à apprendre des Anglais et que
c'est Nelson qui a été vaincu à Trafalgar.
Thomas Graindorge.
La Guerre entre la Cbine et le Japon
Les nouvelles que nous savons reçues hier
de Chine ou du Japon sont assez peu nom-
breuses.
Il en est deux toutefois qui ont une impor-
tance particulière. Elles annoncent, en effet,
l'une que les Japonais ont été battus à Yashan
et l'autre que huit navires russes ont quitté
Vladivostock. Mais celle-ci, au moins, qui
est de source anglaise, ne doit être accueillie
que sous les plus expresses réserves.
Les voici dans l'ordre où nous les rece-
vons :
Sanghaï, 2 août, midi.
(source anglaise)
Le bruit court ici que huit navires de
guerre russes, ayant de nombreuses troupes
à bord, ont quitté Vladivostock avec des or-
dres cachetés.
Shanghaï, 2 août.
Une dépêche officielle deTien-Tsin annonce
que, dans l'engagement entre Chinois et Ja-
ponais à Yashan, les 27 et 28 juillet, les Ja-
ponais ont été repoussés avec une perte de
2.000 hommes.
Shanghaï, 2 août.
Le steamer Wuchang est arrivé ici aujour-
d'hui. Les personnes qui le montent ont dé-
claré avoir vu la flotte chinoise mouillée de-
vant Wei-Haï-Wei, dans la matinée du 31
juillet.
Quelques survivants du Kowshung sont at-
tendus ici samedi prochain.
Plusieurs des officiers et des étrangers qui
étaient à bord ont été sauvés.
Yokohama, 2 août.
Le ministre de Chine à Tokio a demandé
son passeport. Il quittera son poste le 3 août.
Le ministre américain a été chargé de
veiller à la protection des résidents chinois
au Japon.
Ajoutons que, d'après une autre dépêche,
l'escadre chinoise du Nord, connue sous le
nom de « Flotte de Peyang » et comptant
treize vaisseaux, est partie de Chefoo, en
route pour la Corée où l'on s'attend à un
combat naval.
En Angleterre
Londres, 2 août.
Une note de source semi-officielle dit :
Bien que les puissances intéressées dans le con-
flit entre la Chine et le Japon ne puissent interve-
nir, aujourd'hui que la guerre a éclaté, pour faire
cesser les hostilités, elles sont néamoins toutes
sans exception extrêmement désireuses de voir le
conflit se terminer à bref délai.
Pour le moment, leur objet immédiat sera de
prendre toutes les mesures possibles pour limiter
la sphère des opérations.
A la Chambre des communes, M. Edward
Grey a annoncé que le Japon avait spontané-
ment déclaré qu'il était prêt à accorder à
l'Angleterre une réparation complète pour la
rencontre dans laquelle le Kowshung a coulé
bas, s'il était démontré que les officiers japo-
nais avaient agi à tort.
Pour le moment, l'amiral Freemantle, com-
mandant l'escadre britannique en Extrême-
Orient, a reçu l'ordre de se tenir dans le voi-
sinage des ports chinois et japonais pour ob-
server les événements et protéger, s'il y a
lieu, les intérêts et les nationaux britanni-
ques.
Des ordres ont été donnés en outre aux re-
présentants de l'Angleterre pour empêcher la
contrebande de guerre sous pavillon britan-
nique.
LA SANTÉ DE M. VOLDERS
Bruxelles, 2 août.
M. Jean Volders, le chef du parti socialiste
belge, a été interné ce matin dans un asile d'alié-
nés. Atteint de démence paralytique depuis plu-
sieurs mois, le rédacteur en chef du Peuple est
menacé de paralysie générale, et, bien que ses for-
ces physiques se maintiennent, son état mental a
paru assez grave pour obliger les médecins à or-
donner l'isolement absolu du malade. Il n'y a plus
aucun espoir de guérison; mais la constitution de
Volders, âgé seulement de trente-huit ans, est as-
sez robuste pour retarder pendant quelque temps
encore un dénouement malheureusement inévi-
table.
LES
GRANDES MANŒUVRES DE FORTERESSE
On sait que d'importantes manœuvres de
forteresse auront lieu sous les murs de Paris
du 5 au 20 septembre prochain, sous la haute
direction du général Saussier.
Le secteur du Nord-Est, comprenant le
plateau de Vaujours, couronné par le fort de
ce nom et son annexe le fort de Chelles, sera
attaqué par les deux divisions - d'infanterie du
3e corps d'armée, la brigade de cavalerie du
5e corps et des troupes spéciales.
Cette petite armée sera placée sous le com-
mandement du général Giovaninnelli, com-
mandant du 3e corps.
Les troupes de la défense seront comman-
dées pat le général Coste, commandant supé-
rieur de la défense du camp retranché de Pa-
ris.
LA VIE DE PARIS
L'accession de M. Casimir-Perier à la
présidence de la République a donné lieu
à beaucoup de commentaires politiques et
sérieux, ce qui était bien naturel. Elle a
également donné prétexte à des repor-
tages effrénés et d-lIne minutie un peu ri-
dicule. On nous a dit comment le nouveau
président habillait ses domestiquas, com-
ment il se vêtait lui-même, qùeHes cra-
vates il affectionnait, et le goût qu'il a
pour, les cols rabattus, de préférence aux
cols droits, a été,nori seulement signalé,
mais débattu comme s'il s'agissait d'une
affaire d'Eta.
La France n'ajpas entendu le conseil de
Dantoiyt eUe ne s'est guère guérie du goût
des individus. La curiosité des person-
nesna fait que croître et embellir, puérile
et superstitieuse, avec un parfum persis-
tant d'adulation monarchique. L'âme cour-
tisanesque du marquis de Dangeau s'est
répandue, éparse, dans l'âme de publicis-
tes complaisants, un peu niais, ou un peu
indiscrets. Ce n'est pas la première fois
qu'on en peut faire laremarque : car tout
ce qu'on nous dit d'inutilevsur le nouveau
président, on nous l'avait dit déjà sur le
général Boulanger et sur bien d'autres.
Ce qui me paraît beaucoup plus intéres-
sant à connaître que la forme des cols du
nouveau chef de l'Etat, ce sont les idées:
qu'il a, surtout sur les matières où il lui
'appartient, par sa charge, de les faire pré-i
valoir. A ce titre, je remarque la nouvelle
donnée de l'exécution, à, Limoges, de l'as-
sassin Bouchareichas. Cet assassin, do-
mestique chez un M. Hervy, avait tué son
maître pour le voler. C'est donc un crimi-
nel, je le reconnais, qui ne saurait béné-
ficier de l'intérêt, allant parfois jusqu'à la
sympathie, qu'on a souvent pour les cri-
minels qui agissent sous l'empire d'une
passion tenue pour noble, amour, jalousie,
vengeance.
Puis cet assassin, condamné une pre-
mière fois par la cour d'assises de Limo-
ges, avait vu l'arrêt réformé en cassation
et avait été renvoyé devant la cour d'as-
sises de Tulle, qui l'avait également con-
damné. Il avait donc, au bas mot, passé
pendant six mois par des alternatives
d'angoisse et d'espérance. Ceci, par la
faute de la justice, un vice de forme ayant
été relevé au cours du procès.
Peut-être, en cas pareil, la justice au-
rait-elle le devoir de tenir quelque compte
de ses propres erreurs. Et puis ce Boucha-
reichas a à peine dix-sept ans. Néan-
moins, on a envoyé M. Deibler couper le
cou à cet enfant. Nous en devons conclure
que, comme M. Carnot, du reste, et le
maréchal de Mac-Mahon, à l'oppositede
Grévy, de Napoléon III et de Louis-Phi-
lippe, M. Casimir-Perier est partisan de la
peine de mort sans tempérament ni atté-
nuation.
Dans ma jeunesse, j'ai été violemment
opposé à la peine de mort, et je frémissais
d'indignation quand je lisais le récit d'une
exécution. Je poussais si loin cette horreur
de la peine de mort qu'avec le bel empor-
tement et le bel illogisme qu'on a à vingt
ans, je cherchai querelle à un mien cou-
sin, voulant à toute force me battre avec
lui et l'embrocher parce que, procureur
impérial, il avait obtenu la tête d'un fort
gredin et s'en montrait content devant moi.
Je suis beaucoup plus calme aujour-
d'hui sur cette question et sur beaucoup
d'autres. La vie assagit ou amollit. Et
puis, j'ai vu la guerre, les épidémies, les
accidents.
Quand, on a vu tomber par centaines et
par milliers les soldats, parfois pour des
querelles qui ne les regardent pas; quand
on a assisté, dans les hôpitaux, à ces épi-
démies qui fauchent les malades et, avec
eux, les médecins qui se dévouent pour
les soigner; quand on lit tous les jours le
récit des morts que cause la nécessité du
travail, on est un peu moins tendre à s'a-
pitoyer sur le sort d'un gredin.
L'appareil de la justice, la mise en mou-
vement de deux ou trois cents personnes
pour couper le col à un seul individu, ficelé,
apporté là comme un bœuf àl'abatoir, sera
toujours un assez vilain spectacle. Mais
enfin, je me sensibilise moins que jadis, et
il se peut que les partisans de la peine de
mort aient de bonnes raisons à faire va-
loir. La question, en tout cas, est devenue
secondaire dans mon esprit. Il est plus in-
téressànt de songer aux braves gens qui
meurent de faim qu'aux escarpes qu'on
« raccourcit ».
Ici, cependant, une émotion me prend,
à, apprendre l'âge du supplicié. Dix-sept
ans, c est, surtout pour un mettre, pour
une brute, tranchons le mot, comme pa-
raît avoir été ce domestique campagnard,
c'est l'enfance. En toute espèce de cas, les
actes d'un garçon de seize ans et demi trou-
vent une excuse dans son âge. Dans les
familles bourgeoises, où cependant l'édu-
cation soignée et le milieu -de moralité
ambiante développent hâtivement le sen-
timent de la responsabilité, lorsqu'un
jeune homme de pareil âge commet
quelque faute, on se hâte de l'excuser.
On admet que, s'il s'agit d'une impru-
dence, il faut la mettre au compte de l'inex-
périence de la vie, et que, s'il s'agit de
quelque chose de plus, l'équité veut qu'on
fasse la part des passions et des entraîne-
ments de la jeunesse. On a raison. Mais
si la société fait bien d'avoir de l'indul-
gence pour des êtres jeunes et protégés,
la justice ne devrait-elle pas avoir de la
pitié pour des êtres jeunes et que la so-
ciété n'a protégés en aucune manière?
Nous avons vu et nous voyons chaque
jour disparaître une à une les disciplines
qui maintenaient la jeunesse, lui appre-
naient la résignation, l'indispensable vertu
des misérables. Quand un de ceux-ci de-
vient criminel, la société n'a-t-elle rien à
se reprocher? Je ne sais pas du tout l'his-
toire de ce Bouchareichas. Mais je sais celle
d'un tas de pauvres enfants, à demi édu-
qués, moralement abandonnés, livrés à des
séductions de tout genre, à des appétits
brutaux que rien ne combat, que rien ne
compense.
Le nombre de ceux qui deviennent cri-
minels augmente, je le sais. On croit
qu'on arrêtera le mal par des rigueurs qui
vont jusqu'à prendre tournure de cruauté.
Je crois qu'on se trompe et j'arrive à me
demander même si, en certains cas, cette
rigueur est légitime.
Henry Fouquier.
LE DOYEN DES AVOCATS
(DB NOTRB COBRMPOHDANT PARTICULIER"*
Berlin, 2 août.
Le doyen des avocats de l'Allemagne et
peut-être de l'Europe vient de célébrer son
centième anniversaire. C'est M. Karl Steg-
mann, né le 31 juillet 1794 à Luenebourg et
inscrit au barreau de Hanovre depuis 1818.
M. Stegmann n'a cessé de travailler dans
son étude que depuis un an.
Il occupe depuis 1826 toujours le même
appartement dans la Verser-Strasse.
MORT D'UNE CENTENAIRE A PARIS
Mme veuve Girault, née Jeannne Julie Baille,
vient de mourir à Paris dans le logement qu'elle
occupait depuis cinquante ans rue baint-Honoré,
numéro 125.
Depuis deux ans, Mme Girault, qui avait con-
servé toutes ses facultés jusqu'au dernier moment,
ne sortait plus.
ARRESTATION DE DEUX FRANÇAIS
AU PAYS MESSIN
Deux honorables habitants de Semur,
dans la Côte-d'Or, MM. Alary ière et fils, ce-
lui-ci voyageur pour le compte d'une des
principales maisons de commerce de la ville,
etaient partis faire un voyage circulaire du
côté de notre frontière de l'Est..
Ces jours-ci ils étaient à Metz. M. Alary
père ayant des frères établis dans la région,
les deux touristes prirent une voiture pour se
rendre dans la campagne messine. Ils con-
vinrent un prix pour la course avec le cocher,
la taxe n'existant pas au-delà des remparts de
la ville.
Malheureusement, ayant gardé la voiture
au repos, ils négligèrent de convenir d'un se-
cond prix pour ce laps de temps. Aussi ne fu-
rent-ils pas peu étonnés lorsque le cocher leur
réclama 35 francs pour le temps de l'arrêt.
Devant leurs récriminations, le cocher devenu
arrogant réclama successivement alors 40, 45
puis finalement 50 francs.
De plus en plus furieux, les voyageurs re-
fusèrent naturellement de payer. Ce que
voyant, l'automédon héla deux gendarmes
allemands que le bruit de lia scène avait at-
tirés.
« — Vous voyez, leur dit-il, ces deux par-
ticuliers, des Français. Eh bien ! ce sont des
espions. Ils m'ont commandé d'approcher des
forts le plus près possible, et ils les ont atten-
tivement examines à l'aide d'une lorgnette. »
N L'accusation était inepte, mais elle eut par-
faitement prise sur le cerveau épais des Alle-
mands, qui arrêtèrent nos deux compatriotes
et les conduisirent au poste où ils passèrent
isolément la nuit.
Ce ne fut que le lendemain qu'ils furent re-
mis en liberté, sur l'ordre du kreisdirector.
LES DICORiTIONS DU 14 JUILLET
Sur la proposition du ministre des travaux
publics, sont promus ou nommés dans l'or-
dre national de la Légion d'honneur :
Commandeurs
MM.
Doniol, inspecteur général des ponts et chaus-
sées, directeur du personnel et de la comptabilité
au ministère des travaux publics.
Rousseau (Armand), inspecteur général des
ponts et chaussées, conseiller d'Etat.
Officiers
MM.
Lorieux (Théodore), inspecteur général des ponts
et chaussées.
Fontaine, ingénieur en chef des ponts et chaus-
sées.
Keller, ingénieur en chef des mines.
Chevaliers
MM.
Lenoir, chef de bureau à l'administration cen-
trale.
Salle, ingénieur des ponts et chaussées.
Michut, ingénieur des ponts et chaussées.
Babinet, ingénieur des ponts et chaussées.
Rolland de Ravel, ingénieur des ponts et chaus-
sées.
Clavel, ingénieur des ponts et chaussés.
Leloutre, ingénieur des ponts et chaussées.
Monet, ingénieur des ponts et chaussées.
Dardenne, ingénieur des ponts et chaussées.
Devos, ingénieur des ponts et chaussées.
Mauris, ingénieur des pcnts et chaussées.
Daudé, sous-ingénieur des ponts et chaussées.
Bosramier,1 conducteur principal des ponts et
chaussées. -
Debacker, conducteur principal des ponts et
chaussées.
GheSneau, ingénieur des mines.
Walckenaer, ingénieur des mines.
Bourdon, contrôleur principal des mjnes.
Chancel, architecte des bâtiments civils.
Batigny, architecte des bâtiments civils.
Roux, architecte des bâtiments civils.
Landry, chef des travaux du garde-meuble na-
tional.
Libaudière, chef du service commercial de la
Compagnie des chemins de fer du Midi.
Dunnett, architecte de la Compagnie du chemin
de fer du Nord.
Grand, directeur des mines d'Albi.
Heilmann, ingénieur civil.
M. DEBS ET LES GRÈVES
Chicago. 2 août. -
M. Debs, le promoteur de la dernière grève des
chemins de fer, déclare qu'il ne se mêlera plus de
grèves. La dernière grève a produit, dit-il, un sen-
timent hostile, et le gouvernement est prêt à les
réprimer à la pointe de la baïonnette.
M. Debs déclare aux ouvriers que le remède qui
leur reste est le bulletin de vote.. -
CASERIO
L'ANARCHISTE-ASSASSIN DEVANT
LA COUR D'ASSISES
Coup d'œil sur Lyon. — Autour du Pa-
lais de Justice. — Le saint Jean-Bap-
tiste des processions. — Le drame
du 24 juin. — Les réponses
de l'Italien.
(Par dépêche de notre envoyé spécial)
Lyon, 2 août.
Il y a exactement quarante jours que, dans
cette même ville de Lyon alors en fête, le pré-
sident Carnot sortait, acclamé, d'un palais
municipal, allant au-devant d'une mort con-
tre laquelle il a été si peu protégé. Aujour-
d'hui, dans un autre palais, une sorte de
grande chapelle de justice, défendue comme
pour un siège que nul ne tente, c'est l'assassin
qu'on amène pour être jugé.
La population lyonnaise, qui fut particuliè-
rement surexcitée au lendemain de l'attentat,
a repris son calme ; on la dirait indifférente
à ce procès, dernier épilogue, chez elle, du
drame du 24 juin. Les jurés qu'elle a fournis,
presque tous hommes d'âge, sont d'aspect pa-
cifique, et les anneaux d'or qui brillent aux
lobes des oreilles de l'un d'eux soulignent ce
que nos jurés de province conservent de
« vieille France ».
Chacun de ces douze juges, dont les noms
seront conservés par l'histoire, a voulu tenir
dans ses mains le poignard de l'assassin : une
arme habillée de clinquant portant un faux
cachet espagnol et qui fut trempée par un ar-
murier auvergnat.
L'interrogatoire de Caserio, qu'on va lire,
a occupé toute la matinée. Ce n'est point la
faute de M. le conseiller Breuillac, président
de la cour, si cet interrogatoire est resté un
peu morne. L'interprète choisi se conformait
mal à son rôle qui est de traduire servilement
questions et réponses. Quoique comprenant
assez bien le français, Caserio a eu trop sou-
vent, comme l'exercice du téléphone nous a
appris à le dire, sa communication avec le
président coupée.
Souriant, d'un air doux, qui contraste vio-
lemmentavec son acte, Santo Caserio jusqu'ici
ne « pose » pas devant le jury. Nous le ver-
rons au moment de la lecture de son factum,
du fameux factum promis, qui sera une fail-
lite pour ceux qui attendraient des révélations
sensationnelles. Apparaîtra sans doute à ce
moment l'illumine, le fanatique, mais en
dehors de sa mimique expressive, l'assassin
de M. Carnot n'a pas de grande originalité
propre. Avec lui, nous sommes loin des Ita-
liens des toiles de Léopold Robert, des « pif-
ferari » chers à nos peintres du boulevard
Malesherbes. Figurez-vous plutôt un de ces
braves garçons qui, quand l'heure de l'appel
sonne, déambulent vers les casernes, leur va-
lise de carton à la main. Déjà, ils se sont fait
tondre la chevelure jusqu'au cuir ; un imper-
ceptible duvet ombre leur lèvre ; solidement
bâtis, charpentiers et mitrons jettent comme
un regard de commisération sur les pitoyables
gavroches que la corvée englobe avec eux.
Caserio est un gars semblable à tous les
autres. Quand il est entré avec sa casquette
blanche sur la tête, il a donné l'impression
d'un ouvrier qu'un verre de trop a placé entre
deux gendarmes. Mais anarchiste 1 assassin
d'un président 1 Dieu certes non !
DE LA PRISON AU PALAIS
DE JUSTICE
Caserio a été transporté de la prison Saint-
Paul au Palais de Justice ce matin à quatre
heures et demie. Un peloton de gendarmes,
accompagnait, sabre au clair, la voiture cel-
lulaire.
Le trajet s'est accompli sans le moindre in-
cident.
Nous pouvons à <;e propos démentir le
bruit, répandu hier soir, qu'une tentative
avait été dirigée contre une voiture cellulaire
par des individus armés.
Le Palais de Justice où vont se dérouler les
débats de ce procès célèbre est situé au pied
même de la ravissante colline où s'élève l'é-
glise de Notre-Dame de Fourvières.
Sa façade, tournée vers la rive droite de la
Saône, consiste en une majestueuse colonnade
corinthienne comprenant 24 colonnes portées
sur un soubassement en pierre de taille.
Ce monument fut construit en 1835 par Bal-
tard sur l'emplacement qu'occupait autrefois
le palais de Roanne, ainsi nommé des comtes
de Forez et de Roanne qui y avaient résidé
et fait rendre la justice en leur nom avant la
domination des archevêques.
La salle des Pas-Perdus avec ses coupoles
et ses bas-reliefs est d'un caractère grandiose.
Quant à la salle des assises, où furent jugés
en 1883 les anarchistes à la tête desquels se
trouvait Kropotkine, elle est haute, mais de
petites dimensions.
Avec les cent et quelques journalistes venus
de tous les points de la France et de l'étranger,
il ne reste plus grande place pour le public
proprement dit. Celui-ci, en effet, en dehors
des trente témoins cités et des nombreux
agents de la sûreté disséminés dans la salle,
n'occupe qu'un très petit nombre de sièges.
Les murs et le plafond sont recouverts de
soie rouge et blanche dont le temps a terni la
couleur ; on remarque surtout son pourtour de
colonnes à chapiteaux en marbre blanc fine-
ment ouvragés dans le goût de la Restaura-
tion. La salle est terminée par une sorte de
rotonde qui abrite les magistrats et au-dessus
de laouelle on aperçoit un superbe christ du
peintre Bonnefond. - -
Un agencement spécial a été opéré ; on a
supprimé la table des pièces à conviction
afin de gagner quelques places. D'ailleurs,
dans ce procès, cette table n'eût été d'aucue
utilité. En effet, déférant aux pieux désirs de
Mme Carnot, la justice n'a pas fait figurer
les vêtements que portait M. Carnot le jour
de l'attentat. Seul, le poignard de l'assassin
sera représenté au jury, ainsi qu'un dessin
du landau dans lequel fut frappé le regretté
président.
A signaler également la modification sui-
vante :
D'ordinaire, les accusés prennent place
dans leur banc situé en face du jury, en tra-
versant les rangs de la foule. Il n'en a pas
été ainsi aujourd'hui : c'est de la salle où,
d'habitude, les accusés attendent que lever-
dict soit prononcé, que Caserio a été directe-
ment introduit devant ses juges.
LES MESURES D'ORDRE
C'est à neuf heures du matin que Caserio
comparait devant la cour d'assises. Nous ne
reviendrons pas sur les mesures d'ordre qui
ont été prises, nous les avons déjà minutieu-
sement décrites.
En plus du bataillon d'infanterie chargé
d entourer le Palais de Justice, une compa-
gnie entière de gardiens de la paix se tient
dans la salle des Pas-Perdus. Les agents de
la Sûreté sont disséminée autour du Palais
et s'occupent surtout de la surveillance des
anarchistes.
L'assassin a été conduit dans la petite salle
affectée aux détenus, séparée de la salle d'au-
dience par un couloir.
C'est là qu'il a déjeuné, gardé par une forte
escouade de gendarmes.
Les anaiichistes ne bougent pas ; ils évitenf
même en public de parler et de commenter le
crime.
Hier, on a arrêté un individu venant d'une
ville du Midi. Il avait été signalé par le com-
missariat spécial de Valence comme ayant
tenu des propos menaçants.
Il s'était dit envoyé par un groupe de com-
pagnons pour faire sauter le Palais.
Arrêté à la descente du train, il a été em-
mené au Dépôt.
La prise ne serait guère sérieuse, car cet in-
dividu est plutôt un alcoolique qu'un anar-
chiste. Il était ivre à ne pas tenir debout quand
il a prononcé les paroles qu'on lui attribue et
que, lui, nie formellement.
Néanmoins on le conserve jusqu'à plus am-
ple information.
Caserio, qui était resté très calme jusqu'à
présent, commence à devenir plus nerveux. Il
est entré dans une violente colère lorsqu'il a
appris que l'avocat Podreider avait eu. à un
moment donné, l'intention de soutenir devant
le jury que lui, Caserio, était fou et que la fo-
lie était héréditaire dans sa famille.
On n'ignore pas en effet que l'avocat Po-
dreider voulait plaider la folie. Il avait même
l'intention d'amener à Lyon une troupe d'a-
liénistes, de médecins et même de garçons
d'infirmerie d'hôpitaux italiens.
Ces messieurs devaient venir certifier que
Caserio était fou parce que son père était
épileptique ; mais l'accuse n'a pas adopté ce
genre de défense : il a déclaré à son défen-
seur, Me Dubreuil, qu'il voulait qu'on plaidât
« l'idéal anarchique ».
Voici, d'ailleurs, la lettre que Caserio a
écrite à Me Podreider à ce sujet :
« Illustrissimo signor avocata Podreider,
» Ayant lu votre dernier télégramme, je voufc
réponds que je ne veux pas que vous fassiez exa-
miner ma chère mère et mes frères pour les faire
passer pour fous. Ils n'ont jamais été fous et le
sont encore moins aujourd'hui,et moi-même je n'ai
jamais été fou autrefois, comme aujourd'hui dans
ce moment où je me trouve en prison je ne le suis
pas.
Si j'ai tué le président de la République, ce
n'est pas parce que je suis fou, mais pour men
idéal anarchiste. Ai-je reçu de vous une défense
qui corresponde à cette idéal anarchiste ? Non.
Je vous salue.
» CASERIO SANTO.
» Prison de Lyon, 27 juillet 1894. »
Les abords du Palais sont gardés par un
bataillon du 98e régiment de ligne, dont les
soldats entourent, l'arme au pied, le vaste
quadrilatère formé par le monument.
Les ponts conduisant au Palais sont barrés
par des piquets de soldats et des gardiens de
la paix.
Les curieux, massés le long du parapet des
quais, sont relativement peu nombreux et
surtout très paisibles. Aucun incident ne se
produit pendant l'entrée à la cour d'assises,
dont la salle est rapidement envahie par les
privilégiés.
Ce n'est qu'après avoir exhibé leur cartes à
cinq ou six reprises différentes, que les jour-
nalistes peuvent enfin gagner leurs places.
C'est un entassement inouï : il y a là plus de
cent représentants de journaux, serrés les
uns contre les autres, pouvant à peine se
mouvoir.
Dans la haute tribune située au fond de la
salle, on aperçoit un essaim de jolies femmes
jouant déjà de l'éventail; la chaleur en effet
est accablante ; au dehors brille un soleil ra-
dieux.
L'AUDIENCE EST OUVERTE
L'audience est ouverte à 9 h. Ij4.
C'est M. le conseiller Breuillac qui préside
les débats, assisté des conseillers Ducros et
Davenière. Un assesseur suppléant et deux
jurés sont adjoints, vu la longueur présumée
des débats.
M. le procureur général Fochier occupe le
siège en personne.
— Gendarmes, faites entrer l'accusé, dit le
président.
Un vif mouvement de curiosité se produit
aussitôt ; tous les regards se tournent vers la
porte qui va livrer passage à l'anarchiste.
Le cabriolet attaché aux poignets, tenu par
deux gendarmes et suivi de quatre autres
dont un brigadier, Caserio pénètre dans le
banc qui lui est réservé. C'est un jeune
homme, presque un enfant, de taille plutôt
petite ; le tête, aux cheveux châtain foncé, est
ovale, les yeux sont vifs ; la figure imberbe
de l'accuse donne à l'ensemble de sa physio-
nomie un air de douceur qui contraste dou-
loureusement avec l'horrible crime dont il a
à répondre aujourd'hui devant le jury.
Caserio est proprement vêtu d'un pantalon
et d'un gilet gris, d'un veston de couleur jaune
sale. La chemise est blanche, à col rabattu.
Une cravate grise, dite régate, entoure son
cou.
Mc Dubreuil, bâtonnier de l'ordre des avo-
cats du barreau de Lyon, assiste l'accusé
Mo Podreider, l'avocat milanais, n'est point
venu prêter le concours de sa parole a son
compatriote. Un interprète, M. de Gcneval,
professeur de langues étrangères à l'Ecole de
commerce, est désigné par la cour pour servir
d'interprète.
Le président, s'adressant à l'accusé :
— Vous vous appelez Caserio Santo Jero-
nimo. Vous êtes ne à Motta-Visconti, dans la
province de Milan, le 20 septembre 1873 ?
R. (D'une voix douce). — Oui Monsieur.
Le président. — C'est bien. Asseyez-vous;
vous allez entendre les charges qui sont por- ,.
tées contre vous.
L'ACTE D'ACCUSATION
Le greffier en chef, assisté de M. Mathieu,
greffier des assises, donne lecture de l'acte
d'accusation qui est ainsi conçu :
Dans la poiréç du £ 4 juin; au milieu des êtOi
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