Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-07-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 juillet 1894 30 juillet 1894
Description : 1894/07/30 (A24,N8232). 1894/07/30 (A24,N8232).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. — N° 8,232
LE NUMÉRO CINQ CENTIMES
LUNDI 30 JUILLET i894
JU -,
IIÉDACTION ET-ADMIMISTRATIOW -
142, Rue Montmartré
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A.-EDOUARD PORTALIS
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jourd'hui, des « abonnements de villégia-
ture » à raison de :
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L'INTERPRETATION
La Chambre, qui n'avait pu, faute de
temps, disait-on, prendre en considéra-
tion et étudier dans ses détails le projet
d'organisation de l'impôt sur le revenu,
a trouvé quatorze séances à consacrer à
la discussion et au vote de la loi impro-
prement appelée loi sur les menées anar-
chistes.
Le Sénat, qui pousse des gémisse-
ments à fendre l'âme lorsqu'on lui en-
voie trop tard la loi annuelle de finan-
ces, et qui n'a pas assez de sept ou huit
années pour mettre sur pied une loi
sociale, telle que la loi sur les accidents,
a expédié, en quatre heures, le vote
d'une loi qui bouleverse les principes
élémentaires de notre droit.
Ces constatations faites — et il n'é-
tait pas sans intérêt de les faire; on
pourra le cas échéant les rappeler —
nous voici donc en présence de la loi
nouvelle.
La parole est aux tribunaux et à leurs
interprétations.
Quelle que soit la loi, la jurispru-
dence présente toujours un intérêt con-
sidérable. Quand la cour de cassation
a parlé, lorsque surtout elle a maintenu
à deux ou trois reprises son interpré-
tation première, les textes n'ont plus
qu'un intérêt purement théorique.
Il est encore permis de disserter sur
eux, à l'Ecole, et d'édifier sur leur base
des systèmes plus ou moins ingénieux.
Mais, dans la pratique, devant les tri-
bunaux, on ne discute plus. Magister
dixit.
C'est grâce à ce pouvoir exorbitant
manié par des mains expertes que la
loi sur la liberté de la presse de 1881 est
devenue, sous l'action incessante et
suivie de la cour suprême, aussi res-
trictive, aussi illibérale qu'il était pos-
sible. Les intentions du législateur ont
été ouvertement méconnues sur nombre
de points fort graves.
Aussi n'est-ce pas sans un scepticisme
empreint de quelque mélancolie que les
vieux routiers du Palais ont pu lire dans
le compte rendu de la séance du Sénat,
où a été discutée la loi Dupuy-Guérin,
cette affirmation vraiment phénomé-
nale qu'a hardiment lancée le rappor-
teur, M. Trarieux, un avocat cependant :
c C'est certainement dans l'esprit de la
loi: c'est donc dans la loi ! »
La pensée qui attise nos craintes à
propos de l'application de cette loi nou-
velle, c'est que jamais champ plus
large n'aura été laissé à la jurispru-
dence.
Un sénateur très modéré, qui est
d'une famille de robe, qui fut lui-même
magistrat, M. Bérenger, disait formel-
lement : « Le texte de la loi permet la
o poursuite du fait isolé surpris à l'in-
j timité d'une conversation secrète,
» presque sans témoins ou devant un
9 seul témoin ! Eh bien, je le déclare,
» permettre une telle invasion dans la
» vie privée, saisir ainsi la pensée ex-
D primée à huis clos, c'est atteindre ce
» qu'on a considéré jusqu'à présent
» comme devant , rester inviolable; je
» ne puis, je le répète, voter une dis-
ir position semblable. »
Et, pour rassùrer M. Bérenger, notre
garde des sceaux ne trouvait rien de
lliieux à lui diry que protester qu'il n'a-
vait pas voulu *âe telles conséquences.
Il faudra, disait-il, pour qu'une pre-
mière condamnation intervienne et
qu'après une seconde la relégation soit
possible, il faudra qu'il y ait eu ou apo-
logie ou provocation.
A merveille, mais devant la Chambre
le même garde des sceaux déclarait, au
milieu des rires et des exclamations,
qu'une chanson chantée à table pou-
vait constituer soit une provocation soit
une apologie, et envoyer le chanteur en
cellule d'abord, à Cayenne ensuite.
Entre ces deux interprétations, qui
choisira ? La jurisprudence souveraine,
autrement dit la volonté arbitraire des
cours et tribunaux.
J'ai cité un exemple. On pourrait trou-
ver vingt autres cas dans le texte et la
discussion de la loi.
Si les citons ne sont pas rassw-éet
le monde du Palais peut se Irotter les
mains. On lui a mis du pain sur la plan-
che.
A. Millerand.
« TOUTÉE Il »
La nomination de M. Couturier à la prési-
dence de la 9e chambra correctionnelle — où
seront déférés les délits visés par la nouvelle
loi sur les menées anarchistes — est presque
définitive.
Aussi, au Palais, où tous les magistrats
d'importance ont un sobriquet, désigne-t-on
dès maintenant M. Couturier, dont les ami-
tiés et les tendances juridiques sont connues,
sous le nom de « Toutée II », comme on eût
dit « d'Aguesseau II » si, d'Aguesseau avait
eu un successeur ou un émule.
UN DESSINATEUR QUI S'EXILE
Un dessinateur de grand talent, M. Stein-
lein, qui collaborait au Gil Blas illustré de-
puis longtemps et faisait dans un journal so-
cialiste, le Chambard, sous un pseudonyme,
les copositions illustrant la première page,
vient de quitter la France, inquiété par la
nouvelle loi.
Suisse d'origine, M. Steinlein avait reçu, il
y a quelques jours, un avis officieux le pré-
venant qu'il serait immédiatement arrêté,
poursuivi et expulsé, s'il continuait à collabo-
rer au journal socialiste.
Il a pris peur et a mis volontairement la
frontière entre lui et le gouvernement de la
République française.
ACQUITTEMENT DES ACCUSÉS
Du procès de la Banque romaine
Rome, 28 juillet.
Le procès de la Banque romaine est enfin ter-
miné.
Tous les accusés sont acquittés.
Le président les fait mettre aussitôt en liberté.
Ils sont embrassés par leurs amis et applaudis par
la foule.
H. Tanlongo, en rentrant chez lui, est applaudi
par environ 500 personnes.
Selon le Bon Chisciotte, il serait question de
commencer, dès maintenant le procès sur la sous-
traction des documents relatifs au procès de la
Banque romaine.
MM. Felzani, ancien chef de la police de Rome,
Maynetti, inspecteur de police, le juge Capriolo,
l'ancien président du conseil Giolitti et l'ancien
sous-secretaire d'Etat à l'intérieur Rosano seraient
compris dans l'enquête.
NOUVELLE MUTILATION
DU BOIS DE BOULOGNE
Bientôt on ne sera plus admis dans le bois de
Boulogne que si l'on fait partie du Jockey-
Club et de l'Epatant ou si on prend en en-
trant l'engagement d'aller engraisser de ses
économies la cagnotte du pari mutuel.
Jusqu'ici le beau champ de courses de
Longchamps était entouré pendant la durée
des courses d'une légère haie en lattes qu'on
enlevait aussitôt la saison des courses finie,
de telle sorte qu'après la fermeture du mu-
tuel cette partie du Bois reprenait du moins
son aspect habituel.
Voici maintenant qu'on entoure tout le
champ de courses de Longchamps d'un affreux-
grillage maintenu par de grosses barres de
fer scellées dans des pierres apportées exprès.
Ce grillage, deux fois plus haut au moins
que les anciennes haies, est placé à titre défi-
nitif. On ne l'enlèvera plus jamais. Il est de
l'effet le plus lamentable. Le champ de courses
va avoir l'air du jardin d'une maison péni-
tentiaire ou d'un parc à bêtes féroces.
Est-ce que les conseillers municipaux, est-ce
que les électeurs ne finiront pas par se révol-
ter contre toutes ces mutilations de la plus
belle promenade parisienne? Chaque jour on
nous vole un morceau de notre Bois. On nous
a volé l'emplacement du tir au pigeon où l'on
ne peut pénétrer que si on fait partie des
clubs les plus select, on nous a volé l'empla-
cement du polo pour faire plaisir à une petite
bande de jeunes gommeux.
On a supprimé la plus jolie allée du Bois en
fermant aux promeneurs le champ de courses
d'Auteuil pour permettre au prince de Sagan
-d'y faire paître les vaches de sa laiterie, et
voici maintenant qu'on entoure d'une grille
en fer l'immense pelouse du champ de courses
de Longchamps, et les bosquets environnants
où se trouvaient les plus jolis coins du Bois.
Où s'arrêtera-t-on ? Le bois de Boulogne,
dont on paraît de plus en plus vouloir réser-
ver l'usage à quelques particuliers huppés, est
pourtant entretenu avec l'argent de tout le
monde.
AU SOUDAN
M. Delcassé, ministre des colonies, a reçu la dé-
pêche suivante du gouverneur du Soudan.
Kayes, 27 juillet 1894.
A la suite d'un engagement entre les trou-
pes d'Aguibou, roi du Macina, notre protégé,
et les gens d'Ali-Kali, roi du Bossé, le capi-
taine Nigote, résident de Bandiagara, avait
cru devoir se porter au secours d'Aguibou.
Comme ses forces n'étaient pas suffisantes
pour venir à bout d'Ali-Kali, le commandant
Quiquandon, chef du cercle, marcha rapide-
ment avec une colonne sur le tata d'Ali-Kali
et le détruisit.
Le roi du Bossé a été tué dans cette affaire,
qui a été chaude.
La colonne est rentrée le 12 à Djenné.
Vous recevrez par le paquebot qui part de
Dakar le 21 le rapport qui m'a été adressé
sur cette affaire.
D'autre part, l'agence Havas nous transmet la
dépêche suivante :
"t'VV"" ---. --.- - Saint-Louis, 28 juillet.
Le capitaine Nigote, commandant à Bandia-
gara, ayant attaqué sans ordre le village de
Bossé, à deux cents kilomètres au sud de
Bandiagara, a subi un échec.
M. Quiquandon, commandant du Ségou, y
a envoyé aussitôt toutes ses forces disponi-
bles, soit dix officiers, dont deux médecins,
vingt Européens, deux cent soixante tirail-
leurs, deux pièces de quatre-vingt, sous le
commandement du capitaine Bonacorsi.
Ce dernier fit diligence, attaqua le 1er juillet
Bossé, résidence d'Ali-Rali, marabout qui prê-
chait la guerre sainte et qui avait infligé
un échec au capitaine Nigote. Les assiégés
firent une résistance énergique. Le marabout
fut tué sabre en main avec 500 des siens.
De notre côté, 1 Européen et 8 tirailleurs
ont été tués et 6 officiers, 15 soldats euro-
péens et 128 tirailleurs ont été blessés.
Les troupes ont montré un courage inouï.
FRANÇAIS PRISONNIERS DE BRIGANDS
Rome, 27 juillet
Une dépêche de Sassari annonce que mercredi,
à Seulo, province de Cagliari, sept individus se
sont emparés de deux commerçants français aux
environs du mont Cresia, et qu'ils les ont séques-
trés.
FIN DE SESSION
LE PARLEMENT EN VACANCES
Dernière-séance des Chambres. — Incidents
> divers au Palais-Bourbon
Le décret du président de la République
portant clôture de la session ordinaire de
1894 a été lu hier au Sénat et à la Chambre.
Voilà maintenant le Parlement en vacances
jusqu'à la fin du mois d'octobre sans doute.
Au Sénat, cette dernière séance n'a duré
que quelques minutes: le temps de valider
M. de Lamarzelle, récemment élu dans le Mor-
bihan, et de voter quelques crédits supplé-
mentaires. Le décret de clôture a ensuite été
lu par le garde des sceaux M. Guérin.
A la Chambre, il y a eu encore quelque ta-
page avant la séparation.
M. le président Burdeau a d'abord rendu
compte de l'enquête à laquelle il a été procédé à
l'effet d'établir comment la majorité de quaran-
te-deux voix, primitivement annoncée comme
s'étant prononcée contre le fameux amende-
ment Jaurès relatif aux tripotages des hom-
mes publics, comment cette majorité, disons-
nous, avait fondu, fondu, au point de se
trouver réduite à six voix.
En somme, le déchet que le pointage a fait
subir..:..a. total des bulletins bleus — les bulle-
tins bleus sont, on le sait, les bulletins contre,
c'est-à-dire, au cas particulier, les bulletins
hostiles à l'amendement Jaurès - ce déchet
est dû d'abord à ce que les secrétaires avaient
compté trop de ces bulletins bleus, puis à ce
qu'on a découvert plusieurs de ces bulletins
bleus déposés en double, c'est-à-dire que cer-
tains députés s'étaient trouvés, de leur fait ou
du fait d'autrui, aypirjvQté deux fois, contre
l'amendement; enfin à ce qu'on avait fait
voter, toujours contre l'amendement,bien en-
tendu, des députés pourtant absents en vertu
de congés réguliers.
Il faut bien reconnaître qu'à la Chambre la
plupart des scrutins donnent lieu à de pareils
maquignonnages. Le bureau, pour en empê-
cher le retour, a proposé hier un certain nom-
bre de mesures :
M. le président. — Le bureau estime qu'il
convient, pour assurer la stricte observance du
règlement :
1° De prier nos collègues de ne pas monter au
bureau des secrétaires pendant l'opération du dé-
pouillement des scrutins, afin quo le comptage des
bulletins ne soit ni retardé ni troublé ;
2° De transporter tous les scrutins, même
ceux où la majorité paraît considérable, dans
la boite close qui sert aux scrutins soumis à poin-
tage ;
3° De tenir fermée la salle des procès-verbaux
tant que les employés de ce service procèdent au
pointage d'un scrutin ;
4° De décider qu'à partir du moment où le prési-
dent aura proclamé la clôture d'un scrutin, il ne
pourra plus être recu aucun bulletin ni par les
secrétaires, ni par la présidence, ni par lo. service
des procès-verbaux.
Tout cela est bel et bon; mais s'il n'était pas
difficile de prendre ces décisions, il le sera
infiniment plus d'assurer leur application
stricte et permanente. Enfin, il faudra voir-
dans trois mois 1
En attendant, M. Rouanet est venu faire
observer, au milieu d'un certain tapage, que
le pointage du scrutin sur l'amendement
Jaurès, avait encore été suivi de diverses rec-
tifications de vote apportées à la tribune et
dont nous avons parle déjà. C'est ainsi que,
par exemple, MM, Charonnat, Boudeville,
Flourens, Le Moigne, etc., portés comme abs-
tentionnistes, sont venus declarer avoir voté
pour l'amendement. « Si bien qu'en somme, a
conclu M. Rouanet, l'amendement Jaurès se
trouve, en réalité, avoir été repoussé non pas
à six voix, mais à une voix de majorité, à
une seule voix ! Si le résultat matériel est le
même, la signification morale de ce vote ne
se trouve-t-elle pas changée ? »
L'INTERPELLATION GROUSSET
A ce moment, et pour couper court à d'au-
tres incidents qù'on sentait imminents, le
président du conseil s'est hâté d'escalader la
tribune et d'y donner lecture du décret de
clôture.
Mais cet escamotage de M. Dupuy a provo-
qué de nombreuses protestations et de vives
réclamations, lesquelles ont pu se produire
au sujet du procès-verbal de cette dernière
séance, procès-verbal que la Chambre devait
adopter avant de se séparer.
C'est ainsi que M. Paschal-Grousset, qui
avait déposé une demande d'interpellation au
sujet des révélations de M. de Cassagnac con-
cernant le complot boulangiste, s'est amère-
ment plaint du procédé qu'on avait employé
pour l'empêcher de parler :
M. Paschal Grousset. — Ce qui se passe ici
est inouï. (Exclamations à gauche et au centre.)
Jamais on n'a vu chose pareille. Jamais on n'a
vu un gouvernement refuser la parole à un ora-
teur de l'opposition. (Bruit sur un grand nombre
de bancs.)
J'ai demandé la parole pour déposer une demande
d'interpellation. Le pays saura comment on répond
à une question de ce genre. (Applaudissements à
l'extrême-gauche. )
M. le président. — Vous n'avez la parole que
sur le procès-verbal. (Vives interruptions à l'ex-
trême gauche.)
M. Vivian!, qui interrompt, est rappelé à
l'ordre.
M. Paschal Grousset. —Je constate, à l'occa-
sion du procès-verbal, un fait que je considère
comme sans précédent dans l'histoire des Parle-
ments. (Bruit à gauche et au centre.)
J'ai déposé, avant que M. le président du con-
seil ne prît la parole pour lire le décret de clôture,
une demande d'interpellatiou. Maintenant, on re-
fuse de m'entendre.
J'apporte ici une protestation. Le pays l'enten-
dra. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche.)
M. Viviani est alors venu renouveler, avec
plus de vivacité encore, les protestations de
M. Grousset. Et pendant quelques instants,
ç'a été encore un beau tapage qui nous a rap-
pelé celui des précédentes journées.
M. Viviani. - On n'avait pas le droit, avant la
lecture du décret de clôture, de faire comme si la
Chambre était en vacances.
C'est pour éviter une difficulté qui vous embar-
rassait et que vous ne vouliez pas affronter, que,
vous avez repoussé la demanda d'interpellation qui
avait été apportée ici. (Applaudissements à l'extrê-
me gauche).
M. le président du conseil. — C'est le pro-
cès-verbal ? (Bruit et interruptions sur les mêmes
bancs. )
M. Viviani. — On me demande si c'est là le
procès-verbal ! Il serait vraiment trop facile de
nous couper la parole en lisant un procès-verbal
à voix inintelligible.
Si vous êtes monté àla tribune, monsieur le pré-
stdent du conseil. - -
M. le président du conseil. — J'y suis monté
en vertu de la Constitution.
M. Viviani. — Si vous êtej monté à là tribune
pour lire le décret de clôture, c'est pour observer
le pacte que vous avez conclu avec la droite. (Vifs
applaudissements a gauche. — Bruit et et interrup-
tions au centre et à droite.)
M. le président. — N'interrompez pas, mes-
sieurs, vous voyez bien que vos interruptions font
précisément ce que désire l'orateur.
M. Viviani. — Je constate, sans rien désirer,
monsieur le président de la Chambre, répondant à
l'obstruction présidentielle qui s'est manifestée une
fois de plus dans ces débats.
M. le président. — Mon obstruction aura, en
Jollt ça#» coûté moiM ouela
vôtre. (Très bien! très bien! — Bruit à l'extrême
gauche. )
Voix au centre. — Aux voix ! aux voix!
M. Viviani. — Je conclus : Si M. le président
du conseil a pris la parole pour vous lire ce que
vous avez entendu, s'il vous a mis en vacances
quand une question lui était adressée.
,.'(. kx jpféaldent du conseil. — Encore une
fois, nous nous retrouverons, monsieur Viviani.
M. Viviani. — Je l'espère bien, mais en atten-
dant je constate que vous fuyez la discussion et
que vous vous réfugiez dans la désertion. (Applau-
dissements à gauche.)
Vous avez remarqué le ton comminatoire de
M. Dupuy : « Nous nous retrouverons, mon-
sieur Viviani ! » Est-ce déjà une menace de
relégation — maintenant que l'immunité par-
lementaire est suspendue ï
D'autres réclamations, moins bruyantes, se
sont encore produites. M. de Grandmaison a
regretté l'ajournement à la prochaine session
des projets sur les raisins secs et les mélasses
et M. Vigné d'Octon a déploré qu'on se sépa-
rât sans avoir statué sur le crédit demandé
pour secours aux mineurs de Graissessac.
Et c'est ainsi qu'après une grande demi-
heure de tapage et de criaillerie, la séance a
été levée et la session définitivement close.
Bon voyage, messieurs les députés 1
UN MANIFESTE SOCIALISTE
Les députés socialistes adressent aux élec-
teurs le manifeste suivant :
Citoyens,
La Chambre que vous avez élue pour accomplir
l'œuvre d'émancipation politique et sociale qui est
la raison d'être de la République vient de terminer
sa première année de législature.
Vous lui demandiez des réformes. Elle vous ap-
porte la loi qui est justement qualifiée la loi scé-
lérate, la loi contre la liberté individuelle !
Pendant quatorze séances, le groupe socialiste,
faisant tout son devoir, a tenu en échec cette loi de
réaction, sans qu'un membre de la majorité osât
monter à la tribune pour la soutenir.
Vous accueillerez avec le calme du dédain cette
loi qui abolit la juridiction populaire du jury, pour
donner aux tribunaux correctionnels le droit, sur
une dénonciation unique et intéressée, de pour-
suivre, de condamner à la prison, de reléguer à
Cayenne un citoyen, pour un discours, pour un
article de journal, moins encore, pour une conver-
sation, pour un chant, pour une lettre égarée,
pour un mot, pour un geste 1
Aux persécutions qu'on médite, travailleurs dé-
mocrates des villes et des champs, vous opposerez
le sang-froid d'hommes conscients de leurs droits
et décidés à déjouer tous les pièges.
Vous ne resterez pas, d'ailleurs, isolés dans cette
résistance légale.
Nous sommes avec vous.
Nous vous demandons de signaler aux députés
et aux journaux socialistes chacun des abus de
pouvoir, chacune des iniquités dont cette loi va
être le prétexte.
Ce n'est pas la honteuse coalition du panamisme
et de la réaction qui retardera dans sa marche la
démocratie socialiste.
Vive la République sociale !
Ce manifeste porte les signatures de tous
les députés du groupe socialiste.
LE MICROBE DE LA PESTE
L'inspection du service de santé du ministère des
colonies a reçu de Hong-Kong la nouvelle que le
docteur Yersin, médecin des colonies, ancien élève
de l'Institut Pasteur, aurait découvert le microbe
de la peste.
Il convient toutefois d'attendre la confirmation
de ce fait, dont l'importance scientifique est très
grande et intéresse directement l'hygiène de nos
possessions d'Extrême-Orient.
LES EXPROPRIATIONS
DE LA RUE RÉAUMUR
Hier s'est terminée la première session du
jury d'expropriation pour le prolongement de
la rue Réaumur. Voici le jugement rendu :
Expropriés Offres Allocations
Rue Thévenot, 14
Mogis et Boclet, nég.
en perles fausses. 40.000 175.000
D'Hardivillier, notaire
a1niable. 10.000 97.000
Cie du gaz (1 colonne). 500 500
Rue Thévenot, 16
Dnie Trioler, propriét.. 250.000 300.000
Dme Colas Quantin,faJJ.
de fleurs, feuillages.. 12.000 25.000
Dlle Antoine, feuillag. 600 1.500
Bourette, commiss. en
peausserie. 11.000 28.000
Aubry, fabr. de faux-
cols et manchettes.. G. 500 21.000
Bleuse, fabr. de cha-
peaux pour dames.. 10.000 29,000
Dlio Voisvenel, comre
en maroquinerie. 4.000 6.000
Louis, fabr. de chaus-
sures. 8.000 25.000
Rue Thévenot, 18
Lecarpentier, propriét. 120.000 150.000
Veuve Philippe, hôtel
meublé. 30.000 50.000
R.Thévenot,20,22,24
Dme Gaillard, propriét. 780.000 995.000
Dme Delage, brodeuse. 2.500 12.000
Lévy, md de papiers.. 30.000 70.000
Journaux d'arrondiss. 6.000 30.000
Dlie Leglaive, épicerie. 3.500 12.000
Deporte, fabr de man-
D ches de - parapluies.. 7.000 15.000
Bordeau, naturaliste.. 6.000 12.000
Cadillac, fab. de gants. 15.000 35.000
Gaillard, négociant en
tissus, amiable. 38.000 100.000
DmeTireau, lingerie.. 3.000 8.000
Coulon, bijoutier. 6.000 16.000
Michel et Cie, fleuriste 17.500 34.000
Michel et Cie, location
bourgeoise. 2.000 4.000
Hecquet, papetier en
chambre. 4.000 9.500
Aubert, constructeur.. 5.000 13.000
Zhan, md de yin. 3.500 9.000
Dme Plussard et Féli-
saz, fruiterie. 2.000 7.000
Cie du gaz (3 colonnes) 1.500 1.500
Rue Thévenot, 26
Dm Leroux, propriét. 224.000 275.000
Picy, vins et charbons 13.000 22.500
Barbe, entrepreneur de
maçonnerie 10.000 33.000
Munsch, md de vin. 6.500 15.000
Rousseau, plumassier. 21.000 75.000
Biron, laitier, amiable 2.500
Totaux.. Fr. 1.709.600 2.513.500
SOUS LES ROCHERS
Valence, 28 juillet.
Six ouvriers travaillant à la construction de la
route forestière près de Saint-Jean-Royan ont été
surpris par un eboulement de rochers au pied de
la montagne d'Echarasson.
Trois ont été tués : Colletti, père de famille,
Christo et Thomas, célibataires, et deux autres ont
été blossés légèrement.
LES AFFAIRES MAROOAINES]
Fez, 28 juillet.
L'octroi a été rétabli hier.
La population, quoique mécontente, xgtja tafr
'quille. <
CHRONIQUE
Les pauvres vieux ! Dans quel état d'es-
prit accomplissent-ils aujourd'hui leur
pèlerinage d'anciens combattants de 1830
à la colonne de Juill.et ? Ils ont été encore
quelques-uns, chargés d'années, survi-
vants des « trois-glorieuses », qui ont
porté la couronne traditionnelle sur les
grilles du monument, étonnant les pas-
sants, comme, en notre enfance, nous
étonnaient les vétérans des armées impé-
riales, ces « fantômes de l'ex-garde » qui
se réunissaient le 5 mai autour de la co-
lonne Vendôme.
En ont-ils vu, des choses, ces derniers
témoins, etleur a-t-on assez changé les pro-
cédés révolutionnaires ! A côté de tout ce
que nous avons vu depuis,leur Révolution,
si enthousiaste, cependant, semble avoir
été une Révolution à l'eau de rose I Ce n'est
pas eux qui eussent jamais prévu les bom-
bes!
Ce qui est piquant aussi, c'est cet anni-
versaire revenant au moment où la liberté
de la presse pour laquelle ils s'étaient bat-
tus est de nouveau mise en péril. Pour ob-
tenir une loi incroyable, ne s'est-on pas
servi de quelques-uns des arguments mê-
mes que « le rapport au roi » du prince de
Polignac, qui détermina les ordonnances,
faisait valoir? C'est à peine si on n'a pas
employé des termes identiques à ceux de
ce rapport fameux qui mit le feu aux
poudres : « La presse, école de scandale et
de licence, produit des changements graves
et des altérations profondes dans le carac-
tère et dans les mœurs de la nation. Elle
donne une fausse direction aux esprits, les
remplit de préventions et de préjugés, ex-
cite parmi nous une fermentation toujours
croissante, entretient presque dans le sein
des familles de funestes dissensions, et
pourrait, par degrés, nous ramener à la
barbarie 1 »
Oui, le rapprochement est curieux. C'est
à la date même où on renversa le pouvoir
qui avait imprudemment attenté aux droits
de la presse qu'un gouvernement, qui
prend l'entêtement pour de l'énergie, s'at-
taque de nouveau à la presse ! Il y aurait
matière à philosopher là-dessus.
Ils ont, un peu tenace, la fierté de leurs
anciens exploits, ces vénérables survivants
de 1830, vieillards chancelants, qui, tant
qu'ils ont un reste de vie, se souviennent,
à la fin de juillet, de leurs anciens compa-
gnons d'armes. C'étaient, en fait, de bra-
ves gens, pleins d'illusions, généreux et
« sensibles », avec une pointe de chevale-
rie, avec un brin d'ingénuité aussi, à ce
qu'il semble, car était-ce bien la peine de
chasser les Bourbons pour mettre un d'Or-
léans sur le trône ?
Il y a, positivement, quelque chose d'at-
tendrissant aujourd'hui à retrouver les
récits anecdotiques de cette Révolution,
comme en ce petit livre, devenu, je crois,
assez rare, intitulé Faits mémorables et
traits patriotiques, par S. Pharaon « di-
recteur de l'Ecole des enfans dont les
pères sont morts pour la patrie ».
Ce bon M. Pharaon, qui était également
« membre de plusieurs Académies », avait
recueilli avec soin tout ce qui lui paraissait
digne, pendant ces trois journées, 'l(tre
proposé à l'admiration de la pu: ce.
Dans son zèle, pouvait-il prévoir qu'il ris-
quait de la faire un peu sourire, d'aven-
ture, cette postérité qui devait voir, de-
puis, une collection terriblement variée
d'événements tragiques ?
L'entrain populaire avait été admirable,
et on ne l'a pas oublié. Mais il était prompt
au lyrisme, M. Pharaon, quand il parlait
des faits « presque surnaturels » enfantés
par « un sentiment indéfinissable de pa-
triotisme ». Sans doute, il y en eut à foi-
son des exemples de bravoure, d'abnéga-
tion et de dévouement; mais, après ce
pompeux exorde, quelques historiettes
« pieusement » rapportées semblent quel-
que peu disproportionnées, il faut bien le
confesser, fût-ce un peu irrespectueuse-
ment.
C'est parce qu'il porte bien la trace des
émotions du moment, qu'il est curieux,
ce recueil. Dans la fièvre qui l'animait en-
core, l'excellent M. Pharaon avait quelque
tendance à tout amplifier, à tout grandir.
On peut relever, sans être taxé de man-
quer à ce qu'on doit à la mémoire des
vaillants combattants de 1830, ces plai-
santes exagérations.
Oh ! l'histoire, par exemple, du garde
national, que sa femme, par prudence, en
se défiant de ses ardeurs généreuses, avait
enfermé chez lui, à triple tour, et qui, en
entendant battre le reppel, ne se contint
plus et sauta magnanimement par la croi-
sée d'un. premier étage, après avoir
préalablement descendu ses armes à
l'aide d'une corde ! M. Pharaon exaltait
ce garde national, modèle des citoyens,
sinon des époux, qui, pour attester son
indignation contre les ordonnances, avait
héroïquement bravé une terrible scène
conjugale.
C'est le ton d'emphase qui règne dans
ces relations qui est savoureux. M. Pha-
raon avait une âme à l'antique, en sa qua-
lité de membre de sociétés savantes, et il
n'hésitait pas à transformer les Parisiens
en héros de l'histoire romaine, quoi qu'ils
eussent fait. Tel cet ouvrier maçon qui se
rend, le 28 juillet au matin, chez un pro-
priétaire chez qui il a travaillé et qui
lui demande de lui prêter un habit pour
se battre, ses haillons risquant de le faire
prendre pour un voleur. Après la victoire,
il rapporta l'habit fidèlement, « en s'excu-
sant qu'il fût troué de balles ». A tout
prendre, cette anecdote est caractéristique
de l'honnêteté des combattants, qui fut,
en effet, exemplaire. On vit des loqueteux
déposer aux mairies les objets de prix qui
leur étaient tombés entre les mains.
« Héroïque » encore, selon M. Pharaon,
le marchand de coco qui refusait d'être
payé par des combattants assoifes, en
disant : « Laissez donc, camarades, c'est
mon obole à la patrie t » Il excellait dans
ces phrases lapidaires qu'il prêtait aux
soldats de la cause sainte, ce digne narra-
teur des grandes journées. Héroïque, la
W Monsieur-le-rriûce,
qui, abandonnant son appartement, aux
fenêtres duquel se voyait le tableau tradi-
tionnel, et peut-être ses malades, avait
manifesté ses sentiments patriotiques en
allant rejoindre des gardes nationaux, ha-
billée en homme et affublée d'une redin-
gote verte.
Les petits tableaux suggestifs abondent,
en ces pages. C'est un marchand de vin
blessé au pied ; un élève en médecine lui
retire la balle qui l'avait atteint. Le blessé
la prend, l'embrasse, et dit : « Allez la
porter à ma femme 1 » C'est l'ex-gendarme
qui a pris les armes, et qui a « descendu »
bon nombre de Suisses. On lui offre à
boire : « Merci, dit-il en refusant, le
vrai Français se bat à jeun ! »
L'humanité et la générosité le disputent
au courage. Tel le cas du sieur Jules qui,
voyant un soldat de la garde royale séparé
de son bataillon et sur le point d'être mas-
sacré, se précipite sur lui, l'embrasse, le
couvre de son corps et le sauve par ce
pieux mensonge : « C'est mon frère ! Ne
lui faites pas de mal ! » Il n'y eut jamais
une révolution aussi vertueuse. Le peuple
est aussi modeste que brave. Témoin cette
anecdote. Deux ouvriers causent après la
victoire : « Dis donc, toi, fait l'un, pour
quoi que tu es à présent? Veux-tu une
république ? — Faut voir, répond l'autre.
Nous avons fait « la première ouvrages,
nous sommes des gens de peine 1 Mainte-
nant laisse faire aux gens d étude, aux sa-
vants, ils arrangeront ça pour le mieux t.
Le côté un peu théâtral ne déplaît pas
non plus. Le corps d'un combattant tué
dans les Tuileries est déposé sur le siège
même du trône royal et couvert de lam-
beaux de crêpe. Quant aux histoires du
genre sentimental, elles sont légion. Que
dites-vous de l'ancien soldat, du glorieux
vétéran qui, malgré ses infirmités, a
voulu se mêler aupeuple et diriger les mou-
vements d'une troupe novice. Sa jambe
de bois se casse. Il se désole de ne plus
pouvoir être utile. Alors un patriote de
bonne volonté le met à califourchon sur
ses épaules, et lui sert bénévolement de
monture pour que le soldat, capitaine im-
provisé, puisse continuer à donner ses
instructions.
Le bon M. Pharaon admire tout, tout,
jusqu'à l'étonnante anecdote du sieur
Abraham Lévy, israélite, qui est entré le
cinquième dans le Louvre, et rapporte un
morceau du drapeau des Suisses. Un té-
moin enthousiaste offre de le lui acheter.
« Je ne me suis pas battu pour de l'ar-
gent, répond noblement le sieur Lévy ».
et il accepte dix francs.
Mais, sous la plume de M. Pharaon,
tout devient épique. Il contera encore,
ailleurs, avec le plus parfait sérieux, com-
ment cent cinquante hommes, armés de
piques, ont, pendant les deux derniers
jours, reconnu pour chef un enfant de
treize ans, élève de l'institution Bar-
bet.
Il est intarissable, en prodiguant jus-
qu'à la débauche, les points d'exclama-
tion, en accumulant des traits qu'il ne
cesse de comparer à ceux que nous a lé-
gués l'antiquité. Mais, à la vérité, j'ai
comme de petits remords d'avoir souri. Ce
fut, croyez-le, sans malice, et puis la
naïveté seulement du narrateur. A travers
ces historiettes, la physionomie du temps
s'évoque, et ces journées de foi et d'en-
thousiasme, de désintéressement aussi,
dans la passion de la liberté, demeurent
toujours grandes.
Paul Ginisty.
TROP VIFS
Bastide, anarchiste dangereux, qui donnaU
asile à un compagnon, a été arrêté hier rue dq
Maubeuge, et chez lui on a trouvé tout ut
assortiment de bombes.
Voilà le bruit qui courait hier dans le quar-
tier et voici ce qui y a donné lieu :
M. de la Bastide,directeur de la cristallerie de
Choisy-le-Roi, recevait hier soir, vers huit
heures, deux ouvriers de son usine qui ve-
naient lui adresser une réclamation relative-
ment à leur salaire.
Il les éconduisit. Les ouvriers se fâchant,
ayant menacé de le faire sauter, il fit appeler
des gardiens de la paix qui les conduisirent
au poste.
Les versions, on le voit, diffèrent.
M. AUGER EN RETRAITE
Une anecdote sur le boulangisme. -..
Le général et le policier.
Curieuse entrevue
M. Auger, ancien officier de paix de la bri*
gade des jeux et jusqu'à ces jours derniers chef
de bureau des brigades des recherches, vient
de prendre sa retraite.
11 appartenait depuis une vingtaine d'an-
nées à la préfecture de police et était officier de
paix du vingtième arrondissement quand il
fut appelé à diriger la brigade des jeux, à la
tête de laquelle il resta pendant près de dix
ans.
Il s'est particulièrement distingué pendant
le boulangisme. C'est lui, qui avait de nom-
breuses relations dans le monde parisien, dans
ce monde assez spécial d'ambitieux et de
pêcheurs en eau trouble qui gravitent autour
des tables de jeu, qu'on chargea de pénétrer
les petits secrets de l'entourage du général et
de le surveiller.
Ce fut notamment sur les indications de ses
agents secrets qu'on trouva, rue des Abbesses,
la fameuse cantine du général, dans laquelle
M. Quesnay de Beaurepaire puisa quelques
preuves à l'appui de son argumentation de-
vant la haute cour ; ce fut un de ses agents
encore qui monta au chef du parti national la
gigantesque bateau qui consistait à lui faire
croire que son arrestation était imminente et
que s'il ne quittait pas la France le gouver-
nement le mettrait sous les verrous.
Le général, on s'en souvient, y crut, et talle
dis que le 5 avril 1889 l'agent lui montrait un
faux mandat d'amener exécutable le lende-
main, Boulanger, convaincu du danger qu'il
courait, prit à 9 h. 45 du soir, en compagnie
de Mme de Bonnemains, le train pour Bruxel-
les, quittant la France pour n'y plus ren-
trer.
Curieuse anecdote
Ce soir-là, devant l'hôtel du général, rue
Dumont-d'Urville, se trouvait en surveillance
l'inspecteur des recherches Godefroy, tandis
que rue de Berry a. devant la demeure de Mme
de Bonnemains était posté M. Auger lui*
LE NUMÉRO CINQ CENTIMES
LUNDI 30 JUILLET i894
JU -,
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times demandes de nombreux lecteurs,
le XIXe SIÈCLE servira, à partir d'au-
jourd'hui, des « abonnements de villégia-
ture » à raison de :
2 mois. 4 francs
4 mois 2 francs
15 jours. 1 franc
8 jours 50 centimes
ETRANGER
15 jours 1 60
1 mois. 3 francs
2 mois. 6 francs
L'INTERPRETATION
La Chambre, qui n'avait pu, faute de
temps, disait-on, prendre en considéra-
tion et étudier dans ses détails le projet
d'organisation de l'impôt sur le revenu,
a trouvé quatorze séances à consacrer à
la discussion et au vote de la loi impro-
prement appelée loi sur les menées anar-
chistes.
Le Sénat, qui pousse des gémisse-
ments à fendre l'âme lorsqu'on lui en-
voie trop tard la loi annuelle de finan-
ces, et qui n'a pas assez de sept ou huit
années pour mettre sur pied une loi
sociale, telle que la loi sur les accidents,
a expédié, en quatre heures, le vote
d'une loi qui bouleverse les principes
élémentaires de notre droit.
Ces constatations faites — et il n'é-
tait pas sans intérêt de les faire; on
pourra le cas échéant les rappeler —
nous voici donc en présence de la loi
nouvelle.
La parole est aux tribunaux et à leurs
interprétations.
Quelle que soit la loi, la jurispru-
dence présente toujours un intérêt con-
sidérable. Quand la cour de cassation
a parlé, lorsque surtout elle a maintenu
à deux ou trois reprises son interpré-
tation première, les textes n'ont plus
qu'un intérêt purement théorique.
Il est encore permis de disserter sur
eux, à l'Ecole, et d'édifier sur leur base
des systèmes plus ou moins ingénieux.
Mais, dans la pratique, devant les tri-
bunaux, on ne discute plus. Magister
dixit.
C'est grâce à ce pouvoir exorbitant
manié par des mains expertes que la
loi sur la liberté de la presse de 1881 est
devenue, sous l'action incessante et
suivie de la cour suprême, aussi res-
trictive, aussi illibérale qu'il était pos-
sible. Les intentions du législateur ont
été ouvertement méconnues sur nombre
de points fort graves.
Aussi n'est-ce pas sans un scepticisme
empreint de quelque mélancolie que les
vieux routiers du Palais ont pu lire dans
le compte rendu de la séance du Sénat,
où a été discutée la loi Dupuy-Guérin,
cette affirmation vraiment phénomé-
nale qu'a hardiment lancée le rappor-
teur, M. Trarieux, un avocat cependant :
c C'est certainement dans l'esprit de la
loi: c'est donc dans la loi ! »
La pensée qui attise nos craintes à
propos de l'application de cette loi nou-
velle, c'est que jamais champ plus
large n'aura été laissé à la jurispru-
dence.
Un sénateur très modéré, qui est
d'une famille de robe, qui fut lui-même
magistrat, M. Bérenger, disait formel-
lement : « Le texte de la loi permet la
o poursuite du fait isolé surpris à l'in-
j timité d'une conversation secrète,
» presque sans témoins ou devant un
9 seul témoin ! Eh bien, je le déclare,
» permettre une telle invasion dans la
» vie privée, saisir ainsi la pensée ex-
D primée à huis clos, c'est atteindre ce
» qu'on a considéré jusqu'à présent
» comme devant , rester inviolable; je
» ne puis, je le répète, voter une dis-
ir position semblable. »
Et, pour rassùrer M. Bérenger, notre
garde des sceaux ne trouvait rien de
lliieux à lui diry que protester qu'il n'a-
vait pas voulu *âe telles conséquences.
Il faudra, disait-il, pour qu'une pre-
mière condamnation intervienne et
qu'après une seconde la relégation soit
possible, il faudra qu'il y ait eu ou apo-
logie ou provocation.
A merveille, mais devant la Chambre
le même garde des sceaux déclarait, au
milieu des rires et des exclamations,
qu'une chanson chantée à table pou-
vait constituer soit une provocation soit
une apologie, et envoyer le chanteur en
cellule d'abord, à Cayenne ensuite.
Entre ces deux interprétations, qui
choisira ? La jurisprudence souveraine,
autrement dit la volonté arbitraire des
cours et tribunaux.
J'ai cité un exemple. On pourrait trou-
ver vingt autres cas dans le texte et la
discussion de la loi.
Si les citons ne sont pas rassw-éet
le monde du Palais peut se Irotter les
mains. On lui a mis du pain sur la plan-
che.
A. Millerand.
« TOUTÉE Il »
La nomination de M. Couturier à la prési-
dence de la 9e chambra correctionnelle — où
seront déférés les délits visés par la nouvelle
loi sur les menées anarchistes — est presque
définitive.
Aussi, au Palais, où tous les magistrats
d'importance ont un sobriquet, désigne-t-on
dès maintenant M. Couturier, dont les ami-
tiés et les tendances juridiques sont connues,
sous le nom de « Toutée II », comme on eût
dit « d'Aguesseau II » si, d'Aguesseau avait
eu un successeur ou un émule.
UN DESSINATEUR QUI S'EXILE
Un dessinateur de grand talent, M. Stein-
lein, qui collaborait au Gil Blas illustré de-
puis longtemps et faisait dans un journal so-
cialiste, le Chambard, sous un pseudonyme,
les copositions illustrant la première page,
vient de quitter la France, inquiété par la
nouvelle loi.
Suisse d'origine, M. Steinlein avait reçu, il
y a quelques jours, un avis officieux le pré-
venant qu'il serait immédiatement arrêté,
poursuivi et expulsé, s'il continuait à collabo-
rer au journal socialiste.
Il a pris peur et a mis volontairement la
frontière entre lui et le gouvernement de la
République française.
ACQUITTEMENT DES ACCUSÉS
Du procès de la Banque romaine
Rome, 28 juillet.
Le procès de la Banque romaine est enfin ter-
miné.
Tous les accusés sont acquittés.
Le président les fait mettre aussitôt en liberté.
Ils sont embrassés par leurs amis et applaudis par
la foule.
H. Tanlongo, en rentrant chez lui, est applaudi
par environ 500 personnes.
Selon le Bon Chisciotte, il serait question de
commencer, dès maintenant le procès sur la sous-
traction des documents relatifs au procès de la
Banque romaine.
MM. Felzani, ancien chef de la police de Rome,
Maynetti, inspecteur de police, le juge Capriolo,
l'ancien président du conseil Giolitti et l'ancien
sous-secretaire d'Etat à l'intérieur Rosano seraient
compris dans l'enquête.
NOUVELLE MUTILATION
DU BOIS DE BOULOGNE
Bientôt on ne sera plus admis dans le bois de
Boulogne que si l'on fait partie du Jockey-
Club et de l'Epatant ou si on prend en en-
trant l'engagement d'aller engraisser de ses
économies la cagnotte du pari mutuel.
Jusqu'ici le beau champ de courses de
Longchamps était entouré pendant la durée
des courses d'une légère haie en lattes qu'on
enlevait aussitôt la saison des courses finie,
de telle sorte qu'après la fermeture du mu-
tuel cette partie du Bois reprenait du moins
son aspect habituel.
Voici maintenant qu'on entoure tout le
champ de courses de Longchamps d'un affreux-
grillage maintenu par de grosses barres de
fer scellées dans des pierres apportées exprès.
Ce grillage, deux fois plus haut au moins
que les anciennes haies, est placé à titre défi-
nitif. On ne l'enlèvera plus jamais. Il est de
l'effet le plus lamentable. Le champ de courses
va avoir l'air du jardin d'une maison péni-
tentiaire ou d'un parc à bêtes féroces.
Est-ce que les conseillers municipaux, est-ce
que les électeurs ne finiront pas par se révol-
ter contre toutes ces mutilations de la plus
belle promenade parisienne? Chaque jour on
nous vole un morceau de notre Bois. On nous
a volé l'emplacement du tir au pigeon où l'on
ne peut pénétrer que si on fait partie des
clubs les plus select, on nous a volé l'empla-
cement du polo pour faire plaisir à une petite
bande de jeunes gommeux.
On a supprimé la plus jolie allée du Bois en
fermant aux promeneurs le champ de courses
d'Auteuil pour permettre au prince de Sagan
-d'y faire paître les vaches de sa laiterie, et
voici maintenant qu'on entoure d'une grille
en fer l'immense pelouse du champ de courses
de Longchamps, et les bosquets environnants
où se trouvaient les plus jolis coins du Bois.
Où s'arrêtera-t-on ? Le bois de Boulogne,
dont on paraît de plus en plus vouloir réser-
ver l'usage à quelques particuliers huppés, est
pourtant entretenu avec l'argent de tout le
monde.
AU SOUDAN
M. Delcassé, ministre des colonies, a reçu la dé-
pêche suivante du gouverneur du Soudan.
Kayes, 27 juillet 1894.
A la suite d'un engagement entre les trou-
pes d'Aguibou, roi du Macina, notre protégé,
et les gens d'Ali-Kali, roi du Bossé, le capi-
taine Nigote, résident de Bandiagara, avait
cru devoir se porter au secours d'Aguibou.
Comme ses forces n'étaient pas suffisantes
pour venir à bout d'Ali-Kali, le commandant
Quiquandon, chef du cercle, marcha rapide-
ment avec une colonne sur le tata d'Ali-Kali
et le détruisit.
Le roi du Bossé a été tué dans cette affaire,
qui a été chaude.
La colonne est rentrée le 12 à Djenné.
Vous recevrez par le paquebot qui part de
Dakar le 21 le rapport qui m'a été adressé
sur cette affaire.
D'autre part, l'agence Havas nous transmet la
dépêche suivante :
"t'VV"" ---. --.- - Saint-Louis, 28 juillet.
Le capitaine Nigote, commandant à Bandia-
gara, ayant attaqué sans ordre le village de
Bossé, à deux cents kilomètres au sud de
Bandiagara, a subi un échec.
M. Quiquandon, commandant du Ségou, y
a envoyé aussitôt toutes ses forces disponi-
bles, soit dix officiers, dont deux médecins,
vingt Européens, deux cent soixante tirail-
leurs, deux pièces de quatre-vingt, sous le
commandement du capitaine Bonacorsi.
Ce dernier fit diligence, attaqua le 1er juillet
Bossé, résidence d'Ali-Rali, marabout qui prê-
chait la guerre sainte et qui avait infligé
un échec au capitaine Nigote. Les assiégés
firent une résistance énergique. Le marabout
fut tué sabre en main avec 500 des siens.
De notre côté, 1 Européen et 8 tirailleurs
ont été tués et 6 officiers, 15 soldats euro-
péens et 128 tirailleurs ont été blessés.
Les troupes ont montré un courage inouï.
FRANÇAIS PRISONNIERS DE BRIGANDS
Rome, 27 juillet
Une dépêche de Sassari annonce que mercredi,
à Seulo, province de Cagliari, sept individus se
sont emparés de deux commerçants français aux
environs du mont Cresia, et qu'ils les ont séques-
trés.
FIN DE SESSION
LE PARLEMENT EN VACANCES
Dernière-séance des Chambres. — Incidents
> divers au Palais-Bourbon
Le décret du président de la République
portant clôture de la session ordinaire de
1894 a été lu hier au Sénat et à la Chambre.
Voilà maintenant le Parlement en vacances
jusqu'à la fin du mois d'octobre sans doute.
Au Sénat, cette dernière séance n'a duré
que quelques minutes: le temps de valider
M. de Lamarzelle, récemment élu dans le Mor-
bihan, et de voter quelques crédits supplé-
mentaires. Le décret de clôture a ensuite été
lu par le garde des sceaux M. Guérin.
A la Chambre, il y a eu encore quelque ta-
page avant la séparation.
M. le président Burdeau a d'abord rendu
compte de l'enquête à laquelle il a été procédé à
l'effet d'établir comment la majorité de quaran-
te-deux voix, primitivement annoncée comme
s'étant prononcée contre le fameux amende-
ment Jaurès relatif aux tripotages des hom-
mes publics, comment cette majorité, disons-
nous, avait fondu, fondu, au point de se
trouver réduite à six voix.
En somme, le déchet que le pointage a fait
subir..:..a. total des bulletins bleus — les bulle-
tins bleus sont, on le sait, les bulletins contre,
c'est-à-dire, au cas particulier, les bulletins
hostiles à l'amendement Jaurès - ce déchet
est dû d'abord à ce que les secrétaires avaient
compté trop de ces bulletins bleus, puis à ce
qu'on a découvert plusieurs de ces bulletins
bleus déposés en double, c'est-à-dire que cer-
tains députés s'étaient trouvés, de leur fait ou
du fait d'autrui, aypirjvQté deux fois, contre
l'amendement; enfin à ce qu'on avait fait
voter, toujours contre l'amendement,bien en-
tendu, des députés pourtant absents en vertu
de congés réguliers.
Il faut bien reconnaître qu'à la Chambre la
plupart des scrutins donnent lieu à de pareils
maquignonnages. Le bureau, pour en empê-
cher le retour, a proposé hier un certain nom-
bre de mesures :
M. le président. — Le bureau estime qu'il
convient, pour assurer la stricte observance du
règlement :
1° De prier nos collègues de ne pas monter au
bureau des secrétaires pendant l'opération du dé-
pouillement des scrutins, afin quo le comptage des
bulletins ne soit ni retardé ni troublé ;
2° De transporter tous les scrutins, même
ceux où la majorité paraît considérable, dans
la boite close qui sert aux scrutins soumis à poin-
tage ;
3° De tenir fermée la salle des procès-verbaux
tant que les employés de ce service procèdent au
pointage d'un scrutin ;
4° De décider qu'à partir du moment où le prési-
dent aura proclamé la clôture d'un scrutin, il ne
pourra plus être recu aucun bulletin ni par les
secrétaires, ni par la présidence, ni par lo. service
des procès-verbaux.
Tout cela est bel et bon; mais s'il n'était pas
difficile de prendre ces décisions, il le sera
infiniment plus d'assurer leur application
stricte et permanente. Enfin, il faudra voir-
dans trois mois 1
En attendant, M. Rouanet est venu faire
observer, au milieu d'un certain tapage, que
le pointage du scrutin sur l'amendement
Jaurès, avait encore été suivi de diverses rec-
tifications de vote apportées à la tribune et
dont nous avons parle déjà. C'est ainsi que,
par exemple, MM, Charonnat, Boudeville,
Flourens, Le Moigne, etc., portés comme abs-
tentionnistes, sont venus declarer avoir voté
pour l'amendement. « Si bien qu'en somme, a
conclu M. Rouanet, l'amendement Jaurès se
trouve, en réalité, avoir été repoussé non pas
à six voix, mais à une voix de majorité, à
une seule voix ! Si le résultat matériel est le
même, la signification morale de ce vote ne
se trouve-t-elle pas changée ? »
L'INTERPELLATION GROUSSET
A ce moment, et pour couper court à d'au-
tres incidents qù'on sentait imminents, le
président du conseil s'est hâté d'escalader la
tribune et d'y donner lecture du décret de
clôture.
Mais cet escamotage de M. Dupuy a provo-
qué de nombreuses protestations et de vives
réclamations, lesquelles ont pu se produire
au sujet du procès-verbal de cette dernière
séance, procès-verbal que la Chambre devait
adopter avant de se séparer.
C'est ainsi que M. Paschal-Grousset, qui
avait déposé une demande d'interpellation au
sujet des révélations de M. de Cassagnac con-
cernant le complot boulangiste, s'est amère-
ment plaint du procédé qu'on avait employé
pour l'empêcher de parler :
M. Paschal Grousset. — Ce qui se passe ici
est inouï. (Exclamations à gauche et au centre.)
Jamais on n'a vu chose pareille. Jamais on n'a
vu un gouvernement refuser la parole à un ora-
teur de l'opposition. (Bruit sur un grand nombre
de bancs.)
J'ai demandé la parole pour déposer une demande
d'interpellation. Le pays saura comment on répond
à une question de ce genre. (Applaudissements à
l'extrême-gauche. )
M. le président. — Vous n'avez la parole que
sur le procès-verbal. (Vives interruptions à l'ex-
trême gauche.)
M. Vivian!, qui interrompt, est rappelé à
l'ordre.
M. Paschal Grousset. —Je constate, à l'occa-
sion du procès-verbal, un fait que je considère
comme sans précédent dans l'histoire des Parle-
ments. (Bruit à gauche et au centre.)
J'ai déposé, avant que M. le président du con-
seil ne prît la parole pour lire le décret de clôture,
une demande d'interpellatiou. Maintenant, on re-
fuse de m'entendre.
J'apporte ici une protestation. Le pays l'enten-
dra. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche.)
M. Viviani est alors venu renouveler, avec
plus de vivacité encore, les protestations de
M. Grousset. Et pendant quelques instants,
ç'a été encore un beau tapage qui nous a rap-
pelé celui des précédentes journées.
M. Viviani. - On n'avait pas le droit, avant la
lecture du décret de clôture, de faire comme si la
Chambre était en vacances.
C'est pour éviter une difficulté qui vous embar-
rassait et que vous ne vouliez pas affronter, que,
vous avez repoussé la demanda d'interpellation qui
avait été apportée ici. (Applaudissements à l'extrê-
me gauche).
M. le président du conseil. — C'est le pro-
cès-verbal ? (Bruit et interruptions sur les mêmes
bancs. )
M. Viviani. — On me demande si c'est là le
procès-verbal ! Il serait vraiment trop facile de
nous couper la parole en lisant un procès-verbal
à voix inintelligible.
Si vous êtes monté àla tribune, monsieur le pré-
stdent du conseil. - -
M. le président du conseil. — J'y suis monté
en vertu de la Constitution.
M. Viviani. — Si vous êtej monté à là tribune
pour lire le décret de clôture, c'est pour observer
le pacte que vous avez conclu avec la droite. (Vifs
applaudissements a gauche. — Bruit et et interrup-
tions au centre et à droite.)
M. le président. — N'interrompez pas, mes-
sieurs, vous voyez bien que vos interruptions font
précisément ce que désire l'orateur.
M. Viviani. — Je constate, sans rien désirer,
monsieur le président de la Chambre, répondant à
l'obstruction présidentielle qui s'est manifestée une
fois de plus dans ces débats.
M. le président. — Mon obstruction aura, en
Jollt ça#» coûté moiM ouela
vôtre. (Très bien! très bien! — Bruit à l'extrême
gauche. )
Voix au centre. — Aux voix ! aux voix!
M. Viviani. — Je conclus : Si M. le président
du conseil a pris la parole pour vous lire ce que
vous avez entendu, s'il vous a mis en vacances
quand une question lui était adressée.
,.'(. kx jpféaldent du conseil. — Encore une
fois, nous nous retrouverons, monsieur Viviani.
M. Viviani. — Je l'espère bien, mais en atten-
dant je constate que vous fuyez la discussion et
que vous vous réfugiez dans la désertion. (Applau-
dissements à gauche.)
Vous avez remarqué le ton comminatoire de
M. Dupuy : « Nous nous retrouverons, mon-
sieur Viviani ! » Est-ce déjà une menace de
relégation — maintenant que l'immunité par-
lementaire est suspendue ï
D'autres réclamations, moins bruyantes, se
sont encore produites. M. de Grandmaison a
regretté l'ajournement à la prochaine session
des projets sur les raisins secs et les mélasses
et M. Vigné d'Octon a déploré qu'on se sépa-
rât sans avoir statué sur le crédit demandé
pour secours aux mineurs de Graissessac.
Et c'est ainsi qu'après une grande demi-
heure de tapage et de criaillerie, la séance a
été levée et la session définitivement close.
Bon voyage, messieurs les députés 1
UN MANIFESTE SOCIALISTE
Les députés socialistes adressent aux élec-
teurs le manifeste suivant :
Citoyens,
La Chambre que vous avez élue pour accomplir
l'œuvre d'émancipation politique et sociale qui est
la raison d'être de la République vient de terminer
sa première année de législature.
Vous lui demandiez des réformes. Elle vous ap-
porte la loi qui est justement qualifiée la loi scé-
lérate, la loi contre la liberté individuelle !
Pendant quatorze séances, le groupe socialiste,
faisant tout son devoir, a tenu en échec cette loi de
réaction, sans qu'un membre de la majorité osât
monter à la tribune pour la soutenir.
Vous accueillerez avec le calme du dédain cette
loi qui abolit la juridiction populaire du jury, pour
donner aux tribunaux correctionnels le droit, sur
une dénonciation unique et intéressée, de pour-
suivre, de condamner à la prison, de reléguer à
Cayenne un citoyen, pour un discours, pour un
article de journal, moins encore, pour une conver-
sation, pour un chant, pour une lettre égarée,
pour un mot, pour un geste 1
Aux persécutions qu'on médite, travailleurs dé-
mocrates des villes et des champs, vous opposerez
le sang-froid d'hommes conscients de leurs droits
et décidés à déjouer tous les pièges.
Vous ne resterez pas, d'ailleurs, isolés dans cette
résistance légale.
Nous sommes avec vous.
Nous vous demandons de signaler aux députés
et aux journaux socialistes chacun des abus de
pouvoir, chacune des iniquités dont cette loi va
être le prétexte.
Ce n'est pas la honteuse coalition du panamisme
et de la réaction qui retardera dans sa marche la
démocratie socialiste.
Vive la République sociale !
Ce manifeste porte les signatures de tous
les députés du groupe socialiste.
LE MICROBE DE LA PESTE
L'inspection du service de santé du ministère des
colonies a reçu de Hong-Kong la nouvelle que le
docteur Yersin, médecin des colonies, ancien élève
de l'Institut Pasteur, aurait découvert le microbe
de la peste.
Il convient toutefois d'attendre la confirmation
de ce fait, dont l'importance scientifique est très
grande et intéresse directement l'hygiène de nos
possessions d'Extrême-Orient.
LES EXPROPRIATIONS
DE LA RUE RÉAUMUR
Hier s'est terminée la première session du
jury d'expropriation pour le prolongement de
la rue Réaumur. Voici le jugement rendu :
Expropriés Offres Allocations
Rue Thévenot, 14
Mogis et Boclet, nég.
en perles fausses. 40.000 175.000
D'Hardivillier, notaire
a1niable. 10.000 97.000
Cie du gaz (1 colonne). 500 500
Rue Thévenot, 16
Dnie Trioler, propriét.. 250.000 300.000
Dme Colas Quantin,faJJ.
de fleurs, feuillages.. 12.000 25.000
Dlle Antoine, feuillag. 600 1.500
Bourette, commiss. en
peausserie. 11.000 28.000
Aubry, fabr. de faux-
cols et manchettes.. G. 500 21.000
Bleuse, fabr. de cha-
peaux pour dames.. 10.000 29,000
Dlio Voisvenel, comre
en maroquinerie. 4.000 6.000
Louis, fabr. de chaus-
sures. 8.000 25.000
Rue Thévenot, 18
Lecarpentier, propriét. 120.000 150.000
Veuve Philippe, hôtel
meublé. 30.000 50.000
R.Thévenot,20,22,24
Dme Gaillard, propriét. 780.000 995.000
Dme Delage, brodeuse. 2.500 12.000
Lévy, md de papiers.. 30.000 70.000
Journaux d'arrondiss. 6.000 30.000
Dlie Leglaive, épicerie. 3.500 12.000
Deporte, fabr de man-
D ches de - parapluies.. 7.000 15.000
Bordeau, naturaliste.. 6.000 12.000
Cadillac, fab. de gants. 15.000 35.000
Gaillard, négociant en
tissus, amiable. 38.000 100.000
DmeTireau, lingerie.. 3.000 8.000
Coulon, bijoutier. 6.000 16.000
Michel et Cie, fleuriste 17.500 34.000
Michel et Cie, location
bourgeoise. 2.000 4.000
Hecquet, papetier en
chambre. 4.000 9.500
Aubert, constructeur.. 5.000 13.000
Zhan, md de yin. 3.500 9.000
Dme Plussard et Féli-
saz, fruiterie. 2.000 7.000
Cie du gaz (3 colonnes) 1.500 1.500
Rue Thévenot, 26
Dm Leroux, propriét. 224.000 275.000
Picy, vins et charbons 13.000 22.500
Barbe, entrepreneur de
maçonnerie 10.000 33.000
Munsch, md de vin. 6.500 15.000
Rousseau, plumassier. 21.000 75.000
Biron, laitier, amiable 2.500
Totaux.. Fr. 1.709.600 2.513.500
SOUS LES ROCHERS
Valence, 28 juillet.
Six ouvriers travaillant à la construction de la
route forestière près de Saint-Jean-Royan ont été
surpris par un eboulement de rochers au pied de
la montagne d'Echarasson.
Trois ont été tués : Colletti, père de famille,
Christo et Thomas, célibataires, et deux autres ont
été blossés légèrement.
LES AFFAIRES MAROOAINES]
Fez, 28 juillet.
L'octroi a été rétabli hier.
La population, quoique mécontente, xgtja tafr
'quille. <
CHRONIQUE
Les pauvres vieux ! Dans quel état d'es-
prit accomplissent-ils aujourd'hui leur
pèlerinage d'anciens combattants de 1830
à la colonne de Juill.et ? Ils ont été encore
quelques-uns, chargés d'années, survi-
vants des « trois-glorieuses », qui ont
porté la couronne traditionnelle sur les
grilles du monument, étonnant les pas-
sants, comme, en notre enfance, nous
étonnaient les vétérans des armées impé-
riales, ces « fantômes de l'ex-garde » qui
se réunissaient le 5 mai autour de la co-
lonne Vendôme.
En ont-ils vu, des choses, ces derniers
témoins, etleur a-t-on assez changé les pro-
cédés révolutionnaires ! A côté de tout ce
que nous avons vu depuis,leur Révolution,
si enthousiaste, cependant, semble avoir
été une Révolution à l'eau de rose I Ce n'est
pas eux qui eussent jamais prévu les bom-
bes!
Ce qui est piquant aussi, c'est cet anni-
versaire revenant au moment où la liberté
de la presse pour laquelle ils s'étaient bat-
tus est de nouveau mise en péril. Pour ob-
tenir une loi incroyable, ne s'est-on pas
servi de quelques-uns des arguments mê-
mes que « le rapport au roi » du prince de
Polignac, qui détermina les ordonnances,
faisait valoir? C'est à peine si on n'a pas
employé des termes identiques à ceux de
ce rapport fameux qui mit le feu aux
poudres : « La presse, école de scandale et
de licence, produit des changements graves
et des altérations profondes dans le carac-
tère et dans les mœurs de la nation. Elle
donne une fausse direction aux esprits, les
remplit de préventions et de préjugés, ex-
cite parmi nous une fermentation toujours
croissante, entretient presque dans le sein
des familles de funestes dissensions, et
pourrait, par degrés, nous ramener à la
barbarie 1 »
Oui, le rapprochement est curieux. C'est
à la date même où on renversa le pouvoir
qui avait imprudemment attenté aux droits
de la presse qu'un gouvernement, qui
prend l'entêtement pour de l'énergie, s'at-
taque de nouveau à la presse ! Il y aurait
matière à philosopher là-dessus.
Ils ont, un peu tenace, la fierté de leurs
anciens exploits, ces vénérables survivants
de 1830, vieillards chancelants, qui, tant
qu'ils ont un reste de vie, se souviennent,
à la fin de juillet, de leurs anciens compa-
gnons d'armes. C'étaient, en fait, de bra-
ves gens, pleins d'illusions, généreux et
« sensibles », avec une pointe de chevale-
rie, avec un brin d'ingénuité aussi, à ce
qu'il semble, car était-ce bien la peine de
chasser les Bourbons pour mettre un d'Or-
léans sur le trône ?
Il y a, positivement, quelque chose d'at-
tendrissant aujourd'hui à retrouver les
récits anecdotiques de cette Révolution,
comme en ce petit livre, devenu, je crois,
assez rare, intitulé Faits mémorables et
traits patriotiques, par S. Pharaon « di-
recteur de l'Ecole des enfans dont les
pères sont morts pour la patrie ».
Ce bon M. Pharaon, qui était également
« membre de plusieurs Académies », avait
recueilli avec soin tout ce qui lui paraissait
digne, pendant ces trois journées, 'l(tre
proposé à l'admiration de la pu: ce.
Dans son zèle, pouvait-il prévoir qu'il ris-
quait de la faire un peu sourire, d'aven-
ture, cette postérité qui devait voir, de-
puis, une collection terriblement variée
d'événements tragiques ?
L'entrain populaire avait été admirable,
et on ne l'a pas oublié. Mais il était prompt
au lyrisme, M. Pharaon, quand il parlait
des faits « presque surnaturels » enfantés
par « un sentiment indéfinissable de pa-
triotisme ». Sans doute, il y en eut à foi-
son des exemples de bravoure, d'abnéga-
tion et de dévouement; mais, après ce
pompeux exorde, quelques historiettes
« pieusement » rapportées semblent quel-
que peu disproportionnées, il faut bien le
confesser, fût-ce un peu irrespectueuse-
ment.
C'est parce qu'il porte bien la trace des
émotions du moment, qu'il est curieux,
ce recueil. Dans la fièvre qui l'animait en-
core, l'excellent M. Pharaon avait quelque
tendance à tout amplifier, à tout grandir.
On peut relever, sans être taxé de man-
quer à ce qu'on doit à la mémoire des
vaillants combattants de 1830, ces plai-
santes exagérations.
Oh ! l'histoire, par exemple, du garde
national, que sa femme, par prudence, en
se défiant de ses ardeurs généreuses, avait
enfermé chez lui, à triple tour, et qui, en
entendant battre le reppel, ne se contint
plus et sauta magnanimement par la croi-
sée d'un. premier étage, après avoir
préalablement descendu ses armes à
l'aide d'une corde ! M. Pharaon exaltait
ce garde national, modèle des citoyens,
sinon des époux, qui, pour attester son
indignation contre les ordonnances, avait
héroïquement bravé une terrible scène
conjugale.
C'est le ton d'emphase qui règne dans
ces relations qui est savoureux. M. Pha-
raon avait une âme à l'antique, en sa qua-
lité de membre de sociétés savantes, et il
n'hésitait pas à transformer les Parisiens
en héros de l'histoire romaine, quoi qu'ils
eussent fait. Tel cet ouvrier maçon qui se
rend, le 28 juillet au matin, chez un pro-
priétaire chez qui il a travaillé et qui
lui demande de lui prêter un habit pour
se battre, ses haillons risquant de le faire
prendre pour un voleur. Après la victoire,
il rapporta l'habit fidèlement, « en s'excu-
sant qu'il fût troué de balles ». A tout
prendre, cette anecdote est caractéristique
de l'honnêteté des combattants, qui fut,
en effet, exemplaire. On vit des loqueteux
déposer aux mairies les objets de prix qui
leur étaient tombés entre les mains.
« Héroïque » encore, selon M. Pharaon,
le marchand de coco qui refusait d'être
payé par des combattants assoifes, en
disant : « Laissez donc, camarades, c'est
mon obole à la patrie t » Il excellait dans
ces phrases lapidaires qu'il prêtait aux
soldats de la cause sainte, ce digne narra-
teur des grandes journées. Héroïque, la
W Monsieur-le-rriûce,
qui, abandonnant son appartement, aux
fenêtres duquel se voyait le tableau tradi-
tionnel, et peut-être ses malades, avait
manifesté ses sentiments patriotiques en
allant rejoindre des gardes nationaux, ha-
billée en homme et affublée d'une redin-
gote verte.
Les petits tableaux suggestifs abondent,
en ces pages. C'est un marchand de vin
blessé au pied ; un élève en médecine lui
retire la balle qui l'avait atteint. Le blessé
la prend, l'embrasse, et dit : « Allez la
porter à ma femme 1 » C'est l'ex-gendarme
qui a pris les armes, et qui a « descendu »
bon nombre de Suisses. On lui offre à
boire : « Merci, dit-il en refusant, le
vrai Français se bat à jeun ! »
L'humanité et la générosité le disputent
au courage. Tel le cas du sieur Jules qui,
voyant un soldat de la garde royale séparé
de son bataillon et sur le point d'être mas-
sacré, se précipite sur lui, l'embrasse, le
couvre de son corps et le sauve par ce
pieux mensonge : « C'est mon frère ! Ne
lui faites pas de mal ! » Il n'y eut jamais
une révolution aussi vertueuse. Le peuple
est aussi modeste que brave. Témoin cette
anecdote. Deux ouvriers causent après la
victoire : « Dis donc, toi, fait l'un, pour
quoi que tu es à présent? Veux-tu une
république ? — Faut voir, répond l'autre.
Nous avons fait « la première ouvrages,
nous sommes des gens de peine 1 Mainte-
nant laisse faire aux gens d étude, aux sa-
vants, ils arrangeront ça pour le mieux t.
Le côté un peu théâtral ne déplaît pas
non plus. Le corps d'un combattant tué
dans les Tuileries est déposé sur le siège
même du trône royal et couvert de lam-
beaux de crêpe. Quant aux histoires du
genre sentimental, elles sont légion. Que
dites-vous de l'ancien soldat, du glorieux
vétéran qui, malgré ses infirmités, a
voulu se mêler aupeuple et diriger les mou-
vements d'une troupe novice. Sa jambe
de bois se casse. Il se désole de ne plus
pouvoir être utile. Alors un patriote de
bonne volonté le met à califourchon sur
ses épaules, et lui sert bénévolement de
monture pour que le soldat, capitaine im-
provisé, puisse continuer à donner ses
instructions.
Le bon M. Pharaon admire tout, tout,
jusqu'à l'étonnante anecdote du sieur
Abraham Lévy, israélite, qui est entré le
cinquième dans le Louvre, et rapporte un
morceau du drapeau des Suisses. Un té-
moin enthousiaste offre de le lui acheter.
« Je ne me suis pas battu pour de l'ar-
gent, répond noblement le sieur Lévy ».
et il accepte dix francs.
Mais, sous la plume de M. Pharaon,
tout devient épique. Il contera encore,
ailleurs, avec le plus parfait sérieux, com-
ment cent cinquante hommes, armés de
piques, ont, pendant les deux derniers
jours, reconnu pour chef un enfant de
treize ans, élève de l'institution Bar-
bet.
Il est intarissable, en prodiguant jus-
qu'à la débauche, les points d'exclama-
tion, en accumulant des traits qu'il ne
cesse de comparer à ceux que nous a lé-
gués l'antiquité. Mais, à la vérité, j'ai
comme de petits remords d'avoir souri. Ce
fut, croyez-le, sans malice, et puis la
naïveté seulement du narrateur. A travers
ces historiettes, la physionomie du temps
s'évoque, et ces journées de foi et d'en-
thousiasme, de désintéressement aussi,
dans la passion de la liberté, demeurent
toujours grandes.
Paul Ginisty.
TROP VIFS
Bastide, anarchiste dangereux, qui donnaU
asile à un compagnon, a été arrêté hier rue dq
Maubeuge, et chez lui on a trouvé tout ut
assortiment de bombes.
Voilà le bruit qui courait hier dans le quar-
tier et voici ce qui y a donné lieu :
M. de la Bastide,directeur de la cristallerie de
Choisy-le-Roi, recevait hier soir, vers huit
heures, deux ouvriers de son usine qui ve-
naient lui adresser une réclamation relative-
ment à leur salaire.
Il les éconduisit. Les ouvriers se fâchant,
ayant menacé de le faire sauter, il fit appeler
des gardiens de la paix qui les conduisirent
au poste.
Les versions, on le voit, diffèrent.
M. AUGER EN RETRAITE
Une anecdote sur le boulangisme. -..
Le général et le policier.
Curieuse entrevue
M. Auger, ancien officier de paix de la bri*
gade des jeux et jusqu'à ces jours derniers chef
de bureau des brigades des recherches, vient
de prendre sa retraite.
11 appartenait depuis une vingtaine d'an-
nées à la préfecture de police et était officier de
paix du vingtième arrondissement quand il
fut appelé à diriger la brigade des jeux, à la
tête de laquelle il resta pendant près de dix
ans.
Il s'est particulièrement distingué pendant
le boulangisme. C'est lui, qui avait de nom-
breuses relations dans le monde parisien, dans
ce monde assez spécial d'ambitieux et de
pêcheurs en eau trouble qui gravitent autour
des tables de jeu, qu'on chargea de pénétrer
les petits secrets de l'entourage du général et
de le surveiller.
Ce fut notamment sur les indications de ses
agents secrets qu'on trouva, rue des Abbesses,
la fameuse cantine du général, dans laquelle
M. Quesnay de Beaurepaire puisa quelques
preuves à l'appui de son argumentation de-
vant la haute cour ; ce fut un de ses agents
encore qui monta au chef du parti national la
gigantesque bateau qui consistait à lui faire
croire que son arrestation était imminente et
que s'il ne quittait pas la France le gouver-
nement le mettrait sous les verrous.
Le général, on s'en souvient, y crut, et talle
dis que le 5 avril 1889 l'agent lui montrait un
faux mandat d'amener exécutable le lende-
main, Boulanger, convaincu du danger qu'il
courait, prit à 9 h. 45 du soir, en compagnie
de Mme de Bonnemains, le train pour Bruxel-
les, quittant la France pour n'y plus ren-
trer.
Curieuse anecdote
Ce soir-là, devant l'hôtel du général, rue
Dumont-d'Urville, se trouvait en surveillance
l'inspecteur des recherches Godefroy, tandis
que rue de Berry a. devant la demeure de Mme
de Bonnemains était posté M. Auger lui*
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