Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-07-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 07 juillet 1894 07 juillet 1894
Description : 1894/07/07 (A24,N8209). 1894/07/07 (A24,N8209).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
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VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. — N° 8,209 - - ,:. a.,:',. ; LE NUMERO CINQ FCENTIMES * SAMEDI 7 JUILLET 189*
- - SAMEDI- 7 JUILLET- 189 1
LE Xir SIECLE
REDACTION ET ADItlRVSTRATlM
142. Rue Montmaptpt
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sïrecteur politique -
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La France Elctoral
-' S'il faut en croire notre confrère Henri
Avenel, la France vote de moins en moins
et les pessimistes ne manqueront pas d'a-
jouter que le suffragfe funiversel est menacé
de finir comme la peau de chagrin de Bal-
zac.-
« Tout nouveau tout beau », dit un
vieux proverbe. Je crois, en effet, qu'on
n'a jamais tant voté que le jour où l'on a
voté pour la première fois.
Et cependant l'électeur était loin d'avoir
alors toutes les facilités qui lui sont offer-
tes aujourd'hui. Le décret du 6 mars 1848
qui instituait le suffrage universel imposait
aux citoyens l'obligation d'aller porter
leurs bulletins au chef-lieu de leur can-
ton, d'où une série de dérangements, de
fatigues et de dépenses qui pouvaient ser-
vir d'excuses préventives aux abstention-
nistes.
Malgré cela, les abstentions furent fort
rares en 1848. La France entière, mise
pour la première fois en possession d'elle-
même, voulut affirmer sa souveraineté par
une manifestation éclatante. Sur 100 ins-
crits il y eut 91 votants et seulement 9 ab-
stentions. C'est uneproportion qui ne s'est
jamais retrouvée depuis.
*
* *
Aujourd'hui, au fur. et à mesure que le
nombre des électeurs augmente, le nom-
bre des votants diminue. Et après avoir
établi le suffra.ge universel comme la pierre
angulaire de nos institutions, on se trouve
tout doucement incliné dans la pratique
vers les errements du suffrage restreint.
Il y avait en 1877 9,948,000 électeurs
inscrits ; en 1893 ce nombre s'est élevé à
10,446,178. Mais pendant que grossissait le
chiffre des inscrits, le chiffre des vo-
tants diminuait dans une proportion in-
verse et très sensiblement décroissante.
Ainsi on comptait :
VOTANTS ABSTENTIONS
En 1877. 8.012.714 1.935.356
En 1881. 6.944.531 3.180.299
En 1885. 7.896.062 2.285.053
En 1889. 7.953.382 2.433.948
En 1893. 7.427.354 3.018.894
Soit en moyenne 29 abstentionnistes
sur cent électeurs inscrits.
';1 *
* #
M. Henri Avenel ne s'en tient pas à ces
observations d'ensemble. Il dresse une
carte électorale de la France et recherche
quelles sont les régions qui donnent le
plus fâcheux exemple d'abandon dans
l'exercice des droits politiques.
Dans les régions du Nord et du Sud-Ouest
les abstentions ne sont pas très nombreu-
ses et les électeurs tiennent le record de
l'exactitude. Mais il en est autrement dans
les départements du Sud-Est. Les Pro-
vençaux, qui remuent si bien la langue,
sont plus difficiles à remuer quand il faut
passer des paroles aux actes. Dans quel-
ques départements, notamment dans le
Vcf, le nombre des abstentionnistes ba-
lance à peu près le nombre des votants.
Ce résultat ne laisse pas de surprendre
quand on se rappelle. les incidents tumul-
tueux qui ont marqué la lutte Jourdan-
Clemenceau, lors du dernier renouvelle-
ment de la Chambre. N'est-ce pas le cas
de dire que ceux qui font le plus de bruit
ne sont pas ceux qui font le plus de beso-
gne ? Et une région où la moitié des élec-
teurs se rayent volontairement de la liste
des vivants politiques est-elle encore de
fait sous le régime du suffrage universel ?
* *
Aussi, les ennemis des institutions ré-
publicaines ne se lassentpasdefaire parler
ces morts volontaires et de porter à leur
actif les suffrages non exprimés.
C'est en ajoutant le chiffre des absten-
tionnistes au nombre de voix recueillies
par les candidats réactionnaires que l'op-
position cherche à établir qu'en dépit des
majorités républicaines de la Chambre et
du Sénat, la République est en minorité
dans le pays. Et la statistique — qui est
bonne fille — se laisse faire ou du moins
s'est laissé faire jusqu'aux élections de
1893.
Mais, à cette date, ce sophisme grossier
a fini par se retourner contre ceux qui en
jouaient. Les républicains ont obtenu aux
élections d'octobre près de six millions de
voix — exactement 5,960,000. Les réac-
tionnaires de tout ordre en avaient seule-
ment 1,179,000. En leur accordant même
très libéralement les 3,018,824 abstentions
qui se produisirent, ils resteraient encore
fort en deçà du but. La République avait
obtenu cette fois la majorité des électeurs
inscrits.
***
Est-il nécessaire d'ajouter que les abs-
tentionnistes ne sont nullement acquis
aux partis hostiles à la République ?
Les causes des abstentions sont multi-
ples sans doute, mais l'une des plus sé-
rieuses n'est pas, comme on l'imagine,
l'indifférence en matière de gouvernement ;
il n'y faut pas voir application à la politi-
que de la doctrine économique « laissez
faire, laissez passer »•
Parmi les électeurs qui ne votent pas, il
y en a sans doute pas mal d'insouciants,
de négligents que l'exercice des droits élec-
toraux dérange dans leurs petites habitu-
des, leurs réceptions, leurs voyages ou
leurs parties de campagne.
Mais ce qui favorise au premier chef
l'abstention, c'est moins encore l'indiffé-
rence que la sécurité et l'assurance du len-
demain. Quand il y a crise politique,
quand le corps électoral croit à tort ou à
raison les institutions républicaines me-
nacées, il sort très vite de sa torpeur et
donne un bon coup de collier pour sortir
de l'ornière le char en détresse.
Jamais le nombre des abstentions n'a
été si faible qu'en 1877. C'est qu'à ce mo-
ment la réaction se croyait partout triom-
phante et que l'arrière-garde républicaine,
inquiète de ces progrès, daigna donner en
personne pour lui infliger une leçon de
modestie.
* $
Peut-être enfin, le scrutin d'arrondisse-
ment,en multipliant les fiefs et les bourgs-
pourris, contribue-t-il plus qu'on ne pense
a faire le vide autour des urnes électora-
les. Bon nombre de circonscriptions n'ont
qu'un seul candidat et la minorité décou-
ragée à l'avance d'une lutte sans portée
n'a que l'abstention pour unique res-
source.
Avec le scrutin de liste, les partis pour-
raient plus aisément se compter et vote-
raient pour des idé et non pour des hom-
mes. La Constituante de 1848, élue au
scrutin de liste, renfermait plus d'hommes
remarquables que toutes les assemblées
qui suivirent. La très grande majorité des
électeurs avait pris part à la lutte et l'on
ne compta qu'un nombre infime d'absten-
tions.
Cependant, si le nombre des abstentions
s'est accru depuis dix-huit ans dans des
proportions regrettables, l'opinion répu-
blicaine n'a pas cessé de gagner du ter-
rain.
Sur cent suffrages exprimés on comp-
tait, en 1876, 51 suffrages républicains et
49 suffrages réactionnaires. Les partis se
trouvaient à peu près botte à botte.
En 1881 les républicains prennent une
forte avance ; la proportion de leurs votes
s'élève à 75 contre 25. L'année 1885 est
marquée par un « revenez-y » de toutes
les réactions coalisées, soit 55 votes favo-
rables contre 45 hostiles à la République.
Mais en 18891e nombre des suffrages réac-
tionnaires descend à 21 pour tomber à 16
en 1893.
Pour peu que ce mouvement se pour-
suive avec la même régularité, on cher-
chera en vain dans les scrutins du ving-
tième siècle cet oiseau rare qui s'appelle
un monarchiste.
Thomas Graindorge.
COMPTE RENDU FIDÈLE
Les journaux dévoués au concessionnaire
général de l'exposition de Lyon, M. Claret,
ont une manière. étonnante d'ecrire l'histoire.
Voici en quels termes textuels le Lyon répu-
blicain a rendu compte des fêtes de Lyon,
dans son numéro (édition des départements)
du23 juin, lendemain de l'assassinat de M.
Carnot.
A dix heures, dimanche, le président se rend, au
milieu d'un concours de population, à la soirée de
gala donnée au Grand-Théâtre. On donnait Andro-
viaque, avec les artistes de la Comédie-Française.
M. Carnot, à son entrée, est l'objet d'une longue
ovation. Après être resté près d'une heure au
théâtre, le président a regagné la préfecture tou-
jours acclamé.
Depuis la mémorable journée des Russes on
n'avitit pas vu dans les rues de Lyon une foule pa-
reille. Les monuments publics étincelaient de lu-
mière ; de nombreuses maisons particulières étaient
pavoisées. La rue de la République était surtout
splendide à voir; on marchait sous une véritable
voûte de lumière.
En somme, cette première journée de fêtes a été
des plus belles et aucun incident fâcheux n'est
venu la trouble)..
Ce compte rendu comme exactitude peut
être rapproché de ceux dans lesquels le même
Lyon républicain raconte les merveilles de
cette entreprise qui, pour être absolument ra-
tée, n'en est pas moins la cause indirecte de
la mort de M. Carnot.
LE TYPHUS A PARIS
Le comité consultatif d'hygiène s'est occupé
des cas de typhus qui se sont déclarés si
singulièrement rue Maître-Albert et que nous
avons signalés hier.
Le docteur Proust, chargé d'une enquête à
ce sujet, a constaté que les cas qui s'étaient
produits là sont des cas de typhus exanthé-
matique.
Cette maladie, très rarement observée en
France, a fait son apparition l'année dernière
dans les circonstances que nous avons dites
hier. Elle paraît avoir été apportée à Paris de
certaines régions de l'Ouest, où elle est à l'état
endémique, par des cheminaux, des saltim-
banques, des voyageurs indigents, qu'une ré-
cente circulaire ministérielle recommande de
considérer comme suspects.
Ce sont ces gens-là qui fréquentent les éta-
blissements du genre de celui de la rue Maî-
tre-Albert. Il est donc urgent d'exécuter à la
lettre et énergiquement les mesures ordonnées
peur combattre la dissémination des germes
morbides; c'est d'autant moins difficile qu'à la
préfecture de police quatre médecins sont
spécialement commis à l'examen des cas
suspects.
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN
Lorsque le vice-amiral Gervais manifesta
l'intention de prendre un commandement à
la mer, celui de l'escadre de réserve de la Mé-
diterranée, on répandit le bruit et l'on crut fa-
cilement que le chef de l'état-major général
de la marine ne voulait pas quitter ce poste
important sans avoir préparé, pour cette an-
née, la mobilisation depuis si longtemps ré-
clamée d'une partie des inscrits maritimes.
Or, si l'amiral Gervais doit toujours arbo-
rer son pavillon de commandement en sep-
tembre, nous apprenons que l'on recule à une
époque indéterminée la participation aux ma-
nœuvres de la défense des côtes de la Man-
che, des inscrits affectés aux batteries de
front de mer.
De sorte que ces manœuvres, qui consti-
tuent une intéressante innovation, ne servi-
ront en réalité qu'à apprécier la valeur du
commandement et de l'organisation des deux
secteurs du Nord, confiés, l'un à un contre-
amiral, l'autre à un ofticier de l'armée de
terre.
Elles n'auront point la portée qu'on leur
avait d'abord attribuée, et, par conséquent,
ne pourront permettre d'envisager sûrement
les éventualités d'une prompte mobilisation.
-
LA CATASTROPHE DE KARVIN
Vienne, 5 juillet.
Près de trois semaines se sont écoulees depuis
l'explosion de grisou qui s'est produite dans les
mines de Karvin (Silésie) et qui a coûté la vie à
plus de 200 mineurs.
Les ingénieurs comptaient que, par suite de l'iso-
lement complet des mines d avec l'air extérieur,
l'incendie qui s'y était déclaré s'était éteint et que
l'on pourrait commencer à en retirer les cadavres
et à reprendre le travail; mais ces prévisions ont
été déçues. Au moment où l'on s'apprêtait hier à
pénétrer dans les puits, l'air qui s'y engagea en
même temps raviva l'incendie, de sorte que leq
travaux durent être interrompus à nouveau et qu'il
f..Hut clore les puits hermétiquement.
L'AMNISTIE
LA SÉANCE DE LA CHAMBRE
Deux propositions d'amnistie. — M. Dupuy
et M. Goblet. — L'urgence deux
fois repoussée. — Une vieille
interpellation
La Chambre a consacré la première partie
de sa séance d'hier à nommer son nouveau
président. M. Burdeau a été élu, comme c'é-
tait préyu du reste. Il a eu 259 voix — la ma-
jorité absolue étant de 232 — contre 157 à M.
Brisson. Vingt-six voix se sont égarées sur
des noms divers et il y a eu de plus douze
bulletins blancs.
Après ce vote, M. le vice-président Etienne
— c'est lui qui, hier, occupait le fauteuil — a
donné la parole à M. Camille Pelletan qui est
venu déposer et lire la proposition d'amnistie
annoncée depuis quelques jours.
L'amnistie, telle que la réclamait l'extrême
gauche, visait les deux condamnés de la
haute cour, MM. Rochefort et Dillon, puis
les condamnés pour délits de presse ou faits
de grève. Mais elle excluait formellement les
anarchistes.
M. Pelletan a demandé l'urgence. Le gou-
vernement n'a pas dit mot et l'urgence a été
mise aussitôt aux voix sans que personne eût
pu prévoir un vote si précipité, sans que les
auteurs de la proposition eussent même eu le
temps de déposer une demande de scrutin.
C'est donc à mains levées que l'urgence a
été refusée à l'amnistie. L'affaire avait été si
rapidement enlevée, que l'extrême-gauchè
n'avait pas eu le temps de se reconnaître. Le
vote était déjà acquis quand elle a fait enten-
dre quelques cris de protestation.
Alors, les radicaux et les socialistes — qui
décidément commencent à savoir jouer du rè-
glement — ont eu recours à un petit truc. Ils
ont laissé une heure se passer au règlement
de diverses petites affaires, dont nous dirons
un mot tout à l'heure. Puis, au moment où il
ne restait plus qu'à lever la séance, un socia-
liste, M. Viviani, est venu déposer une nou-
velle proposition d'amnistie, analogue quant
au fond à celle de M. Pelletan, mais conçue
en d'autres termes, ce qui rendait possible
une discussion. M. Viviani a, lui aussi, de-
mandé l'urgence, et s'il n'a pas eu à cet égard
plus de succès que n'en avait obtenu M. Pel-
letan, du moins a-t-il soulevé un débat et
provoqué un scrutin, ce qui était le but pour-
suivi.
POUR ET CONTRE L'AMNISTIE
C'est M. Camille Pelletan qui s'est chargé
d'exposer les divers arguments qui militaient
non seulement en faveur de l'urgence, mais
aussi de l'amnistie elle-même. 11 a montré
qu'il n'était que temps de rouvrir la France
aux deux derniers proscrits du boulangisme,
alors que tous les autres participants de cette
entreprise sont aujourd'hui non seulement
pardonnés mais encore, dans certains cas,
comblés des faveurs gouvernementales. Il est
vrai que ces derniers sont des réactionnaires.
M. Camille Pelletan. — Il y a une deuxiè-
me catégorie : les condamnés pour faits de grève.
Je no veux pas examiner dans quelles conditions
ces condamnations sont intervenues et si ces mal-
heureux ouvriers n'ont pas été provoqués après
avoir vainement demande satisfaction par les voies
légales.
Quand même on admettrait qu'ils se sont laissé
entraîner à des actes de violence coupables, ce que
je ne crois pas, il faudrait en tout cas reconnaître
qu'ils avaient pour excuse cette misère imméritée
dont on a parlé dans un document que vous n'avez
pas eu le temps d'oublier. (Très bien 1 très bien ! à
gauche.)
Il y était dit aussi qu'il fallait donner à ceux qui
soutirent de cette misère imméritée autre chose
que des espérances.
Eh bien, quand il s'agit, non pas de changements
de législation qui peuvent donner lieu à des con-
testations, mais simplement d'un acte d'oubli
qu un vainqueur prudent et intelligent n'hésiterait
pas à prononcer (Très bien ! très bien ! à gau-
che), si vous n'opposez qu'un refus dédaigneux,
que voulez-vous que le pays pense ? (Applaudisse-
ments à gauche).
Nous savons que vous faites l'apaisement d'un
autre côté. Il y a des mesures d'apaisement qui
sont prêtes ; j'ai le droit de comparer la répres-
sion qu'on fait peser d'un côté avec l'indulgence
dont on fait preuve à l'égard du clergé, qui s'est
mis en insurrection contre une loi de la Républi-
que. (Interruptions à droite.)
Je m'adresse à la Chambre et je la prie, au nom
de la République, d'apporter autant d'esprit d'a-
paisement du côté des ouvriers que du côté des
évêques. (Applaudissements à gauche. — Bruit.)
M. Ernest Roche a également appuyé la
demande d'urgence, rappelant qu'il y a dans
la Chambre une majorité républicaine acquise
à l'amnistie et qui n'a pu être précédemment
mise en échec — et à bien peu de chose près
— que grâce au concours des voix de la
droite.
M. Charles Dupuy voulait manifestement
éviter de répondre. Mais la Chambre a mon-
tré un tel étonnement de voir te gouvernement
se tenir coi en pareille circonstance que le
président du conseil a dû se résigner à venir
dire quelques mots.
Il s'est obstinément prononcé contre l'ur-
gence et a repoussé toute idée d'amnistie an-
nonçant qu'il y aurait seulement quelques
grâces à l'occasion du 14 juillet, comme à
l'occasion aussi de l' « avènement » du nou-
veau président de la République. Cette ex-
pression monarchique d' « avènement », que
M. Dupuy avait dû faire exprès de choisir, a
été ironiquement applaudie par la gauche.
Puis le président du conseil a fini en jouant
quelque peu du péril anarchiste :
M. Ch. Dnpny. — Dans les catégories diverses
pour lesquelles on demande l'amnistie sont com-
pris des délits do presse. Parmi ceux qui en béné-
ficieraient se trouvent des gens condamnés pour
des délits de presse qui ne sont pas ordinaires.
Voici, par exemple, Breton, qui a été défendu par
M. Viviani. 11 a été condamné pour la phrase sui-
vante:
« Maintenant notre infâme société met dans la
main d'un homme la vie d'un autre homme. Elle
permet à Carnot d'être assassin ou homme. Quel
rôle préférera-t-il ? Nous ne savons.
« Mais s'il se prononce froidement pour la mort,
il n'y aura plus en France un seul homme pour le
plaindre, s'il lui arrive un jour le petit désagré-
ment de voir sa carcasse de bois disloquée par une
bombe. » (Exclamations.)
Et maintenant vous ferez ce que vous voudrez.
Mais tout aussitôt M. Goblet a demandé la
parole pour répondre surtout à ce dernier ar-
gument ;
lU. Goblet. — M. le président du conseil s'est
borné à répondre quenous voulions l'amnistie même
pour les délits de presse, et que, parmi cas délits,
il y a celui pour lequel a été condamné Breton,
dont il a rappelé une phrase. Je n'entrerai pas dans
cet ordre de discussion. (Exclamations au centre.)
Croyez-vous, que ce sont des articles comme celui-
là qui mettent le poignard- aux mains des assas-
sins?
Voix nombreuses au centre. — Oui ! oui 1
M, llené Goblet. - Vous n'avez donc pM lu vos
propres journaux? Vous auriez pu lire hier, dans
le Figarti, que l'assassin, dont nous détestons tous
également le crime, a été inspiré par les Châti-
ments de Victor Hugo. (Mouvements divers.)
Ce ne sont pas los excès de rigueur contre des
délits de presse qui empêchent des crimes abomi-
nables comme celui-là, c'est avant tout une police
bien faite., (Vifs applaudissements à l'extrême
gauchel
Avant de faire la citation avec laquelle vous
avez voulu soulever contre nous l'opinion, vous
auriez dû, monsieur le président du conseil, vous
souvenir de la lourde responsabilité qui pèse sur
vous. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes
banc.)
MIl. Millerand et Jaurès. — Oui, c'est Me
Dupuy qui est responsable de l'attentat de Lyonl
M. Coblet. - Ce qu'a dit M. le président du
conseil est d'autant plus injuste qu'il sait parfaite-
ment que nous avons exclu de notre proposition
d'amnistie et les attentats contre les personnes et
les provocations aux crimes anarchistes, et que, par
conséquent, la condamnation prononcée contre Bre-
ton échappe à l'amnistie que nous demandons.
Malgré tout, 367 voix contre 157 ont re-
poussé l'urgence. C'était l'enterrement de
l'amnistie 1
LES MANIFESTATIONS
DU PÈRE-LACHAISE
Entre les deux demandes d'amnistie, celle
de M. Pelletan et celle de M. Viviani, la
Chambre avait liquidé la vieille interpella-
tion, autrefois renvoyée à un mois, de M.
Vaillant,sur l'interdiction de la manifestation
du 27 mai au Pèré-Lachaise.
La question n'avait plus qu'un intérêt ré-
trospectif. Aussi ne s'y est-on pas longtemps
arrêté.
M. Vaillant a brièvement protesté contre
les agissements de la police — il a même dit
les provocations — et contre la prétention
d'empêcher les survivants et les partisans de
la Commune d'honorer la mémoire des morts
de 1871, alors qu'on @ avait toujours, en ces
dernières années, usé d'une bien plus large
toléranée sans qu'aucun désordre en résultât.
M. Dupuy a repondu que si c'était à refaire,
il agirait encore de la même façon et qu'il
n'admettait pas qu'on fît l'apologie de la Com-
mune dont la France, a-t-il ajouté, « a le dé-
goût et l'horreur ». Puis M. Faberot a repro-
duit, , ii un langage plus violent, et qui vers
la fin s'est fait comminatoire,. les doléances
de M. Vaillant.
L'ordre du jour de blâme au gouvernement
qu'avaient présenté les députés socialistes n'a
recueilli que 65 voix contre 470. Et l'incident
a fini sur le cri, poussé par M. Dejeante, de :
« Vivent les martyrs de la République ! Vive
la révolution sociale 1 »
La Chambre siégera aujourd'hui pour élire
un vice-président en remplacement de M.
Burdeau devenu président et pour discuter
des projets sur les raisins secs et les mélas-
ses.. Samedi viendra l'interpellation sur la
grève de Graissessac et lundi on commencera
les quatre contributions directes. Une inter-
pellation de M. d'Hugues sur les jeux de
Bourse et les réassurances générales a été
renvoyée à un mois - c'est-à-dire aux calen-
des grecques car, dans un mois, nos députés
seront aux champs.
LE
NOUVEAU PRESIDENT DE LA CHAMBRE
M.BURDEAU
M. Burdeau est, après Gambetta et M. Du-
puy, l'un des hommes politiques qui sont ar-
rivés le plus jeune au fauteuil présidentiel.
Gambetta avait, au moment de son élection
à la présidence, quarante-un ans et M. Du-
puy en avait quarante-deux. M. Burdeau en
a, lui, quarante-trois.
Fils de canut de Lyon, le successeur de
M. Casimir-Perier au Palais-Bourbon doit
toute sa fortune à son intelligence et à son
travail.
Ce fut, en effet, comme boursier qu'il put
poursuivre ses études jusqu'à l'agrégation de
philosophie et devenir successivement par la
suite professeur à Lons-le-Saunier, à Saint-
Etienne, puis à Paris, au lycée Louis-le-
Grand.
k M. Burdeau, qui avait fait, entre temps, la
campagne de 1870 où il fut blessé et emmené
prisonnier en Allemagne, avait depuis publié
des traductions d'Herbert Spencer et de Scho-
penhauer qui attirèrent sur lui l'attention.
M. Paul Bert, auquel les mérites du jeune
professeur n'avaient pas échappé, l'appela
auprès de lui, lors de son arrivee au minis-
tère de l'instruction publique, en 1881, comme
chef de cabinet.
Quatre ans plus tard, aux élections de 1885.
M. Burdeau était élu député du Rhône. Bien-
tôt il prenait à la Chambre une situation im-
portante et devenait, tour à tour, vice-prési-
dent, rapporteur du budget, puis en 1892,
dans le cabinet Loubet, ministre de la marine
et enfin, l'hiver dernier, dans le. cabinet Ca-
simir-Perier, ministre des finances.
Nous ne rappellerons pas quels furent les
incidents auxquels M. Burdeau fut mêlé dans
ces derniers temps, soit au sujet du renouvel-
lement du privilège de la Banque de France,
soit pendant les affaires de Panama, soit en-
core au moment des faux papiers Nordton.
Il nous suffit de constater que de tous les
membres de la Chambre, il est un de ceux
qui ont le plus d'autorité sur leurs collègues
et qui se trouvent par cela même le plus apte
à diriger les débats.
Malheureusement, sa santé laisse beaucoup
à désirer et sans l'approche des vacances, qui
vont lui permettre de prendre quelque repos,
on pourrait craindre que ses nouvelles fonc-
tions ne soient un peu au-dessus de ses
forces.
LES SCELLÉS A L'ÉLYSÉE
Les scellés qui, suivant l'usage, avaient été
apposés à l'Elysée dans le cabinet du prési-
dent de la République, le lendemain même
de sa mort, ont été levés hier matin par le
juge de paix du huitième arrondissement.
Les membres de la famille, le général Bo-
rius et les officiers de la maison militaire,
ainsi que des représentants des ministres de
la guerre, de la marine et des affaires étran-
gères étaient présents.
L'AGRANDISSEMENT DE LA CONCIERGERIE
Le conseil général vient de décider l'agrandisse-
ment de la Conciergerie. La dépense, évaluée
326.847 francs, permettra d'installer 32 cellules, une
salle d'attente, une lingerie, des dégagements très
vastes dans le nouveau bâtiment de la cour Saint-
Martin et 43 cellules dans le corps de bâtiment cen-
tral situé entre la galerie Marchande et la cour
Saint-Martin.
VICAIRE GÉNÉRAL CONDAMNÉ
m < -
Avignon, 5 juillet.
Le juge de paix de l'Isle-sur-Sorgues a pro-
noncé aujourd'hui son jugement sur les pour-
suites intentées au vicaire général Plantin
qui, contrairement à l'arrêté d'interdiction,
avait organisé une procession en l'honneur
de l'évêque de Montauban, qui venait de don-
ner la confirmation en remplacement de l'ar-
chevêque d'Avignon.
Le juge de paix s'est déclaré compétent
malgré l'opposition et a condamné M. Plantin
à un frunc d'amende, aux frais et fixant à 2
jours le maximum de la contrainte par
ccros..
LA VIE DE PARIS
La préfecture de police est fort en l'air,
par suite du remplacement de M. Goron
comme chef de la Sûreté. Et le public
parisien s'intéresse beaucoup à cette af-
faire, parce que, tandis que la police, en
général, est impopulaire (par définition,
dirait un philosophe), les chefs de la po-
lice sont, au contraire, très connus et très
populaires, souvent hommes à la mode et
recherchés. Cette popularité des chefs po-
liciers est, je crois, due surtout à la litté-
rature et aux romans innombrables qui,
depuis Gaboriau (que Balzac avait pré-
cédé) ont décrit les luttes des malfaiteurs
et de la police.
Les Mémoires, plus ou moins authen-
tiques ou personnels, de Vidocq d'abord,
puis de M. Macé, de M. Andrieux, de M.
Claude, etc., etc., ont également éveillé la
curiosité du public, et le chef de la Sûreté
est toujours un personnage très connu du
public et qui l'intéresse vivement.
On s'est donc préoccupé du changement
de poste que M. Goron a dû subir et de la
retraite prise, plus ou moins volontaire-
ment, par M. Jaume. On a cherché les
causes de cette disgrâce et de cette retraite,
et on a fini par les connaître. Ce qui clo-
chait dans le service, c'était la comptabi-
lité. Il y aurait eu des irrégularités, des
virements, des faux même, dit-on, en tout
cas un coulage certain sur les frais de la
Sûreté.
M. Goron est mis hors de cause au point
de vue de l'honorabilité, et j'en suis bien
aise, car je le connaissais et le tenais pour
un très galant homme. Mais, ne profitant
pas de ces gabegies (peut-être tradition-
nelles ?) il avait eu le tort, étant chef de
service, de les supporter ou de les ignorer.
Son honneur d'homme restant intact, sa
responsabilité d'administrateur était en-
gagée, et son départ sera, dit-on, le point
de départ d'une réorganisation complète
des services.
A ce propos, on a remis sur le tapis, et
ce n'est pas la première fois, la question
de la concentration de tous les services de
la police aux mains d'un seul homme, qui
serait nommé ministre de la police. Cet
homme existe en réalité : c'est le ministre
de l'intérieur. Il est le chef ou le surveil-
lant du préfet de police, de la police mu-
nicipale, de la Sûreté, de la Sûreté géné-
rale, celle-ci rattachée au ministère de
l'intérieur de la façon la plus directe.
Mais le ministre de l'intérieur a autre
chose à faire que de s'occuper de la po-
lice, ce qui suffit amplement à occuper
l'activité d'un homme. Il ne peut empê-
cher l'incohérence qui naît de ces servi-
ces divers, Et quand je dis l'incohérence,
je suis bien bon ! Les services sont sans
cesse en rivalité et je me souviens encore
d'un préfet de police qui me racontait, en
se tordant de rire d'ailleurs, que ses
agents avaient, au moment d'une grève,
« mis à l'ombre » une demi-douzaine d'a-
gents de la Sûreté générale.
On en est donc presque resté aux temps
du premier Empire où Fouché et Sa-
vary, avec leurs polices diverses, se
jouaient des tours noirs, et aux temps de
Napoléon III où la police du château et
celle de la préfecture étaient à couteaux
tirés. Il est certain que la concentration
des services en une seule main rétablirait
l'unité dans les services et empêcherait
certains relâchements de la surveillance.
Qui sait si un chef unique et responsable
de la police n'eût pas pris plus de précau-
tions autour de M. Carnot?
C'est pour cela qu'il a été question de la
création d'un ministère de la police et le
moment ne paraît pas trop mai choisi avec
la recrudescence des crimes anarchistes.
Plusieurs hommes, passant pour compé-
tents sur la question, ont été interviewés
et se sont montrés partisans de la chose.
Mais, je crois que ces hommes ne se
sont rendu compte que de l'utilité qu'il y
aurait à concentrer les services, ce qui est
indéniable, et ne se sont pas assez rendu
compte des difficultés insurmontables que
présenterait la création du ministère. Un
des interviewés, M. Gazelles, ancien di-
recteur de la Sûreté générale, me paraît
avoir très bien compris ces difficultés. S'il
y avait un ministre de la police, il fau-
drait le prendre dans le Parlement.
En admettant même qu'aucune diffi-
culté constitutionnelle ne fût soulevée par
un choix fait en dehors des Chambres, les
députés ne supporteraient pas qu'un
homme, ayant un pouvoir immense et,
entre autres facilités, celle de les surveiller,
ne fût pas un des leurs et échappât à leur
contrôle, à leur intimité. Il faudrait donc
prendre le ministre de la police parmi les
députés. On en pourrait trouver de très
compétents, car la police est un instinct,
un don d'artiste, plus qu'une science.
Il y a des gens qui passent vingt ans à
la préfecture sans rien acquérir que des
idees de routine et des préjugés ; il y en a
qui, en quinze jours, sitôt maîtres de l'ins-
trument mis entre leurs mains, s'en ser-
viraient d'une façon admirable. Mais le
bénéfice qu'on tirerait de la concentration
des services disparaîtrait devant l'instabi-
lité de leur chef. Le ministre de la police
tomberait avec les autres membres du
cabinet ou les entraînerait avec lui.
Que si on le tenait en dehors des crises
ministérielles, le ministre deviendrait un
trop puissant personnage. Je crois donc,
avec M. Gazelles, que la création d'un
ministère de la police est chose chimé-
rique dans notre démocratie et que ce
qu'on doit poursuivre, c'est l'unité des
services sous un chef titulaire d'un nom
aussi retentissant et redouté que celui de
ministre de la police. Quant aux améliora-
tions à faire dans les services, je veux
bien qu'elles commencent par mettre un
terme à de petits abus, à de petits coula-
ges. Mais il est peut-être plus important
encore, si en veut avoir une bonne police,
de se montrer plus large sur les questions
d'argent.
On demande aux policiers le même dé-
vouement, la même abnégation que par
le passé, et de plus, plus de tenue, plus
de sociabilité. Par une évolution des
mœurs, assez semblable à celle qui a eu
lieu pour les comédiens, l'homme de po-
lice a vu s'étendre et s'améliorer ses rela-
tions. Il faut qu'il puisse vivre honorable-
ment dans le monde.
Tous ceux qui ont étudié d'un peu près
la préfecture de police se sont aperçus que
c'était la maison d'Harpagon. Elle est
pleine de maîtres Jacques, qui n'ont pas
de quoi payer leurs souquenilles variées.
Et si on fait peut-être de bonne cuisine
sans argent (j'en doute), on ne fait pas de
bonne police. J'en suis sûr.
Henry Fouquier.
LA COURONNE DES DÉPUTES
Nous avons dit qu'une souscription avait
été ouverte à la Chambre pour l'achat d'une
couronne à M. Carnot.
Tous les députés à quelque fraction de la
Chambre qu'ils appartiennent se sont em-
pressés de s'inscrire sur cette liste.
Deux membres de la Chambre cependant
ont fait exception et, quand la liste leur a été
présentée, ont refusé d'y mettre leur nom.
Les noms des deux députés qui ont refusé
au président de la République défunt ce su-
prême hommage méritent ae ne pas rester
ignorés.
Ce sont MM. Jules Roche et Daniel Wilson.
LES SERVICES MARITIMES POSTAUX
La commission des services maritimes pos-
taux a terminé hier l'examen du projet con-
cernant les services corses.
Sur les instances de M. Gavini, elle a décidé'
que le courrier de Tunis toucherait une fois
par semaine à Bastia.
Elle a, en outre, adopté un amendement de
M. Abel, relatif à la création d'une ligne heb-
domadaire entre Marseille-Toulon surAjaccio.
et Bastia alternativement.
M. Emmanuel Arène a été nommé rappor-
teur des services corses par 10 voix contre 3 à;
M. Abel.
A l'unanimité moins une voix, M. Saint-
Germain a été nommé rapporteur du projet1
des lignes algériennes.
Lundi prochain, M. Lourties, ministre du.
commerce, sera entendu par la commission,
ainsi que M. de Selves, directeur des postes
et télégraphes.
C'est au cours de cette séance que se posera
la question de la prorogation pour une an-
née, de la, concession actuelle.
L'AFFAIRE nu GENERAL EDON
AVANT LE PROCÈS
Le « point de droit » des débats. —
La question des cartouches.
C'est, comme on le sait, lundi prochain, 9
juillet, que le général Edon comparaîtra de-
vant le conseil de guerre de Paris sous l'in-
culpation d'avoir, au cours de l'inspection du
4e régiment d'infanterie, commis un homicide
par imprudence sur la personne du sous-
ieutenant Schiffmàcher.
Les faits sont @ trop récents pour qu'il soit
besoin de les résumer. Précisons seulement
certains points.
L'ACCIDENT
Lors de l'inspection du général Edon, 1®.'
sous-lieutenant Schiffmacher se trouvait place
au premier rang de la quatrième section de la
deuxième compagnie du premier bataillon.
En passant devant l'officier, le général lui
dit :
— Si quelqu'un de vos hommes avait un
pantalon aussi long que le vôtre, vous ne.
manqueriez pas de lui faire une observation,
qui serait meritée 1
Puis cédant à l'habitude qu'ont les officiers
supérieurs qui ont fait une première obser-
vation d'en faire une seconde, ordinairement
suivie d'une troisième :
— Et votre dolman 1 continua le général
d'un petit ton bourrument militaire et avec
un geste significatif.
Faisant un demi-tour, le général Edon, qui
scrutait à nouveau l'habillement de l'officier,
revint vers le sous-.lieutenant et tendit la
main comme pour prendre le revolver que
celui-ci portait.
L'officier devina le désir du général et s'em-
pressa de retirer le revolver de son étui. Puis
il le tendit au général Edon.
Celui-ci prit l'arme dont il dirigea le canon
à terre tout en portant le doigt à la gâchette
pour la faire jouer.
A ce moment le commandant Sedillot qui,
ainsi qu'un colonel et un capitaine,, accompa-
gnait le général dans son inspection, s'écria,
voyant des balles dans la partie gauche du
barillet du revolver :
— Mais il est charge !
En même temps, le sous-lieutenant Schiff-
macher balbutiait cette phrase qu'il n'eut pas
le temps d'achever:
— Il est char.
Une détonation se fit entendre. Le sous-.
lieutenant reçut dans l'abdomen, à quelques
centimètres de l'ombilic, une balle qui péné-
tra à quatre centimètres de profondeur.
Au moment où le coup partait le général
Edon avait poussé cette exclamation :
— Le malheureux 1
UNE QUESTION DE RÈGLEMENT
Sans rechercher si le revolver était « armé »
ou si le départ de l'arme était trop facile, sans
envisager non plus la question de savoir si le
revolver, dont le canon: avait été contraire-
ment à tous les usages tourné à terre, a eu
un recul considérable, nous allons nous bor-
ner à examiner, comme le fera la prévention,
le point suivant sur lequel se concentrera
tout le procès : Le sous-lieutenant Schiffma-
cher avait-il le droit de porter un revolver
chargé?
Me Jules Deroste, au nom du général Edon,
soutiendra que l'officier a agi contrairement
au règlement en portant, autour d'une ins-
pection, un revolver chargé. L'honorable avo-
cat ajoutera qu'aux termes de l'article 4 de
l'instruction du 6 mai 1890, le général Edon
avait le droit et le devoir de s'assurer que
l'officier Schiffmacher était pourvu du revol-
ver modèle 1892 et non d'un autre. Par con-
séquent aucune imprudence n'est à reprocher
au général.
Le commissaire du gouvernement soutien-
dra naturellement la thèse contraire. A l'ap-
pui de son système, l'organe du ministère
public invoquera également l'instruction mi-
nistérielle du 6 mai 1890 qui définit la tenue
de campagne et qui prescrit que les officiers
doivent, en temps de grandes manœuvres,
avoir sur eux dix-huit cartouches. S'il n'existe
que douzç alvéoles à cartouches dans la cein-
ture de l'officier, donc forcément les six autres
cartouches doivent se trouver dans, le barillet
du revolver..
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE. — N° 8,209 - - ,:. a.,:',. ; LE NUMERO CINQ FCENTIMES * SAMEDI 7 JUILLET 189*
- - SAMEDI- 7 JUILLET- 189 1
LE Xir SIECLE
REDACTION ET ADItlRVSTRATlM
142. Rue Montmaptpt
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La France Elctoral
-' S'il faut en croire notre confrère Henri
Avenel, la France vote de moins en moins
et les pessimistes ne manqueront pas d'a-
jouter que le suffragfe funiversel est menacé
de finir comme la peau de chagrin de Bal-
zac.-
« Tout nouveau tout beau », dit un
vieux proverbe. Je crois, en effet, qu'on
n'a jamais tant voté que le jour où l'on a
voté pour la première fois.
Et cependant l'électeur était loin d'avoir
alors toutes les facilités qui lui sont offer-
tes aujourd'hui. Le décret du 6 mars 1848
qui instituait le suffrage universel imposait
aux citoyens l'obligation d'aller porter
leurs bulletins au chef-lieu de leur can-
ton, d'où une série de dérangements, de
fatigues et de dépenses qui pouvaient ser-
vir d'excuses préventives aux abstention-
nistes.
Malgré cela, les abstentions furent fort
rares en 1848. La France entière, mise
pour la première fois en possession d'elle-
même, voulut affirmer sa souveraineté par
une manifestation éclatante. Sur 100 ins-
crits il y eut 91 votants et seulement 9 ab-
stentions. C'est uneproportion qui ne s'est
jamais retrouvée depuis.
*
* *
Aujourd'hui, au fur. et à mesure que le
nombre des électeurs augmente, le nom-
bre des votants diminue. Et après avoir
établi le suffra.ge universel comme la pierre
angulaire de nos institutions, on se trouve
tout doucement incliné dans la pratique
vers les errements du suffrage restreint.
Il y avait en 1877 9,948,000 électeurs
inscrits ; en 1893 ce nombre s'est élevé à
10,446,178. Mais pendant que grossissait le
chiffre des inscrits, le chiffre des vo-
tants diminuait dans une proportion in-
verse et très sensiblement décroissante.
Ainsi on comptait :
VOTANTS ABSTENTIONS
En 1877. 8.012.714 1.935.356
En 1881. 6.944.531 3.180.299
En 1885. 7.896.062 2.285.053
En 1889. 7.953.382 2.433.948
En 1893. 7.427.354 3.018.894
Soit en moyenne 29 abstentionnistes
sur cent électeurs inscrits.
';1 *
* #
M. Henri Avenel ne s'en tient pas à ces
observations d'ensemble. Il dresse une
carte électorale de la France et recherche
quelles sont les régions qui donnent le
plus fâcheux exemple d'abandon dans
l'exercice des droits politiques.
Dans les régions du Nord et du Sud-Ouest
les abstentions ne sont pas très nombreu-
ses et les électeurs tiennent le record de
l'exactitude. Mais il en est autrement dans
les départements du Sud-Est. Les Pro-
vençaux, qui remuent si bien la langue,
sont plus difficiles à remuer quand il faut
passer des paroles aux actes. Dans quel-
ques départements, notamment dans le
Vcf, le nombre des abstentionnistes ba-
lance à peu près le nombre des votants.
Ce résultat ne laisse pas de surprendre
quand on se rappelle. les incidents tumul-
tueux qui ont marqué la lutte Jourdan-
Clemenceau, lors du dernier renouvelle-
ment de la Chambre. N'est-ce pas le cas
de dire que ceux qui font le plus de bruit
ne sont pas ceux qui font le plus de beso-
gne ? Et une région où la moitié des élec-
teurs se rayent volontairement de la liste
des vivants politiques est-elle encore de
fait sous le régime du suffrage universel ?
* *
Aussi, les ennemis des institutions ré-
publicaines ne se lassentpasdefaire parler
ces morts volontaires et de porter à leur
actif les suffrages non exprimés.
C'est en ajoutant le chiffre des absten-
tionnistes au nombre de voix recueillies
par les candidats réactionnaires que l'op-
position cherche à établir qu'en dépit des
majorités républicaines de la Chambre et
du Sénat, la République est en minorité
dans le pays. Et la statistique — qui est
bonne fille — se laisse faire ou du moins
s'est laissé faire jusqu'aux élections de
1893.
Mais, à cette date, ce sophisme grossier
a fini par se retourner contre ceux qui en
jouaient. Les républicains ont obtenu aux
élections d'octobre près de six millions de
voix — exactement 5,960,000. Les réac-
tionnaires de tout ordre en avaient seule-
ment 1,179,000. En leur accordant même
très libéralement les 3,018,824 abstentions
qui se produisirent, ils resteraient encore
fort en deçà du but. La République avait
obtenu cette fois la majorité des électeurs
inscrits.
***
Est-il nécessaire d'ajouter que les abs-
tentionnistes ne sont nullement acquis
aux partis hostiles à la République ?
Les causes des abstentions sont multi-
ples sans doute, mais l'une des plus sé-
rieuses n'est pas, comme on l'imagine,
l'indifférence en matière de gouvernement ;
il n'y faut pas voir application à la politi-
que de la doctrine économique « laissez
faire, laissez passer »•
Parmi les électeurs qui ne votent pas, il
y en a sans doute pas mal d'insouciants,
de négligents que l'exercice des droits élec-
toraux dérange dans leurs petites habitu-
des, leurs réceptions, leurs voyages ou
leurs parties de campagne.
Mais ce qui favorise au premier chef
l'abstention, c'est moins encore l'indiffé-
rence que la sécurité et l'assurance du len-
demain. Quand il y a crise politique,
quand le corps électoral croit à tort ou à
raison les institutions républicaines me-
nacées, il sort très vite de sa torpeur et
donne un bon coup de collier pour sortir
de l'ornière le char en détresse.
Jamais le nombre des abstentions n'a
été si faible qu'en 1877. C'est qu'à ce mo-
ment la réaction se croyait partout triom-
phante et que l'arrière-garde républicaine,
inquiète de ces progrès, daigna donner en
personne pour lui infliger une leçon de
modestie.
* $
Peut-être enfin, le scrutin d'arrondisse-
ment,en multipliant les fiefs et les bourgs-
pourris, contribue-t-il plus qu'on ne pense
a faire le vide autour des urnes électora-
les. Bon nombre de circonscriptions n'ont
qu'un seul candidat et la minorité décou-
ragée à l'avance d'une lutte sans portée
n'a que l'abstention pour unique res-
source.
Avec le scrutin de liste, les partis pour-
raient plus aisément se compter et vote-
raient pour des idé et non pour des hom-
mes. La Constituante de 1848, élue au
scrutin de liste, renfermait plus d'hommes
remarquables que toutes les assemblées
qui suivirent. La très grande majorité des
électeurs avait pris part à la lutte et l'on
ne compta qu'un nombre infime d'absten-
tions.
Cependant, si le nombre des abstentions
s'est accru depuis dix-huit ans dans des
proportions regrettables, l'opinion répu-
blicaine n'a pas cessé de gagner du ter-
rain.
Sur cent suffrages exprimés on comp-
tait, en 1876, 51 suffrages républicains et
49 suffrages réactionnaires. Les partis se
trouvaient à peu près botte à botte.
En 1881 les républicains prennent une
forte avance ; la proportion de leurs votes
s'élève à 75 contre 25. L'année 1885 est
marquée par un « revenez-y » de toutes
les réactions coalisées, soit 55 votes favo-
rables contre 45 hostiles à la République.
Mais en 18891e nombre des suffrages réac-
tionnaires descend à 21 pour tomber à 16
en 1893.
Pour peu que ce mouvement se pour-
suive avec la même régularité, on cher-
chera en vain dans les scrutins du ving-
tième siècle cet oiseau rare qui s'appelle
un monarchiste.
Thomas Graindorge.
COMPTE RENDU FIDÈLE
Les journaux dévoués au concessionnaire
général de l'exposition de Lyon, M. Claret,
ont une manière. étonnante d'ecrire l'histoire.
Voici en quels termes textuels le Lyon répu-
blicain a rendu compte des fêtes de Lyon,
dans son numéro (édition des départements)
du23 juin, lendemain de l'assassinat de M.
Carnot.
A dix heures, dimanche, le président se rend, au
milieu d'un concours de population, à la soirée de
gala donnée au Grand-Théâtre. On donnait Andro-
viaque, avec les artistes de la Comédie-Française.
M. Carnot, à son entrée, est l'objet d'une longue
ovation. Après être resté près d'une heure au
théâtre, le président a regagné la préfecture tou-
jours acclamé.
Depuis la mémorable journée des Russes on
n'avitit pas vu dans les rues de Lyon une foule pa-
reille. Les monuments publics étincelaient de lu-
mière ; de nombreuses maisons particulières étaient
pavoisées. La rue de la République était surtout
splendide à voir; on marchait sous une véritable
voûte de lumière.
En somme, cette première journée de fêtes a été
des plus belles et aucun incident fâcheux n'est
venu la trouble)..
Ce compte rendu comme exactitude peut
être rapproché de ceux dans lesquels le même
Lyon républicain raconte les merveilles de
cette entreprise qui, pour être absolument ra-
tée, n'en est pas moins la cause indirecte de
la mort de M. Carnot.
LE TYPHUS A PARIS
Le comité consultatif d'hygiène s'est occupé
des cas de typhus qui se sont déclarés si
singulièrement rue Maître-Albert et que nous
avons signalés hier.
Le docteur Proust, chargé d'une enquête à
ce sujet, a constaté que les cas qui s'étaient
produits là sont des cas de typhus exanthé-
matique.
Cette maladie, très rarement observée en
France, a fait son apparition l'année dernière
dans les circonstances que nous avons dites
hier. Elle paraît avoir été apportée à Paris de
certaines régions de l'Ouest, où elle est à l'état
endémique, par des cheminaux, des saltim-
banques, des voyageurs indigents, qu'une ré-
cente circulaire ministérielle recommande de
considérer comme suspects.
Ce sont ces gens-là qui fréquentent les éta-
blissements du genre de celui de la rue Maî-
tre-Albert. Il est donc urgent d'exécuter à la
lettre et énergiquement les mesures ordonnées
peur combattre la dissémination des germes
morbides; c'est d'autant moins difficile qu'à la
préfecture de police quatre médecins sont
spécialement commis à l'examen des cas
suspects.
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN
Lorsque le vice-amiral Gervais manifesta
l'intention de prendre un commandement à
la mer, celui de l'escadre de réserve de la Mé-
diterranée, on répandit le bruit et l'on crut fa-
cilement que le chef de l'état-major général
de la marine ne voulait pas quitter ce poste
important sans avoir préparé, pour cette an-
née, la mobilisation depuis si longtemps ré-
clamée d'une partie des inscrits maritimes.
Or, si l'amiral Gervais doit toujours arbo-
rer son pavillon de commandement en sep-
tembre, nous apprenons que l'on recule à une
époque indéterminée la participation aux ma-
nœuvres de la défense des côtes de la Man-
che, des inscrits affectés aux batteries de
front de mer.
De sorte que ces manœuvres, qui consti-
tuent une intéressante innovation, ne servi-
ront en réalité qu'à apprécier la valeur du
commandement et de l'organisation des deux
secteurs du Nord, confiés, l'un à un contre-
amiral, l'autre à un ofticier de l'armée de
terre.
Elles n'auront point la portée qu'on leur
avait d'abord attribuée, et, par conséquent,
ne pourront permettre d'envisager sûrement
les éventualités d'une prompte mobilisation.
-
LA CATASTROPHE DE KARVIN
Vienne, 5 juillet.
Près de trois semaines se sont écoulees depuis
l'explosion de grisou qui s'est produite dans les
mines de Karvin (Silésie) et qui a coûté la vie à
plus de 200 mineurs.
Les ingénieurs comptaient que, par suite de l'iso-
lement complet des mines d avec l'air extérieur,
l'incendie qui s'y était déclaré s'était éteint et que
l'on pourrait commencer à en retirer les cadavres
et à reprendre le travail; mais ces prévisions ont
été déçues. Au moment où l'on s'apprêtait hier à
pénétrer dans les puits, l'air qui s'y engagea en
même temps raviva l'incendie, de sorte que leq
travaux durent être interrompus à nouveau et qu'il
f..Hut clore les puits hermétiquement.
L'AMNISTIE
LA SÉANCE DE LA CHAMBRE
Deux propositions d'amnistie. — M. Dupuy
et M. Goblet. — L'urgence deux
fois repoussée. — Une vieille
interpellation
La Chambre a consacré la première partie
de sa séance d'hier à nommer son nouveau
président. M. Burdeau a été élu, comme c'é-
tait préyu du reste. Il a eu 259 voix — la ma-
jorité absolue étant de 232 — contre 157 à M.
Brisson. Vingt-six voix se sont égarées sur
des noms divers et il y a eu de plus douze
bulletins blancs.
Après ce vote, M. le vice-président Etienne
— c'est lui qui, hier, occupait le fauteuil — a
donné la parole à M. Camille Pelletan qui est
venu déposer et lire la proposition d'amnistie
annoncée depuis quelques jours.
L'amnistie, telle que la réclamait l'extrême
gauche, visait les deux condamnés de la
haute cour, MM. Rochefort et Dillon, puis
les condamnés pour délits de presse ou faits
de grève. Mais elle excluait formellement les
anarchistes.
M. Pelletan a demandé l'urgence. Le gou-
vernement n'a pas dit mot et l'urgence a été
mise aussitôt aux voix sans que personne eût
pu prévoir un vote si précipité, sans que les
auteurs de la proposition eussent même eu le
temps de déposer une demande de scrutin.
C'est donc à mains levées que l'urgence a
été refusée à l'amnistie. L'affaire avait été si
rapidement enlevée, que l'extrême-gauchè
n'avait pas eu le temps de se reconnaître. Le
vote était déjà acquis quand elle a fait enten-
dre quelques cris de protestation.
Alors, les radicaux et les socialistes — qui
décidément commencent à savoir jouer du rè-
glement — ont eu recours à un petit truc. Ils
ont laissé une heure se passer au règlement
de diverses petites affaires, dont nous dirons
un mot tout à l'heure. Puis, au moment où il
ne restait plus qu'à lever la séance, un socia-
liste, M. Viviani, est venu déposer une nou-
velle proposition d'amnistie, analogue quant
au fond à celle de M. Pelletan, mais conçue
en d'autres termes, ce qui rendait possible
une discussion. M. Viviani a, lui aussi, de-
mandé l'urgence, et s'il n'a pas eu à cet égard
plus de succès que n'en avait obtenu M. Pel-
letan, du moins a-t-il soulevé un débat et
provoqué un scrutin, ce qui était le but pour-
suivi.
POUR ET CONTRE L'AMNISTIE
C'est M. Camille Pelletan qui s'est chargé
d'exposer les divers arguments qui militaient
non seulement en faveur de l'urgence, mais
aussi de l'amnistie elle-même. 11 a montré
qu'il n'était que temps de rouvrir la France
aux deux derniers proscrits du boulangisme,
alors que tous les autres participants de cette
entreprise sont aujourd'hui non seulement
pardonnés mais encore, dans certains cas,
comblés des faveurs gouvernementales. Il est
vrai que ces derniers sont des réactionnaires.
M. Camille Pelletan. — Il y a une deuxiè-
me catégorie : les condamnés pour faits de grève.
Je no veux pas examiner dans quelles conditions
ces condamnations sont intervenues et si ces mal-
heureux ouvriers n'ont pas été provoqués après
avoir vainement demande satisfaction par les voies
légales.
Quand même on admettrait qu'ils se sont laissé
entraîner à des actes de violence coupables, ce que
je ne crois pas, il faudrait en tout cas reconnaître
qu'ils avaient pour excuse cette misère imméritée
dont on a parlé dans un document que vous n'avez
pas eu le temps d'oublier. (Très bien 1 très bien ! à
gauche.)
Il y était dit aussi qu'il fallait donner à ceux qui
soutirent de cette misère imméritée autre chose
que des espérances.
Eh bien, quand il s'agit, non pas de changements
de législation qui peuvent donner lieu à des con-
testations, mais simplement d'un acte d'oubli
qu un vainqueur prudent et intelligent n'hésiterait
pas à prononcer (Très bien ! très bien ! à gau-
che), si vous n'opposez qu'un refus dédaigneux,
que voulez-vous que le pays pense ? (Applaudisse-
ments à gauche).
Nous savons que vous faites l'apaisement d'un
autre côté. Il y a des mesures d'apaisement qui
sont prêtes ; j'ai le droit de comparer la répres-
sion qu'on fait peser d'un côté avec l'indulgence
dont on fait preuve à l'égard du clergé, qui s'est
mis en insurrection contre une loi de la Républi-
que. (Interruptions à droite.)
Je m'adresse à la Chambre et je la prie, au nom
de la République, d'apporter autant d'esprit d'a-
paisement du côté des ouvriers que du côté des
évêques. (Applaudissements à gauche. — Bruit.)
M. Ernest Roche a également appuyé la
demande d'urgence, rappelant qu'il y a dans
la Chambre une majorité républicaine acquise
à l'amnistie et qui n'a pu être précédemment
mise en échec — et à bien peu de chose près
— que grâce au concours des voix de la
droite.
M. Charles Dupuy voulait manifestement
éviter de répondre. Mais la Chambre a mon-
tré un tel étonnement de voir te gouvernement
se tenir coi en pareille circonstance que le
président du conseil a dû se résigner à venir
dire quelques mots.
Il s'est obstinément prononcé contre l'ur-
gence et a repoussé toute idée d'amnistie an-
nonçant qu'il y aurait seulement quelques
grâces à l'occasion du 14 juillet, comme à
l'occasion aussi de l' « avènement » du nou-
veau président de la République. Cette ex-
pression monarchique d' « avènement », que
M. Dupuy avait dû faire exprès de choisir, a
été ironiquement applaudie par la gauche.
Puis le président du conseil a fini en jouant
quelque peu du péril anarchiste :
M. Ch. Dnpny. — Dans les catégories diverses
pour lesquelles on demande l'amnistie sont com-
pris des délits do presse. Parmi ceux qui en béné-
ficieraient se trouvent des gens condamnés pour
des délits de presse qui ne sont pas ordinaires.
Voici, par exemple, Breton, qui a été défendu par
M. Viviani. 11 a été condamné pour la phrase sui-
vante:
« Maintenant notre infâme société met dans la
main d'un homme la vie d'un autre homme. Elle
permet à Carnot d'être assassin ou homme. Quel
rôle préférera-t-il ? Nous ne savons.
« Mais s'il se prononce froidement pour la mort,
il n'y aura plus en France un seul homme pour le
plaindre, s'il lui arrive un jour le petit désagré-
ment de voir sa carcasse de bois disloquée par une
bombe. » (Exclamations.)
Et maintenant vous ferez ce que vous voudrez.
Mais tout aussitôt M. Goblet a demandé la
parole pour répondre surtout à ce dernier ar-
gument ;
lU. Goblet. — M. le président du conseil s'est
borné à répondre quenous voulions l'amnistie même
pour les délits de presse, et que, parmi cas délits,
il y a celui pour lequel a été condamné Breton,
dont il a rappelé une phrase. Je n'entrerai pas dans
cet ordre de discussion. (Exclamations au centre.)
Croyez-vous, que ce sont des articles comme celui-
là qui mettent le poignard- aux mains des assas-
sins?
Voix nombreuses au centre. — Oui ! oui 1
M, llené Goblet. - Vous n'avez donc pM lu vos
propres journaux? Vous auriez pu lire hier, dans
le Figarti, que l'assassin, dont nous détestons tous
également le crime, a été inspiré par les Châti-
ments de Victor Hugo. (Mouvements divers.)
Ce ne sont pas los excès de rigueur contre des
délits de presse qui empêchent des crimes abomi-
nables comme celui-là, c'est avant tout une police
bien faite., (Vifs applaudissements à l'extrême
gauchel
Avant de faire la citation avec laquelle vous
avez voulu soulever contre nous l'opinion, vous
auriez dû, monsieur le président du conseil, vous
souvenir de la lourde responsabilité qui pèse sur
vous. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes
banc.)
MIl. Millerand et Jaurès. — Oui, c'est Me
Dupuy qui est responsable de l'attentat de Lyonl
M. Coblet. - Ce qu'a dit M. le président du
conseil est d'autant plus injuste qu'il sait parfaite-
ment que nous avons exclu de notre proposition
d'amnistie et les attentats contre les personnes et
les provocations aux crimes anarchistes, et que, par
conséquent, la condamnation prononcée contre Bre-
ton échappe à l'amnistie que nous demandons.
Malgré tout, 367 voix contre 157 ont re-
poussé l'urgence. C'était l'enterrement de
l'amnistie 1
LES MANIFESTATIONS
DU PÈRE-LACHAISE
Entre les deux demandes d'amnistie, celle
de M. Pelletan et celle de M. Viviani, la
Chambre avait liquidé la vieille interpella-
tion, autrefois renvoyée à un mois, de M.
Vaillant,sur l'interdiction de la manifestation
du 27 mai au Pèré-Lachaise.
La question n'avait plus qu'un intérêt ré-
trospectif. Aussi ne s'y est-on pas longtemps
arrêté.
M. Vaillant a brièvement protesté contre
les agissements de la police — il a même dit
les provocations — et contre la prétention
d'empêcher les survivants et les partisans de
la Commune d'honorer la mémoire des morts
de 1871, alors qu'on @ avait toujours, en ces
dernières années, usé d'une bien plus large
toléranée sans qu'aucun désordre en résultât.
M. Dupuy a repondu que si c'était à refaire,
il agirait encore de la même façon et qu'il
n'admettait pas qu'on fît l'apologie de la Com-
mune dont la France, a-t-il ajouté, « a le dé-
goût et l'horreur ». Puis M. Faberot a repro-
duit, , ii un langage plus violent, et qui vers
la fin s'est fait comminatoire,. les doléances
de M. Vaillant.
L'ordre du jour de blâme au gouvernement
qu'avaient présenté les députés socialistes n'a
recueilli que 65 voix contre 470. Et l'incident
a fini sur le cri, poussé par M. Dejeante, de :
« Vivent les martyrs de la République ! Vive
la révolution sociale 1 »
La Chambre siégera aujourd'hui pour élire
un vice-président en remplacement de M.
Burdeau devenu président et pour discuter
des projets sur les raisins secs et les mélas-
ses.. Samedi viendra l'interpellation sur la
grève de Graissessac et lundi on commencera
les quatre contributions directes. Une inter-
pellation de M. d'Hugues sur les jeux de
Bourse et les réassurances générales a été
renvoyée à un mois - c'est-à-dire aux calen-
des grecques car, dans un mois, nos députés
seront aux champs.
LE
NOUVEAU PRESIDENT DE LA CHAMBRE
M.BURDEAU
M. Burdeau est, après Gambetta et M. Du-
puy, l'un des hommes politiques qui sont ar-
rivés le plus jeune au fauteuil présidentiel.
Gambetta avait, au moment de son élection
à la présidence, quarante-un ans et M. Du-
puy en avait quarante-deux. M. Burdeau en
a, lui, quarante-trois.
Fils de canut de Lyon, le successeur de
M. Casimir-Perier au Palais-Bourbon doit
toute sa fortune à son intelligence et à son
travail.
Ce fut, en effet, comme boursier qu'il put
poursuivre ses études jusqu'à l'agrégation de
philosophie et devenir successivement par la
suite professeur à Lons-le-Saunier, à Saint-
Etienne, puis à Paris, au lycée Louis-le-
Grand.
k M. Burdeau, qui avait fait, entre temps, la
campagne de 1870 où il fut blessé et emmené
prisonnier en Allemagne, avait depuis publié
des traductions d'Herbert Spencer et de Scho-
penhauer qui attirèrent sur lui l'attention.
M. Paul Bert, auquel les mérites du jeune
professeur n'avaient pas échappé, l'appela
auprès de lui, lors de son arrivee au minis-
tère de l'instruction publique, en 1881, comme
chef de cabinet.
Quatre ans plus tard, aux élections de 1885.
M. Burdeau était élu député du Rhône. Bien-
tôt il prenait à la Chambre une situation im-
portante et devenait, tour à tour, vice-prési-
dent, rapporteur du budget, puis en 1892,
dans le cabinet Loubet, ministre de la marine
et enfin, l'hiver dernier, dans le. cabinet Ca-
simir-Perier, ministre des finances.
Nous ne rappellerons pas quels furent les
incidents auxquels M. Burdeau fut mêlé dans
ces derniers temps, soit au sujet du renouvel-
lement du privilège de la Banque de France,
soit pendant les affaires de Panama, soit en-
core au moment des faux papiers Nordton.
Il nous suffit de constater que de tous les
membres de la Chambre, il est un de ceux
qui ont le plus d'autorité sur leurs collègues
et qui se trouvent par cela même le plus apte
à diriger les débats.
Malheureusement, sa santé laisse beaucoup
à désirer et sans l'approche des vacances, qui
vont lui permettre de prendre quelque repos,
on pourrait craindre que ses nouvelles fonc-
tions ne soient un peu au-dessus de ses
forces.
LES SCELLÉS A L'ÉLYSÉE
Les scellés qui, suivant l'usage, avaient été
apposés à l'Elysée dans le cabinet du prési-
dent de la République, le lendemain même
de sa mort, ont été levés hier matin par le
juge de paix du huitième arrondissement.
Les membres de la famille, le général Bo-
rius et les officiers de la maison militaire,
ainsi que des représentants des ministres de
la guerre, de la marine et des affaires étran-
gères étaient présents.
L'AGRANDISSEMENT DE LA CONCIERGERIE
Le conseil général vient de décider l'agrandisse-
ment de la Conciergerie. La dépense, évaluée
326.847 francs, permettra d'installer 32 cellules, une
salle d'attente, une lingerie, des dégagements très
vastes dans le nouveau bâtiment de la cour Saint-
Martin et 43 cellules dans le corps de bâtiment cen-
tral situé entre la galerie Marchande et la cour
Saint-Martin.
VICAIRE GÉNÉRAL CONDAMNÉ
m < -
Avignon, 5 juillet.
Le juge de paix de l'Isle-sur-Sorgues a pro-
noncé aujourd'hui son jugement sur les pour-
suites intentées au vicaire général Plantin
qui, contrairement à l'arrêté d'interdiction,
avait organisé une procession en l'honneur
de l'évêque de Montauban, qui venait de don-
ner la confirmation en remplacement de l'ar-
chevêque d'Avignon.
Le juge de paix s'est déclaré compétent
malgré l'opposition et a condamné M. Plantin
à un frunc d'amende, aux frais et fixant à 2
jours le maximum de la contrainte par
ccros..
LA VIE DE PARIS
La préfecture de police est fort en l'air,
par suite du remplacement de M. Goron
comme chef de la Sûreté. Et le public
parisien s'intéresse beaucoup à cette af-
faire, parce que, tandis que la police, en
général, est impopulaire (par définition,
dirait un philosophe), les chefs de la po-
lice sont, au contraire, très connus et très
populaires, souvent hommes à la mode et
recherchés. Cette popularité des chefs po-
liciers est, je crois, due surtout à la litté-
rature et aux romans innombrables qui,
depuis Gaboriau (que Balzac avait pré-
cédé) ont décrit les luttes des malfaiteurs
et de la police.
Les Mémoires, plus ou moins authen-
tiques ou personnels, de Vidocq d'abord,
puis de M. Macé, de M. Andrieux, de M.
Claude, etc., etc., ont également éveillé la
curiosité du public, et le chef de la Sûreté
est toujours un personnage très connu du
public et qui l'intéresse vivement.
On s'est donc préoccupé du changement
de poste que M. Goron a dû subir et de la
retraite prise, plus ou moins volontaire-
ment, par M. Jaume. On a cherché les
causes de cette disgrâce et de cette retraite,
et on a fini par les connaître. Ce qui clo-
chait dans le service, c'était la comptabi-
lité. Il y aurait eu des irrégularités, des
virements, des faux même, dit-on, en tout
cas un coulage certain sur les frais de la
Sûreté.
M. Goron est mis hors de cause au point
de vue de l'honorabilité, et j'en suis bien
aise, car je le connaissais et le tenais pour
un très galant homme. Mais, ne profitant
pas de ces gabegies (peut-être tradition-
nelles ?) il avait eu le tort, étant chef de
service, de les supporter ou de les ignorer.
Son honneur d'homme restant intact, sa
responsabilité d'administrateur était en-
gagée, et son départ sera, dit-on, le point
de départ d'une réorganisation complète
des services.
A ce propos, on a remis sur le tapis, et
ce n'est pas la première fois, la question
de la concentration de tous les services de
la police aux mains d'un seul homme, qui
serait nommé ministre de la police. Cet
homme existe en réalité : c'est le ministre
de l'intérieur. Il est le chef ou le surveil-
lant du préfet de police, de la police mu-
nicipale, de la Sûreté, de la Sûreté géné-
rale, celle-ci rattachée au ministère de
l'intérieur de la façon la plus directe.
Mais le ministre de l'intérieur a autre
chose à faire que de s'occuper de la po-
lice, ce qui suffit amplement à occuper
l'activité d'un homme. Il ne peut empê-
cher l'incohérence qui naît de ces servi-
ces divers, Et quand je dis l'incohérence,
je suis bien bon ! Les services sont sans
cesse en rivalité et je me souviens encore
d'un préfet de police qui me racontait, en
se tordant de rire d'ailleurs, que ses
agents avaient, au moment d'une grève,
« mis à l'ombre » une demi-douzaine d'a-
gents de la Sûreté générale.
On en est donc presque resté aux temps
du premier Empire où Fouché et Sa-
vary, avec leurs polices diverses, se
jouaient des tours noirs, et aux temps de
Napoléon III où la police du château et
celle de la préfecture étaient à couteaux
tirés. Il est certain que la concentration
des services en une seule main rétablirait
l'unité dans les services et empêcherait
certains relâchements de la surveillance.
Qui sait si un chef unique et responsable
de la police n'eût pas pris plus de précau-
tions autour de M. Carnot?
C'est pour cela qu'il a été question de la
création d'un ministère de la police et le
moment ne paraît pas trop mai choisi avec
la recrudescence des crimes anarchistes.
Plusieurs hommes, passant pour compé-
tents sur la question, ont été interviewés
et se sont montrés partisans de la chose.
Mais, je crois que ces hommes ne se
sont rendu compte que de l'utilité qu'il y
aurait à concentrer les services, ce qui est
indéniable, et ne se sont pas assez rendu
compte des difficultés insurmontables que
présenterait la création du ministère. Un
des interviewés, M. Gazelles, ancien di-
recteur de la Sûreté générale, me paraît
avoir très bien compris ces difficultés. S'il
y avait un ministre de la police, il fau-
drait le prendre dans le Parlement.
En admettant même qu'aucune diffi-
culté constitutionnelle ne fût soulevée par
un choix fait en dehors des Chambres, les
députés ne supporteraient pas qu'un
homme, ayant un pouvoir immense et,
entre autres facilités, celle de les surveiller,
ne fût pas un des leurs et échappât à leur
contrôle, à leur intimité. Il faudrait donc
prendre le ministre de la police parmi les
députés. On en pourrait trouver de très
compétents, car la police est un instinct,
un don d'artiste, plus qu'une science.
Il y a des gens qui passent vingt ans à
la préfecture sans rien acquérir que des
idees de routine et des préjugés ; il y en a
qui, en quinze jours, sitôt maîtres de l'ins-
trument mis entre leurs mains, s'en ser-
viraient d'une façon admirable. Mais le
bénéfice qu'on tirerait de la concentration
des services disparaîtrait devant l'instabi-
lité de leur chef. Le ministre de la police
tomberait avec les autres membres du
cabinet ou les entraînerait avec lui.
Que si on le tenait en dehors des crises
ministérielles, le ministre deviendrait un
trop puissant personnage. Je crois donc,
avec M. Gazelles, que la création d'un
ministère de la police est chose chimé-
rique dans notre démocratie et que ce
qu'on doit poursuivre, c'est l'unité des
services sous un chef titulaire d'un nom
aussi retentissant et redouté que celui de
ministre de la police. Quant aux améliora-
tions à faire dans les services, je veux
bien qu'elles commencent par mettre un
terme à de petits abus, à de petits coula-
ges. Mais il est peut-être plus important
encore, si en veut avoir une bonne police,
de se montrer plus large sur les questions
d'argent.
On demande aux policiers le même dé-
vouement, la même abnégation que par
le passé, et de plus, plus de tenue, plus
de sociabilité. Par une évolution des
mœurs, assez semblable à celle qui a eu
lieu pour les comédiens, l'homme de po-
lice a vu s'étendre et s'améliorer ses rela-
tions. Il faut qu'il puisse vivre honorable-
ment dans le monde.
Tous ceux qui ont étudié d'un peu près
la préfecture de police se sont aperçus que
c'était la maison d'Harpagon. Elle est
pleine de maîtres Jacques, qui n'ont pas
de quoi payer leurs souquenilles variées.
Et si on fait peut-être de bonne cuisine
sans argent (j'en doute), on ne fait pas de
bonne police. J'en suis sûr.
Henry Fouquier.
LA COURONNE DES DÉPUTES
Nous avons dit qu'une souscription avait
été ouverte à la Chambre pour l'achat d'une
couronne à M. Carnot.
Tous les députés à quelque fraction de la
Chambre qu'ils appartiennent se sont em-
pressés de s'inscrire sur cette liste.
Deux membres de la Chambre cependant
ont fait exception et, quand la liste leur a été
présentée, ont refusé d'y mettre leur nom.
Les noms des deux députés qui ont refusé
au président de la République défunt ce su-
prême hommage méritent ae ne pas rester
ignorés.
Ce sont MM. Jules Roche et Daniel Wilson.
LES SERVICES MARITIMES POSTAUX
La commission des services maritimes pos-
taux a terminé hier l'examen du projet con-
cernant les services corses.
Sur les instances de M. Gavini, elle a décidé'
que le courrier de Tunis toucherait une fois
par semaine à Bastia.
Elle a, en outre, adopté un amendement de
M. Abel, relatif à la création d'une ligne heb-
domadaire entre Marseille-Toulon surAjaccio.
et Bastia alternativement.
M. Emmanuel Arène a été nommé rappor-
teur des services corses par 10 voix contre 3 à;
M. Abel.
A l'unanimité moins une voix, M. Saint-
Germain a été nommé rapporteur du projet1
des lignes algériennes.
Lundi prochain, M. Lourties, ministre du.
commerce, sera entendu par la commission,
ainsi que M. de Selves, directeur des postes
et télégraphes.
C'est au cours de cette séance que se posera
la question de la prorogation pour une an-
née, de la, concession actuelle.
L'AFFAIRE nu GENERAL EDON
AVANT LE PROCÈS
Le « point de droit » des débats. —
La question des cartouches.
C'est, comme on le sait, lundi prochain, 9
juillet, que le général Edon comparaîtra de-
vant le conseil de guerre de Paris sous l'in-
culpation d'avoir, au cours de l'inspection du
4e régiment d'infanterie, commis un homicide
par imprudence sur la personne du sous-
ieutenant Schiffmàcher.
Les faits sont @ trop récents pour qu'il soit
besoin de les résumer. Précisons seulement
certains points.
L'ACCIDENT
Lors de l'inspection du général Edon, 1®.'
sous-lieutenant Schiffmacher se trouvait place
au premier rang de la quatrième section de la
deuxième compagnie du premier bataillon.
En passant devant l'officier, le général lui
dit :
— Si quelqu'un de vos hommes avait un
pantalon aussi long que le vôtre, vous ne.
manqueriez pas de lui faire une observation,
qui serait meritée 1
Puis cédant à l'habitude qu'ont les officiers
supérieurs qui ont fait une première obser-
vation d'en faire une seconde, ordinairement
suivie d'une troisième :
— Et votre dolman 1 continua le général
d'un petit ton bourrument militaire et avec
un geste significatif.
Faisant un demi-tour, le général Edon, qui
scrutait à nouveau l'habillement de l'officier,
revint vers le sous-.lieutenant et tendit la
main comme pour prendre le revolver que
celui-ci portait.
L'officier devina le désir du général et s'em-
pressa de retirer le revolver de son étui. Puis
il le tendit au général Edon.
Celui-ci prit l'arme dont il dirigea le canon
à terre tout en portant le doigt à la gâchette
pour la faire jouer.
A ce moment le commandant Sedillot qui,
ainsi qu'un colonel et un capitaine,, accompa-
gnait le général dans son inspection, s'écria,
voyant des balles dans la partie gauche du
barillet du revolver :
— Mais il est charge !
En même temps, le sous-lieutenant Schiff-
macher balbutiait cette phrase qu'il n'eut pas
le temps d'achever:
— Il est char.
Une détonation se fit entendre. Le sous-.
lieutenant reçut dans l'abdomen, à quelques
centimètres de l'ombilic, une balle qui péné-
tra à quatre centimètres de profondeur.
Au moment où le coup partait le général
Edon avait poussé cette exclamation :
— Le malheureux 1
UNE QUESTION DE RÈGLEMENT
Sans rechercher si le revolver était « armé »
ou si le départ de l'arme était trop facile, sans
envisager non plus la question de savoir si le
revolver, dont le canon: avait été contraire-
ment à tous les usages tourné à terre, a eu
un recul considérable, nous allons nous bor-
ner à examiner, comme le fera la prévention,
le point suivant sur lequel se concentrera
tout le procès : Le sous-lieutenant Schiffma-
cher avait-il le droit de porter un revolver
chargé?
Me Jules Deroste, au nom du général Edon,
soutiendra que l'officier a agi contrairement
au règlement en portant, autour d'une ins-
pection, un revolver chargé. L'honorable avo-
cat ajoutera qu'aux termes de l'article 4 de
l'instruction du 6 mai 1890, le général Edon
avait le droit et le devoir de s'assurer que
l'officier Schiffmacher était pourvu du revol-
ver modèle 1892 et non d'un autre. Par con-
séquent aucune imprudence n'est à reprocher
au général.
Le commissaire du gouvernement soutien-
dra naturellement la thèse contraire. A l'ap-
pui de son système, l'organe du ministère
public invoquera également l'instruction mi-
nistérielle du 6 mai 1890 qui définit la tenue
de campagne et qui prescrit que les officiers
doivent, en temps de grandes manœuvres,
avoir sur eux dix-huit cartouches. S'il n'existe
que douzç alvéoles à cartouches dans la cein-
ture de l'officier, donc forcément les six autres
cartouches doivent se trouver dans, le barillet
du revolver..
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