Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-06-03
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 03 juin 1886 03 juin 1886
Description : 1886/06/03 (A17,N5259). 1886/06/03 (A17,N5259).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-î septième année. -. 5259
Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes
Jeudi 3 juin 1886
LE Xir SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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MM. LAGRANGE, CERF ET CIII
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BULLETIN
La Chambre n'a pas tenu séance hier
» et s'est ajournée jusque lundi. La com-
mission, qui est saisie du projet de loi sur
l'expulsion des princes, s'est seule réunie.
Elle a eu à discuter un non veau projet dé-
posé comme amendement par MM. Brousse
et Burdeau, projet que le conseil des mi-
nistres examinera ce matin.
De graves difficultés ont surgi ces jours
derniers entre l'Autriche et la Hongrie, au
sujet des droits sur le pétrole. C'est la
cause apparente du conflit qui vient de se
produire, mais en fait il faut remonter
plus haut pour en trouver le point de dé-
part.
Tous les Etats qui composent la monar-
chie autrichienne supportent difficilement
la prépondérance que veut s'arroger la
Hongrie en matière fiscale. Déjà, pour pro-
téger son agriculture, elle a réussi à faire
frapper les blés roumains d'un droit de
trois florins par quintal. La conséquence
de cette taxe douanière a été d'augmenter
le prix du pain dans toute l'étendue de
l'empire. D'où un mécontentement géné-
ral. La question du pétrole, qui vient de
se poser, a mis le comble à l'irritation des
divers Etats contre les agissements de la
Hongrie.
Dans ces dernières années, le commerce
des pétroles en Russie avait pris un déve-
loppement considérable. L'exportation vers
les pays de Hongrie par le port de Fiumes
était devenue extrêmement importante.
Très hostile à l'entrée sur son territoire
des blés roumains, en raison delà concur-
rence que ces importations faisaient à ses
propres produits, la Hongrie voyait sans
déplaisir affluer les pétroles russes, malgré
le préjudice sérieux qui en résultait pour
l'industrie similaire de la Galicie. On avait,
il est vrai, frappé d'un droit protecteur
l'introduction des pétroles étrangers ; mais
les importateurs russes avaient aisément
trouvé le moyen d'échapper à la taxe, grâce
à une série de fraudes que le gouverne-
ment hongrois n'ignorait pas, mais sur
lesquelles il fermait les yeux. Des usines
nombreuses furent créées à Fiumes même
et, du coup, la Galicie fut hors d'état de se
défendre contre la concurrence de la
Russie.
relie est 1 origine des dimcultés pen-
dantes devant le Parlement de Vienne.
L'affaire a donné lieu, ces jours derniers,
à des discussions passionnées.
Le conflit est à l'état aigu. La situation
parlementaire du ministère autrichien pa-
rait quelque peu compromise ; le bruit de
la démission du comte Taaffe s'est répandu
à Vienne. On reproche au gouvernement
autrichien de prendre parti pour la Hon-
grie contre les intérêts des pays d'Autri-
che. Le grief n'est peut-être pas très fondé
en droit, mais les apparences condamnent
le comte Taaffe. Il y a quelque chose de
pis que d'avoir tort, c'est de paraître n'a-
voir pas raison.
Il faut se résigner à parler encore du
bill irlandais, quelque ennui qu'on en ait.
M. Chamberlain a porté au projet de M.
Gladstone un coup qui paraît devoir être
décisif. On lui avait reproché, non sans rai-
son, de n'avoir pas j ustifié son opposition
autrement que par les critiques qui n'a-
vaient pas le mérite de la nouveauté. M.
Chamberlain tenait en réserve un discours
de la dernière heure, à qui l'on ne peut
pas adresser le reproche de manquer de
netteté.
L'ancien,collaborateur de M. Gladstone
n'est pas hostile au principe de l'autono-
mie irlandaise ; il a exposé ses vues per-
sonnelles sur le gouvernement dont il rêve
de doter l'Irlande. Prenant pour type la
constitution actuelle du Canada, il propose
de diviser l'Irlande en assemblées provin-
ciales sous l'autorité du gouvernement
impérial.
D'après ce système, chaque partie de ce
Dominion irlandais serait représentée à la
Chambre des communes et à la Chambre
des lords qui jouiraient ainsi d'une supré-
matie effective sur les assemblées provin-
ciales. Le Parlement de Westminster se
trouverait investi d'un droit de veto qui
assurerait au gouvernement central la
juste autorité qu'il importe de maintenir
intacte pour garantir l'unité de l'empire
britannique.
Au surplus, M. Chamberlain attend sans
crainte la dissolution dont M. Gladstone
menace ses adversaires. Si le pays se pro-
nonce en faveur de l'autonomie irlandaise,
il condamnera certainement le système de
gouvernement qu'on prétend lui faire ac-
cepter aujourd'hui.
Le discours de M. Chamberlain a fait
grande impression sur le parti libéral, et
il est dès à présent certain que le bill ne
sera pas adopté.
LOUIS BENRIQUE.
me-
INFORMATIONS PAR TICTILIÈRES
Au ministère- de l'intérieur
M. Sarrien, ministre de l'intérieur, a reçu
hier matin les préfets des départements de
l'Yonne, Isère, Indre-et-Loire, Gard, Cher,
Loire-Inférieure, Alpes-Maritimes, Saône-et-
Loire et Allier.
Les élections da mois de juin
Un certain nombre d'élections doivent avoir
lieu dimanche prochain en province.
Les cantons de la. Roche-Derrien et Jugon
(Côtes-du-Nord) auront à nommer des con-
seillers généraux ; les cantons de Bédarieux
(Hérault), Belpech et Saint-Hilaire (Aude) et
Vivonne (Vienne), des conseillers d'arrondis-
sement.
En outre, le 27 courant, les délégués séna-
toriaux des Côtes-du-Nord et de la Corrèze
auront à nommer des sénateurs.
Dans le premier département, il s'agit de
remplacer M. Le Provost de Launay père, dé-
cédé. A la suite d'une réunion dans laquelle
MM. le comte Jérôme-Paul de Champagny,
duc de Cadorre, et Huonde Penanster, avaient
posé leur candidature, le comité conservateur
des Côtes-du-Nord a déclaré M. Huon de Pe-
nanster seul candidat.
La candidature républicaine a été offerte à
M. Armez, ancien député, qui l'a acceptée.
Quant à l'élection de la Corrèze, elle a lieu
en raison de l'attribution à ce département
d'un troisième siège, à la suite de la suppres-
sion d'un siège d'inamovible.
On annonce la candidature républicaine de
M. le docteur Penières, agrégé de chirurgie,
ancien député de la Corrèze à la précédente
Chambre.
— ————————————
QUESTIONS DU JOUR
Les mauvais projets sur la
chasse
Ce n'est pas encore sur le Sénat
qu'on doit compter pour obtenir une
réforme de la législation sur la chasse !
Il vient d'entamer le débat sur une pro-
position de feu M. Labitte que la com-
mission a rendue encore un peu plus
vexatoire pour les populations rurales.
J'ai naguère longuement traité ce su-
jet dans le XIXe Siècle. Je ne pourrais
qu'opposer aujourd'hui les mêmes ar-
guments aux mêmes faux raisonne-
ments dont s'est armé le parti des chas-
seurs à outrance. Ce parti domine sen-
siblement dans le Sénat, et l'on s'effor-
cerait en vain de le convaincre. Faites
donc entendre raison à des gens qui
s'obstinent à se placer à un faux point
de vue ! Pour comble de bonheur, le
gouvernement, par l'organe de M. le
sous-secrétaire d'Etat Bernard, s'est
montré tout disposé à renchérir sur les
interdictions de la loi de 1844. Ainsi
cette loi permet au propriétaire de tout
terrain bien clos, pourvu qu'une habita-
tion y soit attenante, d'y chasser à sa
guise, en tout temps, sans permis ; or
M. le sous-secrétaire d'Etat Bernard a
prononcé tout un discours pour deman-
der au Sénat que ce droit fût supprimé
désormais. La question a été renvoyée
à la commission. Voilà ce qu'on appelle
des réformes ! Jolies réformes ! Mais que
voulez-vous? la haute Assemblée, pour
ne pas être en reste avec la Chambre, a
pris la question tout à rebours.
J'ai rappelé dans un article précédent
les doléances de l'agriculture à propos
de la chasse. Elles ne datent pas d'hier,
car, s'il est une loi impopulaire par es-
sence dans le monde rural, c'est la loi
qui, depuis quarante-deux ans, régit la
chasse. Elle a été faite uniquement dans
le faux intérêt de la conservation du
gibier, ou, pour employer une expres-
sion plus caractéristique et aussi plus
juste, dans l'intérêt des plaisirs du
chasseur. Cependant les populations
rurales aspiraient à ce qu'on la revisât
en faisant attention surtout aux intérêts
agricoles. Le Sénat répond aujourd'hui
par un débat où il n'est question, d'un
bout à l'autre, que de la conservation
du gibier, sans la plus légère mention
de l'agriculture.
La retorme de la loi de ib44 était,
dans l'idée de nos paysans, un des bien-
faits que devait leur apporter la Répu-
blique. S'ils y tiennent, ce n'est pas tant
pour courir les bois ou la plaine (car,
sauf un petit nombre de braconniers, ils
n'ont pas cette rage au cœur) ; c'est
pour n'avoir plus le chagrin de contem-
pler de leurs propres yeux la dévasta-
tion de leurs récoltes, sans avoir le droit
seulement de tirer un coup de fusil sur
les maraudeurs à poil et à plume. Tant
que dura l'Assemblée nationale, ils n'o-
sèrent rien demander; les préoccupa-
tions politiques étaient trop aiguës.
Mais, dès que l'on se vit en possession
d'un gouvernement établi, dès l'appli-
cation de la Constitution nouvelle, tout
de suite après l'élection du Parlement
de 1876, les pétitions affluèrent au Pa-
lais-Bourbon. Et que demandaient-elles?
Le droit de chasse pour tout proprié-
taire ou pour tout fermier à qui son
propriétaire l'aurait délégué. Et ce droit
devrait-il être contesté? Quoi! l'on a
labouré, répandu la fumure, ensemencé,
planté, cultivé sans relâche, dépensé
son argent, son temps et sa peine, et
l'on n'est pas maître de préserver, sur
son propre champ, ses propres récol-
tes!
Les députés bonapartistes, — à qui,
d'ailleurs, cette sollicitude est venue tar-
divement puisqu'ils ne l'ont pas exer-
cée pendant les dix-huit ans d'Empire,
— les députés bonapartistes ont été,
dans la circonstance, plus adroits que
les députés républicains. Ils ont tout
de suite compris la portée de ces récla-
mations des campagnes, et ils n'ont eu
garde de manquer une telle occasion
pour redonner à leur parti un peu de
popularité dans les circonscriptions ru-
rales. Sans perdre de temps, au mois
de mars 1876, MM. J. David, Dréolle,
de Guilloutet, Lâroche-Joubert, etc.,
déposent une proposition ainsi conçue :
« Les permis de chasse sont suppri-
més. » Survient la tourmente de 1877,
qui arrête tout. Mais, en 1878, aussitôt
le calme rétabli, nouvelle proposition
bonapartiste (Dréolle, Robert Mitchell,
comte de Bouville), un peu moins radi-
cale, mais qui veut créer des permis de
chasse à très bas prix. En 1881, dans la
Chambre nouvelle, MM. Laroche-Jou-
bert, de Guilloutet, etc., reprennent la
proposition de 1876 : « Les permis de
chasse sont supprimés. » Toutes ces
propositions ont été écartées dédai-
gneusement.
Cependant, du côté des républicains,
— sauf une proposition de M. J. David,
radicale comme les propositions bona-
partistes, — il ne vient d'abord que des
projets insuffisants, et voici qu'ils sont
suivis peu après (c'est le comble de la
dérision) par d'autres projets plus con-
servateurs du gibier que la loi de 1844
ne l'est elle-même: un projet de M. La-
bitte, qui fut, comme on sait, député
avant d'être sénateur; un projet de M.
Deluns-Montaud; un projet, enfin éla-
boré par une commission, sur le texte
Deluns-Montaud, dans la législature de
1884-85, projet dont le rapporteur du
Sénat, si réactionnaire qu'il se montre
lui-même en cette matière, signalait
hier les « doctrines restrictives et dra-
coniennes ) 1
Il faut convenir que le parti républi-
cain, dans une question qui passionne à
si juste titre les cultivateurs, n'a jus-
qu'à présent obéi qu'à des inspirations
malheureuses. La Chambre actuelle est
de nouveau saisie de ce mauvais projet
Deluns-Montaud, qu'on a pas eu le
temps de discuter avant les élections
de 1885 ; et voici maintenant que le Sé-
nat discute une proposition qui ne vaut
guère mieux, quoique le rapporteur du
Sénat vaille les Dracons de la Chambre.
Au fond, dans les deux Assemblées,
c'est la même chose : sacrifice absolu
du droit de propriété, rien pour l'agri-
culture ; tout pour la conservation du
gibier et pour le privilège des chas-
seurs. J'espère que ces belles concep-
tions ne viendront pas à terme. La loi de
1844 est mauvaise ; mais ce que nous
avons le regret d'entendre proposer, en
cette année républicaine 1886, est bien
pis !
EUG. LIÉBERT.
L'EXPULSION DES PRINCES
Avant la réuoion officielle de la commission
chargée d'examiner le projet du gouverne-
ment, les six commissaires partisans de l'ex-
pulsion intégrale et immédiate se sont réunis
hier afin de rechercher les termes d'un
amendement transactionnel.
M. Emile Brousse, secrétaire de la commis-
sion, a informé ses collègues que, dans le
cas où le système de l'expulsion totale et
obligatoire serait repoussé soit par la Cham-
bre, soit par le Sénat, il prendrait l'initiative
d'une proposition dont voici le texte :
Article premier. — Le territoire de la Républi-
que est et demeure interdit aux chefs des familles
ayant régné sur la France et à leurs héritiers
directs dans l'ordre de primogéniture.
Art. 2. — Le gouvernement est autorisé à inter-
dire le territoire de la République aux autres
membres de ces familles.
Art. 3. — Celui qui, en violation de l'interdic-
tion, sera trouvé en France, en Algérie ou dans
les colonies, sera puni d'un emprisonnement de
deux à cinq ans. A l'expiration de sa peine, il
sera reconduit à la frontière.
Un des commissaires a alors proposé une
autre formule comprenant deux articles : le
premier, comportant l'expulsion intégrale et
immédiate des familles princières : le second,
autorisant le gouvernement à maintenir en
France, par mesure de police, les descendants.
collatéraux des familles ayant régné en
France.
La réunion ne s'est arrêtée à aucun texte
précis. Après avoir seulement exprimé l'avis
qu'il conviendrait dans certaines conditions
d'élaborer un amendement transactionnel,
elle a chargé MM. Emile Brousse et C. Pelletan
de se rendre auprès de M. de Freycinet pour
le prier de se tenir dans l'après-midi à la dis-
position de la commission, dans le cas où
celle-ci aurait à proposer au gouvernement
un terrain de conciliation.
A deux heures, la commission s'est réunie,
sous la présidence de M. Madier de Montjau,
pour délibérer sur le projet du gouvernement.
Après un débat qui n'a pas duré moins de
deux heures et demie et au cours duquel ont
été reproduits pour ou contre le système de
l'expulsion tous les arguments qui avaient
déjà été développés dans les bureaux, la com-
mission a décidé, par 6 voix contre 5, qu'il y
avait lieu de prononcer par une loi l'expul-
sion immédiate de tous les membres des fa-
milles ayant régné sur la France.
Après avoir statué sur ce principe, la com-
mission a suspendu sa séance, pour permet-
tre aux membres de la majorité d'aller
conférer avec le gouvernement.
Les cinq membres de la minorité , MM.
Henry Maret, Anatole de La Forge, Michou,
Jolibois et de Mun, ont attendu jusqu'à six
heures le retour de leurs collègues et finale-
ment se sont retirés en faisant savoir aux au-
tres commissaires qu'ils ne reviendraient que
le vendredi après-midi.
Les membres de la majorité, une fois de
retour, n'ont pas voulu délibérer en l'absence
de leurs collègues ; ils se sont bornés à re-
cueillir un contre-projet transactionnel pré-
senté par MM. Brousse et Burdeau et dont
voici le texte :
Article 1er. — Le territoire de la République
française est et demeure interdit à tous les mem-
bres des familles ayant régné en France.
Néanmoins, le gouvernement pourra laisser
temporairement sur le territoire de la Républi-
que un ou plusieurs des membres de ces familles
autres que leurs chefs et leurs héritiers directs
dans l'ordre de primogéniture.
Le troisième article du projet gouverne-
mental forme le second article de ce contre-
projet.
Ce texte, communiqué à M. de Freycinet,
sera soumis demain au conseil des ministres.
La commission se réunira demain à une
heure pour statuer définitivement et nommer
son rapporteur.
ARCHÉOLOGIE SOCIALE
Les journaux religieux nous apportent
le texte du discours prononcé par M. Kel-
ler à la séance de clôture de l'assemblée
générale des catholiques. Ce discours
est intéressant. Parlant devant un au-
ditoire fanatique, M. Keller n'avait pas
à ménager la société moderne et l'a
vigoureusement combattue dans son es-
prit, dans ses institutions, dans ses ré-
sultats, dans ses tendances. Rien ne va à
son gré. Il n'avait d'amour que pour les
gendarmes et, depuis certains incidents
récents, il n'y a plus à compter sur eux.
Il va falloir ne compter que sur soi-même.
Reconstituera-t-on la Société célèbre des
Gourdins-Réunis ? Le moyen serait vul-
gaire. Quand on a, comme M. Keller, une
ressemblance assez accusée avec don Qui-
chotte, on ne se résigne pas à brandir une
trique. On coiffe le morion, on serre son
écu et on baisse sa lance. M. Keller a
bien compris ce qu'il devait à son immor-
tel sosie et il ne rêve rien de moins que
la restauration de la chevalerie.
« Savez-vous, s'est-il écrié, ce que fai-
saient les chevaliers au moyen âge? Ils
faisaient bénir leurs armes, et voici la for-
mule qu'employait à cette occasion le
guerrier fléchissant le genou devant le prê-
» tre : « Bénissez cette épée, afin que votre
» serviteur s'en serve pour défendre contre
» la cruauté de leurs ennemis les églises,
» les veuves, les orphelins, les pauvres, les
» ouvriers, tous ceux qui servent Dieu. »
Eh bien, il faudra que, nous aussi, nous
prenions la résolution de défendre contre
la cruauté de leurs ennemis les églises,
les veuves, les orphelins, les pauvres, les
ouvriers, tous ceux qui servent Dieu. »
Mais l'apparition d'un paladin du temps
jadis aurait un certain succès sur le bou-
levard Montmartre et M. Keller, qui ne
tient pas à obtenir ce succès, se propose
tout simplement de ramener la société en-
tière au moyen âge et à une forme pure-
ment théocratique.
Les raisons de ce retour en arrière ne
sont peut-être pas très nouvelles, mais
elles ont toujours le mérite de sembler
originales. L'orateur décline les raisons
qui, suivant lui, mettent la France en péril.
Puis, brusquement, il s'interrompt pour
faire cette déclaration :
« Mais, j'en ai la confiance, si Dieu per-
met ce grand péril qui menace l'existence
même de la France, c'est pour nous aider
à la sauver, car Dieu veut sauver la France.»
Le moyen peut paraître bizarre aux pro-
fanes. Pour ce qui est de sauver la France,
il serait peut-être plus simple de ne pas la
laisser en périL Mais l'occasion était bonne
pour les cléricaux de prêter à Dieu leur doc-
trine favorite. L'excès du mal engendre le
bien, et nous ne voulons pas discuter avec
eux sur les secrets moyens de la Provi-
dence. Ils ont à cet égard des lumières qui
- nous en faisons humblement l'aveu —
nous font défaut.
La cause de tout le mal se devine d'ail-
leurs. Cette cause, « c'est la perte de la
foi chrétienne et, par suite, de tous prin-
cipes religieux et moraux dans une société
où la centralisation du travail, de la grande
industrie et des capitaux amène de profon-
des inégalités ».
Donc il faut ramener la France au
christianisme et la France, ce sont surtout
les ouvriers. Un des moyens les plus
cher à M. Keller, c'est de rétablir le repos
obligatoire du dimanche, « institution
puissante, qui a été la véritable charte de
l'ouvrier libre et chrétien ». C'est aussi de
constituer des caisses corporatives de re-
traite et de soustraire ainsi l'ouvrier à la
caisse de retraite de l'Etat.
Précisément MM. de Mun et Freppel,
ainsi que quelques autres droitiers, vien-
nent de déposer une proposition de loi
inspirée des mêmes idées que M. Keller.
Mais ceux-ci, s'adressant à une assemblée
plus éclectique que l'auditoire de M.
Keller, prennent autant de soin de dissi-
muler leurs intentions dernières que M.
Keller en mettait à les montrer. D'après
la proposition, les caisses corporatives de-
viennent une simple caisse de prévoyance
inspirée par le désir de rompre avec le so-
cialisme d'Etat. Les auteurs traitent même
assez durement leurs clients ouvriers et,
ayant à rechercher si le vieillard devra
recevoir un capital ou une rente viagère,
ils se prononcent pour la rente qui « res-
serreraautour du vieillard les liens delà fa-
mille. Les enfants, rassurés sur l'avenir de
leur père, sans crainte de le voir tomber à
leur charge, l'entoureront de soins et le
prendront avec eux dans leur maison où
la pension de retraite amènera l'aisance ».
Voilà des sentiments désintéressés. Ils
conduisent parfois ceux qui les éprouvent
devant la cour d'assises. Ceci n'empêche
pas les auteurs de la proposition d'ajou-
ter : « L'intérêt joue un grand rôle dans
ce bas monde et le législateur, qui doit
compter avec les passions humaines, ne
saurait l'oublier. »
Dans la proposition, comme dans le dis-
cours de M. Keller, l'intention dernière
reste d'ailleurs la même. D'un côté comme
de l'autre, les caisses corporatives sont
un acheminement vers le rétablissement
des corporations elles-mêmes. Nous avions
déjà les cercles catholiques d'ouvriers,
qui, s'étendant comme un vaste filet sur
la France entière, permettaient au parti
clérical de faire faire à l'ouvrier le tour de
France complet sans qu'il échappât un
instant à l'action politique du parti. Les
caisses corporatives seraient un moyen de
plus de le tenir par « l'intérêt » qui « joue
un grand rôle en ce bas monde ».
Nous sommes persuadés que le parti
catholique a foi en ses principes. Néan-
moins il n'est pas mauvais de constater
qu'il fait appel aux « passions humaines»
pour les étayer. L'étai nous paraît, du
reste, assez fragile. Une société appuyée
d'une part sur le paladin, de l'autre sur
les corporations ouvrières, peut être inté-
ressante au point de vue de l'archéologie
sociale. Nous ne croyons pas qu'elle ait
aucune chance de séduire les esprits de
nos contemporains.
LE PROJET DE LOI MILITAIRE
Le projet de loi militaire organique,
présenté par M. le général Boulanger, se
compose de quatre parties principales,
respectivement consacrées au recrute-
ment de la troupe, au rengagement des
sous-officiers, à l'avancement des officiers
et à l'organisation générale des armes,
des services et des cadres de l'armée.
Ce projet, qui compte 284 articles, forme,
avec l'exposé des motifs, les tableaux et les
annexes, un volume de plus de 330 pages.
Il s'y trouve un grand nombre de disposi-
tions nouvelles fort intéressantes. Nous
ne pouvons donc qu'en indiquer les traits
principaux en suivant l'ordre des matières.
Le titre 1er traite des obligations militai-
res des citoyens et du recrutement de
l'armée.
La loi commence par déclarer que tout
Français doit le service militaire, que
l'obligation du service s'étend sur une pé-
riode de vingt années, que le service est
personnel et égal pour tous. Comme sanc-
tion à ce devoir, il est stipulé que nul ne
sera admis, avant l'âge de quarante ans
accomplis, à un emploi dans une admi-
nistration de l'Etat, s'il ne justifie avoir sa-
tisfait aux prescriptions de la loi sur le
service militaire.
Il n'y a d'exception à la règle générale
qu'en faveur des hommes que leurs infir-
mités rendent impropres au service mili-
taire. Il leur est délivré, pour justifier de
leur situation, un certificat qu'ils sont te-
nus de présenter à toute réquisition de
l'autorité militaire, judiciaire ou civile.
Les motifs des dispenses du service
d'activité en temps de paix par situation
de famille disparaissent complètement
comme droits et ne sont plus admis que
comme des titres..
Peuvent être dispensés sur leur de-
mande :
1° L'aîné d'orphelins de père et de mère
ou l'aîné d'orphelins de mère dont le père
est dans l'un des cas prévus par le para-
graphe suivant ;
2° Le fils unique ou l'aîné des fils, ou, à
défaut de fils ou de gendres, le petit-fils
unique ou l'aîné des petits-fils d'une fem-
me actuellement veuve ou d'une femme
dont le mari a été déclaré légalement ab-
sent, ou d'un père aveugle ou entré dans
sa soixante-dixième année ;
3° L'un des deux frères inscrits la même
année sur les listes du recrutement canto-
nal ;
4° Les jeunes gens qui remplissent ef-
fectivement les devoirs de soutien indis-
pensable de famille.
On remarquera qu'il n'y a plus ni droit
ni même titre à dispense en faveur des
jeunes gens qui ont un frère sous les dra-
peaux, ni de ceux dont le frère est mort en
activité de service.
Les demandes, accompagnées de docu-
ments authentiques justifiant la situation
des intéressés, devront être adressées au
maire de la commune où les jeunes gens
sont domiciliés. Dans les cas visés au qua-
trième des paragraphes ci-dessus, elles
seront appuyées d'un relevé des contri-
butions payées par la famille, relevé qui
devra être certifié par le percepteur.
Le maire soumettra toutes les demandes
à une commission communale composée
de cinq membres désignés par un tirage
au sort public parmi tous les pères de fa-
mille ayant des fils sous les drapeaux, et,
à défaut, dans la réserve de l'armée active.
Dans les villes divisées en plusieurs can-
tons ou arrondissements, il sera constitué
une commission identique dans chaque
canton ou arrondissement.
Le conseil des pères de famille émet sur
chaque demande un avis motivé.
La liste des demandes, ainsi annotée et
avec les pièces à l'appui, est transmise
par le maire au conseil de revision qui
statue au chef-lieu du département. Le
conseil de revision s'adjoint à cet effet
deux membres du conseil général dési-
gnés par la commission départementale.
11 prononce en séance publique. La pro-
portion de 15 pour 100 du nombre des
jeunes gens incorporés est admise comme
maximum de la quantité de dispenses à
accorder chaque année, mais, nous le rap-
pelons, de dispenses provisoires, n'ayant
de valeur qu'en temps de paix et pour le
service actif. Les obligations des dispensés
restent donc entières en cas de guerre.
Enfin les enfants naturels, reconnus par
le père ou la mère, peuvent bénéficier des
dispositions précédentes comme les en-
fants légitimes.
Les mêmes dispenses peuvent d'ailleurs
être accordées aux jeunes gens qui se trou-
veraient depuis leur incorporation dans
l'une des quatre catégories indiquées plus
haut. Dans ce cas, la demande, appuyée
des pièces justificatives et de l'avis motivé
des trois pères de famille résidant dans la
commune, et ayant un fils sous les dra-
peaux, est adressée par le maire au préfet
qui la transmet avec son appréciation au
chef du corps de troupe auquel appartient
l'fntéressé. Celui-ci la fait parvenir à son
tour avec ses propositions au comman-
dant du corps d'armée qui statue en se
maintenant dans les limites assignées
chaque année à cette catégorie supplémen-
taire de dispenses. - - i
Comme il est indispensable que les dis-
pensés justifient par leur conduite et leur
travail la mesure bienveillante dont ils
sont l'objet, le maire de chaque commune
devra présenter tous les ans au conseil de
revision une délibération du conseil muni-
cipal faisant connaître la situation des
jeunes gens qui ont obtenu dans les deux
années précédentes la faveur de rester
dans leurs foyers ou d'y être renvoyés par
anticipation. Le conseil de revision déci-
dera s'il y a lieu ou non de maintenir la
dispense et les jeunes gens auxquels le
conseil de revision en aura enlevé la jouis-
sance seront soumis à toutes les obliga-
tions de la classe à laquelle ils appartien-
nent par leur âge.
Nous analyserons demain les disposi-
tions proposées en faveur des carrières
libérales.
CHRONIQUE
Les journaux ont raconté, ces jours-
ci, l'histoire de cet Américain excentri-
que, qui a entrepris de faire le tour du
monde. en vélocipède, et qui promène
son bicycle à travers les plus invrai-
semblables contrées. Ce n'est guère là,
au fond, qu'un fait divers, s'il est un
peu moins banal que d'autres, et les
lettres, datées du fond de l'Afghanistan,
qu'on a publiées de ce voyageur fantai-
siste, ne sont pas pour nous émotion-
ner outre mesure.
Voyez pourtant, si l'on était d'humeur
à philosopher un peu, s'il n'y aurait pas
là matière à réflexions sur les folles
tentatives qui s'accumulent depuis quel-
ques temps. N'est-ce pas un signe par-
ticulier du détraquement de notre épo-
que que ces entreprises hardies, qui de-
mandent un indiscutable courage et
qui ne riment à rien ? On dépense au-
jourd'hui de la témérité pour des baga-
telles, pour des puérilités. Est-ce qu'on
s'ennuie donc beaucoup, qu'on n'attend
même plus l'occasion de faire servir
l'héroïsme à des choses utiles ?
Depuis deux ou trois ans seulement,
rappelez-vous ces véritables gageures
contre le possible. C'est, par exemple,
un M. Drevar qui se confie aux flots
dans une périssoire, et qui se lance à
travers l'Atlantique, de gaieté de cœur,
avec la quasi-certitude d'être englouti
presque instantanément. Après lui, c'est
un autre, M. Copeman, dont l'aventure
a fait quelque bruit, qui se construit un
radeau de liège et songe à gagner,
seul, l'Amérique. Ou bien ce sont deux
voyageurs qui se mettent à gravir les
cimes de l'Himalaya, avec la volonté de
ne pas s'arrêter, sans autre but que la
recherche de sensations nouvelles, de
sensations de vertige, sans aucune
préoccupation scientifique, et qui mon-
tent si haut, en effet. qu'ils ne revien-
nent pas, n'ayant pas eu la suprême
satisfaction d'écrire sur un rocher,
comme Regnard, qu'ils s'étaient arrêtés
parce que le monde finissait : ubi de-
fuit orbis ! Ou bien c'est un original
qui, las de la vie civilisée, va essayer,
dans l'isolement d'une lande sauvage,
de l'existence primitive, en se donnant
le dilettantisme d'avoir à pourvoir à
sa nourriture avec les ressources du
hasard, n'ayant pas même emporté un
couteau, afin de goûter la joie de se
façonner jusqu'à ses armes. Et on le
trouve un jour, par aventure, à demi
mort de faim dans une île des côtes
d'Ecosse, déserte, où il a abordé après
avoir détruit la barque qui l'a amené.
Ou bien encore, c'est le capitaine Weeb,
ce nageur affolé d'extraordinaire, qui
s'amuse à vouloir traverser les chutes
du Niagara, et qui est, en une minute,
asphyxié et broyé.
Il y a donc une névrose spéciale, en
ce temps d'hystéries variées, la névrose
du besoin, de l'amour du danger —
pour le danger, sans esprit de sacrifice
ou de dévouement. En dépit de la stéri-
lité de leurs entreprises, nous ne pou-
vons nous défendre de quelque sympa-
thie pour ces outranciers ; il y a un côté
chevaleresque qui les relève. -
Mais ce qui les pousse dans ces fo-
lies, n'est-ce pas plus encore que de
l'audace, une fièvre de jeu, une ambi-
tion de se mesurer avec l'inconnu ? La
partie n'est pas banale, puisque c'est la
Mort qu'on a comme partenaire, mais
c'est une partie de jeu. Où le jeu n'est-
il pas aujourd'hui ? Chacun dans notre
sphère, plus ou moins, parfois même à
notre insu, nous ne vivons que par et
pour le jeu. A-t-on encore des pas-
sions ? On a surtout des emballements.
Et, dans cet affolement général, ce
qui est un symptôme étrange, c'est le
dédain de la vie. A de grandes époques
de tourmentes politiques, on a aussi
fait bon marché de l'existence, on s'est
même rué gaiement vers la mort, mais
un courant d'idées généreuses entraî-
nait. A présent, c'est par pure bravade
et par fantaisie. Jamais on n'a trouvé
autant d'êtres prêts à se risquer dans
l'abîme pour un rien, une gageure, un
caprice.
Parmi les causes de cet appétit de
périls, faut-il mettre en ligne de compte
l'amour du bruit, la recherche de la re-
nommée? Il se peut que quelques-uns
de ces aventureux esprits n'en aient'
pas horreur ; mais la cause de leurs
fantastiques expéditions n'est pas là.
Elle remonte plus haut, à l'impatience
d'une existence calme, à la rage de
tenter quelque chose, de se jeter dans
des batailles quelconques. Quand on ne
trouve pas à se dévouer pour une rai-
son sérieuse, pour le « bon motif », on
se sacrifie pour une chimère.
On parle volontiers de l'embourgeoi-
sement de cette fin de siècle. Mais est-il,
au contraire, une époque qui soit plus
romanesque ? N'est-elle pas caractérisée
par la passion,, par le rêve de l'impos-
sible? J'imagine que, dans quelque cent
ans, la période où nous vi vons prendra,
par beaucoup de côtés, une allure épi-
que. Tout le monde ne semble-t-il pas
possédé par un furieux désir d'action?
Quoi qu'on puisse dire, le courage a-t-il
jamais été plus commun? Les prix Mon-
tyon, récompensant des sauveteurs, re-
pêcheurs d'enfants en train de se noyer
ou braves gens arrachant un vieillard
paralytique aux flammes d'un incendie,
paraissent en vérité, par moments, de
vieilles rengaines.
C'est vers l'invraisemblable, vers l'ex-
traordinaire, que l'on court. C'est, par
un raffinement, la mort inutile et même
absurde que l'on brave allègrement.
Ce goût du surhumain indique un défaut
d'équilibre dans nos cerveaux, mais il
donne une certaine crânerie à une
époque.
Nous voici entraînés bien loin, à
propos des exploits d'un sportsman épris
de pittoresque et d'imprévu. Mais ce
voyageur qui s'en va tranquillement,
tout seul, la valise en sautoir, monté
sur les deux roues de son vélocipède, et
qui, les faisant toujours mouvoir avec
sérénité, traverse des déserts, des paysa-
ges pleins d'une horreur tragique, des
tribus sauvages, des peuples jaunes
après des peuples blancs, des musul-
mans, des bouddhistes et des adorateurs
du feu, est une figure d'une extrava-
gance bien moderne. Il va, il va au-
devant de lui, ouvrant des routes incon-
nues, pionnier à la fois comique et su-
perbe, laissant sur la poussière de con-
trées encore sans nom le sillon de son
burlesque véhicule, qui devient héroï-
que en semblant une apparition de la
civilisation, sous une forme étrange, aux
nations primitives qui le regardent pas-
ser!. S'il tombe victime de quelque
guet-apens, ce fantaisiste n'aura pas
même la gloire : on n'élève pas une sta-
tue à un vélocipédiste !
Où est-elle, l'école des explorateurs
d'autrefois, qui ne se lançaient dans l'a-
venture que gravement et qui étaient
toujours un peu des espèces de pontifes?
PAUL GINISTY.
Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes
Jeudi 3 juin 1886
LE Xir SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
'adressel' 'tU Secrétaire de la Rédaction
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ET DANS SES SUCCURSALES
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MM. LAGRANGE, CERF ET CIII
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
La Chambre n'a pas tenu séance hier
» et s'est ajournée jusque lundi. La com-
mission, qui est saisie du projet de loi sur
l'expulsion des princes, s'est seule réunie.
Elle a eu à discuter un non veau projet dé-
posé comme amendement par MM. Brousse
et Burdeau, projet que le conseil des mi-
nistres examinera ce matin.
De graves difficultés ont surgi ces jours
derniers entre l'Autriche et la Hongrie, au
sujet des droits sur le pétrole. C'est la
cause apparente du conflit qui vient de se
produire, mais en fait il faut remonter
plus haut pour en trouver le point de dé-
part.
Tous les Etats qui composent la monar-
chie autrichienne supportent difficilement
la prépondérance que veut s'arroger la
Hongrie en matière fiscale. Déjà, pour pro-
téger son agriculture, elle a réussi à faire
frapper les blés roumains d'un droit de
trois florins par quintal. La conséquence
de cette taxe douanière a été d'augmenter
le prix du pain dans toute l'étendue de
l'empire. D'où un mécontentement géné-
ral. La question du pétrole, qui vient de
se poser, a mis le comble à l'irritation des
divers Etats contre les agissements de la
Hongrie.
Dans ces dernières années, le commerce
des pétroles en Russie avait pris un déve-
loppement considérable. L'exportation vers
les pays de Hongrie par le port de Fiumes
était devenue extrêmement importante.
Très hostile à l'entrée sur son territoire
des blés roumains, en raison delà concur-
rence que ces importations faisaient à ses
propres produits, la Hongrie voyait sans
déplaisir affluer les pétroles russes, malgré
le préjudice sérieux qui en résultait pour
l'industrie similaire de la Galicie. On avait,
il est vrai, frappé d'un droit protecteur
l'introduction des pétroles étrangers ; mais
les importateurs russes avaient aisément
trouvé le moyen d'échapper à la taxe, grâce
à une série de fraudes que le gouverne-
ment hongrois n'ignorait pas, mais sur
lesquelles il fermait les yeux. Des usines
nombreuses furent créées à Fiumes même
et, du coup, la Galicie fut hors d'état de se
défendre contre la concurrence de la
Russie.
relie est 1 origine des dimcultés pen-
dantes devant le Parlement de Vienne.
L'affaire a donné lieu, ces jours derniers,
à des discussions passionnées.
Le conflit est à l'état aigu. La situation
parlementaire du ministère autrichien pa-
rait quelque peu compromise ; le bruit de
la démission du comte Taaffe s'est répandu
à Vienne. On reproche au gouvernement
autrichien de prendre parti pour la Hon-
grie contre les intérêts des pays d'Autri-
che. Le grief n'est peut-être pas très fondé
en droit, mais les apparences condamnent
le comte Taaffe. Il y a quelque chose de
pis que d'avoir tort, c'est de paraître n'a-
voir pas raison.
Il faut se résigner à parler encore du
bill irlandais, quelque ennui qu'on en ait.
M. Chamberlain a porté au projet de M.
Gladstone un coup qui paraît devoir être
décisif. On lui avait reproché, non sans rai-
son, de n'avoir pas j ustifié son opposition
autrement que par les critiques qui n'a-
vaient pas le mérite de la nouveauté. M.
Chamberlain tenait en réserve un discours
de la dernière heure, à qui l'on ne peut
pas adresser le reproche de manquer de
netteté.
L'ancien,collaborateur de M. Gladstone
n'est pas hostile au principe de l'autono-
mie irlandaise ; il a exposé ses vues per-
sonnelles sur le gouvernement dont il rêve
de doter l'Irlande. Prenant pour type la
constitution actuelle du Canada, il propose
de diviser l'Irlande en assemblées provin-
ciales sous l'autorité du gouvernement
impérial.
D'après ce système, chaque partie de ce
Dominion irlandais serait représentée à la
Chambre des communes et à la Chambre
des lords qui jouiraient ainsi d'une supré-
matie effective sur les assemblées provin-
ciales. Le Parlement de Westminster se
trouverait investi d'un droit de veto qui
assurerait au gouvernement central la
juste autorité qu'il importe de maintenir
intacte pour garantir l'unité de l'empire
britannique.
Au surplus, M. Chamberlain attend sans
crainte la dissolution dont M. Gladstone
menace ses adversaires. Si le pays se pro-
nonce en faveur de l'autonomie irlandaise,
il condamnera certainement le système de
gouvernement qu'on prétend lui faire ac-
cepter aujourd'hui.
Le discours de M. Chamberlain a fait
grande impression sur le parti libéral, et
il est dès à présent certain que le bill ne
sera pas adopté.
LOUIS BENRIQUE.
me-
INFORMATIONS PAR TICTILIÈRES
Au ministère- de l'intérieur
M. Sarrien, ministre de l'intérieur, a reçu
hier matin les préfets des départements de
l'Yonne, Isère, Indre-et-Loire, Gard, Cher,
Loire-Inférieure, Alpes-Maritimes, Saône-et-
Loire et Allier.
Les élections da mois de juin
Un certain nombre d'élections doivent avoir
lieu dimanche prochain en province.
Les cantons de la. Roche-Derrien et Jugon
(Côtes-du-Nord) auront à nommer des con-
seillers généraux ; les cantons de Bédarieux
(Hérault), Belpech et Saint-Hilaire (Aude) et
Vivonne (Vienne), des conseillers d'arrondis-
sement.
En outre, le 27 courant, les délégués séna-
toriaux des Côtes-du-Nord et de la Corrèze
auront à nommer des sénateurs.
Dans le premier département, il s'agit de
remplacer M. Le Provost de Launay père, dé-
cédé. A la suite d'une réunion dans laquelle
MM. le comte Jérôme-Paul de Champagny,
duc de Cadorre, et Huonde Penanster, avaient
posé leur candidature, le comité conservateur
des Côtes-du-Nord a déclaré M. Huon de Pe-
nanster seul candidat.
La candidature républicaine a été offerte à
M. Armez, ancien député, qui l'a acceptée.
Quant à l'élection de la Corrèze, elle a lieu
en raison de l'attribution à ce département
d'un troisième siège, à la suite de la suppres-
sion d'un siège d'inamovible.
On annonce la candidature républicaine de
M. le docteur Penières, agrégé de chirurgie,
ancien député de la Corrèze à la précédente
Chambre.
— ————————————
QUESTIONS DU JOUR
Les mauvais projets sur la
chasse
Ce n'est pas encore sur le Sénat
qu'on doit compter pour obtenir une
réforme de la législation sur la chasse !
Il vient d'entamer le débat sur une pro-
position de feu M. Labitte que la com-
mission a rendue encore un peu plus
vexatoire pour les populations rurales.
J'ai naguère longuement traité ce su-
jet dans le XIXe Siècle. Je ne pourrais
qu'opposer aujourd'hui les mêmes ar-
guments aux mêmes faux raisonne-
ments dont s'est armé le parti des chas-
seurs à outrance. Ce parti domine sen-
siblement dans le Sénat, et l'on s'effor-
cerait en vain de le convaincre. Faites
donc entendre raison à des gens qui
s'obstinent à se placer à un faux point
de vue ! Pour comble de bonheur, le
gouvernement, par l'organe de M. le
sous-secrétaire d'Etat Bernard, s'est
montré tout disposé à renchérir sur les
interdictions de la loi de 1844. Ainsi
cette loi permet au propriétaire de tout
terrain bien clos, pourvu qu'une habita-
tion y soit attenante, d'y chasser à sa
guise, en tout temps, sans permis ; or
M. le sous-secrétaire d'Etat Bernard a
prononcé tout un discours pour deman-
der au Sénat que ce droit fût supprimé
désormais. La question a été renvoyée
à la commission. Voilà ce qu'on appelle
des réformes ! Jolies réformes ! Mais que
voulez-vous? la haute Assemblée, pour
ne pas être en reste avec la Chambre, a
pris la question tout à rebours.
J'ai rappelé dans un article précédent
les doléances de l'agriculture à propos
de la chasse. Elles ne datent pas d'hier,
car, s'il est une loi impopulaire par es-
sence dans le monde rural, c'est la loi
qui, depuis quarante-deux ans, régit la
chasse. Elle a été faite uniquement dans
le faux intérêt de la conservation du
gibier, ou, pour employer une expres-
sion plus caractéristique et aussi plus
juste, dans l'intérêt des plaisirs du
chasseur. Cependant les populations
rurales aspiraient à ce qu'on la revisât
en faisant attention surtout aux intérêts
agricoles. Le Sénat répond aujourd'hui
par un débat où il n'est question, d'un
bout à l'autre, que de la conservation
du gibier, sans la plus légère mention
de l'agriculture.
La retorme de la loi de ib44 était,
dans l'idée de nos paysans, un des bien-
faits que devait leur apporter la Répu-
blique. S'ils y tiennent, ce n'est pas tant
pour courir les bois ou la plaine (car,
sauf un petit nombre de braconniers, ils
n'ont pas cette rage au cœur) ; c'est
pour n'avoir plus le chagrin de contem-
pler de leurs propres yeux la dévasta-
tion de leurs récoltes, sans avoir le droit
seulement de tirer un coup de fusil sur
les maraudeurs à poil et à plume. Tant
que dura l'Assemblée nationale, ils n'o-
sèrent rien demander; les préoccupa-
tions politiques étaient trop aiguës.
Mais, dès que l'on se vit en possession
d'un gouvernement établi, dès l'appli-
cation de la Constitution nouvelle, tout
de suite après l'élection du Parlement
de 1876, les pétitions affluèrent au Pa-
lais-Bourbon. Et que demandaient-elles?
Le droit de chasse pour tout proprié-
taire ou pour tout fermier à qui son
propriétaire l'aurait délégué. Et ce droit
devrait-il être contesté? Quoi! l'on a
labouré, répandu la fumure, ensemencé,
planté, cultivé sans relâche, dépensé
son argent, son temps et sa peine, et
l'on n'est pas maître de préserver, sur
son propre champ, ses propres récol-
tes!
Les députés bonapartistes, — à qui,
d'ailleurs, cette sollicitude est venue tar-
divement puisqu'ils ne l'ont pas exer-
cée pendant les dix-huit ans d'Empire,
— les députés bonapartistes ont été,
dans la circonstance, plus adroits que
les députés républicains. Ils ont tout
de suite compris la portée de ces récla-
mations des campagnes, et ils n'ont eu
garde de manquer une telle occasion
pour redonner à leur parti un peu de
popularité dans les circonscriptions ru-
rales. Sans perdre de temps, au mois
de mars 1876, MM. J. David, Dréolle,
de Guilloutet, Lâroche-Joubert, etc.,
déposent une proposition ainsi conçue :
« Les permis de chasse sont suppri-
més. » Survient la tourmente de 1877,
qui arrête tout. Mais, en 1878, aussitôt
le calme rétabli, nouvelle proposition
bonapartiste (Dréolle, Robert Mitchell,
comte de Bouville), un peu moins radi-
cale, mais qui veut créer des permis de
chasse à très bas prix. En 1881, dans la
Chambre nouvelle, MM. Laroche-Jou-
bert, de Guilloutet, etc., reprennent la
proposition de 1876 : « Les permis de
chasse sont supprimés. » Toutes ces
propositions ont été écartées dédai-
gneusement.
Cependant, du côté des républicains,
— sauf une proposition de M. J. David,
radicale comme les propositions bona-
partistes, — il ne vient d'abord que des
projets insuffisants, et voici qu'ils sont
suivis peu après (c'est le comble de la
dérision) par d'autres projets plus con-
servateurs du gibier que la loi de 1844
ne l'est elle-même: un projet de M. La-
bitte, qui fut, comme on sait, député
avant d'être sénateur; un projet de M.
Deluns-Montaud; un projet, enfin éla-
boré par une commission, sur le texte
Deluns-Montaud, dans la législature de
1884-85, projet dont le rapporteur du
Sénat, si réactionnaire qu'il se montre
lui-même en cette matière, signalait
hier les « doctrines restrictives et dra-
coniennes ) 1
Il faut convenir que le parti républi-
cain, dans une question qui passionne à
si juste titre les cultivateurs, n'a jus-
qu'à présent obéi qu'à des inspirations
malheureuses. La Chambre actuelle est
de nouveau saisie de ce mauvais projet
Deluns-Montaud, qu'on a pas eu le
temps de discuter avant les élections
de 1885 ; et voici maintenant que le Sé-
nat discute une proposition qui ne vaut
guère mieux, quoique le rapporteur du
Sénat vaille les Dracons de la Chambre.
Au fond, dans les deux Assemblées,
c'est la même chose : sacrifice absolu
du droit de propriété, rien pour l'agri-
culture ; tout pour la conservation du
gibier et pour le privilège des chas-
seurs. J'espère que ces belles concep-
tions ne viendront pas à terme. La loi de
1844 est mauvaise ; mais ce que nous
avons le regret d'entendre proposer, en
cette année républicaine 1886, est bien
pis !
EUG. LIÉBERT.
L'EXPULSION DES PRINCES
Avant la réuoion officielle de la commission
chargée d'examiner le projet du gouverne-
ment, les six commissaires partisans de l'ex-
pulsion intégrale et immédiate se sont réunis
hier afin de rechercher les termes d'un
amendement transactionnel.
M. Emile Brousse, secrétaire de la commis-
sion, a informé ses collègues que, dans le
cas où le système de l'expulsion totale et
obligatoire serait repoussé soit par la Cham-
bre, soit par le Sénat, il prendrait l'initiative
d'une proposition dont voici le texte :
Article premier. — Le territoire de la Républi-
que est et demeure interdit aux chefs des familles
ayant régné sur la France et à leurs héritiers
directs dans l'ordre de primogéniture.
Art. 2. — Le gouvernement est autorisé à inter-
dire le territoire de la République aux autres
membres de ces familles.
Art. 3. — Celui qui, en violation de l'interdic-
tion, sera trouvé en France, en Algérie ou dans
les colonies, sera puni d'un emprisonnement de
deux à cinq ans. A l'expiration de sa peine, il
sera reconduit à la frontière.
Un des commissaires a alors proposé une
autre formule comprenant deux articles : le
premier, comportant l'expulsion intégrale et
immédiate des familles princières : le second,
autorisant le gouvernement à maintenir en
France, par mesure de police, les descendants.
collatéraux des familles ayant régné en
France.
La réunion ne s'est arrêtée à aucun texte
précis. Après avoir seulement exprimé l'avis
qu'il conviendrait dans certaines conditions
d'élaborer un amendement transactionnel,
elle a chargé MM. Emile Brousse et C. Pelletan
de se rendre auprès de M. de Freycinet pour
le prier de se tenir dans l'après-midi à la dis-
position de la commission, dans le cas où
celle-ci aurait à proposer au gouvernement
un terrain de conciliation.
A deux heures, la commission s'est réunie,
sous la présidence de M. Madier de Montjau,
pour délibérer sur le projet du gouvernement.
Après un débat qui n'a pas duré moins de
deux heures et demie et au cours duquel ont
été reproduits pour ou contre le système de
l'expulsion tous les arguments qui avaient
déjà été développés dans les bureaux, la com-
mission a décidé, par 6 voix contre 5, qu'il y
avait lieu de prononcer par une loi l'expul-
sion immédiate de tous les membres des fa-
milles ayant régné sur la France.
Après avoir statué sur ce principe, la com-
mission a suspendu sa séance, pour permet-
tre aux membres de la majorité d'aller
conférer avec le gouvernement.
Les cinq membres de la minorité , MM.
Henry Maret, Anatole de La Forge, Michou,
Jolibois et de Mun, ont attendu jusqu'à six
heures le retour de leurs collègues et finale-
ment se sont retirés en faisant savoir aux au-
tres commissaires qu'ils ne reviendraient que
le vendredi après-midi.
Les membres de la majorité, une fois de
retour, n'ont pas voulu délibérer en l'absence
de leurs collègues ; ils se sont bornés à re-
cueillir un contre-projet transactionnel pré-
senté par MM. Brousse et Burdeau et dont
voici le texte :
Article 1er. — Le territoire de la République
française est et demeure interdit à tous les mem-
bres des familles ayant régné en France.
Néanmoins, le gouvernement pourra laisser
temporairement sur le territoire de la Républi-
que un ou plusieurs des membres de ces familles
autres que leurs chefs et leurs héritiers directs
dans l'ordre de primogéniture.
Le troisième article du projet gouverne-
mental forme le second article de ce contre-
projet.
Ce texte, communiqué à M. de Freycinet,
sera soumis demain au conseil des ministres.
La commission se réunira demain à une
heure pour statuer définitivement et nommer
son rapporteur.
ARCHÉOLOGIE SOCIALE
Les journaux religieux nous apportent
le texte du discours prononcé par M. Kel-
ler à la séance de clôture de l'assemblée
générale des catholiques. Ce discours
est intéressant. Parlant devant un au-
ditoire fanatique, M. Keller n'avait pas
à ménager la société moderne et l'a
vigoureusement combattue dans son es-
prit, dans ses institutions, dans ses ré-
sultats, dans ses tendances. Rien ne va à
son gré. Il n'avait d'amour que pour les
gendarmes et, depuis certains incidents
récents, il n'y a plus à compter sur eux.
Il va falloir ne compter que sur soi-même.
Reconstituera-t-on la Société célèbre des
Gourdins-Réunis ? Le moyen serait vul-
gaire. Quand on a, comme M. Keller, une
ressemblance assez accusée avec don Qui-
chotte, on ne se résigne pas à brandir une
trique. On coiffe le morion, on serre son
écu et on baisse sa lance. M. Keller a
bien compris ce qu'il devait à son immor-
tel sosie et il ne rêve rien de moins que
la restauration de la chevalerie.
« Savez-vous, s'est-il écrié, ce que fai-
saient les chevaliers au moyen âge? Ils
faisaient bénir leurs armes, et voici la for-
mule qu'employait à cette occasion le
guerrier fléchissant le genou devant le prê-
» tre : « Bénissez cette épée, afin que votre
» serviteur s'en serve pour défendre contre
» la cruauté de leurs ennemis les églises,
» les veuves, les orphelins, les pauvres, les
» ouvriers, tous ceux qui servent Dieu. »
Eh bien, il faudra que, nous aussi, nous
prenions la résolution de défendre contre
la cruauté de leurs ennemis les églises,
les veuves, les orphelins, les pauvres, les
ouvriers, tous ceux qui servent Dieu. »
Mais l'apparition d'un paladin du temps
jadis aurait un certain succès sur le bou-
levard Montmartre et M. Keller, qui ne
tient pas à obtenir ce succès, se propose
tout simplement de ramener la société en-
tière au moyen âge et à une forme pure-
ment théocratique.
Les raisons de ce retour en arrière ne
sont peut-être pas très nouvelles, mais
elles ont toujours le mérite de sembler
originales. L'orateur décline les raisons
qui, suivant lui, mettent la France en péril.
Puis, brusquement, il s'interrompt pour
faire cette déclaration :
« Mais, j'en ai la confiance, si Dieu per-
met ce grand péril qui menace l'existence
même de la France, c'est pour nous aider
à la sauver, car Dieu veut sauver la France.»
Le moyen peut paraître bizarre aux pro-
fanes. Pour ce qui est de sauver la France,
il serait peut-être plus simple de ne pas la
laisser en périL Mais l'occasion était bonne
pour les cléricaux de prêter à Dieu leur doc-
trine favorite. L'excès du mal engendre le
bien, et nous ne voulons pas discuter avec
eux sur les secrets moyens de la Provi-
dence. Ils ont à cet égard des lumières qui
- nous en faisons humblement l'aveu —
nous font défaut.
La cause de tout le mal se devine d'ail-
leurs. Cette cause, « c'est la perte de la
foi chrétienne et, par suite, de tous prin-
cipes religieux et moraux dans une société
où la centralisation du travail, de la grande
industrie et des capitaux amène de profon-
des inégalités ».
Donc il faut ramener la France au
christianisme et la France, ce sont surtout
les ouvriers. Un des moyens les plus
cher à M. Keller, c'est de rétablir le repos
obligatoire du dimanche, « institution
puissante, qui a été la véritable charte de
l'ouvrier libre et chrétien ». C'est aussi de
constituer des caisses corporatives de re-
traite et de soustraire ainsi l'ouvrier à la
caisse de retraite de l'Etat.
Précisément MM. de Mun et Freppel,
ainsi que quelques autres droitiers, vien-
nent de déposer une proposition de loi
inspirée des mêmes idées que M. Keller.
Mais ceux-ci, s'adressant à une assemblée
plus éclectique que l'auditoire de M.
Keller, prennent autant de soin de dissi-
muler leurs intentions dernières que M.
Keller en mettait à les montrer. D'après
la proposition, les caisses corporatives de-
viennent une simple caisse de prévoyance
inspirée par le désir de rompre avec le so-
cialisme d'Etat. Les auteurs traitent même
assez durement leurs clients ouvriers et,
ayant à rechercher si le vieillard devra
recevoir un capital ou une rente viagère,
ils se prononcent pour la rente qui « res-
serreraautour du vieillard les liens delà fa-
mille. Les enfants, rassurés sur l'avenir de
leur père, sans crainte de le voir tomber à
leur charge, l'entoureront de soins et le
prendront avec eux dans leur maison où
la pension de retraite amènera l'aisance ».
Voilà des sentiments désintéressés. Ils
conduisent parfois ceux qui les éprouvent
devant la cour d'assises. Ceci n'empêche
pas les auteurs de la proposition d'ajou-
ter : « L'intérêt joue un grand rôle dans
ce bas monde et le législateur, qui doit
compter avec les passions humaines, ne
saurait l'oublier. »
Dans la proposition, comme dans le dis-
cours de M. Keller, l'intention dernière
reste d'ailleurs la même. D'un côté comme
de l'autre, les caisses corporatives sont
un acheminement vers le rétablissement
des corporations elles-mêmes. Nous avions
déjà les cercles catholiques d'ouvriers,
qui, s'étendant comme un vaste filet sur
la France entière, permettaient au parti
clérical de faire faire à l'ouvrier le tour de
France complet sans qu'il échappât un
instant à l'action politique du parti. Les
caisses corporatives seraient un moyen de
plus de le tenir par « l'intérêt » qui « joue
un grand rôle en ce bas monde ».
Nous sommes persuadés que le parti
catholique a foi en ses principes. Néan-
moins il n'est pas mauvais de constater
qu'il fait appel aux « passions humaines»
pour les étayer. L'étai nous paraît, du
reste, assez fragile. Une société appuyée
d'une part sur le paladin, de l'autre sur
les corporations ouvrières, peut être inté-
ressante au point de vue de l'archéologie
sociale. Nous ne croyons pas qu'elle ait
aucune chance de séduire les esprits de
nos contemporains.
LE PROJET DE LOI MILITAIRE
Le projet de loi militaire organique,
présenté par M. le général Boulanger, se
compose de quatre parties principales,
respectivement consacrées au recrute-
ment de la troupe, au rengagement des
sous-officiers, à l'avancement des officiers
et à l'organisation générale des armes,
des services et des cadres de l'armée.
Ce projet, qui compte 284 articles, forme,
avec l'exposé des motifs, les tableaux et les
annexes, un volume de plus de 330 pages.
Il s'y trouve un grand nombre de disposi-
tions nouvelles fort intéressantes. Nous
ne pouvons donc qu'en indiquer les traits
principaux en suivant l'ordre des matières.
Le titre 1er traite des obligations militai-
res des citoyens et du recrutement de
l'armée.
La loi commence par déclarer que tout
Français doit le service militaire, que
l'obligation du service s'étend sur une pé-
riode de vingt années, que le service est
personnel et égal pour tous. Comme sanc-
tion à ce devoir, il est stipulé que nul ne
sera admis, avant l'âge de quarante ans
accomplis, à un emploi dans une admi-
nistration de l'Etat, s'il ne justifie avoir sa-
tisfait aux prescriptions de la loi sur le
service militaire.
Il n'y a d'exception à la règle générale
qu'en faveur des hommes que leurs infir-
mités rendent impropres au service mili-
taire. Il leur est délivré, pour justifier de
leur situation, un certificat qu'ils sont te-
nus de présenter à toute réquisition de
l'autorité militaire, judiciaire ou civile.
Les motifs des dispenses du service
d'activité en temps de paix par situation
de famille disparaissent complètement
comme droits et ne sont plus admis que
comme des titres..
Peuvent être dispensés sur leur de-
mande :
1° L'aîné d'orphelins de père et de mère
ou l'aîné d'orphelins de mère dont le père
est dans l'un des cas prévus par le para-
graphe suivant ;
2° Le fils unique ou l'aîné des fils, ou, à
défaut de fils ou de gendres, le petit-fils
unique ou l'aîné des petits-fils d'une fem-
me actuellement veuve ou d'une femme
dont le mari a été déclaré légalement ab-
sent, ou d'un père aveugle ou entré dans
sa soixante-dixième année ;
3° L'un des deux frères inscrits la même
année sur les listes du recrutement canto-
nal ;
4° Les jeunes gens qui remplissent ef-
fectivement les devoirs de soutien indis-
pensable de famille.
On remarquera qu'il n'y a plus ni droit
ni même titre à dispense en faveur des
jeunes gens qui ont un frère sous les dra-
peaux, ni de ceux dont le frère est mort en
activité de service.
Les demandes, accompagnées de docu-
ments authentiques justifiant la situation
des intéressés, devront être adressées au
maire de la commune où les jeunes gens
sont domiciliés. Dans les cas visés au qua-
trième des paragraphes ci-dessus, elles
seront appuyées d'un relevé des contri-
butions payées par la famille, relevé qui
devra être certifié par le percepteur.
Le maire soumettra toutes les demandes
à une commission communale composée
de cinq membres désignés par un tirage
au sort public parmi tous les pères de fa-
mille ayant des fils sous les drapeaux, et,
à défaut, dans la réserve de l'armée active.
Dans les villes divisées en plusieurs can-
tons ou arrondissements, il sera constitué
une commission identique dans chaque
canton ou arrondissement.
Le conseil des pères de famille émet sur
chaque demande un avis motivé.
La liste des demandes, ainsi annotée et
avec les pièces à l'appui, est transmise
par le maire au conseil de revision qui
statue au chef-lieu du département. Le
conseil de revision s'adjoint à cet effet
deux membres du conseil général dési-
gnés par la commission départementale.
11 prononce en séance publique. La pro-
portion de 15 pour 100 du nombre des
jeunes gens incorporés est admise comme
maximum de la quantité de dispenses à
accorder chaque année, mais, nous le rap-
pelons, de dispenses provisoires, n'ayant
de valeur qu'en temps de paix et pour le
service actif. Les obligations des dispensés
restent donc entières en cas de guerre.
Enfin les enfants naturels, reconnus par
le père ou la mère, peuvent bénéficier des
dispositions précédentes comme les en-
fants légitimes.
Les mêmes dispenses peuvent d'ailleurs
être accordées aux jeunes gens qui se trou-
veraient depuis leur incorporation dans
l'une des quatre catégories indiquées plus
haut. Dans ce cas, la demande, appuyée
des pièces justificatives et de l'avis motivé
des trois pères de famille résidant dans la
commune, et ayant un fils sous les dra-
peaux, est adressée par le maire au préfet
qui la transmet avec son appréciation au
chef du corps de troupe auquel appartient
l'fntéressé. Celui-ci la fait parvenir à son
tour avec ses propositions au comman-
dant du corps d'armée qui statue en se
maintenant dans les limites assignées
chaque année à cette catégorie supplémen-
taire de dispenses. - - i
Comme il est indispensable que les dis-
pensés justifient par leur conduite et leur
travail la mesure bienveillante dont ils
sont l'objet, le maire de chaque commune
devra présenter tous les ans au conseil de
revision une délibération du conseil muni-
cipal faisant connaître la situation des
jeunes gens qui ont obtenu dans les deux
années précédentes la faveur de rester
dans leurs foyers ou d'y être renvoyés par
anticipation. Le conseil de revision déci-
dera s'il y a lieu ou non de maintenir la
dispense et les jeunes gens auxquels le
conseil de revision en aura enlevé la jouis-
sance seront soumis à toutes les obliga-
tions de la classe à laquelle ils appartien-
nent par leur âge.
Nous analyserons demain les disposi-
tions proposées en faveur des carrières
libérales.
CHRONIQUE
Les journaux ont raconté, ces jours-
ci, l'histoire de cet Américain excentri-
que, qui a entrepris de faire le tour du
monde. en vélocipède, et qui promène
son bicycle à travers les plus invrai-
semblables contrées. Ce n'est guère là,
au fond, qu'un fait divers, s'il est un
peu moins banal que d'autres, et les
lettres, datées du fond de l'Afghanistan,
qu'on a publiées de ce voyageur fantai-
siste, ne sont pas pour nous émotion-
ner outre mesure.
Voyez pourtant, si l'on était d'humeur
à philosopher un peu, s'il n'y aurait pas
là matière à réflexions sur les folles
tentatives qui s'accumulent depuis quel-
ques temps. N'est-ce pas un signe par-
ticulier du détraquement de notre épo-
que que ces entreprises hardies, qui de-
mandent un indiscutable courage et
qui ne riment à rien ? On dépense au-
jourd'hui de la témérité pour des baga-
telles, pour des puérilités. Est-ce qu'on
s'ennuie donc beaucoup, qu'on n'attend
même plus l'occasion de faire servir
l'héroïsme à des choses utiles ?
Depuis deux ou trois ans seulement,
rappelez-vous ces véritables gageures
contre le possible. C'est, par exemple,
un M. Drevar qui se confie aux flots
dans une périssoire, et qui se lance à
travers l'Atlantique, de gaieté de cœur,
avec la quasi-certitude d'être englouti
presque instantanément. Après lui, c'est
un autre, M. Copeman, dont l'aventure
a fait quelque bruit, qui se construit un
radeau de liège et songe à gagner,
seul, l'Amérique. Ou bien ce sont deux
voyageurs qui se mettent à gravir les
cimes de l'Himalaya, avec la volonté de
ne pas s'arrêter, sans autre but que la
recherche de sensations nouvelles, de
sensations de vertige, sans aucune
préoccupation scientifique, et qui mon-
tent si haut, en effet. qu'ils ne revien-
nent pas, n'ayant pas eu la suprême
satisfaction d'écrire sur un rocher,
comme Regnard, qu'ils s'étaient arrêtés
parce que le monde finissait : ubi de-
fuit orbis ! Ou bien c'est un original
qui, las de la vie civilisée, va essayer,
dans l'isolement d'une lande sauvage,
de l'existence primitive, en se donnant
le dilettantisme d'avoir à pourvoir à
sa nourriture avec les ressources du
hasard, n'ayant pas même emporté un
couteau, afin de goûter la joie de se
façonner jusqu'à ses armes. Et on le
trouve un jour, par aventure, à demi
mort de faim dans une île des côtes
d'Ecosse, déserte, où il a abordé après
avoir détruit la barque qui l'a amené.
Ou bien encore, c'est le capitaine Weeb,
ce nageur affolé d'extraordinaire, qui
s'amuse à vouloir traverser les chutes
du Niagara, et qui est, en une minute,
asphyxié et broyé.
Il y a donc une névrose spéciale, en
ce temps d'hystéries variées, la névrose
du besoin, de l'amour du danger —
pour le danger, sans esprit de sacrifice
ou de dévouement. En dépit de la stéri-
lité de leurs entreprises, nous ne pou-
vons nous défendre de quelque sympa-
thie pour ces outranciers ; il y a un côté
chevaleresque qui les relève. -
Mais ce qui les pousse dans ces fo-
lies, n'est-ce pas plus encore que de
l'audace, une fièvre de jeu, une ambi-
tion de se mesurer avec l'inconnu ? La
partie n'est pas banale, puisque c'est la
Mort qu'on a comme partenaire, mais
c'est une partie de jeu. Où le jeu n'est-
il pas aujourd'hui ? Chacun dans notre
sphère, plus ou moins, parfois même à
notre insu, nous ne vivons que par et
pour le jeu. A-t-on encore des pas-
sions ? On a surtout des emballements.
Et, dans cet affolement général, ce
qui est un symptôme étrange, c'est le
dédain de la vie. A de grandes époques
de tourmentes politiques, on a aussi
fait bon marché de l'existence, on s'est
même rué gaiement vers la mort, mais
un courant d'idées généreuses entraî-
nait. A présent, c'est par pure bravade
et par fantaisie. Jamais on n'a trouvé
autant d'êtres prêts à se risquer dans
l'abîme pour un rien, une gageure, un
caprice.
Parmi les causes de cet appétit de
périls, faut-il mettre en ligne de compte
l'amour du bruit, la recherche de la re-
nommée? Il se peut que quelques-uns
de ces aventureux esprits n'en aient'
pas horreur ; mais la cause de leurs
fantastiques expéditions n'est pas là.
Elle remonte plus haut, à l'impatience
d'une existence calme, à la rage de
tenter quelque chose, de se jeter dans
des batailles quelconques. Quand on ne
trouve pas à se dévouer pour une rai-
son sérieuse, pour le « bon motif », on
se sacrifie pour une chimère.
On parle volontiers de l'embourgeoi-
sement de cette fin de siècle. Mais est-il,
au contraire, une époque qui soit plus
romanesque ? N'est-elle pas caractérisée
par la passion,, par le rêve de l'impos-
sible? J'imagine que, dans quelque cent
ans, la période où nous vi vons prendra,
par beaucoup de côtés, une allure épi-
que. Tout le monde ne semble-t-il pas
possédé par un furieux désir d'action?
Quoi qu'on puisse dire, le courage a-t-il
jamais été plus commun? Les prix Mon-
tyon, récompensant des sauveteurs, re-
pêcheurs d'enfants en train de se noyer
ou braves gens arrachant un vieillard
paralytique aux flammes d'un incendie,
paraissent en vérité, par moments, de
vieilles rengaines.
C'est vers l'invraisemblable, vers l'ex-
traordinaire, que l'on court. C'est, par
un raffinement, la mort inutile et même
absurde que l'on brave allègrement.
Ce goût du surhumain indique un défaut
d'équilibre dans nos cerveaux, mais il
donne une certaine crânerie à une
époque.
Nous voici entraînés bien loin, à
propos des exploits d'un sportsman épris
de pittoresque et d'imprévu. Mais ce
voyageur qui s'en va tranquillement,
tout seul, la valise en sautoir, monté
sur les deux roues de son vélocipède, et
qui, les faisant toujours mouvoir avec
sérénité, traverse des déserts, des paysa-
ges pleins d'une horreur tragique, des
tribus sauvages, des peuples jaunes
après des peuples blancs, des musul-
mans, des bouddhistes et des adorateurs
du feu, est une figure d'une extrava-
gance bien moderne. Il va, il va au-
devant de lui, ouvrant des routes incon-
nues, pionnier à la fois comique et su-
perbe, laissant sur la poussière de con-
trées encore sans nom le sillon de son
burlesque véhicule, qui devient héroï-
que en semblant une apparition de la
civilisation, sous une forme étrange, aux
nations primitives qui le regardent pas-
ser!. S'il tombe victime de quelque
guet-apens, ce fantaisiste n'aura pas
même la gloire : on n'élève pas une sta-
tue à un vélocipédiste !
Où est-elle, l'école des explorateurs
d'autrefois, qui ne se lançaient dans l'a-
venture que gravement et qui étaient
toujours un peu des espèces de pontifes?
PAUL GINISTY.
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