Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-02-11
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 11 février 1886 11 février 1886
Description : 1886/02/11 (A17,N5148). 1886/02/11 (A17,N5148).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-septième année, — N9 5148 Prix du numéro 1 Paris s 15 centimes — Départements : 20 tentâmes Jeudi 11 février 1886
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
t
REDACTION
(J'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
16, rue Cadet, iQ
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rend",
ABONNEMENTS
DEPARTEMENTS
Trois mois la »»
le.,: mois 32 »»
Un an. 62 »»
PARIS
Trois mois. 13 »»
Six mois. 25 »»
Un an. rao »»
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Les abonnem1* partent des ier et 15 de chaque mois
légP*" .il d'annonces : MM. LAGRANGE, CERF et C*
6, place de la Bourse, 6
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à î'i.JmlnJstrateu?
IQ, ru.e Cadet, te
Les Lettres non affranchies seront refusées
EN VENTE A LONDRES
A la librairie Petitjean
39, OLD COMPTON STREET (SOHO)
ET DANS SES SUCCURSALES
57, Charlotte Street, FItzroy Square,
Et 15, Tichborns Street, (Cafâ Monico. 2d.'
MM. les Actionnaires de la Société ano-
nyme du XIXe SIÈCLE, journal politique
quotidien, sont convoqués en Assemblée
générale ordinaire et extraordinaire pour
le MARDI SEIZE FÉVRIER prochain, à
deux heures de relevée, au siège social,
16, rue Cadet, afin: 1° d'examiner et ap-
prouver s'il y a lieu les comptes de l'exer-
cice 1885; 2° de délibérer sur les objets
prévus dans les articles 33, 38, 48 et 50
des statuts.
Aux termes de l'article 33 des statuts,
tout possesseur de trois actions au moins
a le droit d'assister à l'Assemblée géné-
rale.
Le dépôt des titres devra être fait, au
siège social, avant le ONZE FEVRIER.
NE POURRONT FAIRE PARTIE
DE CETTE ASSEMBLÉE
ceux de MM. les Actionnaires qui n'au-
raient pas encore opéré l'échange de leurs
titres à raison de trois actions anciennes
pour une action nouvelle.
Cet échange a lieu tous les jours, le di-
manche excepté, chez MM. Le Dru, Heintz
et Ozanne, banquiers, 42, ruoNotre-Damo-
des-Victoires.
Bourse de Paris
PBTÏTB BOURSB DU SOIR
30/0. 8158,57,63,62.
4 i/2 0/0 409 30.
Turc 14 72,70,72.
Banque Ottomane. 492 50, 493 12.
Egypte 326.
Extérieure. 56 3/8, 11/32, 1/2.
l'anama. 450, 451 87, 450.
Hongrois 81 7/8, 82 3/8.
Priorité. 360.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (Nécessité dé la raison). —
HENRY FOUQUIER.
Journée de Paris — JACQUES RAFFET.
Informations particulières.
L'Unification des soldes. - LOUIS HENRIQUE.
Nouvelles coloniales.
La Guerre (Dépêches).
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Courrier de la Bourse. — H. La FAOB*.
Variétés littéraires (Un Crime d'amour).
Bibliographie.
Faits divers. — JEAN VALLièa*.
La Température.
Courrier des théâtres. — GEORGES FNTDIRAU.
Chronique scientifique. — Dr V. DU CLAUX.
DERNIÈRE HEURE
L'émeute à Londres
Londres, 10 février.
Une véritable panique règne dans plu-
sieurs quartiers de Londres en raison des
bruits alarmants que l'on fait circuler.
Renseignements pris, la nouvelle de la
marche d une bande de Deptford sur Lon-
dres n'est pas confirmée. Il y a de grands
rassemblements dans le quartier sud-est.
Des forces considérables de police occu-
pent les ponts, et toutes les précautions
sont prises. Un régiment de cavalerie se
tient prêt à toute éventualité.
Un brouillard épais s'étend sur Londres
et rend la situation plus inquiétante.
On assure que des mandats d'arrêt ont
été lancés ce soir contre plusieurs chefs
socialistes.
Le conseil d'enquête à Satnt-Malo
Saint-Malo, 10 février.
Le conseil d'enquête s'est réuni hier à
deux heures. Tous les membres du conseil
étaient présents.
Le général Lambert est allé à Paris pour
prendre les instructions du ministre de
la guerre. Le général Boulangera prescrit
au président du conseil d'enquête d'exa-
miner cette seule question : « Le colonel
Herbinger mérite-t-il, par son inconduite
habituelle, d'être mis en réforme ? »
Au moment où le lieutenant-colonel
Herbinger sort du conseil d'enquête, il a
été entouré par de nombreux officiers.
L'enquête, dit-on, lui est favorable.
La grève de Saint-Quentin
Saint-Quentin, 10 février.
La moitié des ouvriers du tissage Tes-
tart sont rentrés. Dans les autres usines,
sauf dans l'usine Gabreau, tous les ouvriers
ont repris leur travail.
Les dragons ont quitté Saint-Quentin.
———————
QUESTION DU JOUR
Nécessité de la raison
Un gouvernement et un parti, pour
rester au pouvoir, l'un représentant
l'autre, ont besoin de deux choses : ne
pas être effrayant et ne pas être ridicule.
Je vois avec plaisir que cette double
nécessité est comprise par bien des
gens qui ne semblaient pas en être as-
sez pénétrés. C'est à ce titre qu'il est
fort intéressant de constater les protes-
tations que soulève, dans la presse radi-
cale, du moins dans une partie de cette
presse, le meeting tenu dimanche der-
nier au Château-d'Eau, et où M. Basly
a pris la parole. La Lanterne a ouvert le
feu : « Sans doute, dit-elle, nous n'at-
tachons pas grande importance aux dé-
clamations féroces, aux théories trucu-
lentes d'un meeting plus ou moins anar-
chiste. De ces folies, — que plus d'une
fois la police avait soudoyées,— nous
en avons assez entendu pour ne plus
nous en émouvoir, sachant le discrédit
qu'elles jettent sur leurs auteurs. Mais
un député de Paris n'est pas le premier
venu.
» Quand il prend la parole, il ne doit
pas oublier qu'il parle au nom de 240,000
électeurs et que son langage sera re-
levé par toute la presse.
» M. Basly ne s'en est point sou-
venu. Et déjà toute la presse réaction-
naire exploite contre la République son
imprudent et coupable langage.
» C'est là un manquement grave au
mandat accepté — et sollicité — par M.
Basly. Mais c'est quelque chose de plus
encore : c'est le coup mortel porté pour
jamais aux candidatures ouvrières. »
Notons ce mot grave : « C'est le coup
mortel porté pour jamais aux candida-
tures ouvrières. » Il est important à re-
tenir dans un journal qui a de l'action
sur la démocratie avancée. Mais nous
n'admettons pas que les frasques et les
« truculences » de M. Basly puissent ni
doivent avoir un tel résultat. La popu-
lation ouvrière des grandes villes doit
avoir ses intérêts représentés au Parle-
ment; et il n'y aurait pas à chercher
longtemps pour trouver, à Paris, des ou-
vriers dignes de cette haute mission et
qui sauraient être à la Chambre les
hommes du travail, du progrès et de
l'expérience, et non les séides de l'anar-
chie révolutionnaire. Tout ce qu'on peut
dire, c'est que M. Basly ne mérite plus
d'être considéré comme le député des
travailleurs.
La Nation, qui fut le journal de M. le
sous-secrétaire d'Etat Granet et qui est
encore celui de M. Dreyfus, n'est pas
moins explicite que la Lanterne :
« N'ayant jamais, écrit M. Dreyfus, ac-
cepté aucune solidarité avec les écoles
révolutionnaires de tout acabit, elles
sont libres de voter contre moi tous les
ordres du jour de flétrissure qu'il leur
plaît d'imaginer. Il m'est déjà arrivé,
comme conseiller municipal, de mériter
leur blâme ; chaque fois que j'étais
blâmé, le nombre de mes électeurs aug-
mentait.
» Il n'y a pas de collectivisme, de
guesdisme ni autres gueuseries en isme
qui tiennent.
» Moi qui n'ai pas l'habitude de tenir
dans les réunions publiques un langage,
et avec mes collègues un langage con-
traire, je ne prendrai jamais un crime
pour une bonne action. Je pourrai plain-
dre les meurtriers victimes de l'igno-
rance et de la misère ; ma conscience se
refuse à les glorifier. Que tous les gues-
distes et autres fumistes se le tiennent
pour dit. »
Voilà qui est parlé net. « Gueuserie»
me ravit et « fumisterie » m'enchante.
Peut-être ces bonnes choses eussent été
meilleures à dire en d'autres temps déjà,
avant les élections, au moment où le
parti républicain cherchait une entente
qui lui a fait défaut. Mais mieux vaut
tard que jamais. Il est bien entendu que
le parti révolutionnaire ne doit pas
compter sur la faiblesse des radicaux.
Les tueurs d'ingénieurs sont des assas-
sins, comme les pillards de Londres
sont des voleurs. Bravo ! Ce langage est
celui que nous tenons depuis des an-
nées : que nos adversaires d'hier le
tiennent à leur tour et ils auront fait
enfin, pour la République, quelque chose
d'utile et d'indéniablement utile.
Je regrette que la Justice parle moins
nettement. Ce n'est pas qu'on n'y sache
pas, cependant, la belle langue fran-
çaise. Mais, quand il s'agit des révolu-
tionnaires, la Justice ne parle pas volon-
tiers clair. Elle les blâme avec des mots
qui ont l'air de les caresser, et quand
elle étend la main vers eux on ne sait
pas si c'est pour les repousser ou les
soutenir. Aujourd'hui encore, c'est à
grand renfort de ( si », de « car » et de
« pourquoi » qu'elle traite la question.
Il paraît que, si on avait accordé l'amnis-
tie, M. Basly aurait été sage comme une
image. Je prends la permission de n'en
pas croire un mot, et je demande à M.
Clémenceau la permission de croire qu'il
est absolument de mon avis !
Néanmoins, et quelles que soient ces
nuances intéressantes à constater dans
la façon dont la presse radicale parle du
meeting du Château-d'Eau, il est cer-
tain que le parti le plus avancé dans la
démocratie comprend que la République
ne doit pas — sous peine de mort —
aller contre certaines notions de droit
et de morale et qu'elle doit rassurer les
intérêts. C'est ce qu'on appelle être
« conservateur ».
Mais il ne suffit pas, en France sur-
tout, de ne pas être effrayant. Il faut
encore ne pas être ridicule. Le ridicule
pourrait nous venir du conseil munici-
pal et de quelques-unes de ses manies,
dont la plus vive et la plus impatien-
tante consiste à débaptiser nos rues ou
à donner aux rues nouvelles des noms
qui sont incompréhensibles pour les ha-
bitants du quartier.
On nous donne toute une liste de
noms nouveaux, qui sont, pour lés ;
trois quarts, mal choisis.
La rue Carpentier devient la rue Pape-
Carpentier. Il n'y a pas trop de mal,
fût-ce par un calembour à tournure
cléricale, à fixer le souvenir de Mme
Pape-Carpentier. Mais que diable fait la
rue Giordano-Bruno dans le quator-
zième arrondissement? Je parie ce qu'on
voudra que pas un habitant de la rue
débaptisée ne connaît ce philosophe
mystique — et chrétien — du seizième
siècle, qui deviendra d'ailleurs, d'ici à
peu, Bruno tout court, si ce n'est Bruno
le fileur, infiniment plus populaire.
Je vois avec peine disparaître les
noms gracieux qui donnaient une idée
de la physionomie de certains quartiers
ou rappelaient leur histoire : le chemin
des Epinettes, la rue de la Fontenelle,
la rue des Oiseaux, qui deviennent rue
Navier ou rue de La Barre, — sans
que personne se doute qu'il s'agit du
chevalier de La Barre, aristocrate d'ail-
leurs peu intéressant, si ce n'est par
la cruauté stupide de son supplice., Les
noms donnés aux nouvelles rues ne sont
pas assez connus. Il faut une érudition
que je n'ai pas, pour ma part, pour les
connaître tous. Et quel mêli-mêlo de
souvenirs ! Mme de Staël, cette agréa-
ble mère-grand de M. de Broglie, à côté
de Fabre d'Eglantine, — si discuté ! La
rue Gustave Courbet à côté de la rue
Cavendish et de la rue Priestley, que les
cochers estropieront de la façon la plus
imprévue ! Le conseil n'a ni méthode ni
sens pratique : il nous taquine au gré
de ses fantaisies, dont quelques-unes
sont audacieuses, — comme celles qui
rappellent la Commune, — dont les au-
tres sont enfantines. Heureusement que
le ministre de l'intérieur doit reviser les
arrêtés de nos édiles. Qu'il tienne
compte du désir des Parisiens de ne pas
être troublés dans leurs habitudes et
de pouvoir aller où ils ont affaire, sans
être obligés de se mettre la tête à l'en-
vers pour retenir les noms chers à nos
savants du conseil, mais ignorés de la
foule.
HENRY FOUQUIER.
LA JOURNEE DE PARIS
SOCIÉTÉ DES STEEPLE-CHASES DE
FRANCE. — Nous recevons la communica-
tion suivante :
Par suite de l'état du terrain du champ de
courses d'Auteuil et de l'impossibilité, quel-
que temps qu'il survienne, d'y courir avant
dimanche.
La réunion du jeudi 11 février 1886 est sup-
primée.
M
* *
AU MONUMENT MICHELET. — A l'oc-
casion de l'anniversaire de la mort de Miche-
let, un groupe d'étudiants a porté au cime-
tère du Père-Lachaise, sur le monument du
célèbre historien, une magnifique couronne
d'immortelles portant l'inscription :
A MICHELET
la jeunesse des Écoles
w
* *
A L'ACADÉMIE. — Aujourd'hui ont ileu
les élections à l'Académie française pour les
trois fauteuils de MM. Victor Hugo, About et
de Noailles.
Fauteuil de Victor Hugo. — Candidat : M.
Leconte de Lisle.
Fauteuil d'About. — Candidats : MM. Henri
de Bornier, Léon Say, Ferdinand Fabre, Gus-
tave Droz, Mouton et Charles Read.
Le successeur de M. About doit prononcer
l'éloge funèbre de MM. Jules Sandeau et
About, M. About étant mort avant sa récep-
tion. Cet exemple est fort rare à l'Académie ;
il faut remonter au 17 janvier 1850, lors de la
réception de Saint-Priest., qui eut à pronon-
cer les éloges de Ballanche et de Vatout.
Fauteuil de M. le duc de Noailles. — Can-
didats : Me. Edouard Hervé, Paris, Mouton.
Dans sa dernière séance, l'Académie fran-
çaise a reçu la lettre de candidature de M.
Oscar de Vallée, sénateur, pour le fauteuil
vacant par la mort de M. de Falloux. Cette
élection n'aura lieu que dans quelque temps.
La commission du prix d'éloquence a com-
mencé l'examen des divers manuscrits en-
voyés au concours.
«
IMPRESSIONS SUR LA PEINTURE. -
La librairie des Bibliophiles vient de faire
paraître : Impressions sur la peinture, par
Alfred Stevens. De ce recueil de pensées, qui
se présente en la forme des maximes de La
Rochefoucauld, nous détachons ces quelques
aphorismes :
L'exécution est le style du peintre.
+
En peinture, on peut se passer de sujet. Un
tableau ne doit pas avoir besoin d'une notice.
+
La maturité de l'âge est plus difficile à
peindre que l'enfance ou la vieillesse.
+
Il ne faut pas se hâter d'élever une statue
à un homme. Ne nous hâtons pas non plus
d'introduire nos maîtres au Louvre. Le temps
seul est un classificateur impeccable.
+
Plus on sait, plus on simplifie.
+
Le musée de Versailles est une mystifica-
tion artistique.
Le livre sort des presses de MM. Jouaust et
Sigaux.
«
LES LETTRES ET LES ARTS. - Nous
avons déjà parlé de la magnifique publication
dirigée par M. Anatole France et éditée par
MM. Boussod et Valadon dans des conditions
de luxe inaccoutumées. Le sommaire de la
livraison de février est ainsi composé :
Alexandre Dumas, de l'Académie française,
Une volée de paradoxes. — Jean Lahor, Ju-
dith, sonnet. — Charles Yriarte, Le Graveur
.d'épées de César Borgia. — François Coppée,
de l'Académie française, le Livre posthume.
— Maurice Bouchor , Ceylan, poème. —
Maxime du Camp, de l'Académie française,
Une Histoire d'amour. — Frédéric Masson , la
Théophilanthropie. — Charles Gounod, de
l'Institut, Andante cfun quatuor. — Fernand
Calmettes, L'Exposition des aquarellistes. —
Maurice Barrés, Notes sur M. Paul Bourqet. -
Louis Ganderax, Mademoiselle Réjane.
Illustrations de MM. Grasset, Edouard de
Beaumont, J. Stewart, Benjamin Constant et
Champollion, Saint-Elme Gautier, Jean Bé-
raud, Zuber, François Flameng, Weber,
Charles Delort, Guillaume Dubufe, Eugène
Lambert, Le Blant, Français, de Penne, Heil-
buth, Adrien Moreau, Mme la baronne de
Rothschild, Tissot, Vibert, Yon, Roger Jour-
dain, V. Gilbert, Besnard, Boutet de Monvel,
J. Lewis-Brown, Mme Madeleine Lemaire,
Arcos.
Dans ce splendide numéro, ce qu'il faut
mettre hors de pair, c'est le brillant article de
M. A. Dumas et la fantaisie très curieuse de
M. Coppée; pleine d'allusions cruelles et qui
fera certainement beaucoup de bruit.
m
* *
L'EXPOSITION DES FEMMES-ARTIS-
TES. — Nous recevons au sujet de l'exposi-
tion de l'Union des femmes peintres et sculp-
teurs, qui va s'ouvrir au palais de l'Industrie
samedi prochain, une note que nous nous
reprocherions de ne pas publier :
« Cette exposition installée aux frais des
sociétaires offre gratuitement au public l'in-
téressant spectacle de femmes unies dans un
but d'utile émulation.
» Parmi les sociétaires, sans mesquine ri-
valité, il se fait généreusement et affectueu-
sement l'échange de conseils et d'encourage-
ments, susceptibles d'aider à démêler, à
préciser (au milieu de leurs irrésolutions), le
sentiment propre que chacune apporte au
début de la carrière, ce qu'on appelle cher-
cher sa voie.
« En art, l'œuvre de la femme ne doit pas
chercher à entrer en rivalité avec l'œuvre de
l'homme ; sa note personnelle doit être com-
me la voix douce et nécessaire à l'effet d'un
chœur, son éducation, son rôle dans la vie,
lui interdisant le plus souvent l'accès des étu-
des sévères et lui commandant d'autre part
de remplir dans la société le rôle d'affec-
tueuse et tendre protection qu'elle doit à la
famille.
» La critique voudra bien rester dans cet
esprit et par conséquent ne pas refuser de
mêler à ses conseils les encouragements sus-
ceptibles d'aider dans leur marche les tra-
vailleuses de bonne volonté. Les sociétaires de
l'Union ne prétendent pas le moins du monde
se poser en rivalité avec aucune exposition
similaire, encore moins avec le Salon; elles
veulent être une société d'intérêt général. »
Bon courage aux femmes-artistes ! Nous
nous engageons volontiers, pour notre part,
à considérer l'exposition au point de vue qui
paraît tenir au cœur de ses organisateurs.
11
* >>
LE MUSÉE DE CLUNY. — On sait que des
travaux d'une certaine importance ont été
exécutés au musée de Cluny en vue de trans-
former une des cours intérieures en salle
d'exposition.
Cette transformation est aujourd'hui un
fait accompli. L'espace à ciel ouvert, limité
d'un côté par le vieux mur des Thermes et de
l'autre par un des murs de côté de la cha-
pelle, est maintenant complètement fermé,
pourvu d'un vitrage monté sur châssis, qui
sert de toiture et prêt à être aménagé en vue
de sa nouvelle destination.
L'installation des curiosités artistiques qui
vont être exposées commencera dans les pre-
miers jours du mois prochain, et cette nou-
velle salle pourra être ouverte au public vers
le mois de juin prochain.
Ir
« *
LE COMITÉ DES MONUMENTS PARI-
SIENS. — Le comité des monuments parisiens
vient de réélire son bureau. Président hono-
raire, Albert Lenoir, membre de l'Institut; pré-
sident, Charles Garnier, président de l'Acadé-
mie des beaux-arts ; vice-présidents, Cernesson
conseiller municipal, ancien président du con-
seil ; de Champeaux, critique d'art, inspec-
teur général du dessin; P. Sedille, architecte ;
secrétaire général, Charles Normand,, archi-
tecte diplômé par le gouvernement ; secré-
taires-adjoints, Chardon, ingénieur, Maignan,
peintre, Mareuse, secrétaire de la commission
des inscriptions parisiennes ; archiviste, Eu-
gène Muntz, conservateur de l'Ecole des beaux
arts ; trésorier, A. Rhoné, correspondant de
l'Institut d'Egypte.
JACQUES RAFFEY.
INFORMA TIONS PARTICULIÈRES
_J
L'Extrême-Gaucbe et l'interpellation Basly
L'Extrême-Gauche s'est réunie hier sous
la présidence de M. Cantagrel. Le groupe
a d'abord procédé à la constitution de son
bureau qui est formé de MM. Barodet,
président ; Desmons et Cantagrel, vice-
présidents ; Emile Brousse et Crémieux,
secrétaires ; Labordère, questeur.
La discussion s'est ensuite ouverte sur
la conduite à tenir dans l'interpellation de
M. Basly sur la grève de Decazeville.
M. Wickersheimer a d'abord exposé le
résultat des démarches faites auprès de M.
Baïhaut, ministre des travaux publics, par
les délégués du groupe. Il insiste sur les
causes de la grève et sur la situation faite
aux buvriers par les compagnies minières.
Le gouvernement s'est montré assez dis-
posé à agir et, grâce à son intervention,
certaines modifications ont été apportées
par la Compagnie au régime suivi jus-
qu'alors à Decazeville et dans les houillè-
res de l'Aveyron.
M. Clémenceau appuie en quelques mots
les observations présentées par M. Wic-
kersheimer. Il y a grand intérêt à exposer
les faits à la tribune, et il ne faut pas per-
mettre aux compagnies minières d'abuser
du monopole dont elles jouissent.
M. Emile Brousse expose que, selon lui,
la question doit être considérablement
élargie. Il ne faut pas se borner aux évé-
feuilleton du XIX. SIÈCLE
Du il février 1886
Chronique Scientifique
i
LE MOUILLAGE DES VINS
r Le monde des fraudeurs
Les prétentions de M. Hude
Conséquences du mouillage
Bénéfices frauduleux
Le mouillage et le Trésor
Au mois de janvier 1883, j'écrivais à
propos des falsifications et des fraudes
les quelques lignes que voici :
« Le monde des fraudeurs commen-
ce à s'effrayer. Il a senti l'attaque et il pré-
pare la défense; elle sera, n'en doutez
pas, vigoureuse, tenace, impitoyable. Peut-
être même portera-t-on, sous forme d'in-
terpellation, là question du laboratoire
municipal à la tribune du Parlement, et je
saisqué des fédérations s'organisent dans
l'ombre pour tenter de détruire l'institution
excellente que Paris s'honore d avoir créé.
Il serait imprudent de dédaigner cette
coalition,pour méprisable qu'elle nous pa-
raisse, car elle sera puissante, redouta-
ble, indifférente à l'honnêteté des moyens
et uniquement préoccupée d'arriver au
but (1). »
La coalition dont je parlais n y a trois
ans est aujourd'hui formée et elle a au
(i) Annales d'hygiène publique.
Parlement un porte-paroles, M. Hude, dé-
puté de Paris et marchand de vin, qui
déjà est parti en guerre contre le labora-
toire et ses opérations.
Tout d'abord M. Hude voudrait qu'on
autorisât le mouillage des vins, parce que,
dit-il, les négociants se trouvent enfermés
dans le dilemme suivant : « Ou vendre
leur vin pur, et puisqu'il leur coûte 75 cen-
times — avec de grandes probabilités de
hausse — le vendre 1 franc le litre, mais
alors en vendre moitié moins et être rui-
nés ; ou bien le mouiller pour pouvoir le
vendre 70 centimes et afin qu'il y en ait
pour toutes les bourses, et alors. alors
s'exposer aux foudres du terrible Girard
et de cette charmante personne qu'on ap-
pelle la justice en France. »
Et ty. Hude ajoute :
« Le mouillage est-il une falsification?
» — Je réponds non 1 Et je le prouve.
» Si tous les vins, qu'ils soient du Nord,
du Centre ou du Midi, avaient la même
qualité, la même composition et le même
degré alcoolique, les persécuteurs du la-
boratoire pourraient peut-être défendre
leur thèse; mais il y a plus de différence,
à tous les points de vue, entre les vins de
divers crus qu'entre le vin mouillé et celui
qui ne l'est pas.
» Quiconque a bu du vin affirmera qu'il
préfère — et de beaucoup — du vin de
Narbonne additionné d'eau à du vin de
Suresnes pur. Cela est tellement vrai que
les débitants qui vendent du vin de Basse-
Bourgogne ou de Touraine, de ce petit vin
qu'on appelle couramment piccolo, n'en
vendent que très peu au comptoir, c'est-à-
dire comme agrément, comme superflu,
tandis qu'ils vendent dix fois plus de cou-
page additionné d'eau, soit que ce dernier
vin doive être consommé sur place, au re-
pas, soit que les ménagères l'emportent
chez elles. Les prétentions du laboratoire
sont donc en contradiction flagranto avec
le goût du public.
tu » Au point de vue chimique, le vin na-
turel est un composé d'eau, d'alcool et
de différentes autres matières. Il est le ré-
sultat de la fermentation du raisin. Si
donc l'année est pluvieuse, le vin contien-
dra une plus grande quantité d'eau et
une moindre d'alcool. Si l'année est sèche
et chaude, l'inverse se produira.
» Or, si, par congélation ou évapora-
tion, on enlève une partie de l'eau natu-
relle contenue dans le moût en fer-
mentation, le vin sera meilleur. Si l'on
ajoute du sucre dans le moût avant la fer-
mentation, le même fait se produira. Si,
dans une mauvaise année, j'ai le droit
d'améliorer ma récolte en en diminuant
la quantité au profit de la qualité, dans
une bonne année, je dois avoir le droit de
faire l'inverse et de me récupérer de la
perte de quantité de l'année précédente. »
M. Hude dit encore : « Pour tout homme
de bonne foi, l'addition de l'eau au vin
n'est pas une falsification, puisque l'eau
est une partie intégrante du vin : c'est une
diminution de la valeur de la marchandise,
et la loi n'a pas à intervenir entre le ven-
deur et l'acheteur; si le premier veut
tromper l'autre ou lui vendre trop cher, la
liberté, c'est-à-dire la concurrence, est là
pour l'en empêcher. »
Et, comme corollaire de cette proposi-
tion, M. Hude dépose à la Chambre un pro-
jet de loi tendant à autoriser le mouillage
en France et aussi à amnistier les mar-
chands de vin qui ont été condamnés pour
ce délit.
X
« Qui n'entend qu'une cloche, dit un
proverbe de mon pays, n'entend qu'un
son. » Voulez-vous savoir ce que le direc-
teur du laboratoire municipal, que M.
Hude appelle « le terrible Girard » et qui
est d'ailleurs un homme fort doux, pense
du mouillage et de ses conséquences ?
« Le mouillage, dit-il, est la plaie du
commerce des vins. Généralement, d'ail-
leurs, il ne se fait pas seul : celui qui le
pratique est presque toujours condamné
à se livrer à d'autres opérations fraudu-
leuses. L'eau est incolore ; quand on en
ajoute trop à du vin, l'intensité colorante
baisse si rapidement que l'œil le moins
exercé s'en aperçoit. Aussi le fraudeur
a-t-il soin de compléter son mouillage par
quelques litres de vin très chargés en cou-
leur (vins des Pyrénées, gros noir par
exemple). Ce procédé-là est encore anodin,
car il n'introduit dans le vin aucun pro-
duit nuisible. Il n'en est plus de même
lorsque le gros noir est remplacé par la
teinte de Fismes ou par d'autres matières
colorantes. Souvent aussi, dans le but de
faire passer une plus grande quantité d'eau
sous le nom de vin, on remonte le mouil-
lage ou les vins qui doivent servir à le
faire avec de l'alcool de qualité inférieure
renfermant de l'alcool amylique, qui donne
naissance à une ivresse dont les suites
sont plus fâcheuses que celles produites
par l'alcool de vin » (1).
L'exemple suivant, tiré du traité d'ana-
lyse de M. Grandeau, montrera à la fois
l'importance des bénéfices frauduleux que
le mouillage permet de réaliser en même
temps que le procédé rigoureux qui sert à
caractériser ce genre de fraude.
L'analyse d'un échantillon de vin de
Roussillon (plâtré), vendu 25 francs l'hec-
tolitre sur place, avait fourni les résultats
analytiques suivants :
Alcool, 13, 2 0/0 en volume. Extrait :
27gr.5; acidité, 6, 3 ; cendres, 5, par litre.
On avait en outre reconnu que ce vin était
exempt de matières colorantes étrangères
et notamment de fuchsine et de sureau.
Edifié par l'analyse ci-dessus, faite à la
station agronomique de l'Est, le négociant
prend livraison. Quinze jours plus tard, la
même maison de gros lui annonce l'envoi
de la seconde partie de la livraison, iden-
tique d'après facture à la première et sor-
tant des mêmes foudres. A l'arrivée de
cette expédition, un échantillon est prélevé
et envoyé comme précédemment pour être
analysé par la station. La nouvelle ana-
lyse donnait :
(1) Documents sur les travaux du labora-
toire municipal, deuxième rapport. Paris,
1865.
Alcool, 13,1 0/0 en volume. Extrait, par
I litre: 17 gr. 5; acidité, 4; cendres, 4,1. L in-
tensité colorante est identique à celle de
la première livraison, mais l'analyse dé-
cèle la présence d'une notable quantité de
fuchsine.
La comparaison des deux analyses éta-
blit nettement la nature de la fraude et de
son importance, tant pour le vendeur que
pour l'acheteur. La richesse alcoolique est la
même dans les deux vins, mais les quanti-
tés d'extrait, d'acidité et de cendres sont
notablement changées, et ces écarts entre
les deux analyses établissent clairement
l'addition de l'eau. Or un simple calcul de
proportion, dont je vous fais grâce, per-
met d'évaluer d'une manière approxima-
tive la quantité d'eau ajoutée au vin pri-
mitif pour constituer le mélange livré dans
le second envoi. Il en résulte que 100 li-
tres de vin mouillé contiennent 63 litres
63 de vin pur. Soit 36 litres 37 d'eau
ajoutée.
- Quant aux bénéfices du vendeur et à la
perte correspondante de l'acheteur, ils sont
faciles à établir. La vente à laquelle nous
faisons allusion portait sur 275 hectol. à 25
francs, soit prix de vente : 6,875 francs. Or
ces 275 hectolitres ont été fabriqués avec
175 hectolitres de vin à 25 francs (soit 4,575
francs) et 100 litres d'eau. Le bénéfice
d'une part, la perte de l'autre s'élèvent
donc respectivement à2,500fr.(6,875-4,375).
Comprenez-vous maintenant pourquoi les
négociants tiennent tant au mouillage ?
X
Voyons encore quels sont les préjudices
qu'une opération de ce genre cause aux
finances de la ville de Paris, par exemple.
« La consommation du vin à Paris — dit
M. Ch. Girard — étant d'environ 5 mil-
lions d'hectolitres par année, un mouillage
général moyen de @ 8,3 0/0 représente
415,000 hectolitres d'eau ajoutée et, par
suite, une diminution correspondante dans
les entrées. La perte est représentée
par 415,000 X 18,87, soit 7,831,050, dont
3,423,750 francs pour le Trésor et 4 mil-
lions 407,300 francs pour la Ville. »
Ceci dit pour Paris, voulez-vous aussi
avoir une idée de l'importance de cette
fraude sur toute l'étendue du territoire ?
Feuilletez les documents sur le régime des
boissons publié par le Journal officiel. A la
question : « Quelles sont les quantités de
vin :et d'alcool qui sont soustraites an-
nuellement à l'impôt par les manœuvres
des fraudeurs ? » 39 comices agricoles,
19 sociétés d'agriculture, 21 syndicats,
16 chambres de commerce et 48 préfets
ont répondu que ces quantités étaient con-
sidérables ou diverses, c'est-à-dire très
notables. (Par exemple, 1/2 sur les alcools,
1/4 sur les vins, pour les Vosges; 1/4
sur les alcools, 1/3 sur les vins, pour
l'Yonne.)
A la question : « Quels sont les divers
genres de fraudes employés par les assu-
jettis? » 74 comices agricoles, 38 sociétés
d'agriculture, 31 syndicats, 44 chambres
de commerce, 81 préfets ont répondu que
les doubles transports (19), les recels (50),
les introductions frauduleuses (36), les
transports sans congés (48), les fausses dé-
clarations (27), les fausses destinations
(47), les fausses caves (29) et les mouilla-
ges (31), sans compter les coupages et les
falsifications (40), étaient les principaux
moyens employés par les négociants pour
se soustraire au paiement des droits.
Ces chiffres me paraissent assez con-
cluants et j'imagine qu'au Parlement ils
disposeraient mal les collègues de M.
Hude en faveur de ses projets. Mais il me
semble, au surplus, qu'il suffirait d'oppo-
ser aux prétentions de M. Hude l'opinion
motivée des chambres syndicales. Voici,
en effet, ce qu'écrivait à M. Girard, au nom
de la « chambre syndicale du commerce
en gros des vins et spiritueux de Paris »,
M. Jarlaud, président :
« Notre syndicat n'a jamais varié
sur ce point ; il a constamment réprouvé
le mouillage où qu'il se produisît, et ré-
cemment encore il a appelé l'attention du
ministre du commerce sur les agisse-
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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REDACTION
(J'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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Et 15, Tichborns Street, (Cafâ Monico. 2d.'
MM. les Actionnaires de la Société ano-
nyme du XIXe SIÈCLE, journal politique
quotidien, sont convoqués en Assemblée
générale ordinaire et extraordinaire pour
le MARDI SEIZE FÉVRIER prochain, à
deux heures de relevée, au siège social,
16, rue Cadet, afin: 1° d'examiner et ap-
prouver s'il y a lieu les comptes de l'exer-
cice 1885; 2° de délibérer sur les objets
prévus dans les articles 33, 38, 48 et 50
des statuts.
Aux termes de l'article 33 des statuts,
tout possesseur de trois actions au moins
a le droit d'assister à l'Assemblée géné-
rale.
Le dépôt des titres devra être fait, au
siège social, avant le ONZE FEVRIER.
NE POURRONT FAIRE PARTIE
DE CETTE ASSEMBLÉE
ceux de MM. les Actionnaires qui n'au-
raient pas encore opéré l'échange de leurs
titres à raison de trois actions anciennes
pour une action nouvelle.
Cet échange a lieu tous les jours, le di-
manche excepté, chez MM. Le Dru, Heintz
et Ozanne, banquiers, 42, ruoNotre-Damo-
des-Victoires.
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4 i/2 0/0 409 30.
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Banque Ottomane. 492 50, 493 12.
Egypte 326.
Extérieure. 56 3/8, 11/32, 1/2.
l'anama. 450, 451 87, 450.
Hongrois 81 7/8, 82 3/8.
Priorité. 360.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (Nécessité dé la raison). —
HENRY FOUQUIER.
Journée de Paris — JACQUES RAFFET.
Informations particulières.
L'Unification des soldes. - LOUIS HENRIQUE.
Nouvelles coloniales.
La Guerre (Dépêches).
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Courrier de la Bourse. — H. La FAOB*.
Variétés littéraires (Un Crime d'amour).
Bibliographie.
Faits divers. — JEAN VALLièa*.
La Température.
Courrier des théâtres. — GEORGES FNTDIRAU.
Chronique scientifique. — Dr V. DU CLAUX.
DERNIÈRE HEURE
L'émeute à Londres
Londres, 10 février.
Une véritable panique règne dans plu-
sieurs quartiers de Londres en raison des
bruits alarmants que l'on fait circuler.
Renseignements pris, la nouvelle de la
marche d une bande de Deptford sur Lon-
dres n'est pas confirmée. Il y a de grands
rassemblements dans le quartier sud-est.
Des forces considérables de police occu-
pent les ponts, et toutes les précautions
sont prises. Un régiment de cavalerie se
tient prêt à toute éventualité.
Un brouillard épais s'étend sur Londres
et rend la situation plus inquiétante.
On assure que des mandats d'arrêt ont
été lancés ce soir contre plusieurs chefs
socialistes.
Le conseil d'enquête à Satnt-Malo
Saint-Malo, 10 février.
Le conseil d'enquête s'est réuni hier à
deux heures. Tous les membres du conseil
étaient présents.
Le général Lambert est allé à Paris pour
prendre les instructions du ministre de
la guerre. Le général Boulangera prescrit
au président du conseil d'enquête d'exa-
miner cette seule question : « Le colonel
Herbinger mérite-t-il, par son inconduite
habituelle, d'être mis en réforme ? »
Au moment où le lieutenant-colonel
Herbinger sort du conseil d'enquête, il a
été entouré par de nombreux officiers.
L'enquête, dit-on, lui est favorable.
La grève de Saint-Quentin
Saint-Quentin, 10 février.
La moitié des ouvriers du tissage Tes-
tart sont rentrés. Dans les autres usines,
sauf dans l'usine Gabreau, tous les ouvriers
ont repris leur travail.
Les dragons ont quitté Saint-Quentin.
———————
QUESTION DU JOUR
Nécessité de la raison
Un gouvernement et un parti, pour
rester au pouvoir, l'un représentant
l'autre, ont besoin de deux choses : ne
pas être effrayant et ne pas être ridicule.
Je vois avec plaisir que cette double
nécessité est comprise par bien des
gens qui ne semblaient pas en être as-
sez pénétrés. C'est à ce titre qu'il est
fort intéressant de constater les protes-
tations que soulève, dans la presse radi-
cale, du moins dans une partie de cette
presse, le meeting tenu dimanche der-
nier au Château-d'Eau, et où M. Basly
a pris la parole. La Lanterne a ouvert le
feu : « Sans doute, dit-elle, nous n'at-
tachons pas grande importance aux dé-
clamations féroces, aux théories trucu-
lentes d'un meeting plus ou moins anar-
chiste. De ces folies, — que plus d'une
fois la police avait soudoyées,— nous
en avons assez entendu pour ne plus
nous en émouvoir, sachant le discrédit
qu'elles jettent sur leurs auteurs. Mais
un député de Paris n'est pas le premier
venu.
» Quand il prend la parole, il ne doit
pas oublier qu'il parle au nom de 240,000
électeurs et que son langage sera re-
levé par toute la presse.
» M. Basly ne s'en est point sou-
venu. Et déjà toute la presse réaction-
naire exploite contre la République son
imprudent et coupable langage.
» C'est là un manquement grave au
mandat accepté — et sollicité — par M.
Basly. Mais c'est quelque chose de plus
encore : c'est le coup mortel porté pour
jamais aux candidatures ouvrières. »
Notons ce mot grave : « C'est le coup
mortel porté pour jamais aux candida-
tures ouvrières. » Il est important à re-
tenir dans un journal qui a de l'action
sur la démocratie avancée. Mais nous
n'admettons pas que les frasques et les
« truculences » de M. Basly puissent ni
doivent avoir un tel résultat. La popu-
lation ouvrière des grandes villes doit
avoir ses intérêts représentés au Parle-
ment; et il n'y aurait pas à chercher
longtemps pour trouver, à Paris, des ou-
vriers dignes de cette haute mission et
qui sauraient être à la Chambre les
hommes du travail, du progrès et de
l'expérience, et non les séides de l'anar-
chie révolutionnaire. Tout ce qu'on peut
dire, c'est que M. Basly ne mérite plus
d'être considéré comme le député des
travailleurs.
La Nation, qui fut le journal de M. le
sous-secrétaire d'Etat Granet et qui est
encore celui de M. Dreyfus, n'est pas
moins explicite que la Lanterne :
« N'ayant jamais, écrit M. Dreyfus, ac-
cepté aucune solidarité avec les écoles
révolutionnaires de tout acabit, elles
sont libres de voter contre moi tous les
ordres du jour de flétrissure qu'il leur
plaît d'imaginer. Il m'est déjà arrivé,
comme conseiller municipal, de mériter
leur blâme ; chaque fois que j'étais
blâmé, le nombre de mes électeurs aug-
mentait.
» Il n'y a pas de collectivisme, de
guesdisme ni autres gueuseries en isme
qui tiennent.
» Moi qui n'ai pas l'habitude de tenir
dans les réunions publiques un langage,
et avec mes collègues un langage con-
traire, je ne prendrai jamais un crime
pour une bonne action. Je pourrai plain-
dre les meurtriers victimes de l'igno-
rance et de la misère ; ma conscience se
refuse à les glorifier. Que tous les gues-
distes et autres fumistes se le tiennent
pour dit. »
Voilà qui est parlé net. « Gueuserie»
me ravit et « fumisterie » m'enchante.
Peut-être ces bonnes choses eussent été
meilleures à dire en d'autres temps déjà,
avant les élections, au moment où le
parti républicain cherchait une entente
qui lui a fait défaut. Mais mieux vaut
tard que jamais. Il est bien entendu que
le parti révolutionnaire ne doit pas
compter sur la faiblesse des radicaux.
Les tueurs d'ingénieurs sont des assas-
sins, comme les pillards de Londres
sont des voleurs. Bravo ! Ce langage est
celui que nous tenons depuis des an-
nées : que nos adversaires d'hier le
tiennent à leur tour et ils auront fait
enfin, pour la République, quelque chose
d'utile et d'indéniablement utile.
Je regrette que la Justice parle moins
nettement. Ce n'est pas qu'on n'y sache
pas, cependant, la belle langue fran-
çaise. Mais, quand il s'agit des révolu-
tionnaires, la Justice ne parle pas volon-
tiers clair. Elle les blâme avec des mots
qui ont l'air de les caresser, et quand
elle étend la main vers eux on ne sait
pas si c'est pour les repousser ou les
soutenir. Aujourd'hui encore, c'est à
grand renfort de ( si », de « car » et de
« pourquoi » qu'elle traite la question.
Il paraît que, si on avait accordé l'amnis-
tie, M. Basly aurait été sage comme une
image. Je prends la permission de n'en
pas croire un mot, et je demande à M.
Clémenceau la permission de croire qu'il
est absolument de mon avis !
Néanmoins, et quelles que soient ces
nuances intéressantes à constater dans
la façon dont la presse radicale parle du
meeting du Château-d'Eau, il est cer-
tain que le parti le plus avancé dans la
démocratie comprend que la République
ne doit pas — sous peine de mort —
aller contre certaines notions de droit
et de morale et qu'elle doit rassurer les
intérêts. C'est ce qu'on appelle être
« conservateur ».
Mais il ne suffit pas, en France sur-
tout, de ne pas être effrayant. Il faut
encore ne pas être ridicule. Le ridicule
pourrait nous venir du conseil munici-
pal et de quelques-unes de ses manies,
dont la plus vive et la plus impatien-
tante consiste à débaptiser nos rues ou
à donner aux rues nouvelles des noms
qui sont incompréhensibles pour les ha-
bitants du quartier.
On nous donne toute une liste de
noms nouveaux, qui sont, pour lés ;
trois quarts, mal choisis.
La rue Carpentier devient la rue Pape-
Carpentier. Il n'y a pas trop de mal,
fût-ce par un calembour à tournure
cléricale, à fixer le souvenir de Mme
Pape-Carpentier. Mais que diable fait la
rue Giordano-Bruno dans le quator-
zième arrondissement? Je parie ce qu'on
voudra que pas un habitant de la rue
débaptisée ne connaît ce philosophe
mystique — et chrétien — du seizième
siècle, qui deviendra d'ailleurs, d'ici à
peu, Bruno tout court, si ce n'est Bruno
le fileur, infiniment plus populaire.
Je vois avec peine disparaître les
noms gracieux qui donnaient une idée
de la physionomie de certains quartiers
ou rappelaient leur histoire : le chemin
des Epinettes, la rue de la Fontenelle,
la rue des Oiseaux, qui deviennent rue
Navier ou rue de La Barre, — sans
que personne se doute qu'il s'agit du
chevalier de La Barre, aristocrate d'ail-
leurs peu intéressant, si ce n'est par
la cruauté stupide de son supplice., Les
noms donnés aux nouvelles rues ne sont
pas assez connus. Il faut une érudition
que je n'ai pas, pour ma part, pour les
connaître tous. Et quel mêli-mêlo de
souvenirs ! Mme de Staël, cette agréa-
ble mère-grand de M. de Broglie, à côté
de Fabre d'Eglantine, — si discuté ! La
rue Gustave Courbet à côté de la rue
Cavendish et de la rue Priestley, que les
cochers estropieront de la façon la plus
imprévue ! Le conseil n'a ni méthode ni
sens pratique : il nous taquine au gré
de ses fantaisies, dont quelques-unes
sont audacieuses, — comme celles qui
rappellent la Commune, — dont les au-
tres sont enfantines. Heureusement que
le ministre de l'intérieur doit reviser les
arrêtés de nos édiles. Qu'il tienne
compte du désir des Parisiens de ne pas
être troublés dans leurs habitudes et
de pouvoir aller où ils ont affaire, sans
être obligés de se mettre la tête à l'en-
vers pour retenir les noms chers à nos
savants du conseil, mais ignorés de la
foule.
HENRY FOUQUIER.
LA JOURNEE DE PARIS
SOCIÉTÉ DES STEEPLE-CHASES DE
FRANCE. — Nous recevons la communica-
tion suivante :
Par suite de l'état du terrain du champ de
courses d'Auteuil et de l'impossibilité, quel-
que temps qu'il survienne, d'y courir avant
dimanche.
La réunion du jeudi 11 février 1886 est sup-
primée.
M
* *
AU MONUMENT MICHELET. — A l'oc-
casion de l'anniversaire de la mort de Miche-
let, un groupe d'étudiants a porté au cime-
tère du Père-Lachaise, sur le monument du
célèbre historien, une magnifique couronne
d'immortelles portant l'inscription :
A MICHELET
la jeunesse des Écoles
w
* *
A L'ACADÉMIE. — Aujourd'hui ont ileu
les élections à l'Académie française pour les
trois fauteuils de MM. Victor Hugo, About et
de Noailles.
Fauteuil de Victor Hugo. — Candidat : M.
Leconte de Lisle.
Fauteuil d'About. — Candidats : MM. Henri
de Bornier, Léon Say, Ferdinand Fabre, Gus-
tave Droz, Mouton et Charles Read.
Le successeur de M. About doit prononcer
l'éloge funèbre de MM. Jules Sandeau et
About, M. About étant mort avant sa récep-
tion. Cet exemple est fort rare à l'Académie ;
il faut remonter au 17 janvier 1850, lors de la
réception de Saint-Priest., qui eut à pronon-
cer les éloges de Ballanche et de Vatout.
Fauteuil de M. le duc de Noailles. — Can-
didats : Me. Edouard Hervé, Paris, Mouton.
Dans sa dernière séance, l'Académie fran-
çaise a reçu la lettre de candidature de M.
Oscar de Vallée, sénateur, pour le fauteuil
vacant par la mort de M. de Falloux. Cette
élection n'aura lieu que dans quelque temps.
La commission du prix d'éloquence a com-
mencé l'examen des divers manuscrits en-
voyés au concours.
«
IMPRESSIONS SUR LA PEINTURE. -
La librairie des Bibliophiles vient de faire
paraître : Impressions sur la peinture, par
Alfred Stevens. De ce recueil de pensées, qui
se présente en la forme des maximes de La
Rochefoucauld, nous détachons ces quelques
aphorismes :
L'exécution est le style du peintre.
+
En peinture, on peut se passer de sujet. Un
tableau ne doit pas avoir besoin d'une notice.
+
La maturité de l'âge est plus difficile à
peindre que l'enfance ou la vieillesse.
+
Il ne faut pas se hâter d'élever une statue
à un homme. Ne nous hâtons pas non plus
d'introduire nos maîtres au Louvre. Le temps
seul est un classificateur impeccable.
+
Plus on sait, plus on simplifie.
+
Le musée de Versailles est une mystifica-
tion artistique.
Le livre sort des presses de MM. Jouaust et
Sigaux.
«
LES LETTRES ET LES ARTS. - Nous
avons déjà parlé de la magnifique publication
dirigée par M. Anatole France et éditée par
MM. Boussod et Valadon dans des conditions
de luxe inaccoutumées. Le sommaire de la
livraison de février est ainsi composé :
Alexandre Dumas, de l'Académie française,
Une volée de paradoxes. — Jean Lahor, Ju-
dith, sonnet. — Charles Yriarte, Le Graveur
.d'épées de César Borgia. — François Coppée,
de l'Académie française, le Livre posthume.
— Maurice Bouchor , Ceylan, poème. —
Maxime du Camp, de l'Académie française,
Une Histoire d'amour. — Frédéric Masson , la
Théophilanthropie. — Charles Gounod, de
l'Institut, Andante cfun quatuor. — Fernand
Calmettes, L'Exposition des aquarellistes. —
Maurice Barrés, Notes sur M. Paul Bourqet. -
Louis Ganderax, Mademoiselle Réjane.
Illustrations de MM. Grasset, Edouard de
Beaumont, J. Stewart, Benjamin Constant et
Champollion, Saint-Elme Gautier, Jean Bé-
raud, Zuber, François Flameng, Weber,
Charles Delort, Guillaume Dubufe, Eugène
Lambert, Le Blant, Français, de Penne, Heil-
buth, Adrien Moreau, Mme la baronne de
Rothschild, Tissot, Vibert, Yon, Roger Jour-
dain, V. Gilbert, Besnard, Boutet de Monvel,
J. Lewis-Brown, Mme Madeleine Lemaire,
Arcos.
Dans ce splendide numéro, ce qu'il faut
mettre hors de pair, c'est le brillant article de
M. A. Dumas et la fantaisie très curieuse de
M. Coppée; pleine d'allusions cruelles et qui
fera certainement beaucoup de bruit.
m
* *
L'EXPOSITION DES FEMMES-ARTIS-
TES. — Nous recevons au sujet de l'exposi-
tion de l'Union des femmes peintres et sculp-
teurs, qui va s'ouvrir au palais de l'Industrie
samedi prochain, une note que nous nous
reprocherions de ne pas publier :
« Cette exposition installée aux frais des
sociétaires offre gratuitement au public l'in-
téressant spectacle de femmes unies dans un
but d'utile émulation.
» Parmi les sociétaires, sans mesquine ri-
valité, il se fait généreusement et affectueu-
sement l'échange de conseils et d'encourage-
ments, susceptibles d'aider à démêler, à
préciser (au milieu de leurs irrésolutions), le
sentiment propre que chacune apporte au
début de la carrière, ce qu'on appelle cher-
cher sa voie.
« En art, l'œuvre de la femme ne doit pas
chercher à entrer en rivalité avec l'œuvre de
l'homme ; sa note personnelle doit être com-
me la voix douce et nécessaire à l'effet d'un
chœur, son éducation, son rôle dans la vie,
lui interdisant le plus souvent l'accès des étu-
des sévères et lui commandant d'autre part
de remplir dans la société le rôle d'affec-
tueuse et tendre protection qu'elle doit à la
famille.
» La critique voudra bien rester dans cet
esprit et par conséquent ne pas refuser de
mêler à ses conseils les encouragements sus-
ceptibles d'aider dans leur marche les tra-
vailleuses de bonne volonté. Les sociétaires de
l'Union ne prétendent pas le moins du monde
se poser en rivalité avec aucune exposition
similaire, encore moins avec le Salon; elles
veulent être une société d'intérêt général. »
Bon courage aux femmes-artistes ! Nous
nous engageons volontiers, pour notre part,
à considérer l'exposition au point de vue qui
paraît tenir au cœur de ses organisateurs.
11
* >>
LE MUSÉE DE CLUNY. — On sait que des
travaux d'une certaine importance ont été
exécutés au musée de Cluny en vue de trans-
former une des cours intérieures en salle
d'exposition.
Cette transformation est aujourd'hui un
fait accompli. L'espace à ciel ouvert, limité
d'un côté par le vieux mur des Thermes et de
l'autre par un des murs de côté de la cha-
pelle, est maintenant complètement fermé,
pourvu d'un vitrage monté sur châssis, qui
sert de toiture et prêt à être aménagé en vue
de sa nouvelle destination.
L'installation des curiosités artistiques qui
vont être exposées commencera dans les pre-
miers jours du mois prochain, et cette nou-
velle salle pourra être ouverte au public vers
le mois de juin prochain.
Ir
« *
LE COMITÉ DES MONUMENTS PARI-
SIENS. — Le comité des monuments parisiens
vient de réélire son bureau. Président hono-
raire, Albert Lenoir, membre de l'Institut; pré-
sident, Charles Garnier, président de l'Acadé-
mie des beaux-arts ; vice-présidents, Cernesson
conseiller municipal, ancien président du con-
seil ; de Champeaux, critique d'art, inspec-
teur général du dessin; P. Sedille, architecte ;
secrétaire général, Charles Normand,, archi-
tecte diplômé par le gouvernement ; secré-
taires-adjoints, Chardon, ingénieur, Maignan,
peintre, Mareuse, secrétaire de la commission
des inscriptions parisiennes ; archiviste, Eu-
gène Muntz, conservateur de l'Ecole des beaux
arts ; trésorier, A. Rhoné, correspondant de
l'Institut d'Egypte.
JACQUES RAFFEY.
INFORMA TIONS PARTICULIÈRES
_J
L'Extrême-Gaucbe et l'interpellation Basly
L'Extrême-Gauche s'est réunie hier sous
la présidence de M. Cantagrel. Le groupe
a d'abord procédé à la constitution de son
bureau qui est formé de MM. Barodet,
président ; Desmons et Cantagrel, vice-
présidents ; Emile Brousse et Crémieux,
secrétaires ; Labordère, questeur.
La discussion s'est ensuite ouverte sur
la conduite à tenir dans l'interpellation de
M. Basly sur la grève de Decazeville.
M. Wickersheimer a d'abord exposé le
résultat des démarches faites auprès de M.
Baïhaut, ministre des travaux publics, par
les délégués du groupe. Il insiste sur les
causes de la grève et sur la situation faite
aux buvriers par les compagnies minières.
Le gouvernement s'est montré assez dis-
posé à agir et, grâce à son intervention,
certaines modifications ont été apportées
par la Compagnie au régime suivi jus-
qu'alors à Decazeville et dans les houillè-
res de l'Aveyron.
M. Clémenceau appuie en quelques mots
les observations présentées par M. Wic-
kersheimer. Il y a grand intérêt à exposer
les faits à la tribune, et il ne faut pas per-
mettre aux compagnies minières d'abuser
du monopole dont elles jouissent.
M. Emile Brousse expose que, selon lui,
la question doit être considérablement
élargie. Il ne faut pas se borner aux évé-
feuilleton du XIX. SIÈCLE
Du il février 1886
Chronique Scientifique
i
LE MOUILLAGE DES VINS
r Le monde des fraudeurs
Les prétentions de M. Hude
Conséquences du mouillage
Bénéfices frauduleux
Le mouillage et le Trésor
Au mois de janvier 1883, j'écrivais à
propos des falsifications et des fraudes
les quelques lignes que voici :
« Le monde des fraudeurs commen-
ce à s'effrayer. Il a senti l'attaque et il pré-
pare la défense; elle sera, n'en doutez
pas, vigoureuse, tenace, impitoyable. Peut-
être même portera-t-on, sous forme d'in-
terpellation, là question du laboratoire
municipal à la tribune du Parlement, et je
saisqué des fédérations s'organisent dans
l'ombre pour tenter de détruire l'institution
excellente que Paris s'honore d avoir créé.
Il serait imprudent de dédaigner cette
coalition,pour méprisable qu'elle nous pa-
raisse, car elle sera puissante, redouta-
ble, indifférente à l'honnêteté des moyens
et uniquement préoccupée d'arriver au
but (1). »
La coalition dont je parlais n y a trois
ans est aujourd'hui formée et elle a au
(i) Annales d'hygiène publique.
Parlement un porte-paroles, M. Hude, dé-
puté de Paris et marchand de vin, qui
déjà est parti en guerre contre le labora-
toire et ses opérations.
Tout d'abord M. Hude voudrait qu'on
autorisât le mouillage des vins, parce que,
dit-il, les négociants se trouvent enfermés
dans le dilemme suivant : « Ou vendre
leur vin pur, et puisqu'il leur coûte 75 cen-
times — avec de grandes probabilités de
hausse — le vendre 1 franc le litre, mais
alors en vendre moitié moins et être rui-
nés ; ou bien le mouiller pour pouvoir le
vendre 70 centimes et afin qu'il y en ait
pour toutes les bourses, et alors. alors
s'exposer aux foudres du terrible Girard
et de cette charmante personne qu'on ap-
pelle la justice en France. »
Et ty. Hude ajoute :
« Le mouillage est-il une falsification?
» — Je réponds non 1 Et je le prouve.
» Si tous les vins, qu'ils soient du Nord,
du Centre ou du Midi, avaient la même
qualité, la même composition et le même
degré alcoolique, les persécuteurs du la-
boratoire pourraient peut-être défendre
leur thèse; mais il y a plus de différence,
à tous les points de vue, entre les vins de
divers crus qu'entre le vin mouillé et celui
qui ne l'est pas.
» Quiconque a bu du vin affirmera qu'il
préfère — et de beaucoup — du vin de
Narbonne additionné d'eau à du vin de
Suresnes pur. Cela est tellement vrai que
les débitants qui vendent du vin de Basse-
Bourgogne ou de Touraine, de ce petit vin
qu'on appelle couramment piccolo, n'en
vendent que très peu au comptoir, c'est-à-
dire comme agrément, comme superflu,
tandis qu'ils vendent dix fois plus de cou-
page additionné d'eau, soit que ce dernier
vin doive être consommé sur place, au re-
pas, soit que les ménagères l'emportent
chez elles. Les prétentions du laboratoire
sont donc en contradiction flagranto avec
le goût du public.
tu » Au point de vue chimique, le vin na-
turel est un composé d'eau, d'alcool et
de différentes autres matières. Il est le ré-
sultat de la fermentation du raisin. Si
donc l'année est pluvieuse, le vin contien-
dra une plus grande quantité d'eau et
une moindre d'alcool. Si l'année est sèche
et chaude, l'inverse se produira.
» Or, si, par congélation ou évapora-
tion, on enlève une partie de l'eau natu-
relle contenue dans le moût en fer-
mentation, le vin sera meilleur. Si l'on
ajoute du sucre dans le moût avant la fer-
mentation, le même fait se produira. Si,
dans une mauvaise année, j'ai le droit
d'améliorer ma récolte en en diminuant
la quantité au profit de la qualité, dans
une bonne année, je dois avoir le droit de
faire l'inverse et de me récupérer de la
perte de quantité de l'année précédente. »
M. Hude dit encore : « Pour tout homme
de bonne foi, l'addition de l'eau au vin
n'est pas une falsification, puisque l'eau
est une partie intégrante du vin : c'est une
diminution de la valeur de la marchandise,
et la loi n'a pas à intervenir entre le ven-
deur et l'acheteur; si le premier veut
tromper l'autre ou lui vendre trop cher, la
liberté, c'est-à-dire la concurrence, est là
pour l'en empêcher. »
Et, comme corollaire de cette proposi-
tion, M. Hude dépose à la Chambre un pro-
jet de loi tendant à autoriser le mouillage
en France et aussi à amnistier les mar-
chands de vin qui ont été condamnés pour
ce délit.
X
« Qui n'entend qu'une cloche, dit un
proverbe de mon pays, n'entend qu'un
son. » Voulez-vous savoir ce que le direc-
teur du laboratoire municipal, que M.
Hude appelle « le terrible Girard » et qui
est d'ailleurs un homme fort doux, pense
du mouillage et de ses conséquences ?
« Le mouillage, dit-il, est la plaie du
commerce des vins. Généralement, d'ail-
leurs, il ne se fait pas seul : celui qui le
pratique est presque toujours condamné
à se livrer à d'autres opérations fraudu-
leuses. L'eau est incolore ; quand on en
ajoute trop à du vin, l'intensité colorante
baisse si rapidement que l'œil le moins
exercé s'en aperçoit. Aussi le fraudeur
a-t-il soin de compléter son mouillage par
quelques litres de vin très chargés en cou-
leur (vins des Pyrénées, gros noir par
exemple). Ce procédé-là est encore anodin,
car il n'introduit dans le vin aucun pro-
duit nuisible. Il n'en est plus de même
lorsque le gros noir est remplacé par la
teinte de Fismes ou par d'autres matières
colorantes. Souvent aussi, dans le but de
faire passer une plus grande quantité d'eau
sous le nom de vin, on remonte le mouil-
lage ou les vins qui doivent servir à le
faire avec de l'alcool de qualité inférieure
renfermant de l'alcool amylique, qui donne
naissance à une ivresse dont les suites
sont plus fâcheuses que celles produites
par l'alcool de vin » (1).
L'exemple suivant, tiré du traité d'ana-
lyse de M. Grandeau, montrera à la fois
l'importance des bénéfices frauduleux que
le mouillage permet de réaliser en même
temps que le procédé rigoureux qui sert à
caractériser ce genre de fraude.
L'analyse d'un échantillon de vin de
Roussillon (plâtré), vendu 25 francs l'hec-
tolitre sur place, avait fourni les résultats
analytiques suivants :
Alcool, 13, 2 0/0 en volume. Extrait :
27gr.5; acidité, 6, 3 ; cendres, 5, par litre.
On avait en outre reconnu que ce vin était
exempt de matières colorantes étrangères
et notamment de fuchsine et de sureau.
Edifié par l'analyse ci-dessus, faite à la
station agronomique de l'Est, le négociant
prend livraison. Quinze jours plus tard, la
même maison de gros lui annonce l'envoi
de la seconde partie de la livraison, iden-
tique d'après facture à la première et sor-
tant des mêmes foudres. A l'arrivée de
cette expédition, un échantillon est prélevé
et envoyé comme précédemment pour être
analysé par la station. La nouvelle ana-
lyse donnait :
(1) Documents sur les travaux du labora-
toire municipal, deuxième rapport. Paris,
1865.
Alcool, 13,1 0/0 en volume. Extrait, par
I litre: 17 gr. 5; acidité, 4; cendres, 4,1. L in-
tensité colorante est identique à celle de
la première livraison, mais l'analyse dé-
cèle la présence d'une notable quantité de
fuchsine.
La comparaison des deux analyses éta-
blit nettement la nature de la fraude et de
son importance, tant pour le vendeur que
pour l'acheteur. La richesse alcoolique est la
même dans les deux vins, mais les quanti-
tés d'extrait, d'acidité et de cendres sont
notablement changées, et ces écarts entre
les deux analyses établissent clairement
l'addition de l'eau. Or un simple calcul de
proportion, dont je vous fais grâce, per-
met d'évaluer d'une manière approxima-
tive la quantité d'eau ajoutée au vin pri-
mitif pour constituer le mélange livré dans
le second envoi. Il en résulte que 100 li-
tres de vin mouillé contiennent 63 litres
63 de vin pur. Soit 36 litres 37 d'eau
ajoutée.
- Quant aux bénéfices du vendeur et à la
perte correspondante de l'acheteur, ils sont
faciles à établir. La vente à laquelle nous
faisons allusion portait sur 275 hectol. à 25
francs, soit prix de vente : 6,875 francs. Or
ces 275 hectolitres ont été fabriqués avec
175 hectolitres de vin à 25 francs (soit 4,575
francs) et 100 litres d'eau. Le bénéfice
d'une part, la perte de l'autre s'élèvent
donc respectivement à2,500fr.(6,875-4,375).
Comprenez-vous maintenant pourquoi les
négociants tiennent tant au mouillage ?
X
Voyons encore quels sont les préjudices
qu'une opération de ce genre cause aux
finances de la ville de Paris, par exemple.
« La consommation du vin à Paris — dit
M. Ch. Girard — étant d'environ 5 mil-
lions d'hectolitres par année, un mouillage
général moyen de @ 8,3 0/0 représente
415,000 hectolitres d'eau ajoutée et, par
suite, une diminution correspondante dans
les entrées. La perte est représentée
par 415,000 X 18,87, soit 7,831,050, dont
3,423,750 francs pour le Trésor et 4 mil-
lions 407,300 francs pour la Ville. »
Ceci dit pour Paris, voulez-vous aussi
avoir une idée de l'importance de cette
fraude sur toute l'étendue du territoire ?
Feuilletez les documents sur le régime des
boissons publié par le Journal officiel. A la
question : « Quelles sont les quantités de
vin :et d'alcool qui sont soustraites an-
nuellement à l'impôt par les manœuvres
des fraudeurs ? » 39 comices agricoles,
19 sociétés d'agriculture, 21 syndicats,
16 chambres de commerce et 48 préfets
ont répondu que ces quantités étaient con-
sidérables ou diverses, c'est-à-dire très
notables. (Par exemple, 1/2 sur les alcools,
1/4 sur les vins, pour les Vosges; 1/4
sur les alcools, 1/3 sur les vins, pour
l'Yonne.)
A la question : « Quels sont les divers
genres de fraudes employés par les assu-
jettis? » 74 comices agricoles, 38 sociétés
d'agriculture, 31 syndicats, 44 chambres
de commerce, 81 préfets ont répondu que
les doubles transports (19), les recels (50),
les introductions frauduleuses (36), les
transports sans congés (48), les fausses dé-
clarations (27), les fausses destinations
(47), les fausses caves (29) et les mouilla-
ges (31), sans compter les coupages et les
falsifications (40), étaient les principaux
moyens employés par les négociants pour
se soustraire au paiement des droits.
Ces chiffres me paraissent assez con-
cluants et j'imagine qu'au Parlement ils
disposeraient mal les collègues de M.
Hude en faveur de ses projets. Mais il me
semble, au surplus, qu'il suffirait d'oppo-
ser aux prétentions de M. Hude l'opinion
motivée des chambres syndicales. Voici,
en effet, ce qu'écrivait à M. Girard, au nom
de la « chambre syndicale du commerce
en gros des vins et spiritueux de Paris »,
M. Jarlaud, président :
« Notre syndicat n'a jamais varié
sur ce point ; il a constamment réprouvé
le mouillage où qu'il se produisît, et ré-
cemment encore il a appelé l'attention du
ministre du commerce sur les agisse-
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