Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-04-09
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 09 avril 1885 09 avril 1885
Description : 1885/04/09 (A15,N4842). 1885/04/09 (A15,N4842).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75612965
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Quinzième année. — N° 4482
Prix du numéro à Paris ; 15 ceif * — départements : 20 centimes
Jeudi 9 Avril 1885
1 ILI
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
16, rue Cadet, 16
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Six mois -38 '-.,
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ET DANS SES SUCCURSALES
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Egyptienne. 336 87, 335, 335 31.
Hongrois 79 5/8,11/16, 5/8.
BULLETIN
- -re':
La nouvelle de la paix probable avec la
Chine est le grand événement d'aujour-
d'hui. Nous apprécions plus loin les con-
ditions de cette paix, et nous donnons les
commentaires qu'elle suggère au Times.
Le War-Office a reçu une dépêche an-
nonçant que Handoub a été occupé ce ma-
tin sans résistance par les troupes an-
glaises.
Le journal persan Sherns reçoit de Me-
shed la nouvelle que les Russes auraient
demandé au schah de Perse de les auto-
riser, en cas de guerre, à faire passer leurs
troupes, ainsi que leurs approvisionne-
ments et leurs munitions, le long de la rive
gauche de l'Atrek. On ignore encore la ré-
ponse du schah. Si cette permission était
accordée aux troupes russes, elle leur four-
nirait une voie facile et directe pour se
rendre à Hérat.
On assure que Musurus-Pacha a été
chargé de faire de nouvelles réserves au
sujet de l'arrangement financier égyp-
tien :
1° En ce qui concerne la création éveni
tuelle d'une commission d'enquête dans
deux ans, la Porte réserve jusqu'à cette
époque sa liberté d'appréciation ;
20 La Porte demande qu'il soit bien sti-
pulé que le service du nouvel emprunt
n'affectera en rien le tribut qui lui est
payable.
On mande du Caire que la police égyp-
tienne a signifié au Bosphore un décret de
suspension. Les portes de l'imprimerie du
journal ont été brisées et l'imprimerie a
été occupée par la police.
Le consulat et le consulat général ont
protesté au civil et par voie diplomatique
contre cette violation de domicile.
QUESTION DU JOUR
La liberté électorale
M. le président du conseil a résumé
en peu de mots tout le devoir d'un
gouvernement républicain en face des
élections générales. « Nous mettrons
notre honneur à assurer des élections
libres, loyales et sincères. Plus cette
manifestation du suffrage universel sera
spontanée et indépendante, plus la Ré-
publique en sera fortifiée et plus puis-
samment cimentée l'union entre répu-
blicains. » On ne peut mieux dire ; ce
sont là en effet et la règle et le but ;
mais iL ne faudrait pas penser qu'il soit
déjà si facile « d'assurer des élections
libres, loyales et sincères », dans un
pays où le principe de la souveraineté
nationale compte encore tant d'ennemis
acharnés.
M. Brisson a trop d'esprit politique
pour n'être pas le premier à comprendre
les difficultés d'application de la règle
qu'il a si nettement posée. Si nous avions
une république idéale, où l'éducation de
la démocratie ne laissât plus rien à dési-
rer, où les idées de liberté, de droit, de
justice, d'égalité, fussent l'objet d'un
respect universel, où tous les citoyens,
comme le gouvernement lui-même, n'au-
raient qu'un but : assister au spectacle
magnifique de la souveraineté nationale
s'épanouissant dans toute sa pureté et
sa splendeur ; si nous avions cette Ré-
publique-là, oh ! à coup sûr, ce serait
bien simple ! Le gouvernement n'aurait
qu'à se croiser les bras en considérant
les étoiles, si toutefois nous avions en-
core besoin d'un gouvernement quel-
conque.
Mais le parti républicain doit savoir
et comprendre qu'il est entouré de li-
gues et de coalitions pour lesquelles le
droit de la conscience politique, la li-
berté électorale de chacun et la souve-
raineté du peuple entier sont des mots
vides de sens. La réaction se prépare à
mettre en œuvre, dans la prochaine
campagne électorale, tous les moyens
d'intimidation, de pression et de cor-
ruption que peut lui procurer sa puis-
sance territoriale, industrielle et finan-
cière. Les ennemis de la République ne
reculeront devant aucun scrupule : ils
descendront aux moyens les plus bas.
Combien de fois n'avons-nous pas vu
dans les villes, et surtout dans les cam-
pagnes, les pauvres, les faibles, les
malheureux, les ignorants, tous ceux
qui n'ont point de défense, placés cruel-
lement par des tyrans de village entre
leur vote et leur pain? Nous ne connais-
sons pas de système de candidatures
officielles plus terrible que celle-là. On
l'appliquera, soyez-en certains, — et
nous en avons déjà les preuves, — avec
une impitoyable rigueur partout où la
réaction ose encore agir au grand jour.
Vous voulez donc que le gouverne-
ment oppose pression à pression, inti-
midation à intimidation, corruption à
corruption ? Nous ne voulons qu'une
chose, celle que M. le président du con-
seil a dite du haut de la tribune, avec
l'autorité qui lui appartient ; nous vou-
lons que le gouvernement assure des
élections libres, sincères et loyales. Et
pour cela que faut-il que le gouverne-
ment fasse ? Il faut d'abord et avant
j t 1 - - - - -- L _---_-.
tout que le gouvernement gouverne,
que le gouvernement soit, qu'il existe,
qu'on le sente, qu'on l'aperçoive par-
tout présent et agissant ; il faut que le
gouvernement-porte dans les préfectu-
res les plus reculées le respect de la
République, autrement dit le respect de
la souveraineté nationale.
M. le président du conseil, et à côté
de lui M. Allain-Targé, ministre de l'in-
térieur, sont, à coup sûr, trop pénétrés
de ces maximes, qui ont toujours été
celles du parti républicain, pour n'en
pas comprendre aussi bien et mieux
que nous l'importance. La longue pra-
tique du scrutin d'arrondissement, on
l'a dit plus d'une fois, a introduit un
certain laisser-aller non seulement dans
les mœurs électorales, mais aussi dans
-les mœurs administratives. Chaque élu
d'arrondissement s'est considéré en fait
et èn vérité comme le représentant de
la France, et, chaque fois que cet élu a
été un royaliste, un bonapartiste, un
clérical, il est apparu aux environs, aux
yeux des paysans ravis et même aux yeux
des fonctionnaires ébahis, comme la
véritable incarnation de la monarchie
ressuscitée.
De là, on a vu en plus d'un canton pré-
valoir une politique, une administra-
tion, une direction d'ensemble absolu-
ment monarchique et réactionnaire.
Cette conséquence d'un scrutin local,
d'un scrutin sans portée et sans mora-
lité, paraissait presque légitime. On
disait : Que voulez-vous? Le député est
bonapartiste, le conseiller général est
royaliste. L'autorité dont ils sont revê-
tus n'a-t-elle pas cependant droit à tous
les égards? Ne sont-ce pas des repré-
sentants du suffrage universel et de la
souveraineté nationale ?
Le scrutin de liste doit avoir, entre
autres avantages, celui de faire cesser
une pareille duperie. Nous sommes dès
à présent, on peut l'affirmer, sous la
loi du scrutin de liste. La politique gé-
nérale du scrutin de liste doit rempla-
cer la politique misérable du scrutin
d'arrondissement. Que le gouvernement
de la République fasse sentir sur toute
l'étendue du territoire sa volonté légi-
time, son action incessante, son dé-
vouement infatigable au pays, sa vigi-
lance toujours en éveil : c'est à cette
condition seulement que nos adversaires
ne violeront pas trop ouvertement et la
liberté des électeurs et les droits du
suffrage universel.
H. DEPASSE.
La Chambre a donné, dès aujourd'hui, un
démenti au programme de conciliation que
le gouvernement lui apportait hier, et qu'elle
avait applaudi avec enthousiasme.
Notre Assemblée est comme Hamlet, prince
de Danemark, qui, raconte Shakespeare,
était fol ou sage, selon que le vent soufflait
du nord ou du sud.
Nos députés avaient un président à choisir
entre trois candidats : l'un, M. Fallières, ex-
ministre, dont la nomination eût été une atté-
nuation juste, légitime et nécessaire à l'em-
portement de la Chambre dans la séance
du 29 ; l'autre, M. Philippoteaux, représentait
la conciliation pure, sans aucune amende
honorable ; le troisième, l'honorable M. Flo-
quet, présentait une candidature qui a pour
signification ou une évolution vers la Gau-
che radicale, — dépassant les vœux du pays
et les nécessités de la politique, — ou. bien
une coalition de rancunes également regret-
table et en contradiction manifeste avec l'es-
prit qu'on prête au cabinet et qui nous l'a fait
bien accueillir.
C'est M. Floquet qui a été élu,
M. Grévy avait été nommé président de la
Chambre, après M. Buffet, par 462 voix sur
468 votants.
M. Gambetta avait obtenu, en octobre 1881,
317 voix sur 364 votants.
M. Brisson, le 3 novembre 1881, était élu
par 347 voix sur 442 votants.
M. Floquet est le président élu de 179 dé-
putés !
Il est temps que les élections se fassent !
*
★ ir
Ceci dit, — sans hostilité contre le nouveau
président, mais par esprit de justice et de
politique, — rappelons la carrière de M. Flo-
quet.
M. Floquet a cinquante-sept ans. Il est le
neveu de M. J. Ferry, ayant épousé la nièce
de Charras. C'est un homme à la figure régu-
lière, l'aspect hautain, portant de gros favo-
ris d'avocat blanchis, avec un air de dignité
que gâte une certaine emphase, fidèle d'ail-
leurs à ses convictions autant qu'à la forme
antique et caractéristique de ses chapeaux.
Les farceurs de la Chambre sont capables de
le forcer à se couvrir pour admirer ses cou-
vre-chef à la 1848 !
* M. Floquet a écrit dans beaucoup de jour-
naux sous l'Empire, avec M. Ferry, M. Cl.
Duvernois, etc., etc., Il commença à se faire
connaître au procès des Treize, où il se mon-
tra fort énergique. On alla jusqu'à saisir chez
lui sa correspondance privée. Les persécu
tions de l'Empire le firent candidat dans l'Hé-
rault en 1864, dans la Côte-d'Or en 1869, mais
il ne fut pas élu.
Je cite, pour mémoire, le grand cri : « Vive
la Pologne, monsieur ! » — poussé au Palais
lors de la visite du tzar.
C'était une sottise. Mais elle ne nuisit pas
à M. Floquet..
En 1872, il fut nommé conseiller municipal
dans le onzième arrondissement par 2,347 voix.
Il fut président du conseil municipal, et, en
février 1876, il entra à la Chambre, député du
onzième arrondissement, avec 21,899 suffra-
ges.
La conduite de M. Floquet, qui siégea à la
Gauche radicale, sur les confins de l'Extrême
Gauche, fut très courageuse pendant la cam-
pagne du 16 Mai. Il fut du comité des 18.
Aussi M. Gambetta l'appela à la préfecture
de la Seine, où il ne resta que six mois.
La Chambre l'avait nommé vice-président,
comme représentant des groupes extrêmes.
Mais en quelle qualité, aujourd'hui, le prend-
elle pour président ?
Ce n'est pas à coup sûr,je le répète, par es-
prit de conciliation, et voilà pourquoi, sans
aucune hostilité contre M. Floquet, nous re-
grettons sa nomination.
H. F.
,«-*0
LA PAIX AVEC LA CHINE
Les nouvelles pacifiques que nous enre-
gistrions hier se confirment. Il est aujour-
d'hui avéré que le 25 mars, à la suite de
négociations qui duraieut depuis plusieurs
semaines, un projet d'arrangement modifié
par le gouvernement français fut expédié
à Pékin et accepté par le gouvernement
chinois, à la date du 31.
Voici quelles sont les bases de cet arran-
gement :
La Chine consent à ratifier la conven-
tion du 11 mai 1884 (traité de Tientsin) ;
la France s'engage, par contre, à ne pas
réclamer d'autres avantages que l'exécu-
tion pleine et entière de cette conven-
tion.
La Chine s'est engagée, en outre, à
prendre la première mesure d'exécution,
en rendant un édit impérial enjoignant
aux troupes chinoises, qui occupent le
territoire du Tonkin de se retirer derrière
la frontière.
On donne comme certain que la Gazette
officielle de Pékin a publié cet édit.
Une convention spéciale doit déterminer
les dates d'évacuation du Tonkin par les
troupes chinoises.
Ainsi que je l'indiquais hier, le retrait
des forces impériales s'effectuera successi-
vement et à des dates différentes, tant pour
l'armée du Kuang-Si que pour l'armée du
Yunnan.
D'après le Temps, à qui j'emprunte ces
renseignements quasi-officiels, les dates
suivantes auraient été proposées par la
Chine et acceptées par la France :
Pour l'armée du Kuang-Si : suspension
des hostilités, 10 avril ; commencement de
l'évacuation, 20 avril ; fin de l'évacuation,
30 avril.
Pour l'armée du Yunnan : suspension
des hostilités, 20 avril ; commencement de
l'évacuation, 30 avril ; fin de l'évacuation,
30 mai.
La France consent à lever le blocus de
Pakhoï et de Formose. Il est toutefois
entendu que les deux nations s'interdisent
le droit, jusqu'à la conclusion du traité dé-
finitif, de porter à Formose des troupes
nouvelles ou des munitions de guerre.
Quant à l'évacuation des points occupés
par les troupes françaises dans le nord-est,
elle sera effectuée à une date qui sera dé-
terminée par le traité de paix définitif.
Enfin la France continuera d'exercer le
droit de visite sur les vaisseaux neutres
en haute mer jusqu'à la signature du
traité.
Toutes ces clauses et conditions parais-
sent acceptables et seront certainement
acceptées.
La Chine est-elle réellement animée du
désir de terminer la guerre ?
Ne risquons-nous pas d'être une fois
encore victimes de la duplicité chinoise ?
Toute la question est là.
Il semble aujourd'hui bien certain que
la Chine a été conduite à un arrangement
amiable par des raisons d'ordre très dif-
férent. D'une part, elle est minée par l'état
de guerre.
En second lieu, elle est très inquiète du
mouvement d'hostilité qui se dessine au
Japon contre la prépondérance chinoise.
Enfin elle a subi uue forte pression
de l'Angleterre, qui n'a pas vu sans ap-
préhension les armements considérables
de la France, au moment même où le
conflit anglo-russe paraît être à l'état aigu.
Par toutes ces raisons, il y a de sérieuses
chances pour que les préliminaires de
paix aboutissent à un traité définitif.
Le ministre des affaires étrangères, qui a
pris hier en main la direction effective
de son département, a examiné déjà la va-
lidité des pouvoirs conférés par le Tsong-
li-Yamen à sir Robert Hart, mandataire
officieux de la Chine, et tout donne à pen-
ser qu'il sera prochainement en mesure de
nommer les plénipotentiaires chargés de
suivre les négociations à titre officiel.
En attendant, le gouvernement est ré-
solu à prendre toutes les mesures néces-
saires à l'envoi de renforts au Tonkin. En
cela, il agit prudemment.
Dans le même ordre d'idées, et en vue
de se préparer à un retour offensif de
l'armée chinoise, le général Brière de
l'Isle, à qui sans doute des ordres ont été
envoyés, a porté ses avant-postes à trente
kilomètres de Chu et fait réoccuper les
cols de Deovan et de Doaquan, qui avaient
été abandonnés par la deuxième bri-
gade.
Quant aux Chinois, ils restent station-
naires à Dong-Song, où ils se fortifient
pour nous fermer l'accès de Langson et la
frontière du Kuang-Si.
Sur le fleuve Rouge, ils observent la
même réserve prudente et se bornent à
lancer en avant des bandes de pirates, à
qui ils livrent, à défaut de vivres à leur
donner, des villages à piller.
De part et d'autre donc, on reste sur la
défensive.
Il semble que le rôle des belligérants
13 oit terminé. La parole est maintenant aux
diplomates — sauf accident.
Louis HENRIQUE.
—————————— ——————————
ÇA ET LA
La politique devient plus calme. Les
affaires chinoises prennent une bonne
tournure, et il n'est vraiment pas encore
question de renverser le cabinet. Sa
lune de miel n'a pas perdu un seul de
ses rayons. Je n'en suis pas fâché, car,
libres d'esprit, nous pouvons nous oc-
cuper d'une quantité de choses qui ont
leur prix, et qui disparaissent d'un jour-
nal quand l'impérieuse politique s'en
empare en maîtresse du jour.
Dans ces notes, où nous causons avec
les lecteurs et où les lecteurs parlent
souvent pour nous, car le XIXe Siècle
ne saurait perdre sa bonne coutume de
prendre des idées de toutes mains et
d'en faciliter la discussion, je dois don-
ner la place d'honneur à la lettre sui-
vante, que je reçois :
Paris, le 7 avril 1885.
Monsieur le rédacteur,
La lecture du compte rendu de notre assem-
blée générale annuelle que contenait votre
numéro du 31 mars dernier vient de détermi-
ner un don de 400 francs au profit de notro
Association.
D'après le désir exprimé par notre géné-
reux donateur qui a gardé l'anonyme, nous
avons l'honneur de lui accuser réception, par
la voie de votre journal, de ladite somme de
400 francs et de lui exprimer toute notre re-
connaissance.
Veuillez, monsieur le rédacteur, avec tous
nos remerciements pour le bienveillant con-
cours de votre publicité, agréer l'assurance
de nos sentiments les plus distingués.
Les membres du comité directeur,
A. BLEGH, WOIRHAYE, Dr THORENS,
ED. SIEBECKER.
Rien ne nous fait plus de plaisir que
d'apprendre ainsi que nous avons été
utiles à une belle œuvre. Nous remer- -
cions le donateur généreux, et nous le
remercions d'avoir pris le XIXe Siècle
pour intermédiaire d'une bonne action.
J'ajoute avec un égal plaisir que je
reçois de nombreuses adhésions à l'idée
de former des bibliothèques pour nos
soldats en campagne. J'en ai reçu d'é-
diteurs, de particuliers; j'en attends de
mes confrères qui reçoivent, dans les
journaux, beaucoup de livres en double.
Mais on comprend qu'il faut quelques
jours pour savoir la suite à donner à
l'idée que le X/XG Siècle a accueillie et
en déterminer les applications pratiques.
Cela sera fait.
■k
* *
Si les Chinois mettent les pouces,
comme on dit, c'est qu'ils n'ont plus
d'argent. Le dieu de la guerre, c'est
toujours le farouche Mars, qui inspire
du courage aux guerriers, mais c'est
aussi le vieux Plutus, dieu de la ri-
chesse. Sans argent, l'outillage moderne
de la guerre, si coûteux, n'est pas pos-
sible ; et, à l'heure où, tout en espérant
la paix nous devons nous tenir prêts à
la guerre, il est bon de constater notre
puissance financière.
C'est pour cela que, bien que n'étant
pas grand clerc en finances, je regarde
comme un symptôme - excellent ce qui
se passe chez nous. Le Crédit foncier
avait annoncé pour le 9, aujourd'hui,
une émission d'obligations, et, malgré
les fluctuations de la Bourse, on peut
assurer déjà que l'affaire sera faite dans
les plus brillantes conditions pour les
souscripteurs.
Le Crédit foncier est, quand on re-
garde les choses d'un peu haut, un des
plus puissants, le plus puissant peut-
être des instruments pour la démo-
cratisation du crédit. Il a pour but de
mobiliser la fortune par l'emprunt hypo-
thécaire, c'est-à-dire de donner au tra-
vail le capital inactif. Faire « travail-
ler l'argent », comme disent les écono-
mistes, est la formule moderne et l'é-
pargne, jadis passive pour ainsi dire, se
fait active. C'est dans cette activité de
l'épargne que gît le secret de notre puis-
sance financière.
Feuilleton du XIXc SIÈCLE
Du 9 Avril 1885
Chronique Scientifique
LE CONGRÈS FRANÇAIS DE CHIRURGIE
É
C'est un médecin de Bordeaux, le doc-
teur Démons, qui a eu l'idée de fonder un
« congrès français de chirurgie ». Certes,
les réunions périodiques où les médecins
avaient l'occasion d'échanger leurs obser-
vations et de communiquer leurs tra-
vaux, étaient nombreuses et fréquen-
tes : d'abord, au mois d'août, tous les
ans, la session de l'Association française
pour l'avancement des sciences, associa-
tion qui renferme une section de médecine
et de chirurgie; puis, à Pâques, le con-
grès des Sociétés savantes ; de quatre ans
en quatre ans, le congrès -international
des sciences médicales et chirurgicales ;
enfin, de deux ans en deux ans, le Congrès
international d'hygiène et de démographie,
où l'on discute assez volontiers quelques-
unes des grandes questions de la chirurgie
contemporaine dans leurs rapports avec
1 hygiène publique.
Mais les chirurgiens ont voulu avoir un
congrès qui leur fût propre et, tout de
suite, quand M. Demons a soumis son idée
il sc3 confrères, ceux-ci l'ont accueillie et
mise en pratique. Trois mois ont suffi au
comité d'organisation pour recueillir les
sdhésions nécessaires et les fonds suffi-
sants et, lundi dernier, à neuf heures et
demie du matin, deux cents chirurgiens
parisiens, provinciaux ou étrangers, assis-
taient, dans le petit amphithéâtre de l'E-
cole de médecine, sous la présidence de
M. le professeur Ulysse Trélatà, la séance
d'ouverture du « premier congrès français
de chirurgie ».
X
M. U. Trélat est né président. Il a pour
diriger les discussions l'indispensable au-
torité, le grand savoir, la prompte et spi-
rituelle repartie ; il dit bien et avec force ;
son éloquence est vive, originale, très
française de tour et d'allure. Je ne sais
aucun de nos maîtres qu'on écoute plus
volontiers et plus utilement ; il pare d'une
couleur saisissante des descriptions arides,
ne tombe jamais dans la banalité et tient
en maigre estime les interminables dis-
cours. En quatre mots, il a rappelé les
origines du congrès et la part que la So-
ciété de chirurgie a prise à sa fondation,
remercié les étrangers que cette session
a attirés à Paris, passé en revue les quel-
ques découvertes qui, depuis vingt ans,
ont donné à la chirurgie une si puissante
impulsion. « Grâce à Pasteur, à Lister, à
Alphonse Guérin, les limites de la chirur-
gie, ont été reculées et son règne s'est af-
fermi. Mais dans cette rénovation, dans
cette extension rapide où les nations et les
individus ont progressé dans le sens de
leur aptitudesnaturelles, la France est elle
restée à la hauteur de sa vieille réputation ?
Certes ! et la chirurgie française, toujours
digne d'elle-même et essentiellement indi-
catrice, s'avance d'un pas sûr dans la voie
du progrès, défiante autant des résistances
surannées et rétrogrades que des audaces
infructueuses et des entraînements irréflé-
chis. »
Tandis qu'on applaudissait encore cette
brillante allocution, M. Trélat donnait la
parole à M. le Dr Gros's, de Nancy, pour
faire une communication sur la « tarsoto-
mie postérieure des pieds-bots anciens. »
X
M. Gross a exposé d'abord les divers
procédés usités dans le traitement des
pieds-bots et, tout en l'écoutant, cet admi-
rable chapitre me revenait en mémoire
dans lequel Gustave Flaubert raconte l'o-
pération du stréphopode; garçon d'au-
berge, par l'officier de santé Bovary. « Or,
puisque c'était un équin, il fallait couper
le tendon d'Achille, quitte à s'en prendre
plus tard au muscle tibial antérieur pour
se débarrasser du varus. » Mais depuis
l'époque où le Dr Flaubert, chirurgien à
Rouen, donnait à son fils pour sa « littéra-
ture » les documents précis sans lesquels
celui-ci n'eût pas voulu écrire, le traite-
ment du pied-bot a subi des modifications
importantes. La tarsotomie notamment,
dont parle M. Gross, est de date récente et
son manuel opératoire n'est pas encore
nettement établi.
M. Gross, qui depuis 1883 a traité par
la tarsotomie trois pieds-bots invétérés,
extirpe l'astragale et résèque l'extrémité
antérieure du calcanéum. Les résultats
qu'il a obtenus sont satisfaisants et le re-
dressement du pied se fait à angle droit ;
parfois il existe une légère déviation du
pied en dedans, mais on peut corriger
cette défectuosité par l'emploi d'un appa-
reil redresseur ; de plus, la plante du pied
appuie" sur le sotpar le talon et l'extrémité
antérieure.
Cette combinaison de l'extirpation de
l'astragale avec la résection du calcanéum
donne des résultats définitifs bien supé-
rieurs à ceux obtenus par l'extirpation
seule; aussi M. Gross la conseille-t-il
comme opération de choix ; de plus elle ne
fait courir aucun risque au malade si l'on
a soin de la faire avec toutes les précau-
tions antiseptiques convenables. Elle res-
titue au pied la forme normale; les mouve-
ments sont rétablis et la récidive de l'infir-
mité paraît peu probable.
X
Après M. Gross, M. Ollier communique
un mémoire sur la « tarsectomie ».
La question des résections du pied en-
visagée d'une manière générale est très
contestée et d'ailleurs très contestable. Les
résections partielles ou ablations partielles
des os du pied ont été faites depuis long-
temps et Moreau avait à la fin du siècle
dernier enlevé le cuboïde et une partie de
l'astragale. Mais cette opération n'est las
acceptée par la majorité des chirurgiens et
beaucoup d'entre eux préfèrent nettement
l'amputation : il est des cas cependant où
la chirurgie conservatrice a son utilité.
M. Ollier se réservant d'aborder dans
une séance ultérieure la question de la
tarsectomie postérieure totale, étudie seu-
lement la tarsectomie antérieure.
« En 1874, dit-il, j'ai fait sur ce point
une communication au congrès de Lille.
Je préférais aux résections typiques les
résections atypiques, opérations irrégu-
lières, consistant en ablations d'os mala-
des suivies de cautérisations. Je ne renie
pas mes principes d'alors, mais je crois
qu'il faut les modifier et que dans certai-
nes circonstances les résections typiques
sont préférables. Au point de vue des ré-
sultats, ce qui constitue la difficulté, c'est
la multiplicité des articulations ; on n'est
jamais sûr d'une opération radicale.
» La tarsectomie antérieure n'est pas
une opération facile, mais elle est sou-
mise à des règles sûres qui permettent de
faire cette ablation d'une manière certaine
et sans aucun danger. Je l'ai faite plu-
sieurs fois dans ces dernières années. »
Et après avoir indiqué le manuel opéra-
toire (que ceux de nos lecteurs que cette
question intéresse trouveront décrit ton;
au long l'excellent compte rendu in-ex-
tenso de la Semaine médicale), M. Ollier
présente des moulages indiquant les résul-
tats qu'il a obtenus.
« Un de mes malades opérés, ajoute-t-il,
fait 15, 20, 30 kilomètres de marche. Et si
nous poussons plus loin l'analyse physio-
logique de ce pied ainsi constitué, nous
voyons que les opérés peuvent acquérir
une solidité de toutes les articulations in-
téressées. Pour le constater, il faut enga-
ger l'opéré à se soulever sur la pointe du
du pied. Ce malade, dont je vous par-
lais, peut déjà se soulever sur le pied
malade ; il reste quelque temps soulevé
sur la pointe des orteils. C'est la meilleure
preuve de la solidité et du bon fonctionne-
ment du pied.
« Cette opération n'est pas grave avec la
méthode antiseptique. De mes divers opé-
rés, aucun n'est mort. Un seul a dû être
amputé. Il s'agissait d'un tuberculeux : il
voulait que je lui conserve*feon pied ; c'est
malgré moi que je fis l'opération ; il parut
guérir pendant quelque temps: mais j'ai
dû couper le pied quelques mois plus tard.
Cette circonstance de la nature tubercu-
leuse de la lésion est la principale contre-
indication de l'opération.
» J'ai dit qu'il faut limiter cette opération
aux adolescents. Voici cependant un ma-
lade de quarante-six ans sur lequel j'avais
fait l'opération un peu malgré moi; elle
date de janvier 1883. Aujourd'hui, contre
mon espérance, il a conservé son pied et
sa tuberculose n'a pas marché; il n'y a
donc pas de règle absolue à cet égard. L'o-
pération est applicable aux ostéites, et en
particulier aux ostéo-arthrites de l'adoles-
cence. »
X
M. Panas lit une observation relative à
une exostose du frontal.
Il s'agit d'une jeune fille de dix-huit ans
qui présentait, au moment où M. Panas
la vit, une tumeur intra-orbitaire fai-
sant saillie au dehors et ayant déterminé
une chute de l'œil en bas et en dehors. La
ponction de la tumeur ayant montré qu'il
s'agissait d'une exostose du frontal, il fut
décidé que l'on en pratiquerait l'extirpa-
tion. Pour cela, après avoir ouvert le si-
nus frontal, on essaya de sculpter la tu-
meur, mais sa consistance était telle que
les instruments n'avaient aucune prise sur
elle, et que finalement on dut laisser l'o-
pération incomplète.
La malade succomba au bout de cinq
jours, aux suites d'une méningo-encépha-
lite. A l'autopsie, on constata que la tu-
meur, de consistance marmoréenne, fai-
sait corps avec le frontal, et qu'elle pous-
sait des prolongements intra-crâniens.
Ce fait prouve qu'il y a lieu de re viser
l'opinion qui a cours au point de vue du
pronostic de ces sortes de tumeurs. L'on
sait en effet que, depuis les travaux de
Dolbeau sur cette question, les exostoses
des sinus sont considérées comme béni-
gnes; l'observation dont il vient d'être
question montre que, dans un certain
nombre de cas tout au moins, elles acquiè-
rent une gravité exceptionnelle.
M. Demons fait une communication re-
lative à la méthode qu'il convient d'em-
ployer pour remédier au genu valgum.
D'après ses expériences personnelles, il
proclame la supériorité de l'ostéoclasie
par le procédé de Robin sur l'ostéotomie.
La séance est levée.
X
M. Ollier, vice-président, préside la
séance de mardi et donne la parole à M.
Abadie (de Paris) qui étudie l'influence
respective des microbes ou des diathèses
sur les complications pouvant surve-
nir à la suite des plaies, sur la plaie elle-
même d'abord, sur le reste de l'organisme.
ensuite.
L'influence des diathèses sur la guéri-
son des plaies est infiniment moins impor-
tante que le facteur infection miwbienne,
ou, en d'autres termes, les complications
des plaies dépendent bien plus des con-
ditions extrinsèques de l'individu que des
conditions intrinsèques. C'est-à-dire que,
d'après M. Abadie, il est plus dangereux
d'ouvrir l'articulation du genou à l'homme
le plus sain sans prendre de précautions
antiseptiques qu'au diathésique le plus
avéré dont la plaie sera soigneusement
mise à l'abri du contact des germes.
L'œil est l'organe qui permet le mieux
de vérifier cette proposition :
Les opérations de cataracte montrent
que la constitution du sujet, son état dia-
thésique, sa décrépitude même, n'ont
qu'une influence à peu près nulle sur les
succès et les revers. Des individuhétifs.
misérables, très âgé, guérissent alors que
chez d'autres, dans d'excellentes condi-
tions, on a des suppurations de la cornée,
voire même des phlegmons de l'œil.
Cette différence, qui ne peut s'expliquer
par l'état général des opérés, s'explique fa-
cilement au contraire si l'on admet que,
toutes les fois que la plaie suppure après
l'opération de la cataracte, c'est qu'elle a
été infectée par des micro-organismes. La
preuve, c'est que, depuis que l'on a eu
soin de désinfecter les instruments, de
nettoyer l'œil avant et après l'opération,
de tarir la suppuration du Sac lacrymal ou
des voies lacrymales, les suppurations de-
viennent de plus en plus rares, bien qu'on
opère indistinctement un grand nombre
de diathésiques.
Si donc l'influence microbienne joue un
si grand rôle dans les complications des
plaies, alors que l'influence diathésique est
relativement minime, il faudra s'attacher
à éviter les inoculations au moment de
l'opération, pendant la durée de la cica-
trisation, et écarter la présence des germes
de l'atmosphère autour des plaies de toute
nature.
Ces résultats pourront être obtenus en
installant dans chaque hôpital une salle
spéciale, consacrée aux opérations, dans la-
quelle on n'entrerait Qu'après avoir pris
Prix du numéro à Paris ; 15 ceif * — départements : 20 centimes
Jeudi 9 Avril 1885
1 ILI
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
16, rue Cadet, 16
Les Manuscrits non insérésm seront pas rendus
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Six mois -38 '-.,
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Egyptienne. 336 87, 335, 335 31.
Hongrois 79 5/8,11/16, 5/8.
BULLETIN
- -re':
La nouvelle de la paix probable avec la
Chine est le grand événement d'aujour-
d'hui. Nous apprécions plus loin les con-
ditions de cette paix, et nous donnons les
commentaires qu'elle suggère au Times.
Le War-Office a reçu une dépêche an-
nonçant que Handoub a été occupé ce ma-
tin sans résistance par les troupes an-
glaises.
Le journal persan Sherns reçoit de Me-
shed la nouvelle que les Russes auraient
demandé au schah de Perse de les auto-
riser, en cas de guerre, à faire passer leurs
troupes, ainsi que leurs approvisionne-
ments et leurs munitions, le long de la rive
gauche de l'Atrek. On ignore encore la ré-
ponse du schah. Si cette permission était
accordée aux troupes russes, elle leur four-
nirait une voie facile et directe pour se
rendre à Hérat.
On assure que Musurus-Pacha a été
chargé de faire de nouvelles réserves au
sujet de l'arrangement financier égyp-
tien :
1° En ce qui concerne la création éveni
tuelle d'une commission d'enquête dans
deux ans, la Porte réserve jusqu'à cette
époque sa liberté d'appréciation ;
20 La Porte demande qu'il soit bien sti-
pulé que le service du nouvel emprunt
n'affectera en rien le tribut qui lui est
payable.
On mande du Caire que la police égyp-
tienne a signifié au Bosphore un décret de
suspension. Les portes de l'imprimerie du
journal ont été brisées et l'imprimerie a
été occupée par la police.
Le consulat et le consulat général ont
protesté au civil et par voie diplomatique
contre cette violation de domicile.
QUESTION DU JOUR
La liberté électorale
M. le président du conseil a résumé
en peu de mots tout le devoir d'un
gouvernement républicain en face des
élections générales. « Nous mettrons
notre honneur à assurer des élections
libres, loyales et sincères. Plus cette
manifestation du suffrage universel sera
spontanée et indépendante, plus la Ré-
publique en sera fortifiée et plus puis-
samment cimentée l'union entre répu-
blicains. » On ne peut mieux dire ; ce
sont là en effet et la règle et le but ;
mais iL ne faudrait pas penser qu'il soit
déjà si facile « d'assurer des élections
libres, loyales et sincères », dans un
pays où le principe de la souveraineté
nationale compte encore tant d'ennemis
acharnés.
M. Brisson a trop d'esprit politique
pour n'être pas le premier à comprendre
les difficultés d'application de la règle
qu'il a si nettement posée. Si nous avions
une république idéale, où l'éducation de
la démocratie ne laissât plus rien à dési-
rer, où les idées de liberté, de droit, de
justice, d'égalité, fussent l'objet d'un
respect universel, où tous les citoyens,
comme le gouvernement lui-même, n'au-
raient qu'un but : assister au spectacle
magnifique de la souveraineté nationale
s'épanouissant dans toute sa pureté et
sa splendeur ; si nous avions cette Ré-
publique-là, oh ! à coup sûr, ce serait
bien simple ! Le gouvernement n'aurait
qu'à se croiser les bras en considérant
les étoiles, si toutefois nous avions en-
core besoin d'un gouvernement quel-
conque.
Mais le parti républicain doit savoir
et comprendre qu'il est entouré de li-
gues et de coalitions pour lesquelles le
droit de la conscience politique, la li-
berté électorale de chacun et la souve-
raineté du peuple entier sont des mots
vides de sens. La réaction se prépare à
mettre en œuvre, dans la prochaine
campagne électorale, tous les moyens
d'intimidation, de pression et de cor-
ruption que peut lui procurer sa puis-
sance territoriale, industrielle et finan-
cière. Les ennemis de la République ne
reculeront devant aucun scrupule : ils
descendront aux moyens les plus bas.
Combien de fois n'avons-nous pas vu
dans les villes, et surtout dans les cam-
pagnes, les pauvres, les faibles, les
malheureux, les ignorants, tous ceux
qui n'ont point de défense, placés cruel-
lement par des tyrans de village entre
leur vote et leur pain? Nous ne connais-
sons pas de système de candidatures
officielles plus terrible que celle-là. On
l'appliquera, soyez-en certains, — et
nous en avons déjà les preuves, — avec
une impitoyable rigueur partout où la
réaction ose encore agir au grand jour.
Vous voulez donc que le gouverne-
ment oppose pression à pression, inti-
midation à intimidation, corruption à
corruption ? Nous ne voulons qu'une
chose, celle que M. le président du con-
seil a dite du haut de la tribune, avec
l'autorité qui lui appartient ; nous vou-
lons que le gouvernement assure des
élections libres, sincères et loyales. Et
pour cela que faut-il que le gouverne-
ment fasse ? Il faut d'abord et avant
j t 1 - - - - -- L _---_-.
tout que le gouvernement gouverne,
que le gouvernement soit, qu'il existe,
qu'on le sente, qu'on l'aperçoive par-
tout présent et agissant ; il faut que le
gouvernement-porte dans les préfectu-
res les plus reculées le respect de la
République, autrement dit le respect de
la souveraineté nationale.
M. le président du conseil, et à côté
de lui M. Allain-Targé, ministre de l'in-
térieur, sont, à coup sûr, trop pénétrés
de ces maximes, qui ont toujours été
celles du parti républicain, pour n'en
pas comprendre aussi bien et mieux
que nous l'importance. La longue pra-
tique du scrutin d'arrondissement, on
l'a dit plus d'une fois, a introduit un
certain laisser-aller non seulement dans
les mœurs électorales, mais aussi dans
-les mœurs administratives. Chaque élu
d'arrondissement s'est considéré en fait
et èn vérité comme le représentant de
la France, et, chaque fois que cet élu a
été un royaliste, un bonapartiste, un
clérical, il est apparu aux environs, aux
yeux des paysans ravis et même aux yeux
des fonctionnaires ébahis, comme la
véritable incarnation de la monarchie
ressuscitée.
De là, on a vu en plus d'un canton pré-
valoir une politique, une administra-
tion, une direction d'ensemble absolu-
ment monarchique et réactionnaire.
Cette conséquence d'un scrutin local,
d'un scrutin sans portée et sans mora-
lité, paraissait presque légitime. On
disait : Que voulez-vous? Le député est
bonapartiste, le conseiller général est
royaliste. L'autorité dont ils sont revê-
tus n'a-t-elle pas cependant droit à tous
les égards? Ne sont-ce pas des repré-
sentants du suffrage universel et de la
souveraineté nationale ?
Le scrutin de liste doit avoir, entre
autres avantages, celui de faire cesser
une pareille duperie. Nous sommes dès
à présent, on peut l'affirmer, sous la
loi du scrutin de liste. La politique gé-
nérale du scrutin de liste doit rempla-
cer la politique misérable du scrutin
d'arrondissement. Que le gouvernement
de la République fasse sentir sur toute
l'étendue du territoire sa volonté légi-
time, son action incessante, son dé-
vouement infatigable au pays, sa vigi-
lance toujours en éveil : c'est à cette
condition seulement que nos adversaires
ne violeront pas trop ouvertement et la
liberté des électeurs et les droits du
suffrage universel.
H. DEPASSE.
La Chambre a donné, dès aujourd'hui, un
démenti au programme de conciliation que
le gouvernement lui apportait hier, et qu'elle
avait applaudi avec enthousiasme.
Notre Assemblée est comme Hamlet, prince
de Danemark, qui, raconte Shakespeare,
était fol ou sage, selon que le vent soufflait
du nord ou du sud.
Nos députés avaient un président à choisir
entre trois candidats : l'un, M. Fallières, ex-
ministre, dont la nomination eût été une atté-
nuation juste, légitime et nécessaire à l'em-
portement de la Chambre dans la séance
du 29 ; l'autre, M. Philippoteaux, représentait
la conciliation pure, sans aucune amende
honorable ; le troisième, l'honorable M. Flo-
quet, présentait une candidature qui a pour
signification ou une évolution vers la Gau-
che radicale, — dépassant les vœux du pays
et les nécessités de la politique, — ou. bien
une coalition de rancunes également regret-
table et en contradiction manifeste avec l'es-
prit qu'on prête au cabinet et qui nous l'a fait
bien accueillir.
C'est M. Floquet qui a été élu,
M. Grévy avait été nommé président de la
Chambre, après M. Buffet, par 462 voix sur
468 votants.
M. Gambetta avait obtenu, en octobre 1881,
317 voix sur 364 votants.
M. Brisson, le 3 novembre 1881, était élu
par 347 voix sur 442 votants.
M. Floquet est le président élu de 179 dé-
putés !
Il est temps que les élections se fassent !
*
★ ir
Ceci dit, — sans hostilité contre le nouveau
président, mais par esprit de justice et de
politique, — rappelons la carrière de M. Flo-
quet.
M. Floquet a cinquante-sept ans. Il est le
neveu de M. J. Ferry, ayant épousé la nièce
de Charras. C'est un homme à la figure régu-
lière, l'aspect hautain, portant de gros favo-
ris d'avocat blanchis, avec un air de dignité
que gâte une certaine emphase, fidèle d'ail-
leurs à ses convictions autant qu'à la forme
antique et caractéristique de ses chapeaux.
Les farceurs de la Chambre sont capables de
le forcer à se couvrir pour admirer ses cou-
vre-chef à la 1848 !
* M. Floquet a écrit dans beaucoup de jour-
naux sous l'Empire, avec M. Ferry, M. Cl.
Duvernois, etc., etc., Il commença à se faire
connaître au procès des Treize, où il se mon-
tra fort énergique. On alla jusqu'à saisir chez
lui sa correspondance privée. Les persécu
tions de l'Empire le firent candidat dans l'Hé-
rault en 1864, dans la Côte-d'Or en 1869, mais
il ne fut pas élu.
Je cite, pour mémoire, le grand cri : « Vive
la Pologne, monsieur ! » — poussé au Palais
lors de la visite du tzar.
C'était une sottise. Mais elle ne nuisit pas
à M. Floquet..
En 1872, il fut nommé conseiller municipal
dans le onzième arrondissement par 2,347 voix.
Il fut président du conseil municipal, et, en
février 1876, il entra à la Chambre, député du
onzième arrondissement, avec 21,899 suffra-
ges.
La conduite de M. Floquet, qui siégea à la
Gauche radicale, sur les confins de l'Extrême
Gauche, fut très courageuse pendant la cam-
pagne du 16 Mai. Il fut du comité des 18.
Aussi M. Gambetta l'appela à la préfecture
de la Seine, où il ne resta que six mois.
La Chambre l'avait nommé vice-président,
comme représentant des groupes extrêmes.
Mais en quelle qualité, aujourd'hui, le prend-
elle pour président ?
Ce n'est pas à coup sûr,je le répète, par es-
prit de conciliation, et voilà pourquoi, sans
aucune hostilité contre M. Floquet, nous re-
grettons sa nomination.
H. F.
,«-*0
LA PAIX AVEC LA CHINE
Les nouvelles pacifiques que nous enre-
gistrions hier se confirment. Il est aujour-
d'hui avéré que le 25 mars, à la suite de
négociations qui duraieut depuis plusieurs
semaines, un projet d'arrangement modifié
par le gouvernement français fut expédié
à Pékin et accepté par le gouvernement
chinois, à la date du 31.
Voici quelles sont les bases de cet arran-
gement :
La Chine consent à ratifier la conven-
tion du 11 mai 1884 (traité de Tientsin) ;
la France s'engage, par contre, à ne pas
réclamer d'autres avantages que l'exécu-
tion pleine et entière de cette conven-
tion.
La Chine s'est engagée, en outre, à
prendre la première mesure d'exécution,
en rendant un édit impérial enjoignant
aux troupes chinoises, qui occupent le
territoire du Tonkin de se retirer derrière
la frontière.
On donne comme certain que la Gazette
officielle de Pékin a publié cet édit.
Une convention spéciale doit déterminer
les dates d'évacuation du Tonkin par les
troupes chinoises.
Ainsi que je l'indiquais hier, le retrait
des forces impériales s'effectuera successi-
vement et à des dates différentes, tant pour
l'armée du Kuang-Si que pour l'armée du
Yunnan.
D'après le Temps, à qui j'emprunte ces
renseignements quasi-officiels, les dates
suivantes auraient été proposées par la
Chine et acceptées par la France :
Pour l'armée du Kuang-Si : suspension
des hostilités, 10 avril ; commencement de
l'évacuation, 20 avril ; fin de l'évacuation,
30 avril.
Pour l'armée du Yunnan : suspension
des hostilités, 20 avril ; commencement de
l'évacuation, 30 avril ; fin de l'évacuation,
30 mai.
La France consent à lever le blocus de
Pakhoï et de Formose. Il est toutefois
entendu que les deux nations s'interdisent
le droit, jusqu'à la conclusion du traité dé-
finitif, de porter à Formose des troupes
nouvelles ou des munitions de guerre.
Quant à l'évacuation des points occupés
par les troupes françaises dans le nord-est,
elle sera effectuée à une date qui sera dé-
terminée par le traité de paix définitif.
Enfin la France continuera d'exercer le
droit de visite sur les vaisseaux neutres
en haute mer jusqu'à la signature du
traité.
Toutes ces clauses et conditions parais-
sent acceptables et seront certainement
acceptées.
La Chine est-elle réellement animée du
désir de terminer la guerre ?
Ne risquons-nous pas d'être une fois
encore victimes de la duplicité chinoise ?
Toute la question est là.
Il semble aujourd'hui bien certain que
la Chine a été conduite à un arrangement
amiable par des raisons d'ordre très dif-
férent. D'une part, elle est minée par l'état
de guerre.
En second lieu, elle est très inquiète du
mouvement d'hostilité qui se dessine au
Japon contre la prépondérance chinoise.
Enfin elle a subi uue forte pression
de l'Angleterre, qui n'a pas vu sans ap-
préhension les armements considérables
de la France, au moment même où le
conflit anglo-russe paraît être à l'état aigu.
Par toutes ces raisons, il y a de sérieuses
chances pour que les préliminaires de
paix aboutissent à un traité définitif.
Le ministre des affaires étrangères, qui a
pris hier en main la direction effective
de son département, a examiné déjà la va-
lidité des pouvoirs conférés par le Tsong-
li-Yamen à sir Robert Hart, mandataire
officieux de la Chine, et tout donne à pen-
ser qu'il sera prochainement en mesure de
nommer les plénipotentiaires chargés de
suivre les négociations à titre officiel.
En attendant, le gouvernement est ré-
solu à prendre toutes les mesures néces-
saires à l'envoi de renforts au Tonkin. En
cela, il agit prudemment.
Dans le même ordre d'idées, et en vue
de se préparer à un retour offensif de
l'armée chinoise, le général Brière de
l'Isle, à qui sans doute des ordres ont été
envoyés, a porté ses avant-postes à trente
kilomètres de Chu et fait réoccuper les
cols de Deovan et de Doaquan, qui avaient
été abandonnés par la deuxième bri-
gade.
Quant aux Chinois, ils restent station-
naires à Dong-Song, où ils se fortifient
pour nous fermer l'accès de Langson et la
frontière du Kuang-Si.
Sur le fleuve Rouge, ils observent la
même réserve prudente et se bornent à
lancer en avant des bandes de pirates, à
qui ils livrent, à défaut de vivres à leur
donner, des villages à piller.
De part et d'autre donc, on reste sur la
défensive.
Il semble que le rôle des belligérants
13 oit terminé. La parole est maintenant aux
diplomates — sauf accident.
Louis HENRIQUE.
—————————— ——————————
ÇA ET LA
La politique devient plus calme. Les
affaires chinoises prennent une bonne
tournure, et il n'est vraiment pas encore
question de renverser le cabinet. Sa
lune de miel n'a pas perdu un seul de
ses rayons. Je n'en suis pas fâché, car,
libres d'esprit, nous pouvons nous oc-
cuper d'une quantité de choses qui ont
leur prix, et qui disparaissent d'un jour-
nal quand l'impérieuse politique s'en
empare en maîtresse du jour.
Dans ces notes, où nous causons avec
les lecteurs et où les lecteurs parlent
souvent pour nous, car le XIXe Siècle
ne saurait perdre sa bonne coutume de
prendre des idées de toutes mains et
d'en faciliter la discussion, je dois don-
ner la place d'honneur à la lettre sui-
vante, que je reçois :
Paris, le 7 avril 1885.
Monsieur le rédacteur,
La lecture du compte rendu de notre assem-
blée générale annuelle que contenait votre
numéro du 31 mars dernier vient de détermi-
ner un don de 400 francs au profit de notro
Association.
D'après le désir exprimé par notre géné-
reux donateur qui a gardé l'anonyme, nous
avons l'honneur de lui accuser réception, par
la voie de votre journal, de ladite somme de
400 francs et de lui exprimer toute notre re-
connaissance.
Veuillez, monsieur le rédacteur, avec tous
nos remerciements pour le bienveillant con-
cours de votre publicité, agréer l'assurance
de nos sentiments les plus distingués.
Les membres du comité directeur,
A. BLEGH, WOIRHAYE, Dr THORENS,
ED. SIEBECKER.
Rien ne nous fait plus de plaisir que
d'apprendre ainsi que nous avons été
utiles à une belle œuvre. Nous remer- -
cions le donateur généreux, et nous le
remercions d'avoir pris le XIXe Siècle
pour intermédiaire d'une bonne action.
J'ajoute avec un égal plaisir que je
reçois de nombreuses adhésions à l'idée
de former des bibliothèques pour nos
soldats en campagne. J'en ai reçu d'é-
diteurs, de particuliers; j'en attends de
mes confrères qui reçoivent, dans les
journaux, beaucoup de livres en double.
Mais on comprend qu'il faut quelques
jours pour savoir la suite à donner à
l'idée que le X/XG Siècle a accueillie et
en déterminer les applications pratiques.
Cela sera fait.
■k
* *
Si les Chinois mettent les pouces,
comme on dit, c'est qu'ils n'ont plus
d'argent. Le dieu de la guerre, c'est
toujours le farouche Mars, qui inspire
du courage aux guerriers, mais c'est
aussi le vieux Plutus, dieu de la ri-
chesse. Sans argent, l'outillage moderne
de la guerre, si coûteux, n'est pas pos-
sible ; et, à l'heure où, tout en espérant
la paix nous devons nous tenir prêts à
la guerre, il est bon de constater notre
puissance financière.
C'est pour cela que, bien que n'étant
pas grand clerc en finances, je regarde
comme un symptôme - excellent ce qui
se passe chez nous. Le Crédit foncier
avait annoncé pour le 9, aujourd'hui,
une émission d'obligations, et, malgré
les fluctuations de la Bourse, on peut
assurer déjà que l'affaire sera faite dans
les plus brillantes conditions pour les
souscripteurs.
Le Crédit foncier est, quand on re-
garde les choses d'un peu haut, un des
plus puissants, le plus puissant peut-
être des instruments pour la démo-
cratisation du crédit. Il a pour but de
mobiliser la fortune par l'emprunt hypo-
thécaire, c'est-à-dire de donner au tra-
vail le capital inactif. Faire « travail-
ler l'argent », comme disent les écono-
mistes, est la formule moderne et l'é-
pargne, jadis passive pour ainsi dire, se
fait active. C'est dans cette activité de
l'épargne que gît le secret de notre puis-
sance financière.
Feuilleton du XIXc SIÈCLE
Du 9 Avril 1885
Chronique Scientifique
LE CONGRÈS FRANÇAIS DE CHIRURGIE
É
C'est un médecin de Bordeaux, le doc-
teur Démons, qui a eu l'idée de fonder un
« congrès français de chirurgie ». Certes,
les réunions périodiques où les médecins
avaient l'occasion d'échanger leurs obser-
vations et de communiquer leurs tra-
vaux, étaient nombreuses et fréquen-
tes : d'abord, au mois d'août, tous les
ans, la session de l'Association française
pour l'avancement des sciences, associa-
tion qui renferme une section de médecine
et de chirurgie; puis, à Pâques, le con-
grès des Sociétés savantes ; de quatre ans
en quatre ans, le congrès -international
des sciences médicales et chirurgicales ;
enfin, de deux ans en deux ans, le Congrès
international d'hygiène et de démographie,
où l'on discute assez volontiers quelques-
unes des grandes questions de la chirurgie
contemporaine dans leurs rapports avec
1 hygiène publique.
Mais les chirurgiens ont voulu avoir un
congrès qui leur fût propre et, tout de
suite, quand M. Demons a soumis son idée
il sc3 confrères, ceux-ci l'ont accueillie et
mise en pratique. Trois mois ont suffi au
comité d'organisation pour recueillir les
sdhésions nécessaires et les fonds suffi-
sants et, lundi dernier, à neuf heures et
demie du matin, deux cents chirurgiens
parisiens, provinciaux ou étrangers, assis-
taient, dans le petit amphithéâtre de l'E-
cole de médecine, sous la présidence de
M. le professeur Ulysse Trélatà, la séance
d'ouverture du « premier congrès français
de chirurgie ».
X
M. U. Trélat est né président. Il a pour
diriger les discussions l'indispensable au-
torité, le grand savoir, la prompte et spi-
rituelle repartie ; il dit bien et avec force ;
son éloquence est vive, originale, très
française de tour et d'allure. Je ne sais
aucun de nos maîtres qu'on écoute plus
volontiers et plus utilement ; il pare d'une
couleur saisissante des descriptions arides,
ne tombe jamais dans la banalité et tient
en maigre estime les interminables dis-
cours. En quatre mots, il a rappelé les
origines du congrès et la part que la So-
ciété de chirurgie a prise à sa fondation,
remercié les étrangers que cette session
a attirés à Paris, passé en revue les quel-
ques découvertes qui, depuis vingt ans,
ont donné à la chirurgie une si puissante
impulsion. « Grâce à Pasteur, à Lister, à
Alphonse Guérin, les limites de la chirur-
gie, ont été reculées et son règne s'est af-
fermi. Mais dans cette rénovation, dans
cette extension rapide où les nations et les
individus ont progressé dans le sens de
leur aptitudesnaturelles, la France est elle
restée à la hauteur de sa vieille réputation ?
Certes ! et la chirurgie française, toujours
digne d'elle-même et essentiellement indi-
catrice, s'avance d'un pas sûr dans la voie
du progrès, défiante autant des résistances
surannées et rétrogrades que des audaces
infructueuses et des entraînements irréflé-
chis. »
Tandis qu'on applaudissait encore cette
brillante allocution, M. Trélat donnait la
parole à M. le Dr Gros's, de Nancy, pour
faire une communication sur la « tarsoto-
mie postérieure des pieds-bots anciens. »
X
M. Gross a exposé d'abord les divers
procédés usités dans le traitement des
pieds-bots et, tout en l'écoutant, cet admi-
rable chapitre me revenait en mémoire
dans lequel Gustave Flaubert raconte l'o-
pération du stréphopode; garçon d'au-
berge, par l'officier de santé Bovary. « Or,
puisque c'était un équin, il fallait couper
le tendon d'Achille, quitte à s'en prendre
plus tard au muscle tibial antérieur pour
se débarrasser du varus. » Mais depuis
l'époque où le Dr Flaubert, chirurgien à
Rouen, donnait à son fils pour sa « littéra-
ture » les documents précis sans lesquels
celui-ci n'eût pas voulu écrire, le traite-
ment du pied-bot a subi des modifications
importantes. La tarsotomie notamment,
dont parle M. Gross, est de date récente et
son manuel opératoire n'est pas encore
nettement établi.
M. Gross, qui depuis 1883 a traité par
la tarsotomie trois pieds-bots invétérés,
extirpe l'astragale et résèque l'extrémité
antérieure du calcanéum. Les résultats
qu'il a obtenus sont satisfaisants et le re-
dressement du pied se fait à angle droit ;
parfois il existe une légère déviation du
pied en dedans, mais on peut corriger
cette défectuosité par l'emploi d'un appa-
reil redresseur ; de plus, la plante du pied
appuie" sur le sotpar le talon et l'extrémité
antérieure.
Cette combinaison de l'extirpation de
l'astragale avec la résection du calcanéum
donne des résultats définitifs bien supé-
rieurs à ceux obtenus par l'extirpation
seule; aussi M. Gross la conseille-t-il
comme opération de choix ; de plus elle ne
fait courir aucun risque au malade si l'on
a soin de la faire avec toutes les précau-
tions antiseptiques convenables. Elle res-
titue au pied la forme normale; les mouve-
ments sont rétablis et la récidive de l'infir-
mité paraît peu probable.
X
Après M. Gross, M. Ollier communique
un mémoire sur la « tarsectomie ».
La question des résections du pied en-
visagée d'une manière générale est très
contestée et d'ailleurs très contestable. Les
résections partielles ou ablations partielles
des os du pied ont été faites depuis long-
temps et Moreau avait à la fin du siècle
dernier enlevé le cuboïde et une partie de
l'astragale. Mais cette opération n'est las
acceptée par la majorité des chirurgiens et
beaucoup d'entre eux préfèrent nettement
l'amputation : il est des cas cependant où
la chirurgie conservatrice a son utilité.
M. Ollier se réservant d'aborder dans
une séance ultérieure la question de la
tarsectomie postérieure totale, étudie seu-
lement la tarsectomie antérieure.
« En 1874, dit-il, j'ai fait sur ce point
une communication au congrès de Lille.
Je préférais aux résections typiques les
résections atypiques, opérations irrégu-
lières, consistant en ablations d'os mala-
des suivies de cautérisations. Je ne renie
pas mes principes d'alors, mais je crois
qu'il faut les modifier et que dans certai-
nes circonstances les résections typiques
sont préférables. Au point de vue des ré-
sultats, ce qui constitue la difficulté, c'est
la multiplicité des articulations ; on n'est
jamais sûr d'une opération radicale.
» La tarsectomie antérieure n'est pas
une opération facile, mais elle est sou-
mise à des règles sûres qui permettent de
faire cette ablation d'une manière certaine
et sans aucun danger. Je l'ai faite plu-
sieurs fois dans ces dernières années. »
Et après avoir indiqué le manuel opéra-
toire (que ceux de nos lecteurs que cette
question intéresse trouveront décrit ton;
au long l'excellent compte rendu in-ex-
tenso de la Semaine médicale), M. Ollier
présente des moulages indiquant les résul-
tats qu'il a obtenus.
« Un de mes malades opérés, ajoute-t-il,
fait 15, 20, 30 kilomètres de marche. Et si
nous poussons plus loin l'analyse physio-
logique de ce pied ainsi constitué, nous
voyons que les opérés peuvent acquérir
une solidité de toutes les articulations in-
téressées. Pour le constater, il faut enga-
ger l'opéré à se soulever sur la pointe du
du pied. Ce malade, dont je vous par-
lais, peut déjà se soulever sur le pied
malade ; il reste quelque temps soulevé
sur la pointe des orteils. C'est la meilleure
preuve de la solidité et du bon fonctionne-
ment du pied.
« Cette opération n'est pas grave avec la
méthode antiseptique. De mes divers opé-
rés, aucun n'est mort. Un seul a dû être
amputé. Il s'agissait d'un tuberculeux : il
voulait que je lui conserve*feon pied ; c'est
malgré moi que je fis l'opération ; il parut
guérir pendant quelque temps: mais j'ai
dû couper le pied quelques mois plus tard.
Cette circonstance de la nature tubercu-
leuse de la lésion est la principale contre-
indication de l'opération.
» J'ai dit qu'il faut limiter cette opération
aux adolescents. Voici cependant un ma-
lade de quarante-six ans sur lequel j'avais
fait l'opération un peu malgré moi; elle
date de janvier 1883. Aujourd'hui, contre
mon espérance, il a conservé son pied et
sa tuberculose n'a pas marché; il n'y a
donc pas de règle absolue à cet égard. L'o-
pération est applicable aux ostéites, et en
particulier aux ostéo-arthrites de l'adoles-
cence. »
X
M. Panas lit une observation relative à
une exostose du frontal.
Il s'agit d'une jeune fille de dix-huit ans
qui présentait, au moment où M. Panas
la vit, une tumeur intra-orbitaire fai-
sant saillie au dehors et ayant déterminé
une chute de l'œil en bas et en dehors. La
ponction de la tumeur ayant montré qu'il
s'agissait d'une exostose du frontal, il fut
décidé que l'on en pratiquerait l'extirpa-
tion. Pour cela, après avoir ouvert le si-
nus frontal, on essaya de sculpter la tu-
meur, mais sa consistance était telle que
les instruments n'avaient aucune prise sur
elle, et que finalement on dut laisser l'o-
pération incomplète.
La malade succomba au bout de cinq
jours, aux suites d'une méningo-encépha-
lite. A l'autopsie, on constata que la tu-
meur, de consistance marmoréenne, fai-
sait corps avec le frontal, et qu'elle pous-
sait des prolongements intra-crâniens.
Ce fait prouve qu'il y a lieu de re viser
l'opinion qui a cours au point de vue du
pronostic de ces sortes de tumeurs. L'on
sait en effet que, depuis les travaux de
Dolbeau sur cette question, les exostoses
des sinus sont considérées comme béni-
gnes; l'observation dont il vient d'être
question montre que, dans un certain
nombre de cas tout au moins, elles acquiè-
rent une gravité exceptionnelle.
M. Demons fait une communication re-
lative à la méthode qu'il convient d'em-
ployer pour remédier au genu valgum.
D'après ses expériences personnelles, il
proclame la supériorité de l'ostéoclasie
par le procédé de Robin sur l'ostéotomie.
La séance est levée.
X
M. Ollier, vice-président, préside la
séance de mardi et donne la parole à M.
Abadie (de Paris) qui étudie l'influence
respective des microbes ou des diathèses
sur les complications pouvant surve-
nir à la suite des plaies, sur la plaie elle-
même d'abord, sur le reste de l'organisme.
ensuite.
L'influence des diathèses sur la guéri-
son des plaies est infiniment moins impor-
tante que le facteur infection miwbienne,
ou, en d'autres termes, les complications
des plaies dépendent bien plus des con-
ditions extrinsèques de l'individu que des
conditions intrinsèques. C'est-à-dire que,
d'après M. Abadie, il est plus dangereux
d'ouvrir l'articulation du genou à l'homme
le plus sain sans prendre de précautions
antiseptiques qu'au diathésique le plus
avéré dont la plaie sera soigneusement
mise à l'abri du contact des germes.
L'œil est l'organe qui permet le mieux
de vérifier cette proposition :
Les opérations de cataracte montrent
que la constitution du sujet, son état dia-
thésique, sa décrépitude même, n'ont
qu'une influence à peu près nulle sur les
succès et les revers. Des individuhétifs.
misérables, très âgé, guérissent alors que
chez d'autres, dans d'excellentes condi-
tions, on a des suppurations de la cornée,
voire même des phlegmons de l'œil.
Cette différence, qui ne peut s'expliquer
par l'état général des opérés, s'explique fa-
cilement au contraire si l'on admet que,
toutes les fois que la plaie suppure après
l'opération de la cataracte, c'est qu'elle a
été infectée par des micro-organismes. La
preuve, c'est que, depuis que l'on a eu
soin de désinfecter les instruments, de
nettoyer l'œil avant et après l'opération,
de tarir la suppuration du Sac lacrymal ou
des voies lacrymales, les suppurations de-
viennent de plus en plus rares, bien qu'on
opère indistinctement un grand nombre
de diathésiques.
Si donc l'influence microbienne joue un
si grand rôle dans les complications des
plaies, alors que l'influence diathésique est
relativement minime, il faudra s'attacher
à éviter les inoculations au moment de
l'opération, pendant la durée de la cica-
trisation, et écarter la présence des germes
de l'atmosphère autour des plaies de toute
nature.
Ces résultats pourront être obtenus en
installant dans chaque hôpital une salle
spéciale, consacrée aux opérations, dans la-
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