Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-03-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 mars 1885 30 mars 1885
Description : 1885/03/30 (A15,N4831). 1885/03/30 (A15,N4831).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Quinzième annSc.—ÀB—N° 483l # '-- "JtIx du numéro à Paris 15 centimes — Départements: 20 centimes undi 30 Mars 1885
- E
- Inn
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
1 REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
116. ruo Cad.e"t, 16
„ (tes Manuscrits non insérés ne seront pas rendus
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Trois mois 46 »»
Six mois 3» »»
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PARIS
Trois mois. 13 A
Six mois *" «,> -
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Les aboimemt- partent des ler et 15 de chaqP" m&is::¿
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JAS Lettres non affranchies seront refuséei
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iSros abonnés et nos lecteurs se sont'
justement plaints depuis quelque temps
de la façon dont le journal était tiré.
Di,sireux dapporter à la confection
au journal une amélioration de plus,
nous avons décidé qu'à partir de Pâ-
ques le XIXe Siècle serait composé en
caractères' ENTIÈREMENT NEUFS.
En- même temps, le journal datera
son. numéro de la date réelle du jour.
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Hongrois. 80 1 [2.
actions Rio. 262.
BULLETIN
La dernière dépêche du général de Né-
grier, datée de Langson, est rassurante.
Le général de Négrier déclare n'avoir pas
- besoin de nouveaux renforts, tout au
moins pour se maintenir victorieusement
dans les positions conquises.
Hier, à la Chambre, a eu lieu la dis-
cussion de l'interpellation de M. Granet
sur les affaires de Chine. M. J. Ferry a
répondu à M. Granet, et après le prési-
dent du conseil MM. Raoul Duval et
Clémenceau sont intervenus au débat.
'Un ordre du jour de blâme, déposé par
M. G. Rivet, a été repoussé par 254 voix
contre 227, et 273 voix, toujours contre
227, ont adopté l'ordre du jour pur et
simple réclamé par le gouvernement.
Au Sénat, l'ensemble du projet sur les
céréales a été voté par 178 voix contre 75.
L'ensemble du projet de relèvement
des droits sur les bestiaux a été égale-
ment adopté. La discussion du rapport de
M. Demôle sur le scrutin de liste a été
fixée à lundi.
Après deux jours de débat, la conven-
tion financière égyptienne a été votée à
la Chambre des communes par 294 voix
contre 246. M. Goschen a appuyé le vote
de la convention, tout en exprimant le
regret que l'Allemagne et la Russie aient
été admises à se faire représenter à la
Caisse de la Dette.
Le Foreign-Office continue à ne pas
recevoir de réponse à la note du 16 mars.
Dans les cercles diplomatiques, l'opinion
qui a cours est que la Russie formulera
des contre-propositions. La nouvelle cir-
cule également de l'organisation immé-
diate de la flotte de la Baltique. Tous les
navires de la première réserve, avec les
canonnières et les bateaux torpilleurs, se-
raient prêts à prendre la mer.
Le Times annonce, d'autre part, que le
gouvernement russe a ordonné la con-
centration de 50,000 hommes à Bakou,
sur la côte ouest de la mer Caspienne.
Le ton des journaux anglais et russes
est toujours en général des plus agres-
sifs.
La Pall Mail Gazette blâme, comme
étant puéril, l'appel de la réserve, et ne
voit qu'un moyen d'aboutir à une solu-
tion pacifique, qui serait la médiation
d'une tierce puissance, « par exemple,
ajoute la feuille radicale, l'Allemagne ».
Vessel Pacha, d'après une dépêche de
Constantinople, aurait fait, sans rencon-
trer de résistance sérieuse, son entrée à
Prizrend. Le mouvement insurrectionnel
albanais toucherait donc à sa fin.
Un traité d'alliance offensive et défen-
sive a été conclu entre les républiques
de San-Salvador, Nicaragua et Costa-
Rica.
Le président de San-Salvador dirige les
opérations contre le président Barrios.
On mande d'Ottawa qu'un engage-
ment a eu lieu près du fort Carlton entre
la police à cheval et les métis comman-
dés par Riel.
Ceux-ci auraient battu en retraite, per-
dant 80 hommes.
** ■ —mm—mm ■'«
QUESTION DU JOUR
La France et la Chine
J'appelle la patriotique sollicitude de
nos lecteurs sur la séance de la Cham-
bre d'aujourd'hui.
Elle est extrêmement importante. Elle
a, comme nous l'avions prévu et prédit
depuis longtemps, mis à nu une situa-
tion délicate et difficile, sinon grave en-
core, situation que nous trouvons un
grand avantage à voir exposée, sans
aucun ambage, sans aucune réticence,
aux yeux du pays.
M. Granet a interpellé le cabinet sur
les affaires de Chine et du Tonkin. M.
J. Ferry a accepté l'interpellation. Deux
ordres du jour ont été proposés : l'un
de M. Rivet, blâmant la conduite du
ministère en termes très vï?s ; l'autre,
de MM. Ribot et Charmes, proposant
de passer à l'ordre du jour, en témoi-
gnant de la confiance que le pays a dans
l'armée.
Mais il n'était pas question de sa con-
fiance dans le cabinet et c'était, après le
blâme direct, le blâme par prétérition.
M. Jolibois a eu soin de souligner
cette portée de l'ordre du jour pro-
posé.
Cependant le cabinet, tout en re-
poussant le commentaire du député bo-
napartiste, paraissait devoir accepter
cette rédaction, quand M. Clémenceau,
grand manœuvrier, s'est souvenu que
l'ordre du jour pur et simple avait tou-
jours la priorité, et l'a proposé. C'était
la question de confiance posée de la
façon la moins éq uivoq ue.
Elle a été résolue en faveur du cabi-
net, mais à une majorité qui, légale-
ment et parlementairement suffisante,
n'est pas assez grande, selon nous, dans
les circonstances présentes, pour que le
ministère ne soit pas diminué.
Il serait déplorable que le cabinet se
retirât, et tel n'est ni son devoir ni son
intention. Mais il serait ridicule ee
inexact de ne pas constater qu'il est
amoindri.
M. Clémenceau a eu grand soin,
dans son discours, de dire à plusieurs
reprises que la question n'était pas mi-
nistérielle, qu'il ne s'ngissait pas de
portefeuilles à conquérir.
Je ne sais pas si M. Clémenceau a dit
tout ce qu'il pense ; mais je pense tout
ce qu'il a dit. -
La question ne doit être ni ministé-
rielle, messieurs les ministres, ni élec-
torale, messieurs les députés ! Elle est,
citoyens français, nationale, exclusive-
ment et impérieusement nationale.
Voilà pourquoi nous ne sommes guère
satisfaits de la discussion qui a eu lieu
à la Chambre, telle que vous en trouve-
rez plus loin la physionomie et le dé-
tail.
Il me parait qu'on a trop parlé et pas
assez dit, tout justement parce que
les questions, secondaires pour nous, de
responsabilité ministérielle, ont dominé
dans les explications demandées et four-
nies.
Vous lirez le discours du président du
conseil.
M. Jules Ferry n'a pas tort, certes,
de rappeler les ordres du jour précé-
dents de la Chambre et de ne pas vou-
loir qu'on exagère la portée militaire
d'un échec.
Mais, au lieu de cette plaidoirie sa-
vante, qui prête à discussion comme
toutes les plaidoiries, n'auriez-vous pas
préféré une déclaration d'un tout autre
caractère ?
J'aurais souhaité entendre M. le pré-
sident du conseil dire simplement ceci :
« L'expédition du Tonkin, commencée
il y a treize ans, continuée par tous les
cabinets qui se sont succédé, est une
affaire nationale qui n'engage, en prin-
cipe, la responsabilité de personne;
» En fait, les choses ont ainsi tourné
que « l'opération de gendarmerie » est
devenue une guerre véritable, qu'il faut
désespérer de voir se terminer par des
négociations toujours décevantes, et qui,
si la force doit la finir, exigera des ef-
forts et des sacrifices tout à fait hors de
proportion avec ce qu'on a fait jus-
qu'ici.
» Il est fàcheux pour le pays que
cette guerre soit sur nos bras, au mo-
ment du conflit anglo-russe.
n Il est fâcheux pour la majorité ré-
publicaine qu'elle s'aggrave au moment
où la période électorale commence ;
» Mais il faut savoir prendre un parti.
» Nous pouvons laisser nos soldats
invengés, amener notre drapeau dans
l'Extrême-Orient, délaisser nos proté-
gés chrétiens, renoncer à toute idée de
développement colonial dans les mèrs
de Chine, et ne garder que quelques
villes du, Delta, qu'il faudra abandon-
ner ensuite, de même que la Cochin-
chine, ceci n'est pas douteux;
« Ou bien nous devons, je dirai vo-
lontiers sans sortir de séance, déclarer
la guerre à la Chine au nom du Parle-
ment tout entier, c'est-à-dire de la na-
tion, et nous compromettre tous ensem-
ble, ministres, députés d'aujourd'hui,
candidats de demain, par un vote ac-
cordant d'avance à nos généraux et à
nos amiraux tout ce qu'ils nous deman-
deront d'argent, de navires et d'hom-
mes ».
Voila le langage que j'aurais aimé en-
tendre à la tribune.
Le pays, que nous voyons de plus
près peut-être que les députés, étant
libres des groupes, des comités, des
ambitions ministérielles, attend ce lan-
gage et le goûterait.
Et je me demande pourquoi, le gou-
vernement ne le tenant pas, l'opposi-
tion ne le fait pas sien ?
M. Clémenceau, par exemple, a agi
aujourd'hui en chef de parti.
Que n'agit-il en homme de gouverne-
ment en nous disant son opinion et son
programme?
HENRY FOUQUIER.
La situation militaire au Tonkin
On lira plus bas le texte q.'une dépêche
du général Brière de l'Isle. En voici la
substance :
Le gros de la brigade est concentré à
Langson. Les Chinois n'avaient pas, le
26 au soir, repris l'offensive. Le général
de Négrier déclare qu'il n'a pas besoin de
nouveaux renforts et que son artillerie
est suffisante.
Enfin le général Brière de l'Isle a
constitué une forte réserve à Chu.
Ce qui se dégage de cette dépêche est
aisé à comprendre.
Le général de Négrier a évacué Dong-
Dang, où il lui était devenu impossible
de se maintenir. Quoi qu'on en ait pu
dire, il y était exposé à un nouveau COUD
de main et à une double attaque de front
et de flanc.
Il s'est concentré à Langson et s'y tient
sur la défensive contre un retour de
l'ennemi qu'il prévoit à brève échéance.
Il est en position de le repousser, cela
paraît certain, et je comprends à mer-
veille qu'il ait pu répondre au général
Brière de l'Isle-qui l'a évidemment ques-
tionné sur ce point particulier : — « J'ai
assez de troupes et assez de canons pour
résister à une agression venant de la
porte de Chine. »
Il est non moins évident que voilà
toute la brigade Négrier immobilisée
dans Langson, en attendant qu'elle y
soit assiégée par l'armée chinoise du
Kuang-Si.
Une partie de labrigadeGiovanninelli se
concentre à Chu, prête à faire face à gau-
che ou en a\ant, suivant que le danger
sera ici ou là.
Et. si je comprends bien, le danger est
à la fois ici et là.
Sur la frontière du Kuang-Si, nous
avons devant nous une armée dont j'ai
pu, le premier, fixer le chiffre, quarante
mille hommes au bas mot. Ce chiffre n'a
été contesté par personne.
Sur le fleuve Rouge et la rivière Claire
campent les vingt-cinq mille homm s
de Lu-Vinh-Phuoc, guettant l'occasion de
se jeter sur Tuyen-Quan ou sur Thaï-
Nguyen, à gauche, ou plus simplement
sur Hong-Hoa, droit devant eux, si les
circonstances s'y prêtent.
Au tÕtal, 65 ou 70,000 hommes, sans
compter ce qui pourra entrer en ligne
par la suite.
Quelle est la situation du corps expé
ditionnaire en regard de ces contingents
chinois ?
Les calculs les plus optimistes accu-
sent un chiffre de vingt mille combat-
tants, y compris les renforts nouvelle-
ment débarqués, défalcation faite des
blessés et des malades, et encore n'ose-
rais-je pas affirmer que le général en chef
ait 20.000 hommes valides dans le sens
absolu du mot.
Admettons-le. Avec ce contingent, il
a à refouler l'armée qui menace Langson,
à contenir le corps de Lu-Vinh-Phuoc
qui cherche à se frayer un chemin vers
le Delta, à occuper toutes les places for-
tes et forteresses depuis Nam-Dinh,
Hanoi, Haïdzuong, Sontay, Bac-Ninh,
Tuyen-Quan, Thaï-Nguyen, jusqu'à Chu,
sur la route de Langson.
Certes avec ces 20,000 hommes le gé-
néral Brière de l'Isle et ses vaillants
lieutenants tiendront tête à l'ennemi, ils
lui infligeront des échecs partiels et des
pertes successives. Personne n'en doute.
Ces 20,000 hommes peuvent suffire ri-
goureusement àla guerre défensive queles
Chinois vont les contraindre à faire; mais
que demain les contingents ennemis gros-
sissent, que la Chine par un dernier effort.
jette au Tonkin tout ce qu'elle pourra
réunir de renforts, et notre corps expé-
ditionnaire, usé en détail par une série de
petits combats et par l'influence du cli-
mat, sera dans une position précaire, que
la plus vulgaire prudence lait un devoir
d'envisager par avance.
Hier, pendant cette séance pénible où
le président du conseil s'efforçait, sans
y réussir complètement, de rassurer la
Chambre, je n'ai pas été peu surpris pour
ma part d'entendre; dire une fois de plus
que le général en chef ne demandait pas
de nouveaux renforts. Tant Dis ! dans ce
cas, et j'ai le grand regret dTajouter que
le général en chef est le seul à professer
cette opinion optimiste. De toutes les
lettres qui nous arrivent du Tonkin se
dégage un sentiment tout autre de la si-
tuation.
L'échec de Bang-Bo, sans avoir le ca-
ractère que l'opposition affecte de lui
donner, est àtoutle moins une leçon dont
nous serions coupables de ne pas profiter.
C'est un incident de guerre dont il n'y
a pas lieu d'exagérer les conséquences.
D accord ; mais ce simple incident a
révélé la situation précaire de notre coros
expéditionnaire. On a reculé de quelques
kilomètres devant l'invasion chinoise:
ce n'est rien. On est condamné à ne plus
marcher en avant : cela seul est grave
avec un adversaire comme la Chine.
- D'où je conclus, encore et toujours,
que nous ne sommes pas en passe d'en
finir avec la résistance au Céleste-Em-
pire, que nous éternisons la lutte en ré-
duisant nos troupes à une guerre défen-
sive, et qu'en fin de compte mieux vau-
drait faire tout de suite un effort vigou-
reux au bon endroit avec les forces
nécessaires. Il y aurait économie de
temps et d'argent.
Louis HENRIQUB.
—————
Le ministre de la guerre a reçu du
général Brière de l'Isle la dépêche sui-
vante, en date d'Hanoï, 26 mars, 11 h. 56
du soir :
Le général de Négrier me télégraphie-aè
Langson, 26 mars, 4 h. du matin :
« Le gros de la brigade est concentré à
Langson. Je suis resté toute la journée du
25 avec l'avant-garde en face de la porte de
Chine, attendant l'ennemi qui ne s'est pas
montré.
» Les Chinois ont fait de grandes pertes
dans la journée du 24.
» Je suis rentré le 26 à Langson, sans in-
cident. Tous les blessés y étaient depuis
le 25.
» Le chiffre exact de nos pertes dans les
deux journées est de 7 officiers tués, 6 bles-
sés; 72 hommes de troupe tués ou disparus
et 190 blessés. »
Le général de Négrier m'écrit de nouveau,
à huit heures du matin, qu'il n'a pas be-
soin à Langion de nouveaux renforts et que
son artillerie est suffisante.
Il a, en effet, reçu, dès le 24, les troupes
de renfort destinées à sa brigade. Il compte
tirer grand parti des spahis.
Une forte réserve est constituée à Chu.
Signé : BRIÈRE DE L'ISLE.
J'ai publié hier une lettre de M. About,
en la faisant suivre des commentaires dont
l'avait accompagnée M. Liéhert.
J'y ai ajouté moi-même quelques ré-
flexions, et dit que « la politique n'était
pour rien dans la résolution prise par un
des rédacteurs de l'ancien XIXo Siècle de
fonder une entreprise personnelle ».
L'honorable M. Mercier, aujourd'hui, m'é-
crit pour rectifier cette assertion.
Il désire que je fasse savoir que « l'entre-
prise de là fondation du Gagne-Petit lui est
strictement personnelle », — et je le fais
très volontiers sur sa demande.
H, F.
LES GUERRES FUTURES
Tandis que l'Angleterre, maîtresse des
Indes et reine des Océans, fait l'appel de
ses réserves et colle l'oreille à terre pour
tâcher de percevoir, dans les trépida-
tions du sol, « le rou ement des canons
russes », FAmérique, enfant terrible du
progrès, envoie par le câble à sa marâ-
tre déjà tremblante une nouvelle qui ne
peut qu'augmenter sa crainte et son
anxiété.
La dynamite, cette forme concentrée
de la tempête, cet ouragan portatif, vient
d'être mise non plus en bouteilles, mais
en obus, et des expériences ont été fai-
tes à Washington par des officiers amé-
ricains, devant le ministre de Russie et
devant les attachés militaires des léga-
tions de France, d'Allemagne et d'Italie.
Ces expériences donnent des résultats
formidables : « Une muraille de rochers,
ayant cent pieds de long sur soixante de
hauteur, sert de cible. Chaque explosion
fait sauter des tonnes de ce roc dur et
massif et y creuse des trous de vingt-
cinq pieds de diamètre sur six de profon-
deur ; les porlions détachées, réduites en
morceaux, sont projetées à un demi-
mille de distance ».
Des dix mille kilos de roc sont lancés
en l'air eL dispersés d'un seul coup, dans
tous les sens, sur un rayon de sept ou
huit cents mètres. Voilà des résultats qui
annoncent de beaux jours pour les guer-
res futures. Mais nous en reparlerons
tout à l'heure ; car, songeant à l'Angle-
terre, nous nous demandons ce que de-
viendront, atteints par de semblables
projectiles, ses superbes cuirassés. Oh !
les pauvres petits navires ! Quelle danse,
mes amis, quelle danse ! Le pont saute,
les blindages se disjoignent, le vaisseau
se change lui-même partiellement en
obus. Les matériaux qui le composent
font mitrailie et sont projeté3 en tous
sens. Goddam! c'est pire qu'un typhon 1
L'eau pénètre dans la cuirasse déchirée
du monstre. Les marins restés intacts
vont boire à la grande tasse. Allez-y,
voisins, et que Dieu sauve la reino !
Mais, dira-t-on, l'Angliterre s'empres-
sera sans doute, elle aussi, d'armer ses
cuirassés des fameux obus à la dyna-
mite. Les conditions de la lutte resteront
donc égales. Oui, les conditions de la
lutte resteront presque égales ; mais que
ces conditions seront dures 1 Un petit
vaisseau de quatre sous, armé d'un seul
canon et n'offrant qu'une surface insi-
gnifiante, pourra couler les forteresses
flottantes de nos excellents amis d'outre-
Manche. Il suffira pour cela d'un coup
tiré au bon endroit par un habile poin-
teur.
Telles seront les guerres de l'avenir.
Tout pour le tir et par le tir. On jouera
la vie d'un équipagt, d'un escadron ou
d'une compagnie sur deux ou trois coups
de canon. Il est déjà rare, avec des pro-
jectiles à poudre, qu'on aborde l'ennemi
de très près. Avec les projectiles à dy-
namite, on se fuira mutuellement comme
la peste. Quelques « Boum ! Boum ! »
au milieu d'un camp qui se repose en
faisant la soupe, et toutes les marmites
seront renversées, et tous les hommes
seront hachés menu.
0 progrès ! 0 fraternité ! Plus les rhé-
teurs attendris (et féroces) font reteatir
vos noms dans leurs périodes sonores,
plus la rage d'universelle destruction
plane sur le monde. Ce ne sont pas seu-
lement maintenant les anarchistes et les
révolutionnaires qui parlent de faire
sauter en quelques coups tout un quar-
tier : ce sont des mathématiciens paisi-
bles, des hommes d'étude, des chimistes
tranquilles, des officiers qui jouissent,
au milieu des débris de roc, du calme
que donne une bonne conscience. Que
cela vaille mieux ainsi, c'est possible.
Mais quelles luttes que ces luttes futu-
res ! On s'y jettera, par ricochet, des
montagnes à la tête. Les fourmis humai-
nes renouvelleront les exploits des Ti-
tans. Les villages bombardés seront rem-
placés par des trous et les Bérangers
d'alors, faisant jaboter les petites filles
devant je ne sais quel abîme qui fut au-
trefois une ville, leur feront dire avec
effroi :
*Quel coup de canon, grand'mère l'.e(
Quel coup de canon 1
P. F.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
- 28 mars 1885.
On ne s'attendait guère, hier, au Pa-
lais-Bourbon, à une séan e aussi chaude,
aussi orageuse que celle que nous allons
raconter. On savait fort bien que M. Gra-
net avait l'intention d'interpeller le gou-
vernement sur les affaires du Tonkin,
mais on savait aussi, par les journaux,
que de son côté M. Jules Ferry avait
1 intention de prier la Chambre d'ajour,
ner l'interpellation à un mois.
Or, c'est le contraire qui a eu lieu,
et M. le président du conseil a préféré
régler immédiatement cette affaire que
de la laisser traîner pendant un mois
encore, et surtout en l'absence des
Chambres.
C'est égal, nous n'étonnerons personne
en affirmant que l'emploi de ministre des
afiaires étrangères et de président du
conseil n'est M pas une sinécure par le
temps qui court!
Ceux qui ont assisté à la séance d'hier
sont sortis du Palais-Bourbon complète-
ment édifiés à ce suj et.
On parle souvent du «fardeau du pou*
'voir »; c'est le cas ou jamais d'en parler
dans les circonstances présentes, et vé-
ritablement nous ne savons pas quelles
épaules assez solides-consentiraient à ac-
cepter celui qui pèse en ce moment sur
les épaules de M. Ferry.
Car en définitive, il faut bien le dire,
c'est notre éche à Bang-Bo qui est cause
de tout cet émoi, et si le télégraphe
nous eût apporté une victoire, il est pro-
bable que M. Félix Granet n'eût' pas
songé à interpeller le gouvernement.
Nous irons plus loin, 11 vie des cabinets
ne tient plus qu'à un fil, au fil qui relie
le Tonkin au quai d'Orsay.
M. Granet le sait si bien qu'il a profité
de l'émotion toute légitime d'ailleurs qui
s'este nparée des membres de la Cham-
bre à la suite des derniers événements,
pour frapper un grand coup avant les
vacances de Pâques.
Le député d'Arles a contre le président
du conseil une dent cruelle. Aussi, quand
celui-ci est venu déclarer, avant tout le
monde, qu'il acceptait, séance tenante,
le cartel, M. Granet a saisi la balle au
bond et est monté sur le champ à la tri-
bune.
M. Granet — nos lecteurs désirent
peut-être que nous le leur présentions —
est une des personnalités les plus en vue
de l'opposition. Il s'est spécialement ap-
pliqué aux questions maritimes et colo-
niales ; peu de ses collègues connaissent
autant que lui l'historique de l'affaire du
Tonkin qu'il a étudiée avec soin. Au phy-
sique, il est petit, trapu ; son visage est
éveillé, intelligent ; il est du Midi! Nous
ne voulons pas dire par là qu'il ait la pé-
tulence ordinaire du méridional ; au con-
traire, à la tribune, c'est un orateur
froid, concis, peu phraseur. Il constitue,
en un mot, un bon opposant.
Le président du conseil a dû d'ailleurs
s'en apercevoir. M. Granet, en effet, l'a
serré de près ; il lui a reproché de n'avoir
pas joué cartes sur table avec la Cham-
bre, de lui avoir caché l'état de guerre
dans lequel nous nous trouvons en réa-
lité, lorsque vis-à-vis de l'Europe il avoue
cet état de guerre en rappelant les neu-
tres à l'observation de leurs devoirs.
Toutes ces choses sont malheureuse-
ment un peu vraies, et ne sont pas agréa-
bles à entendre quand on est chef de
gouvernement.
« La Cha nbre, ajoute M. Granet, dès
le premier jour, n'aurait pas refusé les
40,000 hommes nécessaires pour termi-
ner une guerre qui se prolonge et pour
laquelle on n'apporte aucune solution. »
Un simple coup d'œil, jeté sur les bancs
de la Chambre, démontre surabondam-
ment qu'elle ne désapprouve pas le lan-
gage que tient à la tribune M. Granet.
On l'écoute au contraire en silence, et la
majorité ne proteste pas.
Mais quand l'orateur en arrive aux dé-
pêches qu'on affiche dans les couloirs du
Parlement, et qu'il s'écrie : «En fait de
dépêches, la méfiance' est mère de la sû-
reté f » M. Ferry, mis de la sorte en sus-
picion, se dresse de son banc et interpelle
vivement son adversaire.
A gauche et à droite, on applaudit avec
frénésie, c'est naturel ; mais au centre
on proteste, on appuie le président du
conseil par des applaudissements.
M. Granet termine alors en faisant à
M. Ferry le reproche de n'avoir su faire
ni la guerre comme elle devait être faite,
ni la paix comme elle était possible.
*
* *
M. Ferry monte à la tribune; il est
nerveux, agité, visiblement ému : à vrai
dire, on le serait à moins; car, comme
nous le disions en commençant, la situa-
tion n'est pas précisément bien gaie pour
lui.
Les déclarations du président du con-
seil diffèrent peu de celles qu'il a faites
dans les interpellations précédentes. Il
ne faut pas oublier, en effet, que c'est la
septième fois qu'il est interpellé sur les
affaires du Tonkin. Le sujet est un peu
épuisé. - - -- - --- -
M. Ferry se borne donc à dire qu'il n'a
pour but que l'exécution intégrale du
traité de Tientsin; qu'il n'a été envoyé
de troupes que celles réclamées par les
chefs de l'expédition, et que 51 conduite
a été guidée par les différents ordres du
jour que la majorité de la Chambre lui a
successivement votés.
M. Raoul Duval intervient après M.
Ferry. Il n'est pas besoin de dire qu'il
n'est pas satisfait du tout des explications
qu'il vient d'entendre. A ses yeux, notre
action au Tonkin peut avoir des consé-
quences désastreuses pour le continent.
Il voit surgir des complications à l'exté-
rieur qui commandent à la France d'a-
voir sous la main toutes ses forces mili-
taires, toutes ses ressources pécuniaires.
J/opinion publique s'émeut; il faut en
finir.
M. Clémenceau est du même avis. Seu-
lement, il a placé la question sur un au-
tre terrain. M. Raoul Duval avait déclaré
qu'il n'était pas un homme de parti,
qu'il n'avait d'autres soucis que ceux de
la France; M. Clémenceau, au contraire,
trouve que le parti républicain est en
présence d'une situation grave. Le dé-
puté de Montmartre, dans son discours, a
eu pour tactique de dégager la majorité
et a dirigé ses attaques contre M. Ferry.
« Jamais ministre, dit-il, n'a autant
que vous, monsieur le président du con-
seil, essayé de se dérober derrière sa
majorité. - » --
, M. Clémenceau a fait se dresser de-
vant le député transi le grand juge, c'est-
à-dire l'électeur, qui va lui demander, au
jour prochain de la reddition des comp-
tes, l'emploi qu'il a fait de son mandat.
Cet argument a dû produire son effet ;
on va le voir dans la suite.
La discussion générale est close, et
voici alors ce qui se passe.
Il pleut une foule d'ordres du jour que
le président lit à tour de rôle. M. Gus-
tave Rivet demande la priorité pour le
sien. Il est ainsi conçu :
« La Chambre, convaincue qu'une po-
litique plus claire et plus prévoyante
peut seule amener une solution honora-
ble, passe à l'ordre du jour. »
— Je n'ai pas besoin de vous dire,
s'écrie M. Jules Ferry de son banc, que
le gouvernement repousse cet ordre du
jour.
On vote quand même.
Au milieu de l'émotion générale, les
urnes circulent, et voici le résultat
qu'elles donnent : 227 pour et254 contre i
Diable 1 l'écart n'est nas énorme! Si l'on
retranche les voix des ministres et des
sous-secrétaires d'Etat, on arrive à une
majorité assez faible.
— Alors, que se passe-t-il ?
M. Ribot, qui jusque-là s'était tenu
silencieux à son banc, fait passer un pa-
pier à M. Brisson. - C'est un ordr du
jour à lui :
« La Chambre, dit. cetordre du jour, con-
fiante dans la bravoure de son armée et
dans l'énergie de ses chefs, passe à l'ordre
du jour »
Ce fut comme un COUD de théâtre.
Avez-vous bien entendu ? « Confiante dans
l'armée.» Etdans le ministère? L'Extrême
Gauche et la Droite ont compris; une
explosion de bravos et d'applaudisse-
ments éclate sur ces bancs.
Il faut avouer que cet ordre du jour
est un véritable chef-d'œuvre de per
fidie parlementaire.
La majorité et le banc des ministres,
tout le monde est ému. Que faire? Ac-
cepter cet ordre du jour, où il n'est fait
mention d'aucun sentiment de la Cham-
bre vis-à-vis du cabinet? Mais cela équi-
vaut à un vote de méfiance.
On voit alors apparaître M. Jolibois, un »
vieux routier du parlementarisme. Or,
lorsque M. Jolibois apparaît, c'est que
les choses vont mal. Il se montre comme
les oiseaux précurseurs de l'orage.
- Je voterai, dit il, l'ordre du jour de
M. Ribot, parce que, s'il implique la con-
fiance dans notre armée, Il implique éga.
lement la défiance pour le ministère.
M. Ferry bondit alors à la tribune.
— Il n'est pas possible, s'écrie-t-il, que
le gouvernement accepte l'interprétation
semblable d'un ordre du jour que des
esprits ingénieux.
Esprits ingénieux..; Cela s'adresse à
M. Ribot qui, pâle, descend de son banc
et s'avance dans l'hémicycle. L'émotion
est alors à son comble. M". Ribot succède
à M. Ferry et explique son ordre du
jour :
« Nous avons confiance, dit-il, dans nos
glorieux soldats ; nous ne voulons rien de
plus ; si le gouvernement le veut, qu'il
ajoute une mention de confiance. »
C'est M. Clémenceau qui sauve la si-
tuation; ses amis lui reprocheront cer-
tainement d'avoir sauvé le ministère.
Quoi qu'il en soit, c'est lui qui, n'ai-
mant pas les situations équivoques, a
demandé l'ordre du jour pur et simple.
Et l'ordre du jour pur et simple, ac-
cepté par le" gouvernement, a été voté
par 273 voix contre 227.
La motion de M. Ribot l'est ensuite par
acclamation.
Tel est le résumé de la séance d'hier.
Nos lecteurs ont lu plus haut les conclu-
sions qu'il faut en tirer. Pour nous, nous
nous sommes bornés à photographier
rapidement et au courant de la plume
les diverses impressions de cette séance,
Nous ajouterons cependant, pour être
complet, qu'au sortir de la séance la
note générale était le mécontentement.
Ce long débat de quatre heures n'a offert
aucune solution.
M. Ferry, la majorité et l'opposition
n'en ont apporté aucune.
Nous nous bornons à le constater.
Louis DESFORGES.
COURRIER DU SÉNAT
Cette fois, les céréales ont été de bonne
composition et se sont décidées à céder
la place sans trop se faire prier. Les
craintes de nouvelles harangues qu'a-
vaient pu faire naître la remise de la
suite de la discussion à aujourd'hui ne se
sont pas réalisées, et les articles 2 et 3.
ont été votés en silence, ainsi que l'en-
semble de la loi, adopté par 178 voix
contre 75.. ,-
Mais, la discussion sur les céréales en-
terrée, on passe à la discussion sur la
surtaxe d'entrée des bestiaux, et l'audi-
toire frémit. Allons-nous rentrer, à pro-
pos des bestiaux dans un interminable
débat économique, comme celui qui vient
de se traîner pendant cinq ou six séances
consécutives?
Heureusement les choses tournent
moins mal qu'on ne le supposait. Deux
seuls discours ont été prononcés : l'un
par M. de Verninac sur l'inutilité de tous
ces relèvements qui feront renchérir la
viande après avoir fait renchérir le pain ;
l'autre par M. Malézieux, qui se réjouit
de voir les Chambres entrer dans le vé-
ritable système de la protection.
De son discours, nous ne voulons que
retenir une définition, car elle restera
comme type extraordinaire d'éloquence
parlementaire : « Les engrais chimiques,
a-t-il dit, ne sont que des apéritifs. »
Voilà une heureuse image, il faut l'a-
vouer, et il est à espérer que l'expression
restera. Nntro languo n'est déjà Das SI
ricne en synonymes élégants, et il sera
vraiment charmant de substituer à la
phrase stéréotypée des boulevardiers z
a l'heure de l'absinthe », la phrase infi-
niment plus neuve : « l'heure de l'engrais
chimique ».
En quelques mots, très précis et bien
dits, M. le ministre de l'agriculture a
répondu, et les chiffres de la commission
ont été adoptés sans modifications.
M. Bozérian a proposé une loi pour ré-
primer l'usurpation dos médailles et ré-
compenses industrielles ; elle est acceptée
sans débat.
Puis commence une délibération lon-
gue, mais peu intéressante, sur le che-
min de fer de Mostaganem àTiaret, con-
cédé à la Compagnie franco-algérienne, à
laquelle prennent partie général Arnau-
de -au, M. Lalanne, le général Robert,
M'. Béral, M. Clément, M. Raynal, M. de
Gavardie, M. Blavier. Les articles sont
successivement adoptés.
Et de trois ! La séance est bien rem.
plie.
- E
- Inn
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
1 REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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Les aboimemt- partent des ler et 15 de chaqP" m&is::¿
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iSros abonnés et nos lecteurs se sont'
justement plaints depuis quelque temps
de la façon dont le journal était tiré.
Di,sireux dapporter à la confection
au journal une amélioration de plus,
nous avons décidé qu'à partir de Pâ-
ques le XIXe Siècle serait composé en
caractères' ENTIÈREMENT NEUFS.
En- même temps, le journal datera
son. numéro de la date réelle du jour.
Bourse de Paris
PETITE BOURSE DU -- SOIR
3 OlO. 8005.
4 il2 OlO 109 45.
Turc 17,17 112.
Banque ottomane. 588 12.
lextérieure 60 17132.
Egypte 341 25.
Hongrois. 80 1 [2.
actions Rio. 262.
BULLETIN
La dernière dépêche du général de Né-
grier, datée de Langson, est rassurante.
Le général de Négrier déclare n'avoir pas
- besoin de nouveaux renforts, tout au
moins pour se maintenir victorieusement
dans les positions conquises.
Hier, à la Chambre, a eu lieu la dis-
cussion de l'interpellation de M. Granet
sur les affaires de Chine. M. J. Ferry a
répondu à M. Granet, et après le prési-
dent du conseil MM. Raoul Duval et
Clémenceau sont intervenus au débat.
'Un ordre du jour de blâme, déposé par
M. G. Rivet, a été repoussé par 254 voix
contre 227, et 273 voix, toujours contre
227, ont adopté l'ordre du jour pur et
simple réclamé par le gouvernement.
Au Sénat, l'ensemble du projet sur les
céréales a été voté par 178 voix contre 75.
L'ensemble du projet de relèvement
des droits sur les bestiaux a été égale-
ment adopté. La discussion du rapport de
M. Demôle sur le scrutin de liste a été
fixée à lundi.
Après deux jours de débat, la conven-
tion financière égyptienne a été votée à
la Chambre des communes par 294 voix
contre 246. M. Goschen a appuyé le vote
de la convention, tout en exprimant le
regret que l'Allemagne et la Russie aient
été admises à se faire représenter à la
Caisse de la Dette.
Le Foreign-Office continue à ne pas
recevoir de réponse à la note du 16 mars.
Dans les cercles diplomatiques, l'opinion
qui a cours est que la Russie formulera
des contre-propositions. La nouvelle cir-
cule également de l'organisation immé-
diate de la flotte de la Baltique. Tous les
navires de la première réserve, avec les
canonnières et les bateaux torpilleurs, se-
raient prêts à prendre la mer.
Le Times annonce, d'autre part, que le
gouvernement russe a ordonné la con-
centration de 50,000 hommes à Bakou,
sur la côte ouest de la mer Caspienne.
Le ton des journaux anglais et russes
est toujours en général des plus agres-
sifs.
La Pall Mail Gazette blâme, comme
étant puéril, l'appel de la réserve, et ne
voit qu'un moyen d'aboutir à une solu-
tion pacifique, qui serait la médiation
d'une tierce puissance, « par exemple,
ajoute la feuille radicale, l'Allemagne ».
Vessel Pacha, d'après une dépêche de
Constantinople, aurait fait, sans rencon-
trer de résistance sérieuse, son entrée à
Prizrend. Le mouvement insurrectionnel
albanais toucherait donc à sa fin.
Un traité d'alliance offensive et défen-
sive a été conclu entre les républiques
de San-Salvador, Nicaragua et Costa-
Rica.
Le président de San-Salvador dirige les
opérations contre le président Barrios.
On mande d'Ottawa qu'un engage-
ment a eu lieu près du fort Carlton entre
la police à cheval et les métis comman-
dés par Riel.
Ceux-ci auraient battu en retraite, per-
dant 80 hommes.
** ■ —mm—mm ■'«
QUESTION DU JOUR
La France et la Chine
J'appelle la patriotique sollicitude de
nos lecteurs sur la séance de la Cham-
bre d'aujourd'hui.
Elle est extrêmement importante. Elle
a, comme nous l'avions prévu et prédit
depuis longtemps, mis à nu une situa-
tion délicate et difficile, sinon grave en-
core, situation que nous trouvons un
grand avantage à voir exposée, sans
aucun ambage, sans aucune réticence,
aux yeux du pays.
M. Granet a interpellé le cabinet sur
les affaires de Chine et du Tonkin. M.
J. Ferry a accepté l'interpellation. Deux
ordres du jour ont été proposés : l'un
de M. Rivet, blâmant la conduite du
ministère en termes très vï?s ; l'autre,
de MM. Ribot et Charmes, proposant
de passer à l'ordre du jour, en témoi-
gnant de la confiance que le pays a dans
l'armée.
Mais il n'était pas question de sa con-
fiance dans le cabinet et c'était, après le
blâme direct, le blâme par prétérition.
M. Jolibois a eu soin de souligner
cette portée de l'ordre du jour pro-
posé.
Cependant le cabinet, tout en re-
poussant le commentaire du député bo-
napartiste, paraissait devoir accepter
cette rédaction, quand M. Clémenceau,
grand manœuvrier, s'est souvenu que
l'ordre du jour pur et simple avait tou-
jours la priorité, et l'a proposé. C'était
la question de confiance posée de la
façon la moins éq uivoq ue.
Elle a été résolue en faveur du cabi-
net, mais à une majorité qui, légale-
ment et parlementairement suffisante,
n'est pas assez grande, selon nous, dans
les circonstances présentes, pour que le
ministère ne soit pas diminué.
Il serait déplorable que le cabinet se
retirât, et tel n'est ni son devoir ni son
intention. Mais il serait ridicule ee
inexact de ne pas constater qu'il est
amoindri.
M. Clémenceau a eu grand soin,
dans son discours, de dire à plusieurs
reprises que la question n'était pas mi-
nistérielle, qu'il ne s'ngissait pas de
portefeuilles à conquérir.
Je ne sais pas si M. Clémenceau a dit
tout ce qu'il pense ; mais je pense tout
ce qu'il a dit. -
La question ne doit être ni ministé-
rielle, messieurs les ministres, ni élec-
torale, messieurs les députés ! Elle est,
citoyens français, nationale, exclusive-
ment et impérieusement nationale.
Voilà pourquoi nous ne sommes guère
satisfaits de la discussion qui a eu lieu
à la Chambre, telle que vous en trouve-
rez plus loin la physionomie et le dé-
tail.
Il me parait qu'on a trop parlé et pas
assez dit, tout justement parce que
les questions, secondaires pour nous, de
responsabilité ministérielle, ont dominé
dans les explications demandées et four-
nies.
Vous lirez le discours du président du
conseil.
M. Jules Ferry n'a pas tort, certes,
de rappeler les ordres du jour précé-
dents de la Chambre et de ne pas vou-
loir qu'on exagère la portée militaire
d'un échec.
Mais, au lieu de cette plaidoirie sa-
vante, qui prête à discussion comme
toutes les plaidoiries, n'auriez-vous pas
préféré une déclaration d'un tout autre
caractère ?
J'aurais souhaité entendre M. le pré-
sident du conseil dire simplement ceci :
« L'expédition du Tonkin, commencée
il y a treize ans, continuée par tous les
cabinets qui se sont succédé, est une
affaire nationale qui n'engage, en prin-
cipe, la responsabilité de personne;
» En fait, les choses ont ainsi tourné
que « l'opération de gendarmerie » est
devenue une guerre véritable, qu'il faut
désespérer de voir se terminer par des
négociations toujours décevantes, et qui,
si la force doit la finir, exigera des ef-
forts et des sacrifices tout à fait hors de
proportion avec ce qu'on a fait jus-
qu'ici.
» Il est fàcheux pour le pays que
cette guerre soit sur nos bras, au mo-
ment du conflit anglo-russe.
n Il est fâcheux pour la majorité ré-
publicaine qu'elle s'aggrave au moment
où la période électorale commence ;
» Mais il faut savoir prendre un parti.
» Nous pouvons laisser nos soldats
invengés, amener notre drapeau dans
l'Extrême-Orient, délaisser nos proté-
gés chrétiens, renoncer à toute idée de
développement colonial dans les mèrs
de Chine, et ne garder que quelques
villes du, Delta, qu'il faudra abandon-
ner ensuite, de même que la Cochin-
chine, ceci n'est pas douteux;
« Ou bien nous devons, je dirai vo-
lontiers sans sortir de séance, déclarer
la guerre à la Chine au nom du Parle-
ment tout entier, c'est-à-dire de la na-
tion, et nous compromettre tous ensem-
ble, ministres, députés d'aujourd'hui,
candidats de demain, par un vote ac-
cordant d'avance à nos généraux et à
nos amiraux tout ce qu'ils nous deman-
deront d'argent, de navires et d'hom-
mes ».
Voila le langage que j'aurais aimé en-
tendre à la tribune.
Le pays, que nous voyons de plus
près peut-être que les députés, étant
libres des groupes, des comités, des
ambitions ministérielles, attend ce lan-
gage et le goûterait.
Et je me demande pourquoi, le gou-
vernement ne le tenant pas, l'opposi-
tion ne le fait pas sien ?
M. Clémenceau, par exemple, a agi
aujourd'hui en chef de parti.
Que n'agit-il en homme de gouverne-
ment en nous disant son opinion et son
programme?
HENRY FOUQUIER.
La situation militaire au Tonkin
On lira plus bas le texte q.'une dépêche
du général Brière de l'Isle. En voici la
substance :
Le gros de la brigade est concentré à
Langson. Les Chinois n'avaient pas, le
26 au soir, repris l'offensive. Le général
de Négrier déclare qu'il n'a pas besoin de
nouveaux renforts et que son artillerie
est suffisante.
Enfin le général Brière de l'Isle a
constitué une forte réserve à Chu.
Ce qui se dégage de cette dépêche est
aisé à comprendre.
Le général de Négrier a évacué Dong-
Dang, où il lui était devenu impossible
de se maintenir. Quoi qu'on en ait pu
dire, il y était exposé à un nouveau COUD
de main et à une double attaque de front
et de flanc.
Il s'est concentré à Langson et s'y tient
sur la défensive contre un retour de
l'ennemi qu'il prévoit à brève échéance.
Il est en position de le repousser, cela
paraît certain, et je comprends à mer-
veille qu'il ait pu répondre au général
Brière de l'Isle-qui l'a évidemment ques-
tionné sur ce point particulier : — « J'ai
assez de troupes et assez de canons pour
résister à une agression venant de la
porte de Chine. »
Il est non moins évident que voilà
toute la brigade Négrier immobilisée
dans Langson, en attendant qu'elle y
soit assiégée par l'armée chinoise du
Kuang-Si.
Une partie de labrigadeGiovanninelli se
concentre à Chu, prête à faire face à gau-
che ou en a\ant, suivant que le danger
sera ici ou là.
Et. si je comprends bien, le danger est
à la fois ici et là.
Sur la frontière du Kuang-Si, nous
avons devant nous une armée dont j'ai
pu, le premier, fixer le chiffre, quarante
mille hommes au bas mot. Ce chiffre n'a
été contesté par personne.
Sur le fleuve Rouge et la rivière Claire
campent les vingt-cinq mille homm s
de Lu-Vinh-Phuoc, guettant l'occasion de
se jeter sur Tuyen-Quan ou sur Thaï-
Nguyen, à gauche, ou plus simplement
sur Hong-Hoa, droit devant eux, si les
circonstances s'y prêtent.
Au tÕtal, 65 ou 70,000 hommes, sans
compter ce qui pourra entrer en ligne
par la suite.
Quelle est la situation du corps expé
ditionnaire en regard de ces contingents
chinois ?
Les calculs les plus optimistes accu-
sent un chiffre de vingt mille combat-
tants, y compris les renforts nouvelle-
ment débarqués, défalcation faite des
blessés et des malades, et encore n'ose-
rais-je pas affirmer que le général en chef
ait 20.000 hommes valides dans le sens
absolu du mot.
Admettons-le. Avec ce contingent, il
a à refouler l'armée qui menace Langson,
à contenir le corps de Lu-Vinh-Phuoc
qui cherche à se frayer un chemin vers
le Delta, à occuper toutes les places for-
tes et forteresses depuis Nam-Dinh,
Hanoi, Haïdzuong, Sontay, Bac-Ninh,
Tuyen-Quan, Thaï-Nguyen, jusqu'à Chu,
sur la route de Langson.
Certes avec ces 20,000 hommes le gé-
néral Brière de l'Isle et ses vaillants
lieutenants tiendront tête à l'ennemi, ils
lui infligeront des échecs partiels et des
pertes successives. Personne n'en doute.
Ces 20,000 hommes peuvent suffire ri-
goureusement àla guerre défensive queles
Chinois vont les contraindre à faire; mais
que demain les contingents ennemis gros-
sissent, que la Chine par un dernier effort.
jette au Tonkin tout ce qu'elle pourra
réunir de renforts, et notre corps expé-
ditionnaire, usé en détail par une série de
petits combats et par l'influence du cli-
mat, sera dans une position précaire, que
la plus vulgaire prudence lait un devoir
d'envisager par avance.
Hier, pendant cette séance pénible où
le président du conseil s'efforçait, sans
y réussir complètement, de rassurer la
Chambre, je n'ai pas été peu surpris pour
ma part d'entendre; dire une fois de plus
que le général en chef ne demandait pas
de nouveaux renforts. Tant Dis ! dans ce
cas, et j'ai le grand regret dTajouter que
le général en chef est le seul à professer
cette opinion optimiste. De toutes les
lettres qui nous arrivent du Tonkin se
dégage un sentiment tout autre de la si-
tuation.
L'échec de Bang-Bo, sans avoir le ca-
ractère que l'opposition affecte de lui
donner, est àtoutle moins une leçon dont
nous serions coupables de ne pas profiter.
C'est un incident de guerre dont il n'y
a pas lieu d'exagérer les conséquences.
D accord ; mais ce simple incident a
révélé la situation précaire de notre coros
expéditionnaire. On a reculé de quelques
kilomètres devant l'invasion chinoise:
ce n'est rien. On est condamné à ne plus
marcher en avant : cela seul est grave
avec un adversaire comme la Chine.
- D'où je conclus, encore et toujours,
que nous ne sommes pas en passe d'en
finir avec la résistance au Céleste-Em-
pire, que nous éternisons la lutte en ré-
duisant nos troupes à une guerre défen-
sive, et qu'en fin de compte mieux vau-
drait faire tout de suite un effort vigou-
reux au bon endroit avec les forces
nécessaires. Il y aurait économie de
temps et d'argent.
Louis HENRIQUB.
—————
Le ministre de la guerre a reçu du
général Brière de l'Isle la dépêche sui-
vante, en date d'Hanoï, 26 mars, 11 h. 56
du soir :
Le général de Négrier me télégraphie-aè
Langson, 26 mars, 4 h. du matin :
« Le gros de la brigade est concentré à
Langson. Je suis resté toute la journée du
25 avec l'avant-garde en face de la porte de
Chine, attendant l'ennemi qui ne s'est pas
montré.
» Les Chinois ont fait de grandes pertes
dans la journée du 24.
» Je suis rentré le 26 à Langson, sans in-
cident. Tous les blessés y étaient depuis
le 25.
» Le chiffre exact de nos pertes dans les
deux journées est de 7 officiers tués, 6 bles-
sés; 72 hommes de troupe tués ou disparus
et 190 blessés. »
Le général de Négrier m'écrit de nouveau,
à huit heures du matin, qu'il n'a pas be-
soin à Langion de nouveaux renforts et que
son artillerie est suffisante.
Il a, en effet, reçu, dès le 24, les troupes
de renfort destinées à sa brigade. Il compte
tirer grand parti des spahis.
Une forte réserve est constituée à Chu.
Signé : BRIÈRE DE L'ISLE.
J'ai publié hier une lettre de M. About,
en la faisant suivre des commentaires dont
l'avait accompagnée M. Liéhert.
J'y ai ajouté moi-même quelques ré-
flexions, et dit que « la politique n'était
pour rien dans la résolution prise par un
des rédacteurs de l'ancien XIXo Siècle de
fonder une entreprise personnelle ».
L'honorable M. Mercier, aujourd'hui, m'é-
crit pour rectifier cette assertion.
Il désire que je fasse savoir que « l'entre-
prise de là fondation du Gagne-Petit lui est
strictement personnelle », — et je le fais
très volontiers sur sa demande.
H, F.
LES GUERRES FUTURES
Tandis que l'Angleterre, maîtresse des
Indes et reine des Océans, fait l'appel de
ses réserves et colle l'oreille à terre pour
tâcher de percevoir, dans les trépida-
tions du sol, « le rou ement des canons
russes », FAmérique, enfant terrible du
progrès, envoie par le câble à sa marâ-
tre déjà tremblante une nouvelle qui ne
peut qu'augmenter sa crainte et son
anxiété.
La dynamite, cette forme concentrée
de la tempête, cet ouragan portatif, vient
d'être mise non plus en bouteilles, mais
en obus, et des expériences ont été fai-
tes à Washington par des officiers amé-
ricains, devant le ministre de Russie et
devant les attachés militaires des léga-
tions de France, d'Allemagne et d'Italie.
Ces expériences donnent des résultats
formidables : « Une muraille de rochers,
ayant cent pieds de long sur soixante de
hauteur, sert de cible. Chaque explosion
fait sauter des tonnes de ce roc dur et
massif et y creuse des trous de vingt-
cinq pieds de diamètre sur six de profon-
deur ; les porlions détachées, réduites en
morceaux, sont projetées à un demi-
mille de distance ».
Des dix mille kilos de roc sont lancés
en l'air eL dispersés d'un seul coup, dans
tous les sens, sur un rayon de sept ou
huit cents mètres. Voilà des résultats qui
annoncent de beaux jours pour les guer-
res futures. Mais nous en reparlerons
tout à l'heure ; car, songeant à l'Angle-
terre, nous nous demandons ce que de-
viendront, atteints par de semblables
projectiles, ses superbes cuirassés. Oh !
les pauvres petits navires ! Quelle danse,
mes amis, quelle danse ! Le pont saute,
les blindages se disjoignent, le vaisseau
se change lui-même partiellement en
obus. Les matériaux qui le composent
font mitrailie et sont projeté3 en tous
sens. Goddam! c'est pire qu'un typhon 1
L'eau pénètre dans la cuirasse déchirée
du monstre. Les marins restés intacts
vont boire à la grande tasse. Allez-y,
voisins, et que Dieu sauve la reino !
Mais, dira-t-on, l'Angliterre s'empres-
sera sans doute, elle aussi, d'armer ses
cuirassés des fameux obus à la dyna-
mite. Les conditions de la lutte resteront
donc égales. Oui, les conditions de la
lutte resteront presque égales ; mais que
ces conditions seront dures 1 Un petit
vaisseau de quatre sous, armé d'un seul
canon et n'offrant qu'une surface insi-
gnifiante, pourra couler les forteresses
flottantes de nos excellents amis d'outre-
Manche. Il suffira pour cela d'un coup
tiré au bon endroit par un habile poin-
teur.
Telles seront les guerres de l'avenir.
Tout pour le tir et par le tir. On jouera
la vie d'un équipagt, d'un escadron ou
d'une compagnie sur deux ou trois coups
de canon. Il est déjà rare, avec des pro-
jectiles à poudre, qu'on aborde l'ennemi
de très près. Avec les projectiles à dy-
namite, on se fuira mutuellement comme
la peste. Quelques « Boum ! Boum ! »
au milieu d'un camp qui se repose en
faisant la soupe, et toutes les marmites
seront renversées, et tous les hommes
seront hachés menu.
0 progrès ! 0 fraternité ! Plus les rhé-
teurs attendris (et féroces) font reteatir
vos noms dans leurs périodes sonores,
plus la rage d'universelle destruction
plane sur le monde. Ce ne sont pas seu-
lement maintenant les anarchistes et les
révolutionnaires qui parlent de faire
sauter en quelques coups tout un quar-
tier : ce sont des mathématiciens paisi-
bles, des hommes d'étude, des chimistes
tranquilles, des officiers qui jouissent,
au milieu des débris de roc, du calme
que donne une bonne conscience. Que
cela vaille mieux ainsi, c'est possible.
Mais quelles luttes que ces luttes futu-
res ! On s'y jettera, par ricochet, des
montagnes à la tête. Les fourmis humai-
nes renouvelleront les exploits des Ti-
tans. Les villages bombardés seront rem-
placés par des trous et les Bérangers
d'alors, faisant jaboter les petites filles
devant je ne sais quel abîme qui fut au-
trefois une ville, leur feront dire avec
effroi :
*Quel coup de canon, grand'mère l'.e(
Quel coup de canon 1
P. F.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
- 28 mars 1885.
On ne s'attendait guère, hier, au Pa-
lais-Bourbon, à une séan e aussi chaude,
aussi orageuse que celle que nous allons
raconter. On savait fort bien que M. Gra-
net avait l'intention d'interpeller le gou-
vernement sur les affaires du Tonkin,
mais on savait aussi, par les journaux,
que de son côté M. Jules Ferry avait
1 intention de prier la Chambre d'ajour,
ner l'interpellation à un mois.
Or, c'est le contraire qui a eu lieu,
et M. le président du conseil a préféré
régler immédiatement cette affaire que
de la laisser traîner pendant un mois
encore, et surtout en l'absence des
Chambres.
C'est égal, nous n'étonnerons personne
en affirmant que l'emploi de ministre des
afiaires étrangères et de président du
conseil n'est M pas une sinécure par le
temps qui court!
Ceux qui ont assisté à la séance d'hier
sont sortis du Palais-Bourbon complète-
ment édifiés à ce suj et.
On parle souvent du «fardeau du pou*
'voir »; c'est le cas ou jamais d'en parler
dans les circonstances présentes, et vé-
ritablement nous ne savons pas quelles
épaules assez solides-consentiraient à ac-
cepter celui qui pèse en ce moment sur
les épaules de M. Ferry.
Car en définitive, il faut bien le dire,
c'est notre éche à Bang-Bo qui est cause
de tout cet émoi, et si le télégraphe
nous eût apporté une victoire, il est pro-
bable que M. Félix Granet n'eût' pas
songé à interpeller le gouvernement.
Nous irons plus loin, 11 vie des cabinets
ne tient plus qu'à un fil, au fil qui relie
le Tonkin au quai d'Orsay.
M. Granet le sait si bien qu'il a profité
de l'émotion toute légitime d'ailleurs qui
s'este nparée des membres de la Cham-
bre à la suite des derniers événements,
pour frapper un grand coup avant les
vacances de Pâques.
Le député d'Arles a contre le président
du conseil une dent cruelle. Aussi, quand
celui-ci est venu déclarer, avant tout le
monde, qu'il acceptait, séance tenante,
le cartel, M. Granet a saisi la balle au
bond et est monté sur le champ à la tri-
bune.
M. Granet — nos lecteurs désirent
peut-être que nous le leur présentions —
est une des personnalités les plus en vue
de l'opposition. Il s'est spécialement ap-
pliqué aux questions maritimes et colo-
niales ; peu de ses collègues connaissent
autant que lui l'historique de l'affaire du
Tonkin qu'il a étudiée avec soin. Au phy-
sique, il est petit, trapu ; son visage est
éveillé, intelligent ; il est du Midi! Nous
ne voulons pas dire par là qu'il ait la pé-
tulence ordinaire du méridional ; au con-
traire, à la tribune, c'est un orateur
froid, concis, peu phraseur. Il constitue,
en un mot, un bon opposant.
Le président du conseil a dû d'ailleurs
s'en apercevoir. M. Granet, en effet, l'a
serré de près ; il lui a reproché de n'avoir
pas joué cartes sur table avec la Cham-
bre, de lui avoir caché l'état de guerre
dans lequel nous nous trouvons en réa-
lité, lorsque vis-à-vis de l'Europe il avoue
cet état de guerre en rappelant les neu-
tres à l'observation de leurs devoirs.
Toutes ces choses sont malheureuse-
ment un peu vraies, et ne sont pas agréa-
bles à entendre quand on est chef de
gouvernement.
« La Cha nbre, ajoute M. Granet, dès
le premier jour, n'aurait pas refusé les
40,000 hommes nécessaires pour termi-
ner une guerre qui se prolonge et pour
laquelle on n'apporte aucune solution. »
Un simple coup d'œil, jeté sur les bancs
de la Chambre, démontre surabondam-
ment qu'elle ne désapprouve pas le lan-
gage que tient à la tribune M. Granet.
On l'écoute au contraire en silence, et la
majorité ne proteste pas.
Mais quand l'orateur en arrive aux dé-
pêches qu'on affiche dans les couloirs du
Parlement, et qu'il s'écrie : «En fait de
dépêches, la méfiance' est mère de la sû-
reté f » M. Ferry, mis de la sorte en sus-
picion, se dresse de son banc et interpelle
vivement son adversaire.
A gauche et à droite, on applaudit avec
frénésie, c'est naturel ; mais au centre
on proteste, on appuie le président du
conseil par des applaudissements.
M. Granet termine alors en faisant à
M. Ferry le reproche de n'avoir su faire
ni la guerre comme elle devait être faite,
ni la paix comme elle était possible.
*
* *
M. Ferry monte à la tribune; il est
nerveux, agité, visiblement ému : à vrai
dire, on le serait à moins; car, comme
nous le disions en commençant, la situa-
tion n'est pas précisément bien gaie pour
lui.
Les déclarations du président du con-
seil diffèrent peu de celles qu'il a faites
dans les interpellations précédentes. Il
ne faut pas oublier, en effet, que c'est la
septième fois qu'il est interpellé sur les
affaires du Tonkin. Le sujet est un peu
épuisé. - - -- - --- -
M. Ferry se borne donc à dire qu'il n'a
pour but que l'exécution intégrale du
traité de Tientsin; qu'il n'a été envoyé
de troupes que celles réclamées par les
chefs de l'expédition, et que 51 conduite
a été guidée par les différents ordres du
jour que la majorité de la Chambre lui a
successivement votés.
M. Raoul Duval intervient après M.
Ferry. Il n'est pas besoin de dire qu'il
n'est pas satisfait du tout des explications
qu'il vient d'entendre. A ses yeux, notre
action au Tonkin peut avoir des consé-
quences désastreuses pour le continent.
Il voit surgir des complications à l'exté-
rieur qui commandent à la France d'a-
voir sous la main toutes ses forces mili-
taires, toutes ses ressources pécuniaires.
J/opinion publique s'émeut; il faut en
finir.
M. Clémenceau est du même avis. Seu-
lement, il a placé la question sur un au-
tre terrain. M. Raoul Duval avait déclaré
qu'il n'était pas un homme de parti,
qu'il n'avait d'autres soucis que ceux de
la France; M. Clémenceau, au contraire,
trouve que le parti républicain est en
présence d'une situation grave. Le dé-
puté de Montmartre, dans son discours, a
eu pour tactique de dégager la majorité
et a dirigé ses attaques contre M. Ferry.
« Jamais ministre, dit-il, n'a autant
que vous, monsieur le président du con-
seil, essayé de se dérober derrière sa
majorité. - » --
, M. Clémenceau a fait se dresser de-
vant le député transi le grand juge, c'est-
à-dire l'électeur, qui va lui demander, au
jour prochain de la reddition des comp-
tes, l'emploi qu'il a fait de son mandat.
Cet argument a dû produire son effet ;
on va le voir dans la suite.
La discussion générale est close, et
voici alors ce qui se passe.
Il pleut une foule d'ordres du jour que
le président lit à tour de rôle. M. Gus-
tave Rivet demande la priorité pour le
sien. Il est ainsi conçu :
« La Chambre, convaincue qu'une po-
litique plus claire et plus prévoyante
peut seule amener une solution honora-
ble, passe à l'ordre du jour. »
— Je n'ai pas besoin de vous dire,
s'écrie M. Jules Ferry de son banc, que
le gouvernement repousse cet ordre du
jour.
On vote quand même.
Au milieu de l'émotion générale, les
urnes circulent, et voici le résultat
qu'elles donnent : 227 pour et254 contre i
Diable 1 l'écart n'est nas énorme! Si l'on
retranche les voix des ministres et des
sous-secrétaires d'Etat, on arrive à une
majorité assez faible.
— Alors, que se passe-t-il ?
M. Ribot, qui jusque-là s'était tenu
silencieux à son banc, fait passer un pa-
pier à M. Brisson. - C'est un ordr du
jour à lui :
« La Chambre, dit. cetordre du jour, con-
fiante dans la bravoure de son armée et
dans l'énergie de ses chefs, passe à l'ordre
du jour »
Ce fut comme un COUD de théâtre.
Avez-vous bien entendu ? « Confiante dans
l'armée.» Etdans le ministère? L'Extrême
Gauche et la Droite ont compris; une
explosion de bravos et d'applaudisse-
ments éclate sur ces bancs.
Il faut avouer que cet ordre du jour
est un véritable chef-d'œuvre de per
fidie parlementaire.
La majorité et le banc des ministres,
tout le monde est ému. Que faire? Ac-
cepter cet ordre du jour, où il n'est fait
mention d'aucun sentiment de la Cham-
bre vis-à-vis du cabinet? Mais cela équi-
vaut à un vote de méfiance.
On voit alors apparaître M. Jolibois, un »
vieux routier du parlementarisme. Or,
lorsque M. Jolibois apparaît, c'est que
les choses vont mal. Il se montre comme
les oiseaux précurseurs de l'orage.
- Je voterai, dit il, l'ordre du jour de
M. Ribot, parce que, s'il implique la con-
fiance dans notre armée, Il implique éga.
lement la défiance pour le ministère.
M. Ferry bondit alors à la tribune.
— Il n'est pas possible, s'écrie-t-il, que
le gouvernement accepte l'interprétation
semblable d'un ordre du jour que des
esprits ingénieux.
Esprits ingénieux..; Cela s'adresse à
M. Ribot qui, pâle, descend de son banc
et s'avance dans l'hémicycle. L'émotion
est alors à son comble. M". Ribot succède
à M. Ferry et explique son ordre du
jour :
« Nous avons confiance, dit-il, dans nos
glorieux soldats ; nous ne voulons rien de
plus ; si le gouvernement le veut, qu'il
ajoute une mention de confiance. »
C'est M. Clémenceau qui sauve la si-
tuation; ses amis lui reprocheront cer-
tainement d'avoir sauvé le ministère.
Quoi qu'il en soit, c'est lui qui, n'ai-
mant pas les situations équivoques, a
demandé l'ordre du jour pur et simple.
Et l'ordre du jour pur et simple, ac-
cepté par le" gouvernement, a été voté
par 273 voix contre 227.
La motion de M. Ribot l'est ensuite par
acclamation.
Tel est le résumé de la séance d'hier.
Nos lecteurs ont lu plus haut les conclu-
sions qu'il faut en tirer. Pour nous, nous
nous sommes bornés à photographier
rapidement et au courant de la plume
les diverses impressions de cette séance,
Nous ajouterons cependant, pour être
complet, qu'au sortir de la séance la
note générale était le mécontentement.
Ce long débat de quatre heures n'a offert
aucune solution.
M. Ferry, la majorité et l'opposition
n'en ont apporté aucune.
Nous nous bornons à le constater.
Louis DESFORGES.
COURRIER DU SÉNAT
Cette fois, les céréales ont été de bonne
composition et se sont décidées à céder
la place sans trop se faire prier. Les
craintes de nouvelles harangues qu'a-
vaient pu faire naître la remise de la
suite de la discussion à aujourd'hui ne se
sont pas réalisées, et les articles 2 et 3.
ont été votés en silence, ainsi que l'en-
semble de la loi, adopté par 178 voix
contre 75.. ,-
Mais, la discussion sur les céréales en-
terrée, on passe à la discussion sur la
surtaxe d'entrée des bestiaux, et l'audi-
toire frémit. Allons-nous rentrer, à pro-
pos des bestiaux dans un interminable
débat économique, comme celui qui vient
de se traîner pendant cinq ou six séances
consécutives?
Heureusement les choses tournent
moins mal qu'on ne le supposait. Deux
seuls discours ont été prononcés : l'un
par M. de Verninac sur l'inutilité de tous
ces relèvements qui feront renchérir la
viande après avoir fait renchérir le pain ;
l'autre par M. Malézieux, qui se réjouit
de voir les Chambres entrer dans le vé-
ritable système de la protection.
De son discours, nous ne voulons que
retenir une définition, car elle restera
comme type extraordinaire d'éloquence
parlementaire : « Les engrais chimiques,
a-t-il dit, ne sont que des apéritifs. »
Voilà une heureuse image, il faut l'a-
vouer, et il est à espérer que l'expression
restera. Nntro languo n'est déjà Das SI
ricne en synonymes élégants, et il sera
vraiment charmant de substituer à la
phrase stéréotypée des boulevardiers z
a l'heure de l'absinthe », la phrase infi-
niment plus neuve : « l'heure de l'engrais
chimique ».
En quelques mots, très précis et bien
dits, M. le ministre de l'agriculture a
répondu, et les chiffres de la commission
ont été adoptés sans modifications.
M. Bozérian a proposé une loi pour ré-
primer l'usurpation dos médailles et ré-
compenses industrielles ; elle est acceptée
sans débat.
Puis commence une délibération lon-
gue, mais peu intéressante, sur le che-
min de fer de Mostaganem àTiaret, con-
cédé à la Compagnie franco-algérienne, à
laquelle prennent partie général Arnau-
de -au, M. Lalanne, le général Robert,
M'. Béral, M. Clément, M. Raynal, M. de
Gavardie, M. Blavier. Les articles sont
successivement adoptés.
Et de trois ! La séance est bien rem.
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