Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-03-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 mars 1885 19 mars 1885
Description : 1885/03/19 (A15,N4820). 1885/03/19 (A15,N4820).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Quinzième année. AB N° 4820 Prix du numéro à Paris 15 centimes — Départements: 20 centimes JLlr1; 19 Mars 1885
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Hongrois- 81 11x16.
Actions Hia. 290 83.
Lots turcs 48 3[4, 49.
- BULLETIN
Hier, la Chambre des députés à re-
pris la discussion relative aux droits
sur le bétail. Tous les chiffres propo-
sés par le gouvernement ont été adop-
tés. L'ensemble du projet a été voté par
281 voix contre 194. Il a été décidé, sur
la proposition de M. G. Rivet, que les
articles additionnels seraient discutés
avec le budget de 1886. Un nouveau
vote a eu lieu sur l'ensemble. Le pro-
jet n'a plus rencontré que 188 opposants.
Nous avons annoncé hier qu'à l'ayaïè4
dernière séance de la Chambresdes
communes le cabinet britannique itn-i,
fait d'intéressantes déclarations sur plu-j
sieurs questions à l'ordre du jour de
l'opinion, notamment les affaires du
Niger et la saisie de la contrebande de
guerre transportée par le Gleenroy. En
réponse aM. Barran, lordFitz Maurice
a dit que lles-négociations en vue d'une
entente amicale entre l'Angleterre et
rAllemagnè, relativement à leurs pro-
tectorats respectifs dans les districts du
Niger et du Cameroon, étaient actuelle-
ment pendantes, et que par des conces-
sions mutuelles on pourrait résoudre
toutes les questions concernant I Afri-
que occidentale et orientale et le Paci-
fique Sud au mieux de tous les inté-
rêts engagés.
M. Gorst a demandé au cabinet des
explications au sujet de la violation par
la France de la convention de 1847,
portant respect de l'indépendance de
Raiatea et des autres îles de l'archipel
de la Société.
Lord Fitz-Maurice a répondu quen
1880 le drapeau français a bien été
hissé à Raiatea1, mais que des repré-
sentations ont été faites au gouverne-
ment français et que les négociations
continuent, le cabinet britannique ayant
consenti au maintien provisoire du dra-
p.eau français à Raiatea.
RôpondanUi M. Sutherland, lord Fitz-
Maurice a déclaré que la saisie du
plomb transporté à bord du Gleenroy
motivera un échange d'explications en-
tre les cabinets de Paris et de Londres
et que celui-ci a bon espoir que la
saisie de la cargaison sera levée. Car
le plomb était probablement destiné à
la « confection de doublures pour les
boîtes à thé. »
Lord Fitz-Maurice, en réponse à une
ouestion de sir Slafford Northcote, "a
déclaré n'avoir reçu aucune confirma-
tion officielle de la chute de Kassala.
Hier, à la Chambre des communes,
M. Gladstone a annoncé la signature de
l'arrangement financier relatif à l'E-
gypte, et, sur une question de M. Gib-
son, a fait connaître que M. de Giers lui
avait donné l'assurance, dans une com-
munication reçue le matin même, que
les troupes russes n'avanceront pas au
delà des positions qu'elles occupent ac-
tuellement, sous cette réserve que les
Afghans fassent de même, et « sauf le
cas d'une raison extraordinaire, telle
que des troubles à Pendjeb ». M. de
Giers a rappelé au cabinet britannique
que des ordres ont été envoyés aux com-
mandants russes pour éviter toute col-
lision - aux avant-postes.
M. Gladstone a engagé la Chambre à
ne pas réclamer d'autres informations,
et a été très applaudi par les libéraux.
Lord Fitz-Maurice a ajouté que le gou-
vernement n'a reçu aucune nouvelle
d'un mouvement de troupes russes du
côté deBalkh, et qu'il croit que, depuis
l'accord intervenu, la marche en avant
des Russes a été interrompue. Cet ac-
cord d'ailleurs, laisse entière la question
de la possession ultérieure de Pendjeb,
d'Akrabat et de Zulfikar.
Lord Granville a fourni, à la Chambre
des lords, des explications analogues
à celles de M. Gladstone sur la ques-
tion afghane. Répondant à lord Bury,
il a dit que l'arrestation de Zebehr-Pacha
ne constitue pas un changement dans la
politique du gouvernement en Egypte,
mais que, tant Aue les opérations mili-
taires y continuent, l'Angleterre est
obligée de prendre les mesures exigées
par les circonstances militaires. ,.
Ayant reçu une information du géné-
ral Wolseley concernant Zebehr-Pacha,
il a, sous sa propre responsabilité et
après une communication avec le khé-
dive, arrêté Zebehr-Pacha et ses deux
fils et opéré la saisie de leurs papiers.
M. de Bismarck compte un échec de
plus au Reichstag. Malgré la vigueur
avec laquelle le chancelier a défendu sa
politique coloniale et a réclamé le vote
des subventions postales, la ligne d'Afri-
que a été repoussée à 9 voix de majo-
rité Il est vrai que la ligne d'Australie
a été votée par 170 voix contre 159.
Nous recevons de Copenhague la nou-
velle que. comme il n'est pas probable
que l'on parvienne à s'entendre au su-
jet du budget, qui devrait être voté pour
le 1er avril, la Gauche du Folkething a
déposé aujourd'hui un projet d'adresse
au roi, faisant appel à la sagesse de Sa
Majesté pour trouver une solution au
conflit entre le cabinet et le Folkething.
■ Mlffll»
QUESTION DU JOUR
Le scrutin de liste
On a souvent discuté du mérite et du
démérite des divers modes d'élection,
au point de vue politi ,ue. On a démon-
tré amplement que le scrutin de liste est
plus conforme au principe de la souve-
raineté nationale, plus favorable à l'union
des républicains, au progrès de la dé-
mocratie. à la vigueur des institutions
libres. On a dit que ne point tenir une
promesse faite tant de fois, avec tant
de force, renouvelée en de tels termes,
jusqu'au dernier moment, serait la plus
éclatante défaite qu'un parti politique
se fùL jamais infligée à lui-même, et le
signe peu discutable d'un déclin. Les
avantages du scrutin de liste départe-
mental et les inconvénients du scrutin
parcellaire ont été moins souvent étu-
diés au point de vue des finances du
pays. Ils sont, dans cet ordre d'idées,
tout aussi manifestes que dans l'autre.
Qu'un mode de scrutin produise la
désunion, l'éparpillement, l'incohérence,
le manque de méthode et de suite, les
finances doivent s'en ressentir en même
temps que la politique générale, c'est
évident. Mettons à part les effets d'un
malaise universel qui ne tient ni à la
forme des gouvernements ni à celle des
divers régimes parlementaires de l'Eu-
rppe, mais qui pèse plus ou moins sur
tous les peuples, le reste, tout le sur-
plus qui aurait pu être évité, vient en
droite ligne des vices du scrutin d'ar-
rondissement. Ce n'est pas M. de Frey-
cinet qui le niera, ni M. Léon Say non
plus, je pense.
Il paraît que M. Léon Say est devenu
l'adversaire du scrutin de liste, dont il
proclamait naguère les vertus dans les
banquets de son département : c'est
tout à fait curieux. L'ancien ministre
des finances a publié récemment dans
la Revue des Deux-Mondes, sur notre
prétendue désorganisation financière,
un article dont l'amertume et les exa-
gérations ont gâté les vues justes qui
s'y trouvent. Celles-ci sont pourtant en
plus grand nombre qu'on ne l'a dit d'a-
bord et elles auraient été tout à fait
claires, si M. Léon Say avait tiré la
conclusion de ses prémisses. Nous
voudrions admettre comme vraies toutes
les critiques indistinctement que M.
Léon Say adresse à la commission du
budget et à la majorité parlementaire,
à leur manière de discuter le budget et
de le mettre en équilibre, à leur timidité
d'une part, à leur témérité de-l'autre, à
leurs empiétements sur le domaine mi-
nistériel, à leurs largesses et à leur
parcimonie. Oui. nous voudrions dire à
M. Léon Say : tout cela est vrai, vous
avez raison, mais si vous ne convenez
pas avec nous que les trois quarts de
ces défauts viennent du scrutin d'arron-
dissement, vous êtes le plus aveugle et
le plus borné des hommes politiques !
Qu'il s'agisse du fameux amendement
que M. Sarrien « a fait passer malgré
les ministres et qui a eu la triste gloire,
dit M. Léon Say, de désorganiser pour
longtemps le budget de l'instruction
primaire H, dans l'unique but « de dé-
charger les communes du prélèvement
sur leurs ressources ordinaires »; qu'il
s'agisse « de ces réductions sur la va-
leur desquelles la commission du bud-
get ne se fait aucune illusion, — tou-
jours d'après M. Léon Say, — et qui
doivent revenir quelques mois plus
tard sous la forme de crédits supplé-
mentaires »; qu'il s'agisse des «fausses
économies » ou de « la politi lue né-
faste des dégrèvements », nous avons
toujours le droit de lui répondre : A qui
la faute, sinon à ce scrutin d'arrondis-
sement pour lequel vous témoignez au-
jourd'hui tant de goût?
« L'escompte anticipé des annula-
tions futures » : scrutin d'arrondisse-
ment ! « Les déductions pour vacances
d'emplois, décès, mises à la retraite,
qui se produiront dans le cours de
1 exercice » : scrutin d'arron lisse-
ment ! Tendance de la commission à
se subdiviser en sois-commissions
nommant autant de rapporteurs spé-
ciaux qu'il y a de ministères et détrui-
sant ainsi, selon M. Léon Say, l'unité
nécessaire du budget, sans laquelle il
n'y a ni sécurité, ni clarté : scrutin
d'arrondissement I Diminution de 150
millions dans les recettes par un dou-
ble dégrèvement partant à la fois sur
les sucres et sur. les vins : scrutin
d'arrondissement 1 Autre dégrèvement
de 71 millions sur les boissons : scru-
tin d'arrondissement encore, scrutin
d'arrondissement toujours et plus que
jamais !
M. Léon Say a résumé ce qu'on a ap-
pelé son « amphlet budgétaire» par ces
mots: « Cette Chambre a sacrifié les
principes à des nécessités électorales ».
Il a osé dire que « le budget de la France
a été frappé au, cœur et qu'il ne se re-
lèvera plus M, ou quelque chose d'appro-
chant, Et il n'a pas recherché un seul
moment par quels moyens la démocra-
tie républicaine peut se donner des
représentants « qui ne sacrifient plus
les principes à des nécessitès électora-
les » ! Toutes les accusations de M.
Léon Say et de ses amis dans l'une o i
l'autre Chambre peuvent se résumer très
brièvement. Ils reprochent en défini-
tive à la majorité de n'avoir pas eu de
politique financière. Pour avoir une po-
litique financière, il faut d'abord être
en situation d'avoir,. de former et de
soutenir tout simplement une politique.
Pour sauvegarder attentivement l'unité
et ce que le financier appelle « la per-
sonnalité comptable du budget », il faut
d'abord que le Parlement possède son
unité et sa personnalité morales, puisées
dans des scrutins d'ensemble, dans une
large consultation du suffrage universel.
Ainsi nous n'avons pas besoin de dis-
cuter les principes financiers de M. Léon
Say, auxquels il a d'ailleurs donné lui-
même de considérables accrocs, pour
déclarer que s'il les veut maintenir ou
restaurer il doit renoncer d'abord à son
détestable scrutin d'arrondissement. Il
serait facile de présenter de semblables
réflexions à propos du récent discours
de M. de Freycinet ai Sénat. Autant
l'un témoigne de pessimisme et d'hu-
meur, autant celui-ci a montré de con-
fiance dansla solidité des affaires géné-
rales du pays ; mais M. de Freycinet
n'a pu s'empêcher de regretter que les
programmes d'ensemble que l'on avait
élaborés pour l'outillage économique
de la France, aient été soumis à un sys-
tème de morcellement et pour ainsi dire
d'écartèlement, chacun tirant de son
côté, qui un chemin de 1er, qui un pont,
qu'en tronçon de canal.
C'est toujours au scrutin d'arrondis-
sement qu'il faut s'en prendre comme
au principal auteur de ces maux di-
vers. Quoi d'étonnant? Si vous n'adop-
tez pas d'abord le meilleur mode de
former dans une démocratie libre et pro-
gressive, une majorité parlementaire
ayant l'unité, la cohésion, l'esprit de
conduite, comment auriez-vous ensuite
une politique ? comment auriez-vous un
budget?
UNE "ICTOIRE DIPLOMlTIQUE
Hier soir, au Foreign-Office, les re-
présentants des six grandes puissances
européennes ont dû signer la convention
qui règle la délicate question des finan-
ces égyptiennes.
Cette convention a pour principe Fin-
tervention collective de l'Europe en
Egypte et, pour sanction pratique,
accorde au gouvernement khédival la
garantie nécessaire pour l'emprunt de
225 millions qui doit équilibrer le bud-
get égyptien. Elle modifiera, déplus, la
loi de liquidation.
11 paraît également certain que la
neutralité du canal de Suez est recon-
nue comme un principe de droit inter-
national. Le règlement des détails sera
confié à une commission des puissances
qui se réunira, dans douze jours, à
Paris.
A cette commission, avec la France,
l'Angleterre, la Russie, l'Autriche, l'Al-
lemagne, la Turquie (en qualité de
suzeraine de l'Egypte), le gouvernement
khédival sera représenté, mais par un
commissaire qui n'aura que voix con-
sultative.
Les délibérations seront prises à la
majorité des voix, chailue commissaire
ayant un sufirage.
On désigne, comme représentant de
la France, M. Billot, directeur au minis-
tère des affaires étrangères, et M. Bar-
rère, notre agent au Caire, qui a fait
partie déjà de la commission du Da-
nube.
On pense qu'à l'exemple de la Russie
et de l'Allemagne les consuls généraux
du Caire seront les représentants des
puissances. C'est le représentant de la
France qui présidera.
Cet événement est important et heu-
reux. La réunion de la commission à
Paris, déjà, est une bonne chose. Mais
ce qui vaut mieux que les satisfactions
d'amour-propre, c'est le fait même de
l'acceptation par l'Angleterre d'une po-
litique qui met fin à ses prétentions
exclusives sur le protectorat, de FE-
gynte.
Il ne nous convient pas, employant
des termes blessants, de dire qu'Albion
recule à la fois devant F Europe et de-
vant les nègres du mahdi.
Mais nous pouvons constater qu'elle
revient à une politique plus sage, plus
prudente, et que ce retour diminue le
regret que nous avait causé le fâcheux
effacement de précédents cabinets dans
les affaires de l'Egypte.
Pour faire suite à la coalition conser-
vatrice rêvée par la Patrie sur le prin-
cipe de l'appel au peuple, c'est-à-dire du
suffrage universel exprimé dans toute sa
force, il faut noter cette déclaration de
Y Univers:
« On sait, dit l'Univers, que nous n'avons
pas la moindre confiance dans le suffrage
universel. Nous ne croyons pas du tout
que ce soit grâce à lui que la monarchie
doive se rétablir, si la monarchie se ré-
tablit un jour Cependant ses manifesta-
tions ne sont pas sans intérêt, et il faut
noter fr ce. titre les chiffres du vote de
dimanche, dans la Sarthe, pour l'élection
du député de la Flèche. Ces chiffres, en
effet, sont la preuve d'uu certain retou
Sa l'opinion publique vers les conserva-
teurs. #
1 Voilà deux phrases : « Si la monarchie
se rétablit un jour », et : « Un certain
retour de l'opinion publique vers les con-
servateurs 1), qiii ne respirent pas positi-
vement l'enthousiasme.
N'aurait-on pas loi, à l'Univers, dans la
panacée de la Patrie? C'est probable.
Cela prouve néanmoins que les conser-
vateurs sont bien d'accord sur un point :
leur manque de confiance absolu les
uns envers les autres.
.«su
L'HISTOIRE ET LES FAITS-DIVERS
Un diplomate, mis à mort par une
femme qu'il a séduite en lui promet-
tant de l'épouser, quoi qu'il fût déjà
marié , ce n'est là au premier abord
qu'un fait-divers un peu banal. Rien
n'est plus commun que les vengeances
de femmes, et les privilèges du corps
diplomatique ne sont pas des cuirasses
à l'épreuve de la balle. Pour qui ne
s'arrête pas à l'écorce des choses, le
cas de l'infortuné M. Sakurada marque
une étape décisive de la marche des Ja-
ponais vers la civilisation. Ce coup
4e- - Jell consacre leur entrée dans la
société occidentale. Jusque-là, on pou-
vait encore tracer entre eux et nous
une ligne de démarcation. Il est bien
certain aujourd'hui qu'ils sont des nô-
tres.
La révolution que vient d'accomplir
ce peuple aimable et intelligent est
peut-être la merveille la plus surpre-
nante de ce siècle de merveilles. Nos
pères de 89 et de 93, qui se flattaient de
renouveler la face du monde, étaient
des conservateurs et des ganaches à
côté des hommes d'Etat qui ont fait pas-
ser, en si peu d'années, leur pays du
moyen âge féodal et farouche à la plus
pure modernité. Pierre le Grand, dont
on vante l'audacieuse initiative, avait
bien moins à faire, et n'a pas si bien
réussi. Il n'a manqué aux auteurs de ce
miracle, pour attirer sur eux l'attention
de l'univers, que des attitudes tragiques
et l'art de la mise en scène. Si le mi-
kado, au lieu d'être un jeune et sage
empereur qui a laissé faire ses minis-
tres et qui continue leur œuvre sans se-
cousse ni défaillance, était un héros
barbare et sanguinaire, capable de dé-
capiter ses sujets rebelles de sa propre
main et d'empoisonner son fils après
lui avoir fait donner la torture, sa phy-
sionomie nous serait aussi familière que
celle du vainqueur de Charles XII le fut
aux contemporains de Voltaire.
Pourtant on était toujours tenté de se
demander si cette transformation n'était
pas une illusion d'optique, si les Japo-
nais ne jouaient pas, pour leur amuse-
ment et le nôtre, une comédie d'une
étrangeté tout orientale, et s'ils n'al-
laient pas soudain rentrer dans la cou-
lisse pour reprendre leurs mœurs, leurs
costumes et leurs sabres. Certes, l'imi-
tation est parfaite ; ils nous ont tout
emprunté, depuis les canons Krupp jus-
qu'à la redingote, depuis les timbres-
poste jusqu'aux photographes. Ils sont
venus étudier dans nos Ecoles, causer
dans nos salons, écrire dans nos revues.
Mais ne leur manquait-ii pas encore
quelque chose, tant qu'on n'a pas troavé
parmi eux le héros de quelque drame re-
tentissant de séduction et de vengeance?
Pour acquérir, dans notre vieille société,
le droit de cité sans réserve ni excep-
tion, il faut franchir bien des portes ;
la dernière est celle que les femmes
ouvrent aux nouveaux venus en leur
ouvrant leur cce r Un peuple peut
nous montrer des politiques, des artis-
tes, des écrivains, des ingénieurs à la
mode de l'Europe ; il ne tient ses ti-
tres authentiques de grande naturalisa-
tion que quand il nous prouve par un
exemple éclatant qu'il compte aussi des
don Juan capables de séduire une jeune
fille européenne.
Ceux-là seulement crieront au para-
doxe qui s'obstinent à méconnaître l'im-
portance capitale des faits divers dans
l'histoire de la civilisation et des mœurs.
L'instinct populaire ne s'y trompe pas,
et les gens simples qui sautent par des-
sus la politique pour aller tout droit à la
colonne des crimes, délits et accidents,
sont des philosophes sans le savoir, qui
classent inconsciemment ces documents
humains selon l'ordre véritable de leur
valeur relative. Nous pouvons en juger
en nous transportant dans le passé.
Certes, aujourd'hui, le conflit des deux
Chambres, la taxe des bestiaux, prennent
le pas sur les petites catastrophes du
jour. Mais supposez qu'on nous mette
entre les mains une collection de jour-
naux de la Restauration. Lirez-vous le
compte rendu des séances où M. Pas-
quier disputait à M. de Yillèle la palme
de l'éloquence, ou bien les nouvelles du
procès Fualdès? Croyez-vous que la pos-
térité s'intéresse autant à la lutte hé-
roïque du ministère Molé contre la
coalition parlementaire qu'aux péripé-
ties bien plus émouvantes et aussi bien
plus instructives de la lutte engagée
entre Mme Lafarge et ses accusateurs?
Plus nous remontons dans le passé,
plus les faits divers acquièrent de prix
à nos yeux. Si on nous donnait le choix,
nous aimerions mieux tirer des cendres
de Pompél une collection des journaux
romains que les livres perdus de Tite-
Live, et l'érudition moderne se donne
bien plus de peine pour reconstituer la
vie privée des citoyens d'Athènes que
pour éclaircir les points obscurs de la
guerre du Péloponnèse. Malheureuse-
ment, ce n'est que de nos jours qu'on a
compris combien les faits divers sont
plus intéressants que les prétendus
événements historiques ; c'est pour cela
que nous nous faisons une idée si va-
gue, si incomplète et sans doute si fausse
del antiq,uité et même d'une partie des
temps modernes.
Il est probable que, quand nos petits-
neveux parcourront les annales de ce
siècle, ils remettront les choses à leur
place et les faits à leur rang. Héritiers
de toute la masse de documents humains
que nous rassemblons au jour le jour
pour l'instruction de la postérité, ils
choisiront ceux qui marquent d'une
façon irrécusable l'avènement d'une doc-
trine, le triomphe d'une idée, l'établis-
sement d'une coutume, qui trahissent
la décadence d'une institution ou l'affai-
blissement d'un pouvoir. L'historien qui
dans deux cents ans racontera notre
époque et s'efforcera de faire revivre
notre génération négligera de mention-
ner bien des escarmouches parlemen-
taires, et ne signalera certaines crises
ministérielles que pour l'acquit de sa
conscience. Mais il n'omettra pas de faire
remarquer qu'en 1885 la fusion entre les
Japonais et les Occidentaux était assez
complète pour qu'nn ambassadeur de
l'empire du soleil levant fût tué d'un
coup de revolver par une jeune Bruxel-
loise qu'il avait séduite en lui promettant
le mariage.
■
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, 17 mars 1885.
Toute cette séance a encore été consa-
crée aux animaux ; nos honorables ont
décidément pour les bêtes de véritables
trésors de tendresse, qu'on ne soupçon-
nait nullement.
Les chevaux étaient en tête de l'ordre
du jour. Le baron d'Aillières, un sporst-
man distingué, nous a informés que la
fièvre typhoïde sévissait en ce moment
parmi la gent chevaline. Une question
au ministre de la guerre était tout indi-
quée, et voici pourquoi :
Il paraît que le général Lewala interdit
à la remonte de Caen l'achat des che-
vaux atteints par l'épidémie; mais, d'autre
part, on a permis aux éleveurs d'aller
vendre-leurs chevaux à Alençon et même
à Paris, ce qui est de nature à étendre
le fover de l'épidémie.
M. le baron d'Aillières demande en
conséquence que les achats faits à Alen-
çon ne soièht pas comptés dans l'effectif
réglementaire, et que les éleveurs de
Caen ne soient pas privés de la propor-
tion à laquelle ils ont droit dans les
achats de la remonte.
M. le général Lewal répond à M. le ba-
ron d'Aillières que l'épidémie est à peu
près terminée ; l'incident est donc clos.
Après les chevaux, le bétail.
Hier les bœufs ont été, on s'en sou-
vient, frappés d'un droit de 25 francs. Au-
jourd'hui, c'est le tour des vaches. Elles
paieront un droit de 12 francs à leur en-
trée en France.
Les taureaux, les bouvillons, les tau-
rillons, les génisses et les veaux ont subi
un sort à peu près égal; ils ne meurent
pas tous, mais tous sont plus ou moins
frappés.
Voici maintenant le mouton sur la sel-
lette, en compagnie de la pauvre brebis
et du bélier. M. de Ladoucette, que son
nom ne rend pas plus tendre, s'acharne
sur les animaux à laine et réclame un
droit de cinq francs. M Drumel, un peu
moins exigeant, se contenterait de quatre
francs ; M, Méline propose trois francs.
C'est ce dernier chiffre qui est adopté par
285 voix contre 186.
Le porc vient à son tour ; pour celui-
à, on est sans pitié, on le frappe d'un
droit de six francs.
Et puis, par 212 voix contre '192, on
condamne ce pauvre petit cochon de lait
à un franc d'amende.
Que nos lecteurs ne s'imaginent pas
que nous plaisantons : le cochon de lait
lui-même y a passé 1 Après avoir établi
un droit de 7 francs par cent kilog. sur la
viande fraîche de boucherie et de 81r. 50
sur les viandes salées, on vote sur l'arti-
cle 1er, qui est adopté.
Restent quelques articles additionnels
que M. Gustave Rivet propose de joindre
à la discussion du budget de 1886. La
Chambre se range à cet avis et adopte
la loi dans son ensemble par 314 voix
contre 177.
La loi tombe. Adieu veaux, vaches,
cochons de lait, etc., etc. ; tout est frappé.
Reste à savoir maintenant si cette nou-
velle législation aura des conséquences
heureuses. L'avenir le dira.
Demain jeudi, on commencera le grand
débat sur le scrutin de liste. Qu'en sor-
tira-t-il ?. C'est la bouteille à l'encre
mais nous gardons boi espoir.
Louis DESFORGES,
Nouvelles parlementair.
CRAMBRE DBS DÉPUTÉS
Questions et interpellations
M. Emile Brousse, député des Pyrénées-
Orientales, a vu hier M. Jules Ferry, pré-
sident du conseil, au sujet de la question
qu'il se propose de lui adresser relative-
ment au meurtre commis, entre Port-Bou et
Cerbère, dans les eaux françaises, par des
douaniers espagnols.
l M. Jules Ferry a déclaré àM. Brousse qu'il
ne pouvait pas accepter sa question. Il a
ajouté que le baron des Michels devant :,e..
trer prochainement à Madrid, de nor n -
négociations allaient étra engagées
incident, En conséquence, le présû n..h* *
conseil a demandé à M. Brousse, as 1 cas
où le député des Pyrénées-(irlôù;.aIf. vou-
drait transformer sa questionnen Interpella.
tion, d'en ajourner le dépôt jusqu'au jour
où le rés ltat de ces négociations sera
connu.
M. Brousse s'est rallié à l'ajournement
D'autre part, M. Félix Granet avait songé
à questionner le gouvernement sur notre
situation en Cochinchine ; mais, afin de ne
pas retarder le débat sur le scrutin de liste,
le député d'Arles a renvoyé l'exécution de
ce projet jusqu'après l'adoption, par la
Chambre, de la proposition de M. Coastans.
La question sur la Cochinchioe sera indé-
pendante de l'interpellation que l'Extrême-
Gauche a chargé le même député de déve-
lopper sur les affaires de Chine.
Le scrutin de liste
On sait que M. Constans demande, dans
son rapport sur le scrutin de liste, qu'il soit
élu un député par 70,000 habitants. M.
Félix Martin, député de Saône-Et-Loire,
vient de déposer sur le bureau de la Cham-
brs un amendement aux termes duquel il
devrait être tenu compte de toute fraction
supérieuro à 20,000.
D'autre part, M. Courmeaux, député de la
Marne, vice-président de l'Extrême Gauche,
compta demander à la Chambre, par voie
d'amendement, que les majorités et les mi-
norités aient une représentation proportion-
nelle. Nul no serait élu député s'il n'avait
réuni au moins le dixième des voix des
électeurs inscrits. Les siège, seraient tépartis
entre les listes proportionnellement aux
totaux respectifs des voix qu'elles auraient
obtenues.
En revanche, M. Letellier a retiré son
amendement tendant à donner un député
de plus aux départements d'Alger et d'Oran.
La commissiun du scrutin de liste avait
émis un avis défavorable.
La fabrication des armes de guerre
La commission relative à la fabrication et
au commerce des armes et des munitions de
guerre et de tir s'est réunie hier à deux
heures.
Elle a entendu M. Rouvier, ministre du
commerce.
M. Rouvier a déclaré qu'il ne pourrait don-
ner son avis sur la fabrication des muni-
tions chargées avant que la commission
ressortissant de son ministère eût terminé
son travail.
Relativement aa maintien du banc d'é-
preuves, il en conférera avec la commission.
quand elle aura pris une décision forme a
ce sujet..
Poursuites contre un député
Les bureaux. do la Chambre ont nommé
hier la commission chargée d'examiner la
demande en autorisatîbu de poursuites for-
mée par un particulier contre M. Mauger,
député du Calvados.
Les membres élus sont MM. Lesguillier. Fou-
quet, Peulevey, Bisseuil, Theulier, Ferrary,
Trouard-Riolle, Tony Révillon, Truelle, Ra-
meau et Pelisse. -
Tous ces membres sont opposés à l'auto-
risation de poursuites, et les bureaux ont
été unanimes dans leur refus d'autorisation.
La commission d'enquête
La délégation de la commission d enquêta
parlementaire sur la situation des ouvriers
en France, qui a déjà procédé à l'enquête
dans le bassin de la Loire et à Lyon, se réu-
nira demain jeudi au Palais-Bourbon, pour
décider si elle doit se rendre dans la Seine-
Inférieure et dans les Vosges.
Dans Je cas où elle se prononcerait pour la
continuation de l'enquête, la délégation quit*
terait Paris le 31 mars pour rentrer le 4
avri.
SÉNAT
Le budget de 1385 - —
La commission sénatoriale des finances se
réunira demain jeudi, avant la séance pu-
blique, pour entendre la lecture du rapport
de M. Dauphin sur le budget de 1835 mo-
diSé par la Chambre.
Ce rapport, s'il est définitivement ap-
prouvé, sera déposé, au cours de la séance,
sur la tribune du Sénat.
Les principaux groupes de la majorité ré-
publicaine se réuniront également demain
dans l'après-midi pour arrêter la ligne de
conduite à suivre lors de la discussion du
rapport de M. Dauphin.
On pense que le résultat la ces réunions
assurera une conciliation nécessaire.
Les Négociations
On parle sérieusement de la possibilité
de conclure la paix avec la Chine. On
ajoute même que des négociations sont
engagées, mais sur ce point les rensei..
gnements sont quelque peu vagues.
Est-ce à Tientsin ? Est-ce ailleurs 7
Est-ce entre M. Patenôtre et Li-Hong-
Gliang ? Cette hypothèse serait la plus
vraisemblable ; mais rien n'autorise jus-
qu'ici à dire ni même à croire que des
pourparlers aient été ouverts ici plutôt
que là.
A défaut de nouvelles précises, on se
risque à en fabriquer Quelques-unes,
quitte à les démentir demain, si le ballon
d'essai crève en route.
C'est ainsi qu'on annonce comme chose
sinon faite, au moins probable, la mé-
diation de l'Allemagne. Le chancelier de
l'empire, à en croire un de nos confrè-
res, se serait ému de la situation faite
au commerce européen par la résistance
obstinée de la Chine, la prolongation des
hostilités et les mesures militaires
qu'exécute à l'heure actuelle l'amiral
Courbet avec son escadre.
Dans l'intérêt du trafic international,
M. de Bismarck aurait offert d'intervenir
diplomatiquement « et au besoin d'exer-
cer une presssion sur la Chine pour l'a-
mener à accepter les conditions de la
France».
La forme même donnée à cette nou-
velle — puisée, paraît-il, à bonne source
— en démontre l'invraisemblance mieux
que de longs raisonnements.
M. de Bismarck se rend compte à mer-
veille du préjudice causé au commerce
euroDéen par l'état de guerre. Qu'il ait
le grand désir de le voir cesser au plus
tôt, c'est légitime ; qu'il ait eu la pensée
de prêter ses bons offices en vue d'une
conclusion pacifique du conflit franco-
chinois, c'est admissible ; qu'il ait songé
à imposer sa médiation dans les condi-
tions que l'on nous dit, c'est invraiStm-
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- BULLETIN
Hier, la Chambre des députés à re-
pris la discussion relative aux droits
sur le bétail. Tous les chiffres propo-
sés par le gouvernement ont été adop-
tés. L'ensemble du projet a été voté par
281 voix contre 194. Il a été décidé, sur
la proposition de M. G. Rivet, que les
articles additionnels seraient discutés
avec le budget de 1886. Un nouveau
vote a eu lieu sur l'ensemble. Le pro-
jet n'a plus rencontré que 188 opposants.
Nous avons annoncé hier qu'à l'ayaïè4
dernière séance de la Chambresdes
communes le cabinet britannique itn-i,
fait d'intéressantes déclarations sur plu-j
sieurs questions à l'ordre du jour de
l'opinion, notamment les affaires du
Niger et la saisie de la contrebande de
guerre transportée par le Gleenroy. En
réponse aM. Barran, lordFitz Maurice
a dit que lles-négociations en vue d'une
entente amicale entre l'Angleterre et
rAllemagnè, relativement à leurs pro-
tectorats respectifs dans les districts du
Niger et du Cameroon, étaient actuelle-
ment pendantes, et que par des conces-
sions mutuelles on pourrait résoudre
toutes les questions concernant I Afri-
que occidentale et orientale et le Paci-
fique Sud au mieux de tous les inté-
rêts engagés.
M. Gorst a demandé au cabinet des
explications au sujet de la violation par
la France de la convention de 1847,
portant respect de l'indépendance de
Raiatea et des autres îles de l'archipel
de la Société.
Lord Fitz-Maurice a répondu quen
1880 le drapeau français a bien été
hissé à Raiatea1, mais que des repré-
sentations ont été faites au gouverne-
ment français et que les négociations
continuent, le cabinet britannique ayant
consenti au maintien provisoire du dra-
p.eau français à Raiatea.
RôpondanUi M. Sutherland, lord Fitz-
Maurice a déclaré que la saisie du
plomb transporté à bord du Gleenroy
motivera un échange d'explications en-
tre les cabinets de Paris et de Londres
et que celui-ci a bon espoir que la
saisie de la cargaison sera levée. Car
le plomb était probablement destiné à
la « confection de doublures pour les
boîtes à thé. »
Lord Fitz-Maurice, en réponse à une
ouestion de sir Slafford Northcote, "a
déclaré n'avoir reçu aucune confirma-
tion officielle de la chute de Kassala.
Hier, à la Chambre des communes,
M. Gladstone a annoncé la signature de
l'arrangement financier relatif à l'E-
gypte, et, sur une question de M. Gib-
son, a fait connaître que M. de Giers lui
avait donné l'assurance, dans une com-
munication reçue le matin même, que
les troupes russes n'avanceront pas au
delà des positions qu'elles occupent ac-
tuellement, sous cette réserve que les
Afghans fassent de même, et « sauf le
cas d'une raison extraordinaire, telle
que des troubles à Pendjeb ». M. de
Giers a rappelé au cabinet britannique
que des ordres ont été envoyés aux com-
mandants russes pour éviter toute col-
lision - aux avant-postes.
M. Gladstone a engagé la Chambre à
ne pas réclamer d'autres informations,
et a été très applaudi par les libéraux.
Lord Fitz-Maurice a ajouté que le gou-
vernement n'a reçu aucune nouvelle
d'un mouvement de troupes russes du
côté deBalkh, et qu'il croit que, depuis
l'accord intervenu, la marche en avant
des Russes a été interrompue. Cet ac-
cord d'ailleurs, laisse entière la question
de la possession ultérieure de Pendjeb,
d'Akrabat et de Zulfikar.
Lord Granville a fourni, à la Chambre
des lords, des explications analogues
à celles de M. Gladstone sur la ques-
tion afghane. Répondant à lord Bury,
il a dit que l'arrestation de Zebehr-Pacha
ne constitue pas un changement dans la
politique du gouvernement en Egypte,
mais que, tant Aue les opérations mili-
taires y continuent, l'Angleterre est
obligée de prendre les mesures exigées
par les circonstances militaires. ,.
Ayant reçu une information du géné-
ral Wolseley concernant Zebehr-Pacha,
il a, sous sa propre responsabilité et
après une communication avec le khé-
dive, arrêté Zebehr-Pacha et ses deux
fils et opéré la saisie de leurs papiers.
M. de Bismarck compte un échec de
plus au Reichstag. Malgré la vigueur
avec laquelle le chancelier a défendu sa
politique coloniale et a réclamé le vote
des subventions postales, la ligne d'Afri-
que a été repoussée à 9 voix de majo-
rité Il est vrai que la ligne d'Australie
a été votée par 170 voix contre 159.
Nous recevons de Copenhague la nou-
velle que. comme il n'est pas probable
que l'on parvienne à s'entendre au su-
jet du budget, qui devrait être voté pour
le 1er avril, la Gauche du Folkething a
déposé aujourd'hui un projet d'adresse
au roi, faisant appel à la sagesse de Sa
Majesté pour trouver une solution au
conflit entre le cabinet et le Folkething.
■ Mlffll»
QUESTION DU JOUR
Le scrutin de liste
On a souvent discuté du mérite et du
démérite des divers modes d'élection,
au point de vue politi ,ue. On a démon-
tré amplement que le scrutin de liste est
plus conforme au principe de la souve-
raineté nationale, plus favorable à l'union
des républicains, au progrès de la dé-
mocratie. à la vigueur des institutions
libres. On a dit que ne point tenir une
promesse faite tant de fois, avec tant
de force, renouvelée en de tels termes,
jusqu'au dernier moment, serait la plus
éclatante défaite qu'un parti politique
se fùL jamais infligée à lui-même, et le
signe peu discutable d'un déclin. Les
avantages du scrutin de liste départe-
mental et les inconvénients du scrutin
parcellaire ont été moins souvent étu-
diés au point de vue des finances du
pays. Ils sont, dans cet ordre d'idées,
tout aussi manifestes que dans l'autre.
Qu'un mode de scrutin produise la
désunion, l'éparpillement, l'incohérence,
le manque de méthode et de suite, les
finances doivent s'en ressentir en même
temps que la politique générale, c'est
évident. Mettons à part les effets d'un
malaise universel qui ne tient ni à la
forme des gouvernements ni à celle des
divers régimes parlementaires de l'Eu-
rppe, mais qui pèse plus ou moins sur
tous les peuples, le reste, tout le sur-
plus qui aurait pu être évité, vient en
droite ligne des vices du scrutin d'ar-
rondissement. Ce n'est pas M. de Frey-
cinet qui le niera, ni M. Léon Say non
plus, je pense.
Il paraît que M. Léon Say est devenu
l'adversaire du scrutin de liste, dont il
proclamait naguère les vertus dans les
banquets de son département : c'est
tout à fait curieux. L'ancien ministre
des finances a publié récemment dans
la Revue des Deux-Mondes, sur notre
prétendue désorganisation financière,
un article dont l'amertume et les exa-
gérations ont gâté les vues justes qui
s'y trouvent. Celles-ci sont pourtant en
plus grand nombre qu'on ne l'a dit d'a-
bord et elles auraient été tout à fait
claires, si M. Léon Say avait tiré la
conclusion de ses prémisses. Nous
voudrions admettre comme vraies toutes
les critiques indistinctement que M.
Léon Say adresse à la commission du
budget et à la majorité parlementaire,
à leur manière de discuter le budget et
de le mettre en équilibre, à leur timidité
d'une part, à leur témérité de-l'autre, à
leurs empiétements sur le domaine mi-
nistériel, à leurs largesses et à leur
parcimonie. Oui. nous voudrions dire à
M. Léon Say : tout cela est vrai, vous
avez raison, mais si vous ne convenez
pas avec nous que les trois quarts de
ces défauts viennent du scrutin d'arron-
dissement, vous êtes le plus aveugle et
le plus borné des hommes politiques !
Qu'il s'agisse du fameux amendement
que M. Sarrien « a fait passer malgré
les ministres et qui a eu la triste gloire,
dit M. Léon Say, de désorganiser pour
longtemps le budget de l'instruction
primaire H, dans l'unique but « de dé-
charger les communes du prélèvement
sur leurs ressources ordinaires »; qu'il
s'agisse « de ces réductions sur la va-
leur desquelles la commission du bud-
get ne se fait aucune illusion, — tou-
jours d'après M. Léon Say, — et qui
doivent revenir quelques mois plus
tard sous la forme de crédits supplé-
mentaires »; qu'il s'agisse des «fausses
économies » ou de « la politi lue né-
faste des dégrèvements », nous avons
toujours le droit de lui répondre : A qui
la faute, sinon à ce scrutin d'arrondis-
sement pour lequel vous témoignez au-
jourd'hui tant de goût?
« L'escompte anticipé des annula-
tions futures » : scrutin d'arrondisse-
ment ! « Les déductions pour vacances
d'emplois, décès, mises à la retraite,
qui se produiront dans le cours de
1 exercice » : scrutin d'arron lisse-
ment ! Tendance de la commission à
se subdiviser en sois-commissions
nommant autant de rapporteurs spé-
ciaux qu'il y a de ministères et détrui-
sant ainsi, selon M. Léon Say, l'unité
nécessaire du budget, sans laquelle il
n'y a ni sécurité, ni clarté : scrutin
d'arrondissement I Diminution de 150
millions dans les recettes par un dou-
ble dégrèvement partant à la fois sur
les sucres et sur. les vins : scrutin
d'arrondissement 1 Autre dégrèvement
de 71 millions sur les boissons : scru-
tin d'arrondissement encore, scrutin
d'arrondissement toujours et plus que
jamais !
M. Léon Say a résumé ce qu'on a ap-
pelé son « amphlet budgétaire» par ces
mots: « Cette Chambre a sacrifié les
principes à des nécessités électorales ».
Il a osé dire que « le budget de la France
a été frappé au, cœur et qu'il ne se re-
lèvera plus M, ou quelque chose d'appro-
chant, Et il n'a pas recherché un seul
moment par quels moyens la démocra-
tie républicaine peut se donner des
représentants « qui ne sacrifient plus
les principes à des nécessitès électora-
les » ! Toutes les accusations de M.
Léon Say et de ses amis dans l'une o i
l'autre Chambre peuvent se résumer très
brièvement. Ils reprochent en défini-
tive à la majorité de n'avoir pas eu de
politique financière. Pour avoir une po-
litique financière, il faut d'abord être
en situation d'avoir,. de former et de
soutenir tout simplement une politique.
Pour sauvegarder attentivement l'unité
et ce que le financier appelle « la per-
sonnalité comptable du budget », il faut
d'abord que le Parlement possède son
unité et sa personnalité morales, puisées
dans des scrutins d'ensemble, dans une
large consultation du suffrage universel.
Ainsi nous n'avons pas besoin de dis-
cuter les principes financiers de M. Léon
Say, auxquels il a d'ailleurs donné lui-
même de considérables accrocs, pour
déclarer que s'il les veut maintenir ou
restaurer il doit renoncer d'abord à son
détestable scrutin d'arrondissement. Il
serait facile de présenter de semblables
réflexions à propos du récent discours
de M. de Freycinet ai Sénat. Autant
l'un témoigne de pessimisme et d'hu-
meur, autant celui-ci a montré de con-
fiance dansla solidité des affaires géné-
rales du pays ; mais M. de Freycinet
n'a pu s'empêcher de regretter que les
programmes d'ensemble que l'on avait
élaborés pour l'outillage économique
de la France, aient été soumis à un sys-
tème de morcellement et pour ainsi dire
d'écartèlement, chacun tirant de son
côté, qui un chemin de 1er, qui un pont,
qu'en tronçon de canal.
C'est toujours au scrutin d'arrondis-
sement qu'il faut s'en prendre comme
au principal auteur de ces maux di-
vers. Quoi d'étonnant? Si vous n'adop-
tez pas d'abord le meilleur mode de
former dans une démocratie libre et pro-
gressive, une majorité parlementaire
ayant l'unité, la cohésion, l'esprit de
conduite, comment auriez-vous ensuite
une politique ? comment auriez-vous un
budget?
UNE "ICTOIRE DIPLOMlTIQUE
Hier soir, au Foreign-Office, les re-
présentants des six grandes puissances
européennes ont dû signer la convention
qui règle la délicate question des finan-
ces égyptiennes.
Cette convention a pour principe Fin-
tervention collective de l'Europe en
Egypte et, pour sanction pratique,
accorde au gouvernement khédival la
garantie nécessaire pour l'emprunt de
225 millions qui doit équilibrer le bud-
get égyptien. Elle modifiera, déplus, la
loi de liquidation.
11 paraît également certain que la
neutralité du canal de Suez est recon-
nue comme un principe de droit inter-
national. Le règlement des détails sera
confié à une commission des puissances
qui se réunira, dans douze jours, à
Paris.
A cette commission, avec la France,
l'Angleterre, la Russie, l'Autriche, l'Al-
lemagne, la Turquie (en qualité de
suzeraine de l'Egypte), le gouvernement
khédival sera représenté, mais par un
commissaire qui n'aura que voix con-
sultative.
Les délibérations seront prises à la
majorité des voix, chailue commissaire
ayant un sufirage.
On désigne, comme représentant de
la France, M. Billot, directeur au minis-
tère des affaires étrangères, et M. Bar-
rère, notre agent au Caire, qui a fait
partie déjà de la commission du Da-
nube.
On pense qu'à l'exemple de la Russie
et de l'Allemagne les consuls généraux
du Caire seront les représentants des
puissances. C'est le représentant de la
France qui présidera.
Cet événement est important et heu-
reux. La réunion de la commission à
Paris, déjà, est une bonne chose. Mais
ce qui vaut mieux que les satisfactions
d'amour-propre, c'est le fait même de
l'acceptation par l'Angleterre d'une po-
litique qui met fin à ses prétentions
exclusives sur le protectorat, de FE-
gynte.
Il ne nous convient pas, employant
des termes blessants, de dire qu'Albion
recule à la fois devant F Europe et de-
vant les nègres du mahdi.
Mais nous pouvons constater qu'elle
revient à une politique plus sage, plus
prudente, et que ce retour diminue le
regret que nous avait causé le fâcheux
effacement de précédents cabinets dans
les affaires de l'Egypte.
Pour faire suite à la coalition conser-
vatrice rêvée par la Patrie sur le prin-
cipe de l'appel au peuple, c'est-à-dire du
suffrage universel exprimé dans toute sa
force, il faut noter cette déclaration de
Y Univers:
« On sait, dit l'Univers, que nous n'avons
pas la moindre confiance dans le suffrage
universel. Nous ne croyons pas du tout
que ce soit grâce à lui que la monarchie
doive se rétablir, si la monarchie se ré-
tablit un jour Cependant ses manifesta-
tions ne sont pas sans intérêt, et il faut
noter fr ce. titre les chiffres du vote de
dimanche, dans la Sarthe, pour l'élection
du député de la Flèche. Ces chiffres, en
effet, sont la preuve d'uu certain retou
Sa l'opinion publique vers les conserva-
teurs. #
1 Voilà deux phrases : « Si la monarchie
se rétablit un jour », et : « Un certain
retour de l'opinion publique vers les con-
servateurs 1), qiii ne respirent pas positi-
vement l'enthousiasme.
N'aurait-on pas loi, à l'Univers, dans la
panacée de la Patrie? C'est probable.
Cela prouve néanmoins que les conser-
vateurs sont bien d'accord sur un point :
leur manque de confiance absolu les
uns envers les autres.
.«su
L'HISTOIRE ET LES FAITS-DIVERS
Un diplomate, mis à mort par une
femme qu'il a séduite en lui promet-
tant de l'épouser, quoi qu'il fût déjà
marié , ce n'est là au premier abord
qu'un fait-divers un peu banal. Rien
n'est plus commun que les vengeances
de femmes, et les privilèges du corps
diplomatique ne sont pas des cuirasses
à l'épreuve de la balle. Pour qui ne
s'arrête pas à l'écorce des choses, le
cas de l'infortuné M. Sakurada marque
une étape décisive de la marche des Ja-
ponais vers la civilisation. Ce coup
4e- - Jell consacre leur entrée dans la
société occidentale. Jusque-là, on pou-
vait encore tracer entre eux et nous
une ligne de démarcation. Il est bien
certain aujourd'hui qu'ils sont des nô-
tres.
La révolution que vient d'accomplir
ce peuple aimable et intelligent est
peut-être la merveille la plus surpre-
nante de ce siècle de merveilles. Nos
pères de 89 et de 93, qui se flattaient de
renouveler la face du monde, étaient
des conservateurs et des ganaches à
côté des hommes d'Etat qui ont fait pas-
ser, en si peu d'années, leur pays du
moyen âge féodal et farouche à la plus
pure modernité. Pierre le Grand, dont
on vante l'audacieuse initiative, avait
bien moins à faire, et n'a pas si bien
réussi. Il n'a manqué aux auteurs de ce
miracle, pour attirer sur eux l'attention
de l'univers, que des attitudes tragiques
et l'art de la mise en scène. Si le mi-
kado, au lieu d'être un jeune et sage
empereur qui a laissé faire ses minis-
tres et qui continue leur œuvre sans se-
cousse ni défaillance, était un héros
barbare et sanguinaire, capable de dé-
capiter ses sujets rebelles de sa propre
main et d'empoisonner son fils après
lui avoir fait donner la torture, sa phy-
sionomie nous serait aussi familière que
celle du vainqueur de Charles XII le fut
aux contemporains de Voltaire.
Pourtant on était toujours tenté de se
demander si cette transformation n'était
pas une illusion d'optique, si les Japo-
nais ne jouaient pas, pour leur amuse-
ment et le nôtre, une comédie d'une
étrangeté tout orientale, et s'ils n'al-
laient pas soudain rentrer dans la cou-
lisse pour reprendre leurs mœurs, leurs
costumes et leurs sabres. Certes, l'imi-
tation est parfaite ; ils nous ont tout
emprunté, depuis les canons Krupp jus-
qu'à la redingote, depuis les timbres-
poste jusqu'aux photographes. Ils sont
venus étudier dans nos Ecoles, causer
dans nos salons, écrire dans nos revues.
Mais ne leur manquait-ii pas encore
quelque chose, tant qu'on n'a pas troavé
parmi eux le héros de quelque drame re-
tentissant de séduction et de vengeance?
Pour acquérir, dans notre vieille société,
le droit de cité sans réserve ni excep-
tion, il faut franchir bien des portes ;
la dernière est celle que les femmes
ouvrent aux nouveaux venus en leur
ouvrant leur cce r Un peuple peut
nous montrer des politiques, des artis-
tes, des écrivains, des ingénieurs à la
mode de l'Europe ; il ne tient ses ti-
tres authentiques de grande naturalisa-
tion que quand il nous prouve par un
exemple éclatant qu'il compte aussi des
don Juan capables de séduire une jeune
fille européenne.
Ceux-là seulement crieront au para-
doxe qui s'obstinent à méconnaître l'im-
portance capitale des faits divers dans
l'histoire de la civilisation et des mœurs.
L'instinct populaire ne s'y trompe pas,
et les gens simples qui sautent par des-
sus la politique pour aller tout droit à la
colonne des crimes, délits et accidents,
sont des philosophes sans le savoir, qui
classent inconsciemment ces documents
humains selon l'ordre véritable de leur
valeur relative. Nous pouvons en juger
en nous transportant dans le passé.
Certes, aujourd'hui, le conflit des deux
Chambres, la taxe des bestiaux, prennent
le pas sur les petites catastrophes du
jour. Mais supposez qu'on nous mette
entre les mains une collection de jour-
naux de la Restauration. Lirez-vous le
compte rendu des séances où M. Pas-
quier disputait à M. de Yillèle la palme
de l'éloquence, ou bien les nouvelles du
procès Fualdès? Croyez-vous que la pos-
térité s'intéresse autant à la lutte hé-
roïque du ministère Molé contre la
coalition parlementaire qu'aux péripé-
ties bien plus émouvantes et aussi bien
plus instructives de la lutte engagée
entre Mme Lafarge et ses accusateurs?
Plus nous remontons dans le passé,
plus les faits divers acquièrent de prix
à nos yeux. Si on nous donnait le choix,
nous aimerions mieux tirer des cendres
de Pompél une collection des journaux
romains que les livres perdus de Tite-
Live, et l'érudition moderne se donne
bien plus de peine pour reconstituer la
vie privée des citoyens d'Athènes que
pour éclaircir les points obscurs de la
guerre du Péloponnèse. Malheureuse-
ment, ce n'est que de nos jours qu'on a
compris combien les faits divers sont
plus intéressants que les prétendus
événements historiques ; c'est pour cela
que nous nous faisons une idée si va-
gue, si incomplète et sans doute si fausse
del antiq,uité et même d'une partie des
temps modernes.
Il est probable que, quand nos petits-
neveux parcourront les annales de ce
siècle, ils remettront les choses à leur
place et les faits à leur rang. Héritiers
de toute la masse de documents humains
que nous rassemblons au jour le jour
pour l'instruction de la postérité, ils
choisiront ceux qui marquent d'une
façon irrécusable l'avènement d'une doc-
trine, le triomphe d'une idée, l'établis-
sement d'une coutume, qui trahissent
la décadence d'une institution ou l'affai-
blissement d'un pouvoir. L'historien qui
dans deux cents ans racontera notre
époque et s'efforcera de faire revivre
notre génération négligera de mention-
ner bien des escarmouches parlemen-
taires, et ne signalera certaines crises
ministérielles que pour l'acquit de sa
conscience. Mais il n'omettra pas de faire
remarquer qu'en 1885 la fusion entre les
Japonais et les Occidentaux était assez
complète pour qu'nn ambassadeur de
l'empire du soleil levant fût tué d'un
coup de revolver par une jeune Bruxel-
loise qu'il avait séduite en lui promettant
le mariage.
■
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, 17 mars 1885.
Toute cette séance a encore été consa-
crée aux animaux ; nos honorables ont
décidément pour les bêtes de véritables
trésors de tendresse, qu'on ne soupçon-
nait nullement.
Les chevaux étaient en tête de l'ordre
du jour. Le baron d'Aillières, un sporst-
man distingué, nous a informés que la
fièvre typhoïde sévissait en ce moment
parmi la gent chevaline. Une question
au ministre de la guerre était tout indi-
quée, et voici pourquoi :
Il paraît que le général Lewala interdit
à la remonte de Caen l'achat des che-
vaux atteints par l'épidémie; mais, d'autre
part, on a permis aux éleveurs d'aller
vendre-leurs chevaux à Alençon et même
à Paris, ce qui est de nature à étendre
le fover de l'épidémie.
M. le baron d'Aillières demande en
conséquence que les achats faits à Alen-
çon ne soièht pas comptés dans l'effectif
réglementaire, et que les éleveurs de
Caen ne soient pas privés de la propor-
tion à laquelle ils ont droit dans les
achats de la remonte.
M. le général Lewal répond à M. le ba-
ron d'Aillières que l'épidémie est à peu
près terminée ; l'incident est donc clos.
Après les chevaux, le bétail.
Hier les bœufs ont été, on s'en sou-
vient, frappés d'un droit de 25 francs. Au-
jourd'hui, c'est le tour des vaches. Elles
paieront un droit de 12 francs à leur en-
trée en France.
Les taureaux, les bouvillons, les tau-
rillons, les génisses et les veaux ont subi
un sort à peu près égal; ils ne meurent
pas tous, mais tous sont plus ou moins
frappés.
Voici maintenant le mouton sur la sel-
lette, en compagnie de la pauvre brebis
et du bélier. M. de Ladoucette, que son
nom ne rend pas plus tendre, s'acharne
sur les animaux à laine et réclame un
droit de cinq francs. M Drumel, un peu
moins exigeant, se contenterait de quatre
francs ; M, Méline propose trois francs.
C'est ce dernier chiffre qui est adopté par
285 voix contre 186.
Le porc vient à son tour ; pour celui-
à, on est sans pitié, on le frappe d'un
droit de six francs.
Et puis, par 212 voix contre '192, on
condamne ce pauvre petit cochon de lait
à un franc d'amende.
Que nos lecteurs ne s'imaginent pas
que nous plaisantons : le cochon de lait
lui-même y a passé 1 Après avoir établi
un droit de 7 francs par cent kilog. sur la
viande fraîche de boucherie et de 81r. 50
sur les viandes salées, on vote sur l'arti-
cle 1er, qui est adopté.
Restent quelques articles additionnels
que M. Gustave Rivet propose de joindre
à la discussion du budget de 1886. La
Chambre se range à cet avis et adopte
la loi dans son ensemble par 314 voix
contre 177.
La loi tombe. Adieu veaux, vaches,
cochons de lait, etc., etc. ; tout est frappé.
Reste à savoir maintenant si cette nou-
velle législation aura des conséquences
heureuses. L'avenir le dira.
Demain jeudi, on commencera le grand
débat sur le scrutin de liste. Qu'en sor-
tira-t-il ?. C'est la bouteille à l'encre
mais nous gardons boi espoir.
Louis DESFORGES,
Nouvelles parlementair.
CRAMBRE DBS DÉPUTÉS
Questions et interpellations
M. Emile Brousse, député des Pyrénées-
Orientales, a vu hier M. Jules Ferry, pré-
sident du conseil, au sujet de la question
qu'il se propose de lui adresser relative-
ment au meurtre commis, entre Port-Bou et
Cerbère, dans les eaux françaises, par des
douaniers espagnols.
l M. Jules Ferry a déclaré àM. Brousse qu'il
ne pouvait pas accepter sa question. Il a
ajouté que le baron des Michels devant :,e..
trer prochainement à Madrid, de nor n -
négociations allaient étra engagées
incident, En conséquence, le présû n..h* *
conseil a demandé à M. Brousse, as 1 cas
où le député des Pyrénées-(irlôù;.aIf. vou-
drait transformer sa questionnen Interpella.
tion, d'en ajourner le dépôt jusqu'au jour
où le rés ltat de ces négociations sera
connu.
M. Brousse s'est rallié à l'ajournement
D'autre part, M. Félix Granet avait songé
à questionner le gouvernement sur notre
situation en Cochinchine ; mais, afin de ne
pas retarder le débat sur le scrutin de liste,
le député d'Arles a renvoyé l'exécution de
ce projet jusqu'après l'adoption, par la
Chambre, de la proposition de M. Coastans.
La question sur la Cochinchioe sera indé-
pendante de l'interpellation que l'Extrême-
Gauche a chargé le même député de déve-
lopper sur les affaires de Chine.
Le scrutin de liste
On sait que M. Constans demande, dans
son rapport sur le scrutin de liste, qu'il soit
élu un député par 70,000 habitants. M.
Félix Martin, député de Saône-Et-Loire,
vient de déposer sur le bureau de la Cham-
brs un amendement aux termes duquel il
devrait être tenu compte de toute fraction
supérieuro à 20,000.
D'autre part, M. Courmeaux, député de la
Marne, vice-président de l'Extrême Gauche,
compta demander à la Chambre, par voie
d'amendement, que les majorités et les mi-
norités aient une représentation proportion-
nelle. Nul no serait élu député s'il n'avait
réuni au moins le dixième des voix des
électeurs inscrits. Les siège, seraient tépartis
entre les listes proportionnellement aux
totaux respectifs des voix qu'elles auraient
obtenues.
En revanche, M. Letellier a retiré son
amendement tendant à donner un député
de plus aux départements d'Alger et d'Oran.
La commissiun du scrutin de liste avait
émis un avis défavorable.
La fabrication des armes de guerre
La commission relative à la fabrication et
au commerce des armes et des munitions de
guerre et de tir s'est réunie hier à deux
heures.
Elle a entendu M. Rouvier, ministre du
commerce.
M. Rouvier a déclaré qu'il ne pourrait don-
ner son avis sur la fabrication des muni-
tions chargées avant que la commission
ressortissant de son ministère eût terminé
son travail.
Relativement aa maintien du banc d'é-
preuves, il en conférera avec la commission.
quand elle aura pris une décision forme a
ce sujet..
Poursuites contre un député
Les bureaux. do la Chambre ont nommé
hier la commission chargée d'examiner la
demande en autorisatîbu de poursuites for-
mée par un particulier contre M. Mauger,
député du Calvados.
Les membres élus sont MM. Lesguillier. Fou-
quet, Peulevey, Bisseuil, Theulier, Ferrary,
Trouard-Riolle, Tony Révillon, Truelle, Ra-
meau et Pelisse. -
Tous ces membres sont opposés à l'auto-
risation de poursuites, et les bureaux ont
été unanimes dans leur refus d'autorisation.
La commission d'enquête
La délégation de la commission d enquêta
parlementaire sur la situation des ouvriers
en France, qui a déjà procédé à l'enquête
dans le bassin de la Loire et à Lyon, se réu-
nira demain jeudi au Palais-Bourbon, pour
décider si elle doit se rendre dans la Seine-
Inférieure et dans les Vosges.
Dans Je cas où elle se prononcerait pour la
continuation de l'enquête, la délégation quit*
terait Paris le 31 mars pour rentrer le 4
avri.
SÉNAT
Le budget de 1385 - —
La commission sénatoriale des finances se
réunira demain jeudi, avant la séance pu-
blique, pour entendre la lecture du rapport
de M. Dauphin sur le budget de 1835 mo-
diSé par la Chambre.
Ce rapport, s'il est définitivement ap-
prouvé, sera déposé, au cours de la séance,
sur la tribune du Sénat.
Les principaux groupes de la majorité ré-
publicaine se réuniront également demain
dans l'après-midi pour arrêter la ligne de
conduite à suivre lors de la discussion du
rapport de M. Dauphin.
On pense que le résultat la ces réunions
assurera une conciliation nécessaire.
Les Négociations
On parle sérieusement de la possibilité
de conclure la paix avec la Chine. On
ajoute même que des négociations sont
engagées, mais sur ce point les rensei..
gnements sont quelque peu vagues.
Est-ce à Tientsin ? Est-ce ailleurs 7
Est-ce entre M. Patenôtre et Li-Hong-
Gliang ? Cette hypothèse serait la plus
vraisemblable ; mais rien n'autorise jus-
qu'ici à dire ni même à croire que des
pourparlers aient été ouverts ici plutôt
que là.
A défaut de nouvelles précises, on se
risque à en fabriquer Quelques-unes,
quitte à les démentir demain, si le ballon
d'essai crève en route.
C'est ainsi qu'on annonce comme chose
sinon faite, au moins probable, la mé-
diation de l'Allemagne. Le chancelier de
l'empire, à en croire un de nos confrè-
res, se serait ému de la situation faite
au commerce européen par la résistance
obstinée de la Chine, la prolongation des
hostilités et les mesures militaires
qu'exécute à l'heure actuelle l'amiral
Courbet avec son escadre.
Dans l'intérêt du trafic international,
M. de Bismarck aurait offert d'intervenir
diplomatiquement « et au besoin d'exer-
cer une presssion sur la Chine pour l'a-
mener à accepter les conditions de la
France».
La forme même donnée à cette nou-
velle — puisée, paraît-il, à bonne source
— en démontre l'invraisemblance mieux
que de longs raisonnements.
M. de Bismarck se rend compte à mer-
veille du préjudice causé au commerce
euroDéen par l'état de guerre. Qu'il ait
le grand désir de le voir cesser au plus
tôt, c'est légitime ; qu'il ait eu la pensée
de prêter ses bons offices en vue d'une
conclusion pacifique du conflit franco-
chinois, c'est admissible ; qu'il ait songé
à imposer sa médiation dans les condi-
tions que l'on nous dit, c'est invraiStm-
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