Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-02-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 27 février 1885 27 février 1885
Description : 1885/02/27 (A15,N4800). 1885/02/27 (A15,N4800).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7561254t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Quinzième année. — AB—N° 480(1
Prix du numéro à Paris 15 centimes — Départements: 20 centimes
Vendredi 27 Février 1885
n f Cït~PT f
LE XIX1 SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
tuiiJAUiiun
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction,
de 2 heures à minuit
LX-0, rue Cadet, IE3;
|Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendut
! - - - - ABONNEMENTS
DEPARTEMENTS
Trois mois * 6 »»
13ix mois. 32 »»
TTnnït 62 --- »»
fAiUD
Trois mois. * * « à*
Six mois.,* S3 M
Un an. 150 im
Supplément pr l'Étranger (Europe) 1 fr. par trimestre
Les abonnemts partent des 1er et 15 de chaqTO mois
Régisseurs d'annonces : MM. LAGRANGE, 4JERF et G*
6, place de la Bourse, 6
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'AdminIstra-
16, rue Cadet, s.e;
Les Lettres non affranchies seront refùi*
EN VENTE A LONDRES
? A la librairie Pet.it.jeQJi'
39, OLD COMPTON STREET (SOIlO)
ET DANS SES SUCCURSALES
37, Charlotte Street, Fitzroy SquafS}
4t ?, Tichborne Street. (Café Monica. 24.1
poursci de Paris
- il
PETITE BOURSE DTJ SOI# ; !
3 OlO.. T. 81 52, 57,
4 Ii20i0.,. 109 78. :i.3,73:
Turc. 17 57, 6
Egypte. 343 75, 344 3ï.
Banque ottomane. 605.
Extérioure. 61 lli32, 7[i6, ili32.
Hongrois 81 3116.
Actions Rio. 317 50, 316 25. ,
PARIS, 26 FEVRIER 1885
M. Constans vient d'ajouter un post-
scriptum à son rapport sur l'établisse-
ment du scrutin de liste, afin de propo-,
ser la fixation d'une date ferme pour
toutes les élections générales à venir.'
Ce post-scriptum paraît beaucoup trop
laconique, et la question méritait, pen-
sons-nous, d'être traitée avec un peu
plus de développement.
Quoi qu'il en soit, la date ferme que
M. Constans propose, au nom de la
commission, est le premier dimanche
d'octobre, tous les quatre ans. Elle né
semble pas heureusement choisie, d'a-
bord à cause du budget. On a souvent
répété, dans ces derniers temps, qu'il
faudrait désormais que le budget rede-
vînt la priucipale affaire des sessions
législatives, et que l'on n'y saurait ap-
porter trop d'étude. C'est revenir aux
bonnes traditions que de penser ainsi.
Mais qui ne voit qu'avec des élections
générales fixées au premier dimanche
d'octobre, la discussion du budget risque
d'être étranglée tous les quatre ans?
Elle sera singulièrement gênée tout au
moins par les préoccupations de départ
et peut-être aussi par diverses préoc-
cupations électorales. Il vaudrait beau-
coup mieux, si l'on tient à fixer d'a-
vance une date pour le renouvellement
des législatures, choisir le mois de mars
ou le mois d'avril, et remettre à la
Chambre nouvelle l'examen du budget
pour l'année qui doit suivre. Cela serait
plus naturel à tous égards ; ce serait
aussi plus respectueux pour le suffrage
universel, et nous regretterons vive-
ment, quant à nous, que le budget de
1886 ne soit pas établi par la Chambre
qui doit être élue en 1885, ainsi que la
logique le voudrait. La Chambre ac-
tuelle, arrivée à peu près au terme de
sa carrière, n'est pas sûre de marcher
d'accord avec le pays, en ce qui con-
cerne surtout la grave question des finan-
ces publiques ; la Chambre nouvelle, au
contraire, investie d'un mandat récent,
jouirait de beaucoup plus.- d'autorité et
de crédit. Cela ne paraît pas douteux.
Et ce que nous disons pour cette année
1885 sera tout aussi vrai dans quatre
ans, dans huit ans, etc. Le premier di-
manche d'octobre n'est donc pas une
bonne date. -
Ce qui n'est pas démontré d'ailleurs,
c'est la nécessité, ou simplement l'uti-
lité, d'une date fixe pour toutes les
élections générales à venir. Nous crai-
gnons qu'il ne soit un peu puéril de
prétendre régler les dates aussi long-
temps d'avance. On ressemble à des
gens qui diraient aujourd'hui, 26 fé-
vrier: « Le 1" juillet, à trois heures,
j'irai faire une grande promenade,
qu'il fasse beau temps, ou qu'il pleuve,
ou qu'il grêle. » Pourquoi donc ne pas
se donner un peu plus de latitude? *
pourquoi ne pas s'en tenir au système
qui n'a présenté aucun inconvénient
jusqu'ici et qui consiste à prendre le
jour le plus favorable, quand apprÓche
le temps où le mandat de l'ancienne
législature doit expirer? Nous voyons
des objections contre cette idée d'une
date fixe, et nous ne voyons pas de
bonnes raisons à l'appui. S'il en existe
toutefois, nous ne demandons pas mieux
que de les connaître ; mais l'honorable
M. Constans, dans son rapport supplé-
mentaire, ne les a pas données jusqu'à
présent.
Eua. LlEBEûTt
NOUVELLES DE CHINE
Shanghaï, 25 février, 8 h. 55 soir.
Le bruit court que l'amiral Courbet a oc-
cupé l'île Pootoo, à l'est de Chusan, et qu'il
est retourné à Formose.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, le 25 février 1885
Quand on bivouaque enfin sur les
positions conquises, après un mois de
marches, de contre-marches et d'enga-
gements successifs, on éprouve une cer-
taine détente molle, voisine de la lassi-
tude, qui n'incite nullement les gens à
faire un retour vers les péripéties anté-
rieures.
Devant le fait acquis, brutal, tout dis-
paraît. Or il se trouve qu'aujourd'hui la
Chambre a adopté le droit de trois francs
par quintal de blé étranger, 316 bulletins
tenant -- tête à --- 175. --- Ce - résultat - ne - sera
certes pas une surprise pour qui a bien
voulu croire à nos horoscopes; toutefois
nous ne faisons aucune difficulté d'a-
vouer, en prophète qui ne vise pas à
l'infaillibilité, que la majorité outrepasse
d'une trentaine de voix nos prévisions.
Pour nous entraîner à la décrire, il
faudrait que la séance eût été palpitante.
Chacun y tuait le temps à sa fantaisie :
M. Ranc, en faisant un long bout de cau-
sette avec la Droite, une de ces causettes
gouailleuses dont il raffole ; l'évêque
d'Angers offrant gentiment une prise de
tabac au révérend Madier-Montjau.
A la tribune, le père Nadaud, celui qui
met de vieilles chansons en prose, ton-
nait, apoplectique, contre le renchéris-
sement du pain, parce que la Creuse
produit des maçons et que les maçons
de la Creuse sont tous Parisiens. Respect
à M. Martin Nadaud : il se défend d'être
un économiste! C'est simplement un «hu-
manitaire ».
Connûtes-vous feu Wolowski? C'était
aussi un brave homme, quoique écono-
miste (distingué !). Son gendre est loin
de posséder une prolixité égale à ce que
fut celle du beau-père; mais quand ses
intérêts dans l'Eure sont en péril il re-
trouve une loquacité fort convenable.
Or on ne saurait se dissimuler que M.
Louis Passy, pris entre les théories de
M. Raoul Duval et la thèse de M. Develle,
tous deux de l'Eure, sent le besoin de
crier : «Eh! là-bas 1 ne vous y trompez
pas ; ce n'est pas moi qui suis Frédéric ! »
Enfin, entre M. Germain et le ministre
de l'agriculture a lieu le corps à corps de
la fin. Ce n'est pas sans quelque impé-
tuosité qu'on échange les derniers ho-
rions, mais ce sont toujours les mêmes.
L'issue de la lutte, vous la connaissz.
Ce n'est là qu'un commencement.
Après le froment, la farine. Déjà un M.
Féau, qui est d'Etampes — je te recon-
nais, Beauceron ! — a proposé une lé-
gère surélévation à la surtaxe de sept
francs. Le boniment placé, il s'est em-
pressé d'abandonner la revendication.
Nous en verrons bien d'autres 1 Mais
n'anticipons pas sur l'avenir; s'il faut
savoir se montrer ménager des petites
surprises, c'est surtout des surprises
désagréables.
PAUL LAFARGUE.
AU PALAIS
On se rappelle les scènes scandaleu-
ses qui s'étaient produites dans la salle
de la cour d'assises, lors du procès de
Mme Clovis Hugues : la salle littérale-
ment envahie par la foule des curieux,
le prétoire aussi rempli de spectateurs
que l'enceinte publique, des hommes
et des femmes assis sur les marches de
l'estrade où siégeaient les juges ; une
femme avait trouvé moyen de s'intro-
duire jusque sur les bancs du jury. Et
quelle société 1 La plus bizarre, la plus
mêlée, la plus suspecte même. Il n'y
avait eu qu'une voix dans la presse
pour dénoncer ce scandale et demander
qu'il ne pût une autre fois se renou-
veler.
On avait annoncé qu'une enquête
avait été prescrite afin de découvrir
comment les choses avaient pu se pas-
ser ainsi. Le président n'avait pu, cela
était certain, accorder tant de cartes
d'entrée : ou la consigne avait été mal
observée et des personnes avaient forcé
la porte ; ou, ce qui était plus grave
encore, il y avait eu des complaisances
coupables.
L'enquête a-t-elle eu lieu, et à quoi a-
t-elle abouti? C'est ce que nous igno-
rons. Mais voici le texte d'un règlement
que viennent d'arrêter, de concert, le
premier président et le procureur gé-
néral de la cour d'appel, et qui est
destiné à mettre un terme à ces graves
abus :
COUR D'APPEL DE PARIS
Nous, premier président et procureur gé-
néral, -
Voulant prévenir les encombrements qui
se sont produits à plusieurs reprises à la
cour d'assises par l'envahissementdti pu-
blic et faciliter aux présidents d'assises
l'exercice de. leur droit de police de l'au-
dience,
Arrêtons à titre de mesure d'ordre général
intérieur : -
Article premier. — L'estrade placée der-
rière la cour est exclusivement réservée aux
magistrats de la Cour de cassation, de la
cour d'appel et du tribunal civil de la
Seine.
Les membres de la Cour de cassation se-
ront admis sur la présentation de leur mé-
daille ; ceux de la cour d'appel et du tribu-
nal, sur la présentation de la carte spéciale
permanente et nominative qui leur sera dé-
livrée à cet efiet.
Art. 2. — Il ne sera jamais, dans aucun
cas et sous aucun prétexte, placé plus de
trois rangs de sièges derrière la cour d'as-
sises. Aussitôt que ces sièges seront occu-
pés, les portes donnant accès à cette partie
de la salle seront fermées, et elles ne se-
ront ouvertes aux magistrats dénommés à
l'article premier qu'autant qu'une ou plu-
sieurs places seront devenues inoccupées.
Art. 3. — Le banc des accusés sera séparé
de la tribune des journalistes par une cloi-
T
soa mobile interceptant toute communica-
tion avec les accusés.
Art. 4. — Les avocats en robe seront seuls
admis à prendre place sur les bancs qui
pourront être placés, exceptionnellement,
dans la partie de l'hémicycle comprise en-
tre l'estrade de la cour et la barra des té-
moins.
Les bancs seront placés de telle sorte
qu'un espace sera constamment réservé
pour le libre passage des huissiers de ser-
vice et des garçons de salle.
Art. 5. — Il sera réservé, dans chaque af-
faire, un nombre de places égal à celui des
térnoinsrsur les bancs qui leur sont destinés.
Les places restant libres sur ces bancs
pourront être mises, par le président des
assises, à la disposition du public ou des
personnes qui les auront sollicitées, et aux-
quelles des cartes d'entrée spéciales auront
été délivrées.
Art. 6. — Des personnes munies de cartes
d'entrée pourront encore être admises sur
les banquettes que le président des assises
pourra, exceptionnellement, faire placer en-
tre les bancs des témoins et la balustrade
qui sépare ces bancs de l'hémicycle.
Art. 7. — Personne ne pourra prendre
place entre le siège du ministère public et
le banc des jurés de jugement, pas plus
qu'entre ce même banc et la tribune réser-
vée aux jurés de la session.
Art. 8. — Toutes les personnes admises
dans l'intérieur de l'audience, à l'exception
de celles placées dans l'enceinte réservé e
au public, devront se tenir constammen t
assises. Ceux des assistants qui n'auraient
pas de sièges à leur disposition seront invi-
tés aussitôt à se retirer.
Art. 9. — Il sera placé aux portes donnant
accès dans l'intérieur de la salle et dans la
p~~ elle-même un nombre de gardes suffi-
sant pour faire observer le présent règle-
ment, assurer la police de l'audience et la
prompte exécution des ordres du président.
Paris, le 20 février 1885.
Le premier président, Le procureur général,
Signé : PÉRIVIER. Signé: LŒW.
Ce règlement vient à point : au rôle
de la prochaine session d'assises sont
inscrites l'affaire Mielle, l'affaire Gama-
hut et l'affaire Ballerich. Cette dernière
surtout risquait de susciter, presque au
même degré que le procès de Mme Clo-
vis Hugues, cette curiosité des drames
de la justice qui est une des maladies
du Paris oisif. Les présidents d'assises
regretteront peut-être désormais un rè-
glement qui les empêchera de satistaire
beaucoup de demandes et diminuera
des faveurs fort sollicitées; mais la di-
gnité de la justice et la décence du Pa-
lais y gagneront : c'est là l'essentiel.
Et maintenant, nue! sera le sort de ce
règlement? Nous pouvons prédire, sans:
risquer beaucoup de nous tromper, qu'il
aura le sort de tous les règlements. Au,
début, on veillera à sa stricte exécu-
tion. Le président de la cour d'assises
sera avare de ses cartes d'entrée ; il
n'en donnera pas une de plus qu'il ne le
doit. Chaque porte sera gardée par le
nombre de personnes qui doivent la gar-
der; les huissiers seront rigoureux.
Puis, peu à peu, tout le monde se re-
lâchera - Les présidents résisteront plus
difficilement à quelque sollicitation pres-
sante, la surveillance se fera moins ri-
gide. Il se trouvera quelque jour un œil
lui se fermera plus aisément ou une
nain qui plus aisément s'ouvrira; on
ferra reparaître les petits bancs et les
Jliants; et je serais surpris si, avant
iix années seulement, le premier pré-
sident et le procureur général d'alors
l'étaient obligés de publier de nouveau
quelque règlement analogue à celui
qu'on a lu plus haut.
CHARLES BICOT91
Nouvelles parlementair
CHAMBRE DES DÉPUTÉS
On a distribué hier à la Chambre des dé-
putés le projet de loi portant approbation de
la convention commerciale signée à Paris le
15 janvier dernier entre la France et la Bir-
manie. Cette convention complète le traité
de 1873 et fait disparaître, autant que pos-
sible, les entraves qui se seraient opposées
aux voyages et à l'établissement de nos
nationaux en Birmanie ou à l'exercice de
leur commerce et de leur industrie.
L'article 2 dispense les ressortissants fran-
çais de se servir, en aucun cas, des courtiers
royaux existant sur l'Iraouaddy ou sur les
marchés birmans. La suppression de ces
courtiers aura évidemment pour -effet de
rendre plus faciles et moins onéreuses les
transactions entre acheteurs et producteurs.
Par l'article 5, le gouvernement birman
s'est, en outre, interdit de créer des mono-
poles ou d'en autoriser directement ou indi-
rectement l'établissement.
Les plénipotentiaires du roi Thibô avaient
longtemps insisté afin d'obtenir, au con-
traire, l'insertion d'une clause analogue à
celle du traité anglo-birman de 1867 qui per-
met expressément l'établissement d'un cer-
tain nombre de monopoles.
Les plaintes nombreuses auxquelles a
donné lieu l'extension du système des mo-
nopoles, principalement dans ces dernières
années, ne nous ont pas permis d'accéder à
cetle demande, en ce qui concerne le thé
destiné à être consommé à l'état frais, ali-
ment national qui n'est l'objet d'aucun
commerce hors des pays habités par des po-
pulations birmanes.
Quant aux droits de douane qui pourront
être perçus en Birmanie sur les produits
échangés entre les deux pays, nous avons
obtenu que, conformément au traité de 1873,
le maximum en resterait fixé à 5 0[0 de la
valeur jusqu'en - 1895. -
La seule exception à laquelle nous ayons
consenti concerne l'opium, qui pourra être
frappé d'un droit de 30 010 : cet article n'est
d'ailleurs consommé qu'en faible quantité
en Birmanie. Pour la période postérieure à
1895, il a été convenu que le maximum des
droits de douane auxquels nos échanges
pourraient être soumis ne dépasserait, en
aucun cas, 10 010 de la valeur, conformé-
ment à une disposition du traité signé, en1
1867, entre l'Angleterre et la Birmanie.
La faculté de relever les droits de douane
jusqu'à 10 0i0 n'est d'ailleurs reconnue par
l'article 6 au gouvernement de Mandalay
qu'à la condition de tenir compte des be-
soins du commerce et de communiquer à
Paris, six mois à l'avance, les nouveaux ta-
rifs qu'il se proposerait d'établir et que le
gouvernement français se réserve ainsi le
droit de discuter.
L'article 9 nous assure, en outre, et à toute
époque, le bénéfice des réductions de taxes
et de tous les avantages qui seraient concé-
dés à une tierce puissance. En échange de
ces concessions, nous accordons à la Birma-
nie le traitement de la nation la plus favo-
risée, tant en France que dans nos posses-
sions ou colonies.
L'article 17 nous confère le traitement de
la nation la plus favorisée en matière de
juridiction criminelle : jusqu'à, présent, la
cour de Mandalay n'a consenti, à cet égard,
aucun avantage particulier aux autres pays,
mais il nous a paru nécessaire de réclamer
ceux qu'elle pourrait être amenée à concé-
der à une tierce puissance.
Il
• *
La commission du budget s'est réunie hier
pour s'occuper de la question de la liste ci-
vile.
On sajt qu'aux termes d'un jugement rendu
il y a cinq ou six ans l'Etat a été condamné
à payer aux ayants droit de la liste civile
impériale une somme (te trois millions et
demi.
M. Jules Roche, au nom de la majorité de
la commission du budget, propose, dans son
rapport, de refuser les crédits dom ndés
par le gouvernement.
Il soutient que le domaine privé de l'Em-
pire est rentré de plein droit dans le domaine
de l'Etat, par suite du droit de dévolution.
Avant de prendre aucune résolution, la
commission, favorable en principe à la
thèse du rapporteur, a décidé d'entendre le
gouvernement.
La commission chargée d'examiner le prooi
jet de loi présenté par le ministre de 14
guerre pour la liberté de la fabrication et
du commerce des armes de guerre, a déli-
béré hier. D'après la projet du gouverne-
ment, le régime de la liberté n'est accordé
qu'aux armes de modèles non réglementai*
res et aux munitions non chargées.
La commission propose de l'éteùdre aussi
aux armes de modèles réglementaires, c'est-
à-dire de modèles en usage dans l'armée.
Elle est, de plus, d'avis de rendre libre la dé-
tention de ces armes de guerre.
Le ministre de la guerre et le ministre de
l'intérieur seront entendus dans une pro*
chaine séance.
«
« 9
Le ministre des travaux publics a déposé
récemment un projet de loi tendant à affec-
ter une partie de la forêt de Saint-Germain
au déversement des eaux d'égout de Paris.
Quelques députés de la Seine, de Seine-
et-Oise et de la Seiue-Iaférieure ont exa-
miné hier ce projet. Ils ont été unanimes à
soutenir que le système en question était
absolument contraire à l'hygiène publique.
Ils entendront vendredi, à l'Hôtel Continen-
tal, les délégués des habitants de la ré-
gion.
SÉNAT
Aujourd'hui seront déposés sur le bureau
du Sénat les rapports de MM. Georges Martin
et Garrigat, concluant à la validation des
élections de l'Ain et de l'Allier.
Les bureaux se réuniront avant la séance
pour nommer les quatrième et cinquième
commissaires pour l'enquête de l'élection du
Finistère.
Rappelons aue les candidats de la majo-
rité sont MM. Xavier Blanc et Gustave De-
nis; ceux de la Droite sont MM. Clément et
Robert de Massy.
On a des raisons de croire que le quorum
(151 voix) ne sera pas atteint; dans ce cas,il
y aurait lieu à un second tour de scrutin.
Le Sénat continuera ensuite la discussion
du budget des dépenses. L'opinion générale
est que cette discussion sera terminée sa-
medi.
L. H.
■ ii -i r
BIZARRE HISTOIRE
Le fait est que cette histoire est tout
à fait bizarre.
-- - Un jeune homme. — Il était né à
Phalsbourg, terre alors française ; quand
elle passa aux mains des Allemands, il
opta en 1872 pour la France. Son père
était un vieux soldat, capitaine en re-
traite, chevalier de la Légion d'hon-
neur. Je n'ai pas besoin de vous dire
que le jeune homme fut destiné dès son
jeune âge au métier des armes. Il tra-
vailla pour entrer àSaint-Cyr, et il était
en état de passer ses examens avec suc-
cès. Un incident imprévu l'arrêta au
seuil de la carrière.
Le pauvre garçon avait un léger dé-
faut de constitution ; des varices aux
jambes. Les concours d'admission à
l'Ecole de Saint-Cyr sont toujours pré-
cédés d'une visite médicale. Cette pre-
mière épreuve ne lui fut pas favorable.
Les médecins déclarèrent qu'il n'était
pas bon pour le service. -. -
Ce fut pour lui un grand chagrin et
une grave déception. Vous savez que
ces lamilles de la vieille Lorraine ont
presque toutes l'esprit militaire. L'aïeul,
le grand-père, le père, tous avaient été
soldats. Et lui, enfant dégénérée pour
une vétille de cette-espèce; il ne pou-
vait porter l'épée à son tourl' ,:.,'
Que faire? que devehir',?'JI' avait na-
turellement fait, se destinant à Saint-
Cyr, des études passables. 11 était ba-
chelier ès sciences. Il enlra comme
maître répétiteur au collège de Verdun,
Feuilleton du XIX9 SIÈCLE ,,'
Ilu 27 février 1883
(13)
UNE FOLIE
1. {. r
,. IX
fer suite -t
Dans les salons, entassées, assises pres-
que les unes sur les autres, les femmes
éprouvaient, malgré leur ennui visible,
une certaine satisfaction à savoir que là-
bas, au fond de l'appartement, une grosse
voix qui retentissait dans l'Europe en-
tière se faisait entendre, qu'elles pour-
raient dire, dans leurs visites du lende-
main : « Nous étions hier soir chez Mme
Darboys; nous avions deux ministres,
une foule de députés, un ambassadeur et
— le grand homme ! » A chaque arrivée,
elles allongeaient le cou pour voir si le
grand homme ne ferait pas le tour des
salons avant de partir : « A-t-elle de la
chance, cette Mme Darboys 1 - L'a vuir à
dîner I 11 paraît, ma- chère, qu'à table il
a été éblouissant. » Toutes les femmes
dont la prétention est de tenir un salon
et d'en faire un centre, ont besoin d'un
homme célèbre, d'une personnalité quel-
conque, mais toutes n'ont pas la main
aussi heureuse que Mme Darboys ; il y
en a qui se contentent, faute de
mieux, de quelque député intransigeant
t tapageur., ';
On ne faisait rien aux soirées de Mme
Darboys ; elle. avait la musique en hor-,
reur et dédaignait même les monologues ;
elle désirait que dans son salon on cau-
sât. Mal.s'.Ie moyen de causer dans un sa-
lon parisien de nos j'ours 1 0n invite tou-
lours plus démonde qu'on n'eu peut ça-
Reproduction Interdit©,.
ser;les rangées de fauteuils s'ajoutent aux
rangées de fauteuils, d'où les femmes
emprisonnées ne peuvent pas sortir. A
peine, de temps à autre, quelques hom-
mes adossés aux portes, aux murs, se
laissent-ils voir. Quant à circuler, il n'y
faut pas penser. Aussi les plus braves,
après quelques efforts inutiles, un salut
échange à distance, se réfugient dans les
petits salons à côté, s'ils n'aiment ni la
politique ni les cigares ; et là ils atten-
dent le moment de s'esquiver.
Le salon où se trouvait Fleurette était
complètement envahi. Elle ne connaissait
personne parmi les nouvelles venues qui,
toutes, se connaissaient. Il n'y a pas de
cruauté plus raffinée que celle des femmes
qui regardent avec méfiance une incon-
nue dont elles devinent, rien qu'à la fa-
çon de tenir l'éventail, à un détail de toi-
lette, qu'elle n'est pas des leurs. Les voi-
sines de Fleurette la détaillèrent d'un
coup d'œil; puis, très posément, elles se
mirent à causer, sans plus s'occuper
d'elle que si son fauteuil avait été vide.
Un mouvement de curiosité se produi-
sit soudain. Une jeune femme, mince,
fluette, se servant d'un lorgnon, parlant
haut, riant, gesticulant, s'était avancée
parmi les rangées de fauteuils, saluant
une demi-douzaine de personnes d'un
signe de tête, d'un mot, d'un sourire.
Alors, trouvant probablement qu'on ne
s'amusait pas follement dans ce grand
salon trop plein, elle avait manœuvré,
dérangeant les unes, bousculant les au-
tres, avançant quand même, impértl-
nente.et calme, vers' la porte d'un salon
plus petit, où elle entra. Un bruit de ri-
res jeunes et frais venait de temps à au-
tre de ce petit salon, et contrastait avec
le murmure monotone qui montait des
groupes ennuyés. Fleurette aurait bien
voulu faire comme la jeune femme au
lorgnon et aller retrouver Solange, dont
elle distinguait la voix ; mais elle n'au-
rait guère pu bouger, même si elle l'eût
osé.
Elle entendait vaguement et nialgré
elle ce que disaient ses voisines :
— Pour une jeune mariée, elle n'est
pas timide, la pimpante Berthe.
- Timide ?. D'abord la timidité est
démodée et Mme Ferraysac se croirait
déshonorée si elle n'était pas à la mode.
Quelle toilette pour une mariée de six
mois ! Au lieu du blanc, souvenir de la
robe de noce, des couleurs et des cou-
leurs. On appelle cela Pompadour. On
dit qu'elle a accepté Ferrayssac par dépit,
quand le jeune député n'a pas voulu
d'elle.
— Un dépit bien place, avouez-le. Une
grosse fortune, un homme qui ¡l'adorait
depuis des années. Et enfin, il est député,
lui aussi.
— Oui, mais il n'est pas « l'homme de
l'avenir » !
Fleurette dressa l'oreille : cette phrase-
là, elle l'avait entendue plus d'une fois.
Mais les deux femmes entamèrent une
discussion à propos de la toilette de
Mme Ferraysac, de sa couturière, de
leurs couturières aussi, qui ne l'intéressa
plus. Elle fixait les yeux sur la porte, es-
pérant toujours apercevoir Maurice. Elle
se mordait les lèvres pour ne pas pleu-
rer.
Enfin il se fit un grand bruissement
tout autour d'elle ; les femmes, heu-
reuses d'être délivrées de cette longue
immobilité, selevaient,donnant de petites
tapes à leurs jupes, un coup de doigt aux
dentelles, secouant et remettant en place
les longues traînes qui, lentement, se dé-
roulaient dans un chatoiement de cou-
leurs vives ou tendres, avec un joli bruit
de soie et de satin. On venait d'ouvrir la
salle à manger. Lés hommes firent irrup-
tion dans les salons ; il y eut un moment
de causeries animées, puis, lentement, les
couples passèrent d'une pièce à l'autre.
Par oubli du par malechance, personne
ne vint chercher Fleurette. - -
Dans la débandade des fauteuis, tour-
nés encore les uns vers les autres, un
peu cachée par une lourde draperie et
regrettant de n'être pas cachée tout à
fait, Fleurette restait dans son coin.
Quelques groupes épars dans le grand
salon, des couples surtout, semblaient
heureux de se retrouver après la froide
solennité de la soirée. Mais, près de la
jeune mariée, il n'y avait personne. Elle
n'osait se lever pour aller à la recherche
de Maurice, et elle souffrait pourtant
atrocement de son isolément. Elle s'en-
fonça le plus qu'elle put dans l'ombre du
rideau qui masquait à peu près l'entrée
d'un boudoir, cherchant toujours des
yeux Maurice qui ne venait pas.
Tout d'un coup elle tressaillit. Près
d'elle, dans la pièce à côté, deux hommes
causaient.
— As-tu vu Mal-le-ville ? Ce héros de
roman fait une drôle de figure Je ne lui
donne pas trois mois pour maudire sa
folie. Vois-tu, il n'y a que les garçons
rangés, sérieux, pour faire de cesbetises-
là ! 11 faut dans la vie s'offrir beaucoup
de petites folies, ça garantit des gran-
des, comme on se fait vacciner pour
échapper à la petite vérole. Il n'avait pas
été vacciné — le voilà marqué pour la
vie.
— Bah! Il paraît que sa folie est ravis-
sante, et étrange avec cela.
— Jolie ?. Oui, assez. Mais nulle,
nulle !. On assure qu'elle n'a pas dit un
mot pendant le dîner, et qu'elle consul-
tait des yeux son mari pour savoir si elle
devait boire l'eau de son rince-bouche.
— On dit tant de choses ! Et le pis est
que la belle-sœur laisse dire. Il paraît
qu'elle avait tout préparé pour l'autre
mariage, que le jour même en était fixé.
— -- Ca, c'est absolument vrai. Elle était
si sûre de son frère qu'elle annonçait à
peu près la chose, lorsque patatras i.
L'autre affaire a été un véritable guet-
apens, connu, classique, bête. La fille se
laisse faire la cour — honnêtement, cela
va sans dire ; sa vertu est à toute épreuve.
Mais juste au bon moment survient le
père qui roule de grands yeux : « Misé-
rable. ma fille. l'honneur..,» tu vois
ça d'ici !. La comédie avait été arrangée
entre ce père marquis, joueur, endetté,
et sa fille, une fine mouche qui.
Lejeune homme n'achevapas sa phrase;
il resta bouche béante. Une jeune femme,
très pâle, les yeux hagards, s'était levée.
Il comprit et se sentit mourir de honte.
Croyant qu'elle allait tomber il se préci-
pita vers elle, en balbutiant des mots
incohérents.
Fleurette le regarda et dit d'une voix
L mal assurée :
- Tous savez, monsieur, ce n'est pas
vrai, ce n'est pas vrai du tout. -
Elle ne trouva que cette petite phrase,
et encore les mots sortaient à grand'-
peine. Mais l'ironie la plus sanglante
n'eût pas produit plus d'effet que cette
plainte un pea tfnfontiaè. Les deux
jeunes gens ne
Ace moment, Solange, accompagnée de
la mariée Pompadour, s'élança vers sa
tante:
— Mais, Lucie, on vous cherche, on
vous demande. Où étiez-vous donc? Vous
n'êtes pas malade ?.
- Non, mais je voudrais bien partir.
— Nous allons faire appeler votre mari.
Mais venez vous reposer ua peu d'abord,
vous êtes toute pâle.
Solange l'entraîna dans le petit salon,
embrassa la jeune femme, l'appela « pau-
vre petite» d'une façon toute mater-
nelle, très drôle chez cette fille de dix-
huit ans. L'autre mariée examinait Mme
Malleville curieusement, comme on re-
garde un être d'une espèce inconnue.
Enfin elle lui dit :
— Solange ne nous a pas présentées,
madame; aussi je me présente moi-même.
Je m'appelle Berthe Ferraysac et je crois
que nous nous sommes toutes deux ma-
riées il y a quelques mois. C'est un trait
d'union, à ce que l'on prétend ; quant à
moi, j'en accepte volontiers l'augure.
Fleurette prit la main qui s'offrait, et
répondit par un pelit mot de remercie-
ment, et de suite elle ajouta, en regardant
cette, autre mariée qui avait une assu-
rance, un aplomb extraordinaires :
— Cela ne vous fait pas peur, comme
à moi, madame, d'entendre chuchoter
autour de vous : C'est une mariée?.
— Je n'ai jamais eu peur de ma vie. Je
le regrette,. car je voudrais avoir tout
éprouvé, et cette expérience-là me man-
que.Puis elle ajouta un peu brusquement:
Vous n'alliezpas beaucoup dans le monde,
à Naples?
Fleurette, étonnée, la regarda un ins-
tant. Alors, elle sourit. Elle se voyait en
petite robe de toile défraîchie, courant
à travers son jardin désert.
— C'est la première fois que je vais
dans le monde; c'est la première fois que j
je porte une robe décolletée; c'est la pre- "j
mière fois que je souffre de me sentir
seule dans une foule. ajouta-t-elle un
peu plus bas.
- Mais c'est très intéressant, tout cela !
s'écria Berthe. Je voudrais me promener
dans votre cerveau, voir ce que vous pen-
sez de nous, si vous êtes éblouie ou si
vous regrettez votre désert i
Les yeux de Fleurette s0 Remp*' li"rent de
larmes. Solange dit en fiai**;
— Nous n'avons pas besoin de nous
promener dans son cerveau : nous n'a-
vons qu'à regarder sa figure. Elle ne sait
rien cacher, cette petite sauvage, et ma-
man aura bien de la peine à compléter
son éducation, à en faire une femme po-
litique.
— J'espère bien qu'elle n'y réussira
pas; il faut laisser à Mme Malleville son
originalité, dit Mme Ferraysac poliment..;
Nous avons assez de femmes politiques,
nous n'en avons pas beaucoup qui aient
grandi à l'ombre des orangers de Naples.
Votre père vous tenait enfermée? Il vou-
lait jouir tout seul de votre société; je
comprends cela.
— Pauvre papa ! Il avait notre villa en
horreur, il y rêvait du boulevard. Je ne
le voyais que rarement.
— Et il vous laissait jouer à la châte-
laine, toute seule?
— Une drôle de châtelaine, dit en riant
Fleurette, qui pour vivre — et maigre..
ment — faisait vendre ses pranges r
Maurice qui venait chercher sa temme
entendit ces derniers mots etfroncale sour-
cil. Malgré ses recommandations, Fleu-
rette, qui ne savait pas dissimuler, qui
répondait naïvement aux qùê^iens qu'on
lui faisait avec une intention malicieuse,
le compromettait. Il savait que Berthe
ne garderait pas de telles confidences
pour elle : et déjà il entendait un mur-
mure moqueur accueillant l'histoire de
la « marchande d'oranges »..
Il n'y eut pourtant rien de moqueur
dans la voix de Berthe quj, à son appro-
che, avait changé imperceptiblement de
couleur, mais qui l'instant d'après r&-
trouva tout son sang-froid.
— Yotrefemme et moi, nous venons de
faire connaissance, monsieur MallevilIe;
et s'il ne tient qu'à moi, cette connais-
sance sera bientôt de l'amitié. Mon mari,
oui est votre collègue, a beaucoup de
sympathie pour vous, malgré la nuance
un peu plus foncée de ses opinions :
j'espère que nous ferons souvent une
partie carrée. Vous devez faire en ce mo-
ment vos visites de noces : amenez-moi
Mme Malleville, je vous prie. Je reçoIs 11
mercredi.
JEANNE MÀKHÏV
: À suivre}
Prix du numéro à Paris 15 centimes — Départements: 20 centimes
Vendredi 27 Février 1885
n f Cït~PT f
LE XIX1 SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
tuiiJAUiiun
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction,
de 2 heures à minuit
LX-0, rue Cadet, IE3;
|Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendut
! - - - - ABONNEMENTS
DEPARTEMENTS
Trois mois * 6 »»
13ix mois. 32 »»
TTnnït 62 --- »»
fAiUD
Trois mois. * * « à*
Six mois.,* S3 M
Un an. 150 im
Supplément pr l'Étranger (Europe) 1 fr. par trimestre
Les abonnemts partent des 1er et 15 de chaqTO mois
Régisseurs d'annonces : MM. LAGRANGE, 4JERF et G*
6, place de la Bourse, 6
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'AdminIstra-
16, rue Cadet, s.e;
Les Lettres non affranchies seront refùi*
EN VENTE A LONDRES
? A la librairie Pet.it.jeQJi'
39, OLD COMPTON STREET (SOIlO)
ET DANS SES SUCCURSALES
37, Charlotte Street, Fitzroy SquafS}
4t ?, Tichborne Street. (Café Monica. 24.1
poursci de Paris
- il
PETITE BOURSE DTJ SOI# ; !
3 OlO.. T. 81 52, 57,
4 Ii20i0.,. 109 78. :i.3,73:
Turc. 17 57, 6
Egypte. 343 75, 344 3ï.
Banque ottomane. 605.
Extérioure. 61 lli32, 7[i6, ili32.
Hongrois 81 3116.
Actions Rio. 317 50, 316 25. ,
PARIS, 26 FEVRIER 1885
M. Constans vient d'ajouter un post-
scriptum à son rapport sur l'établisse-
ment du scrutin de liste, afin de propo-,
ser la fixation d'une date ferme pour
toutes les élections générales à venir.'
Ce post-scriptum paraît beaucoup trop
laconique, et la question méritait, pen-
sons-nous, d'être traitée avec un peu
plus de développement.
Quoi qu'il en soit, la date ferme que
M. Constans propose, au nom de la
commission, est le premier dimanche
d'octobre, tous les quatre ans. Elle né
semble pas heureusement choisie, d'a-
bord à cause du budget. On a souvent
répété, dans ces derniers temps, qu'il
faudrait désormais que le budget rede-
vînt la priucipale affaire des sessions
législatives, et que l'on n'y saurait ap-
porter trop d'étude. C'est revenir aux
bonnes traditions que de penser ainsi.
Mais qui ne voit qu'avec des élections
générales fixées au premier dimanche
d'octobre, la discussion du budget risque
d'être étranglée tous les quatre ans?
Elle sera singulièrement gênée tout au
moins par les préoccupations de départ
et peut-être aussi par diverses préoc-
cupations électorales. Il vaudrait beau-
coup mieux, si l'on tient à fixer d'a-
vance une date pour le renouvellement
des législatures, choisir le mois de mars
ou le mois d'avril, et remettre à la
Chambre nouvelle l'examen du budget
pour l'année qui doit suivre. Cela serait
plus naturel à tous égards ; ce serait
aussi plus respectueux pour le suffrage
universel, et nous regretterons vive-
ment, quant à nous, que le budget de
1886 ne soit pas établi par la Chambre
qui doit être élue en 1885, ainsi que la
logique le voudrait. La Chambre ac-
tuelle, arrivée à peu près au terme de
sa carrière, n'est pas sûre de marcher
d'accord avec le pays, en ce qui con-
cerne surtout la grave question des finan-
ces publiques ; la Chambre nouvelle, au
contraire, investie d'un mandat récent,
jouirait de beaucoup plus.- d'autorité et
de crédit. Cela ne paraît pas douteux.
Et ce que nous disons pour cette année
1885 sera tout aussi vrai dans quatre
ans, dans huit ans, etc. Le premier di-
manche d'octobre n'est donc pas une
bonne date. -
Ce qui n'est pas démontré d'ailleurs,
c'est la nécessité, ou simplement l'uti-
lité, d'une date fixe pour toutes les
élections générales à venir. Nous crai-
gnons qu'il ne soit un peu puéril de
prétendre régler les dates aussi long-
temps d'avance. On ressemble à des
gens qui diraient aujourd'hui, 26 fé-
vrier: « Le 1" juillet, à trois heures,
j'irai faire une grande promenade,
qu'il fasse beau temps, ou qu'il pleuve,
ou qu'il grêle. » Pourquoi donc ne pas
se donner un peu plus de latitude? *
pourquoi ne pas s'en tenir au système
qui n'a présenté aucun inconvénient
jusqu'ici et qui consiste à prendre le
jour le plus favorable, quand apprÓche
le temps où le mandat de l'ancienne
législature doit expirer? Nous voyons
des objections contre cette idée d'une
date fixe, et nous ne voyons pas de
bonnes raisons à l'appui. S'il en existe
toutefois, nous ne demandons pas mieux
que de les connaître ; mais l'honorable
M. Constans, dans son rapport supplé-
mentaire, ne les a pas données jusqu'à
présent.
Eua. LlEBEûTt
NOUVELLES DE CHINE
Shanghaï, 25 février, 8 h. 55 soir.
Le bruit court que l'amiral Courbet a oc-
cupé l'île Pootoo, à l'est de Chusan, et qu'il
est retourné à Formose.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, le 25 février 1885
Quand on bivouaque enfin sur les
positions conquises, après un mois de
marches, de contre-marches et d'enga-
gements successifs, on éprouve une cer-
taine détente molle, voisine de la lassi-
tude, qui n'incite nullement les gens à
faire un retour vers les péripéties anté-
rieures.
Devant le fait acquis, brutal, tout dis-
paraît. Or il se trouve qu'aujourd'hui la
Chambre a adopté le droit de trois francs
par quintal de blé étranger, 316 bulletins
tenant -- tête à --- 175. --- Ce - résultat - ne - sera
certes pas une surprise pour qui a bien
voulu croire à nos horoscopes; toutefois
nous ne faisons aucune difficulté d'a-
vouer, en prophète qui ne vise pas à
l'infaillibilité, que la majorité outrepasse
d'une trentaine de voix nos prévisions.
Pour nous entraîner à la décrire, il
faudrait que la séance eût été palpitante.
Chacun y tuait le temps à sa fantaisie :
M. Ranc, en faisant un long bout de cau-
sette avec la Droite, une de ces causettes
gouailleuses dont il raffole ; l'évêque
d'Angers offrant gentiment une prise de
tabac au révérend Madier-Montjau.
A la tribune, le père Nadaud, celui qui
met de vieilles chansons en prose, ton-
nait, apoplectique, contre le renchéris-
sement du pain, parce que la Creuse
produit des maçons et que les maçons
de la Creuse sont tous Parisiens. Respect
à M. Martin Nadaud : il se défend d'être
un économiste! C'est simplement un «hu-
manitaire ».
Connûtes-vous feu Wolowski? C'était
aussi un brave homme, quoique écono-
miste (distingué !). Son gendre est loin
de posséder une prolixité égale à ce que
fut celle du beau-père; mais quand ses
intérêts dans l'Eure sont en péril il re-
trouve une loquacité fort convenable.
Or on ne saurait se dissimuler que M.
Louis Passy, pris entre les théories de
M. Raoul Duval et la thèse de M. Develle,
tous deux de l'Eure, sent le besoin de
crier : «Eh! là-bas 1 ne vous y trompez
pas ; ce n'est pas moi qui suis Frédéric ! »
Enfin, entre M. Germain et le ministre
de l'agriculture a lieu le corps à corps de
la fin. Ce n'est pas sans quelque impé-
tuosité qu'on échange les derniers ho-
rions, mais ce sont toujours les mêmes.
L'issue de la lutte, vous la connaissz.
Ce n'est là qu'un commencement.
Après le froment, la farine. Déjà un M.
Féau, qui est d'Etampes — je te recon-
nais, Beauceron ! — a proposé une lé-
gère surélévation à la surtaxe de sept
francs. Le boniment placé, il s'est em-
pressé d'abandonner la revendication.
Nous en verrons bien d'autres 1 Mais
n'anticipons pas sur l'avenir; s'il faut
savoir se montrer ménager des petites
surprises, c'est surtout des surprises
désagréables.
PAUL LAFARGUE.
AU PALAIS
On se rappelle les scènes scandaleu-
ses qui s'étaient produites dans la salle
de la cour d'assises, lors du procès de
Mme Clovis Hugues : la salle littérale-
ment envahie par la foule des curieux,
le prétoire aussi rempli de spectateurs
que l'enceinte publique, des hommes
et des femmes assis sur les marches de
l'estrade où siégeaient les juges ; une
femme avait trouvé moyen de s'intro-
duire jusque sur les bancs du jury. Et
quelle société 1 La plus bizarre, la plus
mêlée, la plus suspecte même. Il n'y
avait eu qu'une voix dans la presse
pour dénoncer ce scandale et demander
qu'il ne pût une autre fois se renou-
veler.
On avait annoncé qu'une enquête
avait été prescrite afin de découvrir
comment les choses avaient pu se pas-
ser ainsi. Le président n'avait pu, cela
était certain, accorder tant de cartes
d'entrée : ou la consigne avait été mal
observée et des personnes avaient forcé
la porte ; ou, ce qui était plus grave
encore, il y avait eu des complaisances
coupables.
L'enquête a-t-elle eu lieu, et à quoi a-
t-elle abouti? C'est ce que nous igno-
rons. Mais voici le texte d'un règlement
que viennent d'arrêter, de concert, le
premier président et le procureur gé-
néral de la cour d'appel, et qui est
destiné à mettre un terme à ces graves
abus :
COUR D'APPEL DE PARIS
Nous, premier président et procureur gé-
néral, -
Voulant prévenir les encombrements qui
se sont produits à plusieurs reprises à la
cour d'assises par l'envahissementdti pu-
blic et faciliter aux présidents d'assises
l'exercice de. leur droit de police de l'au-
dience,
Arrêtons à titre de mesure d'ordre général
intérieur : -
Article premier. — L'estrade placée der-
rière la cour est exclusivement réservée aux
magistrats de la Cour de cassation, de la
cour d'appel et du tribunal civil de la
Seine.
Les membres de la Cour de cassation se-
ront admis sur la présentation de leur mé-
daille ; ceux de la cour d'appel et du tribu-
nal, sur la présentation de la carte spéciale
permanente et nominative qui leur sera dé-
livrée à cet efiet.
Art. 2. — Il ne sera jamais, dans aucun
cas et sous aucun prétexte, placé plus de
trois rangs de sièges derrière la cour d'as-
sises. Aussitôt que ces sièges seront occu-
pés, les portes donnant accès à cette partie
de la salle seront fermées, et elles ne se-
ront ouvertes aux magistrats dénommés à
l'article premier qu'autant qu'une ou plu-
sieurs places seront devenues inoccupées.
Art. 3. — Le banc des accusés sera séparé
de la tribune des journalistes par une cloi-
T
soa mobile interceptant toute communica-
tion avec les accusés.
Art. 4. — Les avocats en robe seront seuls
admis à prendre place sur les bancs qui
pourront être placés, exceptionnellement,
dans la partie de l'hémicycle comprise en-
tre l'estrade de la cour et la barra des té-
moins.
Les bancs seront placés de telle sorte
qu'un espace sera constamment réservé
pour le libre passage des huissiers de ser-
vice et des garçons de salle.
Art. 5. — Il sera réservé, dans chaque af-
faire, un nombre de places égal à celui des
térnoinsrsur les bancs qui leur sont destinés.
Les places restant libres sur ces bancs
pourront être mises, par le président des
assises, à la disposition du public ou des
personnes qui les auront sollicitées, et aux-
quelles des cartes d'entrée spéciales auront
été délivrées.
Art. 6. — Des personnes munies de cartes
d'entrée pourront encore être admises sur
les banquettes que le président des assises
pourra, exceptionnellement, faire placer en-
tre les bancs des témoins et la balustrade
qui sépare ces bancs de l'hémicycle.
Art. 7. — Personne ne pourra prendre
place entre le siège du ministère public et
le banc des jurés de jugement, pas plus
qu'entre ce même banc et la tribune réser-
vée aux jurés de la session.
Art. 8. — Toutes les personnes admises
dans l'intérieur de l'audience, à l'exception
de celles placées dans l'enceinte réservé e
au public, devront se tenir constammen t
assises. Ceux des assistants qui n'auraient
pas de sièges à leur disposition seront invi-
tés aussitôt à se retirer.
Art. 9. — Il sera placé aux portes donnant
accès dans l'intérieur de la salle et dans la
p~~ elle-même un nombre de gardes suffi-
sant pour faire observer le présent règle-
ment, assurer la police de l'audience et la
prompte exécution des ordres du président.
Paris, le 20 février 1885.
Le premier président, Le procureur général,
Signé : PÉRIVIER. Signé: LŒW.
Ce règlement vient à point : au rôle
de la prochaine session d'assises sont
inscrites l'affaire Mielle, l'affaire Gama-
hut et l'affaire Ballerich. Cette dernière
surtout risquait de susciter, presque au
même degré que le procès de Mme Clo-
vis Hugues, cette curiosité des drames
de la justice qui est une des maladies
du Paris oisif. Les présidents d'assises
regretteront peut-être désormais un rè-
glement qui les empêchera de satistaire
beaucoup de demandes et diminuera
des faveurs fort sollicitées; mais la di-
gnité de la justice et la décence du Pa-
lais y gagneront : c'est là l'essentiel.
Et maintenant, nue! sera le sort de ce
règlement? Nous pouvons prédire, sans:
risquer beaucoup de nous tromper, qu'il
aura le sort de tous les règlements. Au,
début, on veillera à sa stricte exécu-
tion. Le président de la cour d'assises
sera avare de ses cartes d'entrée ; il
n'en donnera pas une de plus qu'il ne le
doit. Chaque porte sera gardée par le
nombre de personnes qui doivent la gar-
der; les huissiers seront rigoureux.
Puis, peu à peu, tout le monde se re-
lâchera - Les présidents résisteront plus
difficilement à quelque sollicitation pres-
sante, la surveillance se fera moins ri-
gide. Il se trouvera quelque jour un œil
lui se fermera plus aisément ou une
nain qui plus aisément s'ouvrira; on
ferra reparaître les petits bancs et les
Jliants; et je serais surpris si, avant
iix années seulement, le premier pré-
sident et le procureur général d'alors
l'étaient obligés de publier de nouveau
quelque règlement analogue à celui
qu'on a lu plus haut.
CHARLES BICOT91
Nouvelles parlementair
CHAMBRE DES DÉPUTÉS
On a distribué hier à la Chambre des dé-
putés le projet de loi portant approbation de
la convention commerciale signée à Paris le
15 janvier dernier entre la France et la Bir-
manie. Cette convention complète le traité
de 1873 et fait disparaître, autant que pos-
sible, les entraves qui se seraient opposées
aux voyages et à l'établissement de nos
nationaux en Birmanie ou à l'exercice de
leur commerce et de leur industrie.
L'article 2 dispense les ressortissants fran-
çais de se servir, en aucun cas, des courtiers
royaux existant sur l'Iraouaddy ou sur les
marchés birmans. La suppression de ces
courtiers aura évidemment pour -effet de
rendre plus faciles et moins onéreuses les
transactions entre acheteurs et producteurs.
Par l'article 5, le gouvernement birman
s'est, en outre, interdit de créer des mono-
poles ou d'en autoriser directement ou indi-
rectement l'établissement.
Les plénipotentiaires du roi Thibô avaient
longtemps insisté afin d'obtenir, au con-
traire, l'insertion d'une clause analogue à
celle du traité anglo-birman de 1867 qui per-
met expressément l'établissement d'un cer-
tain nombre de monopoles.
Les plaintes nombreuses auxquelles a
donné lieu l'extension du système des mo-
nopoles, principalement dans ces dernières
années, ne nous ont pas permis d'accéder à
cetle demande, en ce qui concerne le thé
destiné à être consommé à l'état frais, ali-
ment national qui n'est l'objet d'aucun
commerce hors des pays habités par des po-
pulations birmanes.
Quant aux droits de douane qui pourront
être perçus en Birmanie sur les produits
échangés entre les deux pays, nous avons
obtenu que, conformément au traité de 1873,
le maximum en resterait fixé à 5 0[0 de la
valeur jusqu'en - 1895. -
La seule exception à laquelle nous ayons
consenti concerne l'opium, qui pourra être
frappé d'un droit de 30 010 : cet article n'est
d'ailleurs consommé qu'en faible quantité
en Birmanie. Pour la période postérieure à
1895, il a été convenu que le maximum des
droits de douane auxquels nos échanges
pourraient être soumis ne dépasserait, en
aucun cas, 10 010 de la valeur, conformé-
ment à une disposition du traité signé, en1
1867, entre l'Angleterre et la Birmanie.
La faculté de relever les droits de douane
jusqu'à 10 0i0 n'est d'ailleurs reconnue par
l'article 6 au gouvernement de Mandalay
qu'à la condition de tenir compte des be-
soins du commerce et de communiquer à
Paris, six mois à l'avance, les nouveaux ta-
rifs qu'il se proposerait d'établir et que le
gouvernement français se réserve ainsi le
droit de discuter.
L'article 9 nous assure, en outre, et à toute
époque, le bénéfice des réductions de taxes
et de tous les avantages qui seraient concé-
dés à une tierce puissance. En échange de
ces concessions, nous accordons à la Birma-
nie le traitement de la nation la plus favo-
risée, tant en France que dans nos posses-
sions ou colonies.
L'article 17 nous confère le traitement de
la nation la plus favorisée en matière de
juridiction criminelle : jusqu'à, présent, la
cour de Mandalay n'a consenti, à cet égard,
aucun avantage particulier aux autres pays,
mais il nous a paru nécessaire de réclamer
ceux qu'elle pourrait être amenée à concé-
der à une tierce puissance.
Il
• *
La commission du budget s'est réunie hier
pour s'occuper de la question de la liste ci-
vile.
On sajt qu'aux termes d'un jugement rendu
il y a cinq ou six ans l'Etat a été condamné
à payer aux ayants droit de la liste civile
impériale une somme (te trois millions et
demi.
M. Jules Roche, au nom de la majorité de
la commission du budget, propose, dans son
rapport, de refuser les crédits dom ndés
par le gouvernement.
Il soutient que le domaine privé de l'Em-
pire est rentré de plein droit dans le domaine
de l'Etat, par suite du droit de dévolution.
Avant de prendre aucune résolution, la
commission, favorable en principe à la
thèse du rapporteur, a décidé d'entendre le
gouvernement.
La commission chargée d'examiner le prooi
jet de loi présenté par le ministre de 14
guerre pour la liberté de la fabrication et
du commerce des armes de guerre, a déli-
béré hier. D'après la projet du gouverne-
ment, le régime de la liberté n'est accordé
qu'aux armes de modèles non réglementai*
res et aux munitions non chargées.
La commission propose de l'éteùdre aussi
aux armes de modèles réglementaires, c'est-
à-dire de modèles en usage dans l'armée.
Elle est, de plus, d'avis de rendre libre la dé-
tention de ces armes de guerre.
Le ministre de la guerre et le ministre de
l'intérieur seront entendus dans une pro*
chaine séance.
«
« 9
Le ministre des travaux publics a déposé
récemment un projet de loi tendant à affec-
ter une partie de la forêt de Saint-Germain
au déversement des eaux d'égout de Paris.
Quelques députés de la Seine, de Seine-
et-Oise et de la Seiue-Iaférieure ont exa-
miné hier ce projet. Ils ont été unanimes à
soutenir que le système en question était
absolument contraire à l'hygiène publique.
Ils entendront vendredi, à l'Hôtel Continen-
tal, les délégués des habitants de la ré-
gion.
SÉNAT
Aujourd'hui seront déposés sur le bureau
du Sénat les rapports de MM. Georges Martin
et Garrigat, concluant à la validation des
élections de l'Ain et de l'Allier.
Les bureaux se réuniront avant la séance
pour nommer les quatrième et cinquième
commissaires pour l'enquête de l'élection du
Finistère.
Rappelons aue les candidats de la majo-
rité sont MM. Xavier Blanc et Gustave De-
nis; ceux de la Droite sont MM. Clément et
Robert de Massy.
On a des raisons de croire que le quorum
(151 voix) ne sera pas atteint; dans ce cas,il
y aurait lieu à un second tour de scrutin.
Le Sénat continuera ensuite la discussion
du budget des dépenses. L'opinion générale
est que cette discussion sera terminée sa-
medi.
L. H.
■ ii -i r
BIZARRE HISTOIRE
Le fait est que cette histoire est tout
à fait bizarre.
-- - Un jeune homme. — Il était né à
Phalsbourg, terre alors française ; quand
elle passa aux mains des Allemands, il
opta en 1872 pour la France. Son père
était un vieux soldat, capitaine en re-
traite, chevalier de la Légion d'hon-
neur. Je n'ai pas besoin de vous dire
que le jeune homme fut destiné dès son
jeune âge au métier des armes. Il tra-
vailla pour entrer àSaint-Cyr, et il était
en état de passer ses examens avec suc-
cès. Un incident imprévu l'arrêta au
seuil de la carrière.
Le pauvre garçon avait un léger dé-
faut de constitution ; des varices aux
jambes. Les concours d'admission à
l'Ecole de Saint-Cyr sont toujours pré-
cédés d'une visite médicale. Cette pre-
mière épreuve ne lui fut pas favorable.
Les médecins déclarèrent qu'il n'était
pas bon pour le service. -. -
Ce fut pour lui un grand chagrin et
une grave déception. Vous savez que
ces lamilles de la vieille Lorraine ont
presque toutes l'esprit militaire. L'aïeul,
le grand-père, le père, tous avaient été
soldats. Et lui, enfant dégénérée pour
une vétille de cette-espèce; il ne pou-
vait porter l'épée à son tourl' ,:.,'
Que faire? que devehir',?'JI' avait na-
turellement fait, se destinant à Saint-
Cyr, des études passables. 11 était ba-
chelier ès sciences. Il enlra comme
maître répétiteur au collège de Verdun,
Feuilleton du XIX9 SIÈCLE ,,'
Ilu 27 février 1883
(13)
UNE FOLIE
1. {. r
,. IX
fer suite -t
Dans les salons, entassées, assises pres-
que les unes sur les autres, les femmes
éprouvaient, malgré leur ennui visible,
une certaine satisfaction à savoir que là-
bas, au fond de l'appartement, une grosse
voix qui retentissait dans l'Europe en-
tière se faisait entendre, qu'elles pour-
raient dire, dans leurs visites du lende-
main : « Nous étions hier soir chez Mme
Darboys; nous avions deux ministres,
une foule de députés, un ambassadeur et
— le grand homme ! » A chaque arrivée,
elles allongeaient le cou pour voir si le
grand homme ne ferait pas le tour des
salons avant de partir : « A-t-elle de la
chance, cette Mme Darboys 1 - L'a vuir à
dîner I 11 paraît, ma- chère, qu'à table il
a été éblouissant. » Toutes les femmes
dont la prétention est de tenir un salon
et d'en faire un centre, ont besoin d'un
homme célèbre, d'une personnalité quel-
conque, mais toutes n'ont pas la main
aussi heureuse que Mme Darboys ; il y
en a qui se contentent, faute de
mieux, de quelque député intransigeant
t tapageur., ';
On ne faisait rien aux soirées de Mme
Darboys ; elle. avait la musique en hor-,
reur et dédaignait même les monologues ;
elle désirait que dans son salon on cau-
sât. Mal.s'.Ie moyen de causer dans un sa-
lon parisien de nos j'ours 1 0n invite tou-
lours plus démonde qu'on n'eu peut ça-
Reproduction Interdit©,.
ser;les rangées de fauteuils s'ajoutent aux
rangées de fauteuils, d'où les femmes
emprisonnées ne peuvent pas sortir. A
peine, de temps à autre, quelques hom-
mes adossés aux portes, aux murs, se
laissent-ils voir. Quant à circuler, il n'y
faut pas penser. Aussi les plus braves,
après quelques efforts inutiles, un salut
échange à distance, se réfugient dans les
petits salons à côté, s'ils n'aiment ni la
politique ni les cigares ; et là ils atten-
dent le moment de s'esquiver.
Le salon où se trouvait Fleurette était
complètement envahi. Elle ne connaissait
personne parmi les nouvelles venues qui,
toutes, se connaissaient. Il n'y a pas de
cruauté plus raffinée que celle des femmes
qui regardent avec méfiance une incon-
nue dont elles devinent, rien qu'à la fa-
çon de tenir l'éventail, à un détail de toi-
lette, qu'elle n'est pas des leurs. Les voi-
sines de Fleurette la détaillèrent d'un
coup d'œil; puis, très posément, elles se
mirent à causer, sans plus s'occuper
d'elle que si son fauteuil avait été vide.
Un mouvement de curiosité se produi-
sit soudain. Une jeune femme, mince,
fluette, se servant d'un lorgnon, parlant
haut, riant, gesticulant, s'était avancée
parmi les rangées de fauteuils, saluant
une demi-douzaine de personnes d'un
signe de tête, d'un mot, d'un sourire.
Alors, trouvant probablement qu'on ne
s'amusait pas follement dans ce grand
salon trop plein, elle avait manœuvré,
dérangeant les unes, bousculant les au-
tres, avançant quand même, impértl-
nente.et calme, vers' la porte d'un salon
plus petit, où elle entra. Un bruit de ri-
res jeunes et frais venait de temps à au-
tre de ce petit salon, et contrastait avec
le murmure monotone qui montait des
groupes ennuyés. Fleurette aurait bien
voulu faire comme la jeune femme au
lorgnon et aller retrouver Solange, dont
elle distinguait la voix ; mais elle n'au-
rait guère pu bouger, même si elle l'eût
osé.
Elle entendait vaguement et nialgré
elle ce que disaient ses voisines :
— Pour une jeune mariée, elle n'est
pas timide, la pimpante Berthe.
- Timide ?. D'abord la timidité est
démodée et Mme Ferraysac se croirait
déshonorée si elle n'était pas à la mode.
Quelle toilette pour une mariée de six
mois ! Au lieu du blanc, souvenir de la
robe de noce, des couleurs et des cou-
leurs. On appelle cela Pompadour. On
dit qu'elle a accepté Ferrayssac par dépit,
quand le jeune député n'a pas voulu
d'elle.
— Un dépit bien place, avouez-le. Une
grosse fortune, un homme qui ¡l'adorait
depuis des années. Et enfin, il est député,
lui aussi.
— Oui, mais il n'est pas « l'homme de
l'avenir » !
Fleurette dressa l'oreille : cette phrase-
là, elle l'avait entendue plus d'une fois.
Mais les deux femmes entamèrent une
discussion à propos de la toilette de
Mme Ferraysac, de sa couturière, de
leurs couturières aussi, qui ne l'intéressa
plus. Elle fixait les yeux sur la porte, es-
pérant toujours apercevoir Maurice. Elle
se mordait les lèvres pour ne pas pleu-
rer.
Enfin il se fit un grand bruissement
tout autour d'elle ; les femmes, heu-
reuses d'être délivrées de cette longue
immobilité, selevaient,donnant de petites
tapes à leurs jupes, un coup de doigt aux
dentelles, secouant et remettant en place
les longues traînes qui, lentement, se dé-
roulaient dans un chatoiement de cou-
leurs vives ou tendres, avec un joli bruit
de soie et de satin. On venait d'ouvrir la
salle à manger. Lés hommes firent irrup-
tion dans les salons ; il y eut un moment
de causeries animées, puis, lentement, les
couples passèrent d'une pièce à l'autre.
Par oubli du par malechance, personne
ne vint chercher Fleurette. - -
Dans la débandade des fauteuis, tour-
nés encore les uns vers les autres, un
peu cachée par une lourde draperie et
regrettant de n'être pas cachée tout à
fait, Fleurette restait dans son coin.
Quelques groupes épars dans le grand
salon, des couples surtout, semblaient
heureux de se retrouver après la froide
solennité de la soirée. Mais, près de la
jeune mariée, il n'y avait personne. Elle
n'osait se lever pour aller à la recherche
de Maurice, et elle souffrait pourtant
atrocement de son isolément. Elle s'en-
fonça le plus qu'elle put dans l'ombre du
rideau qui masquait à peu près l'entrée
d'un boudoir, cherchant toujours des
yeux Maurice qui ne venait pas.
Tout d'un coup elle tressaillit. Près
d'elle, dans la pièce à côté, deux hommes
causaient.
— As-tu vu Mal-le-ville ? Ce héros de
roman fait une drôle de figure Je ne lui
donne pas trois mois pour maudire sa
folie. Vois-tu, il n'y a que les garçons
rangés, sérieux, pour faire de cesbetises-
là ! 11 faut dans la vie s'offrir beaucoup
de petites folies, ça garantit des gran-
des, comme on se fait vacciner pour
échapper à la petite vérole. Il n'avait pas
été vacciné — le voilà marqué pour la
vie.
— Bah! Il paraît que sa folie est ravis-
sante, et étrange avec cela.
— Jolie ?. Oui, assez. Mais nulle,
nulle !. On assure qu'elle n'a pas dit un
mot pendant le dîner, et qu'elle consul-
tait des yeux son mari pour savoir si elle
devait boire l'eau de son rince-bouche.
— On dit tant de choses ! Et le pis est
que la belle-sœur laisse dire. Il paraît
qu'elle avait tout préparé pour l'autre
mariage, que le jour même en était fixé.
— -- Ca, c'est absolument vrai. Elle était
si sûre de son frère qu'elle annonçait à
peu près la chose, lorsque patatras i.
L'autre affaire a été un véritable guet-
apens, connu, classique, bête. La fille se
laisse faire la cour — honnêtement, cela
va sans dire ; sa vertu est à toute épreuve.
Mais juste au bon moment survient le
père qui roule de grands yeux : « Misé-
rable. ma fille. l'honneur..,» tu vois
ça d'ici !. La comédie avait été arrangée
entre ce père marquis, joueur, endetté,
et sa fille, une fine mouche qui.
Lejeune homme n'achevapas sa phrase;
il resta bouche béante. Une jeune femme,
très pâle, les yeux hagards, s'était levée.
Il comprit et se sentit mourir de honte.
Croyant qu'elle allait tomber il se préci-
pita vers elle, en balbutiant des mots
incohérents.
Fleurette le regarda et dit d'une voix
L mal assurée :
- Tous savez, monsieur, ce n'est pas
vrai, ce n'est pas vrai du tout. -
Elle ne trouva que cette petite phrase,
et encore les mots sortaient à grand'-
peine. Mais l'ironie la plus sanglante
n'eût pas produit plus d'effet que cette
plainte un pea tfnfontiaè. Les deux
jeunes gens ne
Ace moment, Solange, accompagnée de
la mariée Pompadour, s'élança vers sa
tante:
— Mais, Lucie, on vous cherche, on
vous demande. Où étiez-vous donc? Vous
n'êtes pas malade ?.
- Non, mais je voudrais bien partir.
— Nous allons faire appeler votre mari.
Mais venez vous reposer ua peu d'abord,
vous êtes toute pâle.
Solange l'entraîna dans le petit salon,
embrassa la jeune femme, l'appela « pau-
vre petite» d'une façon toute mater-
nelle, très drôle chez cette fille de dix-
huit ans. L'autre mariée examinait Mme
Malleville curieusement, comme on re-
garde un être d'une espèce inconnue.
Enfin elle lui dit :
— Solange ne nous a pas présentées,
madame; aussi je me présente moi-même.
Je m'appelle Berthe Ferraysac et je crois
que nous nous sommes toutes deux ma-
riées il y a quelques mois. C'est un trait
d'union, à ce que l'on prétend ; quant à
moi, j'en accepte volontiers l'augure.
Fleurette prit la main qui s'offrait, et
répondit par un pelit mot de remercie-
ment, et de suite elle ajouta, en regardant
cette, autre mariée qui avait une assu-
rance, un aplomb extraordinaires :
— Cela ne vous fait pas peur, comme
à moi, madame, d'entendre chuchoter
autour de vous : C'est une mariée?.
— Je n'ai jamais eu peur de ma vie. Je
le regrette,. car je voudrais avoir tout
éprouvé, et cette expérience-là me man-
que.Puis elle ajouta un peu brusquement:
Vous n'alliezpas beaucoup dans le monde,
à Naples?
Fleurette, étonnée, la regarda un ins-
tant. Alors, elle sourit. Elle se voyait en
petite robe de toile défraîchie, courant
à travers son jardin désert.
— C'est la première fois que je vais
dans le monde; c'est la première fois que j
je porte une robe décolletée; c'est la pre- "j
mière fois que je souffre de me sentir
seule dans une foule. ajouta-t-elle un
peu plus bas.
- Mais c'est très intéressant, tout cela !
s'écria Berthe. Je voudrais me promener
dans votre cerveau, voir ce que vous pen-
sez de nous, si vous êtes éblouie ou si
vous regrettez votre désert i
Les yeux de Fleurette s0 Remp*' li"rent de
larmes. Solange dit en fiai**;
— Nous n'avons pas besoin de nous
promener dans son cerveau : nous n'a-
vons qu'à regarder sa figure. Elle ne sait
rien cacher, cette petite sauvage, et ma-
man aura bien de la peine à compléter
son éducation, à en faire une femme po-
litique.
— J'espère bien qu'elle n'y réussira
pas; il faut laisser à Mme Malleville son
originalité, dit Mme Ferraysac poliment..;
Nous avons assez de femmes politiques,
nous n'en avons pas beaucoup qui aient
grandi à l'ombre des orangers de Naples.
Votre père vous tenait enfermée? Il vou-
lait jouir tout seul de votre société; je
comprends cela.
— Pauvre papa ! Il avait notre villa en
horreur, il y rêvait du boulevard. Je ne
le voyais que rarement.
— Et il vous laissait jouer à la châte-
laine, toute seule?
— Une drôle de châtelaine, dit en riant
Fleurette, qui pour vivre — et maigre..
ment — faisait vendre ses pranges r
Maurice qui venait chercher sa temme
entendit ces derniers mots etfroncale sour-
cil. Malgré ses recommandations, Fleu-
rette, qui ne savait pas dissimuler, qui
répondait naïvement aux qùê^iens qu'on
lui faisait avec une intention malicieuse,
le compromettait. Il savait que Berthe
ne garderait pas de telles confidences
pour elle : et déjà il entendait un mur-
mure moqueur accueillant l'histoire de
la « marchande d'oranges »..
Il n'y eut pourtant rien de moqueur
dans la voix de Berthe quj, à son appro-
che, avait changé imperceptiblement de
couleur, mais qui l'instant d'après r&-
trouva tout son sang-froid.
— Yotrefemme et moi, nous venons de
faire connaissance, monsieur MallevilIe;
et s'il ne tient qu'à moi, cette connais-
sance sera bientôt de l'amitié. Mon mari,
oui est votre collègue, a beaucoup de
sympathie pour vous, malgré la nuance
un peu plus foncée de ses opinions :
j'espère que nous ferons souvent une
partie carrée. Vous devez faire en ce mo-
ment vos visites de noces : amenez-moi
Mme Malleville, je vous prie. Je reçoIs 11
mercredi.
JEANNE MÀKHÏV
: À suivre}
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.77%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.77%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7561254t/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7561254t/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7561254t/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7561254t/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7561254t
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7561254t
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7561254t/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest