Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-02-01
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 01 février 1885 01 février 1885
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
tQuinzièm-e année. -AB-N° 4774
prix du numéro à Paris 15 centimes — Départements: 20 centimes
Diniancne 1er Février 1885
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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4 1x2 OlO 109 95, 96, 95.
ttirc 16 47, 45, 57.
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Egypte 343 75,34312.
Extérieure 60 5^8. 21i32.
Actions Rio. 321 25, 320 62.
PARIS, 31 JANVIER 1885
Hier, les restes mortels du comman-
dant Henri Rivière, ramenés enfin en
France, ont été porlés à l'église de la
Madeleine, où un service funèbre a été
célébré; l'inhumation s'est faite ensuite
au cimetière Montmartre. Cérémonie
touchante et triste. Que de souvenirs
ont été ravivés ! Il semblait que le deuil
fût double et que le cercueil contînt à
la fois la dépouille de deux hommes:
celle d'un soldat héroïque et celle d'un
des plus aimables écrivains qu'aient
pleuré, dans ces derniers temps, les
lettres françaises.
D'éloquents hommages ont été ren-
dus à la mémoire de Rivière. Nous ne
pourrions que. répéter moins bien ce qui
a été dit sur cette fin si glorieuse et
si cruelle. Abstenons-nous donc. Mais
comment ne pas songer aussi à tant de
graves conséquences d'une mort que
notre premier devoir était de venger, et
qui nous a conduits, cependant, parmi
des difficultés imprévues, à entretenir à
cette heure un corps expéditionnaire de
trente mille hommes en Indo-Chine?
Que tout cela a donc été jusqu'ici in-
décis et long ! Cette affaire du Tonkin,
pourtant, devrait être terminée depuis
bien des mois, si le gouvernement
français ne s'y était pas embarqué trop
à l'aventure, sur la foi de renseigne-
ments toujours incomplets et quelque-
fois faux.
L'expérience a désormais fixé notre
gouvernement — nous voulons le croire
— sur la direction définitive qu'il con-
vient de donner à l'entreprise du Ton-
kin. Nous nous croyons enfin sortis de
la phase malheureuse de l'incertitude et
des tâtonnements. Des renforts, estimés
suffisants, à ce qu'on assure, mais ré-
clamés trop longtemps par nos géné-
raux, ont rejoint ou vont rejoindre l'a-
miral Courbet à Formose et le général
Brière de l'Isle à Hanoï. On nous an-
nonce des marches ùecISlves; on nous
donne l'assurance que le printemps ne
se passera point sans que les derniers
obs acles soient surmontés. Nous le sou-
haitons de tout notre cœur, car nous ne
sommes point partisans de la reculade,
n'ayant jamais été de ceux qui font trop
bon marché de l'honneur du drapeau et
de la renommée de la France. Mais
quelle instructive histoire ce sera, plus
tard, au point de vue militaire comme
au point de vue politique, — et nous
dirions presque : parlementaire, — que
l'histoire de cette expédition du Ton-
kin !
Il faudra bien récrire un jour et l'of-
frir à la méditation de tous ceux qui
gouvernent, afin de les bien mettre en
garde contre l'esprit d'imprévoyance
qui régit encore trop souvent les affai-
res de ce pays-ci. Mais l'heure de ces
réflexions n'est pas venue. Ne parlons
donc plus aujourd'hui que de courage
et de confiance. Quand nos soldats au- «
ront solidement implanté la puissance
française au Tonkin, la critique re- 1
prendra ses droits sur les erreurs com-
mises, et nous en parlerons librement
alors, non dans un esprit de dénigre-
ment, mais avec le dessein de recueillir,
pour notre propre instruction, les le-
çons de l'expérience.
EUG. LIÉBERT.
m
VUnivers s'applique à remonter le cou-
rage des « conservateurs. » Nous conve-
nons qu'au lendemain des élections séna-
toriales, où leur défaite a été si accablante,
la chose ne doit pas être inutile. « A l'œu-
vre ! » leur crie M. Pierre Veuillot, et
il s'efforce d'animer leur zèle en leur
montrant les élections générales pro-
chaines :
Nous ne triompherons pas au scrutin, bien
entendu, écrit-il. Les républicains revien-
dront à la Chambre en majorité, cela ne
peut faire aucun doute. Mais il ne s'agit point
du tout de leur enlever, au mois d'avril ou
de mai, deux cent cinquante sièges. Quand
on nous aura montré dans l'histoire un gou-
vernement quelconque, monarchie ou répu-
blique, renversé de la sorte, tout simple-
ment, par des élections législatives, alors,
alors seulement, nous croirons à la possibi-
lité de culbuter de cette façon-là le gou-
vernement actuel. Non, il n'est pas ques-
tion, pour la minorité conservatrice, de
l'emporter avec cet éclat au scrutin et de
rentrer à la Chambre prochaine, majorité.
Mais voyez-vous l'effet produit si la Droite
gagnait une soixantaine de sièges; si, partis
quatre-vingt-dix, les réactionnaires reve-
naient cent cinquante ? Quelle émotion dans
le pays, quels mouvements, quelle tempête,
quel désordre jeté parmi les rangs de nos
adversaires, vaincus sur tant de points, af-
faiblis sur bien d'autres, divisés irrémédia-
blement ! Que l'occasion serait bonne de
compléter par un acte de vigueur le revire-
ment, le retour de l'opinion 1
Le tableau est séduisant. L « acte de
vigueur », en particulier, c'est-à-dire,
pour parler en bon français, un coup d'E-
tat avec tout ce qui accompagne et suit
les coups d'Etat,"la fusillade, le sang
versé, la guerre civile, les proscriptions
et les déportations, voilà une perspective
toute aimable. L'Univers reconnaît tou-
tefois que cette « éventualité» n'est point
« probable ». Heureusement, c'est notre
avis à nous aussi.
C. B.
SOUSCRIPTION
AU
Monument de M. Edmond About
(Troisième liste)
Robert David d'Angers 100
Paul Rouffio. 50
Alf. Thuillier .i 5
E. Grimler, gardien du Grand-
Orient 5
Marlinot, à Sedan.;. 20
Mennessier-Nodier. 25
Emile Lenoël, sénateur. 40
Chabouillet. 10
Hertaux 25
Moty, à Bussang v.t 5
Maubant, notaire à Ivry.-;::.J 5
Ch. Mouiin , .¡ 5
Bourgeois, inspecteur d'académie. 10
Dr Delvaille, à Bayonne ..«<$ 20
L. G •>: 16
Dr Fréd. Duriau, à Dunkerque .:.; 100
L. Marchesson, au Puy.v.i 10
C. G. 25
Un professeur à Arras x. 5
VVorrnser. 2
Jules Lax. 20
Larroumet. 10
Georgé, à Marseille. 20
Debrit. 10
Fleuriot. 5
H. de Lapommeraye. 10
Debierre, à Cassel. 5
Un admirateur du talent de M.
About, versé par M. Ph. Jourde. 100
Elie Lazard. 100
Un PhalsbourgeoIs. 100
Turlot. ii 20
Parizot "1 5
Clerc et sa famille. ,"1 10
Colmant, à Nangis.4 5
Modot, à Merceuil 1
Truelle, député.¡.j 50
Gorius, de Dieuze. 4 20
Roche, au Havre. «} 5
J. Gentil, à Voiron. 5
G. Budelot, professeur. 10
! I Charles Gallo. 1 100
Léon Gaucheron. 50
Hector Crémieux. 100
Voisin-Bey. 20
Jean Micart. 20
Bayvet 40
Eug. Chavelte. 100
Ed. Kohn. ",' 200
O., à Bernay. 5
Total.;.. 1.629
Total des deux premières listes. 6.228
7.857
La souscription de M. Robert David d'An
gers, qui avait été envoyée dès le premier
jour, ne nous est parvenue qu'aujourd'hui
seulement ; c'est pourquoi elle n'a pu figurer
sur la première liste.
Nom
Nous avons signalé naguère les por-
traits, les brochures, les images d'Epi-
nal que répand de tous côtés, dans nos
campagnes, la propagande orléaniste.
D'autres, parmi nos confrères, ont attiré
l'attention sur certains almanachs des-
tinés à célébrer les bienfaits de la mo-
narchie et ornés des portraits de M. le
comte de Paris et des princes de sa fa-
mille.
Le Français déclare que ces dénon-
ciations le réjouissent, parce qu'elles lui
prouvent que les républicains ont peur.
« Peur I » Le Français est-il bien sûr
que ce soit là le mot juste ? La pru-
dence n'est pas tout à tait la peur. On
ne dit pas d'une armée en campagne et
qui se garde qu'elle a peur ; on songe
plutôt à louer la vigilance de son gé-
néral. Des monarchistes, en nous révé-
lant ce qu'ils ont appelé « le secret du
roi », nous ont annoncé que M. le
comte de Paris, qui s'entendait à cons-
pirer, s'enveloppait à dessein de mys-
tère, guettant l'heure propice pour nous
surnrendre : sommes-nous donc des
peureux parce que nous ne voulons pas
être surpris? Le fabuliste l'a dit: « La
défiance est mère de la sûreté », et
nous ne le cachons pas, nous nous dé-
non s.
Le Français ajoute que ses amis ont
le droit de faire ce qu'ils font et qu'ils
se bornent à user de la liberté de la
presse et du colportage. Fort bien;
mais le gouvernement, lui aussi, a le
droit d'inviter à passer la frontière les
prétendants qui conspirent. Si jamais
il se décidait — ce que nous ne souhai-
tons point, mais ce qui pourrait devenir
un jour nécessaire — à prier M. le
comte de Paris et les siens de repren-
dre le chemin de l'exil, il n'aurait, pour
justifier sa conduite, qu'à produire le
dossier des manœuvres orléanistes. Les
armes dont on frapperait les princes,
e;'jLp0ttt leurs amis qui se seraient char-
gés de les fournir. "C'est à quoi nous
engageons le Français à réfléchir sé-
rieusement.
CHARLES BIGOT.]
NOUVELLES DE CHINE
BRUIT D'UN COMBAT NAVAL
Shanghaï, 30 janvier, 9 h. 30 matin.
Le bruit court qu'un engagement a eu
lien à Matsou entre des navires chinois et
des navires français.
Le télégraphe chinois assure qu'il n'a pas
connaissance de l'affaire; il est impossible
de vérifier ici cette prétendue nouvelle.
LES RENFORTS
Le ministre de la marine a reçu du gou-
verneur de la Cochinchine une dépêche
lui annonçant l'arrivée à Saïgon du Bien-
Hoa.
Ce transport repariira le 4 février pour
effectuer son retour en France.
D'autre part, on mande d'Alger que le va-
peur Cachemire, après avoir embarqué un
escadron de spahis, a repris la mer hier
dans l'après-midi, à destination de Haï-
phong.
• «
Singapore, 29 janvier, soir.
Le Tonkin, venant de Saigon, relâche à
Singapore. Tout va bien à bord.
LA PRESSE CHINOISE
On écrit de Shanghaï le 18 décembre à
Overland China Mail de Hong-Kong :
« Les nouvelles de l'intérieur ne sont rien
moins que pacifiques. Des forces considéra-
bles se dirigent vers le Tonkin pour essayer
de reorendre ce pays aux Français.
? Un grand nombre de tonneaux de projec-
tiles sont expédiés dans la même direction
et tout ce que l'on voit dans les provinces du
Yunnan, du Kouang-Si, du Kouei-Tchaou et
du Kouang-Tong indique une fureur à la-
quelle on ne songeait guère il y a deux ans.
» La Chine veut faire la guerre à outrance
plutôt que d'accepter une paix impopulaire
et de payer une indemnité.
» Plus de cent étrangers ont pris du ser-
vice dans l'armée chinoise.
» On dit que deux d'entre eux ont changé
de costume et sont considérés par leurs
chefs comme des sujets chinois. »
*1
* »
On télégraphie de Canton, le 23 décembre,
à YOverland China Mail :
« Une fabrique de poudre a fait explosion
hier à Fatchau. Deux cents personnes ont
été tuées. »
Il
* *
On lit dans le Celestial Empire, de Shan-
ghaï, du 24 décembre :
« Tso-Tsoung-Lang est arrivé le i4 dé-
cembre à Fou-Tcheou, venant de Yeu-Ping.
Une foule immense assistait à son arrivée.
On dit aue 300,000 personnes, non compris
les soldats et les 7 mandarins, sont allées à
sa rencontre à 3 ou 4 milles de la ville. Il
y a actuellement des forces considérables à
Fou-Tcheou et dans les environs. )
————— —————
NOUVELLES COLONIALES
LES AFFAIRES DE MADAGASCAR
On prépare au ministère de la marine
une nouvelle demande de crédits pour les
affaires de Madagascar.
Le chiffre des crédits ne sera pas, croyons-
nous, supérieur à cinq millions.
*
* »
Tamatave, 18 janvier.
La situation n'a pas changé. Le comman-
dant en chef des forces navales françaises
dans les eaux de Madagascar est occupé à
fortifier ses positions sur la côte nord de
l'île.
Nos journaux réactionnaires et reli-
gieux sont acharnés à défendre le ser-
ment judiciaire. Aujourd'hui même la
Gazette de France reproche au XIXe Siè-
cle d'avoir parlé du serment religieux
avec trop peu de respect. Aujourd'hui
également nous lisons dans VUnivers :
Il y a dans une séance de cour d'assises
autre chose qu'une curiosité malsaine à sa-
tisfaire. L'essence du jury appelle cette ma-
nifestation morale et religieuse, puisque le
juré est l'homme du serment, et que le ser-
ment atteste la présence de Dieu en nous.
C'est devant Dieu et non devant les hommes
que les jurés jurent de dire la vérité. Dieu
seul, en effet, sait s'ils la disent ou non. Les
hommes n'en savent rien: et il est ridicule
de les prendre à témoin d'un fait de cons-
cience qu'ils n'ont aucun moyen de vérifier.
Dieu est l'âme de la justice humaine.
Or, voici comment il est parlé du ser-
ment dans l'Evangile :
« L'ancienne loi vous disait : « Vousn'in-
» voquerez pas le nom de Dieu en vain. »
Et moi je vous dis: « Vous ne jurerez pas
» du tout ». Si une. chose est dite : « Cela
» est ». Si elle n'est pas dites : « Cela n'est
» pas. »
Si donc les catholiques étaient logi-
ques, non seulement ils ne défendraient
pas l'institution du serment judiciaire ou
autre, mais ils réclameraient énergique-
ment son abolition: ils se refuseraient
en toute occasion à prêter serment.
Jésus-Christ étant pour eux un Dieu,
c'est-à-dire la vérité et l'autorité, com-
ment peuvent-ils ne pas obéir à sa pa-
role? Comment peuvent-ils recommander
ce qu'il défend et ne pas faire ce qu'il
ordonne?
Mais nos dévots ne lisent plus l'Evan-
gile ; ils nous en donnent la preuve tous
les jours.
C.B.
— ii
Nouvelles parlementaires
CHAMBRE DES DÉPUTÉS
La commission des tarifs de douane s'est
occupée dans sa séance d'hier des éventua-
lités qui peuvent se produire lors du débat
de la question des droits sur les céréales
et les bestiaux. Elle a décidé de ne pas
s'opposer à la déclaration d'urgence.
Il est probable que la discussion viendra
en séance lundi prochain. Il faut compter
qu'elle ne durera pas moins de deux semai-
nes, c'est-à-dire huit séances pleines, en
tenant compte des jours où la Chambre a
l'habitude de ne pas siéger, — le mercredi
et le vendredi.
On ne sait pas encore exactement quels
sont les députés qui prendront la parole,
mais il est certain que le débat sera très
étendu.
Le groupe agricole s'est réuni de son côté
et a décidé de demander l'urgence. Il de-
mandera, en outre, que l'on statue d'abord
sur la question des céréales.
le
» »
La commission du budget a tenu une
longue séance sous la présidence de M. Sar-
rien. Elle s'est occupée du projet de loi re-
latif à la dotation de la Caisse des écoles
qui a pour objet de garantir par des annui-
tés les emprunts souscrits par la commune.
La discussion s'est engagée entre MM.
Wilson, Ribot, Hérault, Dubost et Com-
payré.
Finalement la commission a décidé qu'il
n'y avait pas lieu d'appliquer le nouveau
système à l'enseignement supérieur, et
qu'en ce qui concerne l'enseignement se-
condaire il faudrait un projet de loi auto-
risant les villes à contracter des emprunts
et fixant le chiffre des annuités.
Pour ce qui concerne les emprunts de
l'enseignement primaire seulement, le mi-
nistre pourra, de sa propre autorité, distri-
buer des annuités.
• *
• »
La Gauche radicale a tenu une courte
séance. Plusieurs de ses membres étant ab-
sents, elle a décidé de se réunir à nouveau le
9 février pour procéder au renouvellement
de son bureau.
L'Union démocratique s'est prononcée pour
la déclaration d'urgence dans la discussion
de la loi relative au droit sur les blés.
M. Courmeaux, membre de l'Extrême
Gauche, a pris, on le sait, l'initiative d'une
demande de scrutin secret pour le jour où
la question du scrutin de liste viendra de-
vant la Chambre.
On annonce qu'une autre demande ayant
le même objet est déjà revêtue d'une qua-
rantaine de signatures.
Elle émane des députés du Centre gau-
che et de l'Union démocratique.
On sait qu'il suffit de cinquante signatu-
res pour qu'elle soit accordée.
Il est inexact, comme on l'avait annoncé
primitivement, que M Ribot veuille déposer
une demande d'interpellation sur la politi-
que intérieure du gouvernement.
Le député du Pas-de-Calais se propose de'
prendre la parole dans la discussion du
scrutin de liste et, à cette occasion, fera
simplement connaître son opinion sur la
politique suivie par le gouvernement.
SÉNAT
Par suite de la mort de M. Pelletan, un
siège de questeur reste vacant.
On parle, pour le remplacer, de MM. De-
môle, Casimir Fournier et Salneuve,"
L. H.
———i—t
M. Jules Honnoré, sénateur de la Meuse,
a adressé la lettre suivante au président
de la Gauche républicaine :
Commercy, le 28 janvier 1885.
Monsieur le président,
J'ai l'honneur de vous prier d'informer la
Gauche républicaine que, me conformant à
la tradition parlementaire, je ne suis plus
candidat au siège de secrétaire du Sénat.
Je vous serai en même temps très obligé
de vouloir bien lui trausmettre mes vifs re-
merciements et tous mes sentiments de re-:
connaissance pour le grand honneur qu'elle'
m'a fait en me désignant, pendant deux1
années consécutives, aux suffrages de nos
collègues.
Veuillez agréer, monsieur le président, les
assurances de mon respectueux dévouements
JULES HONNORÉ.
m '■
LE TRAITÉ DU CAMBODGE
Nous annoncions récemment que M.
Ténot, rapporteur de la commission
chargée de l'examen du traité conclu
avec le roi du Cambodge, avait donne
lecture de son rapport.
Ce document n'a pas encore été distri-
bué à la Chambre ; il le sera probable-,
ment aujourd'hui ou lundi. -
M. Ténot ne s'est pas borné à discuter,
les mérites et l'opportunité du traité in-j
tervenu le 17 juin 1884 entre le roi N04
rodom et le gouverneur de la Cochin-;
chine. Sa tâche était plus complexe. Il
avait à expliquer à la suite de quels inci-f
dents M. Thomson avait été conduit à'
imposer au roi du Cambodge, par la
force, le traité que celui-ci se refusait à'
signer.
On n'a pas oublié les protestations que
Norodom a fait entendre par l'organe
d'un mandataire envoyé spécialement en
France. On sait qu'il en avait appelé à la'
justice du gouvernement par une lettre'
autographe adressée à M. le président de
la République et qu'il avait confié la dé-:
fense de ses droits à M. Blancsubé, dé-
puté de la Cochinchine.
Toutes ces démonstrations avaient eu
un certain retentissement ; la presse
avait commenté les divers incidents de
cette affaire avec une sévérité peu dé-
guisée. r
Dans cette situation , le rapporteur de
la commission avait à montrer comment
le gouverneur de la Cochinchine a été
conduit à user de violence à l'égard de
Norodom. Je ne veux pas dire que le rap-
port de M. Ténot soit un plaidoyer en
défense, mais il est évident que des ex-
plications étaient nécessaires; il est utile
qu'elles aient été données, et nous avons
eu tout à gagner qu'elles le fussent par
un homme du talent de M. Ténot.
Feuilleton du XIX* SIÊCLB
Do 1er Février 1885
(U) :
LA LUNE ROUSSE
XI
UN BAL AU CHATEAU
suite
— Oui, dame Babet, répondit la jeune
fille dont l'attention était sollicitée ail-
leurs.
— Justement, le voici. il vient de ce
côté.
— Loïc?. demanda vivement Etien-
nette, répondant à un désir intérieur.
— Non, monsieur le comte, répondit
dame Babel, d'un air légèrement pincé.
Depuis quelques instants, la danse
était terminée, et les couples de jeunes
gens se promenaient d'un bout à l'autre
de la salle.
Dame Babet quitta le petit salon, em-
portant la mante et les chaussons fourrés
de la jeune fille. Celle-ci ne s'en aperçut
même pas.
Elle se tenait appuyée contre le cham-
branle de la porte, de façon à n'être pas
aperçue des danseurs, mais à voir tout
ce qui se passait parmi eux.
Les tempes et le cœur lui battaient
violemment, son impatience était ex-
trême.
- Je ne le vois pas, murmura-t-eile ;
pourtant il sait bien que si je suis venue
ce n'est que pour lui. Pourquoi n'est-il
pas là?. Son absence m'inquiète. S'il
lui était arrivé malheur 1
Bientôt le prélude d'une valse se fil
Reproduction et traduction interdites sans l'au-
tcnsaLîoQ de l'auteur. S'adresser à la librairie
Deritu, Palais-Royal,
entendre. Une diversion s'opéra parmi
les groupes; chacun se mettait en place.
- S'il était là il m'inviterait, se dit
Etiennette, que l'oppression commençait
gagner.
Tout à coup deux mains lui enserrè-
rent la taille.
Elle se retourna vivement en laissant
échapper un cri de surprise.
Elle espérait Loïc ; c'était Nicole, le
barbier.
— Comment ! mademoiselle Etiennette,
vous n'avez pas de danseur? lui dit-il;
voulez-vous de moi pour cette valse ?
La pauvre enfant, toute désappointée,
ne trouvait de réponse ni pour accepter
ni pour refuser ; mais, apercevant le
comte qui se dirigeait vers le petit salon,
elle s'empressa de placer sa main sur
l'épaule du barbier, et s'abandonna à lui
en fermant les yeux comme si elle allait
défailli.
Les premières mesures de la valse
commençaient.
Nicole, qui était un vigoureux danseur,
l'enleva aussitôt, et tous deux enlacés
disparurent en tourbillonnant parmi les
groupes.
Etiennette et son cavalier avaient à
peine quitté le petit salon que le juge de
paix et le veilleur de nuit y entrèrent,
car dans cette pièce on avait dressé plu-
sieurs tables de jeu.
— Nous ne sommes pas des sauteurs,
nous autres, dit M. Merlet; notre place
n'est pas dans le bal, où nous gêne-
rions la jeunesse. Je vous fais une
partie d'échecs.
— Volontiers, monsieur le juge, mais,
une seule, répondit Yvan. Vous le savez-
mon poste me réclame, je ne puis m'at
tarder.
— Comme il vous plaira, mon ami.
Les deux joueurs s'attablèrent donc
dans l'embrasure d'une fenêtre, chargè-
rent l'échiquier et commencèrent la
partie.
- Tout en jouant, ils devisaient, tandis
qu'au dehors le vent gémissait lugubre-
ment et fouettait avec rage la neige con-
tre les vitres.
— Fichu temps ! monsieur le juge ; cet
hiver s'annonce dur pour les pauvres
gens.
— Encore deux ans, père Yvon, et vous
aurez droit à votre retraite.
- Oui, mais après deux hivers comme
celui-ci, je n'enaurai peut-être plus be-
soin.
— Comment ça ? que voulez-vous dire ?
— Hé ! la vieillesse vient. un avertis-
sement infaillible, les rhumatismes sont
là.
— Diable !
— Dame! on a beau se bien vêtir, quand
on fait de la nuit le jour depuis trente
ans, et cela sous le vent, la pluie, la
neige, par tous les temps enfin.
— C'est vrai, mon pauvre ami, que
voulez-vous? chaque état a ses désagré-
ments, et le vôtre, il faut être juste, en
a plus que d'autres. Heureusement vous
avez une santé de fer.
— Santé de fer tant qu'il vous plaira,
mais, le fer se rouille à la longue. Notre
rouille à nous, c'est la goutte.
Randonneau entrait à ce moment
dans le petit salon pour se garer du choc
des valseurs, qui, dans leur élan, bous-
culaient les inutiles formant galerie.
La valse finissait.
— La fête est superbe ! exclama l'au-
bergiste en s'approchant des deuxjoueurs.
S'amusent-elles toutes ces jeunesses!.
— C'est de leur âge, père Randonneau,
répondit le juge de paix sans lever les
yeux de son jeu, et vous avez bien fait
d'amener votre gentille Etiennette. Je ne
l'ai pas encore aperçue. --- -
— Elle vient de danser avec Nicole,
répondit Randonneau en avançant un
siège près de la table.
— Ah ! le barbier! dit à son tour Yvon;
il est fringant et beau danseur; et la pe-
tite, mgest avis que c'est la plus jolie du
bal. Si j'avais quelques années de moins,
je me serais offert pour son cavalier ;
elle est si modeste. si gracieusô,.. -
— rour ce qui est ae ça, enchérit le
juge, moi qui connais tout le canton, je
peux vous certifier qu'Etiennette n'a pas
sa pareille comma distinction. Elle pour-
rait rivaliser avec les plus nobles demoi-
selles d^'ia contrée, et, malgré cela, elle
est toujours d'une douceur, d'une sim-
plicité. En un mot, bienheureux Ran-
donneau, vous avez là un vrai trésor.
— Un trésor. réclama l'aubergiste,
hem! A part quelques caprices, je ne
dis pas non ; mais c'est un trésor qui m'a
coûté gros, et qui ne rapportera jamais
à proportion.
— Bah!. vous ne devriez pas parler
ainsi de cette enfant, elle vous est bien
utile ; et puis, vous avez du foin dans vos
bottes, vous n'êtes pas à plaindre, repar-
tit le veilleur qui, dans sa distraction,
déplaça un pion protecteur.
— Attention, Yvon! gronda M. Merlet,
voilà votre reine en échec.
— C'est vrai, monsieurle juge, excusez-
moi, je ne bavarderai plus.
La partie d'échecs continua, en effet,
dans le plus profond silence.
Randonneau somnolait sur sa chaise.
Vingt minutes s'écoulèrent ainsi, puis
le comte entra sans bruit dans le petit
salon et alla toucher l'épaule de l'au-
bergiste, qui, réveillé en sursaut, se
dressa brusquement. Les deux joueurs
se levèrent également.
— Je vous en prie, messieurs, au le
comte, ne vous dérangez pas de votre
partie, vous me désobligeriez.
Le juge de paix et le veilleur reprirent
donc leurs places, pendant que l'auber-
giste suivait le châtelain à l'extrémité op-
posée du salon.
— Maintenant, lui dit le comte en
baissant la voix, tu vas me faire le plaisir
de t'en aller. Voici mille livres ; demain
tu en recevras autant.
Et comme Randonneau ne bougeait
pas, il ajouta avec raideur :
— Eh bien! qu'attends-tu? N'est-ce
point là ce qui a été convenu? Douterais-
tu de ma parole ?.
- oh i monsieur le comte !. pouvez-
vous croire!. se récria l'aubergiste avec
humilité.
— Alors, va-t'en sans souffler mot à
personne ! recommanda impérieusement
le comte en gagnant la salle de bal.
- Tout de suite, monseigneur. tout
de suite.
Et Randonneau, empochant soigneuse-
ment son or, s'empressa en effet de
quitter les salons.
En arrivant au vestibule, il croisa un
domestique portant un immense plateau
surchargé de rafraîchissements ; il prit
deux verres de punch, puis quelques gâ-
teaux pour ne pas défaillir en route.
Convenablement lesté, il passa ensuite
au vestiaire, revêtit sa houppelande, re-
prit ses sabots, et, s'armant de son so-
lide parapluie de coton rouge, il partit
d'un pied léger pour regagner sa de-
meure, malgré la netg0 qui continuait
de tomber.
Dans le petit salon, la partie d'échecs
s'achevait.
— Je suis mall fit tout à coup Yvon.
- Voulez-vous votre revanche? de-
manda M. Merlet.
— Impossible aujourd'hui, monsieur
le juge; je suis déjà trop en retard.
— Je n'insiste pas, reprit son parte-
naire en se levant à son tour. Je vais vous
accompagner jusqu'à la porte.
— Mais non, vous allez prendre froid,
restez donc !.
— Bah !. nous irons absorber un verre
de vin bien chaud à l'office ; c'est souve-
rain pour les rhumatismes, observa en
riant le bon juge.
Après avoir accompagné le veilleur qui,
bien réconforté, ne tarda pas à quitter le
château, M. Merlet réintégra le grand sa-
loi., où le bal continuait avec un entrain
vertigineux.
XII
FAUSSES CONFIDENCES
Au moment où la veilleur de nuit et le
juge de paix sortaient du salon de jeu,
Etiennette y entrait.
Elle était pâle , inquiète ; un malaise
subit l'oppressait visiblement.
Dame Babct, qui - - s'était éclipsée de-
puis quelques instants, arriva bientôt de
l'office, où elle venait de donner son
coup d'œil de surveillante.
— Je vous cherchais, dame Babat, dit
la jeune fille en allant à elle.
— Qu'y a-t-il, mon enfant; serais-tu
indisposée?. La chaleur au'jl fait ici.
— Non, ce n'est pas cela; je voudrais..-..
Vous m'avez affirmé, dame Babet, que
vous me portiez de l'intérêt?.
— Comme si tu étais ma propre fille.
Etiennette baissait les yeux, le sang
affluait à son cœur par jets brusques, elle
hésitait à parler.
Dame Babet comprit qu'il fallait l'en-
courager.
— Voyons ! qu'aS-tu à me demander?.
Parle, ne crains rien. dit la matrone
d'un ton doucereux.
- Loïc!. soupira la jeune fille qui
s'arrêta net devant l'air étonné de dame
Babet.
— Oui, Loïc. vous savez bien, reprit
Etiennette, le fils d'adoption du vieux
garde ?
Dame Babet parut alors se souvenir ;
elle n'avait tardé à répondre que pour
se donner le temps de chercher dans sa
tête quelque récit ingénieux de nature à
déguiser à la naïve enfant le motif réel
de l'absence de son fiancé.
- Ah ! oui. oui, j'y suis. dit-elle
enfin ; c'est de ce mauvais sujet que tu
veux parler?. Eh bien?
— Il n'est pas venu, dame Babet; pour-
tant il m'avait bien promis.
— Quoi donc? interrompit la matrone
indignée, tu t'attendais à trouver ce gar-
nement à la fête?. Tu ne sais donc pas i
qu'il n'est revenu de la ville que pour
semer le désordre dans nos paisibles
campagnes?
— Comment cela ? interrogea. Etien-
nette en attachant ses yeux démesuré-
ment ouverts sur la mégère, qui conti-
nua avec une indifférence des mieux
jouées.
— Sans doute, il prêche à nos paysans
la liberté, ou plutôt la révolte contre
leurs maîtres. Il ne t'a pas parlé de cela
parce que ce sont des questions qui ne
regardent guère les jeunes filles. Mais il y
a contre lui des choses bien plus graves
encore !.
ALFRED SIR YEN.
(A su(v}'e)
prix du numéro à Paris 15 centimes — Départements: 20 centimes
Diniancne 1er Février 1885
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Six mois. 32 »»
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Actions Rio. 321 25, 320 62.
PARIS, 31 JANVIER 1885
Hier, les restes mortels du comman-
dant Henri Rivière, ramenés enfin en
France, ont été porlés à l'église de la
Madeleine, où un service funèbre a été
célébré; l'inhumation s'est faite ensuite
au cimetière Montmartre. Cérémonie
touchante et triste. Que de souvenirs
ont été ravivés ! Il semblait que le deuil
fût double et que le cercueil contînt à
la fois la dépouille de deux hommes:
celle d'un soldat héroïque et celle d'un
des plus aimables écrivains qu'aient
pleuré, dans ces derniers temps, les
lettres françaises.
D'éloquents hommages ont été ren-
dus à la mémoire de Rivière. Nous ne
pourrions que. répéter moins bien ce qui
a été dit sur cette fin si glorieuse et
si cruelle. Abstenons-nous donc. Mais
comment ne pas songer aussi à tant de
graves conséquences d'une mort que
notre premier devoir était de venger, et
qui nous a conduits, cependant, parmi
des difficultés imprévues, à entretenir à
cette heure un corps expéditionnaire de
trente mille hommes en Indo-Chine?
Que tout cela a donc été jusqu'ici in-
décis et long ! Cette affaire du Tonkin,
pourtant, devrait être terminée depuis
bien des mois, si le gouvernement
français ne s'y était pas embarqué trop
à l'aventure, sur la foi de renseigne-
ments toujours incomplets et quelque-
fois faux.
L'expérience a désormais fixé notre
gouvernement — nous voulons le croire
— sur la direction définitive qu'il con-
vient de donner à l'entreprise du Ton-
kin. Nous nous croyons enfin sortis de
la phase malheureuse de l'incertitude et
des tâtonnements. Des renforts, estimés
suffisants, à ce qu'on assure, mais ré-
clamés trop longtemps par nos géné-
raux, ont rejoint ou vont rejoindre l'a-
miral Courbet à Formose et le général
Brière de l'Isle à Hanoï. On nous an-
nonce des marches ùecISlves; on nous
donne l'assurance que le printemps ne
se passera point sans que les derniers
obs acles soient surmontés. Nous le sou-
haitons de tout notre cœur, car nous ne
sommes point partisans de la reculade,
n'ayant jamais été de ceux qui font trop
bon marché de l'honneur du drapeau et
de la renommée de la France. Mais
quelle instructive histoire ce sera, plus
tard, au point de vue militaire comme
au point de vue politique, — et nous
dirions presque : parlementaire, — que
l'histoire de cette expédition du Ton-
kin !
Il faudra bien récrire un jour et l'of-
frir à la méditation de tous ceux qui
gouvernent, afin de les bien mettre en
garde contre l'esprit d'imprévoyance
qui régit encore trop souvent les affai-
res de ce pays-ci. Mais l'heure de ces
réflexions n'est pas venue. Ne parlons
donc plus aujourd'hui que de courage
et de confiance. Quand nos soldats au- «
ront solidement implanté la puissance
française au Tonkin, la critique re- 1
prendra ses droits sur les erreurs com-
mises, et nous en parlerons librement
alors, non dans un esprit de dénigre-
ment, mais avec le dessein de recueillir,
pour notre propre instruction, les le-
çons de l'expérience.
EUG. LIÉBERT.
m
VUnivers s'applique à remonter le cou-
rage des « conservateurs. » Nous conve-
nons qu'au lendemain des élections séna-
toriales, où leur défaite a été si accablante,
la chose ne doit pas être inutile. « A l'œu-
vre ! » leur crie M. Pierre Veuillot, et
il s'efforce d'animer leur zèle en leur
montrant les élections générales pro-
chaines :
Nous ne triompherons pas au scrutin, bien
entendu, écrit-il. Les républicains revien-
dront à la Chambre en majorité, cela ne
peut faire aucun doute. Mais il ne s'agit point
du tout de leur enlever, au mois d'avril ou
de mai, deux cent cinquante sièges. Quand
on nous aura montré dans l'histoire un gou-
vernement quelconque, monarchie ou répu-
blique, renversé de la sorte, tout simple-
ment, par des élections législatives, alors,
alors seulement, nous croirons à la possibi-
lité de culbuter de cette façon-là le gou-
vernement actuel. Non, il n'est pas ques-
tion, pour la minorité conservatrice, de
l'emporter avec cet éclat au scrutin et de
rentrer à la Chambre prochaine, majorité.
Mais voyez-vous l'effet produit si la Droite
gagnait une soixantaine de sièges; si, partis
quatre-vingt-dix, les réactionnaires reve-
naient cent cinquante ? Quelle émotion dans
le pays, quels mouvements, quelle tempête,
quel désordre jeté parmi les rangs de nos
adversaires, vaincus sur tant de points, af-
faiblis sur bien d'autres, divisés irrémédia-
blement ! Que l'occasion serait bonne de
compléter par un acte de vigueur le revire-
ment, le retour de l'opinion 1
Le tableau est séduisant. L « acte de
vigueur », en particulier, c'est-à-dire,
pour parler en bon français, un coup d'E-
tat avec tout ce qui accompagne et suit
les coups d'Etat,"la fusillade, le sang
versé, la guerre civile, les proscriptions
et les déportations, voilà une perspective
toute aimable. L'Univers reconnaît tou-
tefois que cette « éventualité» n'est point
« probable ». Heureusement, c'est notre
avis à nous aussi.
C. B.
SOUSCRIPTION
AU
Monument de M. Edmond About
(Troisième liste)
Robert David d'Angers 100
Paul Rouffio. 50
Alf. Thuillier .i 5
E. Grimler, gardien du Grand-
Orient 5
Marlinot, à Sedan.;. 20
Mennessier-Nodier. 25
Emile Lenoël, sénateur. 40
Chabouillet. 10
Hertaux 25
Moty, à Bussang v.t 5
Maubant, notaire à Ivry.-;::.J 5
Ch. Mouiin , .¡ 5
Bourgeois, inspecteur d'académie. 10
Dr Delvaille, à Bayonne ..«<$ 20
L. G •>: 16
Dr Fréd. Duriau, à Dunkerque .:.; 100
L. Marchesson, au Puy.v.i 10
C. G. 25
Un professeur à Arras x. 5
VVorrnser. 2
Jules Lax. 20
Larroumet. 10
Georgé, à Marseille. 20
Debrit. 10
Fleuriot. 5
H. de Lapommeraye. 10
Debierre, à Cassel. 5
Un admirateur du talent de M.
About, versé par M. Ph. Jourde. 100
Elie Lazard. 100
Un PhalsbourgeoIs. 100
Turlot. ii 20
Parizot "1 5
Clerc et sa famille. ,"1 10
Colmant, à Nangis.4 5
Modot, à Merceuil 1
Truelle, député.¡.j 50
Gorius, de Dieuze. 4 20
Roche, au Havre. «} 5
J. Gentil, à Voiron. 5
G. Budelot, professeur. 10
! I Charles Gallo. 1 100
Léon Gaucheron. 50
Hector Crémieux. 100
Voisin-Bey. 20
Jean Micart. 20
Bayvet 40
Eug. Chavelte. 100
Ed. Kohn. ",' 200
O., à Bernay. 5
Total.;.. 1.629
Total des deux premières listes. 6.228
7.857
La souscription de M. Robert David d'An
gers, qui avait été envoyée dès le premier
jour, ne nous est parvenue qu'aujourd'hui
seulement ; c'est pourquoi elle n'a pu figurer
sur la première liste.
Nom
Nous avons signalé naguère les por-
traits, les brochures, les images d'Epi-
nal que répand de tous côtés, dans nos
campagnes, la propagande orléaniste.
D'autres, parmi nos confrères, ont attiré
l'attention sur certains almanachs des-
tinés à célébrer les bienfaits de la mo-
narchie et ornés des portraits de M. le
comte de Paris et des princes de sa fa-
mille.
Le Français déclare que ces dénon-
ciations le réjouissent, parce qu'elles lui
prouvent que les républicains ont peur.
« Peur I » Le Français est-il bien sûr
que ce soit là le mot juste ? La pru-
dence n'est pas tout à tait la peur. On
ne dit pas d'une armée en campagne et
qui se garde qu'elle a peur ; on songe
plutôt à louer la vigilance de son gé-
néral. Des monarchistes, en nous révé-
lant ce qu'ils ont appelé « le secret du
roi », nous ont annoncé que M. le
comte de Paris, qui s'entendait à cons-
pirer, s'enveloppait à dessein de mys-
tère, guettant l'heure propice pour nous
surnrendre : sommes-nous donc des
peureux parce que nous ne voulons pas
être surpris? Le fabuliste l'a dit: « La
défiance est mère de la sûreté », et
nous ne le cachons pas, nous nous dé-
non s.
Le Français ajoute que ses amis ont
le droit de faire ce qu'ils font et qu'ils
se bornent à user de la liberté de la
presse et du colportage. Fort bien;
mais le gouvernement, lui aussi, a le
droit d'inviter à passer la frontière les
prétendants qui conspirent. Si jamais
il se décidait — ce que nous ne souhai-
tons point, mais ce qui pourrait devenir
un jour nécessaire — à prier M. le
comte de Paris et les siens de repren-
dre le chemin de l'exil, il n'aurait, pour
justifier sa conduite, qu'à produire le
dossier des manœuvres orléanistes. Les
armes dont on frapperait les princes,
e;'jLp0ttt leurs amis qui se seraient char-
gés de les fournir. "C'est à quoi nous
engageons le Français à réfléchir sé-
rieusement.
CHARLES BIGOT.]
NOUVELLES DE CHINE
BRUIT D'UN COMBAT NAVAL
Shanghaï, 30 janvier, 9 h. 30 matin.
Le bruit court qu'un engagement a eu
lien à Matsou entre des navires chinois et
des navires français.
Le télégraphe chinois assure qu'il n'a pas
connaissance de l'affaire; il est impossible
de vérifier ici cette prétendue nouvelle.
LES RENFORTS
Le ministre de la marine a reçu du gou-
verneur de la Cochinchine une dépêche
lui annonçant l'arrivée à Saïgon du Bien-
Hoa.
Ce transport repariira le 4 février pour
effectuer son retour en France.
D'autre part, on mande d'Alger que le va-
peur Cachemire, après avoir embarqué un
escadron de spahis, a repris la mer hier
dans l'après-midi, à destination de Haï-
phong.
• «
Singapore, 29 janvier, soir.
Le Tonkin, venant de Saigon, relâche à
Singapore. Tout va bien à bord.
LA PRESSE CHINOISE
On écrit de Shanghaï le 18 décembre à
Overland China Mail de Hong-Kong :
« Les nouvelles de l'intérieur ne sont rien
moins que pacifiques. Des forces considéra-
bles se dirigent vers le Tonkin pour essayer
de reorendre ce pays aux Français.
? Un grand nombre de tonneaux de projec-
tiles sont expédiés dans la même direction
et tout ce que l'on voit dans les provinces du
Yunnan, du Kouang-Si, du Kouei-Tchaou et
du Kouang-Tong indique une fureur à la-
quelle on ne songeait guère il y a deux ans.
» La Chine veut faire la guerre à outrance
plutôt que d'accepter une paix impopulaire
et de payer une indemnité.
» Plus de cent étrangers ont pris du ser-
vice dans l'armée chinoise.
» On dit que deux d'entre eux ont changé
de costume et sont considérés par leurs
chefs comme des sujets chinois. »
*1
* »
On télégraphie de Canton, le 23 décembre,
à YOverland China Mail :
« Une fabrique de poudre a fait explosion
hier à Fatchau. Deux cents personnes ont
été tuées. »
Il
* *
On lit dans le Celestial Empire, de Shan-
ghaï, du 24 décembre :
« Tso-Tsoung-Lang est arrivé le i4 dé-
cembre à Fou-Tcheou, venant de Yeu-Ping.
Une foule immense assistait à son arrivée.
On dit aue 300,000 personnes, non compris
les soldats et les 7 mandarins, sont allées à
sa rencontre à 3 ou 4 milles de la ville. Il
y a actuellement des forces considérables à
Fou-Tcheou et dans les environs. )
————— —————
NOUVELLES COLONIALES
LES AFFAIRES DE MADAGASCAR
On prépare au ministère de la marine
une nouvelle demande de crédits pour les
affaires de Madagascar.
Le chiffre des crédits ne sera pas, croyons-
nous, supérieur à cinq millions.
*
* »
Tamatave, 18 janvier.
La situation n'a pas changé. Le comman-
dant en chef des forces navales françaises
dans les eaux de Madagascar est occupé à
fortifier ses positions sur la côte nord de
l'île.
Nos journaux réactionnaires et reli-
gieux sont acharnés à défendre le ser-
ment judiciaire. Aujourd'hui même la
Gazette de France reproche au XIXe Siè-
cle d'avoir parlé du serment religieux
avec trop peu de respect. Aujourd'hui
également nous lisons dans VUnivers :
Il y a dans une séance de cour d'assises
autre chose qu'une curiosité malsaine à sa-
tisfaire. L'essence du jury appelle cette ma-
nifestation morale et religieuse, puisque le
juré est l'homme du serment, et que le ser-
ment atteste la présence de Dieu en nous.
C'est devant Dieu et non devant les hommes
que les jurés jurent de dire la vérité. Dieu
seul, en effet, sait s'ils la disent ou non. Les
hommes n'en savent rien: et il est ridicule
de les prendre à témoin d'un fait de cons-
cience qu'ils n'ont aucun moyen de vérifier.
Dieu est l'âme de la justice humaine.
Or, voici comment il est parlé du ser-
ment dans l'Evangile :
« L'ancienne loi vous disait : « Vousn'in-
» voquerez pas le nom de Dieu en vain. »
Et moi je vous dis: « Vous ne jurerez pas
» du tout ». Si une. chose est dite : « Cela
» est ». Si elle n'est pas dites : « Cela n'est
» pas. »
Si donc les catholiques étaient logi-
ques, non seulement ils ne défendraient
pas l'institution du serment judiciaire ou
autre, mais ils réclameraient énergique-
ment son abolition: ils se refuseraient
en toute occasion à prêter serment.
Jésus-Christ étant pour eux un Dieu,
c'est-à-dire la vérité et l'autorité, com-
ment peuvent-ils ne pas obéir à sa pa-
role? Comment peuvent-ils recommander
ce qu'il défend et ne pas faire ce qu'il
ordonne?
Mais nos dévots ne lisent plus l'Evan-
gile ; ils nous en donnent la preuve tous
les jours.
C.B.
— ii
Nouvelles parlementaires
CHAMBRE DES DÉPUTÉS
La commission des tarifs de douane s'est
occupée dans sa séance d'hier des éventua-
lités qui peuvent se produire lors du débat
de la question des droits sur les céréales
et les bestiaux. Elle a décidé de ne pas
s'opposer à la déclaration d'urgence.
Il est probable que la discussion viendra
en séance lundi prochain. Il faut compter
qu'elle ne durera pas moins de deux semai-
nes, c'est-à-dire huit séances pleines, en
tenant compte des jours où la Chambre a
l'habitude de ne pas siéger, — le mercredi
et le vendredi.
On ne sait pas encore exactement quels
sont les députés qui prendront la parole,
mais il est certain que le débat sera très
étendu.
Le groupe agricole s'est réuni de son côté
et a décidé de demander l'urgence. Il de-
mandera, en outre, que l'on statue d'abord
sur la question des céréales.
le
» »
La commission du budget a tenu une
longue séance sous la présidence de M. Sar-
rien. Elle s'est occupée du projet de loi re-
latif à la dotation de la Caisse des écoles
qui a pour objet de garantir par des annui-
tés les emprunts souscrits par la commune.
La discussion s'est engagée entre MM.
Wilson, Ribot, Hérault, Dubost et Com-
payré.
Finalement la commission a décidé qu'il
n'y avait pas lieu d'appliquer le nouveau
système à l'enseignement supérieur, et
qu'en ce qui concerne l'enseignement se-
condaire il faudrait un projet de loi auto-
risant les villes à contracter des emprunts
et fixant le chiffre des annuités.
Pour ce qui concerne les emprunts de
l'enseignement primaire seulement, le mi-
nistre pourra, de sa propre autorité, distri-
buer des annuités.
• *
• »
La Gauche radicale a tenu une courte
séance. Plusieurs de ses membres étant ab-
sents, elle a décidé de se réunir à nouveau le
9 février pour procéder au renouvellement
de son bureau.
L'Union démocratique s'est prononcée pour
la déclaration d'urgence dans la discussion
de la loi relative au droit sur les blés.
M. Courmeaux, membre de l'Extrême
Gauche, a pris, on le sait, l'initiative d'une
demande de scrutin secret pour le jour où
la question du scrutin de liste viendra de-
vant la Chambre.
On annonce qu'une autre demande ayant
le même objet est déjà revêtue d'une qua-
rantaine de signatures.
Elle émane des députés du Centre gau-
che et de l'Union démocratique.
On sait qu'il suffit de cinquante signatu-
res pour qu'elle soit accordée.
Il est inexact, comme on l'avait annoncé
primitivement, que M Ribot veuille déposer
une demande d'interpellation sur la politi-
que intérieure du gouvernement.
Le député du Pas-de-Calais se propose de'
prendre la parole dans la discussion du
scrutin de liste et, à cette occasion, fera
simplement connaître son opinion sur la
politique suivie par le gouvernement.
SÉNAT
Par suite de la mort de M. Pelletan, un
siège de questeur reste vacant.
On parle, pour le remplacer, de MM. De-
môle, Casimir Fournier et Salneuve,"
L. H.
———i—t
M. Jules Honnoré, sénateur de la Meuse,
a adressé la lettre suivante au président
de la Gauche républicaine :
Commercy, le 28 janvier 1885.
Monsieur le président,
J'ai l'honneur de vous prier d'informer la
Gauche républicaine que, me conformant à
la tradition parlementaire, je ne suis plus
candidat au siège de secrétaire du Sénat.
Je vous serai en même temps très obligé
de vouloir bien lui trausmettre mes vifs re-
merciements et tous mes sentiments de re-:
connaissance pour le grand honneur qu'elle'
m'a fait en me désignant, pendant deux1
années consécutives, aux suffrages de nos
collègues.
Veuillez agréer, monsieur le président, les
assurances de mon respectueux dévouements
JULES HONNORÉ.
m '■
LE TRAITÉ DU CAMBODGE
Nous annoncions récemment que M.
Ténot, rapporteur de la commission
chargée de l'examen du traité conclu
avec le roi du Cambodge, avait donne
lecture de son rapport.
Ce document n'a pas encore été distri-
bué à la Chambre ; il le sera probable-,
ment aujourd'hui ou lundi. -
M. Ténot ne s'est pas borné à discuter,
les mérites et l'opportunité du traité in-j
tervenu le 17 juin 1884 entre le roi N04
rodom et le gouverneur de la Cochin-;
chine. Sa tâche était plus complexe. Il
avait à expliquer à la suite de quels inci-f
dents M. Thomson avait été conduit à'
imposer au roi du Cambodge, par la
force, le traité que celui-ci se refusait à'
signer.
On n'a pas oublié les protestations que
Norodom a fait entendre par l'organe
d'un mandataire envoyé spécialement en
France. On sait qu'il en avait appelé à la'
justice du gouvernement par une lettre'
autographe adressée à M. le président de
la République et qu'il avait confié la dé-:
fense de ses droits à M. Blancsubé, dé-
puté de la Cochinchine.
Toutes ces démonstrations avaient eu
un certain retentissement ; la presse
avait commenté les divers incidents de
cette affaire avec une sévérité peu dé-
guisée. r
Dans cette situation , le rapporteur de
la commission avait à montrer comment
le gouverneur de la Cochinchine a été
conduit à user de violence à l'égard de
Norodom. Je ne veux pas dire que le rap-
port de M. Ténot soit un plaidoyer en
défense, mais il est évident que des ex-
plications étaient nécessaires; il est utile
qu'elles aient été données, et nous avons
eu tout à gagner qu'elles le fussent par
un homme du talent de M. Ténot.
Feuilleton du XIX* SIÊCLB
Do 1er Février 1885
(U) :
LA LUNE ROUSSE
XI
UN BAL AU CHATEAU
suite
— Oui, dame Babet, répondit la jeune
fille dont l'attention était sollicitée ail-
leurs.
— Justement, le voici. il vient de ce
côté.
— Loïc?. demanda vivement Etien-
nette, répondant à un désir intérieur.
— Non, monsieur le comte, répondit
dame Babel, d'un air légèrement pincé.
Depuis quelques instants, la danse
était terminée, et les couples de jeunes
gens se promenaient d'un bout à l'autre
de la salle.
Dame Babet quitta le petit salon, em-
portant la mante et les chaussons fourrés
de la jeune fille. Celle-ci ne s'en aperçut
même pas.
Elle se tenait appuyée contre le cham-
branle de la porte, de façon à n'être pas
aperçue des danseurs, mais à voir tout
ce qui se passait parmi eux.
Les tempes et le cœur lui battaient
violemment, son impatience était ex-
trême.
- Je ne le vois pas, murmura-t-eile ;
pourtant il sait bien que si je suis venue
ce n'est que pour lui. Pourquoi n'est-il
pas là?. Son absence m'inquiète. S'il
lui était arrivé malheur 1
Bientôt le prélude d'une valse se fil
Reproduction et traduction interdites sans l'au-
tcnsaLîoQ de l'auteur. S'adresser à la librairie
Deritu, Palais-Royal,
entendre. Une diversion s'opéra parmi
les groupes; chacun se mettait en place.
- S'il était là il m'inviterait, se dit
Etiennette, que l'oppression commençait
gagner.
Tout à coup deux mains lui enserrè-
rent la taille.
Elle se retourna vivement en laissant
échapper un cri de surprise.
Elle espérait Loïc ; c'était Nicole, le
barbier.
— Comment ! mademoiselle Etiennette,
vous n'avez pas de danseur? lui dit-il;
voulez-vous de moi pour cette valse ?
La pauvre enfant, toute désappointée,
ne trouvait de réponse ni pour accepter
ni pour refuser ; mais, apercevant le
comte qui se dirigeait vers le petit salon,
elle s'empressa de placer sa main sur
l'épaule du barbier, et s'abandonna à lui
en fermant les yeux comme si elle allait
défailli.
Les premières mesures de la valse
commençaient.
Nicole, qui était un vigoureux danseur,
l'enleva aussitôt, et tous deux enlacés
disparurent en tourbillonnant parmi les
groupes.
Etiennette et son cavalier avaient à
peine quitté le petit salon que le juge de
paix et le veilleur de nuit y entrèrent,
car dans cette pièce on avait dressé plu-
sieurs tables de jeu.
— Nous ne sommes pas des sauteurs,
nous autres, dit M. Merlet; notre place
n'est pas dans le bal, où nous gêne-
rions la jeunesse. Je vous fais une
partie d'échecs.
— Volontiers, monsieur le juge, mais,
une seule, répondit Yvan. Vous le savez-
mon poste me réclame, je ne puis m'at
tarder.
— Comme il vous plaira, mon ami.
Les deux joueurs s'attablèrent donc
dans l'embrasure d'une fenêtre, chargè-
rent l'échiquier et commencèrent la
partie.
- Tout en jouant, ils devisaient, tandis
qu'au dehors le vent gémissait lugubre-
ment et fouettait avec rage la neige con-
tre les vitres.
— Fichu temps ! monsieur le juge ; cet
hiver s'annonce dur pour les pauvres
gens.
— Encore deux ans, père Yvon, et vous
aurez droit à votre retraite.
- Oui, mais après deux hivers comme
celui-ci, je n'enaurai peut-être plus be-
soin.
— Comment ça ? que voulez-vous dire ?
— Hé ! la vieillesse vient. un avertis-
sement infaillible, les rhumatismes sont
là.
— Diable !
— Dame! on a beau se bien vêtir, quand
on fait de la nuit le jour depuis trente
ans, et cela sous le vent, la pluie, la
neige, par tous les temps enfin.
— C'est vrai, mon pauvre ami, que
voulez-vous? chaque état a ses désagré-
ments, et le vôtre, il faut être juste, en
a plus que d'autres. Heureusement vous
avez une santé de fer.
— Santé de fer tant qu'il vous plaira,
mais, le fer se rouille à la longue. Notre
rouille à nous, c'est la goutte.
Randonneau entrait à ce moment
dans le petit salon pour se garer du choc
des valseurs, qui, dans leur élan, bous-
culaient les inutiles formant galerie.
La valse finissait.
— La fête est superbe ! exclama l'au-
bergiste en s'approchant des deuxjoueurs.
S'amusent-elles toutes ces jeunesses!.
— C'est de leur âge, père Randonneau,
répondit le juge de paix sans lever les
yeux de son jeu, et vous avez bien fait
d'amener votre gentille Etiennette. Je ne
l'ai pas encore aperçue. --- -
— Elle vient de danser avec Nicole,
répondit Randonneau en avançant un
siège près de la table.
— Ah ! le barbier! dit à son tour Yvon;
il est fringant et beau danseur; et la pe-
tite, mgest avis que c'est la plus jolie du
bal. Si j'avais quelques années de moins,
je me serais offert pour son cavalier ;
elle est si modeste. si gracieusô,.. -
— rour ce qui est ae ça, enchérit le
juge, moi qui connais tout le canton, je
peux vous certifier qu'Etiennette n'a pas
sa pareille comma distinction. Elle pour-
rait rivaliser avec les plus nobles demoi-
selles d^'ia contrée, et, malgré cela, elle
est toujours d'une douceur, d'une sim-
plicité. En un mot, bienheureux Ran-
donneau, vous avez là un vrai trésor.
— Un trésor. réclama l'aubergiste,
hem! A part quelques caprices, je ne
dis pas non ; mais c'est un trésor qui m'a
coûté gros, et qui ne rapportera jamais
à proportion.
— Bah!. vous ne devriez pas parler
ainsi de cette enfant, elle vous est bien
utile ; et puis, vous avez du foin dans vos
bottes, vous n'êtes pas à plaindre, repar-
tit le veilleur qui, dans sa distraction,
déplaça un pion protecteur.
— Attention, Yvon! gronda M. Merlet,
voilà votre reine en échec.
— C'est vrai, monsieurle juge, excusez-
moi, je ne bavarderai plus.
La partie d'échecs continua, en effet,
dans le plus profond silence.
Randonneau somnolait sur sa chaise.
Vingt minutes s'écoulèrent ainsi, puis
le comte entra sans bruit dans le petit
salon et alla toucher l'épaule de l'au-
bergiste, qui, réveillé en sursaut, se
dressa brusquement. Les deux joueurs
se levèrent également.
— Je vous en prie, messieurs, au le
comte, ne vous dérangez pas de votre
partie, vous me désobligeriez.
Le juge de paix et le veilleur reprirent
donc leurs places, pendant que l'auber-
giste suivait le châtelain à l'extrémité op-
posée du salon.
— Maintenant, lui dit le comte en
baissant la voix, tu vas me faire le plaisir
de t'en aller. Voici mille livres ; demain
tu en recevras autant.
Et comme Randonneau ne bougeait
pas, il ajouta avec raideur :
— Eh bien! qu'attends-tu? N'est-ce
point là ce qui a été convenu? Douterais-
tu de ma parole ?.
- oh i monsieur le comte !. pouvez-
vous croire!. se récria l'aubergiste avec
humilité.
— Alors, va-t'en sans souffler mot à
personne ! recommanda impérieusement
le comte en gagnant la salle de bal.
- Tout de suite, monseigneur. tout
de suite.
Et Randonneau, empochant soigneuse-
ment son or, s'empressa en effet de
quitter les salons.
En arrivant au vestibule, il croisa un
domestique portant un immense plateau
surchargé de rafraîchissements ; il prit
deux verres de punch, puis quelques gâ-
teaux pour ne pas défaillir en route.
Convenablement lesté, il passa ensuite
au vestiaire, revêtit sa houppelande, re-
prit ses sabots, et, s'armant de son so-
lide parapluie de coton rouge, il partit
d'un pied léger pour regagner sa de-
meure, malgré la netg0 qui continuait
de tomber.
Dans le petit salon, la partie d'échecs
s'achevait.
— Je suis mall fit tout à coup Yvon.
- Voulez-vous votre revanche? de-
manda M. Merlet.
— Impossible aujourd'hui, monsieur
le juge; je suis déjà trop en retard.
— Je n'insiste pas, reprit son parte-
naire en se levant à son tour. Je vais vous
accompagner jusqu'à la porte.
— Mais non, vous allez prendre froid,
restez donc !.
— Bah !. nous irons absorber un verre
de vin bien chaud à l'office ; c'est souve-
rain pour les rhumatismes, observa en
riant le bon juge.
Après avoir accompagné le veilleur qui,
bien réconforté, ne tarda pas à quitter le
château, M. Merlet réintégra le grand sa-
loi., où le bal continuait avec un entrain
vertigineux.
XII
FAUSSES CONFIDENCES
Au moment où la veilleur de nuit et le
juge de paix sortaient du salon de jeu,
Etiennette y entrait.
Elle était pâle , inquiète ; un malaise
subit l'oppressait visiblement.
Dame Babct, qui - - s'était éclipsée de-
puis quelques instants, arriva bientôt de
l'office, où elle venait de donner son
coup d'œil de surveillante.
— Je vous cherchais, dame Babat, dit
la jeune fille en allant à elle.
— Qu'y a-t-il, mon enfant; serais-tu
indisposée?. La chaleur au'jl fait ici.
— Non, ce n'est pas cela; je voudrais..-..
Vous m'avez affirmé, dame Babet, que
vous me portiez de l'intérêt?.
— Comme si tu étais ma propre fille.
Etiennette baissait les yeux, le sang
affluait à son cœur par jets brusques, elle
hésitait à parler.
Dame Babet comprit qu'il fallait l'en-
courager.
— Voyons ! qu'aS-tu à me demander?.
Parle, ne crains rien. dit la matrone
d'un ton doucereux.
- Loïc!. soupira la jeune fille qui
s'arrêta net devant l'air étonné de dame
Babet.
— Oui, Loïc. vous savez bien, reprit
Etiennette, le fils d'adoption du vieux
garde ?
Dame Babet parut alors se souvenir ;
elle n'avait tardé à répondre que pour
se donner le temps de chercher dans sa
tête quelque récit ingénieux de nature à
déguiser à la naïve enfant le motif réel
de l'absence de son fiancé.
- Ah ! oui. oui, j'y suis. dit-elle
enfin ; c'est de ce mauvais sujet que tu
veux parler?. Eh bien?
— Il n'est pas venu, dame Babet; pour-
tant il m'avait bien promis.
— Quoi donc? interrompit la matrone
indignée, tu t'attendais à trouver ce gar-
nement à la fête?. Tu ne sais donc pas i
qu'il n'est revenu de la ville que pour
semer le désordre dans nos paisibles
campagnes?
— Comment cela ? interrogea. Etien-
nette en attachant ses yeux démesuré-
ment ouverts sur la mégère, qui conti-
nua avec une indifférence des mieux
jouées.
— Sans doute, il prêche à nos paysans
la liberté, ou plutôt la révolte contre
leurs maîtres. Il ne t'a pas parlé de cela
parce que ce sont des questions qui ne
regardent guère les jeunes filles. Mais il y
a contre lui des choses bien plus graves
encore !.
ALFRED SIR YEN.
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