Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-01-14
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 14 janvier 1888 14 janvier 1888
Description : 1888/01/14 (A18,N5843). 1888/01/14 (A18,N5843).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75610292
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-hvitîème année. — N* 8h3
CINQ Ce m eS-Paris et Départements CIIIQ Centimes
Samedi Ih janvier 1888
JOURNAL REPUBLICAIN)»»
RÉDACTION
14a, Rue Montmartre
PARIS
-- 1
DIRECTEUR POLITIQUE
A. - EDOUARD PORTALIS
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 6 fr.
six mois 11 »
On au 20.
DÉPARTEMENTS1
Trois mois. 7 ftk
Six mois. 12 »
Un an 2A »
tu abonnements partent des 1" et 15 de chaque moiÊ
ADMINISTRATION
Î ia-SE3, R. ua Montmartre
1 1 PARIS
IGISSEURS D'ANNONCES
,'.11. LAGRANGE, CERF et C8
j 6b place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
01 PASIB
IMs mois. 6 fr.
flmnaia. il >
Ud «n 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 7 t..
Six mois. t2.
Un an. 24 ■ K,
té* O$OmWMmte partent des 1*' et 15 de chaque melt
THES PROCHAINEMENT
le XIXe SIÈCLE commencera la
publication d'un nouveau roman.
LE CAS DE M. VIGNEAU
M. Vigneau remplacé par M. Athalin
La SANTÉ Dm M. DE BISMAKCK
LES ESPIONS ALLEMANDS
EN SUISSE -
BRID'OISON
On parle beaucoup de la vertu, pour
le moment. En montant, hier, au fau-
teuil présidentiel de la Chambre, M.
Floquet rappelait que « l'honneur de
la République » avait exigé récemment
un « sacrifice nécessaire » et une
« évolution constitutionnelle ». Quel-
ques instants après, il félicitait la
Chambre d'avoir su constituer la pré-
sidence nouvelle « au milieu du trou-
bles des consciences 3), et parmi les
conditions de la force nationale il pla-
çait au premier rang « la justice la
plus sévère. »
C'est encore d'honneur et de justice
qu'il était question un peu plus tard,
quand M. Letellier questionnait le
garde des sceaux sur le décret révo-
quant M. Vigneau de ses fonctions de
juge d'instruction et quand M. Fal-
lières répondait à cette question. M.
Fallières, à son tour, se déclarait le
« gardien de l'honneur de la magis-
trature » et expliquait que cet « hon-
neur » exigeait que M. Vigneau ne pût
plus recourir à des moyens romanes-
ques pour découvrir la vérité.
Il est évident que dans la bouche du
garde des sceaux, les mots : honneur,
conscience publique, justice, n'avaient
plus le même sens que dans celle du
président de la Chambre. Pour l'un, la
présence de M. Grévy à l'Elysée
troublait la conscience publique, et
l'honneur de la République exigeait
qu'on l'en fît partir. Pourquoi? Evi-
demment parce que les trafics aux-
quels se livrait la famille Grévy
étaient scandaleux, parce que la fa-
mille Grévy oubliait la définition que
Montesquieu a donnée de la Républi-
que. Si donc la famille Grévy a donné
l'exemple du scandale, ce n'est pas
seulement le chef de la famille qu'il
faut atteindre. Il est moralement res-
ponsable; mais les autres membres
de la famille ont à répondre person-
nellement de leurs actes, et c'est le cas
pour la justice de montrer à la fois
qu'elle est sévère et égale pour tous.
L'opinion de M. Fallières est toute
différente. Pour lui, l'honneur de la
magistrature n'est pas de rendre la
justice; disciple de Brid'oison, il ne
connaît que le respect de la fôôôrme.
Il n'a pas voulu exercer une pression
sur la magistrature ; cela est si loin
de sa pensée, que l'instruction sera
reprise et qu'elle se terminera, ainsi
qu'il l'a laissé entendre, par une or-
donnance de non-lieu. Mais il était
intolérable qu'un magistrat manquât
au respect de la fôôôrme au point
d'emmener dîner un témoin pour l'em-
pêcher d'aller prendre le mot d'ordre,
en guise de repas, à l'avenue d'Iéna,
et de le faire arrêter au sortir de ces
fraternelles agapes.
Le respect de la fôôôrme n'était pas
moins violé quand ce juge tendait un
piège à un témoin qui faisait sur M.
Wilson des révélations compromet-
tantes. 'Il n'en était pas de même
quand un agent provocateur allait,
déguisé en vaniteux cOlnmerçant, de-
mander la protection du général Caf-
farel pour se faire décorer, et se pré-
sentait ensuite comme témoin à char-
ge. Personne n'avait alors un mot de
blâme ni à son adresse, ni à l'adresse
de ceux qui lui avaient confié cette
mission.
Quant à la pensée d'entraver l'ac-
tion de la justice et de faire sortir M.
Wilson indemne de toutes ces épreu-
ves, d'arrêter une instruction près de
sa fin et d'en recommencer une qui
n'aboutisse à rien, elle est si peu visi-
ble, elle est tellement contraire à
toute vraisemblance, qu'au Palais,
tous les juges d'instruction font tous
leurs efforts pour obtenir que cette
corvée ne leur soit pas infligée, Ils
ont la conviction qu'ils auront le choix
entre une disgrâce et peut-être pis, ou
un asservissement et le ridicule.
Ils savent que celui qui acceptera
de reprendre l'information et de si-
gner l'ordonnance de non-lieu au pro-
fit de M. Wilsôn sera l'objet de la ri-
sée et du mépris public et aucun n'est
pressé d'accepter ce rôle.
Voilà cependant où mènent le respect
de la fôôôrme et le souci vigilant des
« gardiens de l'honneur de la magis-
trature ». Plus on s'entête à imaginer
des procédés plus extraordinaires
cent fois que ceux de M. Vigneau pour
sauver M. Wilson et pour prévenir
peut-être des révélations désobligean-
tes pour certaines personnes, et plus
on rend la nécessité d'une informa-
tion sérieuse urgente; plus on décon-
sidère la magistrature et plus, en
même temps, on démontre la néces-
sité d'avoir une magistrature inacces-
sible à la crainte et au-dessus de tout
soupçon; plus on cherche à obtenir
une ordonnance de non-lieu, plus on
donne à l'opinion publique de motifs
pour croire que la justice veut une
condamnation et que l'honneur de la
République est d'accord avec la justice
pour réclamer des « sacrifices néces-
saires. »
Le XIXe SIECLE publiera demain la
a Chronique » par Athos.
CONSEIL DES MINISTRES
L'affaire Vigneau. — Les projets du
général Logerot.
Dans leur réunion d'hier matin, tenue
sous la présidence de M. Tirard, les minis-
tres se sont occupés de l'affaire Vigneau,
mais seulement au point de vue de la ré-
ponse que le garde des sceaux ferait à la
Chambre, une question devant lui être po.
sée à ce sujet.
Le service militaire
Le général Logerot, ministre de la guerre,
a soumis à ses collègues le texte d'un pro-
jet de loi tendant à modifier les articles 36
de la loi du U juillet 1873 ; 29, 31, 3S du
juillet 1873, et 55 de la loi du 13 mars
1875.
L'article 36 de la loi du 27 juillet 1872
concerne la durée du service militaire. Les
articles sus-visés de la loi du Si juillet
1873 sont relatifs à certains détails de l'or-
ganisation de l'armée territoriale et de la
réserve.
Enfin, l'article 55 de la loi du 13 mars
1875, a trait à la formation d'une partie des
cadres de cette armée.
Le budget de 1888
Enfin, le conseil a continué l'examen des
modifications budgétaires apportées par
M. Tirard au projet de la commission.
M. FALLIÈRES AU CONSEIL D'ÉTAT
Réception du conseil d'Etat. — Allocu-
tion du garde des sceaux.— Le
rôle du conseil d'Etat.
M. Fallières, garde des sceaux, ministre
de la justice, a pris possession hier du con-
seil d'Etat.
A son arrivée au Palais-Royal, M. Falliè-
res a reçu dans son cabinet M. Lderrière,
vice-président, qui lui a présenté lts prési-
dents de section.
Il a passé ensuite dans le grand salon
blanc, où M. Laferrière a présenté tous les
membres du conseil,qui était au complet.
Le vice-président a prononcé une allo-
cution dans laquelle il a félicité le nou-
veau garde des sceaux.
M. Fallières a répondu que c'était un
honneur pour lui d'être le président de
cette grande compagnie et qu'il était heu-
reux d'y rencontrer à la fois des amis et
d'anciens collaborateurs.
Envisageant les attributions du conseil
d'Etat sous leur double point de vue, il a
dit :
« En matière contentieuse, ce qui fait
l'honneur de votre magistrature et la force
de vos arrêts, c'est que tout le monde sait
que, sur le siège du conseiller du gouver-
nement, la parole est toujours libre, et
que, sur les sièges des conseillers, on n'é-
coute que les inspirations de sa cons-
cience. »
En ce qui concerne la collaboration du
conseil à l'œuvre législative, M. Fallières a
insisté sur la nécessité de l'associer plus
fréquemment et plus directement à cette
œuvre. Le garde des sceaux, a-t-il ajouté,
aura souvent recours à ses lumières.
Après ce discours, M. Fallières a présidé
la première partie de l'assemblée générale
de ce grand corps judiciaire.
L'EMPEREUR GUILLAUME
Mauvaise journée. — Vives inquié-
tudes.
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, m janvier.
L'empereur a passé une très mauvaise
journée. Il règne une grande inquiétude
dans les cercles politiques.
LA GARANTIE DE LA PAIX
Un mot de M. de Bismarck. — Démenti
de la « Gazette de Cologne ».
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 12 janvier.
Nous avons cité dernièrement un mot de
M. de Bismarck, concernant l'attitude de
la France au milieu de la crise euro-
péenne.
Le chancelier allemand avait dit : « La
meilleure garantie de la paix, c'est la pou-
dre qui sert à charger le fusil Lebel. »
La Gazette de Cologne démènt officieuse-
ment ce mot du chancelier.
L'INCIDENT DE FLORENCE
Pas de concession. — Opinion du
corps diplomatique.
On est très frappé ici de la fâcheuse im-
pression produite dans les sphères diplo*
matiques, par l'attitude de M. Crispi, àâUS
l'affaire du consulat français de Florence.
Les représentants des puissances
à Paris.
(D'UN CORRESPONDANT)
Londres, 12 janvier.
Le correspondant parisien du Times,
constate que, de l'avis unanime des mem-
bres du corps diplomatique à Paris, la
France n'a pas le droit de faire des conces-
sions à l'Italie dans l'affaire du consulat de
Florence, attendu que cette affaire n'inté-
resse pas la France seule, et que M. Flou-
rens ne peut céder à M. Crispi sans porter
atteinte aux. privilèges consulaires qui
constituent un patrimoine commun à tou-
tes les puissances.
LE PIÈGE AU TÉLÉPHONE
Le faux négociant Lardiesse. -
Les opinions successives de
M. Fallières.— Deux poids
et deux mesures.
A propos du piège tendu à M. Legrand
par M. Vigneau à l'aide du téléphone, on
a rappelé,et nous rappelons nous-mêmes,
dans notre premier article, le piège tendu
à Mme Limousin et au général Caffarel par
l'agent de la police de sûreté Lardiesse.
Il est certain que si ce piège n'avait pas
été tendu, il n'y aurait pas eu d'affaire Caf-
farel. L'ancien sous-chef d'état-major géné-
ral et Mme Limousin continueraient sans
doute, à l'heure qu'il est, leur petit com-
merce de ruban, car on aurait eu contre
eux moins de preuves encore que M. Vi-
gneau n'en avait contre M. Wilson.
Mais ce qu'on n'a pas dit, c'est que, loin
d'avoir été révoqué, comme vient de l'être M.
Vigneau, M. Lardiesse avait reçu une dou-
ble récompense : on lui a donné de l'avan-
cement et on lui a remis une forte gratifi-
cation en argent.
Il semble cependant que « le piège au
téléphone » est moins immoral que « le piège
au bon négociant ».
Ce qu'on n'a pas dit non plus, c'est que
le piège dans lequel est tombé le général
Caffarel a été organisé sous la responsabi-
lité et avec l'autorisation de M. Fallières, le
même qui, aujourd'hui, comme ministre
de la justice, trouve coupable le procédé
qu'il recommandait comme ministre de
l'intérieur.
Il est vrai qu'en tendant des pièges au
général Caffarel, ce n'était pas M. Wilson
qu'on espérait atteindre.
Si le coup du téléphone avait été dirigé
contre un adversaire du ministère, on peut
être convaincu que M. Vigneau, au lieu
d'être puni, aurait été récompensé, comme
l'a été M. Lardiesse.
M. VIGNEAU
REMPLACÉ PAR M. ATHAUN
Les dossiers de M. Vigneau. — MM.
Bouchez et Bernard. — Instruction
recommencée. —s La liberté
provisoire.
M. Vigneau est remplacé par M. Athalin.
Hier, à deux heures et demie, M. Ber-
nard, procureur de la République, est ar-
rivé au Palais de Justice et s'est rendu aus-
sitôt dans le cabinet de M. Bouchez, pro-
cureur général, avec lequel il a eu un long
entretien.
C'est à la suite de cet entretien qu'il a
été décidé de donner à M. Vigneau, comme
successeur, M. Athalin, juge d'instruction.
- Reprise des dossiers
M. Athalin a aussitôt fait reprendre les
trois dossierfe qui étaient entre les mains
de M. Vigneau.
Ces dossiers sont ceux de l'affaire Ri-
baudeau, Hébert et Dubreuil (décoration
de M. Crespin, de la Jeannière) et des af-
faires Wilson et Ratazzi (décorations de M.
Legrand et aut.re:,,).
Très volumineux, ces dossiers vont être
examinés par M. Athalin, qui aura à les
signer et à les classer. Ce travail prendra
au juge d'instruction trois ou quatre jours
au moins, pendant lesquels M. Wilson ne
sera pas appelé au parquet. Autant de ga-
gné.
M. Athalin
Nous ferons remarquer, en passant, que
M. Athalin est le juge d'instruction chargé
déjà des affaires Caffarel-Limousin et de la
substitution des lettres,—et que ces deux in-
formations se sont terminées par la mise
en liberté des prévenus Caffarel, Limou-
sin, Lorentz, etc;
Qu'il a été chargé de l'instruction Ri-
baudeau, Hébert et Dubreuil, — et que
les prévenus ont été mis également en li-
berté provisoire.
M. VIGNEAU DEVANT LA COUR DE
CASSATION
Le conseil supérieur de la magistra-
ture. — Les lenteurs inévitables. —
La procédure à suivre.
L'émotion était loin de s'être encore cal-
mée, hier, au Palais de Justice ; les bruits
les plus contradictoires circulaient dans la
salle des Pas-Perdus, qui présentait une
animation extraordinaire.
Le conseil supérieur de la magistrature
qui est composé, comme on sait, de la
cour de cassation (toutes chambres réu-
nies), n'a pas encore été convoqué, comme
le bruit en avait circulé. Le conseil supé-
rieur de la magistrature ne se réunit pas,
d'ailleurs, aussi facilement. Il y a toute
une procédure à suivre qui ne demande
pas moins de deux à trois semaines. Il faut
d'abord qu'il y ait une demande du minis-
tre de la justice ; puis, dès que le premier
président et le procureur général l'ont
reçue, un conseiller à la cour de cassation
est chargé de faire un rapport sur l'affaire
disciplinaire.
C'est alors seulement que le procureur
général établit son réquisitoire, dont il
donne connaissance au conseil supérieur
de la magistrature, enfin assemblée, qui
ne statue qu'après une dizaine de jours.
On voit par là que si M. Vigneau est ren -
voyé devant le conseil supérieur, aucune
décision ne pourra être prise à son égard
avant près d'un mois.
Les peines disciplinaires
Quant aux peines disciplinaires dont les
magistrats peuvent être frappés par le con-
seil supérieur de la magistrature, ce sont :
la censure simple ; la censure avec répri-
mande; la suspension provisoire; la dé-
chéance.
La censure avec réprimande emporte de
droit la privation de traitement pendant un
mois.
La suspension provisoire emporte priva-
tion du traitement pendant sa durée.
M. WILSON
ET L'IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE
L'article 14 de la loi de juillet 1875. —
La suspension de M. Vigneau et
l'immunité de M. Wilson. —
Les poursuites. — M. Wil-
f son peut-il être arrêté ?
Dans un de nos précédents numéros,
nous disions que, dès l'ouverture de la ses-
[ sion parlementaire, M, Wilsog ne pouvait
ni être poursuivi ni être arrêté. Nous ci-
tions le texte de l'article 1.4 de la loi du
16 juillet 1875, qui est formel à cet égard.
Or, la révocation de M. Vigneau change
cette situation. Cet incident fait connaître,
en effet, d'une façon officielle, que M. Wil-
son était, avant l'ouverture de la session,
sous le coup d'une poursuite judiciaire.
L'instruction ayant été commencée avant
l'oúvertnre de la session, l'immunité par-
lementaire a cessé dès lors de couvrir M.
Wilson, et les poursuites peuvent être con-
tinuées sans autorisation de la Chambre.
La suspension de M. Vigneau ne change
donc rien à la situation du député d'Indre-
et-Loire.
Sur le second point : l'arrestation de
M. Wilson peut-elle avoir lieu ? il est diffi-
cile de se prononcer d'une manière aussi
précise. Toutefois, si nous en croyons les
renseignements qui nous ont été fournis
par les hommes les plus compétents en
matière de droit parlementaire, M. Wilson
peut parfaitement être arrêté, l'arrestation
étant la conséquence naturelle d'une ins-
truction judiciaire.
LA COMMISSION D'ENQUÊTE
Audition de M. Dautresme. -La déco-
ration de M. Legrand. — La main
de M. Grévy. — La décoration
dé M. Jacquot.
M. Dautresme, ministre du commerce et
de l'industrie, a été entendu hier par la
commission d'enquête, au sujet de la dé-
coration de M. Pierre Legrand. -
La déposition de M. Dautresme n'a ap-
pris aucun fait nouveau. M. Legrand, a-t-il
dit, a été décoré à l'occasion de l'exposi-
tion d'Anvers:
« Le 20 décembre 1885, dit M. Dautresme,
j'ai reçu du président de la République une
lettre m'informant qu'il mettait une croix
de chevalier de la Légion d'honneur à ma
disposition pour M. Pierre Legrand. »
C'est dans ces conditions que M. Dau-
tresme a proposé au grand chancelier la
nomination de M. Legrand à la Légion
d'honneur.
M. Leydet. — Quelle signature porte la
lettre de la présidence ?
M. Dautresme. - Celle du général
Pittié.
En se retirant, M..Dautresme a fait cette
mélancolique constatation « qu'on peut
être trompé dans des affaires de décora-
tions ». Quant à lui, il a cherché toutes les
garanties nécessaires. C'est ainsi qu'il re-
fusa certaines décorations, celle de M. Jac-
quot notamment.
Décision de la commission
La commission d'enquête a décidé, sur la
proposition de M. Desmons, président,
qu'elle ne s'occuperait plus d'aucune nou-
velle affaire, à partir de mercredi.
LA POLITIQUE DE CONQUÊTE
La santé de M. Piquet. — Le conflit de
deux politiques. — Gagner les
cœurs ou gagner des **
batailles.
Il n'est pas exact, quoi qu'en puissent
croire et dire tels et tels de nos confrères,
que M. Piquet, lieutenant-gouverneur de
la Cochinchine, rentre en France pour rai-
sons de santé par le paquebot-poste d'au-
jourd'hui.
Nous devons, au contraire, maintenir in-
tégralement et sans restriction aucune
l'information que nous avons donnée lundi
dernier, et qui nous venait d'une source
on ne saurait plus autorisée :
M. Piquet se porte comme un charme, et
rien ne pouvait faire prévoir, avant l'arri-
vée de M. Klobukowski, qu'il dût de si tôt
quitter Saïgon.
La vérité est bien telle que nous l'avons
dite : ce n'est pas par des raisons de santé,
mais par des raisons politiques que s'expli-
que le départ précipité de M. Piquet. Il y a
même sous roche quelque chose de plus
qu'une rivalité de personnes. Nous sommes
en présence d'un incident nouveau de l'in-
terminable conflit qui, depuis Dupleix, di-
vise la politique coloniale de la France en
deux tronçons irréductibles.
Il s'agit de savoir laquelle l'emportera,
de la politique de paix ou de la politique
de guerre, de la politique de protectorat,
qui cherche à gagner les cœurs, ou de la
politique de conquête, qui ne songe qu'à
gagner des batailles. C'est la première de
ces politiques, la seule digne d'une grande
nation démocratique comme la nôtre, qui
bat en retraite en ce moment, chassée de
l'Indo-Chine, sous les espèces et apparences
de M. Piquet, par la politique de « brutalis-
me », incarnée en M. Klobukowski.
Reste à savoir combien cette retraite va
coûter à la mère-patrie. A cet égard, la
comparaison de l'œuvre accomplie par M.
Klobukowski et de l'œuvre accomplie par
M. Piquet n'est pas pour nous rassurer.
Au contraire!
LE GÉNÉRAL DE NÉGRIER
L'inspection de la 28e brigade. —
Le général de Négrier à Paris.
- Le nouveau gouverneur
de Belfort.
(D'UN CORRESPONDANT)
Belfort, 12 janvier.
Le général de division de Négrier, qui
devait passer cette semaine l'inspection de
la 28e brigade, a dû ajourner cette inspec-
tion, par ordre du ministre de la guerre.
M. de Négrier à été appelé à Paris par le
général Logerot, pour prendre part aux
travaux de la commission supérieure de
classement.
M. le général de brigade Dorlodot des
Essarts, qui succède à M. le général Segré-
tain comme gouverneur de la place de
Belfort, est arrivé aujourd'hui.
L'EMPEREUR DE RUSSIE
Retour du tsar à Saint-Pétersbourg.
— Les réceptions du nouvel an. —
"-. Grande revue.
(D'UN CORRESPONDANT)
Saint-Pétersbourg, 12 janvier.
L'empereur, qui passe ordinairement
cette saison à Gatchina, va revenir dans
peu de jours à Saint-Pétersbourg. La
grande réception du nouvel an (style
russe) aura lieu, comme toujours, au Pa-
lais d'Hiver. Le 6/18 janvier, jour de l'Epi-
phanie grecque, l'empereur passera en re-
vue les troupes de la garde impériale en
garnison à Saiut-Pétersbourg.
LAVIEMPARIS
On s'occupe beaucoup des théâtres,
pour le moment. Tout d'abord, la com-
mission du budget a écouté la lecture
du rapport de M. Henrv Maret. L'hono-
rable député, esprit très indépendant,
nous. a donné des nouvelles de nos quatre
théâtres subventionnés, nouvelles qui
ne sont pas fameuses. L'incendie de
l'Opéra-Comique est une façon de faillite.
L'Opéra est en déficit, malgré un sys-
tème d'économie parfois poussé à l'excès.
L'Odéon fait ses frais et gagne même
quelque chose, malgré les grosses dé-
penses qu'a faites M. Porel pour monter
des pièces qui joignent aux beautés du
spectacle l'agrément de la musique. Mais
l'équilibre du budget ne serait probable-
ment pas atteint sans les représentations
classiques du lundi et les matinées. C'est
le vieux fonds traditionnel qui permet à
l'Odéon de résister, de joindre les deux
bouts. Enfin, la Comédie-Française a
donné des dividendes encore assez beaux
aux sociétaires. Mais, pour arriver à ce
résultat, il a fallu distribuer tout l'actif
et ne garder au fonds de réserve qu'une
somme ridicule, trois ou quatre billets
de mille franos tout au plus. En outre,
on a fait main basse sur la part de Co-
quelin et, si je suis bien renseigné, sur
trois parts et quelques douzièmes qui
sont libres et qu'on ne se hâte pas d'at-
tribuer à de nouveaux sociétaires. Il
faudra, cependant, incessamment faire
des nominations de sociétaires et régu-
lariser la situation de M. Boucher, nom-
mé il y a un an, et à qui on ne pourrait
refuser son accession au sociétariat que
par des arguties de procédure indignes
d'une grande administration. Il paraît,
d'ailleurs, que le décret de Moscou ne
permet pas de laisser ainsi les parts sans
emploi, au profit des sociétaires en exer-
cice. Car, pour augmenter leur revenu,
ceux-ci n'ont qu'à ne pas nommer de
nouveaux participants, et en poussant
les choses à l'extrême, on pourrait arri-
ver à laisser le gâteau à cinq ou six so-
ciétaires, devant la troupe affamée des
pensionnaires. D'ailleurs, si on ne veut
pas réformer le décret de Moscou, si on
veut qu'il soit la charte de la Comédie, il
faut le respecter. Et ce pauvre décret de
Moscou, on a eu beau mettre à la tête de
la Comédie un administrateur vertueux,
il est violé avec persistance !
La situation des théâtres subvention-
nés est donc médiocre. J'en dirais volon-
tiers autant de celle du Conservatoire
qui, lui, ne fait pas d'affaires, mais qui
a un rôle considérable à jouer au point
de vue de l'avenir du théâtre. De ce côté-
là, cependant, il s'est fait quelque chose
de nouveau. Pendant des années, nous
avons protesté contre l'étroitesse de l'en-
seignement, contre ces classes de récita-
tion, excellentes sans doute, mais trop
limitées. Un élève qui dit bien une scène,
apprise avec un professeur, peut être mis
en demeure de débuter à la Comédie
dans un grand premier rôle, sans avoir
jamais joué tout un personnage d'en-
semble, sans avoir porté un costume! Il
en résulte des surprises, qu'il ne faut
pas mettre au compte du jury, composé
d'hommes très consciencieux et qui font
leur devoir, mais dont il faut se prendre
au mode même de l'enseignement. Une
jeune personne, jolie de figure, avec une
voix sympathique, peut dire, au con-
cours, une scène où il ne faut ni mouve-
ment, ni gestes, ni composition, ni va-
riété de sentiments, ni mimique, — la ti-
rade de l'aveugle de Valérie, si vous vou-
lez, — elle y sera charmante, elle ga-
gnera un prix. Donnez-lui un rôle à
composer, la serinette se détraquera et
ne donnera que des sons discordants.
A l'inverse, un autre élève, troublé, dé-
routé par le manque de costume et d'ac-
cessoires, — Néron se drapant dans un
pauvre habit noir et tirant de sa cein-
ture imaginaire un poignard fictif ! —
aura été médiocre. Donnez-lui un rôle à
composer, il sera peut-être excellent.
Ces observations, qui ne sont que trop
justes, ont amené M. Bodinier à créer, à
côté du Conservatoire, un théâtre d'ap-
plication où les élèves joueront vraiment
la comédie et le drame et la tragédie.
M. Bodinier appartenant, dans un poste
élevé, à l'administration de là Comédie-
Française, on en doit conclure que son
projet, qui entrera ces jours-ci dans la
pratique, a reçu l'approbation du minis-
tère. D'autre part, M. A. Dumas, qui a
une légitime influence au Conservatoire,
a approuvé le projet de M. Bodinier.
Non que ce projet soit sans inconvé-
nients : M. A. Dumas les a vus et les a
dits. Lé théâtre sera presque fatalement
un foyer de jolies intrigues. On y fera
aux élèves, surtout aux belles demoi-
selles, des succès factices, moins justifiés
quelquefois par leurs mérites que par
leurs défauts; et quand le jury d'examen
ne ratifiera pas ces succès dans la distri-
bution des récompenses, ce sera une belle
clameur de haro !
Mais, à mon sens, ces inconvénients de
l'institution nouvelle, auxquels pourra
remédier un administrateur énergique et
avisé, sont compensés par un avantage
unique, mais considérable : les élèves,
avant de débuter à la Comédie ou à l'O-
déon, auront joué sur un théâtre, sur un
vrai théâtre, et joué tout un rôle, au lieu
de fragments dits à la classe. M. A. Du-
mas insiste sur cet avantage. Il se sacri-
fie comme examinateur, ne pensant qu'à
l'art dramatique, pour lequel il est pas-
sionné. Et je ne doute pas que son appro-
bation précieuse et son aide puissante
n'assurent le succès de l'entreprise de
M. Bodinier.
Une chose encore m'a charmé dans la
lettre de M. A. Dumas à M. Bodinier que
publie le Figaro. C'est de voir comme il
rompt volontiers avec les traditions trop
solennelles, avec les classifications trop
étroites., Pour lui, le théâtre d'applica-
tion permettra aux jeunes artistes d'é-
chapper à ce « gaufrier » où on les cou..
le tous, de quelque pâte qu'ils soient
faits. Il ne recule pas devant l'hypo-
thèse impie de voir M. Baron jouer du
Molière et le iouer en restant lui-même.
De fait, quel admirable Pourceaugnac il 1
pourrait être! Le talent s'accommode
mal des genres trop étroitement déli-
mités, et le trop grand goût des hiérar-
chies et des classifications littéraires est
une plaie de notre temps. Il est curieux
d'entendre admirer Aristophane par des
« classiques" qui ne s'aperçoivent pas
que cet homme de génie, revenu chez
nous et faisant jouer ses pièces, échappe-
rait à nos numéros d'ordre, ici lyrique
comme Banville, ailleurs simple vaude-
villiste. Il faut remarquer et dire ces
choses, qu'élargit la critique. Il faut
réagir contre cette opinion un peu su-
rannée qu'un journaliste n'est pas un
« écrivain », qu'un vaudevilliste" n'est
pas un auteur comique au même titre
que les classiques. Quand l'Académie
française a reçu John Lemoinne et Hervé,'
leur a-t-elle demandé leurs « livres » ?
MM. Labiche et Halévy y sont-ils autre
chose que les représentants d'un théâtre
plein de fantaisie, d'audace, ne reculant ni
devant le grotesque,ni devant la parodie,
ni devant, même, une pointe de licenceîi
En donnant des sujets pour ce théâtre
comme pour d'autres, le théâtre d'appli-
cation fera œuvre utile et servira l'arty
qui ne peut ni se passer des traditions ni
vivre seulement d'elles.
Henry Fouquier.
LA PAIX ARMÉE
Les fortifications russes en Galicio
(D'UN CORRESPONDANT)
Vienne, 12 janvier.
On reçoit toujours des nouvelles sur les
mouvements militaires russes. Les jour-
naux de Galicie signalent des fortifications
élevées par les Russes le long des voie,
ferrées dans le gouvernement de Kielce.
LA CHAMBRE
Le bureau définitif. — Discours d'ins
tallation de M. Charles Floquet. -1
L'incident Vigneau devant la !
Chambre. — Une proposi- v
tion d'amnistie.
Le bureau définitif est enfin constitué »
mais ce n'a pas été sans peine. Il a fallu,
en effet, consacrer deux grandes heures à
deux. tours de scrutin successifs pous.
aboutir à l'élection d'un troisième ques-
teur. C'est finalement M. Martin Nadaud J
questeur sortant, qui a été élu par 191 voix
contre 102 à M. Noël Parfait et 37 à M. La-
bordère. 1
M. Pierre Blanc, doyen d'âge, qui avait?
présidé la première partie de la séance, a
alors cédé la place à M. Floquet, après
avoir cordialement félicité, au nom de la
Chambre entière, le président réélu. ;
En prenant possession du , fauteuil, MJ
Charles Floquet a prononcé le discours
suivant, qui a été interrompu à plus dq
vingt reprises par les marques d'approbai
tion et les applaudissements t
Discours de M. le présidel! t 1;
Messieurs et chers collègues, en remontant
à cette place, mon premier sentiment est da
vous exprimer toute ma reconnaissance pour,
le grand honneur que vous me faites en m'apV
pelant une troisième fois à la présidence. Cel
témoignage de ma gratitude, je l'adresse ri
toutes les fractions de cette assemblée (Très
bien ! très bien !), vis-à-vis desquelles ma con-
science, bien examinée, m'assure que je n'ai
jamais manqué sciemment à l'impartialité qui
est le premier devoir de ma charge. (Applau.
dissements.) :
Au nom de la Chambre, au nom de votre
bureau définitif, je remercie le bureau provi-
soire, vos secrétaires d'âge qui sont les repré-
sentants de cette jeunesse brillante à laquelle
nous confierons avec sécurité l'avenir (Très
bien ! très bien !); je remercie et j'applaudis
encore notre vénéré et très éloquent doyea
(Très bien! très bien!) qui, une fois de plus;
nous a fait entendre de sages conseils, de pa-
triotiques avertissements, et qui, dans un
beau langage, a rendu à la République l'hom-
mage qu'elle mérite. (Applaudissements.)Vousf
m'en voudriez, si je tentais de refaire son dis-
cours ou si j'en affaiblissais le souvenir en la
résumant.
Laissez-moi seulement, au début de la troi-
sième année de votre législature, renouveler,'
d'un cœur sincère, le vœu que je faisais déjà?
il y a un an et vous souhaiter « sereine et
féconde », selon l'expression de notre doyen,
la vie encore longue qui vous est promise par.
la loi. (Très bien! très bien!) *
Car, moi aussi je veux être optimiste, et j'en
ai le droit au lendemain de ces jours diffi-:
elles où vous venez de montrer votre énergi
que vitalité en accomplissant, avec une fer-
meté invincible, un sacrifice nécessaire, mais
si douloureux, et l'évolution constitution-'
nelle qu'exigeait l'honneur de la Républjque.
(Applaudissements.)
C'est à vous qu'il appartient de soutenir,"
d'inspirer, dans le calme revenu, la prési-j
dence nouvelle que vous avez su constituer,
au milieu du trouble des consciences ; et c'est
notre devoir de maintenir sur des bases
solides l'harmonie durable entre les pouvoirs
publics.
Voilà l'intérêt national. Il n'est pas d'ébran-
ler à son tour l'autorité du législatif après
avoir heureusement rétabli le prestige me-
nacé de l'exécutif. (Applaudissements.)
D'ailleurs, cette harmonie indispensable en-
tre les pouvoirs publics n'exige pas de nous
une renonciation à ce qu'on appelle les gran-
des ambitions. J1 serait aussi dangereux da
nous déclarer incapables de donner - satisfac-
tion aux grandes espérances, qu'il est injustet
de dire que la République n'a rien fait pour-
réaliser le programme de la Révolution fran-
çaise.
Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui, et cela
n'est que naturel, les problèmes touchant à la
procédure politique intéressent moins vive-
ment la nation que les questions qui attela
gnent au fond même de ses grandes affaires,
(Très bien! très bien!), à ses finances publia
ques, à son industrie, à son commerce, au
sort de ses travailleurs, à son état militaire,
à sa situation internationale. (Nouvelle ap-
Drobation).
C'est là, en effet, qu'il faut porter le viril ef-
fort de notre travail législatif. Comment ne
nous entendrions-nous pas sur ces que-tions-
vitales, puisque nous voulons également loi
justice pour tous, c'est-à-dire la plus pure dé-
mocratie dans le règlement de nos alfaireS
intérieures, et dans la négociation de nos in-
térêts extérieurs la loyauté d'un peuple paci-
fique, mais inaccessible à la faiblesse. (Applau
La justice la plus sévère à l'intérieur (Vifa
applaudissements), la loyauté la plus scruDu-
CINQ Ce m eS-Paris et Départements CIIIQ Centimes
Samedi Ih janvier 1888
JOURNAL REPUBLICAIN)»»
RÉDACTION
14a, Rue Montmartre
PARIS
-- 1
DIRECTEUR POLITIQUE
A. - EDOUARD PORTALIS
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 6 fr.
six mois 11 »
On au 20.
DÉPARTEMENTS1
Trois mois. 7 ftk
Six mois. 12 »
Un an 2A »
tu abonnements partent des 1" et 15 de chaque moiÊ
ADMINISTRATION
Î ia-SE3, R. ua Montmartre
1 1 PARIS
IGISSEURS D'ANNONCES
,'.11. LAGRANGE, CERF et C8
j 6b place de la Bourse, 6
ABONNEMENTS
01 PASIB
IMs mois. 6 fr.
flmnaia. il >
Ud «n 20 »
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 7 t..
Six mois. t2.
Un an. 24 ■ K,
té* O$OmWMmte partent des 1*' et 15 de chaque melt
THES PROCHAINEMENT
le XIXe SIÈCLE commencera la
publication d'un nouveau roman.
LE CAS DE M. VIGNEAU
M. Vigneau remplacé par M. Athalin
La SANTÉ Dm M. DE BISMAKCK
LES ESPIONS ALLEMANDS
EN SUISSE -
BRID'OISON
On parle beaucoup de la vertu, pour
le moment. En montant, hier, au fau-
teuil présidentiel de la Chambre, M.
Floquet rappelait que « l'honneur de
la République » avait exigé récemment
un « sacrifice nécessaire » et une
« évolution constitutionnelle ». Quel-
ques instants après, il félicitait la
Chambre d'avoir su constituer la pré-
sidence nouvelle « au milieu du trou-
bles des consciences 3), et parmi les
conditions de la force nationale il pla-
çait au premier rang « la justice la
plus sévère. »
C'est encore d'honneur et de justice
qu'il était question un peu plus tard,
quand M. Letellier questionnait le
garde des sceaux sur le décret révo-
quant M. Vigneau de ses fonctions de
juge d'instruction et quand M. Fal-
lières répondait à cette question. M.
Fallières, à son tour, se déclarait le
« gardien de l'honneur de la magis-
trature » et expliquait que cet « hon-
neur » exigeait que M. Vigneau ne pût
plus recourir à des moyens romanes-
ques pour découvrir la vérité.
Il est évident que dans la bouche du
garde des sceaux, les mots : honneur,
conscience publique, justice, n'avaient
plus le même sens que dans celle du
président de la Chambre. Pour l'un, la
présence de M. Grévy à l'Elysée
troublait la conscience publique, et
l'honneur de la République exigeait
qu'on l'en fît partir. Pourquoi? Evi-
demment parce que les trafics aux-
quels se livrait la famille Grévy
étaient scandaleux, parce que la fa-
mille Grévy oubliait la définition que
Montesquieu a donnée de la Républi-
que. Si donc la famille Grévy a donné
l'exemple du scandale, ce n'est pas
seulement le chef de la famille qu'il
faut atteindre. Il est moralement res-
ponsable; mais les autres membres
de la famille ont à répondre person-
nellement de leurs actes, et c'est le cas
pour la justice de montrer à la fois
qu'elle est sévère et égale pour tous.
L'opinion de M. Fallières est toute
différente. Pour lui, l'honneur de la
magistrature n'est pas de rendre la
justice; disciple de Brid'oison, il ne
connaît que le respect de la fôôôrme.
Il n'a pas voulu exercer une pression
sur la magistrature ; cela est si loin
de sa pensée, que l'instruction sera
reprise et qu'elle se terminera, ainsi
qu'il l'a laissé entendre, par une or-
donnance de non-lieu. Mais il était
intolérable qu'un magistrat manquât
au respect de la fôôôrme au point
d'emmener dîner un témoin pour l'em-
pêcher d'aller prendre le mot d'ordre,
en guise de repas, à l'avenue d'Iéna,
et de le faire arrêter au sortir de ces
fraternelles agapes.
Le respect de la fôôôrme n'était pas
moins violé quand ce juge tendait un
piège à un témoin qui faisait sur M.
Wilson des révélations compromet-
tantes. 'Il n'en était pas de même
quand un agent provocateur allait,
déguisé en vaniteux cOlnmerçant, de-
mander la protection du général Caf-
farel pour se faire décorer, et se pré-
sentait ensuite comme témoin à char-
ge. Personne n'avait alors un mot de
blâme ni à son adresse, ni à l'adresse
de ceux qui lui avaient confié cette
mission.
Quant à la pensée d'entraver l'ac-
tion de la justice et de faire sortir M.
Wilson indemne de toutes ces épreu-
ves, d'arrêter une instruction près de
sa fin et d'en recommencer une qui
n'aboutisse à rien, elle est si peu visi-
ble, elle est tellement contraire à
toute vraisemblance, qu'au Palais,
tous les juges d'instruction font tous
leurs efforts pour obtenir que cette
corvée ne leur soit pas infligée, Ils
ont la conviction qu'ils auront le choix
entre une disgrâce et peut-être pis, ou
un asservissement et le ridicule.
Ils savent que celui qui acceptera
de reprendre l'information et de si-
gner l'ordonnance de non-lieu au pro-
fit de M. Wilsôn sera l'objet de la ri-
sée et du mépris public et aucun n'est
pressé d'accepter ce rôle.
Voilà cependant où mènent le respect
de la fôôôrme et le souci vigilant des
« gardiens de l'honneur de la magis-
trature ». Plus on s'entête à imaginer
des procédés plus extraordinaires
cent fois que ceux de M. Vigneau pour
sauver M. Wilson et pour prévenir
peut-être des révélations désobligean-
tes pour certaines personnes, et plus
on rend la nécessité d'une informa-
tion sérieuse urgente; plus on décon-
sidère la magistrature et plus, en
même temps, on démontre la néces-
sité d'avoir une magistrature inacces-
sible à la crainte et au-dessus de tout
soupçon; plus on cherche à obtenir
une ordonnance de non-lieu, plus on
donne à l'opinion publique de motifs
pour croire que la justice veut une
condamnation et que l'honneur de la
République est d'accord avec la justice
pour réclamer des « sacrifices néces-
saires. »
Le XIXe SIECLE publiera demain la
a Chronique » par Athos.
CONSEIL DES MINISTRES
L'affaire Vigneau. — Les projets du
général Logerot.
Dans leur réunion d'hier matin, tenue
sous la présidence de M. Tirard, les minis-
tres se sont occupés de l'affaire Vigneau,
mais seulement au point de vue de la ré-
ponse que le garde des sceaux ferait à la
Chambre, une question devant lui être po.
sée à ce sujet.
Le service militaire
Le général Logerot, ministre de la guerre,
a soumis à ses collègues le texte d'un pro-
jet de loi tendant à modifier les articles 36
de la loi du U juillet 1873 ; 29, 31, 3S du
juillet 1873, et 55 de la loi du 13 mars
1875.
L'article 36 de la loi du 27 juillet 1872
concerne la durée du service militaire. Les
articles sus-visés de la loi du Si juillet
1873 sont relatifs à certains détails de l'or-
ganisation de l'armée territoriale et de la
réserve.
Enfin, l'article 55 de la loi du 13 mars
1875, a trait à la formation d'une partie des
cadres de cette armée.
Le budget de 1888
Enfin, le conseil a continué l'examen des
modifications budgétaires apportées par
M. Tirard au projet de la commission.
M. FALLIÈRES AU CONSEIL D'ÉTAT
Réception du conseil d'Etat. — Allocu-
tion du garde des sceaux.— Le
rôle du conseil d'Etat.
M. Fallières, garde des sceaux, ministre
de la justice, a pris possession hier du con-
seil d'Etat.
A son arrivée au Palais-Royal, M. Falliè-
res a reçu dans son cabinet M. Lderrière,
vice-président, qui lui a présenté lts prési-
dents de section.
Il a passé ensuite dans le grand salon
blanc, où M. Laferrière a présenté tous les
membres du conseil,qui était au complet.
Le vice-président a prononcé une allo-
cution dans laquelle il a félicité le nou-
veau garde des sceaux.
M. Fallières a répondu que c'était un
honneur pour lui d'être le président de
cette grande compagnie et qu'il était heu-
reux d'y rencontrer à la fois des amis et
d'anciens collaborateurs.
Envisageant les attributions du conseil
d'Etat sous leur double point de vue, il a
dit :
« En matière contentieuse, ce qui fait
l'honneur de votre magistrature et la force
de vos arrêts, c'est que tout le monde sait
que, sur le siège du conseiller du gouver-
nement, la parole est toujours libre, et
que, sur les sièges des conseillers, on n'é-
coute que les inspirations de sa cons-
cience. »
En ce qui concerne la collaboration du
conseil à l'œuvre législative, M. Fallières a
insisté sur la nécessité de l'associer plus
fréquemment et plus directement à cette
œuvre. Le garde des sceaux, a-t-il ajouté,
aura souvent recours à ses lumières.
Après ce discours, M. Fallières a présidé
la première partie de l'assemblée générale
de ce grand corps judiciaire.
L'EMPEREUR GUILLAUME
Mauvaise journée. — Vives inquié-
tudes.
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, m janvier.
L'empereur a passé une très mauvaise
journée. Il règne une grande inquiétude
dans les cercles politiques.
LA GARANTIE DE LA PAIX
Un mot de M. de Bismarck. — Démenti
de la « Gazette de Cologne ».
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 12 janvier.
Nous avons cité dernièrement un mot de
M. de Bismarck, concernant l'attitude de
la France au milieu de la crise euro-
péenne.
Le chancelier allemand avait dit : « La
meilleure garantie de la paix, c'est la pou-
dre qui sert à charger le fusil Lebel. »
La Gazette de Cologne démènt officieuse-
ment ce mot du chancelier.
L'INCIDENT DE FLORENCE
Pas de concession. — Opinion du
corps diplomatique.
On est très frappé ici de la fâcheuse im-
pression produite dans les sphères diplo*
matiques, par l'attitude de M. Crispi, àâUS
l'affaire du consulat français de Florence.
Les représentants des puissances
à Paris.
(D'UN CORRESPONDANT)
Londres, 12 janvier.
Le correspondant parisien du Times,
constate que, de l'avis unanime des mem-
bres du corps diplomatique à Paris, la
France n'a pas le droit de faire des conces-
sions à l'Italie dans l'affaire du consulat de
Florence, attendu que cette affaire n'inté-
resse pas la France seule, et que M. Flou-
rens ne peut céder à M. Crispi sans porter
atteinte aux. privilèges consulaires qui
constituent un patrimoine commun à tou-
tes les puissances.
LE PIÈGE AU TÉLÉPHONE
Le faux négociant Lardiesse. -
Les opinions successives de
M. Fallières.— Deux poids
et deux mesures.
A propos du piège tendu à M. Legrand
par M. Vigneau à l'aide du téléphone, on
a rappelé,et nous rappelons nous-mêmes,
dans notre premier article, le piège tendu
à Mme Limousin et au général Caffarel par
l'agent de la police de sûreté Lardiesse.
Il est certain que si ce piège n'avait pas
été tendu, il n'y aurait pas eu d'affaire Caf-
farel. L'ancien sous-chef d'état-major géné-
ral et Mme Limousin continueraient sans
doute, à l'heure qu'il est, leur petit com-
merce de ruban, car on aurait eu contre
eux moins de preuves encore que M. Vi-
gneau n'en avait contre M. Wilson.
Mais ce qu'on n'a pas dit, c'est que, loin
d'avoir été révoqué, comme vient de l'être M.
Vigneau, M. Lardiesse avait reçu une dou-
ble récompense : on lui a donné de l'avan-
cement et on lui a remis une forte gratifi-
cation en argent.
Il semble cependant que « le piège au
téléphone » est moins immoral que « le piège
au bon négociant ».
Ce qu'on n'a pas dit non plus, c'est que
le piège dans lequel est tombé le général
Caffarel a été organisé sous la responsabi-
lité et avec l'autorisation de M. Fallières, le
même qui, aujourd'hui, comme ministre
de la justice, trouve coupable le procédé
qu'il recommandait comme ministre de
l'intérieur.
Il est vrai qu'en tendant des pièges au
général Caffarel, ce n'était pas M. Wilson
qu'on espérait atteindre.
Si le coup du téléphone avait été dirigé
contre un adversaire du ministère, on peut
être convaincu que M. Vigneau, au lieu
d'être puni, aurait été récompensé, comme
l'a été M. Lardiesse.
M. VIGNEAU
REMPLACÉ PAR M. ATHAUN
Les dossiers de M. Vigneau. — MM.
Bouchez et Bernard. — Instruction
recommencée. —s La liberté
provisoire.
M. Vigneau est remplacé par M. Athalin.
Hier, à deux heures et demie, M. Ber-
nard, procureur de la République, est ar-
rivé au Palais de Justice et s'est rendu aus-
sitôt dans le cabinet de M. Bouchez, pro-
cureur général, avec lequel il a eu un long
entretien.
C'est à la suite de cet entretien qu'il a
été décidé de donner à M. Vigneau, comme
successeur, M. Athalin, juge d'instruction.
- Reprise des dossiers
M. Athalin a aussitôt fait reprendre les
trois dossierfe qui étaient entre les mains
de M. Vigneau.
Ces dossiers sont ceux de l'affaire Ri-
baudeau, Hébert et Dubreuil (décoration
de M. Crespin, de la Jeannière) et des af-
faires Wilson et Ratazzi (décorations de M.
Legrand et aut.re:,,).
Très volumineux, ces dossiers vont être
examinés par M. Athalin, qui aura à les
signer et à les classer. Ce travail prendra
au juge d'instruction trois ou quatre jours
au moins, pendant lesquels M. Wilson ne
sera pas appelé au parquet. Autant de ga-
gné.
M. Athalin
Nous ferons remarquer, en passant, que
M. Athalin est le juge d'instruction chargé
déjà des affaires Caffarel-Limousin et de la
substitution des lettres,—et que ces deux in-
formations se sont terminées par la mise
en liberté des prévenus Caffarel, Limou-
sin, Lorentz, etc;
Qu'il a été chargé de l'instruction Ri-
baudeau, Hébert et Dubreuil, — et que
les prévenus ont été mis également en li-
berté provisoire.
M. VIGNEAU DEVANT LA COUR DE
CASSATION
Le conseil supérieur de la magistra-
ture. — Les lenteurs inévitables. —
La procédure à suivre.
L'émotion était loin de s'être encore cal-
mée, hier, au Palais de Justice ; les bruits
les plus contradictoires circulaient dans la
salle des Pas-Perdus, qui présentait une
animation extraordinaire.
Le conseil supérieur de la magistrature
qui est composé, comme on sait, de la
cour de cassation (toutes chambres réu-
nies), n'a pas encore été convoqué, comme
le bruit en avait circulé. Le conseil supé-
rieur de la magistrature ne se réunit pas,
d'ailleurs, aussi facilement. Il y a toute
une procédure à suivre qui ne demande
pas moins de deux à trois semaines. Il faut
d'abord qu'il y ait une demande du minis-
tre de la justice ; puis, dès que le premier
président et le procureur général l'ont
reçue, un conseiller à la cour de cassation
est chargé de faire un rapport sur l'affaire
disciplinaire.
C'est alors seulement que le procureur
général établit son réquisitoire, dont il
donne connaissance au conseil supérieur
de la magistrature, enfin assemblée, qui
ne statue qu'après une dizaine de jours.
On voit par là que si M. Vigneau est ren -
voyé devant le conseil supérieur, aucune
décision ne pourra être prise à son égard
avant près d'un mois.
Les peines disciplinaires
Quant aux peines disciplinaires dont les
magistrats peuvent être frappés par le con-
seil supérieur de la magistrature, ce sont :
la censure simple ; la censure avec répri-
mande; la suspension provisoire; la dé-
chéance.
La censure avec réprimande emporte de
droit la privation de traitement pendant un
mois.
La suspension provisoire emporte priva-
tion du traitement pendant sa durée.
M. WILSON
ET L'IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE
L'article 14 de la loi de juillet 1875. —
La suspension de M. Vigneau et
l'immunité de M. Wilson. —
Les poursuites. — M. Wil-
f son peut-il être arrêté ?
Dans un de nos précédents numéros,
nous disions que, dès l'ouverture de la ses-
[ sion parlementaire, M, Wilsog ne pouvait
ni être poursuivi ni être arrêté. Nous ci-
tions le texte de l'article 1.4 de la loi du
16 juillet 1875, qui est formel à cet égard.
Or, la révocation de M. Vigneau change
cette situation. Cet incident fait connaître,
en effet, d'une façon officielle, que M. Wil-
son était, avant l'ouverture de la session,
sous le coup d'une poursuite judiciaire.
L'instruction ayant été commencée avant
l'oúvertnre de la session, l'immunité par-
lementaire a cessé dès lors de couvrir M.
Wilson, et les poursuites peuvent être con-
tinuées sans autorisation de la Chambre.
La suspension de M. Vigneau ne change
donc rien à la situation du député d'Indre-
et-Loire.
Sur le second point : l'arrestation de
M. Wilson peut-elle avoir lieu ? il est diffi-
cile de se prononcer d'une manière aussi
précise. Toutefois, si nous en croyons les
renseignements qui nous ont été fournis
par les hommes les plus compétents en
matière de droit parlementaire, M. Wilson
peut parfaitement être arrêté, l'arrestation
étant la conséquence naturelle d'une ins-
truction judiciaire.
LA COMMISSION D'ENQUÊTE
Audition de M. Dautresme. -La déco-
ration de M. Legrand. — La main
de M. Grévy. — La décoration
dé M. Jacquot.
M. Dautresme, ministre du commerce et
de l'industrie, a été entendu hier par la
commission d'enquête, au sujet de la dé-
coration de M. Pierre Legrand. -
La déposition de M. Dautresme n'a ap-
pris aucun fait nouveau. M. Legrand, a-t-il
dit, a été décoré à l'occasion de l'exposi-
tion d'Anvers:
« Le 20 décembre 1885, dit M. Dautresme,
j'ai reçu du président de la République une
lettre m'informant qu'il mettait une croix
de chevalier de la Légion d'honneur à ma
disposition pour M. Pierre Legrand. »
C'est dans ces conditions que M. Dau-
tresme a proposé au grand chancelier la
nomination de M. Legrand à la Légion
d'honneur.
M. Leydet. — Quelle signature porte la
lettre de la présidence ?
M. Dautresme. - Celle du général
Pittié.
En se retirant, M..Dautresme a fait cette
mélancolique constatation « qu'on peut
être trompé dans des affaires de décora-
tions ». Quant à lui, il a cherché toutes les
garanties nécessaires. C'est ainsi qu'il re-
fusa certaines décorations, celle de M. Jac-
quot notamment.
Décision de la commission
La commission d'enquête a décidé, sur la
proposition de M. Desmons, président,
qu'elle ne s'occuperait plus d'aucune nou-
velle affaire, à partir de mercredi.
LA POLITIQUE DE CONQUÊTE
La santé de M. Piquet. — Le conflit de
deux politiques. — Gagner les
cœurs ou gagner des **
batailles.
Il n'est pas exact, quoi qu'en puissent
croire et dire tels et tels de nos confrères,
que M. Piquet, lieutenant-gouverneur de
la Cochinchine, rentre en France pour rai-
sons de santé par le paquebot-poste d'au-
jourd'hui.
Nous devons, au contraire, maintenir in-
tégralement et sans restriction aucune
l'information que nous avons donnée lundi
dernier, et qui nous venait d'une source
on ne saurait plus autorisée :
M. Piquet se porte comme un charme, et
rien ne pouvait faire prévoir, avant l'arri-
vée de M. Klobukowski, qu'il dût de si tôt
quitter Saïgon.
La vérité est bien telle que nous l'avons
dite : ce n'est pas par des raisons de santé,
mais par des raisons politiques que s'expli-
que le départ précipité de M. Piquet. Il y a
même sous roche quelque chose de plus
qu'une rivalité de personnes. Nous sommes
en présence d'un incident nouveau de l'in-
terminable conflit qui, depuis Dupleix, di-
vise la politique coloniale de la France en
deux tronçons irréductibles.
Il s'agit de savoir laquelle l'emportera,
de la politique de paix ou de la politique
de guerre, de la politique de protectorat,
qui cherche à gagner les cœurs, ou de la
politique de conquête, qui ne songe qu'à
gagner des batailles. C'est la première de
ces politiques, la seule digne d'une grande
nation démocratique comme la nôtre, qui
bat en retraite en ce moment, chassée de
l'Indo-Chine, sous les espèces et apparences
de M. Piquet, par la politique de « brutalis-
me », incarnée en M. Klobukowski.
Reste à savoir combien cette retraite va
coûter à la mère-patrie. A cet égard, la
comparaison de l'œuvre accomplie par M.
Klobukowski et de l'œuvre accomplie par
M. Piquet n'est pas pour nous rassurer.
Au contraire!
LE GÉNÉRAL DE NÉGRIER
L'inspection de la 28e brigade. —
Le général de Négrier à Paris.
- Le nouveau gouverneur
de Belfort.
(D'UN CORRESPONDANT)
Belfort, 12 janvier.
Le général de division de Négrier, qui
devait passer cette semaine l'inspection de
la 28e brigade, a dû ajourner cette inspec-
tion, par ordre du ministre de la guerre.
M. de Négrier à été appelé à Paris par le
général Logerot, pour prendre part aux
travaux de la commission supérieure de
classement.
M. le général de brigade Dorlodot des
Essarts, qui succède à M. le général Segré-
tain comme gouverneur de la place de
Belfort, est arrivé aujourd'hui.
L'EMPEREUR DE RUSSIE
Retour du tsar à Saint-Pétersbourg.
— Les réceptions du nouvel an. —
"-. Grande revue.
(D'UN CORRESPONDANT)
Saint-Pétersbourg, 12 janvier.
L'empereur, qui passe ordinairement
cette saison à Gatchina, va revenir dans
peu de jours à Saint-Pétersbourg. La
grande réception du nouvel an (style
russe) aura lieu, comme toujours, au Pa-
lais d'Hiver. Le 6/18 janvier, jour de l'Epi-
phanie grecque, l'empereur passera en re-
vue les troupes de la garde impériale en
garnison à Saiut-Pétersbourg.
LAVIEMPARIS
On s'occupe beaucoup des théâtres,
pour le moment. Tout d'abord, la com-
mission du budget a écouté la lecture
du rapport de M. Henrv Maret. L'hono-
rable député, esprit très indépendant,
nous. a donné des nouvelles de nos quatre
théâtres subventionnés, nouvelles qui
ne sont pas fameuses. L'incendie de
l'Opéra-Comique est une façon de faillite.
L'Opéra est en déficit, malgré un sys-
tème d'économie parfois poussé à l'excès.
L'Odéon fait ses frais et gagne même
quelque chose, malgré les grosses dé-
penses qu'a faites M. Porel pour monter
des pièces qui joignent aux beautés du
spectacle l'agrément de la musique. Mais
l'équilibre du budget ne serait probable-
ment pas atteint sans les représentations
classiques du lundi et les matinées. C'est
le vieux fonds traditionnel qui permet à
l'Odéon de résister, de joindre les deux
bouts. Enfin, la Comédie-Française a
donné des dividendes encore assez beaux
aux sociétaires. Mais, pour arriver à ce
résultat, il a fallu distribuer tout l'actif
et ne garder au fonds de réserve qu'une
somme ridicule, trois ou quatre billets
de mille franos tout au plus. En outre,
on a fait main basse sur la part de Co-
quelin et, si je suis bien renseigné, sur
trois parts et quelques douzièmes qui
sont libres et qu'on ne se hâte pas d'at-
tribuer à de nouveaux sociétaires. Il
faudra, cependant, incessamment faire
des nominations de sociétaires et régu-
lariser la situation de M. Boucher, nom-
mé il y a un an, et à qui on ne pourrait
refuser son accession au sociétariat que
par des arguties de procédure indignes
d'une grande administration. Il paraît,
d'ailleurs, que le décret de Moscou ne
permet pas de laisser ainsi les parts sans
emploi, au profit des sociétaires en exer-
cice. Car, pour augmenter leur revenu,
ceux-ci n'ont qu'à ne pas nommer de
nouveaux participants, et en poussant
les choses à l'extrême, on pourrait arri-
ver à laisser le gâteau à cinq ou six so-
ciétaires, devant la troupe affamée des
pensionnaires. D'ailleurs, si on ne veut
pas réformer le décret de Moscou, si on
veut qu'il soit la charte de la Comédie, il
faut le respecter. Et ce pauvre décret de
Moscou, on a eu beau mettre à la tête de
la Comédie un administrateur vertueux,
il est violé avec persistance !
La situation des théâtres subvention-
nés est donc médiocre. J'en dirais volon-
tiers autant de celle du Conservatoire
qui, lui, ne fait pas d'affaires, mais qui
a un rôle considérable à jouer au point
de vue de l'avenir du théâtre. De ce côté-
là, cependant, il s'est fait quelque chose
de nouveau. Pendant des années, nous
avons protesté contre l'étroitesse de l'en-
seignement, contre ces classes de récita-
tion, excellentes sans doute, mais trop
limitées. Un élève qui dit bien une scène,
apprise avec un professeur, peut être mis
en demeure de débuter à la Comédie
dans un grand premier rôle, sans avoir
jamais joué tout un personnage d'en-
semble, sans avoir porté un costume! Il
en résulte des surprises, qu'il ne faut
pas mettre au compte du jury, composé
d'hommes très consciencieux et qui font
leur devoir, mais dont il faut se prendre
au mode même de l'enseignement. Une
jeune personne, jolie de figure, avec une
voix sympathique, peut dire, au con-
cours, une scène où il ne faut ni mouve-
ment, ni gestes, ni composition, ni va-
riété de sentiments, ni mimique, — la ti-
rade de l'aveugle de Valérie, si vous vou-
lez, — elle y sera charmante, elle ga-
gnera un prix. Donnez-lui un rôle à
composer, la serinette se détraquera et
ne donnera que des sons discordants.
A l'inverse, un autre élève, troublé, dé-
routé par le manque de costume et d'ac-
cessoires, — Néron se drapant dans un
pauvre habit noir et tirant de sa cein-
ture imaginaire un poignard fictif ! —
aura été médiocre. Donnez-lui un rôle à
composer, il sera peut-être excellent.
Ces observations, qui ne sont que trop
justes, ont amené M. Bodinier à créer, à
côté du Conservatoire, un théâtre d'ap-
plication où les élèves joueront vraiment
la comédie et le drame et la tragédie.
M. Bodinier appartenant, dans un poste
élevé, à l'administration de là Comédie-
Française, on en doit conclure que son
projet, qui entrera ces jours-ci dans la
pratique, a reçu l'approbation du minis-
tère. D'autre part, M. A. Dumas, qui a
une légitime influence au Conservatoire,
a approuvé le projet de M. Bodinier.
Non que ce projet soit sans inconvé-
nients : M. A. Dumas les a vus et les a
dits. Lé théâtre sera presque fatalement
un foyer de jolies intrigues. On y fera
aux élèves, surtout aux belles demoi-
selles, des succès factices, moins justifiés
quelquefois par leurs mérites que par
leurs défauts; et quand le jury d'examen
ne ratifiera pas ces succès dans la distri-
bution des récompenses, ce sera une belle
clameur de haro !
Mais, à mon sens, ces inconvénients de
l'institution nouvelle, auxquels pourra
remédier un administrateur énergique et
avisé, sont compensés par un avantage
unique, mais considérable : les élèves,
avant de débuter à la Comédie ou à l'O-
déon, auront joué sur un théâtre, sur un
vrai théâtre, et joué tout un rôle, au lieu
de fragments dits à la classe. M. A. Du-
mas insiste sur cet avantage. Il se sacri-
fie comme examinateur, ne pensant qu'à
l'art dramatique, pour lequel il est pas-
sionné. Et je ne doute pas que son appro-
bation précieuse et son aide puissante
n'assurent le succès de l'entreprise de
M. Bodinier.
Une chose encore m'a charmé dans la
lettre de M. A. Dumas à M. Bodinier que
publie le Figaro. C'est de voir comme il
rompt volontiers avec les traditions trop
solennelles, avec les classifications trop
étroites., Pour lui, le théâtre d'applica-
tion permettra aux jeunes artistes d'é-
chapper à ce « gaufrier » où on les cou..
le tous, de quelque pâte qu'ils soient
faits. Il ne recule pas devant l'hypo-
thèse impie de voir M. Baron jouer du
Molière et le iouer en restant lui-même.
De fait, quel admirable Pourceaugnac il 1
pourrait être! Le talent s'accommode
mal des genres trop étroitement déli-
mités, et le trop grand goût des hiérar-
chies et des classifications littéraires est
une plaie de notre temps. Il est curieux
d'entendre admirer Aristophane par des
« classiques" qui ne s'aperçoivent pas
que cet homme de génie, revenu chez
nous et faisant jouer ses pièces, échappe-
rait à nos numéros d'ordre, ici lyrique
comme Banville, ailleurs simple vaude-
villiste. Il faut remarquer et dire ces
choses, qu'élargit la critique. Il faut
réagir contre cette opinion un peu su-
rannée qu'un journaliste n'est pas un
« écrivain », qu'un vaudevilliste" n'est
pas un auteur comique au même titre
que les classiques. Quand l'Académie
française a reçu John Lemoinne et Hervé,'
leur a-t-elle demandé leurs « livres » ?
MM. Labiche et Halévy y sont-ils autre
chose que les représentants d'un théâtre
plein de fantaisie, d'audace, ne reculant ni
devant le grotesque,ni devant la parodie,
ni devant, même, une pointe de licenceîi
En donnant des sujets pour ce théâtre
comme pour d'autres, le théâtre d'appli-
cation fera œuvre utile et servira l'arty
qui ne peut ni se passer des traditions ni
vivre seulement d'elles.
Henry Fouquier.
LA PAIX ARMÉE
Les fortifications russes en Galicio
(D'UN CORRESPONDANT)
Vienne, 12 janvier.
On reçoit toujours des nouvelles sur les
mouvements militaires russes. Les jour-
naux de Galicie signalent des fortifications
élevées par les Russes le long des voie,
ferrées dans le gouvernement de Kielce.
LA CHAMBRE
Le bureau définitif. — Discours d'ins
tallation de M. Charles Floquet. -1
L'incident Vigneau devant la !
Chambre. — Une proposi- v
tion d'amnistie.
Le bureau définitif est enfin constitué »
mais ce n'a pas été sans peine. Il a fallu,
en effet, consacrer deux grandes heures à
deux. tours de scrutin successifs pous.
aboutir à l'élection d'un troisième ques-
teur. C'est finalement M. Martin Nadaud J
questeur sortant, qui a été élu par 191 voix
contre 102 à M. Noël Parfait et 37 à M. La-
bordère. 1
M. Pierre Blanc, doyen d'âge, qui avait?
présidé la première partie de la séance, a
alors cédé la place à M. Floquet, après
avoir cordialement félicité, au nom de la
Chambre entière, le président réélu. ;
En prenant possession du , fauteuil, MJ
Charles Floquet a prononcé le discours
suivant, qui a été interrompu à plus dq
vingt reprises par les marques d'approbai
tion et les applaudissements t
Discours de M. le présidel! t 1;
Messieurs et chers collègues, en remontant
à cette place, mon premier sentiment est da
vous exprimer toute ma reconnaissance pour,
le grand honneur que vous me faites en m'apV
pelant une troisième fois à la présidence. Cel
témoignage de ma gratitude, je l'adresse ri
toutes les fractions de cette assemblée (Très
bien ! très bien !), vis-à-vis desquelles ma con-
science, bien examinée, m'assure que je n'ai
jamais manqué sciemment à l'impartialité qui
est le premier devoir de ma charge. (Applau.
dissements.) :
Au nom de la Chambre, au nom de votre
bureau définitif, je remercie le bureau provi-
soire, vos secrétaires d'âge qui sont les repré-
sentants de cette jeunesse brillante à laquelle
nous confierons avec sécurité l'avenir (Très
bien ! très bien !); je remercie et j'applaudis
encore notre vénéré et très éloquent doyea
(Très bien! très bien!) qui, une fois de plus;
nous a fait entendre de sages conseils, de pa-
triotiques avertissements, et qui, dans un
beau langage, a rendu à la République l'hom-
mage qu'elle mérite. (Applaudissements.)Vousf
m'en voudriez, si je tentais de refaire son dis-
cours ou si j'en affaiblissais le souvenir en la
résumant.
Laissez-moi seulement, au début de la troi-
sième année de votre législature, renouveler,'
d'un cœur sincère, le vœu que je faisais déjà?
il y a un an et vous souhaiter « sereine et
féconde », selon l'expression de notre doyen,
la vie encore longue qui vous est promise par.
la loi. (Très bien! très bien!) *
Car, moi aussi je veux être optimiste, et j'en
ai le droit au lendemain de ces jours diffi-:
elles où vous venez de montrer votre énergi
que vitalité en accomplissant, avec une fer-
meté invincible, un sacrifice nécessaire, mais
si douloureux, et l'évolution constitution-'
nelle qu'exigeait l'honneur de la Républjque.
(Applaudissements.)
C'est à vous qu'il appartient de soutenir,"
d'inspirer, dans le calme revenu, la prési-j
dence nouvelle que vous avez su constituer,
au milieu du trouble des consciences ; et c'est
notre devoir de maintenir sur des bases
solides l'harmonie durable entre les pouvoirs
publics.
Voilà l'intérêt national. Il n'est pas d'ébran-
ler à son tour l'autorité du législatif après
avoir heureusement rétabli le prestige me-
nacé de l'exécutif. (Applaudissements.)
D'ailleurs, cette harmonie indispensable en-
tre les pouvoirs publics n'exige pas de nous
une renonciation à ce qu'on appelle les gran-
des ambitions. J1 serait aussi dangereux da
nous déclarer incapables de donner - satisfac-
tion aux grandes espérances, qu'il est injustet
de dire que la République n'a rien fait pour-
réaliser le programme de la Révolution fran-
çaise.
Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui, et cela
n'est que naturel, les problèmes touchant à la
procédure politique intéressent moins vive-
ment la nation que les questions qui attela
gnent au fond même de ses grandes affaires,
(Très bien! très bien!), à ses finances publia
ques, à son industrie, à son commerce, au
sort de ses travailleurs, à son état militaire,
à sa situation internationale. (Nouvelle ap-
Drobation).
C'est là, en effet, qu'il faut porter le viril ef-
fort de notre travail législatif. Comment ne
nous entendrions-nous pas sur ces que-tions-
vitales, puisque nous voulons également loi
justice pour tous, c'est-à-dire la plus pure dé-
mocratie dans le règlement de nos alfaireS
intérieures, et dans la négociation de nos in-
térêts extérieurs la loyauté d'un peuple paci-
fique, mais inaccessible à la faiblesse. (Applau
La justice la plus sévère à l'intérieur (Vifa
applaudissements), la loyauté la plus scruDu-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.95%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75610292/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75610292/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75610292/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75610292/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75610292
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75610292
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75610292/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest