Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-12-12
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 12 décembre 1885 12 décembre 1885
Description : 1885/12/12 (A15,N5088). 1885/12/12 (A15,N5088).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N° 5Ub8 Prix du numéro à hrili 4 15 centimes Départements i 2U centime^
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CANDIDATS RÉPUBLICAINS
MM. RANC, ancien député.
GREPPO, id.
IUBOT, id.
DEVÈS, ancien ministre.
DÉROULÈDE, président de la
Ligue des patriotes.
HIÉLARD, ancien président des
chambres syndicales.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Chronique parisienne (Criminels et Malades).
ALBERT DUBRUJEAUD.
L'Election du 13. — HENRY FOUQUIER.
Journée de Paris — FORTUNIO.
Petites observations. — HENRY FOUQUIER.
Le schisme de M. Freppel. — P. F.
La candidature de Paul Déroulède. — G.
MANSUY.
Informations particulières.
Le comité central. — P. M.
La Guerre. — Louis HENRIQUE.
Dépêches.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Académie française (Discours de M. Pas-
teur).
La Température.
Bibliographie.
Courrier de la Bourse. — H. La FAOD.
Faits divers. — J EAN VALLIÈlUII.
Courrier des théâtres. — GBORGES FEYDEAU.
Le Roman d'un grand-duc.—COMTB MANASI
DERNIÈRE HEURE
LA SANTE DE L'EMPEREUR GUILLAUME
Hier, dans l'après-midi, le bruit a couru
que la santé de l'empereur Guillaume ins-
pirait des inquiétudes sérieuses à Berlin.
A l'heure où nous mettons sous presse,
rien n'est venu confirmer cette grave nou-
velle. Au contraire, une dépêche arrivée
dans la soirée la dément implicitement.
Voici cette dépêche, la dernière qui ait été
reçue de Berlin :
Berlin, 11 décembre, 5 h. soir.
L'empereur a entendu ce matin les rap-
ports de plusieurs hauts fonctionnaires
militaires et a fait dans l'après-midi une
promenade en voiture.
Il recevra demain matin, à neuf heures,
l'ambassadeur de Turquie, Tewfik-Bey, en
audience solennelle.
La guerre
Cattaro, 11 décembre.
La Turquie a concentré 18,000 hommes
en Epire et 5,000 à Valona.
Les habitants de Prevesa et de Janina,
craignant une action imminente desTurcs,
se réfugient à Constantinople.
CHRONIQE PlRISIENNE
Criminels et malades
J'ai sous les yeux une petite brochure
fort intéressante, à l'aide de laquelle je
compte alimenter ma causerie d'aujour-
d'hui : Criminels et Malades, de M. Er-
nest Meyer, auditeur au conseil d'Etat.
Le sujel est à l'ordre du jour. Non
seulement de célèbres médecins consa-
crent leurs veilles à l'étude de ces phé-
nomènes qu'un philosophe a appelés les
« maladies de la volonté », mais on nous
annonce que, déjà, certains romanciers
d'une incontestable valeur mettent à
profit et à contribution les récentes ex-
périences des docteurs Charcot et Ri-
cher.
A force de pénétrer dans cette science
de l'intelligence, on en vient à se de-
mander si l'état de l'âme où nous jouis-
sons de notre libre arbitre est aussi fré-
quent qu'on le croit, et si une partie
des criminels ne sont pas des malades.
« Notre illusion du libre-arbitre n'est
que l'ignorance des motifs qui nous font
agir,) a dit Spinosa, et Bayle nous a
comparés à une girouette animée qui se-
rait persuadée de la liberté de ses mou-
vements, quoi qu'elle ne fasse qu'obéir
au souffle du vent.
M. Ernest Meyer estime que nous
croyons trop à l'influence de notre vo-
lonté sur l'état de notre esprit. C'est à
peine si nous nous appartenons. Nos
nerfs se contractent sous l'influence de
certains métaux ; des idées venues on
ne sait d'où prennent irrévocablement
racine dans notre cerveau ; des désirs
dont on ne peut triompher nous empê-
chent de diriger nos actions. Il y a des
jours où nous ferions malgré nous des
choses que nous réprouvons, où nous
pourrions commettre inconsciemment
sous l'influence d'une invincible impul-
sion des forfaits dont nous avons hor-
reur. Le plus honnête homme peut
commettre un crime.
Qui n'a éprouvé les étranges aberra-
tions auxquelles donne lieu cet état in-
termédiaire entre le sommeil et la veille,
précédant le retour des fonctions ?
L'homme le plus éloigné des terreurs
puériles croit voir un spectre et il saisit
une arme pour se défendre ; il croit être
en présence d'un ennemi et il frappe.
C'est ainsi qu'un malheureux (?) tua sa
femme en la prenant pour un fantôme
menaçant, nous dit, très sérieusement,
M. Ernest Meyer.
L'irresponsabilité est la même dans
les cas de somnambulisme. Le plus sou-
vent les actes auxquels le somnambule
se livrera seront ceux de sa vie habi-
tuelle : il répétera pendant son sommeil
les différents exercices de sa profes-
sion. Une servante ira laver la vaisselle
et tirer de l'eau ; M. Félicien Champsaur
— et c'est là son excuse, — se lèvera la
nuit, se mettra à sa table et écrira un
roman dans un accès de somnambu-
lisme. Un professeur de Gœttingue ra-
contait qu'après avoir vainement essayé
de composer une pièce de vers grecs
il y réussit dans un accès de somnam-
bulisme.
Le docteur Charcot, qui a fait de l'é-
tude des névroses une véritable science,
affirme que rien n'est plus facile que de
plonger certains sujets dans l'état
d'hypnotisme. Le sujet une fois en-
dormi, l'opérateur lui dit que deux heu-
res, deux jours, dix jours après son ré-
veil, il devra exécuter une action qu'il
lui explique. L'hypnotisé, réveillé, ne se
souvient pas de l'ordre reçu : sans rien
se rappeler, il vaque à ses occupations
habituelles. Mais que l'échéance de l'acte
suggéré arrive, une force irrésistible le
pousse : il agit. L'action peut être
étrange, effrayante, coupable; rien ne
l'arrête ; mais quand on lui demande ce
qui l'a poussé, il ne peut le dire. Il ré-
pond qu'il ne sait pas, à moins qu'il ne
cherche et trouve un motif quelconque
pour s'expliquer à lui-même ce qu'il a
fait.
M. le Dr Liébault, M. Liégeois, M. le
Dr Bernheim, dans ces dernières an-
nées, se sont livrés à de nombreuses
expériences de ce genre. Ils en racon-
tent plusieurs dans lesquelles le sujet
a mathématiquement exécuté au jour
fixé et à l'heure dite les actions qu'on
lui avait suggérées. « Voici un couteau, »
dit-on à un sujet en lui donnant un mor-
ceau de bois; .et on ajoute en lui dési-
gnant un arbre : A votre réveil, vous
irez en frapper cette personne qui est au
milieu du jardin. » Aussitôt éveillé, il va
frapper l'arbre, et revient en pleurant
et en s'accusant d'avoir, il ne sait pour-
quoi, commis un crime affreux à l'aide
du morceau de bois que son hallucina-
tion lui montre sous la forme d'un poi-
gnard ensanglanté. C'est ainsi qu'un
interne qu'on nous citait suggérait à sa
femme le désir de lui rester fidèle : le
sujet obéissait — paraît-il — conscien-
cieusement.
Certains faits montrent a quel point un
hypnotique peut devenir dangereux entre
les mains d'un criminel. Il obéira aveuglé-
ment à l'ordre qui lui est donné, sans
savoir pourquoi, sans se douter de rien,
sous l'impulsion d'un entraînement in-
vincible. Le hasard seul a amené, il y a
quelques mois, la découverte de la con-
trainte à laquelle obéissait une petite
fille qui commettait de nombreux vols
sous l'empire de la suggestion d'un mi-
sérable.
Combien de crimes, nous dit en ter-
minant M. Ernest Meyer, sont donc com-
mis dans un état où l'intelligence ne
peut pas être considérée comme saine 1
Combien de criminels sont malades et
irresponsables 1 Poser une règle est im-
possible, et c'est la science qui seule
pourra séparer du coupable le fou, le
monomane, l'hypnotisé, l'halluciné. La
société se trouvera souvent embarrassée.
Que faudra-t-il faire de ces malheureux ?
Quelle que soit la façon dont on envi-
sage l'idée de châtiment, il faudra abou-
tir à la conclusion de Platon qui di-
sait :
« Personne ne châtie ceux qui se sont
rendus coupables d'injustice par la seule
raison qu'ils ont commis une injustice,
à moins qu'on ne punisse d'une manière
brutale et déraisonnable. Mais lorsqu'on
fait usage de sa raison dans les peines
qu'on inflige, on ne châtie pas pour la
faute passée, car on ne saurait empê-
cher que ce qui est fait ne soit fait,
mais à cause de la faute à venir, afin
que le coupable n'y retombe plus et que
son châtiment retienne ceux qui en se-
raient les témoins. »
Je veux, en terminant, citer l'intéres-
sante communication faite au congrès
de Blois par un médecin de la Salpê-
trière, M. Auguste Voisin. Elle est de na-
ture à me faire pardonner d'avoir traité
un tel sujet. Il s'agit d'employer l'hyp-
notisme comme traitement de l'aliéna-
tion mentale et des névroses et même
d'y trouver un agent moralisateur par
l'introduction dans la conscience d'une
volonté étrangère qui domptera la vo-
lonté malsaine du sujet. On pourra peut-
être aussi enlever à l'hypnotisé, par une
suggestion convenable, l'idée fixe qui le
poursuit. Ah ! si M. Albin Valabrègue
voulait!.
ALBERT DUBRUJEAUD.
L'ÉLECTION DU 13
La liste que nous publions a reçu de
nombreuses et chaleureuses adhésions.
Nous avons, de plus en plus, la con-
.-victi.n qu'elle répond au sentiment d'un
grand nombre d'électeurs et que beau-
coup de citoyens ont compris l'utilité
d'une concentration des forces républi-
caines faite par les électeurs eux-
mêmes.
Pour les choix que nous avons faits,
nous nous sommes trouvés d'accord avec
le Siècle et nous sommes heureux de mar-
cher avec un des plus anciens et des
plus estimés organes de la démocratie.
Mais cet accord et ces adhésions nous
encouragent moins, qu'on nous permette
de le dire, que la fureur noire du Fran-
çais à propos de notre liste.
Le Français adjure M. Ribot de nous
désavouer.
Mais, pour ceci, il faudrait que nous
ayons eu la prétention de former un
comité imposant des conditions à ses
candidats et leur permettant d'en im-
poser à leur tour.
Il n'en est rien.
Nous agissons en électeurs libres.
Nous n'avons demandé à aucun de nos
candidats l'autorisation de le porter;
nous n'avons pas besoin de leur permis-
sion.
C'est la théorie que soutient avec
nous M. Maret dans le Radical. Les
candidats nous appartiennent et nous ne
leur appartenons pas. Si, — ce qui n'ar-
rivera pas, je présume, - M. Ribot se
plaignait d'être sur la même liste que
M. Ranc, si M. Ranc n'était pas content
d'être sur la liste de M. Ribot, nous op-
poserions notre droit souverain d'élec-
teurs à toute observation qui nous se-
rait faite.
Les opinions de nos candidats sont
connues. Nous ne leur demandons d'en
rien abandonner. C'est nous qui jugeons
que les uns et les autres sont utiles à la
République.
De là, mauvaise humeur du Français.
Il craint que nous réussissions dans no-
tre campagne d'union. Et comme il ai-
merait par-dessustout à voir Paris faire
des folies, il redoute tout bon conseil
de sagesse.
C'est dans son rôle. Mais sa colère
est de nature à éclairer les électeurs.
HENRY FOUQUIBR.
LA JOURNEE DE PARIS
LA STATUE DE J.-J. ROUSSEAU.
Mardi prochain s'ouvrira, à l'Hôtel de Ville,
l'exposition des esquisses, aux deux .tiers
d'exécution, de la statue de Jean-Jacques
Rousseau.
Les trois concurrents qui restent aujour-
d'hui en présence, après deux éliminations
successives, sont M. Stoiner, déjà connu par
les statues de Rouget de l'Isle et de Ledru-
Rollin; MM. Bartet et Larche.
lot
* *
LES POMPIERS. - Depuis deux jours,
Paris est sillonné des pompes à vapeur des
diverses casernes, ce qui a pu faire croire à
de multiples incendies.
Il s'agit tout simplement de manœuvres
faites à l'occasion de la neige. Sur le pavé
glissant et bourbeux, la traction des pompes
exige le renfort d'un cheval, qu'on met en
flèche des deux autres. Il est donc nécessaire
d'exercer ces animaux, peu habitués à être
attelés de la sorte.
K
LE CHOLÉRA DANS LE FINISTÈRE. -
Aussitôt que lui est parvenue la nouvelle de
l'épidémie cholérique qui a frappé certaines
communes du Finistère, le comité de secours
aux familles des victimes du choléra, qui a
son siège au Crédit foncier de France, s'est
empressé d'envoyer des sommes relativement
importantes aux maires de ces communes.
Le comité a, en outre, demandé au préfet
du Finistère de l'aviser dans le cas où le fléau
frapperait d'autres localités.
A
LE DÉPART DE M. DE LESSEPS. — On
annonce le départ de M. de Lesseps pour
Colon le 6 janvier proohain. Le promoteur
du percement de l'isthme de Panama sera
reçu à la gare de Nantes par la municipalité,
qui a l'intention de lui offrir un punch d'hon-
neur.
Le Phare de la Loire ajoute en donnant
cette nouvelle :
« M. de Lesseps ne pourrait-il pas, en pas-
sant par notre ville, s'y arrêter aussi quel-
ques heures ? Il ne saurait douter de l'ac-
cueil qui lui serait réservé, car 11 n'a pu ou-
blier que Nantes est le premier port français
qui ait eu l'honneur de répondre à l'éloquent
appel qu'il vint y faire jadis en faveur du
percement de l'isthme de Suez.
m
♦ *
LA PROPRIÉTÉ A PARIS. — La revision
cadastrale des propriétés bâties dans Paris
commencera à partir du fer janvier 1886.
Le directeur des contributions de la Seine
évalue à 85,000 dans Paris et à 75,000 dans,
les communes suburbaines le nombre des
propriétés bâties sur lesquelles devra porter
le travail de revision. Il estime la dépense to-
tale à 510,000 francs pour Paris et 112,000 fr.
pour la banlieue.
Le préfet de la Seine va demander au con-
seil les crédits nécessaires pour cette revi-
sion : d'abord 150,000 francs comme concours
du département à la revision cadastrale por-
tant sur Paris; ensuite 27,193 francs, plus un
prélèvement sur la réserve de l'octroi de la
banlieue, afin d'étendre le travail aux arron-
dissements de Sceaux et de Saint-Denis et
d'obtenir ainsi des bases certaines pour un
nouveau répartement des contingents com-
munaux.
La dernière revision cadastrale de la ville
de Paris remonte à 1376 ; les résultats n'ont
pu être utilisés qu'en 1879.
A
L'ACADÉMIE DES SCIENCES. - La
séance publique annuelle de l'Académie des
sciences aura lieu le 21 décembre.
M. Joseph Bertrand prononcera l'éloge de
MM. Combes et de La Gournerie. La séance
sera présidée par l'amiral Jurien do La Gra-
vière, vice-président, M. Bouley, président,
étant décédé.
A
LES INGÉNIEURS DE L'ÉCOLE CEN-
TRALE. — L'Association amicale des ingé-
nieurs de l'Ecole centrale vient de constituer
son bureau pour l'année 1885-1886.
Ont été nommés : président, M. Paul Bu-
quet ; vice-présidents, MM. Joyant et Terrier ;
trésorier, M. Contamin; secrétaires, MM. Ber-
thon, Charton et Jousselin.
Membres du comité : MM. Denis et Noblot,
sénateurs ; Emile Level, membre du conseil
municipal; Comnet, sous-directeur du che-
min de fer de Lyon ; Hector Biver, de Coëne,
de Comberousse, Flachat, Hautefeuille, La-
vezzari, Marché, Rey et Vigreux.
*
«- *
UN DIZAIN DE FRANÇOIS COPPÊE. -
Empruntons à Tout-Paris un court poème de
l'auteur des Jacobites :
Se reposer ! Enfin ! Ne plus voir de « premières » ;
Soigner un jardinet plein de roses trémières
Tout là-bas, boulevard Montparnasse ; y manger,
En se sentant vieillir, un petit viager;
Par les soirs clairs de juin, s'en aller en savates
Près de l'Observatoire, où sont les acrobates ;
Avoir le Luxembourg pour ultima Thule;
Et rester cependant, dans ce coin reculé,
Par un vieux goût malsain de la littérature,
L'abonné d'un petit cabinet de lecture I
Ce joli croquis n'avait-il pas droit de cité
dans notre Journée de Paris ?
A
UN FAUX RAPHAEL. — Un bien curieux
débat vient de s'engager entre un expert de
l'hôtel Drouot et un professeur étranger qui
a rapporté de la Suisse un tableau ancien
qu'il donne comme étant une œuvre inédite
de Raphaël.
Après avoir annoncé à son de trompe l'ex-
position de cette œuvre mirifique, « une des
plus belles du célèbre maître,» il envoya aux
principaux musées, aux critiques d'art, aux
amateurs des photographies de son prétendu
chef-d'œuvre.
Mais un de ces derniers, doutant de l'au-
thenticité du Raphaël, alla trouver un expert
en tableaux anciens dont les décisions font
autorité et lui demanda d'aller voir la mer-
veille en question et de lui donner son opi-
nion.
L'expert fut dur pour le Raphaël ; il déclara
net que le tableau n'était pas une œuvre du
maître, et que c'était une toile de si peu de
mérite qu'en vente à l'Hôtel elle atteindrait
difficilement 200 francs.
Le professeur s'empressa de protester con-
tre la décision de l'expert, prétendant pouvoir
facilement prouver l'authenticité de sa toile ;
d'autre part, l'expert déclare qu'il est absolu-
ment impossible que des gens compétents
puissent prendre cette toile pour une œuvre
de Raphaël ; de 200 francs à un million, il y a
de la marge. La décision des arbitres sera
Intéressante à connaître.
FORTUNIO.
■ II H
PETITES OBSERVATIONS
Aujourd'hui — et ce n'est pas la pre-
mière fois que nous signalons des faits
analogues — des crieurs se sont répandus
dans les rues, hurlant : « L'agonie de l'em-
pereur Guillaume! Achetez les détails, un
sou 1 » Or l'empereur Guillaume, aujour-
d'hui, se promenait à Berlin en voiture
découverte.
L'admirable loi sur la presse qu'on
nous a faite ne permet pas, parait-il, d'in-
terdire le cri des journaux. On ne peut pas,
passé onze heures, ennuyer les passants
en criant des pois verts; on peut le faire
pour des « canards ». Cela, au nom de l'é-
galité sans doute ! Soit. Mais si la fausse
nouvelle n'est pas interdite par la loi sur
la presse, le droit commun interdit la
tromperie sur la marchandise vendue. S'il
Îr avait l'ombre d'esprit public chez nous,
les débitants de fausses nouvelles auraient
le sort d'un camelot qui offrirait comme
étant en or des montres en cuivre. Mais
nous avons le goût du gâchis !
A
Cette semaine, un ministre consulte les
chambres de commerce, pour savoir leur
avis sur l'Exposition de 89. Il avait oublié
qu'un décret avait déjà, réglé la question.
Le gouvernement a demandé, il y a cinq
ou six mois, un rapport sur l'affaire de
Langson. Ce rapport devait ou être publié
à Xofficiel, si M. le général Campenon eût
voulu dire la vérité, ou tenu secret. C'é-
tait trop simple. On n'a fait ni une chose
ni l'autre : le rapport a paru dans un jour-
nal, et on ne saura pas comment, je le
parierais. Goût du gâchis.
A la commission d'enquête, M. Andrieux
parle d'un document d'où il résulterait que
M. J. Ferry aurait accordé des concessions
au Tonkin, — ce qu'on devrait faire, nous
le disons bien haut, si on veut avoir une
colonie. Or le document dit le contraire.
M. Ferry avait refusé de s'occuper de la
demande qui lui était faite. Gâchis des
commissions.
Un journal, la Lanterné, fait une cam-
pagne contre l'administration de M. Cam-
bon en Tunisie. Il insinue que les actes
de notre résident sont suspects. Le droit
et le devoir du ministre est de s'enquérir
de la vérité, et si elle est à l'honneur de
M. Cambon, ce dont je ne doute pas, de
couvrir son fonctionnaire. Point. On or-
donne une enquête officielle, qui suffit à
le discréditer. On y appelle l'accusateur,
qui envoie promener les enquêteurs, don-
nant au gouvernement une leçon de gou-
vernement. Gâchis administratif.
Quand donc viendra, pour notre pays,
le rayon de soleil printanier qui nous sor-
tira de tous ces gâchis ?
'HNRY FOUQUtER.
LE SCHISME DE M. FREPPEL
M. Freppel, évêque d'Angers et leader du
parti clérical à la Chambre, est en train de
se brouiller complètement avec le pape.
On n'a pas oublié que Léon XIII, dans la
récente bulle Immortale Dei, déclarait que
l'Eglise catholique pouvait s'accommoder
de toute forme de gouvernement qui lui
concédait le libre exercice du culte. C'était
condamner la politique des députés de la
Droite, qui ne séparent pas la cause de la
religion de celle du rétablissement de la
monarchie.
Résumant et précisant la pensée du
souverain pontife, M. Thomas, archevêque
de Rouen, prononça, au congrès tenu dans
cette ville, un discours dans lequel il dé-
clarait que, par son encyclique, le pape
entendait « affirmer hautement qu'il n'y a
aucun mur de séparation entre le chris-
tianisme et la société moderne ». Il ajou-
tait :
Nos adversaires et quelques-uns de nos dé-
fenseurs présentaient les catholiques comme
inévitablement liés, par leur foi et leur con-
science, aux formes politiques du passé,
comme inféodés à ce. régime de gouverne-
ment qu'on est convenu d'appeler l'ancien
régime. Désormais nul ne pourra sans dé-
loyauté élever ce grief contre l'Eglise. En
tout cas, à une telle allégation nous aurons
à opposer la parole d'un grand pape, qui s'est
prononcé non seulement d'une manière spé-
culative, mais d'une manière pratique et en
homme qui juge de haut les choses de son
temps, telles qu'il les connaît et telles qu'el
les sont.
Le discours libéral de l'archevêque de
Rouen fut reproduit par la plupart des
journaux religieux : le Français, le Monde,
la Défense, V Univers. Le Moniteur de
Rome, organe officiel du Vatican, le publia
également avec force éloges, se déclarant
« heureux de reproduire intégralement
cette page magistrale. » Léon XIII approu-
vait donc le commentaire que M. Thomas
faisait de l'encyclique Immortale Dei.
Sur ces entrefaites, et comme l'Union
de l'Ouest s'apprêtait à donner à son tour
le discours de l'archevêque de Rouen, ce
journal reçut de M. Freppel un télégramme
ainsi conçu : a Je vous demande formelle-
ment de ne pas publier le discours de
Mgr Thomas. Lettre explicative suit. »
Le lendemain arriva la lettre annoncée.
La voici :
Monsieur le directeur,
Le discours prononcé par Mgr Thomas au
congrès de Rouen ayant causé une certaine
émotion dans mon clergé, comme ailleurs
j'ai tout lieu de craindre qu'en le publiant
dans mon diocèse vous n'y suscitiez des polé-
miques que je tiens à écarter.
C est le désir formel du saint-père qu'il n'y
ait pas de controverses entre catholiques à
propos de l'encyclique. Gardien de la doctrine
dans mon diocèse, j'use d'un droit et je rem-
plis un devoir de ma charge en vous interdi-
sant une publication pouvant y faire naître
des discussions que j'estimerais fâcheuses et
inopportunes.
CH.-ÉMILE, évêque d'Anger.
L'évêque d'Angers met donc à l'index
un document approuvé par le pape. « Grave
incident 1 » s'écrie ce soir la Défense. L'in-
cident est grave en effet. Nous assistons
à ce spectacle : d'une part, un pape qui,
dans un sage esprit de transaction et de
prudence, renonce à rompre en visière à
son siècle, à anathématiser la République,
à soutenir que le catholicisme doit identi-
fier sa cause avec celle de la royauté ; de
l'autre, un évêque puissant dans son parti,
ayant sur l'Extrêmé-Droite de la Chambre
une influence incontestée et qui condamne
avec vivacité ce que le souverain pontife
approuve. C'est le contraire de la fa-
meuse discussion entre Pie IX et M. Du-
panloup à propos du Syllabus et de l'en-
cyclique Quanta cura. Le pape, alors, était
autoritaire, tandis que l'évêque était libé-
ral. Aujourd'hui, c'est le pape qui est libé-
ral et dont la volonté vient échouer contre
l'entêtement d'un évêque autoritaire.
Le conflit entre Léon XIII et M. Frep-
pel est d'ailleurs d'une importance beau-
coup plus grande que le conflit entre
Pie IX et l'évêque d'Orléans. Si Léon XIII
l'emporte, le parti monarchiste disparaît.
La Droite royaliste se trouve transformée,
sinon en Droite républicaine, du moins en
un parti purement « conservateur » et re-
ligieux. Ce changement à vue peut modi-
fier profondément les conditions de la lutte
électorale. Il met hors de discussion le
principe même du gouvernement. C'est le
coup de grâce donné aux vieux partis. M.
Freppel le sent ; c'est pourquoi nous le
voyons appliquer délicatement ce coup de
crosse sur la tête du successeur de Pie IX
et traiter l'archevêque de Rouen comme
un simple fauteur de troubles.
Il n'est pas douteux que ceux-ci ne pren-
nent leur revanche et que M. Freppel et
ses amis de l'Extrême-Droite ne soient
placés d'emblée, par l'autorité pontificale,
au nombre de nos hérésiarques les plus
distingués.
P. F.
La candidature de Paul Déroulède
Metz, le 10 décembre.
On s'occupe beaucoup ici et dans toute
l'Alsace-Lorraine de la candidature de M.
Paul Déroulède aux élections législatives
qui doivent avoir lieu dimanche prochain
à Paris.
Je dois vous déclarer tout d'abord que
cette candidature cause d'autant plus de
plaisir à la population française que les
immigrants allemands n'ont pas su cacher
le profond déplaisir qu'ils éprouvent à voir
prendre place à la Chambre l'homme qui
a été jusqu'ici comme la personnification
la plus exacte et la plus complète de leurs
espérances.
Bien entendu, l'élection de M. Déroulède
ne peut signifier, comme on le veut faire
croire, guerre à l'Allemagne. Quand bien
même l'honorable président de la Ligue
des patriotes voudrait immédiatement
cette guerre, il aurait à lutter contre ses
cinq cent quatre-vingts collègues, et il est
absolument certain que, dans les condi-
tions actuelles, il n'aurait pas gain de
cause.
Mais nous croyons sincèrement ici que
l'entrée de M. Déroulède au Palais-Bour-
bon ne peut avoir qu'un excellent effet
sur les délibérations de la Chambre.
Comme il l'a fait ailleurs, il saura, dans sa
nouvelle situation, pousser le cri d'alarme
chaque lois qu'il le jugera nécessaire, et
lorsqu'il aura ainsi évité à ses collègues la
responsabilité de quelque bonne sottise il
n'aura pas, avouons-le, perdu son temps
et aura droit à toute la reconnaissance de
l'Assemblée et du pays.
Il est une question sur laquelle M. Dé-
roulède peut rendre à la France d'excel-
lents services : je veux parler de la ques-
tion de la concurrence étrangère. Ce pro-
blème délicat et important, l'auteur des
Chants du soldat l'a étudié à fond. Il a
fait sur ce sujet plusieurs conférences
aussi sensées que patriotiques, et il a, là-
dessus, quelques idées fort justes et fort
nettes qu'il ne peut être mauvais de voir
exprimées à la tribune même de la Cham-
bre.
J'ai eu, il y a quelques années, l'occa-
sion de causer avec un homme que je ne
veux pas nommer ici — et pour cause —
et qui connait M. Déroulède depuis son
enfance. Mon interlocuteur m'a raconté
sur notre poète quelques anecdotes curieu-
ses que les lecteurs du XIXe Siècle, vou-
dront bien me permettre de leur redire.
On sait que Déroulède, officier de
mobiles au début de la guerre de 1870,
s'engagea, dès les premières défaites , au
38 régiment de zouaves, avec lequel il prit
part à la bataille de Sedan , où son jeune
frère, André, était grièvement blessé et où
lui-même fut fail prisonnier.
Envoyé en captivité à Bresiau, Dérou-
lède, en sa qualité d'ancien officier de
mobiles, obtint de circuler librement dans
la ville comme les autres officiers pri-
sonniers. Mais il ne jouit guère de cette
liberté. Le général allemand qui com-
mandait la place était une sorte de dur-
à-cuire qui avait installé dans son bureau
un cabinet noir où les lettres des Fran-
çais étaient soigneusement lues et com-
mentées. Notre Allemand avait une cer-
taine connaissance de la langue française
et il était impitoyable pour toute allusion
qui lui semblait désagréable.
Il lut la première lettre que M. Dérou-
lède écrivit et il donna au prisonnier un
sévère avertissement. A la seconde lettre,
dans laquelle le poète disait : « Je suis
profondément malheureux au milieu de
ce troupeau de Prussiens, » le général le
fit appeler et lui dit :
- Les Prussiens sont une troupe et non
un troupeau.
- Je vois que vous connaissez les
nuances françaises, répliqua Déroulède.
— Parfaitement, et puisqu'il en est
ainsi vous irez dans une forteresse étu-
dier les nuances allemandes.
Déroulède fut enfermé pendant quel-
ques jours. A peine sorti, il se remit à
écrire. Le général l'appela de nouveau et
lui demanda l'explication de certaines
Ehrases de ses lettres qu'il n'avait pas très
bien comprise.
— Je ne suis pas votre professeur de
français, répond Déroulède ; je suis votre
prisonnier.
Et notre poète est réintégré en prison
où il demeure, cette fois, plusieurs se-
maines. Un beau jour, revêtu d'une lon-
gue houppelande juive, il s'échappe et
gagne la frontière de la Bohême.
A la dernière station, craignant l'inter-
rogatoire dangereux des douaniers, il.
quitte le train et prend à travers champs.
Il faisait nuit ; une neige épaisse couvrait
les chemins. Déroulède prend un paysan
pour le guider et lui donne quelques louis
pour sa peine. A quelques kilomètres de
la frontière, le paysan, — un bon Prus-
sien, celui-là, — s'arrête et dit :
— Le double de ce que vous m'avez
donné, où je vous livre au poste prussien
que voilà là-bas.
Déroulède n'hésite pas. Il sait que les
Prussiens sont insatiables et qu'après le
double on lui demandera le triple, le qua-
druple, quitte à le livrer tout de même
après que sa bourse sera épuisée.
- Marche ou je te tue ! dit-il au paysan
en lui mettant son couteau sur la poi-
trine.
Le paysan marcha. Quelques minutes
plus tard, Déroulède était sur le territoire
autrichien. Il revint en France par Vienne
et Turin et put encore se battre vaillam-
ment à l'armée de la Loire et à l'armée de
l'Est où, à l'affaire de Montbéliard, il re-
çut la croix de la Légion d'honneur.
Voilà l'homme. Les lecteurs du X/X"
Siècle ne croient-ils pas comme moi,
comme tous mes compatriotes d'Alsace-
Lorraine, qu'un tel homme ne saurait que
faire honneur à la France et à Paris, si les
électeurs de la capitale avaient l'esprit et
le patriotisme de 1 élire?
On sait ce que Déroulède a fait comme
écrivain et comme homme d'action depuis
quinze ans. Si quelques-uns ont pu ou-
blier, en France, les immenses services
qu'il a rendus à la patrie, nous nous en
souvenons ici, et nous considérerions son
élection comme une preuve que la France,
qui semble nous avoir un peu oubliés de-
puis la mort de Gambetta, se souvient tou-
jours de nous et pense à l'avenir comme
elle pense au passé.
G. MANSUY.
L'appel du comité d'action de la candi-
dature Déroulède, Imprimé sur papier
tricolore, a été amché hier; en voici le
texte :
Electeurs de Paris et du département
de la Seine
La candidature sincèrement républicaine
et sagement socialiste de Paul Déroulède,
posée par ses 60,000 premiers électeurs, s'est
affirmée de jour en jour dans les consulta-
tions populaires qu'il a demandées aux réu-
nions publiques de Paris et de la banlieue.
Le comité d action, composé de citoyens
appartenant à toutes les fractions du parti
républicain, n'hésite pas à faire, autour de sa
candidature indépendante, une manifestation
de concorde et de concentration.
Ne voulant ni se substituer à l'action des
autres comités, ni se subordonner à leurs
choix trop exclusifs, notre comité a pris dans
différentes listes républicaines les noms qui
correspondaient le mieux aux diverses opi-
nions de chacun de nous. Ils correspondront
bameoi it DeotmiDrc iùoo
-, - JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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MM. les Souscripteurs dont faoonne-
ment expire le 31 décembre sont priés
de le renouveler avant le 29 courant, s'ils
ne veulent pas éprouver de retard dans
l'envoi du journal.
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Hongrois 81 1/8, 5/16.
Priorité 353 75, 351 87.
CANDIDATS RÉPUBLICAINS
MM. RANC, ancien député.
GREPPO, id.
IUBOT, id.
DEVÈS, ancien ministre.
DÉROULÈDE, président de la
Ligue des patriotes.
HIÉLARD, ancien président des
chambres syndicales.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Chronique parisienne (Criminels et Malades).
ALBERT DUBRUJEAUD.
L'Election du 13. — HENRY FOUQUIER.
Journée de Paris — FORTUNIO.
Petites observations. — HENRY FOUQUIER.
Le schisme de M. Freppel. — P. F.
La candidature de Paul Déroulède. — G.
MANSUY.
Informations particulières.
Le comité central. — P. M.
La Guerre. — Louis HENRIQUE.
Dépêches.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Académie française (Discours de M. Pas-
teur).
La Température.
Bibliographie.
Courrier de la Bourse. — H. La FAOD.
Faits divers. — J EAN VALLIÈlUII.
Courrier des théâtres. — GBORGES FEYDEAU.
Le Roman d'un grand-duc.—COMTB MANASI
DERNIÈRE HEURE
LA SANTE DE L'EMPEREUR GUILLAUME
Hier, dans l'après-midi, le bruit a couru
que la santé de l'empereur Guillaume ins-
pirait des inquiétudes sérieuses à Berlin.
A l'heure où nous mettons sous presse,
rien n'est venu confirmer cette grave nou-
velle. Au contraire, une dépêche arrivée
dans la soirée la dément implicitement.
Voici cette dépêche, la dernière qui ait été
reçue de Berlin :
Berlin, 11 décembre, 5 h. soir.
L'empereur a entendu ce matin les rap-
ports de plusieurs hauts fonctionnaires
militaires et a fait dans l'après-midi une
promenade en voiture.
Il recevra demain matin, à neuf heures,
l'ambassadeur de Turquie, Tewfik-Bey, en
audience solennelle.
La guerre
Cattaro, 11 décembre.
La Turquie a concentré 18,000 hommes
en Epire et 5,000 à Valona.
Les habitants de Prevesa et de Janina,
craignant une action imminente desTurcs,
se réfugient à Constantinople.
CHRONIQE PlRISIENNE
Criminels et malades
J'ai sous les yeux une petite brochure
fort intéressante, à l'aide de laquelle je
compte alimenter ma causerie d'aujour-
d'hui : Criminels et Malades, de M. Er-
nest Meyer, auditeur au conseil d'Etat.
Le sujel est à l'ordre du jour. Non
seulement de célèbres médecins consa-
crent leurs veilles à l'étude de ces phé-
nomènes qu'un philosophe a appelés les
« maladies de la volonté », mais on nous
annonce que, déjà, certains romanciers
d'une incontestable valeur mettent à
profit et à contribution les récentes ex-
périences des docteurs Charcot et Ri-
cher.
A force de pénétrer dans cette science
de l'intelligence, on en vient à se de-
mander si l'état de l'âme où nous jouis-
sons de notre libre arbitre est aussi fré-
quent qu'on le croit, et si une partie
des criminels ne sont pas des malades.
« Notre illusion du libre-arbitre n'est
que l'ignorance des motifs qui nous font
agir,) a dit Spinosa, et Bayle nous a
comparés à une girouette animée qui se-
rait persuadée de la liberté de ses mou-
vements, quoi qu'elle ne fasse qu'obéir
au souffle du vent.
M. Ernest Meyer estime que nous
croyons trop à l'influence de notre vo-
lonté sur l'état de notre esprit. C'est à
peine si nous nous appartenons. Nos
nerfs se contractent sous l'influence de
certains métaux ; des idées venues on
ne sait d'où prennent irrévocablement
racine dans notre cerveau ; des désirs
dont on ne peut triompher nous empê-
chent de diriger nos actions. Il y a des
jours où nous ferions malgré nous des
choses que nous réprouvons, où nous
pourrions commettre inconsciemment
sous l'influence d'une invincible impul-
sion des forfaits dont nous avons hor-
reur. Le plus honnête homme peut
commettre un crime.
Qui n'a éprouvé les étranges aberra-
tions auxquelles donne lieu cet état in-
termédiaire entre le sommeil et la veille,
précédant le retour des fonctions ?
L'homme le plus éloigné des terreurs
puériles croit voir un spectre et il saisit
une arme pour se défendre ; il croit être
en présence d'un ennemi et il frappe.
C'est ainsi qu'un malheureux (?) tua sa
femme en la prenant pour un fantôme
menaçant, nous dit, très sérieusement,
M. Ernest Meyer.
L'irresponsabilité est la même dans
les cas de somnambulisme. Le plus sou-
vent les actes auxquels le somnambule
se livrera seront ceux de sa vie habi-
tuelle : il répétera pendant son sommeil
les différents exercices de sa profes-
sion. Une servante ira laver la vaisselle
et tirer de l'eau ; M. Félicien Champsaur
— et c'est là son excuse, — se lèvera la
nuit, se mettra à sa table et écrira un
roman dans un accès de somnambu-
lisme. Un professeur de Gœttingue ra-
contait qu'après avoir vainement essayé
de composer une pièce de vers grecs
il y réussit dans un accès de somnam-
bulisme.
Le docteur Charcot, qui a fait de l'é-
tude des névroses une véritable science,
affirme que rien n'est plus facile que de
plonger certains sujets dans l'état
d'hypnotisme. Le sujet une fois en-
dormi, l'opérateur lui dit que deux heu-
res, deux jours, dix jours après son ré-
veil, il devra exécuter une action qu'il
lui explique. L'hypnotisé, réveillé, ne se
souvient pas de l'ordre reçu : sans rien
se rappeler, il vaque à ses occupations
habituelles. Mais que l'échéance de l'acte
suggéré arrive, une force irrésistible le
pousse : il agit. L'action peut être
étrange, effrayante, coupable; rien ne
l'arrête ; mais quand on lui demande ce
qui l'a poussé, il ne peut le dire. Il ré-
pond qu'il ne sait pas, à moins qu'il ne
cherche et trouve un motif quelconque
pour s'expliquer à lui-même ce qu'il a
fait.
M. le Dr Liébault, M. Liégeois, M. le
Dr Bernheim, dans ces dernières an-
nées, se sont livrés à de nombreuses
expériences de ce genre. Ils en racon-
tent plusieurs dans lesquelles le sujet
a mathématiquement exécuté au jour
fixé et à l'heure dite les actions qu'on
lui avait suggérées. « Voici un couteau, »
dit-on à un sujet en lui donnant un mor-
ceau de bois; .et on ajoute en lui dési-
gnant un arbre : A votre réveil, vous
irez en frapper cette personne qui est au
milieu du jardin. » Aussitôt éveillé, il va
frapper l'arbre, et revient en pleurant
et en s'accusant d'avoir, il ne sait pour-
quoi, commis un crime affreux à l'aide
du morceau de bois que son hallucina-
tion lui montre sous la forme d'un poi-
gnard ensanglanté. C'est ainsi qu'un
interne qu'on nous citait suggérait à sa
femme le désir de lui rester fidèle : le
sujet obéissait — paraît-il — conscien-
cieusement.
Certains faits montrent a quel point un
hypnotique peut devenir dangereux entre
les mains d'un criminel. Il obéira aveuglé-
ment à l'ordre qui lui est donné, sans
savoir pourquoi, sans se douter de rien,
sous l'impulsion d'un entraînement in-
vincible. Le hasard seul a amené, il y a
quelques mois, la découverte de la con-
trainte à laquelle obéissait une petite
fille qui commettait de nombreux vols
sous l'empire de la suggestion d'un mi-
sérable.
Combien de crimes, nous dit en ter-
minant M. Ernest Meyer, sont donc com-
mis dans un état où l'intelligence ne
peut pas être considérée comme saine 1
Combien de criminels sont malades et
irresponsables 1 Poser une règle est im-
possible, et c'est la science qui seule
pourra séparer du coupable le fou, le
monomane, l'hypnotisé, l'halluciné. La
société se trouvera souvent embarrassée.
Que faudra-t-il faire de ces malheureux ?
Quelle que soit la façon dont on envi-
sage l'idée de châtiment, il faudra abou-
tir à la conclusion de Platon qui di-
sait :
« Personne ne châtie ceux qui se sont
rendus coupables d'injustice par la seule
raison qu'ils ont commis une injustice,
à moins qu'on ne punisse d'une manière
brutale et déraisonnable. Mais lorsqu'on
fait usage de sa raison dans les peines
qu'on inflige, on ne châtie pas pour la
faute passée, car on ne saurait empê-
cher que ce qui est fait ne soit fait,
mais à cause de la faute à venir, afin
que le coupable n'y retombe plus et que
son châtiment retienne ceux qui en se-
raient les témoins. »
Je veux, en terminant, citer l'intéres-
sante communication faite au congrès
de Blois par un médecin de la Salpê-
trière, M. Auguste Voisin. Elle est de na-
ture à me faire pardonner d'avoir traité
un tel sujet. Il s'agit d'employer l'hyp-
notisme comme traitement de l'aliéna-
tion mentale et des névroses et même
d'y trouver un agent moralisateur par
l'introduction dans la conscience d'une
volonté étrangère qui domptera la vo-
lonté malsaine du sujet. On pourra peut-
être aussi enlever à l'hypnotisé, par une
suggestion convenable, l'idée fixe qui le
poursuit. Ah ! si M. Albin Valabrègue
voulait!.
ALBERT DUBRUJEAUD.
L'ÉLECTION DU 13
La liste que nous publions a reçu de
nombreuses et chaleureuses adhésions.
Nous avons, de plus en plus, la con-
.-victi.n qu'elle répond au sentiment d'un
grand nombre d'électeurs et que beau-
coup de citoyens ont compris l'utilité
d'une concentration des forces républi-
caines faite par les électeurs eux-
mêmes.
Pour les choix que nous avons faits,
nous nous sommes trouvés d'accord avec
le Siècle et nous sommes heureux de mar-
cher avec un des plus anciens et des
plus estimés organes de la démocratie.
Mais cet accord et ces adhésions nous
encouragent moins, qu'on nous permette
de le dire, que la fureur noire du Fran-
çais à propos de notre liste.
Le Français adjure M. Ribot de nous
désavouer.
Mais, pour ceci, il faudrait que nous
ayons eu la prétention de former un
comité imposant des conditions à ses
candidats et leur permettant d'en im-
poser à leur tour.
Il n'en est rien.
Nous agissons en électeurs libres.
Nous n'avons demandé à aucun de nos
candidats l'autorisation de le porter;
nous n'avons pas besoin de leur permis-
sion.
C'est la théorie que soutient avec
nous M. Maret dans le Radical. Les
candidats nous appartiennent et nous ne
leur appartenons pas. Si, — ce qui n'ar-
rivera pas, je présume, - M. Ribot se
plaignait d'être sur la même liste que
M. Ranc, si M. Ranc n'était pas content
d'être sur la liste de M. Ribot, nous op-
poserions notre droit souverain d'élec-
teurs à toute observation qui nous se-
rait faite.
Les opinions de nos candidats sont
connues. Nous ne leur demandons d'en
rien abandonner. C'est nous qui jugeons
que les uns et les autres sont utiles à la
République.
De là, mauvaise humeur du Français.
Il craint que nous réussissions dans no-
tre campagne d'union. Et comme il ai-
merait par-dessustout à voir Paris faire
des folies, il redoute tout bon conseil
de sagesse.
C'est dans son rôle. Mais sa colère
est de nature à éclairer les électeurs.
HENRY FOUQUIBR.
LA JOURNEE DE PARIS
LA STATUE DE J.-J. ROUSSEAU.
Mardi prochain s'ouvrira, à l'Hôtel de Ville,
l'exposition des esquisses, aux deux .tiers
d'exécution, de la statue de Jean-Jacques
Rousseau.
Les trois concurrents qui restent aujour-
d'hui en présence, après deux éliminations
successives, sont M. Stoiner, déjà connu par
les statues de Rouget de l'Isle et de Ledru-
Rollin; MM. Bartet et Larche.
lot
* *
LES POMPIERS. - Depuis deux jours,
Paris est sillonné des pompes à vapeur des
diverses casernes, ce qui a pu faire croire à
de multiples incendies.
Il s'agit tout simplement de manœuvres
faites à l'occasion de la neige. Sur le pavé
glissant et bourbeux, la traction des pompes
exige le renfort d'un cheval, qu'on met en
flèche des deux autres. Il est donc nécessaire
d'exercer ces animaux, peu habitués à être
attelés de la sorte.
K
LE CHOLÉRA DANS LE FINISTÈRE. -
Aussitôt que lui est parvenue la nouvelle de
l'épidémie cholérique qui a frappé certaines
communes du Finistère, le comité de secours
aux familles des victimes du choléra, qui a
son siège au Crédit foncier de France, s'est
empressé d'envoyer des sommes relativement
importantes aux maires de ces communes.
Le comité a, en outre, demandé au préfet
du Finistère de l'aviser dans le cas où le fléau
frapperait d'autres localités.
A
LE DÉPART DE M. DE LESSEPS. — On
annonce le départ de M. de Lesseps pour
Colon le 6 janvier proohain. Le promoteur
du percement de l'isthme de Panama sera
reçu à la gare de Nantes par la municipalité,
qui a l'intention de lui offrir un punch d'hon-
neur.
Le Phare de la Loire ajoute en donnant
cette nouvelle :
« M. de Lesseps ne pourrait-il pas, en pas-
sant par notre ville, s'y arrêter aussi quel-
ques heures ? Il ne saurait douter de l'ac-
cueil qui lui serait réservé, car 11 n'a pu ou-
blier que Nantes est le premier port français
qui ait eu l'honneur de répondre à l'éloquent
appel qu'il vint y faire jadis en faveur du
percement de l'isthme de Suez.
m
♦ *
LA PROPRIÉTÉ A PARIS. — La revision
cadastrale des propriétés bâties dans Paris
commencera à partir du fer janvier 1886.
Le directeur des contributions de la Seine
évalue à 85,000 dans Paris et à 75,000 dans,
les communes suburbaines le nombre des
propriétés bâties sur lesquelles devra porter
le travail de revision. Il estime la dépense to-
tale à 510,000 francs pour Paris et 112,000 fr.
pour la banlieue.
Le préfet de la Seine va demander au con-
seil les crédits nécessaires pour cette revi-
sion : d'abord 150,000 francs comme concours
du département à la revision cadastrale por-
tant sur Paris; ensuite 27,193 francs, plus un
prélèvement sur la réserve de l'octroi de la
banlieue, afin d'étendre le travail aux arron-
dissements de Sceaux et de Saint-Denis et
d'obtenir ainsi des bases certaines pour un
nouveau répartement des contingents com-
munaux.
La dernière revision cadastrale de la ville
de Paris remonte à 1376 ; les résultats n'ont
pu être utilisés qu'en 1879.
A
L'ACADÉMIE DES SCIENCES. - La
séance publique annuelle de l'Académie des
sciences aura lieu le 21 décembre.
M. Joseph Bertrand prononcera l'éloge de
MM. Combes et de La Gournerie. La séance
sera présidée par l'amiral Jurien do La Gra-
vière, vice-président, M. Bouley, président,
étant décédé.
A
LES INGÉNIEURS DE L'ÉCOLE CEN-
TRALE. — L'Association amicale des ingé-
nieurs de l'Ecole centrale vient de constituer
son bureau pour l'année 1885-1886.
Ont été nommés : président, M. Paul Bu-
quet ; vice-présidents, MM. Joyant et Terrier ;
trésorier, M. Contamin; secrétaires, MM. Ber-
thon, Charton et Jousselin.
Membres du comité : MM. Denis et Noblot,
sénateurs ; Emile Level, membre du conseil
municipal; Comnet, sous-directeur du che-
min de fer de Lyon ; Hector Biver, de Coëne,
de Comberousse, Flachat, Hautefeuille, La-
vezzari, Marché, Rey et Vigreux.
*
«- *
UN DIZAIN DE FRANÇOIS COPPÊE. -
Empruntons à Tout-Paris un court poème de
l'auteur des Jacobites :
Se reposer ! Enfin ! Ne plus voir de « premières » ;
Soigner un jardinet plein de roses trémières
Tout là-bas, boulevard Montparnasse ; y manger,
En se sentant vieillir, un petit viager;
Par les soirs clairs de juin, s'en aller en savates
Près de l'Observatoire, où sont les acrobates ;
Avoir le Luxembourg pour ultima Thule;
Et rester cependant, dans ce coin reculé,
Par un vieux goût malsain de la littérature,
L'abonné d'un petit cabinet de lecture I
Ce joli croquis n'avait-il pas droit de cité
dans notre Journée de Paris ?
A
UN FAUX RAPHAEL. — Un bien curieux
débat vient de s'engager entre un expert de
l'hôtel Drouot et un professeur étranger qui
a rapporté de la Suisse un tableau ancien
qu'il donne comme étant une œuvre inédite
de Raphaël.
Après avoir annoncé à son de trompe l'ex-
position de cette œuvre mirifique, « une des
plus belles du célèbre maître,» il envoya aux
principaux musées, aux critiques d'art, aux
amateurs des photographies de son prétendu
chef-d'œuvre.
Mais un de ces derniers, doutant de l'au-
thenticité du Raphaël, alla trouver un expert
en tableaux anciens dont les décisions font
autorité et lui demanda d'aller voir la mer-
veille en question et de lui donner son opi-
nion.
L'expert fut dur pour le Raphaël ; il déclara
net que le tableau n'était pas une œuvre du
maître, et que c'était une toile de si peu de
mérite qu'en vente à l'Hôtel elle atteindrait
difficilement 200 francs.
Le professeur s'empressa de protester con-
tre la décision de l'expert, prétendant pouvoir
facilement prouver l'authenticité de sa toile ;
d'autre part, l'expert déclare qu'il est absolu-
ment impossible que des gens compétents
puissent prendre cette toile pour une œuvre
de Raphaël ; de 200 francs à un million, il y a
de la marge. La décision des arbitres sera
Intéressante à connaître.
FORTUNIO.
■ II H
PETITES OBSERVATIONS
Aujourd'hui — et ce n'est pas la pre-
mière fois que nous signalons des faits
analogues — des crieurs se sont répandus
dans les rues, hurlant : « L'agonie de l'em-
pereur Guillaume! Achetez les détails, un
sou 1 » Or l'empereur Guillaume, aujour-
d'hui, se promenait à Berlin en voiture
découverte.
L'admirable loi sur la presse qu'on
nous a faite ne permet pas, parait-il, d'in-
terdire le cri des journaux. On ne peut pas,
passé onze heures, ennuyer les passants
en criant des pois verts; on peut le faire
pour des « canards ». Cela, au nom de l'é-
galité sans doute ! Soit. Mais si la fausse
nouvelle n'est pas interdite par la loi sur
la presse, le droit commun interdit la
tromperie sur la marchandise vendue. S'il
Îr avait l'ombre d'esprit public chez nous,
les débitants de fausses nouvelles auraient
le sort d'un camelot qui offrirait comme
étant en or des montres en cuivre. Mais
nous avons le goût du gâchis !
A
Cette semaine, un ministre consulte les
chambres de commerce, pour savoir leur
avis sur l'Exposition de 89. Il avait oublié
qu'un décret avait déjà, réglé la question.
Le gouvernement a demandé, il y a cinq
ou six mois, un rapport sur l'affaire de
Langson. Ce rapport devait ou être publié
à Xofficiel, si M. le général Campenon eût
voulu dire la vérité, ou tenu secret. C'é-
tait trop simple. On n'a fait ni une chose
ni l'autre : le rapport a paru dans un jour-
nal, et on ne saura pas comment, je le
parierais. Goût du gâchis.
A la commission d'enquête, M. Andrieux
parle d'un document d'où il résulterait que
M. J. Ferry aurait accordé des concessions
au Tonkin, — ce qu'on devrait faire, nous
le disons bien haut, si on veut avoir une
colonie. Or le document dit le contraire.
M. Ferry avait refusé de s'occuper de la
demande qui lui était faite. Gâchis des
commissions.
Un journal, la Lanterné, fait une cam-
pagne contre l'administration de M. Cam-
bon en Tunisie. Il insinue que les actes
de notre résident sont suspects. Le droit
et le devoir du ministre est de s'enquérir
de la vérité, et si elle est à l'honneur de
M. Cambon, ce dont je ne doute pas, de
couvrir son fonctionnaire. Point. On or-
donne une enquête officielle, qui suffit à
le discréditer. On y appelle l'accusateur,
qui envoie promener les enquêteurs, don-
nant au gouvernement une leçon de gou-
vernement. Gâchis administratif.
Quand donc viendra, pour notre pays,
le rayon de soleil printanier qui nous sor-
tira de tous ces gâchis ?
'HNRY FOUQUtER.
LE SCHISME DE M. FREPPEL
M. Freppel, évêque d'Angers et leader du
parti clérical à la Chambre, est en train de
se brouiller complètement avec le pape.
On n'a pas oublié que Léon XIII, dans la
récente bulle Immortale Dei, déclarait que
l'Eglise catholique pouvait s'accommoder
de toute forme de gouvernement qui lui
concédait le libre exercice du culte. C'était
condamner la politique des députés de la
Droite, qui ne séparent pas la cause de la
religion de celle du rétablissement de la
monarchie.
Résumant et précisant la pensée du
souverain pontife, M. Thomas, archevêque
de Rouen, prononça, au congrès tenu dans
cette ville, un discours dans lequel il dé-
clarait que, par son encyclique, le pape
entendait « affirmer hautement qu'il n'y a
aucun mur de séparation entre le chris-
tianisme et la société moderne ». Il ajou-
tait :
Nos adversaires et quelques-uns de nos dé-
fenseurs présentaient les catholiques comme
inévitablement liés, par leur foi et leur con-
science, aux formes politiques du passé,
comme inféodés à ce. régime de gouverne-
ment qu'on est convenu d'appeler l'ancien
régime. Désormais nul ne pourra sans dé-
loyauté élever ce grief contre l'Eglise. En
tout cas, à une telle allégation nous aurons
à opposer la parole d'un grand pape, qui s'est
prononcé non seulement d'une manière spé-
culative, mais d'une manière pratique et en
homme qui juge de haut les choses de son
temps, telles qu'il les connaît et telles qu'el
les sont.
Le discours libéral de l'archevêque de
Rouen fut reproduit par la plupart des
journaux religieux : le Français, le Monde,
la Défense, V Univers. Le Moniteur de
Rome, organe officiel du Vatican, le publia
également avec force éloges, se déclarant
« heureux de reproduire intégralement
cette page magistrale. » Léon XIII approu-
vait donc le commentaire que M. Thomas
faisait de l'encyclique Immortale Dei.
Sur ces entrefaites, et comme l'Union
de l'Ouest s'apprêtait à donner à son tour
le discours de l'archevêque de Rouen, ce
journal reçut de M. Freppel un télégramme
ainsi conçu : a Je vous demande formelle-
ment de ne pas publier le discours de
Mgr Thomas. Lettre explicative suit. »
Le lendemain arriva la lettre annoncée.
La voici :
Monsieur le directeur,
Le discours prononcé par Mgr Thomas au
congrès de Rouen ayant causé une certaine
émotion dans mon clergé, comme ailleurs
j'ai tout lieu de craindre qu'en le publiant
dans mon diocèse vous n'y suscitiez des polé-
miques que je tiens à écarter.
C est le désir formel du saint-père qu'il n'y
ait pas de controverses entre catholiques à
propos de l'encyclique. Gardien de la doctrine
dans mon diocèse, j'use d'un droit et je rem-
plis un devoir de ma charge en vous interdi-
sant une publication pouvant y faire naître
des discussions que j'estimerais fâcheuses et
inopportunes.
CH.-ÉMILE, évêque d'Anger.
L'évêque d'Angers met donc à l'index
un document approuvé par le pape. « Grave
incident 1 » s'écrie ce soir la Défense. L'in-
cident est grave en effet. Nous assistons
à ce spectacle : d'une part, un pape qui,
dans un sage esprit de transaction et de
prudence, renonce à rompre en visière à
son siècle, à anathématiser la République,
à soutenir que le catholicisme doit identi-
fier sa cause avec celle de la royauté ; de
l'autre, un évêque puissant dans son parti,
ayant sur l'Extrêmé-Droite de la Chambre
une influence incontestée et qui condamne
avec vivacité ce que le souverain pontife
approuve. C'est le contraire de la fa-
meuse discussion entre Pie IX et M. Du-
panloup à propos du Syllabus et de l'en-
cyclique Quanta cura. Le pape, alors, était
autoritaire, tandis que l'évêque était libé-
ral. Aujourd'hui, c'est le pape qui est libé-
ral et dont la volonté vient échouer contre
l'entêtement d'un évêque autoritaire.
Le conflit entre Léon XIII et M. Frep-
pel est d'ailleurs d'une importance beau-
coup plus grande que le conflit entre
Pie IX et l'évêque d'Orléans. Si Léon XIII
l'emporte, le parti monarchiste disparaît.
La Droite royaliste se trouve transformée,
sinon en Droite républicaine, du moins en
un parti purement « conservateur » et re-
ligieux. Ce changement à vue peut modi-
fier profondément les conditions de la lutte
électorale. Il met hors de discussion le
principe même du gouvernement. C'est le
coup de grâce donné aux vieux partis. M.
Freppel le sent ; c'est pourquoi nous le
voyons appliquer délicatement ce coup de
crosse sur la tête du successeur de Pie IX
et traiter l'archevêque de Rouen comme
un simple fauteur de troubles.
Il n'est pas douteux que ceux-ci ne pren-
nent leur revanche et que M. Freppel et
ses amis de l'Extrême-Droite ne soient
placés d'emblée, par l'autorité pontificale,
au nombre de nos hérésiarques les plus
distingués.
P. F.
La candidature de Paul Déroulède
Metz, le 10 décembre.
On s'occupe beaucoup ici et dans toute
l'Alsace-Lorraine de la candidature de M.
Paul Déroulède aux élections législatives
qui doivent avoir lieu dimanche prochain
à Paris.
Je dois vous déclarer tout d'abord que
cette candidature cause d'autant plus de
plaisir à la population française que les
immigrants allemands n'ont pas su cacher
le profond déplaisir qu'ils éprouvent à voir
prendre place à la Chambre l'homme qui
a été jusqu'ici comme la personnification
la plus exacte et la plus complète de leurs
espérances.
Bien entendu, l'élection de M. Déroulède
ne peut signifier, comme on le veut faire
croire, guerre à l'Allemagne. Quand bien
même l'honorable président de la Ligue
des patriotes voudrait immédiatement
cette guerre, il aurait à lutter contre ses
cinq cent quatre-vingts collègues, et il est
absolument certain que, dans les condi-
tions actuelles, il n'aurait pas gain de
cause.
Mais nous croyons sincèrement ici que
l'entrée de M. Déroulède au Palais-Bour-
bon ne peut avoir qu'un excellent effet
sur les délibérations de la Chambre.
Comme il l'a fait ailleurs, il saura, dans sa
nouvelle situation, pousser le cri d'alarme
chaque lois qu'il le jugera nécessaire, et
lorsqu'il aura ainsi évité à ses collègues la
responsabilité de quelque bonne sottise il
n'aura pas, avouons-le, perdu son temps
et aura droit à toute la reconnaissance de
l'Assemblée et du pays.
Il est une question sur laquelle M. Dé-
roulède peut rendre à la France d'excel-
lents services : je veux parler de la ques-
tion de la concurrence étrangère. Ce pro-
blème délicat et important, l'auteur des
Chants du soldat l'a étudié à fond. Il a
fait sur ce sujet plusieurs conférences
aussi sensées que patriotiques, et il a, là-
dessus, quelques idées fort justes et fort
nettes qu'il ne peut être mauvais de voir
exprimées à la tribune même de la Cham-
bre.
J'ai eu, il y a quelques années, l'occa-
sion de causer avec un homme que je ne
veux pas nommer ici — et pour cause —
et qui connait M. Déroulède depuis son
enfance. Mon interlocuteur m'a raconté
sur notre poète quelques anecdotes curieu-
ses que les lecteurs du XIXe Siècle, vou-
dront bien me permettre de leur redire.
On sait que Déroulède, officier de
mobiles au début de la guerre de 1870,
s'engagea, dès les premières défaites , au
38 régiment de zouaves, avec lequel il prit
part à la bataille de Sedan , où son jeune
frère, André, était grièvement blessé et où
lui-même fut fail prisonnier.
Envoyé en captivité à Bresiau, Dérou-
lède, en sa qualité d'ancien officier de
mobiles, obtint de circuler librement dans
la ville comme les autres officiers pri-
sonniers. Mais il ne jouit guère de cette
liberté. Le général allemand qui com-
mandait la place était une sorte de dur-
à-cuire qui avait installé dans son bureau
un cabinet noir où les lettres des Fran-
çais étaient soigneusement lues et com-
mentées. Notre Allemand avait une cer-
taine connaissance de la langue française
et il était impitoyable pour toute allusion
qui lui semblait désagréable.
Il lut la première lettre que M. Dérou-
lède écrivit et il donna au prisonnier un
sévère avertissement. A la seconde lettre,
dans laquelle le poète disait : « Je suis
profondément malheureux au milieu de
ce troupeau de Prussiens, » le général le
fit appeler et lui dit :
- Les Prussiens sont une troupe et non
un troupeau.
- Je vois que vous connaissez les
nuances françaises, répliqua Déroulède.
— Parfaitement, et puisqu'il en est
ainsi vous irez dans une forteresse étu-
dier les nuances allemandes.
Déroulède fut enfermé pendant quel-
ques jours. A peine sorti, il se remit à
écrire. Le général l'appela de nouveau et
lui demanda l'explication de certaines
Ehrases de ses lettres qu'il n'avait pas très
bien comprise.
— Je ne suis pas votre professeur de
français, répond Déroulède ; je suis votre
prisonnier.
Et notre poète est réintégré en prison
où il demeure, cette fois, plusieurs se-
maines. Un beau jour, revêtu d'une lon-
gue houppelande juive, il s'échappe et
gagne la frontière de la Bohême.
A la dernière station, craignant l'inter-
rogatoire dangereux des douaniers, il.
quitte le train et prend à travers champs.
Il faisait nuit ; une neige épaisse couvrait
les chemins. Déroulède prend un paysan
pour le guider et lui donne quelques louis
pour sa peine. A quelques kilomètres de
la frontière, le paysan, — un bon Prus-
sien, celui-là, — s'arrête et dit :
— Le double de ce que vous m'avez
donné, où je vous livre au poste prussien
que voilà là-bas.
Déroulède n'hésite pas. Il sait que les
Prussiens sont insatiables et qu'après le
double on lui demandera le triple, le qua-
druple, quitte à le livrer tout de même
après que sa bourse sera épuisée.
- Marche ou je te tue ! dit-il au paysan
en lui mettant son couteau sur la poi-
trine.
Le paysan marcha. Quelques minutes
plus tard, Déroulède était sur le territoire
autrichien. Il revint en France par Vienne
et Turin et put encore se battre vaillam-
ment à l'armée de la Loire et à l'armée de
l'Est où, à l'affaire de Montbéliard, il re-
çut la croix de la Légion d'honneur.
Voilà l'homme. Les lecteurs du X/X"
Siècle ne croient-ils pas comme moi,
comme tous mes compatriotes d'Alsace-
Lorraine, qu'un tel homme ne saurait que
faire honneur à la France et à Paris, si les
électeurs de la capitale avaient l'esprit et
le patriotisme de 1 élire?
On sait ce que Déroulède a fait comme
écrivain et comme homme d'action depuis
quinze ans. Si quelques-uns ont pu ou-
blier, en France, les immenses services
qu'il a rendus à la patrie, nous nous en
souvenons ici, et nous considérerions son
élection comme une preuve que la France,
qui semble nous avoir un peu oubliés de-
puis la mort de Gambetta, se souvient tou-
jours de nous et pense à l'avenir comme
elle pense au passé.
G. MANSUY.
L'appel du comité d'action de la candi-
dature Déroulède, Imprimé sur papier
tricolore, a été amché hier; en voici le
texte :
Electeurs de Paris et du département
de la Seine
La candidature sincèrement républicaine
et sagement socialiste de Paul Déroulède,
posée par ses 60,000 premiers électeurs, s'est
affirmée de jour en jour dans les consulta-
tions populaires qu'il a demandées aux réu-
nions publiques de Paris et de la banlieue.
Le comité d action, composé de citoyens
appartenant à toutes les fractions du parti
républicain, n'hésite pas à faire, autour de sa
candidature indépendante, une manifestation
de concorde et de concentration.
Ne voulant ni se substituer à l'action des
autres comités, ni se subordonner à leurs
choix trop exclusifs, notre comité a pris dans
différentes listes républicaines les noms qui
correspondaient le mieux aux diverses opi-
nions de chacun de nous. Ils correspondront
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