Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-12-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 décembre 1885 10 décembre 1885
Description : 1885/12/10 (A15,N5086). 1885/12/10 (A15,N5086).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N° 5086
Prix du numéro à Paris ; M centime - Départements : 2Q centimes
Jeudi 10 Décembre 1885
LE XIX1 SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Egypte. 322 50, 323 75, 323 43.
Rio Tinto. 231 25, 276 25.
Extérieure 53 9/32, 1/4.
Panama. 400.
Hongrois 81 1/8, 3/8,1/4.
Priorité 356 25.
CANDIDATS RÉPUBLICAAINS
MM. RANG, ancien député,
GREPPO, id.
RIBOT, ancien député.
DEVÈS, ancien ministre.
DÉROULÈDE, président de la
Ligue des patriotes.
:, HIÉLARD, ancien président des
chambres syndicales.
NOS CANDIDATS
-
Nous avions jugé inutile de donner une
listé de candidats pour l'élection de di-
manche, et il nous avait semblé suffisant
d'engager les électeurs à faire une liste de
fusion entre celles des trois ou quatre co-
mités qui, à un degré inégal, ont nos sym-
pathies.
Mais beaucoup de nos lecteurs nous ont
demandé d'indiquer comment, à notre
avis, cette fusion devait être faite et nous
n'hésitons plus à leur proposer et à leur
recommander la liste qui figure en tête
de nos colonnes.
C'est une liste de conciliation, qui réu-
nit des hommesd'opinions un peu diverses,
mais dont l'union nous parait nécessaire
pour résister aux tentatives monarchiques
et aux folies de l'Extrême-Gauche.
Nous l'avons arrêtée ce soir, avec quel-
ques amis politiques.
Demain, nous parlerons de chacun des
candidats que nous proposons. ;
HENRY FOUQUIER.
SOMMAIRE
Dernière heure.
La Vérité sur Langson — Louis HENRIQUE.
Journée de Paris — FORTUNIO.
Les Grandes Premières. — HENRY FOUQUIER:
Informations particulières.
La Guerre. ,.
Le Banquet de l'Alliance républicaine. -
PAUL MUSSET.
La France et la Birmanie.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Rapport sur l'évacuation de Langson. -
LOUIS HBNRIQUB.
Bibliographie.
Faits divers. — JEAN VALLUÏRE.
Soirées parisiennes. — EMILE mmont.
Courrier des théitrel. - GEORGES PurDBAu.
Chronique scientifique. - Dr V. Du CLAUX.
DERNIÈRE HEURE
Le colonel Herbinger à Alger
Alger, 9 décembre.
Questionné dès son arrivé à Alger par
une personne qui s'était rendue à bord du
Comorin, le colonel Herbinger, après avoir
manifesté son étonnement de voir réveil-
ler des incidents qu'il considérait comme
définitivement clos et renouveler l'accu-
sation dont il croyait que l'ordonnance de
non-lieu rendue par le conseil de guerre
devant lequel il fut traduit au Tonkin l'a-
vàit justifié, s'est refusé à des explications
qu'il considère à la fois comme inutiles et
comme contraires au devoir professionnel :
inutiles, parce que, dit-il, il n'y a pas un
Ivrogne renforcé, fût-il atteint du delirium
tremens, qui ne se récriât avec indigna-
tion devant une semblable accusation ;
contraires au devoir professionnel, puis-
qu'il ne peut parler qu'avec l'autorisation
du ministre de la guerre et dans la mesure
de cette autorisation. Puisque la commis-
sion parlementaire des crédits du Tonkin,
après avoir entendu le général Brière de
l'Isle, a livré sa déposition à la publicité,
la même commission pourra en faire au-
tant pour la sienne, mais le colonel ne se
croit pas le droit de prévoir et de devancer
la décision de la commission.
Relativement au reproche de n'avoir pas
obéi à l'ordre du général de Négrier lui
enjoignant d'occuper une position déter-
minée, d'avoir ordonné la retraite sans
nécessité, nonobstant l'ordre de Négrier
et l'opinion des commandants Servières et
Diguet, d'avoir abandonné inutilement des
pièces d'artillerie et la caisse de l'armée,
le colonel Herbinger a répondu qu'une en-
quête sérieuse ferait connaître la vérité.
Passant à un autre ordre d'idées, le co-
lonel Herbinger croit que la question d'oc-
cupation du Tonkin sera résolue quand on
voudra, mais il faut vouloir.
Nous avons eu au début de la conquête
de l'Algérie les mêmes difficultés. Il faut
savoir au Tonkin comme ici s'assurer les
concours utiles, et ces concours, on les
obtient par l'intérêt.
Réunion de l'Association
républicaine
Un millier de personnes environ à la
réunion privée organisée hier soir à la
salle Lemardelay. Sur l'estrade, on remar-
quait MM. Develle, de Pressensé, Dietz-
Monnin, A. Bessand, Gauffrez, Tharel,
Reinach, Paul Melon, Worms et Laroze.
L'ordre du jour portait : audition des can-
didats, qui sont, on le sait., MM. Ribot,
Devès, Léveillé, Michaud, Hiélard, Charles
Dollfus (de Mulhouse).
Le discours prononcé par M. Ribot a
tenu la plus grande partie de la séance. 11
a d'abord établi que les véritables conser-
vateurs ne sont pas ceux qui veulent tout
détruire, mais des hommes politiques rai-
sonnables qui se placent sur le terrain de
la république modérée. Puis il a étudié les
points principaux du programme des in-
transigeants : la revision de la Constitution,
la question religieuse, l'impôt sur le re-
venu, la question du Tonkin. Pour l'ora-
teur, la suppression du Sénat et de la pré-
sidence de la République, dont on parle si
volontiers, doit céder le pas à des remanie-
ments bien autrement importants et en
tout cas plus facilement réalisables.
M. Ribot visait la commission des trente-
trois, et les allusions qu'il a faites à ses
travaux récents ont obtenu le plus vif
succès.
Sur les autres questions, l'orateur s'est
attaché à prouver que si certaines réformes
peuvent être théoriquement séduisantes,
elles ne 1 euvent être entreprises ni dans
un état de crise économique comme celui
que nous traversons, ni contre le senti-
ment d'une forte partie de la population.
Le programme du parti national, auquel
se rattache M. Ribot, veut le progrès par
des mesures sagement étudiées, et des so-
lutions libérales des questions qui intéres-
sent la majorité du pays.
M. Ribot a été vivement acclamé ; son
langage honnête, ferme et conciliant a pro-
duit véritablement le meilleur effet sur
l'auditoire.
Les discours de MM. Devès et Léveillé
n'ont pas été moins bien accueillis.
M. Léveillé a eu un mot charmant : par-
lant des monarchies qui se disputent le
pouvoir, il les a énumérées toutes, la mo-
narchie légitime, l'Empire, sans compter
cette « sorte de monarchie au porteur »
qui n'a ni représentant attitré ni racines
dans le pays.
MM. Michau et Hiélard ont surtout pro-
noncé des discours d'affaires. M. Dollfus
(de Mulhouse) n'a dit que quelques mots,
et l'assemblée s'est séparée en se donnant
rendez-vous pour une prochaine réunion,
publique cette fois, qui aura probable-
ment lieu au Cirque d été.
LA VERITE SUR LANGSON
Cette vérité que l'on nous avait pro-
mise avec solennité et qu'on dissimule
avec un soin jaloux depuis huit mois
éclate maintenant évidente, lumineuse.
On lira plus loin l'analyse et de nom-
breux extraits du rapport du colonel Bor-
gnis-Desbordes sur l'évacuation de Lang-
son. Ce rapport est daté du 24 avril. Il a été
publié le 9 décembre, et encore cette pu-
blication tardive n'est-elle point un acte
spontané de la part de M. le ministre de
la guerre. Depuis le mois de juin, M.
le général Campenon sait que la retraite
de Langson a été un accident de guerre
qui n'est imputable ni à l'intervention
du cabinet, ni au général commandant en
chef le corps expéditionnaire du Tonkin,
ni au général de Négrier, ni à l'indiscipline
des troupes, ni à l'ignorance de leurs chefs
immédiats ; il le sait, et lui, le gardien de
l'honneur des officiers placés sous ses or-
dres par un hasard du parlementarisme,
il laisse planer le soupçon sur tous quand
le devoir lui commandait de dégager les
responsabilités de cette lamentable affaire.
Il sait que l'opération de Langson a été
engagée librement par le seul qui eût le
droit de l'ordonner ; il sait qu'aucun
ordre n'a été envoyé de Paris pour en-
treprendre la marche sur Langson; il
sait cela comme il sait qu'il n'a tenu qu'à
un accident de guerre, la blessure du gé-
néral de Négrier, d'abord, qu'à l'insuffi-
sance du commandement ensuite, que
cette opération tant de fois désirée n'eût
le résultat qu'on en attendait, et cepen-
dant, pendant des mois et des mois, il se
tait, que dis-je? il ordonne le silence autour
de la retraite de Langson. D'un mot, il
peut calmer les esprits affolés, il peut
apaiser les passions qui s'agitent autour
de ce triste incident, le commentent, l'am-
plifient sans scrupules, l'exploitent sans
bonne fol, et il se tait.
Il se tait encore quand les partis politi-
ques, les adversaires de la République
s'emparent de l'affaire de Langson pour
s'en faire une plateforme électorale. Il a
les mains pleines de preuves et il laisse
traîner dans la boue le gouvernement dont
il a été l'un des membres, au risque de
compromettre les intérêts de la Républi-
que.
Voilà ce qui se dégage des documents
publiés, des témoignages officiels recueil-
lis ; voilà ce que l'histoire impartiale en-
registrera un jour et que l'opinion publi-
que proclame déjà bien haut.
Louis HENRIQUE.
LA JOURNEE DE PARIS
LE SYNDICAT DE LA PRESSE PARI-
SIENNE. — Le syndicat de la presse pari-
sienne s'est réuni hier et a nommé son bu-
reau pour l'année 1885-86.
Ont été élus :
Président: M. Ph. Jourde (Siècle).
Vice-président : M. Duverdy (Gazette des
tribunaux).
Secrétaire : M. Gaston Carle (Paix).
Trésorier: M. Gai (Liberté).
m
-+.
LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVO-
CATS. — L'ordre des avocats a procédé hier
à l'élection d'un des membres de son consei
en remplacement de M. Senard, décédé.
Deux tours de scrutin ont en lieu :
Votants : 280. — Majorité absolue : 141
Premier tour. — Ont obtenu :
MM. Ployer. 124 voix
Duverdy. 78 —
Philbert 20 —
» Chenal. 16 —
Lebrasseur.. 10 —
Bertin. 9 —
Second tour. — Ont obtenu :
MM. Ployer. 205 voix
Duverdy. 82 —
M. Ployer est élu membre du conseil de
l'ordre en remplacement de M. Senard.
A
LES SOIRÉES DU PRINCE VICTOR. -
Le prince Victor reprend, à partir de jeudi
prochain, ses réceptions hebdomadaires. Les
invitations viennent d'être lancées.
Chaque réception sera précédée, comme
l'année dernière, d'un diner d'une dizaine de
couverts.
Parmi les habitués de la maison du prince
Victor, on cite MM. Robert Mitchell, le duc de
Padoue, Jolibois, etc.
M. Jolibois est le chambellan tout désigné
du futur empereur.
»
* *
LE COMTE DE PARIS EN CONTRA-
VENTION. — Quand le comte de Paris sera
devenu Philippe VII, il pourra chasser sans
faire la légère dépense d'un permis. Jusque-là
la loi s'applique à lui comme au commun des
prétendants.
Un de nos confrères assure que M. le comte
et Mme la comtesse de Paris se seraient vu
réclamer par la gendarmerie le parchemin de
28 francs. Procès-verbal aurait été dressé
sur le terrain de la commune de Chante-
renne-en-Criel (Seine-Inférieure).
m
* <*
LA STATUE DE LAJFARTINE. - Nous
sommes allés voir la statue de Lamartine
dans l'atelier de M. Marquet de Vasselot.
L'artiste a reproduit avec une grande fidé-
lité la flgure du poète. Lamartine est assis
dans un fauteuil Louis XIV, tenant d'une
main un rouleau de papier; l'autre s'appuie
sur le genou. Il est vêtu de la redingote à la
mode en 1830, à haut collet, à plis flottants
et boutonnée. Le poète regarde devant lui, la
tête un peu tournée vers la gauche.
Sur un fauteuil est couché un lévrier.
a
<*- *
LES VENTES. — La vente de la biblio-
thèque théâtrale de Paul Siraudin, qui se
poursuit à la rue des Bons-Enfants depuis le
7 décembre, n'a pas donné lieu à des enchères
mouvementées. A citer seulement :
Ballets, opéras et autres ouvrages lyriques,
par le duc de La Vallière, maroquin rouge,
aux armes de Choiseul, 99 fr.
La Comédie des comédiens, par de Scudérv,
60 fr.
Théâtre de Jean Rotrou, 129 fr.
Clitandre, par Corneille, 80 fr.
— A l'hôtel Drouot, les tapisseries anciennes
ont atteint des prix très élevés.
Une série de cinq tapisseries a été vendue
4,550 fr. ; quatre autres avec paysages,
5,000 fr.
Salle 8, on a vendu une fort belle tapisserie
gothique de grande dimension, à sujets reli-
gieux, 3,500 fr.
A
LE MUSÉE GUIMET. — On sait que M.
Guimet a fait don à l'Etat de ses collections,
qui vont constituer à Paris un musée des re-
ligions comparées, ce dont enrage M. Cat-
tiaux.
M. Guimet vient d'être nommé directeur à
vie de ce musée.
M. de Milloué en est nommé conservateur.
M. Vernes d'Arlandes est attaché au même
musée à titre auxiliaire.
PORTUNIO.
LES GRANDES PREMIÈRES
THÉÂTRE DU VAUDEVILLB. - Georgette, pièce
en quatre actes, de M. V. Sardou.
Nous sortons de la première repré-
sentation du Vaudeville avec une véri-
table anxiété. La froideur incontestable
du public se changera-t-elle, comme
cela s'est vu souvent, en un accueil
chaud ? Cette froideur est-elle justifiée?
Tient-elle à la faiblesse réelle de l'œuvre
ou plutôt à Tétonnement que causent
toujours au théâtre les choses neuves
et hardies ?
Georgette est une « mère repentie. »
Il est inutile d'insister sur ceci que
le sujet a des analogies avec les Mères
repenties, de Mallefille, et avec le Fils
de Coralie, de M. Delpit. Ces analogies
ne nous ont jamais arrêté. Voulez-vous
un sujet neuf? disait, ces jours-ci, un
feuilletonniste dramatique plein de fan-
taisie et aussi de bon sens : prenez la
guerre de Troie ! Le théâtre vit de su-
jets rajeunis, et la façon dont les choses
sont exposées et discutées y est pour
tout. Résumons donc l'histoire de Geor-
gette, sans nous arrêter à son ancien-
neté. Georgette est une fille du peuple
qui a mal tourné. Au cours de ses aven-
tures, aimée d'un galant homme qui avait
même pensé à l'épouser, elle a eu une
fille. Dès lors, elle a changé de vie et a
fait une fin brillante, en devenant la
femme pour de vrai d'un vieil Anglais
riche et philosophe. C'est donc, au le-
ver du rideau, lady Cardington que nous
voyons reçue dans le salon de la com-
tesse de Chabreuil, avec sa fille Paula.
Cette fille, à qui on a fabriqué un état-
civil de fantaisie en lui donnant un
comte italien pour père, est même de-
venue l'amie intime d'une nièce adoptée
par Mme de Chabreuil, la pure Aurore.
Elle est, de plus, aimée par le jeune
Gontran de Chabreuil, qui devait d'a-
bord épouser sa cousine, mais qui lui
préfère vite Paula. Celle-ci aime Gon-
tran, et les jeunes gens, après s'être fian-
cés d'eux-mêmes, à l'américaine, de-
mandent enfin l'agrément de leurs fa-
milles.
C'est alors qu'intervient l'oncle de
Gontran, Clavel de Chabreuil, officier
en congé qui est venu chez sa sœur.
On s'adresse à lui pour avoir des ren-
seignements un peu précis sur lady Ça-
dington. Les familles se sont liées par
la camaraderie de pension des jeunes
filles et Clavel a appris la liaison en
arrivant chez sa sœur. Il ne dit d'abord
rien, à la demande de Georgette. Cepen-
dant il sait à quoi s'en tenir sur l'irré-
prochable lady. Il la tutoie dans l'intimité,
ce qui est de trop. Il a été l'ami de son
amant : bref, il n'ignore rien de sa vie.
Interrogé, il dit tout. Car il n'a promis
le secret à son amie que pour lui per-
mettre de faire retraite et il ne pré-
voyait pas l'amour des jeunes gens.
Mme de Chabreuil refuse à son fils
l'autorisation d'épouser - Paula. Et ici,
dans la pièce, s'ouvre et se dénoue, en un
acte et demi, une autre pièce admirable.
Tout le monde est d'accord pour cacher à
Paula le secret de l'indignité de sa mère.
Et une série de hasards, une scène mer-
veilleuse d'interrogatoire d'une vieille
gouvernante, mettent Paula au courant
de la situation. Il y a là, je le répète,
une autre pièce, d'une intensité, d'une
émotion superbes. Malheureusement,
le sujet principal est dans le problème
posé par l'auteur à propos du mariage
de Gontran et de Paula. La question est
longuement et éloquemment plaidée par
Gontran, qui parle au nom de sa pas-
sion, et par Mme de Chabreuil, qui ri-
poste au nom de la dignité de la famille.
Clavel résume les1 plaidoiries et ne con-
clut pas. Il n'y a pas de solution, dit-il.
Le diable est que l'absence de solution,
c'est, dans nos habitudes dramatiques,
le manque de pièce 1 1
En effet, après le beau troisième acte,
tout plein de la douleur de Paula, ar-
rive un quatrième acte qui ne nous ap-
porte qu'un dénouement négatif. Mme
de Chabreuil, qui y a mis vraiment beau-
coup du sien, a consenti au mariage à
condition que Georgette ira vivre dans
ses terres, en Angleterre, où sa fille ira
la visiter tous les ans. Mais Paula s'in-
digne de ces conditions faites et, - de
même que Gontran ne veut pas sacrifier
à son amour le respect et l'obéissance
qu'il doit à sa mère, elle refuse de lui sa-
crifier l'affection qu'elle a vouée à la
sienne. Les amoureux se disent un éter-
nel adieu, et on nous laisse entrevoir
que Paula épousera quelque jour Clavel,
qui est libre de tout lien de famille.
Ce dénouement n'a pas plu, pour di-
verses raisons. Il est triste. Puis il ne
parait pas tout à fait nécessaire, la fa-
mille de Gontran ayant fait à Georgette
des conditions assez acceptables et
ayant poussé loin le désir de concilia-
tion. Enfin, comme Bérénice, le drame
se termine par une séparation re-
grettée de part et d'autre, sans éclat,
et, disent les gens du métier, cette
façon de terminaison, si ordinaire aux
choses de la vie, n'est pas du théâtre.
Je ne sais pas si, sur ce point, ce
n'est pas nous qui avons tort et si
nous ne devons pas nous habituer à
voir les drames se finir naturellement,
selon la logique sociale. Ce dénoue-
ment si simple, à la rigueur, peut pas-
ser pour une hardiesse. Mais ce qui
nous laisse inquiets surtout et mé-
contents, c'est que l'auteur aborde
un terrible problème de morale et le
laisse sans solution dans notre es-
prit. Il oppose la justice absolue, la pas-
sion noble et pure à la justice relative
du monde, à ses « convenances », à
ses lois aussi. Il nous montre une fois
de plus la société tolérant l'adultère,
les mariages d'argent qui sont des mar-
chés, mais n'acceptant pas une pauvre
créature repentie, qui a bravé ses lois
ouvertement, sans leur rendre l'hom-
mage de l'hypocrisie que le vice, a dit
La Rochefoucauld, rend à la vertu. Bref,
il oppose la morale du monde à la mo-
rale chrétienne. Mais il ne prend pas
parti et de là vient, je crois, la froideur
de l'œuvre. Et il ne nous présente pas
même les choses de telle façon que nous
puissions prendre parti, si bien que
nous voilà rentrés chez nous, irrités
d'avoir constaté que tant de braves gens
ou de gens sympathiques n'ont pu ar-
river à s'entendre et malheureux du
malheur qui les attend !
Georgeite, où l'on retrouve, en un
acte et demi au moins, toutes les qua-
lités de M. Sardou, est admirablement
jouée. Cette pièce a été pour Mlle
Brandès, dont le rôle est charmant,
l'occasion d'un grand triomphe que nous
avions dès longtemps prédit. La scène
où elle apprend son malheur, son déses-
poir, sa résolution, offrent une suite d'in-
cidents et un exposé de passions et
de sentiments divers tout à fait remar-
quables. M. Dupuis joue avec sa science
ordinaire un rôle un peu monotone de
situation, car il est l'arrangeur de toute
chose et n'arrange, en définitive, rien.
Aurore a servi de début à une ingénue
excellente, Mlle Dharcourt, pleine de
bonne grâce. Mme Teissandier est fort
belle dans Georgette, Mme Fromentin
très convenable dans la comtesse. Il m'a
semblé que M. Montigny était un amou-
reux un peu froid. Mais, s'il était trop
chaud, il ne serait plus respectueux, et
la thèse craquerait 1
En somme, Georgette est une œuvre
intéressante, qui donne fort à réfléchir.
Mais, encore une fois, il se peut que le
drame, au moins dans nos habitudes,
veuille des partis pris plus nets et une
action plus décisive.
HENRY FOUQUIRR.
INFORMATIONS PARTICl]LIÈRES
Le Tonkia et le Congrès
Le conseil de cabinet qui doit se réunir,
ce matin, place Vendôme, sera particuliè-
rement intéressant. Les ministres arrête-
ront, en effet, leur ligne de conduite défini-
tive au sujet de la question du Tonkin et
de la date de la réunion du Congrès.
Contrairement aux nouvelles données
par différents journaux, le ministère n'a
nullementl'intention de renvoyerau 15 jan-
vier l'élection du président de la Républi-
que. Il est décidé, au contraire, à faire tous
ses efforts pour que la tenue du Congrès
ait lieu avant les fêtes de la Noël. Seule-
ment, la situation est celle-ci : d'une part,
le gouvernement ne veut aller au Congrès
qu'après le vote par le Parlement des cré-
dits pour le Tonkin ; il estime qu'il doit se
présenter à l'Assemblée de Versailles non
comme un condamné à mort, mais comme
un ministère ayant toute la confiance des
Chambres ; d'autre part, la commission des
crédits voudrait ajourner le débat sur la
politique coloniale jusqu'après la réunion
du Congrès ; elle ne néglige rien pour at-
teindre ce résultat et a recours à toute
sorte de procédés dilatoires pour ne dépo-
ser son rapport que le plus tard possible,
après la Noël s'il y avait moyen.
Dans ces conditions, et comme le con-
flit menace de se prolonger, le gouverne-
ment songerait à demander à la Chambre
de le trancher. Le conseil de cabinet se
prononcera vraisemblablement, ce matin,
pour l'adoption de la procédure suivante :
M. Brisson monterait à la tribune soit au-
jourd'hui soit après-demain samedi, pour
expliquer à la Chambre les difficultés
créées au gouvernement par les len-
teurs de la commission du Tonkin. Il expo-
serait que ces lenteurs systématiques, si
elles continuaient, pourraient avoir l'in-
convénient grave de retarder la réunion du
Congrès jusqu'au 15 janvier, ce qui serait
contraire à l'esprit de la Constitution. La
Constitution n'a indiqué cette date du
15 janvier, pour la réunion d'office de
l'Assemblée nationale, qu'en prévision
d'une situation sinon révolutionnaire, tout
au moins anormale. En conséquence, M.
Brisson demanderait à la Chambre d'arrê-
ter, séance tenante, une date fixe pour la
discussion des crédits relatifs au Tonkin
et à Madagascar. Il insisterait pour que le
débat eût lieu vers le milieu de la semaine
prochaine. Si la Chambre, ce qui paraît
problable, donnait raison au président du
conseil, la commission du Tonkin se trou-
verait ainsi mise en demeure de hâter ses
travaux et de faire connaitre le plus tôt
possible ses conclusions.
En admettant le succès du projet du gou-
vernement, la Chambre pourrait commen-
cer jeudi prochain 17 décembre la dis-
cussion de la demande de crédits. Le dé-
bat s'étendra, croit-on, sur trois ou quatre
séances. Mais, dans tous les cas, il serait
possible de le clore lelundi soir 21 décem-
bre. Le Congrès se réunirait alors le len-
demain, mardi 22 décembre.
Quant au Sénat, il examinerait les cré-
dits entre les fêtes de la Noël et le jour de
l'an.
Les élections contestées
La Chambre n'a plus à vérifier que les
pouvoirs des députés élus les 4 et 18 octo-
bre par les départements de l'Ardèche,
des Landes, de la Lozère et du Haut-Rhin.
La discussion de ces élections aura lieu
cette semaine ou au commencement de la
semaine prochaine.
D'après ce qu'on racontait hier dans les
couloirs du Palais-Bourbon, les adversai-
res du cabinet auraient l'intention de pro-
fiter de ce débat pour diriger contre M.
Allain-Targé, ministre de l'intérieur, des
attaques de nature à rendre très difficile
son maintien aux affaires.
On ierait, à propos des élections de la
Lozère et de l'Ardèche, le procès des fonc-
tionnaires, de la République qui n'ont pas
suffisamment défendu pendant la période
électorale les institutions établies.
Le cinquième bureau s'est prononcé
hier, par 19 voix contre 18, pour l'invali-
dation des élections des Landes.
La - commission - des - crédits
La commission des crédits a consacré
hier une heure à un travail de recolement
des dépêches échangées entre M. Jules
Ferry et le général Brière de l'Isle. Le ré-
sultat de ce travail s'est traduit par la dé-
couverte que quelques phrases des dépê-
ches du général Brière de l'Isle n'avaient
pas été portées par M. Jules Ferry à la con-
naissance du Parlement et du pays. Voici
les passages supprimés :
A la date du 24 mars, le général de Né-
grier télégraphiait que ses efforts avaient
échoué à Bang-Bo, devant « des attaques
enveloppantes dont les effectifs croissent
sans cesse. » Il continuait en disant : « Je
n'ai pu me dégager qu'avec peine. » Il an-
nonçait ensuite qu'il avait eu trois cents
tués ou blessés. M. Jules Ferry n'avait
parlé que de deux cents tués ou blessés.
Le général de Négrier ajoutait :
« Le IIIe de ligne a perdu tous ses
sacs. Il est complètement hors d'état
d'être remis en ligne. L'ennemi a des for-
ces telles que je suis obligé de me repor-
ter sur Langson et il faut prévoir de
graves événements. » Le général Brière de
l'Isle faisait suivre le télégramme du gé-
néral de Négrier des réflexions que voici :
« Je suis obligé d'arrêter l'offensive que je
me disposais à prendre sur leSong-Koï.Ma
place est à Hanoï et à Hong-Hoa, pour faire
face, avec la flottille et le restant de mes
forces, à toute éventualité et pour fournir
au général de Négrier par tous les moyens
héroïques des vivres et des munitions. »
Pour juger du cas, il faut ne pas oublier
que les Chinois recevaient télégraphique-
ment toutes les nouvelles de Paris.
Telles sont les dépêches supprimées.
Les rapports de MM. Andrieux et Pichon
n'étant pas encore prêts, la commission a
abordé ensuite la discussion générale des
crédits demandés par le gouvernement:
M. Raoul Duval. — Ce qui doit dominer la
discussion, c'est de savoir si nous devons de-
mander à la Chambre de continuer la politi-
que coloniale qui nous a conduits où nous
sommes. Pour moi, je ne sacrifierai jamais
l'intérêt français à l'intérêt colonial. Au point ,
de vue commercial, nous n'avons rien à ga-
gner en Extrême-Orient. Après vingt-cinq ans
d'occupation, la Cochinchine nous coûte en-
viron 20 millions par an. Le Tonkin n'a pas
de ports et nous n'avons aucun avantage à
l'occuper. Notre devoir strict est de déclarer
que nous ne pouvons accorder au gouverne-
ment les crédits qu'il demande.
M. Granet. — Je partage l'avis de M. Raoul
Duval sur le fond de la question, mais je
n'arrive pas exactement aux mêmes conclu-
sions. Il faut préciser la politique qui se dé-
gagera du vote de la Chambre. En ce moment
on fait de la politique d'amour-propre. La
politique coloniale en soi est jugée et con-
damnée. L'entreprise du Tonkin est un leurre
et la question des crédits n'existe pour ainsi
dire pas. Il faut savoir ce qu'on fera au Ton-
kin. Je ne crois pas qu'on puisse y rester,
qu'on puisse dépenser 100, 150 ou 200 mil-
lions par an au Tonkin. Ce serait la banque-
route du gouvernement républicain qui a tant
de réformes intérieures à accomplir. Il faut
traiter de nouveau avec la Chine qui 'ne se
désintéresse pas du tout des affaires du Ton-
kin où elle nous combat encore en dessous.
Je voterai des crédits, mais dans une mesure
limitée, à condition qu'ils serviront à ravi-
tailler et à rappeler les troupes et que la po-
litique de M. Jules Ferry sera irrévocablement
condamnée.
M. Delafosse. — Je suis de l'avis de M.
Raoul Duval. Je suis partisah du refus total
des crédits, puisque le gouvernement a lié à
ce vote l'approbation d'une politique désas-
treuse.
M. Andrieux. — Comment pourrait-on at-
tribuer au vote des crédits le sens d'une con-
damnation de la politique coloniale ?
M. Pelletan. — Il y a deux questions : la
condamnation de la politique gouvernemen-
tale et la meilleure façon de la condamner. -IL.
faut d'abord entendre les partisans de cette
politique, puis la majorité de la commission
se prononcera. Pour condamner la politique
du gouvernement, on pourrait proposer un
chiffre de crédits inférieur à celui qui nous est
demandé.
M. Ballue. — Il y a de grands avantages à
posséder le Tonkin. Pour le moment, je ne
fais que des réserves sur les décisions que
prendra la commission. Je m'expliquerai de-
vant la Chambre.
MM. Albert Ferry, Thomson et Casimir-
Perier souscrivent à cette déclaration.
A une question de M. Delafosse, M. Bal-
lue a répondu qu'il y avait très grande ur-
gence à prendre une résolution.
M. Rochefort. — M. Ballue croit-il que,
dans l'état de l'Europe, on puisse dépenser
en France 100 millions pour le Tonkin et im-
mobiliser 50,000 hommes?
M. Ballue. — Je me place en denors de la
question politique. S'il était démontré que le
Tonkin coûte des sacrifices financiers entraî-
nant des embarras budgétaires et un affai-
blissement des forces défensives de la France,
je ne penserais pas de même. Mais il n'en est
pas ainsi. On trouvera l'amortissement du ca-
pital déjà engagé dans les ressources finan-
cières du Tonkin. Quant à l'armée, elle ne
sera pas affaiblie parce que 6,000 hommes oc-
cuperont le Tonkin.
M. Pelletan. — Que la minorité nous dise
sur quoi elle se base pour croire aux avanta-
ges de l'occupation.
M. Ballue. — Je n'espère pas faire reve-
nir la majorité de la commission sur des opi-
nions arrêtées. A la Chambre, il n'en sera
peut-être pas de même. Il est inutile d'enga-
ger un débat qui se produira forcément en
séance publique.
M. Thomson. — Je m'associe à cette décla-
ration. La Chambre appréciera.
M. Rochefort. — Sur quels passages des
déclarations recueillies s'appuient MM. Bal-
lue, Thomson et leurs amis ?
M. Thomson. — La discussion est impos-
sible avec les chiffres énormes énoncés par
les précédents orateurs, chiffres nullement
conformes aux dépositions entendues. C'est
l'évacuation qui coûterait des millions.
M. Pelletan. — Je prends acte de l'attitude
de la minorité de la commission qui refuse de
discuter.
M. Thomson. — Je persiste dans mon opi-
nion.
M. Casimir-Perier. — Je suis prêt à justi-
fier les chiffres de mon rapport qui résultent
de documents officiels et ide tous les témoi-
gnages entendus, tandis que l'on ne connaît
pas les sources où les adversaires de la poli-
tique gouvernementale vont puiser leurs in-
formations.
MM. Andrieux et Dreyfus ont alors pro-
posé l'ajournement de la discussion afin
d'entendre les rapports des sous-commis
sions qui n'ont pas encore été lus et de
vérifier les chiffres de M. Casimir-Perier.
Cette proposition a été adoptée.
La commission a décidé ensuite que, dans
le cas où la séance qui sera tenue cette
après-midi ne suffisait pas pour clore la
discussion générale et nommer le rappor-
teur, elle tiendrait ce soir une séance de
nuit.
Le début de la séance de la commission
avait été marqué par une discussion en-
tre MM. Ballue et Pelletan sur le chiffre
des pertes éprouvées au Tonkin, les docu-
ments produits étant insuffisants et même
inexacts.
Prix du numéro à Paris ; M centime - Départements : 2Q centimes
Jeudi 10 Décembre 1885
LE XIX1 SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Panama. 400.
Hongrois 81 1/8, 3/8,1/4.
Priorité 356 25.
CANDIDATS RÉPUBLICAAINS
MM. RANG, ancien député,
GREPPO, id.
RIBOT, ancien député.
DEVÈS, ancien ministre.
DÉROULÈDE, président de la
Ligue des patriotes.
:, HIÉLARD, ancien président des
chambres syndicales.
NOS CANDIDATS
-
Nous avions jugé inutile de donner une
listé de candidats pour l'élection de di-
manche, et il nous avait semblé suffisant
d'engager les électeurs à faire une liste de
fusion entre celles des trois ou quatre co-
mités qui, à un degré inégal, ont nos sym-
pathies.
Mais beaucoup de nos lecteurs nous ont
demandé d'indiquer comment, à notre
avis, cette fusion devait être faite et nous
n'hésitons plus à leur proposer et à leur
recommander la liste qui figure en tête
de nos colonnes.
C'est une liste de conciliation, qui réu-
nit des hommesd'opinions un peu diverses,
mais dont l'union nous parait nécessaire
pour résister aux tentatives monarchiques
et aux folies de l'Extrême-Gauche.
Nous l'avons arrêtée ce soir, avec quel-
ques amis politiques.
Demain, nous parlerons de chacun des
candidats que nous proposons. ;
HENRY FOUQUIER.
SOMMAIRE
Dernière heure.
La Vérité sur Langson — Louis HENRIQUE.
Journée de Paris — FORTUNIO.
Les Grandes Premières. — HENRY FOUQUIER:
Informations particulières.
La Guerre. ,.
Le Banquet de l'Alliance républicaine. -
PAUL MUSSET.
La France et la Birmanie.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Rapport sur l'évacuation de Langson. -
LOUIS HBNRIQUB.
Bibliographie.
Faits divers. — JEAN VALLUÏRE.
Soirées parisiennes. — EMILE mmont.
Courrier des théitrel. - GEORGES PurDBAu.
Chronique scientifique. - Dr V. Du CLAUX.
DERNIÈRE HEURE
Le colonel Herbinger à Alger
Alger, 9 décembre.
Questionné dès son arrivé à Alger par
une personne qui s'était rendue à bord du
Comorin, le colonel Herbinger, après avoir
manifesté son étonnement de voir réveil-
ler des incidents qu'il considérait comme
définitivement clos et renouveler l'accu-
sation dont il croyait que l'ordonnance de
non-lieu rendue par le conseil de guerre
devant lequel il fut traduit au Tonkin l'a-
vàit justifié, s'est refusé à des explications
qu'il considère à la fois comme inutiles et
comme contraires au devoir professionnel :
inutiles, parce que, dit-il, il n'y a pas un
Ivrogne renforcé, fût-il atteint du delirium
tremens, qui ne se récriât avec indigna-
tion devant une semblable accusation ;
contraires au devoir professionnel, puis-
qu'il ne peut parler qu'avec l'autorisation
du ministre de la guerre et dans la mesure
de cette autorisation. Puisque la commis-
sion parlementaire des crédits du Tonkin,
après avoir entendu le général Brière de
l'Isle, a livré sa déposition à la publicité,
la même commission pourra en faire au-
tant pour la sienne, mais le colonel ne se
croit pas le droit de prévoir et de devancer
la décision de la commission.
Relativement au reproche de n'avoir pas
obéi à l'ordre du général de Négrier lui
enjoignant d'occuper une position déter-
minée, d'avoir ordonné la retraite sans
nécessité, nonobstant l'ordre de Négrier
et l'opinion des commandants Servières et
Diguet, d'avoir abandonné inutilement des
pièces d'artillerie et la caisse de l'armée,
le colonel Herbinger a répondu qu'une en-
quête sérieuse ferait connaître la vérité.
Passant à un autre ordre d'idées, le co-
lonel Herbinger croit que la question d'oc-
cupation du Tonkin sera résolue quand on
voudra, mais il faut vouloir.
Nous avons eu au début de la conquête
de l'Algérie les mêmes difficultés. Il faut
savoir au Tonkin comme ici s'assurer les
concours utiles, et ces concours, on les
obtient par l'intérêt.
Réunion de l'Association
républicaine
Un millier de personnes environ à la
réunion privée organisée hier soir à la
salle Lemardelay. Sur l'estrade, on remar-
quait MM. Develle, de Pressensé, Dietz-
Monnin, A. Bessand, Gauffrez, Tharel,
Reinach, Paul Melon, Worms et Laroze.
L'ordre du jour portait : audition des can-
didats, qui sont, on le sait., MM. Ribot,
Devès, Léveillé, Michaud, Hiélard, Charles
Dollfus (de Mulhouse).
Le discours prononcé par M. Ribot a
tenu la plus grande partie de la séance. 11
a d'abord établi que les véritables conser-
vateurs ne sont pas ceux qui veulent tout
détruire, mais des hommes politiques rai-
sonnables qui se placent sur le terrain de
la république modérée. Puis il a étudié les
points principaux du programme des in-
transigeants : la revision de la Constitution,
la question religieuse, l'impôt sur le re-
venu, la question du Tonkin. Pour l'ora-
teur, la suppression du Sénat et de la pré-
sidence de la République, dont on parle si
volontiers, doit céder le pas à des remanie-
ments bien autrement importants et en
tout cas plus facilement réalisables.
M. Ribot visait la commission des trente-
trois, et les allusions qu'il a faites à ses
travaux récents ont obtenu le plus vif
succès.
Sur les autres questions, l'orateur s'est
attaché à prouver que si certaines réformes
peuvent être théoriquement séduisantes,
elles ne 1 euvent être entreprises ni dans
un état de crise économique comme celui
que nous traversons, ni contre le senti-
ment d'une forte partie de la population.
Le programme du parti national, auquel
se rattache M. Ribot, veut le progrès par
des mesures sagement étudiées, et des so-
lutions libérales des questions qui intéres-
sent la majorité du pays.
M. Ribot a été vivement acclamé ; son
langage honnête, ferme et conciliant a pro-
duit véritablement le meilleur effet sur
l'auditoire.
Les discours de MM. Devès et Léveillé
n'ont pas été moins bien accueillis.
M. Léveillé a eu un mot charmant : par-
lant des monarchies qui se disputent le
pouvoir, il les a énumérées toutes, la mo-
narchie légitime, l'Empire, sans compter
cette « sorte de monarchie au porteur »
qui n'a ni représentant attitré ni racines
dans le pays.
MM. Michau et Hiélard ont surtout pro-
noncé des discours d'affaires. M. Dollfus
(de Mulhouse) n'a dit que quelques mots,
et l'assemblée s'est séparée en se donnant
rendez-vous pour une prochaine réunion,
publique cette fois, qui aura probable-
ment lieu au Cirque d été.
LA VERITE SUR LANGSON
Cette vérité que l'on nous avait pro-
mise avec solennité et qu'on dissimule
avec un soin jaloux depuis huit mois
éclate maintenant évidente, lumineuse.
On lira plus loin l'analyse et de nom-
breux extraits du rapport du colonel Bor-
gnis-Desbordes sur l'évacuation de Lang-
son. Ce rapport est daté du 24 avril. Il a été
publié le 9 décembre, et encore cette pu-
blication tardive n'est-elle point un acte
spontané de la part de M. le ministre de
la guerre. Depuis le mois de juin, M.
le général Campenon sait que la retraite
de Langson a été un accident de guerre
qui n'est imputable ni à l'intervention
du cabinet, ni au général commandant en
chef le corps expéditionnaire du Tonkin,
ni au général de Négrier, ni à l'indiscipline
des troupes, ni à l'ignorance de leurs chefs
immédiats ; il le sait, et lui, le gardien de
l'honneur des officiers placés sous ses or-
dres par un hasard du parlementarisme,
il laisse planer le soupçon sur tous quand
le devoir lui commandait de dégager les
responsabilités de cette lamentable affaire.
Il sait que l'opération de Langson a été
engagée librement par le seul qui eût le
droit de l'ordonner ; il sait qu'aucun
ordre n'a été envoyé de Paris pour en-
treprendre la marche sur Langson; il
sait cela comme il sait qu'il n'a tenu qu'à
un accident de guerre, la blessure du gé-
néral de Négrier, d'abord, qu'à l'insuffi-
sance du commandement ensuite, que
cette opération tant de fois désirée n'eût
le résultat qu'on en attendait, et cepen-
dant, pendant des mois et des mois, il se
tait, que dis-je? il ordonne le silence autour
de la retraite de Langson. D'un mot, il
peut calmer les esprits affolés, il peut
apaiser les passions qui s'agitent autour
de ce triste incident, le commentent, l'am-
plifient sans scrupules, l'exploitent sans
bonne fol, et il se tait.
Il se tait encore quand les partis politi-
ques, les adversaires de la République
s'emparent de l'affaire de Langson pour
s'en faire une plateforme électorale. Il a
les mains pleines de preuves et il laisse
traîner dans la boue le gouvernement dont
il a été l'un des membres, au risque de
compromettre les intérêts de la Républi-
que.
Voilà ce qui se dégage des documents
publiés, des témoignages officiels recueil-
lis ; voilà ce que l'histoire impartiale en-
registrera un jour et que l'opinion publi-
que proclame déjà bien haut.
Louis HENRIQUE.
LA JOURNEE DE PARIS
LE SYNDICAT DE LA PRESSE PARI-
SIENNE. — Le syndicat de la presse pari-
sienne s'est réuni hier et a nommé son bu-
reau pour l'année 1885-86.
Ont été élus :
Président: M. Ph. Jourde (Siècle).
Vice-président : M. Duverdy (Gazette des
tribunaux).
Secrétaire : M. Gaston Carle (Paix).
Trésorier: M. Gai (Liberté).
m
-+.
LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVO-
CATS. — L'ordre des avocats a procédé hier
à l'élection d'un des membres de son consei
en remplacement de M. Senard, décédé.
Deux tours de scrutin ont en lieu :
Votants : 280. — Majorité absolue : 141
Premier tour. — Ont obtenu :
MM. Ployer. 124 voix
Duverdy. 78 —
Philbert 20 —
» Chenal. 16 —
Lebrasseur.. 10 —
Bertin. 9 —
Second tour. — Ont obtenu :
MM. Ployer. 205 voix
Duverdy. 82 —
M. Ployer est élu membre du conseil de
l'ordre en remplacement de M. Senard.
A
LES SOIRÉES DU PRINCE VICTOR. -
Le prince Victor reprend, à partir de jeudi
prochain, ses réceptions hebdomadaires. Les
invitations viennent d'être lancées.
Chaque réception sera précédée, comme
l'année dernière, d'un diner d'une dizaine de
couverts.
Parmi les habitués de la maison du prince
Victor, on cite MM. Robert Mitchell, le duc de
Padoue, Jolibois, etc.
M. Jolibois est le chambellan tout désigné
du futur empereur.
»
* *
LE COMTE DE PARIS EN CONTRA-
VENTION. — Quand le comte de Paris sera
devenu Philippe VII, il pourra chasser sans
faire la légère dépense d'un permis. Jusque-là
la loi s'applique à lui comme au commun des
prétendants.
Un de nos confrères assure que M. le comte
et Mme la comtesse de Paris se seraient vu
réclamer par la gendarmerie le parchemin de
28 francs. Procès-verbal aurait été dressé
sur le terrain de la commune de Chante-
renne-en-Criel (Seine-Inférieure).
m
* <*
LA STATUE DE LAJFARTINE. - Nous
sommes allés voir la statue de Lamartine
dans l'atelier de M. Marquet de Vasselot.
L'artiste a reproduit avec une grande fidé-
lité la flgure du poète. Lamartine est assis
dans un fauteuil Louis XIV, tenant d'une
main un rouleau de papier; l'autre s'appuie
sur le genou. Il est vêtu de la redingote à la
mode en 1830, à haut collet, à plis flottants
et boutonnée. Le poète regarde devant lui, la
tête un peu tournée vers la gauche.
Sur un fauteuil est couché un lévrier.
a
<*- *
LES VENTES. — La vente de la biblio-
thèque théâtrale de Paul Siraudin, qui se
poursuit à la rue des Bons-Enfants depuis le
7 décembre, n'a pas donné lieu à des enchères
mouvementées. A citer seulement :
Ballets, opéras et autres ouvrages lyriques,
par le duc de La Vallière, maroquin rouge,
aux armes de Choiseul, 99 fr.
La Comédie des comédiens, par de Scudérv,
60 fr.
Théâtre de Jean Rotrou, 129 fr.
Clitandre, par Corneille, 80 fr.
— A l'hôtel Drouot, les tapisseries anciennes
ont atteint des prix très élevés.
Une série de cinq tapisseries a été vendue
4,550 fr. ; quatre autres avec paysages,
5,000 fr.
Salle 8, on a vendu une fort belle tapisserie
gothique de grande dimension, à sujets reli-
gieux, 3,500 fr.
A
LE MUSÉE GUIMET. — On sait que M.
Guimet a fait don à l'Etat de ses collections,
qui vont constituer à Paris un musée des re-
ligions comparées, ce dont enrage M. Cat-
tiaux.
M. Guimet vient d'être nommé directeur à
vie de ce musée.
M. de Milloué en est nommé conservateur.
M. Vernes d'Arlandes est attaché au même
musée à titre auxiliaire.
PORTUNIO.
LES GRANDES PREMIÈRES
THÉÂTRE DU VAUDEVILLB. - Georgette, pièce
en quatre actes, de M. V. Sardou.
Nous sortons de la première repré-
sentation du Vaudeville avec une véri-
table anxiété. La froideur incontestable
du public se changera-t-elle, comme
cela s'est vu souvent, en un accueil
chaud ? Cette froideur est-elle justifiée?
Tient-elle à la faiblesse réelle de l'œuvre
ou plutôt à Tétonnement que causent
toujours au théâtre les choses neuves
et hardies ?
Georgette est une « mère repentie. »
Il est inutile d'insister sur ceci que
le sujet a des analogies avec les Mères
repenties, de Mallefille, et avec le Fils
de Coralie, de M. Delpit. Ces analogies
ne nous ont jamais arrêté. Voulez-vous
un sujet neuf? disait, ces jours-ci, un
feuilletonniste dramatique plein de fan-
taisie et aussi de bon sens : prenez la
guerre de Troie ! Le théâtre vit de su-
jets rajeunis, et la façon dont les choses
sont exposées et discutées y est pour
tout. Résumons donc l'histoire de Geor-
gette, sans nous arrêter à son ancien-
neté. Georgette est une fille du peuple
qui a mal tourné. Au cours de ses aven-
tures, aimée d'un galant homme qui avait
même pensé à l'épouser, elle a eu une
fille. Dès lors, elle a changé de vie et a
fait une fin brillante, en devenant la
femme pour de vrai d'un vieil Anglais
riche et philosophe. C'est donc, au le-
ver du rideau, lady Cardington que nous
voyons reçue dans le salon de la com-
tesse de Chabreuil, avec sa fille Paula.
Cette fille, à qui on a fabriqué un état-
civil de fantaisie en lui donnant un
comte italien pour père, est même de-
venue l'amie intime d'une nièce adoptée
par Mme de Chabreuil, la pure Aurore.
Elle est, de plus, aimée par le jeune
Gontran de Chabreuil, qui devait d'a-
bord épouser sa cousine, mais qui lui
préfère vite Paula. Celle-ci aime Gon-
tran, et les jeunes gens, après s'être fian-
cés d'eux-mêmes, à l'américaine, de-
mandent enfin l'agrément de leurs fa-
milles.
C'est alors qu'intervient l'oncle de
Gontran, Clavel de Chabreuil, officier
en congé qui est venu chez sa sœur.
On s'adresse à lui pour avoir des ren-
seignements un peu précis sur lady Ça-
dington. Les familles se sont liées par
la camaraderie de pension des jeunes
filles et Clavel a appris la liaison en
arrivant chez sa sœur. Il ne dit d'abord
rien, à la demande de Georgette. Cepen-
dant il sait à quoi s'en tenir sur l'irré-
prochable lady. Il la tutoie dans l'intimité,
ce qui est de trop. Il a été l'ami de son
amant : bref, il n'ignore rien de sa vie.
Interrogé, il dit tout. Car il n'a promis
le secret à son amie que pour lui per-
mettre de faire retraite et il ne pré-
voyait pas l'amour des jeunes gens.
Mme de Chabreuil refuse à son fils
l'autorisation d'épouser - Paula. Et ici,
dans la pièce, s'ouvre et se dénoue, en un
acte et demi, une autre pièce admirable.
Tout le monde est d'accord pour cacher à
Paula le secret de l'indignité de sa mère.
Et une série de hasards, une scène mer-
veilleuse d'interrogatoire d'une vieille
gouvernante, mettent Paula au courant
de la situation. Il y a là, je le répète,
une autre pièce, d'une intensité, d'une
émotion superbes. Malheureusement,
le sujet principal est dans le problème
posé par l'auteur à propos du mariage
de Gontran et de Paula. La question est
longuement et éloquemment plaidée par
Gontran, qui parle au nom de sa pas-
sion, et par Mme de Chabreuil, qui ri-
poste au nom de la dignité de la famille.
Clavel résume les1 plaidoiries et ne con-
clut pas. Il n'y a pas de solution, dit-il.
Le diable est que l'absence de solution,
c'est, dans nos habitudes dramatiques,
le manque de pièce 1 1
En effet, après le beau troisième acte,
tout plein de la douleur de Paula, ar-
rive un quatrième acte qui ne nous ap-
porte qu'un dénouement négatif. Mme
de Chabreuil, qui y a mis vraiment beau-
coup du sien, a consenti au mariage à
condition que Georgette ira vivre dans
ses terres, en Angleterre, où sa fille ira
la visiter tous les ans. Mais Paula s'in-
digne de ces conditions faites et, - de
même que Gontran ne veut pas sacrifier
à son amour le respect et l'obéissance
qu'il doit à sa mère, elle refuse de lui sa-
crifier l'affection qu'elle a vouée à la
sienne. Les amoureux se disent un éter-
nel adieu, et on nous laisse entrevoir
que Paula épousera quelque jour Clavel,
qui est libre de tout lien de famille.
Ce dénouement n'a pas plu, pour di-
verses raisons. Il est triste. Puis il ne
parait pas tout à fait nécessaire, la fa-
mille de Gontran ayant fait à Georgette
des conditions assez acceptables et
ayant poussé loin le désir de concilia-
tion. Enfin, comme Bérénice, le drame
se termine par une séparation re-
grettée de part et d'autre, sans éclat,
et, disent les gens du métier, cette
façon de terminaison, si ordinaire aux
choses de la vie, n'est pas du théâtre.
Je ne sais pas si, sur ce point, ce
n'est pas nous qui avons tort et si
nous ne devons pas nous habituer à
voir les drames se finir naturellement,
selon la logique sociale. Ce dénoue-
ment si simple, à la rigueur, peut pas-
ser pour une hardiesse. Mais ce qui
nous laisse inquiets surtout et mé-
contents, c'est que l'auteur aborde
un terrible problème de morale et le
laisse sans solution dans notre es-
prit. Il oppose la justice absolue, la pas-
sion noble et pure à la justice relative
du monde, à ses « convenances », à
ses lois aussi. Il nous montre une fois
de plus la société tolérant l'adultère,
les mariages d'argent qui sont des mar-
chés, mais n'acceptant pas une pauvre
créature repentie, qui a bravé ses lois
ouvertement, sans leur rendre l'hom-
mage de l'hypocrisie que le vice, a dit
La Rochefoucauld, rend à la vertu. Bref,
il oppose la morale du monde à la mo-
rale chrétienne. Mais il ne prend pas
parti et de là vient, je crois, la froideur
de l'œuvre. Et il ne nous présente pas
même les choses de telle façon que nous
puissions prendre parti, si bien que
nous voilà rentrés chez nous, irrités
d'avoir constaté que tant de braves gens
ou de gens sympathiques n'ont pu ar-
river à s'entendre et malheureux du
malheur qui les attend !
Georgeite, où l'on retrouve, en un
acte et demi au moins, toutes les qua-
lités de M. Sardou, est admirablement
jouée. Cette pièce a été pour Mlle
Brandès, dont le rôle est charmant,
l'occasion d'un grand triomphe que nous
avions dès longtemps prédit. La scène
où elle apprend son malheur, son déses-
poir, sa résolution, offrent une suite d'in-
cidents et un exposé de passions et
de sentiments divers tout à fait remar-
quables. M. Dupuis joue avec sa science
ordinaire un rôle un peu monotone de
situation, car il est l'arrangeur de toute
chose et n'arrange, en définitive, rien.
Aurore a servi de début à une ingénue
excellente, Mlle Dharcourt, pleine de
bonne grâce. Mme Teissandier est fort
belle dans Georgette, Mme Fromentin
très convenable dans la comtesse. Il m'a
semblé que M. Montigny était un amou-
reux un peu froid. Mais, s'il était trop
chaud, il ne serait plus respectueux, et
la thèse craquerait 1
En somme, Georgette est une œuvre
intéressante, qui donne fort à réfléchir.
Mais, encore une fois, il se peut que le
drame, au moins dans nos habitudes,
veuille des partis pris plus nets et une
action plus décisive.
HENRY FOUQUIRR.
INFORMATIONS PARTICl]LIÈRES
Le Tonkia et le Congrès
Le conseil de cabinet qui doit se réunir,
ce matin, place Vendôme, sera particuliè-
rement intéressant. Les ministres arrête-
ront, en effet, leur ligne de conduite défini-
tive au sujet de la question du Tonkin et
de la date de la réunion du Congrès.
Contrairement aux nouvelles données
par différents journaux, le ministère n'a
nullementl'intention de renvoyerau 15 jan-
vier l'élection du président de la Républi-
que. Il est décidé, au contraire, à faire tous
ses efforts pour que la tenue du Congrès
ait lieu avant les fêtes de la Noël. Seule-
ment, la situation est celle-ci : d'une part,
le gouvernement ne veut aller au Congrès
qu'après le vote par le Parlement des cré-
dits pour le Tonkin ; il estime qu'il doit se
présenter à l'Assemblée de Versailles non
comme un condamné à mort, mais comme
un ministère ayant toute la confiance des
Chambres ; d'autre part, la commission des
crédits voudrait ajourner le débat sur la
politique coloniale jusqu'après la réunion
du Congrès ; elle ne néglige rien pour at-
teindre ce résultat et a recours à toute
sorte de procédés dilatoires pour ne dépo-
ser son rapport que le plus tard possible,
après la Noël s'il y avait moyen.
Dans ces conditions, et comme le con-
flit menace de se prolonger, le gouverne-
ment songerait à demander à la Chambre
de le trancher. Le conseil de cabinet se
prononcera vraisemblablement, ce matin,
pour l'adoption de la procédure suivante :
M. Brisson monterait à la tribune soit au-
jourd'hui soit après-demain samedi, pour
expliquer à la Chambre les difficultés
créées au gouvernement par les len-
teurs de la commission du Tonkin. Il expo-
serait que ces lenteurs systématiques, si
elles continuaient, pourraient avoir l'in-
convénient grave de retarder la réunion du
Congrès jusqu'au 15 janvier, ce qui serait
contraire à l'esprit de la Constitution. La
Constitution n'a indiqué cette date du
15 janvier, pour la réunion d'office de
l'Assemblée nationale, qu'en prévision
d'une situation sinon révolutionnaire, tout
au moins anormale. En conséquence, M.
Brisson demanderait à la Chambre d'arrê-
ter, séance tenante, une date fixe pour la
discussion des crédits relatifs au Tonkin
et à Madagascar. Il insisterait pour que le
débat eût lieu vers le milieu de la semaine
prochaine. Si la Chambre, ce qui paraît
problable, donnait raison au président du
conseil, la commission du Tonkin se trou-
verait ainsi mise en demeure de hâter ses
travaux et de faire connaitre le plus tôt
possible ses conclusions.
En admettant le succès du projet du gou-
vernement, la Chambre pourrait commen-
cer jeudi prochain 17 décembre la dis-
cussion de la demande de crédits. Le dé-
bat s'étendra, croit-on, sur trois ou quatre
séances. Mais, dans tous les cas, il serait
possible de le clore lelundi soir 21 décem-
bre. Le Congrès se réunirait alors le len-
demain, mardi 22 décembre.
Quant au Sénat, il examinerait les cré-
dits entre les fêtes de la Noël et le jour de
l'an.
Les élections contestées
La Chambre n'a plus à vérifier que les
pouvoirs des députés élus les 4 et 18 octo-
bre par les départements de l'Ardèche,
des Landes, de la Lozère et du Haut-Rhin.
La discussion de ces élections aura lieu
cette semaine ou au commencement de la
semaine prochaine.
D'après ce qu'on racontait hier dans les
couloirs du Palais-Bourbon, les adversai-
res du cabinet auraient l'intention de pro-
fiter de ce débat pour diriger contre M.
Allain-Targé, ministre de l'intérieur, des
attaques de nature à rendre très difficile
son maintien aux affaires.
On ierait, à propos des élections de la
Lozère et de l'Ardèche, le procès des fonc-
tionnaires, de la République qui n'ont pas
suffisamment défendu pendant la période
électorale les institutions établies.
Le cinquième bureau s'est prononcé
hier, par 19 voix contre 18, pour l'invali-
dation des élections des Landes.
La - commission - des - crédits
La commission des crédits a consacré
hier une heure à un travail de recolement
des dépêches échangées entre M. Jules
Ferry et le général Brière de l'Isle. Le ré-
sultat de ce travail s'est traduit par la dé-
couverte que quelques phrases des dépê-
ches du général Brière de l'Isle n'avaient
pas été portées par M. Jules Ferry à la con-
naissance du Parlement et du pays. Voici
les passages supprimés :
A la date du 24 mars, le général de Né-
grier télégraphiait que ses efforts avaient
échoué à Bang-Bo, devant « des attaques
enveloppantes dont les effectifs croissent
sans cesse. » Il continuait en disant : « Je
n'ai pu me dégager qu'avec peine. » Il an-
nonçait ensuite qu'il avait eu trois cents
tués ou blessés. M. Jules Ferry n'avait
parlé que de deux cents tués ou blessés.
Le général de Négrier ajoutait :
« Le IIIe de ligne a perdu tous ses
sacs. Il est complètement hors d'état
d'être remis en ligne. L'ennemi a des for-
ces telles que je suis obligé de me repor-
ter sur Langson et il faut prévoir de
graves événements. » Le général Brière de
l'Isle faisait suivre le télégramme du gé-
néral de Négrier des réflexions que voici :
« Je suis obligé d'arrêter l'offensive que je
me disposais à prendre sur leSong-Koï.Ma
place est à Hanoï et à Hong-Hoa, pour faire
face, avec la flottille et le restant de mes
forces, à toute éventualité et pour fournir
au général de Négrier par tous les moyens
héroïques des vivres et des munitions. »
Pour juger du cas, il faut ne pas oublier
que les Chinois recevaient télégraphique-
ment toutes les nouvelles de Paris.
Telles sont les dépêches supprimées.
Les rapports de MM. Andrieux et Pichon
n'étant pas encore prêts, la commission a
abordé ensuite la discussion générale des
crédits demandés par le gouvernement:
M. Raoul Duval. — Ce qui doit dominer la
discussion, c'est de savoir si nous devons de-
mander à la Chambre de continuer la politi-
que coloniale qui nous a conduits où nous
sommes. Pour moi, je ne sacrifierai jamais
l'intérêt français à l'intérêt colonial. Au point ,
de vue commercial, nous n'avons rien à ga-
gner en Extrême-Orient. Après vingt-cinq ans
d'occupation, la Cochinchine nous coûte en-
viron 20 millions par an. Le Tonkin n'a pas
de ports et nous n'avons aucun avantage à
l'occuper. Notre devoir strict est de déclarer
que nous ne pouvons accorder au gouverne-
ment les crédits qu'il demande.
M. Granet. — Je partage l'avis de M. Raoul
Duval sur le fond de la question, mais je
n'arrive pas exactement aux mêmes conclu-
sions. Il faut préciser la politique qui se dé-
gagera du vote de la Chambre. En ce moment
on fait de la politique d'amour-propre. La
politique coloniale en soi est jugée et con-
damnée. L'entreprise du Tonkin est un leurre
et la question des crédits n'existe pour ainsi
dire pas. Il faut savoir ce qu'on fera au Ton-
kin. Je ne crois pas qu'on puisse y rester,
qu'on puisse dépenser 100, 150 ou 200 mil-
lions par an au Tonkin. Ce serait la banque-
route du gouvernement républicain qui a tant
de réformes intérieures à accomplir. Il faut
traiter de nouveau avec la Chine qui 'ne se
désintéresse pas du tout des affaires du Ton-
kin où elle nous combat encore en dessous.
Je voterai des crédits, mais dans une mesure
limitée, à condition qu'ils serviront à ravi-
tailler et à rappeler les troupes et que la po-
litique de M. Jules Ferry sera irrévocablement
condamnée.
M. Delafosse. — Je suis de l'avis de M.
Raoul Duval. Je suis partisah du refus total
des crédits, puisque le gouvernement a lié à
ce vote l'approbation d'une politique désas-
treuse.
M. Andrieux. — Comment pourrait-on at-
tribuer au vote des crédits le sens d'une con-
damnation de la politique coloniale ?
M. Pelletan. — Il y a deux questions : la
condamnation de la politique gouvernemen-
tale et la meilleure façon de la condamner. -IL.
faut d'abord entendre les partisans de cette
politique, puis la majorité de la commission
se prononcera. Pour condamner la politique
du gouvernement, on pourrait proposer un
chiffre de crédits inférieur à celui qui nous est
demandé.
M. Ballue. — Il y a de grands avantages à
posséder le Tonkin. Pour le moment, je ne
fais que des réserves sur les décisions que
prendra la commission. Je m'expliquerai de-
vant la Chambre.
MM. Albert Ferry, Thomson et Casimir-
Perier souscrivent à cette déclaration.
A une question de M. Delafosse, M. Bal-
lue a répondu qu'il y avait très grande ur-
gence à prendre une résolution.
M. Rochefort. — M. Ballue croit-il que,
dans l'état de l'Europe, on puisse dépenser
en France 100 millions pour le Tonkin et im-
mobiliser 50,000 hommes?
M. Ballue. — Je me place en denors de la
question politique. S'il était démontré que le
Tonkin coûte des sacrifices financiers entraî-
nant des embarras budgétaires et un affai-
blissement des forces défensives de la France,
je ne penserais pas de même. Mais il n'en est
pas ainsi. On trouvera l'amortissement du ca-
pital déjà engagé dans les ressources finan-
cières du Tonkin. Quant à l'armée, elle ne
sera pas affaiblie parce que 6,000 hommes oc-
cuperont le Tonkin.
M. Pelletan. — Que la minorité nous dise
sur quoi elle se base pour croire aux avanta-
ges de l'occupation.
M. Ballue. — Je n'espère pas faire reve-
nir la majorité de la commission sur des opi-
nions arrêtées. A la Chambre, il n'en sera
peut-être pas de même. Il est inutile d'enga-
ger un débat qui se produira forcément en
séance publique.
M. Thomson. — Je m'associe à cette décla-
ration. La Chambre appréciera.
M. Rochefort. — Sur quels passages des
déclarations recueillies s'appuient MM. Bal-
lue, Thomson et leurs amis ?
M. Thomson. — La discussion est impos-
sible avec les chiffres énormes énoncés par
les précédents orateurs, chiffres nullement
conformes aux dépositions entendues. C'est
l'évacuation qui coûterait des millions.
M. Pelletan. — Je prends acte de l'attitude
de la minorité de la commission qui refuse de
discuter.
M. Thomson. — Je persiste dans mon opi-
nion.
M. Casimir-Perier. — Je suis prêt à justi-
fier les chiffres de mon rapport qui résultent
de documents officiels et ide tous les témoi-
gnages entendus, tandis que l'on ne connaît
pas les sources où les adversaires de la poli-
tique gouvernementale vont puiser leurs in-
formations.
MM. Andrieux et Dreyfus ont alors pro-
posé l'ajournement de la discussion afin
d'entendre les rapports des sous-commis
sions qui n'ont pas encore été lus et de
vérifier les chiffres de M. Casimir-Perier.
Cette proposition a été adoptée.
La commission a décidé ensuite que, dans
le cas où la séance qui sera tenue cette
après-midi ne suffisait pas pour clore la
discussion générale et nommer le rappor-
teur, elle tiendrait ce soir une séance de
nuit.
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tre MM. Ballue et Pelletan sur le chiffre
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