Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-11-25
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 25 novembre 1885 25 novembre 1885
Description : 1885/11/25 (A15,N5071). 1885/11/25 (A15,N5071).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Qoinzième tinnée. N* 5071 Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes Mercredi 25 Novembre 1885
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Extérieure 4 0/0. 52 3/4, 1/2,53, 51 3/4.
Hongrois 79 3/4, 7/8, 11/16.
Tabacs. 445.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (le Régime parlementaire).
— cf» ,
Journée de Paris.
Le Travail. — HENRY FOUQUIER.
Courrier du Sénat. — A. LANDRIN.
Informations particulières.
Les Titres nobiliaires. — Louis. HENRIQUE.
Nouvelles coloniales.
La Guerre. — Louis HENRIQUB.
Dépêches.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
iSevue de la presse. — NAOEmTTis.
Le Sport du jour. — FA TELLES.
Courrier de la Bourse. — H. LK F AUD.
Bibliographie.
Tribunaux. — Me GERVASY.
Faits divers. — JEAN VALLIÉRE.
Courrier des théâtres. — GEORGES FBYDEAU.
Le Rom an d'un grand-duc.-COMTB AFANASI
DERNIÈRE HEURE
Le bombardement de Widdin
Kalafat, 24 novembre.
Les Serbes ont commencé, hier, vers
une heure de l'après-midi, le bombarde-
ment de Widdin et l'ont continué jusqu'à
trois heures et demie.
L'on a entendu en même temps une
forte canonnade vers Vitbol.
Aujourd'hui, à midi, la canonnade a
commencé sur toute la ligne droite de
Widdin, se ralentissant vers Smardan,
mais mieux entretenue vers Vitbol. Des
deux côtés, les coups de canon partent à
de longs intervalles.
Sofia, 23 novembre.
Widdin, bombardé par les Serbes, est
en flammes.
Défaite des Serbes
(Télégramme officiel de la légation de Serbie)
Belgrade, 24 novembre.
Notre armée a attaqué hier les positions
retranchées bulgares et, après un combat
acharné, a été repoussée.
Notre armée s'est alors retirée dans ses
positions près de Tzaribrod et Trûne.
Le combat de Capitanoviee
Bucharest, 24 novembre.
On mande de Kalafat que les efforts des
Serbes autour de Widdin se sont concen-
trés vers le village de Capitanovice où a eu
lieu un combat d'infanterie.
Le brouillard empêche de discerner les
mouvements des troupes.
Démonstration militaire de la Porte
Constantinople, 24 novembre.
Le bruit court que la Porte aurait dé-
cidé de faire une démonstration militaire
sur la frontière de la Serbie.
Les armements de la Grèee
Athènes, 24 novembre.
Toutes les classes de la réserve vont être
appelées sous les drapeaux. La presse et
l'opinion publique réclament la guerre.
La santé du roi d'Espagne
Madrid, 24 novembre.
L'état du roi, qui avait subi une aggrava-
tion dans la matinée, s'est légèrement amé-
lioré ce soir.
Le roi a pu prendre quelques aliments.
Le Parlement italien
Rome, 24 novembre.
Demain, à l'ouverture de la Chambre
des députés, MM. Santonofrio et Sangiu-
liano déposeront deux interpellations sur
la question des Balkans.
QUESTION DU JOUR
Le régime parlementaire
Rien n'est plus à la mode que de mé-
dire du régime parlementaire. Ce sys-
tème ingénieux, inventé et perfectionné
par les Anglais, était en train de faire
le tour du monde, ou du moins le tour
de l'Europe, puisque les Américains ont
adopté un autre mode de gouvernement
représentatif. Il était admis qu'on ne
pouvait trouver un meilleur moyen d'as-
surer le règne de l'opinion publique que
celui qui consiste à faire du cabinet
l'émanation de la Chambre populaire,
tout en évitant de faire élire directe-
ment par elle les membres du ministère,
ce qui obligerait à supprimer l'autre
Chambre et la fonction de chef de
l'Etat.
Le régime parlementaire compte deux
classes d'adversaires : les partisans du
système américain et les partisans du
système de la Convention. Les premiers
voudraient un pouvoir exécutif indépen-
dant et complètement séparé des Cham-
bres ; les seconds voudraient qu'il ne fût
qu'une collection de commis plus ou
moins obscurs aux ordres d'une Cham-
bre unique. La Constitution américaine,
excellente dans une république fédé-
rale où le gouvernement central est peu
de chose, où il n'y a ni armée permanente
ni partis monarchiques, nous ferait os-
ciller entre l'anarchie et la dictature,
oscillation qui, d'ailleurs, ne serait sans
doute pas de longue durée.
Quant au régime de la Convention,
qui inspire encore une admiration pas-
sionnée aux amateurs de la politique
révolutionnaire, il a été appliqué chez
nous, pendant un an ou deux, avec
beaucoup de vigueur et d'efficacité.
Mais il a fallu pour l'inaugurer un coup
d'Etat de la population parisienne con-
tre la représentation nationale, et pour
le faire durer une épuration continue de
l'Assemblée régnante au moyen de la
guillotine. Le souvenir de cet essai peut
exciter l'émulation des bouillants dépu-
tés que le département de Seine-et-Oise
a envoyés au Palais-Bourbon. On trou-
verait aussi çà et là quelques partisans
de cette méthode de gouvernement par-
mi les politiciens romantiques qui rê-
vent de Robespierre et de Danton. Mais
l'immense majorité des gens qui pren-
nent la politique pour une chose sé-
rieuse, et non pour un mélodrame à
grand spectacle, préfèrent une existence
plus paisible. i
Des Chambres qui ont tant de peine
à former une majorité et à soutenir un
cabinet pendant quelques mois sont
peu autorisées à réclamer un pouvoir
plus absolu. Il sera temps de supprimer
la présidence de la République quand
on trouvera un premier ministre qui
puisse représenter, durant un certain
nombre d'années, le pays devant l'é-
tranger et l'unité nationale en face des
partis. Il sera temps d'abolir le Sénat
quand les représentants directs du suf-
frage universel seront à l'abri de tout
entraînement, et se montreront incapa-
bles de voter de mauvaises lois ou de
prendre des mesures dangereuses.
L'histoire contemporaine ne démontre
pas que le moment soit venu d'enlever
les garde-fous, et la Chambre actuelle
n'a pas encore donné des preuves assez
éclatantes de son esprit de gouverne-
ment pour qu'on songe à la débarras-
ser de tout frein et de tout contre-
poids.
4 Il est vrai que depuis quelques an-
nées le régime parlementaire n'a pas
produit chez nous de très brillants ré-
sultats. Faut-il en conclure qu'il ne vaut
rien, ou qu'il s'adapte mal à notre tem-
pérament ? Le proverbe dit qu'un mau-
vais ouvrier n'a jamais de bons outils,
ce qui ne signifie pas qu'un mauvais ou
vrier fait bien de changer sans cesse
d'outils, mais qu'il devrait commencer
par se modifier lui-même et par se cor-
riger de ses défauts. Si nos majorité
sont trop instables, ce n'est pas en les
délivrant 'de toute entrave qu'on les
rendra plus sages ni plus constantes;
si les crises ministérielles nous font
tort, ce n'est pas en supprimant les pou-
voirs plus durables du président de la
République et du Sénat qu'on rendra
plus inoffensifs les caprices d'une Cham-
bre qui donne et retire sa confiance se-
lon le vent qui souffle.
Le régime parlementaire réussit mé-
diocrement parce qu'il est mal pratiqué,
parce que nous en violons trop souvent
les règles et les traditions. Il suppose
des partis organisés qui se disputent la
majorité, et un ministère composé des
chefs de la majorité régnante. Si les
partis s'émiettent, se subdivisent en
groupes et sous-groupes, en sectes et
coteries, si la majorité a des chefs
qu'elle néglige de porter au pouvoir, si
elle a trop de chefs rivaux, jaloux les
uns des autres, s'il n'y a en un mot ni
unité ni discipline, le parlementarisme
n'est plus qu'une lutte incessante entre
une multitude d'ambitions inconcilia-
bles, et les cabinets ne sont que des com-
binaisons artificielles et éphémères.
Mais toute autre Constitution donnerait
des résultats plus fâcheux encore, puis.,
que rien ne viendrait atténuer les défauts
et corriger les erreurs de l' Assemblée
Supposez qu'au lieu de trouver de-
vant elle un ministère installé, un ma
gistrat suprême placé au-dessus des pe"
tites rivalités et des orages quotidiens,
un Sénat dont le silence même est un
avertissement et dont l'inaction tempo-
raire est un frein, la Chambre actuelle
ait eu dès le premier jour de son exis-
tence un gouvernement à organiser, un
premier ministre à élire, croyez-vous
que les choses iraient mieux et que
nous serions plus tranquilles? Est-ce
que le spectacle de ces réunions plé-
nières où n'assistent que le quart des dé-
putés, de ces groupes défunts qui re-
naissent à l'envi de leurs cendres, de
cette agitation tumultueuse et stérile,
serait beaucoup plus rassurant pour le
pays ? On compte sur les doigts les ré-
formes que le régime parlementaire a
permis aux législateurs d'accomplir : es-
sayez de compter les sottises qu'il em-
pêche de commettre.
$
LA JOURNEE DE PARIS
LA MORT DU ROI D'ESPAGNE (Fausse
nouvelle). — Hier soir, aux environs de neuf
heures, des bataillons de crieurs se sont ré-
pandus sur le boulevard et dans les rues
avoisinantes en criant, avec le titre d'un jour-
nal du soir, la « mort du roi d'Espagne ».
Ce renseignement était parvenu à notre con-
frère à « la dernière minute ». Il est regret-
table qu'il n'ait pu, pressé par les nécessités
du tirage, aller aux renseignements.
A l'ambassade d'Espagne, on n'avait reçu
aucune dépêche annonçant la mort d'Al-
phonse XII, dont (l'état est grave, comme on
l'a vu par la dépêche que nous avons publiée
plus haut.
Notre confrère, donnant d'ailleurs par une
sage précaution la nouvelle de cette mort
d'après un autre journal, ajoutait : « A de-
main les détails. » Il se peut qu'aujourd'hui
notre confrèresoit un peu embarrassé pou
tenir sa promesse.
«
* *
LES FÊTES DE L'INDUSTRIE ET DU
COMMERCE. — La commission nommée
pour l'organisation du bal du tribunal de com-
merce s'est réunie hier, dans l'après-midi,
dans la salle des réunions des juges, sous la
présidence de M. Michau, président du tri-
bunal de commerce.
Après un exposé des projets par M." Al-
phand, il a été décidé que le bal aurait lieu
irrévocablement le 19 décembre. Les billets
— dont le prix reste fixé à 20 francs — sont
mis en vente à partir d'aujourd'hui.
«
* *
A U HOTEL CONTINENTAL. Samedi
5 décembre prochain aura lieu à l'hôtel Con-
tinental, sous le haut patronage du ministre
de l'instruction publique, des beaux-arts et
des cultes, le bal des trois sociétés d'enseigne-
ment : Association polytechnique, AssociatioIÍ
philotechnique, Union française de la jeu-
nesse. 4
*
* * -
LES BALLONS DIRIGEABLES. — De
très intéressantes explications ont été four-
nies hier à l'Académie des sciences par le ca-
pitaine Renard, chef des ateliers d'aérosta-
tion militaire de Meudon, sur le ballon diri-
geable. Le capitaine Renard, dont les premiers
essais ont été faits, on se le rappelle, avec le
concours du capitaine Krebs , maintenant
attaché au corps des sapeurs-pompiers, est
aujourd'hui secondé par son frère, capitaine
dans l'armée, et par un aéronaute, M. Poic-
tevin.
Le ballon dirigeable fournit une vitesse de
six mètres à la seconde; il peut, en consé-
quence, revenir à son point de départ et lut-
ter contre le vent, à la coud ition, toutefois,
que la vitesse des courants aériens soit infé-
rieure à celle produite par l'hélice de l'aéros-
tat. Cette hélice, actionnée par un moteur
électrique, donne trois mille tours à la mi-
nute, et le capitaine Renard a dû inventer un
système de circulation d'eau froide pour
éviter réchauffement trop grand produit par
un tel frottement.
La communication du capitaine Renard a
été accueillie avec beaucoup de faveur par
l'Académie des sciences.
9
* +
LA CREMATION. — On sait que le conseil
municipal a approuvé l'établissement, au
Père-Lachaise, d'un appareil pour la créma-
tion des corps.
Par décision du préfet de la Seine, l'adjudi-
cation des travaux que nécessite cette cons-
truction aura lieu le cinq décembre. L'en-
semble de la dépense s'élève à 193,000 francs.
Les travaux seront certainement terminés
en moins d'une année, de telle sorte que, le
1" janvier 1887, la crémation pourra être ap-
pliquée à Paris : la crémation facultative du
moins, la seule qui ait été autorisée par l'au-
torité supérieure.
On se rappelle les vers que le grand païen
Th. Gautier a écrits, dans Emaux et Camées,
sur la crémation antique, grâce à laquelle,
dit-il, « une urne aux flancs étroits » gardait
religieusement
Ce que le papillon de l'âme
Laisse de poussière après lui,
Ou ce qui reste de la flamme
Sur le trépied quand elle a lui.
t
LES FEMMES INTERNES. — Les fem-
mes ont été, après un long débat, où plu-
sieurs de nos docteurs les plus connus se
sont montré assez peu galants, admises au
concours de l'internat. La semaine dernière,
deux « candidates » se sont présentées aux
examens.
Mlle Plumkett, élève de M: Vulpian, a ob*
tenu 28 points ; 30 était le maximum.
Trois étudiants seulement ont atteint cette
note ; la moyenne varie de 21 à 25.
Mais la seconde candidate, Mlle Blanche
Edwards, n'a eu que 22 points.
Il paraît que Mlle Edwards n'a pas pris phi-
losophiquement son échec. Elle serait sortie
dans la cour en eriant : « Oh ! les lâches ! » Le
propos est leste, mais le jury, habitué à être
maudit au moins pendant vingt-quatre heu-
res, ne gardera pas vraisemblablement ran-
cune à Mlle Edwards de ce « cri du cœur » 1
*
♦ *,
LES DUELS. — Une rencontre à l'épée a
eu lieu lundi entre MM. Maurice Montégut, le
poète néo-romantique, et Gabriel Astruc.
M. Maurice Montégut a été légèrement
blessé à la man.
*
♦ *
LE MONUMENT DE L'AMIRAL COUR-
BET. - Voici, d'après une aquarelle exposée
chez M. Haquette-Bouffé, le marchand de ta-
bleaux du boulevard des Italiens qui a servi
comme officier sous les ordres de l'amiral
Courbet, les grandes lignes du monument
qui sera élevé sur la place d'Abbeville au
vainqueur de Fou-Tcheou :
Une vague gigantesque, qui soulève la
poupe d'une galère antique, sert de soubas-
sement hardi à un groupe allégorique. L'a-
miral Courbet, conduit par la Victoire, soutenu
par la Foi, l'Espérance et le Devoir militaire,
montre l'ennemi à ses marins et donne l'or-
dre d'engager le combat.
A la base du monument court une chaîne
qui relie quatre piédestaux où sont des ca-
nons, des ancres, des piques et des cuirasses.
L'ensemble du monument sera exécuté en
granit ou en marbre, à l'exception des figures
et des trophées, qui seront probablement cou-
lés en bronze.
Le monument coûtera environ 300,000 fr.
Nous croyons savoir que quelques modifica-
tions seront apportées à ce premier projet. La
vague du soubassement sera légèrement
aplanie et deux monstres marins, personni-
fiant les torpilleurs, orneront les deux côtés
de la trirème. La disposition des figures serait
aussi changée, de façon à ce que celle de
l'amiral se détachât en une plus franche lu-
mière en avant du groupe des allégories.
■fif.
LES VENTES D'AUTOGRAPHES. — Les
ventes d'autographes se succèdent à l'Hôtel
des Ventes. La semaine dernière on a vendu
la huitième série des autographes de la très
intéressante collection de M. Dubrunfaut,
composée d'autographes des hommes de
guerre et marins célèbres. Une épître de
Jean Bart est montée à 82 fr.; deux lettres
de Bazaine, 20 francs, etc.
Avant-hier, c'était le tour des littérateurs.
Une lettre d'Emile Augier a été adjugée à
50 fr., une de George Sand à 55 fr. Voici
quelques autres prix : une lettre de Flaubert,
21 fr.; de Victor Hugo, 41 fr.; de Thiers, 30 fr.;
de Lamartine, 50 fr.; de Jules Janin, 21 fr.;
de Charles Monselet, 5 fr.; de Mürger, 21 fr.;
de Pailleron, 6 fr.; de Zola, 19 fr.; de M. Jules
Grévy, 31 fr.
Une lettre de Chateaubriand, datée du 26
juin 1831, avec cette phrase : « Nos change-
ments de gouvernement arrivent dans un es*
pace de dix à quinze ans. C'est la mesure de
la patience française », a été vendue 77 fr.
Dix pièces de vers autographes d'Alexandre
Dumas fils ont atteint quatre cents francs ;
voici quelques-uns de ces vers « sur la mort
de Mlle de Béthune » :.
Qui jamais aurait dit, excepté Dieu lui seul,
Que cette jeune femme avec sa robe blanche
S'inclinant à l'autel, d'où le bonheur s'épanche
Aurait, après un an, son voile pour linceul?
Le cercueil !. Voilà donc où toute chose tombe,
C'est l'éternelle loi que rien ne peut changer.
Fiancée à la mort, son bouquet d'oranger
Est encore assez frais pour mettre sur sa tombe.
Le plan d'une comédié d'Alfred de Musset
restée à l'état de projet, « le Comte d'bssez »,
a été vendu 140 fr.
LE TRAVAIL
,1
La tribune de la Chambre des dépu-
tés voit déposer, chaque jour un nombre
considérable de projets de lois. Les
nouveaux élus tiennent les promesses
faites aux électeurs et jettent leur
gourme. Parmi ces projets et ces vœux
il en est bon nombre de chimériques ou
de stériles, qui dénotent chez leurs au-
teurs, en bien des cas, des passions de
sectaire bien plus que des mérites
d'homme d'Etat. Les projets prati-
ques, presque immédiatement réalisa-
bles, ayant une utilité pour demain,
sont particulièrement rares. Il ne mq
coûte pas d'avouer qu'un des nouveaùx
élus de Paris, M. Camélinat, candidat
ouvrier et socialiste, s'est montré un
homme pratique, bien plus que de bril-
lants politiciens, en exprimant le vœu
que des travaux fussent donnés aux
ouvriers à l'entrée de l'hiver.
Il se peut que le vœu de M. Caméli-
nat ne soit rédigé ni dans un esprit que
nous puissions accepter ni dans une
forme qui nous satisfasse. Tout ce qui
ressemblerait à la création d'ateliers
nationaux, tout ce qui pourrait consti-
tuer une sorte de privilège pour une
classe de travailleurs ne saurait être
loué par nous. Mais, d'une manière gé-
nérale, nous pensons que le moment est
venu où l'Etat et la ville de Paris doivent
faire tout ce qui est humainement pos-
sible pour déterminer à bref délai
une reprise du travail. Ne nous fai-
sons pas d'illusions dont nous serions
les victimes. Le gros de la nation fran
çaise, tout en étant libéral, en tenant
au suffrage universel et à la liberté des
consciences, ne s'attache pas aussi pas-
sionnément qu'on le croit à telle ou
telle forme de gouvernement. Le pays
presque tout entier peut être ramené à
la République si elle fait les affaires de
la France et permet à chacun de faire
les siennes. Dans le cas contraire, on
verrait se détacler "de nous des élec-
teurs qui garderaient pour la République
leur préférence théorique, mais qui au-
raient été conduits à penser que les
gouvernants républicains sont incapa-
bles d'assurer la prospérité matérielle
de la nation. Il faut donc, et la chose
doit passer avant toute autre, porter
remède autant que faire se peut à la
crise des affaires et le remède serait
insuffisant s'il était simplement empiri-
que et temporaire. Il s'agit bien de la
trêve des confiseurs ! Il s'agit de faire
la paix définitive et féconde entre la
République et le travail.
Nous avons indiqué plusieurs fois
déjà les réformes législatives qui de-
vaient faciliter une reprise des affaires
dont tout le monde a besoin. Les ré-
formes des lois, nécessaires et en quel-
ques cas indispensables, demandent un
certain temps, et même si la Chambre
s'y met de suite, les fruits qu'ellespour-
ront porter seront un peu tardifs. Mais
ce que l'Etat et la ville de Paris peuvent
faire de suite, c'est de secouer la tor-
peur administrative et de mettre à exé-
cution immédiate les travaux sur les-
quels on est d'accord et pour qui des
crédits existent. Nous voudrions voir
pousser les travaux de Paris avec la
dernière activité, et là où les ressources
de la ville sont insuffisantes nous se-
rions très partisans qu'on s'en remît à
l'initiative individuelle, qui saurait bien
trouver l'argent nécessaire. Le conseil
municipal a un beau rôle à jouer. Ou-
bliant la politique, il peut dans une large
mesure rendre la vie aux affaires et, né-
gligeant de séparer l'Eglise de l'Etat,
s'occuper de rapprocher le capital et le
travail, ce qui est d'autre importance.
Pour cette tâche, le conseil municipal
trouvera partout les concours néces-
saires, à condition de ne pas mêler aux
questions d'affaires des considérations
de politiciens, de ne pas diviser Paris
en une ville populaire à qui on accorde
tous les travaux, et une ville aristocra-
tique à qui on les refuse; à condition, en
un mot, d'administrer.
Le rôle de l'Etat peut n'être pas moins
considérable et utile que celui de la
municipalité. Dans bien des cas, d'ail-
leurs, il lui suffit de laisser faire. On se
plaint souvent que notre race manque
d'initiative. Mais se rend-on compte as-
sez combien d'entraves s'opposent à
l'initiative d'un citoyen qui veut entre-
prendre une affaire grande ou petite? Je
sais, pour mon compte, des travaux vo-
tés par une chambre de commerce et
qui ne sont pas exécutés encore, parce
qu'il faut une triple autorisation dans
trois ministères et qu'on ne peut arriver
à les obtenir. Un vigoureux effort d'es-
prit est nécessaire à nos gouvernants:
pour aider le travail national momenta-
nément en souffrance. Les grandes af-
faires industrielles, agricoles, commer-
ciales ne -- manquent pas et il faudrait
peu de chose pour remettre en mouve-
ment et en marche notre magnifique ou-
tillage. Quelque prudent que l'argent
soit de sa nature, les grandes affaires
qui ont marqué la seconde moitié de
notre siècle ont été si productives que
leur souvenir est un encouragement.,
Qui eût pensé à l'extension prodigieuse
de notre réseau de chemins de fer quand
on inaugura, il n'y pas cinquante ans, la
petite ligne de Saint-Germain ? Qui se
serait douté des modifications apportées
par l'affaire du canal de Suez dans le
budget général de notre pays ? Qui eût
pu prévoir l'accroissement constant des
affaires dans les maisons de banque
créées pour rendre plus mobile la pro-
priété foncière ? Il faut peu de chose
pour que nous retrouvions le mouve..
ment et la prospérité d'il y a vingt ans.
Presque toujours le gouvernement, à qui
on ne demande qu'un peu de stabilité,
n'a qu'à laisser faire, et les grandes
affaires recommenceront à donner chez
nous à l'argent le mouvement dont il a
besoin. Aussi, grands travaux à Paris y
canaux français, canal interocéanique
de Panama, toutes les grandes affaires
en cours d'exécution ou en projet nous
paraissent devoir être encouragées, dé-
fendues et servies par l'Etat, qui aura
fait pour la République l'œuvre la plus
utile et la plus durable en faisant de la
cessation de la crise actuelle l'unique
préocupation de ses efforts.
HENRY FOUQUIER.
LE PARLEMENT
COURRIER DU SENAT
Pàris, 24 novembre.
Le Sénat attend évidemment. Il n'em
treprend aucun travail important et se
contente, dans ses courtes séances, d'ex-
pédier quelques lois d'intérêt secondaire.
Ce nev sera sans doute que lorsque la
Chambre sera sortie de la période troublée
qu'elle traverse, après le Congrès peut-
être, que les sénatëurs entameront la dis-
cussion des grosses questions.
La séance d'aujourd'hui n'a duré qu'une
heure et a été consacrée uniquement à
des votes sans débats. On a adopté succes-
sivement, à titre définitif, le traité de
commerce avec la Birmanie, l'interdiction
de la pêche aux étrangers dans nos eaux
territoriales, une convention avec la Com-
pagnie çle l'Ouest, la réforme de la police
des forêts en Algérie, et en première déli-
bération une proposition de loi relative au
taux de l'intérêt de l'argent.
Au début de, la séance, M. Le Royer a
annoncé au Sénat la mort de St. "B3Snîile,'1
sénateur du Pas-de-Calais, et M. Fer-
rouillat a déposé son rapport sur l'ensei-
gnement primaire..
C'est tout. Et maintenant il n'y aura
plus de séance jusqwà samedi. ,
A. LANDRIN.
Comme on le verra plus loin, la com-
mission élue hier à la Chambre es
favorable, à une grande majorité, au
principe de l'évacuation du Tonkin.
Nous apprécierons demain la portée de
ce vote. Mais il faut considérer que le
choix des commissaires, dont la plu-
part ont été élus par l'alliance radico-
monarchiste, ne fait pas préjuger d'une
façon certaine l'opinion de la Chambre.
Les commissaires n'entendent pas tous,
d'ailleurs, de même, le sens du mot
« évacuation ». M. Rochefort est seul à
demander que l'on fasse évacuer le Ton-
kin sur-le-champ, « en cinq minutes »
peut-être !
M. y.
, 1 ——
INFORMATIONS r ARTICULIbES
Les crédits pour le Tonkin et Madagascar
La Chambre s'est réunie hier à deux
heures dans ses bureaux pour nommer la
commission de trente-trois membres qui
va être chargée d'examiner les projets de
loi tendant à reporter de l'exercice 1885 à
l'exercice 1886 des crédits extraordinaires
montant à la somme de 79,036,488 francs
pour le service du Tonkîn et de Madagas-
car.
La réunion des bureaux avait été 'précé-
dée d'une seule réunion de groupe. MM.
Barodet et Tony Révillon avaient, en effet,
convoqué pour une heure leurs collègues
d'Extrême-Gauche, anciens ou nouveaux.
Cinquante membres environ assistaient à
la séance. Il s'agissait de s'entendre sur la
ligne de conduite à tenir dans les bureaux
pour l'élection de la commission des cré-
dits.
M. Rochefort a soutenu la nécessité de
l'évacuation immédiate du Tonkin et du
refus des crédits.
M. Peytral a combattu cette opinion en
disant qu'il ne fallait pas rendre inutiles
les sacrifices que la France a faits au Ton-
kin. La possession de ce pays peut être un
jour une source de revenu pour la France.
Il convient de songer, en outre, que la
question de confiance sera posée et qu'une
crise ministérielle serait inadmissible sur
la question des crédits. Elle serait le point
de départ d'une série de crises successi-
ves. Le mieux est donc de demander la
substitution progressive des troupes indi-
gènes aux troupes européennes et la limi-
tation de notre occupation au delta du
fleuve Rouge, conformément aux vues du
ministère.
M. Georges Périn a soutenu la thèse de
l'évacuation. Toutefois son avis diffère de
celui de M. Rochefort en ce qu'il admet
pue l'opération se fasse dans les délais qui
seront Reconnus nécessaires , pour assu-
rer la sécurité de nos intérêts.
M. Périn demande, en outre, que le ca-
binet s'explique nettement. S'il consent à
l'évacuation dans les conditions indi-
quées, il faut lui accorder les crédits. Dans
le cas contraire, il faut les refuser, attendu
qu'ils seraient insuffisants pour rester au
Tonkin.
La délibération à été interrompue par
la réunion des bureaux. Toutefois la ma-
jorité des députés présents avait paru se
rallier au système de M. Périn.
Dans les bureaux, la discussion a été
très longue et quelque peu confuse. Il y a
eu des redites inévitables et il serait abso-
lument superflu d'indiquer le sens de
tous lus discours qui ont été prononcés.
Nous nous contenterons d'analyser - les
plus importants et de donner l'opinion des
candidats élus.
Voici d'abord le sens des explications
fournies par les membres du gouverne-
ment :
M. Henri Brisson, président du conseil,
s'est exprimé à peu près en ces termes dans
le premier burea u :
« Le gouvernement veut diminuer l'effectif
des troupes européennes et préparer le mo-
ment où les frais du Tonkin seront couverts
par les ressources locales. Le gouvernement
ne se prêterait pas à une évacuation. La plus
fâcheuse des politiques serait celle qui, sous
le nom de liquidation, aboutirait à une re-
traite prochaine. Mieux vaudrait renoncer à
la conquête du Tonkin et de l'Annam. Ce se-
rait le parti le plus désastreux que pourrait
prendre une Chambre française.
» Ce n'est pas seulement l'honneur du dra-
peau qui est engagé ; c'est l'honneur de la
France devant le monde. Quand on a commen-
cé de pareilles entreprises, 11 faut les me-
ner à bonne fin. Monarchistes et républicains
doivent être confondus dans le même senti-
ment. On porterait atteinte au prestige, à
l'action diplomatique de la France en agis-
sant aut rement. Il y aurait une diminution
de la France, que tout Français ressentirait
quinze jours après le vote.
» Quant à Madagascar, il sera difficile de
prendré des résolutions avant janvier. Des
négociations sont en cours sur lesquelles le
gouvernement ne peut s'expliquer; c'est
pourquoi nous n'avons demandé qu'un crédit
provisoire. »
M. Goblet, ministre de l'instruction publi-
que, dans le cinquième bureau, a déclaré que
le ministère n'avait pas cherché à présenter
la politique coloniale sous une forme oblique
et détournée. La demande des crédits était
Indispensable en tout état de cause.
« On nous reproche en second lieu, -a-t il
ajouté, de continuer la politique de M. Ferry.
Je ferai remarquer qu'il y a une grande dif-
férençe entre. tea. £ eux,politiques. Le gouver-
nement actuel ne songe en aucune façon à
continuer la politique d'expansion coloniale.
Mais II n'est pas non plus pour une politique
d'abandon; 11 ne croit. pas pouvoir aller jus-
qu'à l'évacuation. Il considère la politique
d'abandon comme éminemment dangereuse.
Si l'on évacuait le Tonkin, la Cochinchine se-
rait très compromise. Ce serait une responsa-
bilité très grave et au point de vue de nos in-
térêts et au point de vue de notre honneur na-
tional. Si l'on évacuait, des massacres ne man-
queraient pas d'avoir lieu. »
M. Goblet a terminé en faisant l'éloge de
fcr politique gouvernementale du - protecto-
iat.
Pour Madagascar, M. Goblet a dit que nous
étions beaucoup moins engagés. Mais derniè-
rement il y a eu de. nouveaux pourparlers
avec les Hovas. Si ces négociations aboutis-
saient, nous le saurions d'ici quelques se-
maines.
M. Goblet n'avait pris la parole que sur
une interpellation directe de M. Sigismond
Lacroix.
Les autres membres du cabinet, notam-
ment MM. Allain-Targé et Sarrien, n'ont
fait que des déclarations sans impor-
tance.
Voici maintenant, par ordre de bureaux,
les noms des commissaires élus avec l'in-
dication de leurs opinions.
Les noms en italiques sont ceux des
députés de Droite :
Premier bureau. — M. Jullien a été élu
au premier tour de scrutin par 26 voix. Au
troisième tour, MM. Richard Waddington
et de La Porte, ont été élus, le premierpar
21 voix et le second par 25 voix.
M. Jullien a déclaré qu'il ne fallait pas per-
sister dans la politique coloniale suivie jus-
qu'il, parce que le pays a nettement signifié
sa volonté à ce sujet. Si le Tonkin ne peut
pas être évacué immédiatement, il faut néan-
moins commencer la liquidation de cette en-
treprise ainsi que de celle de Madagascar.
M. Waddington est opposé à l'évacuation
immédiate du Tonkin. La France doit con-
server son prestige dans les mers de l'Indo-
Chine, à l'exemple de. la Russie et de l'Angle-
terre. Evacuer le Tonkin d'une façon complète
serait s'exposer, pour l'avenir, à de plus
JŒDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
r1 ES, ru.e GadLet, dLQ
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Trois mois. 46 »» Trois mois. 13 wx
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Extérieure 4 0/0. 52 3/4, 1/2,53, 51 3/4.
Hongrois 79 3/4, 7/8, 11/16.
Tabacs. 445.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (le Régime parlementaire).
— cf» ,
Journée de Paris.
Le Travail. — HENRY FOUQUIER.
Courrier du Sénat. — A. LANDRIN.
Informations particulières.
Les Titres nobiliaires. — Louis. HENRIQUE.
Nouvelles coloniales.
La Guerre. — Louis HENRIQUB.
Dépêches.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
iSevue de la presse. — NAOEmTTis.
Le Sport du jour. — FA TELLES.
Courrier de la Bourse. — H. LK F AUD.
Bibliographie.
Tribunaux. — Me GERVASY.
Faits divers. — JEAN VALLIÉRE.
Courrier des théâtres. — GEORGES FBYDEAU.
Le Rom an d'un grand-duc.-COMTB AFANASI
DERNIÈRE HEURE
Le bombardement de Widdin
Kalafat, 24 novembre.
Les Serbes ont commencé, hier, vers
une heure de l'après-midi, le bombarde-
ment de Widdin et l'ont continué jusqu'à
trois heures et demie.
L'on a entendu en même temps une
forte canonnade vers Vitbol.
Aujourd'hui, à midi, la canonnade a
commencé sur toute la ligne droite de
Widdin, se ralentissant vers Smardan,
mais mieux entretenue vers Vitbol. Des
deux côtés, les coups de canon partent à
de longs intervalles.
Sofia, 23 novembre.
Widdin, bombardé par les Serbes, est
en flammes.
Défaite des Serbes
(Télégramme officiel de la légation de Serbie)
Belgrade, 24 novembre.
Notre armée a attaqué hier les positions
retranchées bulgares et, après un combat
acharné, a été repoussée.
Notre armée s'est alors retirée dans ses
positions près de Tzaribrod et Trûne.
Le combat de Capitanoviee
Bucharest, 24 novembre.
On mande de Kalafat que les efforts des
Serbes autour de Widdin se sont concen-
trés vers le village de Capitanovice où a eu
lieu un combat d'infanterie.
Le brouillard empêche de discerner les
mouvements des troupes.
Démonstration militaire de la Porte
Constantinople, 24 novembre.
Le bruit court que la Porte aurait dé-
cidé de faire une démonstration militaire
sur la frontière de la Serbie.
Les armements de la Grèee
Athènes, 24 novembre.
Toutes les classes de la réserve vont être
appelées sous les drapeaux. La presse et
l'opinion publique réclament la guerre.
La santé du roi d'Espagne
Madrid, 24 novembre.
L'état du roi, qui avait subi une aggrava-
tion dans la matinée, s'est légèrement amé-
lioré ce soir.
Le roi a pu prendre quelques aliments.
Le Parlement italien
Rome, 24 novembre.
Demain, à l'ouverture de la Chambre
des députés, MM. Santonofrio et Sangiu-
liano déposeront deux interpellations sur
la question des Balkans.
QUESTION DU JOUR
Le régime parlementaire
Rien n'est plus à la mode que de mé-
dire du régime parlementaire. Ce sys-
tème ingénieux, inventé et perfectionné
par les Anglais, était en train de faire
le tour du monde, ou du moins le tour
de l'Europe, puisque les Américains ont
adopté un autre mode de gouvernement
représentatif. Il était admis qu'on ne
pouvait trouver un meilleur moyen d'as-
surer le règne de l'opinion publique que
celui qui consiste à faire du cabinet
l'émanation de la Chambre populaire,
tout en évitant de faire élire directe-
ment par elle les membres du ministère,
ce qui obligerait à supprimer l'autre
Chambre et la fonction de chef de
l'Etat.
Le régime parlementaire compte deux
classes d'adversaires : les partisans du
système américain et les partisans du
système de la Convention. Les premiers
voudraient un pouvoir exécutif indépen-
dant et complètement séparé des Cham-
bres ; les seconds voudraient qu'il ne fût
qu'une collection de commis plus ou
moins obscurs aux ordres d'une Cham-
bre unique. La Constitution américaine,
excellente dans une république fédé-
rale où le gouvernement central est peu
de chose, où il n'y a ni armée permanente
ni partis monarchiques, nous ferait os-
ciller entre l'anarchie et la dictature,
oscillation qui, d'ailleurs, ne serait sans
doute pas de longue durée.
Quant au régime de la Convention,
qui inspire encore une admiration pas-
sionnée aux amateurs de la politique
révolutionnaire, il a été appliqué chez
nous, pendant un an ou deux, avec
beaucoup de vigueur et d'efficacité.
Mais il a fallu pour l'inaugurer un coup
d'Etat de la population parisienne con-
tre la représentation nationale, et pour
le faire durer une épuration continue de
l'Assemblée régnante au moyen de la
guillotine. Le souvenir de cet essai peut
exciter l'émulation des bouillants dépu-
tés que le département de Seine-et-Oise
a envoyés au Palais-Bourbon. On trou-
verait aussi çà et là quelques partisans
de cette méthode de gouvernement par-
mi les politiciens romantiques qui rê-
vent de Robespierre et de Danton. Mais
l'immense majorité des gens qui pren-
nent la politique pour une chose sé-
rieuse, et non pour un mélodrame à
grand spectacle, préfèrent une existence
plus paisible. i
Des Chambres qui ont tant de peine
à former une majorité et à soutenir un
cabinet pendant quelques mois sont
peu autorisées à réclamer un pouvoir
plus absolu. Il sera temps de supprimer
la présidence de la République quand
on trouvera un premier ministre qui
puisse représenter, durant un certain
nombre d'années, le pays devant l'é-
tranger et l'unité nationale en face des
partis. Il sera temps d'abolir le Sénat
quand les représentants directs du suf-
frage universel seront à l'abri de tout
entraînement, et se montreront incapa-
bles de voter de mauvaises lois ou de
prendre des mesures dangereuses.
L'histoire contemporaine ne démontre
pas que le moment soit venu d'enlever
les garde-fous, et la Chambre actuelle
n'a pas encore donné des preuves assez
éclatantes de son esprit de gouverne-
ment pour qu'on songe à la débarras-
ser de tout frein et de tout contre-
poids.
4 Il est vrai que depuis quelques an-
nées le régime parlementaire n'a pas
produit chez nous de très brillants ré-
sultats. Faut-il en conclure qu'il ne vaut
rien, ou qu'il s'adapte mal à notre tem-
pérament ? Le proverbe dit qu'un mau-
vais ouvrier n'a jamais de bons outils,
ce qui ne signifie pas qu'un mauvais ou
vrier fait bien de changer sans cesse
d'outils, mais qu'il devrait commencer
par se modifier lui-même et par se cor-
riger de ses défauts. Si nos majorité
sont trop instables, ce n'est pas en les
délivrant 'de toute entrave qu'on les
rendra plus sages ni plus constantes;
si les crises ministérielles nous font
tort, ce n'est pas en supprimant les pou-
voirs plus durables du président de la
République et du Sénat qu'on rendra
plus inoffensifs les caprices d'une Cham-
bre qui donne et retire sa confiance se-
lon le vent qui souffle.
Le régime parlementaire réussit mé-
diocrement parce qu'il est mal pratiqué,
parce que nous en violons trop souvent
les règles et les traditions. Il suppose
des partis organisés qui se disputent la
majorité, et un ministère composé des
chefs de la majorité régnante. Si les
partis s'émiettent, se subdivisent en
groupes et sous-groupes, en sectes et
coteries, si la majorité a des chefs
qu'elle néglige de porter au pouvoir, si
elle a trop de chefs rivaux, jaloux les
uns des autres, s'il n'y a en un mot ni
unité ni discipline, le parlementarisme
n'est plus qu'une lutte incessante entre
une multitude d'ambitions inconcilia-
bles, et les cabinets ne sont que des com-
binaisons artificielles et éphémères.
Mais toute autre Constitution donnerait
des résultats plus fâcheux encore, puis.,
que rien ne viendrait atténuer les défauts
et corriger les erreurs de l' Assemblée
Supposez qu'au lieu de trouver de-
vant elle un ministère installé, un ma
gistrat suprême placé au-dessus des pe"
tites rivalités et des orages quotidiens,
un Sénat dont le silence même est un
avertissement et dont l'inaction tempo-
raire est un frein, la Chambre actuelle
ait eu dès le premier jour de son exis-
tence un gouvernement à organiser, un
premier ministre à élire, croyez-vous
que les choses iraient mieux et que
nous serions plus tranquilles? Est-ce
que le spectacle de ces réunions plé-
nières où n'assistent que le quart des dé-
putés, de ces groupes défunts qui re-
naissent à l'envi de leurs cendres, de
cette agitation tumultueuse et stérile,
serait beaucoup plus rassurant pour le
pays ? On compte sur les doigts les ré-
formes que le régime parlementaire a
permis aux législateurs d'accomplir : es-
sayez de compter les sottises qu'il em-
pêche de commettre.
$
LA JOURNEE DE PARIS
LA MORT DU ROI D'ESPAGNE (Fausse
nouvelle). — Hier soir, aux environs de neuf
heures, des bataillons de crieurs se sont ré-
pandus sur le boulevard et dans les rues
avoisinantes en criant, avec le titre d'un jour-
nal du soir, la « mort du roi d'Espagne ».
Ce renseignement était parvenu à notre con-
frère à « la dernière minute ». Il est regret-
table qu'il n'ait pu, pressé par les nécessités
du tirage, aller aux renseignements.
A l'ambassade d'Espagne, on n'avait reçu
aucune dépêche annonçant la mort d'Al-
phonse XII, dont (l'état est grave, comme on
l'a vu par la dépêche que nous avons publiée
plus haut.
Notre confrère, donnant d'ailleurs par une
sage précaution la nouvelle de cette mort
d'après un autre journal, ajoutait : « A de-
main les détails. » Il se peut qu'aujourd'hui
notre confrèresoit un peu embarrassé pou
tenir sa promesse.
«
* *
LES FÊTES DE L'INDUSTRIE ET DU
COMMERCE. — La commission nommée
pour l'organisation du bal du tribunal de com-
merce s'est réunie hier, dans l'après-midi,
dans la salle des réunions des juges, sous la
présidence de M. Michau, président du tri-
bunal de commerce.
Après un exposé des projets par M." Al-
phand, il a été décidé que le bal aurait lieu
irrévocablement le 19 décembre. Les billets
— dont le prix reste fixé à 20 francs — sont
mis en vente à partir d'aujourd'hui.
«
* *
A U HOTEL CONTINENTAL. Samedi
5 décembre prochain aura lieu à l'hôtel Con-
tinental, sous le haut patronage du ministre
de l'instruction publique, des beaux-arts et
des cultes, le bal des trois sociétés d'enseigne-
ment : Association polytechnique, AssociatioIÍ
philotechnique, Union française de la jeu-
nesse. 4
*
* * -
LES BALLONS DIRIGEABLES. — De
très intéressantes explications ont été four-
nies hier à l'Académie des sciences par le ca-
pitaine Renard, chef des ateliers d'aérosta-
tion militaire de Meudon, sur le ballon diri-
geable. Le capitaine Renard, dont les premiers
essais ont été faits, on se le rappelle, avec le
concours du capitaine Krebs , maintenant
attaché au corps des sapeurs-pompiers, est
aujourd'hui secondé par son frère, capitaine
dans l'armée, et par un aéronaute, M. Poic-
tevin.
Le ballon dirigeable fournit une vitesse de
six mètres à la seconde; il peut, en consé-
quence, revenir à son point de départ et lut-
ter contre le vent, à la coud ition, toutefois,
que la vitesse des courants aériens soit infé-
rieure à celle produite par l'hélice de l'aéros-
tat. Cette hélice, actionnée par un moteur
électrique, donne trois mille tours à la mi-
nute, et le capitaine Renard a dû inventer un
système de circulation d'eau froide pour
éviter réchauffement trop grand produit par
un tel frottement.
La communication du capitaine Renard a
été accueillie avec beaucoup de faveur par
l'Académie des sciences.
9
* +
LA CREMATION. — On sait que le conseil
municipal a approuvé l'établissement, au
Père-Lachaise, d'un appareil pour la créma-
tion des corps.
Par décision du préfet de la Seine, l'adjudi-
cation des travaux que nécessite cette cons-
truction aura lieu le cinq décembre. L'en-
semble de la dépense s'élève à 193,000 francs.
Les travaux seront certainement terminés
en moins d'une année, de telle sorte que, le
1" janvier 1887, la crémation pourra être ap-
pliquée à Paris : la crémation facultative du
moins, la seule qui ait été autorisée par l'au-
torité supérieure.
On se rappelle les vers que le grand païen
Th. Gautier a écrits, dans Emaux et Camées,
sur la crémation antique, grâce à laquelle,
dit-il, « une urne aux flancs étroits » gardait
religieusement
Ce que le papillon de l'âme
Laisse de poussière après lui,
Ou ce qui reste de la flamme
Sur le trépied quand elle a lui.
t
LES FEMMES INTERNES. — Les fem-
mes ont été, après un long débat, où plu-
sieurs de nos docteurs les plus connus se
sont montré assez peu galants, admises au
concours de l'internat. La semaine dernière,
deux « candidates » se sont présentées aux
examens.
Mlle Plumkett, élève de M: Vulpian, a ob*
tenu 28 points ; 30 était le maximum.
Trois étudiants seulement ont atteint cette
note ; la moyenne varie de 21 à 25.
Mais la seconde candidate, Mlle Blanche
Edwards, n'a eu que 22 points.
Il paraît que Mlle Edwards n'a pas pris phi-
losophiquement son échec. Elle serait sortie
dans la cour en eriant : « Oh ! les lâches ! » Le
propos est leste, mais le jury, habitué à être
maudit au moins pendant vingt-quatre heu-
res, ne gardera pas vraisemblablement ran-
cune à Mlle Edwards de ce « cri du cœur » 1
*
♦ *,
LES DUELS. — Une rencontre à l'épée a
eu lieu lundi entre MM. Maurice Montégut, le
poète néo-romantique, et Gabriel Astruc.
M. Maurice Montégut a été légèrement
blessé à la man.
*
♦ *
LE MONUMENT DE L'AMIRAL COUR-
BET. - Voici, d'après une aquarelle exposée
chez M. Haquette-Bouffé, le marchand de ta-
bleaux du boulevard des Italiens qui a servi
comme officier sous les ordres de l'amiral
Courbet, les grandes lignes du monument
qui sera élevé sur la place d'Abbeville au
vainqueur de Fou-Tcheou :
Une vague gigantesque, qui soulève la
poupe d'une galère antique, sert de soubas-
sement hardi à un groupe allégorique. L'a-
miral Courbet, conduit par la Victoire, soutenu
par la Foi, l'Espérance et le Devoir militaire,
montre l'ennemi à ses marins et donne l'or-
dre d'engager le combat.
A la base du monument court une chaîne
qui relie quatre piédestaux où sont des ca-
nons, des ancres, des piques et des cuirasses.
L'ensemble du monument sera exécuté en
granit ou en marbre, à l'exception des figures
et des trophées, qui seront probablement cou-
lés en bronze.
Le monument coûtera environ 300,000 fr.
Nous croyons savoir que quelques modifica-
tions seront apportées à ce premier projet. La
vague du soubassement sera légèrement
aplanie et deux monstres marins, personni-
fiant les torpilleurs, orneront les deux côtés
de la trirème. La disposition des figures serait
aussi changée, de façon à ce que celle de
l'amiral se détachât en une plus franche lu-
mière en avant du groupe des allégories.
■fif.
LES VENTES D'AUTOGRAPHES. — Les
ventes d'autographes se succèdent à l'Hôtel
des Ventes. La semaine dernière on a vendu
la huitième série des autographes de la très
intéressante collection de M. Dubrunfaut,
composée d'autographes des hommes de
guerre et marins célèbres. Une épître de
Jean Bart est montée à 82 fr.; deux lettres
de Bazaine, 20 francs, etc.
Avant-hier, c'était le tour des littérateurs.
Une lettre d'Emile Augier a été adjugée à
50 fr., une de George Sand à 55 fr. Voici
quelques autres prix : une lettre de Flaubert,
21 fr.; de Victor Hugo, 41 fr.; de Thiers, 30 fr.;
de Lamartine, 50 fr.; de Jules Janin, 21 fr.;
de Charles Monselet, 5 fr.; de Mürger, 21 fr.;
de Pailleron, 6 fr.; de Zola, 19 fr.; de M. Jules
Grévy, 31 fr.
Une lettre de Chateaubriand, datée du 26
juin 1831, avec cette phrase : « Nos change-
ments de gouvernement arrivent dans un es*
pace de dix à quinze ans. C'est la mesure de
la patience française », a été vendue 77 fr.
Dix pièces de vers autographes d'Alexandre
Dumas fils ont atteint quatre cents francs ;
voici quelques-uns de ces vers « sur la mort
de Mlle de Béthune » :.
Qui jamais aurait dit, excepté Dieu lui seul,
Que cette jeune femme avec sa robe blanche
S'inclinant à l'autel, d'où le bonheur s'épanche
Aurait, après un an, son voile pour linceul?
Le cercueil !. Voilà donc où toute chose tombe,
C'est l'éternelle loi que rien ne peut changer.
Fiancée à la mort, son bouquet d'oranger
Est encore assez frais pour mettre sur sa tombe.
Le plan d'une comédié d'Alfred de Musset
restée à l'état de projet, « le Comte d'bssez »,
a été vendu 140 fr.
LE TRAVAIL
,1
La tribune de la Chambre des dépu-
tés voit déposer, chaque jour un nombre
considérable de projets de lois. Les
nouveaux élus tiennent les promesses
faites aux électeurs et jettent leur
gourme. Parmi ces projets et ces vœux
il en est bon nombre de chimériques ou
de stériles, qui dénotent chez leurs au-
teurs, en bien des cas, des passions de
sectaire bien plus que des mérites
d'homme d'Etat. Les projets prati-
ques, presque immédiatement réalisa-
bles, ayant une utilité pour demain,
sont particulièrement rares. Il ne mq
coûte pas d'avouer qu'un des nouveaùx
élus de Paris, M. Camélinat, candidat
ouvrier et socialiste, s'est montré un
homme pratique, bien plus que de bril-
lants politiciens, en exprimant le vœu
que des travaux fussent donnés aux
ouvriers à l'entrée de l'hiver.
Il se peut que le vœu de M. Caméli-
nat ne soit rédigé ni dans un esprit que
nous puissions accepter ni dans une
forme qui nous satisfasse. Tout ce qui
ressemblerait à la création d'ateliers
nationaux, tout ce qui pourrait consti-
tuer une sorte de privilège pour une
classe de travailleurs ne saurait être
loué par nous. Mais, d'une manière gé-
nérale, nous pensons que le moment est
venu où l'Etat et la ville de Paris doivent
faire tout ce qui est humainement pos-
sible pour déterminer à bref délai
une reprise du travail. Ne nous fai-
sons pas d'illusions dont nous serions
les victimes. Le gros de la nation fran
çaise, tout en étant libéral, en tenant
au suffrage universel et à la liberté des
consciences, ne s'attache pas aussi pas-
sionnément qu'on le croit à telle ou
telle forme de gouvernement. Le pays
presque tout entier peut être ramené à
la République si elle fait les affaires de
la France et permet à chacun de faire
les siennes. Dans le cas contraire, on
verrait se détacler "de nous des élec-
teurs qui garderaient pour la République
leur préférence théorique, mais qui au-
raient été conduits à penser que les
gouvernants républicains sont incapa-
bles d'assurer la prospérité matérielle
de la nation. Il faut donc, et la chose
doit passer avant toute autre, porter
remède autant que faire se peut à la
crise des affaires et le remède serait
insuffisant s'il était simplement empiri-
que et temporaire. Il s'agit bien de la
trêve des confiseurs ! Il s'agit de faire
la paix définitive et féconde entre la
République et le travail.
Nous avons indiqué plusieurs fois
déjà les réformes législatives qui de-
vaient faciliter une reprise des affaires
dont tout le monde a besoin. Les ré-
formes des lois, nécessaires et en quel-
ques cas indispensables, demandent un
certain temps, et même si la Chambre
s'y met de suite, les fruits qu'ellespour-
ront porter seront un peu tardifs. Mais
ce que l'Etat et la ville de Paris peuvent
faire de suite, c'est de secouer la tor-
peur administrative et de mettre à exé-
cution immédiate les travaux sur les-
quels on est d'accord et pour qui des
crédits existent. Nous voudrions voir
pousser les travaux de Paris avec la
dernière activité, et là où les ressources
de la ville sont insuffisantes nous se-
rions très partisans qu'on s'en remît à
l'initiative individuelle, qui saurait bien
trouver l'argent nécessaire. Le conseil
municipal a un beau rôle à jouer. Ou-
bliant la politique, il peut dans une large
mesure rendre la vie aux affaires et, né-
gligeant de séparer l'Eglise de l'Etat,
s'occuper de rapprocher le capital et le
travail, ce qui est d'autre importance.
Pour cette tâche, le conseil municipal
trouvera partout les concours néces-
saires, à condition de ne pas mêler aux
questions d'affaires des considérations
de politiciens, de ne pas diviser Paris
en une ville populaire à qui on accorde
tous les travaux, et une ville aristocra-
tique à qui on les refuse; à condition, en
un mot, d'administrer.
Le rôle de l'Etat peut n'être pas moins
considérable et utile que celui de la
municipalité. Dans bien des cas, d'ail-
leurs, il lui suffit de laisser faire. On se
plaint souvent que notre race manque
d'initiative. Mais se rend-on compte as-
sez combien d'entraves s'opposent à
l'initiative d'un citoyen qui veut entre-
prendre une affaire grande ou petite? Je
sais, pour mon compte, des travaux vo-
tés par une chambre de commerce et
qui ne sont pas exécutés encore, parce
qu'il faut une triple autorisation dans
trois ministères et qu'on ne peut arriver
à les obtenir. Un vigoureux effort d'es-
prit est nécessaire à nos gouvernants:
pour aider le travail national momenta-
nément en souffrance. Les grandes af-
faires industrielles, agricoles, commer-
ciales ne -- manquent pas et il faudrait
peu de chose pour remettre en mouve-
ment et en marche notre magnifique ou-
tillage. Quelque prudent que l'argent
soit de sa nature, les grandes affaires
qui ont marqué la seconde moitié de
notre siècle ont été si productives que
leur souvenir est un encouragement.,
Qui eût pensé à l'extension prodigieuse
de notre réseau de chemins de fer quand
on inaugura, il n'y pas cinquante ans, la
petite ligne de Saint-Germain ? Qui se
serait douté des modifications apportées
par l'affaire du canal de Suez dans le
budget général de notre pays ? Qui eût
pu prévoir l'accroissement constant des
affaires dans les maisons de banque
créées pour rendre plus mobile la pro-
priété foncière ? Il faut peu de chose
pour que nous retrouvions le mouve..
ment et la prospérité d'il y a vingt ans.
Presque toujours le gouvernement, à qui
on ne demande qu'un peu de stabilité,
n'a qu'à laisser faire, et les grandes
affaires recommenceront à donner chez
nous à l'argent le mouvement dont il a
besoin. Aussi, grands travaux à Paris y
canaux français, canal interocéanique
de Panama, toutes les grandes affaires
en cours d'exécution ou en projet nous
paraissent devoir être encouragées, dé-
fendues et servies par l'Etat, qui aura
fait pour la République l'œuvre la plus
utile et la plus durable en faisant de la
cessation de la crise actuelle l'unique
préocupation de ses efforts.
HENRY FOUQUIER.
LE PARLEMENT
COURRIER DU SENAT
Pàris, 24 novembre.
Le Sénat attend évidemment. Il n'em
treprend aucun travail important et se
contente, dans ses courtes séances, d'ex-
pédier quelques lois d'intérêt secondaire.
Ce nev sera sans doute que lorsque la
Chambre sera sortie de la période troublée
qu'elle traverse, après le Congrès peut-
être, que les sénatëurs entameront la dis-
cussion des grosses questions.
La séance d'aujourd'hui n'a duré qu'une
heure et a été consacrée uniquement à
des votes sans débats. On a adopté succes-
sivement, à titre définitif, le traité de
commerce avec la Birmanie, l'interdiction
de la pêche aux étrangers dans nos eaux
territoriales, une convention avec la Com-
pagnie çle l'Ouest, la réforme de la police
des forêts en Algérie, et en première déli-
bération une proposition de loi relative au
taux de l'intérêt de l'argent.
Au début de, la séance, M. Le Royer a
annoncé au Sénat la mort de St. "B3Snîile,'1
sénateur du Pas-de-Calais, et M. Fer-
rouillat a déposé son rapport sur l'ensei-
gnement primaire..
C'est tout. Et maintenant il n'y aura
plus de séance jusqwà samedi. ,
A. LANDRIN.
Comme on le verra plus loin, la com-
mission élue hier à la Chambre es
favorable, à une grande majorité, au
principe de l'évacuation du Tonkin.
Nous apprécierons demain la portée de
ce vote. Mais il faut considérer que le
choix des commissaires, dont la plu-
part ont été élus par l'alliance radico-
monarchiste, ne fait pas préjuger d'une
façon certaine l'opinion de la Chambre.
Les commissaires n'entendent pas tous,
d'ailleurs, de même, le sens du mot
« évacuation ». M. Rochefort est seul à
demander que l'on fasse évacuer le Ton-
kin sur-le-champ, « en cinq minutes »
peut-être !
M. y.
, 1 ——
INFORMATIONS r ARTICULIbES
Les crédits pour le Tonkin et Madagascar
La Chambre s'est réunie hier à deux
heures dans ses bureaux pour nommer la
commission de trente-trois membres qui
va être chargée d'examiner les projets de
loi tendant à reporter de l'exercice 1885 à
l'exercice 1886 des crédits extraordinaires
montant à la somme de 79,036,488 francs
pour le service du Tonkîn et de Madagas-
car.
La réunion des bureaux avait été 'précé-
dée d'une seule réunion de groupe. MM.
Barodet et Tony Révillon avaient, en effet,
convoqué pour une heure leurs collègues
d'Extrême-Gauche, anciens ou nouveaux.
Cinquante membres environ assistaient à
la séance. Il s'agissait de s'entendre sur la
ligne de conduite à tenir dans les bureaux
pour l'élection de la commission des cré-
dits.
M. Rochefort a soutenu la nécessité de
l'évacuation immédiate du Tonkin et du
refus des crédits.
M. Peytral a combattu cette opinion en
disant qu'il ne fallait pas rendre inutiles
les sacrifices que la France a faits au Ton-
kin. La possession de ce pays peut être un
jour une source de revenu pour la France.
Il convient de songer, en outre, que la
question de confiance sera posée et qu'une
crise ministérielle serait inadmissible sur
la question des crédits. Elle serait le point
de départ d'une série de crises successi-
ves. Le mieux est donc de demander la
substitution progressive des troupes indi-
gènes aux troupes européennes et la limi-
tation de notre occupation au delta du
fleuve Rouge, conformément aux vues du
ministère.
M. Georges Périn a soutenu la thèse de
l'évacuation. Toutefois son avis diffère de
celui de M. Rochefort en ce qu'il admet
pue l'opération se fasse dans les délais qui
seront Reconnus nécessaires , pour assu-
rer la sécurité de nos intérêts.
M. Périn demande, en outre, que le ca-
binet s'explique nettement. S'il consent à
l'évacuation dans les conditions indi-
quées, il faut lui accorder les crédits. Dans
le cas contraire, il faut les refuser, attendu
qu'ils seraient insuffisants pour rester au
Tonkin.
La délibération à été interrompue par
la réunion des bureaux. Toutefois la ma-
jorité des députés présents avait paru se
rallier au système de M. Périn.
Dans les bureaux, la discussion a été
très longue et quelque peu confuse. Il y a
eu des redites inévitables et il serait abso-
lument superflu d'indiquer le sens de
tous lus discours qui ont été prononcés.
Nous nous contenterons d'analyser - les
plus importants et de donner l'opinion des
candidats élus.
Voici d'abord le sens des explications
fournies par les membres du gouverne-
ment :
M. Henri Brisson, président du conseil,
s'est exprimé à peu près en ces termes dans
le premier burea u :
« Le gouvernement veut diminuer l'effectif
des troupes européennes et préparer le mo-
ment où les frais du Tonkin seront couverts
par les ressources locales. Le gouvernement
ne se prêterait pas à une évacuation. La plus
fâcheuse des politiques serait celle qui, sous
le nom de liquidation, aboutirait à une re-
traite prochaine. Mieux vaudrait renoncer à
la conquête du Tonkin et de l'Annam. Ce se-
rait le parti le plus désastreux que pourrait
prendre une Chambre française.
» Ce n'est pas seulement l'honneur du dra-
peau qui est engagé ; c'est l'honneur de la
France devant le monde. Quand on a commen-
cé de pareilles entreprises, 11 faut les me-
ner à bonne fin. Monarchistes et républicains
doivent être confondus dans le même senti-
ment. On porterait atteinte au prestige, à
l'action diplomatique de la France en agis-
sant aut rement. Il y aurait une diminution
de la France, que tout Français ressentirait
quinze jours après le vote.
» Quant à Madagascar, il sera difficile de
prendré des résolutions avant janvier. Des
négociations sont en cours sur lesquelles le
gouvernement ne peut s'expliquer; c'est
pourquoi nous n'avons demandé qu'un crédit
provisoire. »
M. Goblet, ministre de l'instruction publi-
que, dans le cinquième bureau, a déclaré que
le ministère n'avait pas cherché à présenter
la politique coloniale sous une forme oblique
et détournée. La demande des crédits était
Indispensable en tout état de cause.
« On nous reproche en second lieu, -a-t il
ajouté, de continuer la politique de M. Ferry.
Je ferai remarquer qu'il y a une grande dif-
férençe entre. tea. £ eux,politiques. Le gouver-
nement actuel ne songe en aucune façon à
continuer la politique d'expansion coloniale.
Mais II n'est pas non plus pour une politique
d'abandon; 11 ne croit. pas pouvoir aller jus-
qu'à l'évacuation. Il considère la politique
d'abandon comme éminemment dangereuse.
Si l'on évacuait le Tonkin, la Cochinchine se-
rait très compromise. Ce serait une responsa-
bilité très grave et au point de vue de nos in-
térêts et au point de vue de notre honneur na-
tional. Si l'on évacuait, des massacres ne man-
queraient pas d'avoir lieu. »
M. Goblet a terminé en faisant l'éloge de
fcr politique gouvernementale du - protecto-
iat.
Pour Madagascar, M. Goblet a dit que nous
étions beaucoup moins engagés. Mais derniè-
rement il y a eu de. nouveaux pourparlers
avec les Hovas. Si ces négociations aboutis-
saient, nous le saurions d'ici quelques se-
maines.
M. Goblet n'avait pris la parole que sur
une interpellation directe de M. Sigismond
Lacroix.
Les autres membres du cabinet, notam-
ment MM. Allain-Targé et Sarrien, n'ont
fait que des déclarations sans impor-
tance.
Voici maintenant, par ordre de bureaux,
les noms des commissaires élus avec l'in-
dication de leurs opinions.
Les noms en italiques sont ceux des
députés de Droite :
Premier bureau. — M. Jullien a été élu
au premier tour de scrutin par 26 voix. Au
troisième tour, MM. Richard Waddington
et de La Porte, ont été élus, le premierpar
21 voix et le second par 25 voix.
M. Jullien a déclaré qu'il ne fallait pas per-
sister dans la politique coloniale suivie jus-
qu'il, parce que le pays a nettement signifié
sa volonté à ce sujet. Si le Tonkin ne peut
pas être évacué immédiatement, il faut néan-
moins commencer la liquidation de cette en-
treprise ainsi que de celle de Madagascar.
M. Waddington est opposé à l'évacuation
immédiate du Tonkin. La France doit con-
server son prestige dans les mers de l'Indo-
Chine, à l'exemple de. la Russie et de l'Angle-
terre. Evacuer le Tonkin d'une façon complète
serait s'exposer, pour l'avenir, à de plus
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