Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-11-22
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 22 novembre 1885 22 novembre 1885
Description : 1885/11/22 (A15,N5068). 1885/11/22 (A15,N5068).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N° 5068 Prix du numéro à Paris : 45 centimes — Départements : 20 centimes Dimanche 22 Novembre 1885
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Panama. 41375.
Hongrois 80 1/16, 80.
Tabacs. 445.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (une Petite Babel). —
Journée de Paris.
Cinfy mille billets doux. — SAINT-JUIRS.
ttil àêssâgé présidentiel.
Courrier de la Chambre. - Louis DESFORGES
La Guerre. — Louis HENRlQUE.
Nouvelles coloniales.
Informations particulières.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Revue de la presse. — HACHETTE.
Variétés (lë& « jacobites»).
Le Sport du jour. — FAVELLES,
La Température.
Courrier de la Bourse. — H. LE FAun,
Bibliographie.
La Santé de Paris.
Faits divers. — JEAN VALLIEÎIÈ.
Tribunaux. — M9 GERVASY.
Soirées parisiennes. — EMILE MENDEL.
Courrier des théâtres. - GEORGES FEYDEAU.
Le Roman d'un grand-duc.- COMTE AFANASI
DERNIÈRE HEURE
lin Bulgarie
Semlin, 21 novembre.
Les renseignements les plus autorisés
confirment la nouvelle, donnée officielle-
ment d'ailleurs , que le mouvement de
l'aile droite, à Bentick, à dégagé brillam-
ment l'aile gauche du il général Miloutine
qui était refoulée par l'ennemi, et lui a
permis de reprendre ses positions.
La division Michkovich formera, assure-
t-on, la réserve.
On pense que la division Papalovitch
arrivera aujourd'hui.
Dans les cercles officiels serbes, on se
montre plein de confiance.
L'aide de camp royal Bajolovitch a été
blessé à Trûne.
On dément officiellement que le person-
nel et les blessés d'une ambulance bulgare
aient été massacrés.
Le colonel Milanovitch, attaché militaire'
à Vienne, remplace le général Miloutine.
Le président du conseil, M. Garachanine,
doit rester momentanément auprès du
roi.
fin serbIe
Belgrade, 21 novembre.
Un train de blessés bulgares, abandonné
par les médecins et les infirmi ers, et dont
les chevaux mêmes avaient été enlevés, a
été recueilli par les Serbes. Ceux-ci se plai-
gnent vivement de certains actes de cruauté
commis par les Bulgares.
Ainsi un officier du nom de Katlzovic
aurait été coupé en morceaux et un autre
du nom de Kolzich, déjà blessé, aurait été
achevé à coups de baïonnette.
La division Topalovich a opéré sa jonc-
tion avec la division Benitzki qui devient
ainsi le centre de l'armée serbe.
Sli vnitza est donc actuellement forte-
ment menacée par la gauche.
En Grèce
Athènes, 21 novembre.
Les Turcs fortifient la frontière.
Des mouvements de troupes ottomanes,
signalés sur la frontière, ont causé une
vive émotion.
Le ministère de la marine a déclaré en
état de siège les détroits de Salamine, de
Mégare, de Chalcis et de Gardiski, par
suite des exercices auxquels se livrent les
torpilleurs.
La presse engage vivement le gouver-
nement à prendre une attitude énergique.
La Chambre a voté sans débats les pro-
jets relatifs aux mesures fiscales.
Le « Times » et la paix
Le Times a reçu, d'une source autori-
sée, l'importante communication suivante,
relative à la conduite que va adopter la
Serbie :
» M. Garachanine vient d'être appelé
soudainement à Pirot pour arrêter les ter-
mes d'une proposition de paix que cer-
tains conseillers engagent le roi à faire
immédiatement, que la ville de Sofia soit
prise ou non.
» Les Serbes ont été pris au dépourvu
bien moins encore par les revers qu'ils
viennent de subir que par la soumission
inattendue du prince Alexandre envers la
Porte, alors surtout qu'avant son départ
pour le théâtre de la guerre le prince
avait dit : « Je suis résolu à consacrer tou-
» tes mes forces, à sacrifier même ma vie
» pour l'union des deux Bulgaries. »
» En présence de la situation actuelle
de la Porte, et en raison de ce fait qu'ils
ne comptent sur aucune intervention ac-
tive de la Grèce, les Serbes considèrent
qu'il est politique de leur part de faire
immédiatement des propositions de paix.
Ils estiment que ces propositions ne sont
pas plus humiliantes que la soumission de
la Bulgarie après sa première défaite.
« Il est probable que la paix sera conclue
la sejcpaine prochaine. »
QUESTION DU JOUR
"5
Une petite Babel
On ne suit pas avec beaucoup d'at-
tention les débats du conseil municipal
de Paris et du conseil général de la
Seine, qui n'est qué !:: même assemblée,
grossie de quelques élus de la baul*eU £ ?
Le public, il faut le reconnaître, est de-
venu presque indifférent aux discussions
de l'Hôtel de Ville, si ce n'est quand nos
édiles se divertissent à changer le nom
des rues. Hier, cependant, cette Cham-
bre en miniature, sans doute pour faire
honte à celles qui nous donnent des lois,
a touché la question de la séparation de
l'Eglise et de l'Etat. Ce grave problème,
qui préoccupe les politiques du Palais-
Bourbon et du Luxembourg, et qui em-
pêche les ministres de dormir, n'a pu
remplir une séance entière du conseil
général. Bel exemple de promptitude et
de fermeté. Il est vrai qu'il ne s'agissait
que d'un vœu à émettre, ce qui ne tire
pas à conséquence.
La plus grande partie de la séance a
été consacrée à l'audition d'un discours
de M. Monteil, que ses collègues ont
trouvé éloquent, mais un peu long. M.
Monteil, qui est un romancier distingué,
ne craint pas de se lancer dans les ré-
cits historiques, au risque de faire dire
que son imagination le suit partout.
Aussi, pour s'appuyer sur une plus
grande autorité, a-t-il cité plusieurs pa-
ges de Michelet. Mais c'est le Michelet
de la fin, celui que ses plus chauds ad-
mirateurs recommandent de ne plus
considérer que comme un grand écri-
vain.
L'orateur du conseil général ne s'est
pas borné à ces citations; il a exposé
ses propres idées avec la fougue qui lui
est habituelle. Ses sentiments sont con-
nus, mais ses idées ne sont pas toujours
très claires. C'est ainsi qu'on trouve
dans le compte rendu officiel de sa ha-
rangue cette phrase étonnante : « La
conception religieuse n'est pas mêlée
au débat. Ce que nous désirons, c'est
de ne plus avoir affaire avec la religion
catholique. Un Ëtat bien discipliné ne
saurait supporter dans son sein une ar-
mée disciplinée, qui obéit aveuglément
» à un chef. » Et il dit encore : « Je se-
rais très heureux de réaliser cette for-
mule : l'Eglise libre dans l'Etat libre ;
mais il y a à cette réalisation une con-
dition capitale, c'est que l'Eglise ne
sera pas une organisation. »
Voilà, dites-vous, un homme qui parle
nettement, et qui sait ce qu'il veut. Mais
ce même homme ajoute avec la même
franchise et la même clarté : « C'est un
fait que l'Eglise acquiert une nouvelle
force par la persécution; comme l'ont
dit les Pères de l'Eglise, l'Eglise n'a
grandi que par la persécution. »
Ainsi M. Monteil déclare que l'Eglise
ne doit être libre que si elle cesse d'ê-
tre une organisation, c'est-à-dire d'exis-
ter ; il affirme que l'Etat ne saurait la
supporter dans son sein : il veut donc
qu'on la supprime, mais il ne veut pas
qu'on la persécute. Il cite avec enthou-
siasme cette parole de Michelet : « La
liberté du catholicisme dans un gou-
vernement républicain est uniquement
et simplement la liberté de conspira-
tion, » et il reconnaît que l'Eglise ac-
quiert une nouvelle force par la persé-
cution. Conciliez tout cela si vous le
pouvez; sinon, contentez-vous d'admi-
rer.
Il est juste d'avouer que tous les
membres du conseil général ne sont
pas aussi autoritaires que M. Monteil.
M. Desprès, chargé de conclure comme
rapporteur en faveur de la séparation
de l'Eglise et de l'Etat, l'a fait sous cette
réserve que le principe serait simple-
ment adopté, mais ne serait pas appli-
qué de longtemps. M. Ernest Hamel de-
mande bien la suppression du budget
des cultes, mais il réclame des indem-
nités pour les membres du clergé et
fait observer « qu'on ne peut laisser
sur le pavé 50,000 ou 60,000 personnes
qui ont engagé leur avenir sur la foi
des traités ».
Cette divergence d'opinions n'a pas
empêché le conseil général de la Seine
d'émettre son vœu sans explication.
Voilà les Chambres bien éclairées ! Les
représentants des quartiers de Paris et
des cantons de la banlieue forment cer-
tainement une des assemblées les plus
anticléricales de France. S'ils ne peu-
vent se mettre d'accord sur un prin-
cipe tout nu, s'il leur est impossible
d'indiquer une méthode pratique, un
moyen d'exécution, que feront donc les
législateurs, qui n'ont pas le droit de
voter des maximes et des axiomes de
philosophie sans en régler la pratique ?
Nos édiles ont-ils compris que leur ma-
nifestation même est un argument con-
tre la séparation de l'Eglise et de l'Etat,
puisqu'ils ne savent comment l'accom-
plir, eux qui la veulent avec tant de
force ?
On voit que les discussions de l'Hôtel
de Ville ont leur intérêt, car elles nous
donnent une idée de ce qui se passera
au Palais-Bourbon, le jour où certains
débats seront soulevés. On verra aux
prises les concordataires, qui ne défen-
dent le Concordat que comme un moyen
de tenir l'Eglise dans la dépendance de
l'Etat, avec les partisans de la sépara-
tion, qui affirment que c'est le Concor-
dat qui fait la puissance de l'Eglise.
Mais les partisans de la séparation pré-
tendent, les uns que, si le catholicisme
reste libre, l'Etat est menacé par une
conspiration redoutable ; les autres, que
toute religion persécutée devient par là
même plus forte. Ce conflit d'opinions,
qui éclaterait dans la Chambre comme
dans le discours de M. Monteil, rendrait
assurément la majorité fort perplexe, et
pourrait bien justifier la prudente ré-
serve du ministère, qui refuse d'aborder
un si grave problème.
*
—-————— ———————
LA JOURNEE DE PARIS
-
COURSES A AUTEUIL. — Aujourd'hui,à
une heure et demie, courses à Auteuil.
Voici les appréciations de notre collabora-
teur Favelles :
Prix des Cygnes : Réverbère ou Fidelio.
Prix Maubourguet : Le préféré de M. Finot.
Prix du Pesage : Creil ou Matador.
Prix de Versailles : Palamède ou Maman-
Berthe.
Prix de la Périchole : Roussel ou Voisins.
«
« •*
A L'INSTITUT. — Les candidats à la suc-
cession de M. Emile Perrin à l'Académie des
beaux-arts sont nombreux. On cite déjà M.
Marcille et M. Duplessis, qui s'étaient pré-
sentés une première fois, il y a quelques
mois, après la mort de M. du Sommerard;
M. Charles Clément, critique artistique du
Journal des Débats, et M. L. de Ronchaud, di-
recteur des musées nationaux.
*
■êt *
LA SORBONNE. — Les travaux de recons-
truction de la Sorbonne sont menés avec une
grande activité. Le bâtiment atteint déjà, sur
toutes ses faces, la hauteur d'un troisième
étag-e.
On peut, dès maintenant, se rendre compte
de l'ensemble du nouvel édifice qui forme un
vaste rectangle flanqué à chaque angle d'un
pavillon carré. De ces quatre pavillons, trois
seulement seront actuellement construits ;
le pavillon de la rue de la Sorbonne ne peut
être qu'amorcé en attendant la démolition
des anciens bâtiments.
Les nouveaux bâtiments renfermeront,
comme on sait, le grand amphithéâtre de
trois mille personnes, un amphithéâtre pour
l'enseignement libre, les bureaux de l'aca-
démie de Paris, le secrétariat de la Faculté
des lettres, celui de la Faculté des sciences,
les appartements du recteur, des salles de
commission, la salle du conseil académique,
de grandes salles de composition et les ar-
chives.
L'installation de ces divers services dans les
nouveaux locaux n'aura lieu qu'au fur et à
mesure de l'exécution du projet, l'académie
de Paris n'ayant pas voulu, comme les Postes
et la Ville de Paris, se transporter dans des
baraquements provisoires et préférant mettre
plus de temps à transformer sa demeure et
ne pas sortir de chez elle.
*
* *
LE MUSÉE GUIMET. — Le musée des
civilisations et des religions, que M. Guimet a
offert à la ville de Paris et que nos édiles
n'ont accepté qu'en faisant des façons, va en-
fin être installé.
Les négociations sont terminées, — il ne
manque plus qu'un vote du conseil municipal
et un vote du Parlement !
Le terrain choisi est situé sur l'avenue
d'Iéna ; il ne mesure pas moins de 4,000 mè-
tres. Son prix d'acquisition est évalué à i mil-
lion.
IV
* *
L'HOTEL BARBETTE. — L'hôtel Bar-
bette qu'Isabeau de Bavière habita et qui ap-
partient aujourd'hui à un épieier va être par-
tiellement reconstruit.
Des travaux de réparation étant devenus
indispensables, on a profité de l'occasion pour
changer complètement la distribution inté-
rieure de cet ancien séjour royal. La façade
seule sera rétablie intégralement.
On sait que l'hôtel Barbette fut construit
vers la fin du treizième siècle pour Etienne
Barbette, voyer de Paris, maître de la Mon-
naie et prévôt des marchands. Acquis plus
tard par Charles VI, il prit, quand Isabeau de
Bavière vint y loger, la dénomination de «Petit
Séjour de la reine ».
C'est en sortant du «Petit Séjour de la reine»
que te duc Louis d'Orléans fut assassiné sur
l'ordre de Jean sans Peur, le mercredi 23 no-
vembre 1407.
*
FÊTES DU COMMERCE. — MM. de Ro-
thschild frères ont fait parvenir à M. Alphand,
président du comité, une souscription de dix
mille francs.
Les souscriptions recueillies aujourd'hui
sont les suivantes :
MM. Barbier, premier président de la cour
de cassation, 100 francs ; Grenier, 200 francs ;
Albert, 300 francs ; Marinoni, 200 francs.
MM. Halot, Cruveiller, Charles Goudchaux,
Ed. Goudchaux et Argant et Baraduc (Maga-
sins de la place Clichy), chacun cent francs.
MM. Sinano, Bidermann, A. Daly et Ce, Bau.
dry, Fouret, Guillaume Breton, Lenepveu,
Malet, Mme Malet, Brun, Gonet, Duzaux,
Heulin, chacun cinquante francs.
Le montant des souscriptions recueillies
jusqu'à présent s'élève à la somme de vingt-
sept mille huit cent cinq francs.
«
* *
L'ASSOCIATION DES DAMES FRAN-
ÇAISES. — L'assemblée générale annuelle
de l'Association des dames françaises vient
d'avoir lieu à l'hôtel Continental, sous la pré-
sidence de la comtesse Foucher de Careil,
assistée du docteur Duchaussoy, secrétaire et
fondateur de l'Association.
Mme Fouchcr de Careil a d'abord prononcé
une allocution, puis, après la lecture de quel-
ques rapports, on a procédé à la distribution
des récompenses.
Mme la comtesse Foucher de Careil, et Mme
Trotbas, trésorière du comité de Marseille,
ont chacune obtenu une première médaille.
Une première distinction a été donnée à
Mme Leyendecker, qui a eu un diplôme d'am-
bulancière et une trousse d'honneur.
Cinq diplômes de garde-malade ont été ac-
cordées à Mmes Schutz, Bessel, Goursol,
Meyer et Richardon.
Enfin les palmes d'officier d'Académie ont
été remises à M. le docteur Martel et à M. le
pharmacien Jolly:
On sait que l'Association des dames fran-
çaises, qui a fait, ainsi que l'Association des
femmes de France, de nombreux envois ànos
soldats en Extrême-Orient, vient d'être portée
à l'ordre du jour de l'armée du Tonkin.
m
♦ ♦
UN BAL. — Les trois groupes d'enseigne-
ment populaire : les Associations polytechni-
que, philotechnique et l'Union française de la
jeunesse, organisent, pour le 5 décembre, un
grand bal à l'hôtel Continental.
*
* *
UN BON CONSEIL. — Voulez-vous, par
un moyen bien simple, arrêter ou du moins
diminuer les vomissements pendant les pre-
miers mois de la grossesse ? Buvez de la bière
brune du Faucon, 16, rue des Juifs, recons-
tituant et tonique hors ligne. Cet aliment
complet augmente aussi la sécrétion lactée
chez les mères faibles ou manquant de lait.
*
•ér <*
JOURNAUX POUR AVEUGLES. — Les
avéUgib- s'intéressent aussi à la politique,
aux arts, aUi Jolies-lettres, et ils ont, pour se
tenir au courant de; Choses, des journaux
spécialement rédigés à leur intention par un
aveugle comme eux, M. Mauricô u',l La Size-
ranne.
L'un de ces journaux,le Valentin Hauy, est
semblable aux feuilles ordinaires, mais il s'a-
dresse plus particulièrement aux directeurs
et aux professeurs des établissements consa-
crés aux aveugles, aux parents d'enfants
aveugles, à tous ceux enfin qui s'intéressent
aux quarante mille aveugles français.
L'autre journal, le Louis Braille, est im-
primé en relief, d'après l'ingénieux système
imaginé par l'aveugle de ce nom. Il est lu
par les aveugles eux-mêmes. Des deux par-
ties de cette publication, la première contient
des renseignements spéciaux, des conseils,
des nouvelles, — tout ce qui peut intéresser
ces déshérités ; la seconde contient des arti-
cles littéraires, scientifiques et même des
morceaux de musique.
*
+ *
UN SCANDALE BERLINOIS. - Paris n'a
pas le monopole des scandales. Il paraît
que la société de Berlin attend avec une
certaine impatience les débats d'un procès en
escroquerie intenté à la marquise Rita di
Candia, fille du célèbre ténor Mario et de
Giulia Grisi.
Après avoir fait le désespoir de son père et
lassé par ses folles dépenses l'affection de ses
parents qui payèrent plusieurs fois ses det-
tes, la marquise s'est procuré des ressources
par les moyens qui, de l'avis de la justice
prussienne, relèvent du Code pénal.
La marquise est actuellement en prison et
elle n'en sortira que pour aller devant ses
juges, — ces fameux juges de Berlin, — l'ins-
truction une fois terminée.
CINQ MILLE BILLETS IIOU
Zelt, le beau Zelt, un comédien qui
s'était acquis une certaine réputation
sur les bords du Danube, est mort der-
nièrement à Presbourg. Le récit de ses
derniers moments n'est pas parvenu jus-
qu'à moi; mais j'aime à croire, pour
l'honneur de sa mémoire, qu'une atta-
que foudroyante l'a frappé en pleine
vie et ne lui a pas permis d'accomplir sa
liquidation d'homme galant et de galant
homme.
Ses héritiers, procédant à l'invent aire
de son mobilier, ont trouvé un immense
bahut plein de souvenirs amoureux. Si
l'on en croit les racontars, il y avait là
sept cent vingt-trois médaillons et au-
tant de boucles de cheveux de toutes
nuances, quatre cent quarante portraits,
trois cent douze épingles de cravate, et
des boutons de manchettes à bouton-
ner le magasin des Cent Mille Chemises.
Je passe sous silence les cannes à pom-
mes d'or ou d'argent, les nécessaires de
fumeurs et autres babioles, pour arri-
ver au gros du trésor, au paquet de let-
tres.
Un paquet? Non, un ballot, une balle,
un énorme tas, une montagne de let-
tres ; quelque chose de « colossâal »,
comme on dit là-bas, et d'où se dégageait
un parfum capiteux et inconnu composé
de tous les parfums, y compris, bien en-
tendu, le plus subtil et le plus déli-
cieux : Yodor di femina.
Que faire de ce sachet gigantesque et
compromettant? Le, brûler immédiate-
ment et n'en point parler. C'était la so-
lution la plus sage, et, pour ma part,
je la conseillerai toujours aux exécu-
teurs testamentaires.
J'en sais qui, pour ne l'avoir pas
adoptée, vivront jusqu'à la fin de leurs
jours dans la douleur. J'en sais qui,
priés par la famille de dépouiller la cor-
respondance de l'ami mort, y ont trou-
vé la preuve de leur déshonneur conju-
gal et ont perdu du même coup toute
foi dans l'amour et toute confiance dans
l'amitié.
Un jour, par un bizarre caprice du
sort, deux intimes du défunt, mariés
tous deux, découvrirent chacun et pres-
que à la même minute, dans la corres-
pondance, les lettres enflammées que la
femme de l'autre avait écrites à leur
ami commun. Chacun eut la même pen-
sée généreuse et dissimula à son com-
pagnon la funeste vérité en fourrant la
liasse dans sa poche. Comme ils s'é-
piaient, craignant que leur même mou-
vement ne fût remarqué, leurs regards
se rencontrèrent et ils se sourirent dou-
cement.
Comédie cruelle ou drame sombre, la
curiosité porte presque toujours avec
elle son châtiment.
Quoi qu'il en soit, les héritiers du beau
Zelt ne purent résister à la leur. Aussi
bien ces petits billets à odeur, ces en-
veloppes de toutes couleurs, ces papiers
mignons pliés de toutes les façons les
tentèrent trop vivement. Ils en lurent
un certain nombre, assez pour se con-
vaincre que les correspondantes de
leur parent appartenaient à tous les
rangs de la société, à tous les âges et à
tous les états moraux. Otâr à côté de
lettres écrites par des ingénues de théâ-
tre à cent florins par mois, il y avait
des déclarations naïves de vraies inno-
centes, conduites au spectacle par leur
mère, en récompense de leur application
à l'étude. Enflammée par la comédie de
l'amour, qui leur était révélée pour la
première fois, l'imagination de ces pe-
tites filles avait débordé dans ces pat-
tes de mouches, livrant au sourire nar-
quois du comédien la virginité de leurs
cœurs. Ces lettres,chastes quand même,
le beau Zelt les avait jetées au tas, pêle-
mêle avec celles des vicieuses du monde
où l'on s'amuse, du monde où l'on s en-
nuie et du monde où l'on travaille. Au
tas, les billets impudemment armoriés 1
au tas, les épitres sans orthographe mou-
lées dans les ateliers de modistes et de
couturières, où l'on croit encore au feuil-
leton du journal et au héros du drame !
au tas les sincères et les cyniques, les
donneuses et les marchandes 1 — Au tas !
On voulut savoir combien cette hot-
tée comptait de lettres et l'on en trouva
cinq mille !
Cinq mille lettres d'amour ! Leporello
n'en portait que mille et trois sur la liste
de don Juan. Comment voulez-vous
qu'un comédien reste modeste quand il
peut jeter dans un dédaigneux entasse-
ment cinq mille lettres de femmes qui
déclarent l'adorer?
A mesure que l'amas des billets doux
grossit et s'élève, son cœur se gonfle
d'un orgueil démesuré. Qui peut lui
être comparé? Où trouver succès qui
égale son succès? N'a-t-il pas tout, les
applaudissements des hommes et l'adu-
lation passionnée des femmes? L'ordre
de la nature est détruit par lui et pour
lui. La femme, faite pour être admirée,
courtisée, aimée par l'homme, renonce
à son privilège et renverse les rôles en
faveur du comédien. C'est elle qui ad-
mire, qui courtise, qui aime le beau
Zelt. Ne dites pas non. Les cinq mille
lettres sont là, cinq mille lettres qui
grandissent Zelt de cinq mille coudées
et en font- cette façon de dieu que,
dans leur jalousie, les hommes appel-
lent un fat.
Sans doute, avant d'avoir reçu son
premier mille, le comédien de Pres-
bourg a pu se demander si c'était bien
à lui que s'adressaient tous ces hom-
mages, ou aux personnages et aux idées
qu'il représentait sur la scène. Ces
scrupules peuvent venir avant la lettre.
On peut craindre de prendre pour soi
le salut qui s'adresse à ce que l'on porte,
et la fable de l'âne et des reliques est
bien faite pour augmenter cette dé-
fiance. Mais l'expérience anéantit bientôt
ces modestes suppositions. L'objet prin-
cipal de l'adulation n'est pas l'auteur
qui crée le chef-d'œuvre, c'est le comé-
dien qui personnifie l'amour. Le senti-
ment féminin est trop spontané, trop
immédiat pour aller chercher au delà
du spectacle qui l'émeut celui qui fait
manœuvrer les pantins. Il franchit la
rampe et se fixe sur le comédien qui,
par ses transformations et ses change-
ments de - rôles, offre - à l'imagination un -
intérêt toujours renaissant. -
Bienheureux l'artiste que les femmes
adoptent à Presbourg, à Vienne, à Lon-
dres, à Milan, à Madrid ou à Paris! Pour
un peu d'envie qu'inspire aux hommes
la vue de son triomphe, que de surpri-
ses, que d'enchantements, que d'ineffa-
bles satisfactions d'amour-propre ! Il vit
entouré des plus délicats hommages et
il ne soupçonne même pas le nombre
des pensées sympathiques qui le suivent
dans sa vie.
Sous l'Empire, dans un cours de très
jeunes filles des mieux fréquentés, -
mais dont il est inutile de dire le nom,
— toutes les petites écolières étaient
folles de Capoul. C'était la mode. Il au-
rait fallu être Iroquoise pour ne pas
aimer le brillant ténor qui chantait alors
le Premier Jour de bonheur à l'Opéra-
Comique à côté de Marie Rose.
Donc on aimait très innocemment et
de très bonne foi Capoul dans le cours
en question, et l'on y avait institué une
façon de sport dont le charmant chan-
teur était l'objet. Celle des écolières qui
pouvait présenter, le lundi de chaque
semaine, le plus grand nombre de pho-
tographies de Capoul, avait droit à une
prime d'honneur. On n'admettait pas
les doubles dans les collections person-
nelles et il fallait que les portraits fus-
sent tous différents. Aussi, que d'efforts
pour arriver première, que de démar-
ches en cachette chez les marchands
lorsque l'on sortait avec sa femme de
chambre, et que d'émotions lorsque
pendant la classe, derrière le dos d'une
petite camarade, on se montrait les ac-
quisitions de la semaine : un Capoul
penché, un Capoul accoudé, un Capoul
rêveur et — la perle ! — un Capoul en
officier de marine !
Mais vous ne devineriez jamais en
quoi consistait la prime d'honneur.
C'était une belle image de sainteté, co-
loriée et encadrée de dentelles à l'em-
porte-pièce, représentant soit la Vierge,
soit le Navire du pécheur repentant je-
tant l'ancre dans le port du salut.
Ainsi l'amour du comédien descend
des femmes jusqu'aux enfants. Il fleurit
dans tous les milieux, dans le vice et
dans l'innocence. Et il n'y a pas de
triomphe de césar qui ait jamais valu
celui d'un beau chanteur ou d'un jeune
premier à la mode.
Pour moi, la seule chose qui m'étonne,
après les cinq mille lettres de Zelt et le
sport des Capoul, c'est de connaître en-
core une bonne demi-douzaine de comé-
diens modestes.
SAINT-JUIRS.
——————— ———————.
UN MESSAGE PRESIDENTIEL
Nos prévisions en ce qui concerne l'am-
nistie sont en voie de se réaliser entière-
ment. M. Clovis Hugues ajourne jusqu'à
des temps meilleurs le dépôt de sa propo-
sition. L'honorable député des Bouches-
du-Rhône nous a déclaré hier qu'il ne
voulait pas que sa demande fût pour le
parti républicain une cause de désunion
et qu'il en faisait momentanément le sa-
crifice.
Toutefois, comme il convient de prévoir
la réapparition de cette question de l'am-
nistie dans le courant des événements par-
lementaires, on s'est préoccupé d'en re-
chercher dès à présent la solution. Plu-
sieurs combinaisons ont été mises en
avant à ce sujet. L'une des plus ingénieu-
ses, et à laquelle on s'arrêtera probable-
ment, serait la suivante :
On étudie très sérieusement, à l'Elysée,
le projet d'un message que M. Jules Grévy
adresserait au Parlement et au pays après
sa réélection à la présidence de la Répu-
blique. Dans ce message, M. Jules Grévy
ferait un court aperçu des événements qui
ont marqué ces sept dernières années ; il
rappellerait que la République a su, pen-
dant cette période, éviter tout désordre à
l'intérieur et .tout conflit à l'extérieur ; il
terminerait en demandant aux Chambres,
comme don de joyeux avènement, le vote
d'une mesure de clémence pour les con-
damnés politiques.
La question étant ainsi posée, il est cer-
tain que le Parlement n'hésiterait pas à
donner satisfaction à ceux qui réclament
l'amnistie dans une pensée d'apaisement
et de concorde.
.——————— ———————
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Le plat du jour, c'est l'élection de Tarn-
et-Garonne.
M. Salis, député de l'Hérault, a bien
voulu, hier, nous mettre au courant des
faits et gestes de messieurs les réaction-
naires dans ce petit coin béni de France.
Il l'a fait si éloquemment, avec tant d'ar-
deur et de fougue, que la Chambre a dé-
cidé que MM. Prax-Paris, Arnault, Brunei
et Trubert devraient aller se retremper
dans les eaux salutaires du suffrage uni-
versel.
Montauban, Caltelsarrasin et Moissac
vont donc revoir leurs derniers élus. Tout
est à refaire pour eux, car on les a inva-
lidés.
Les motifs de cette mesure, M. Salis
nous les énumère dans un réquisitoire ter-
rible pour les conservateurs élus.
Tout ce qu'il est possible de faire pour
arracher le département à la République a
été fait par les quatre candidats du parti
clérical.
Le clergé a donné comme un seul hom-
me ; on pourrait objecter qu'il a donné
aussi ailleurs, et que le Tarn-et-Garonne
n'est pas le seul département qui ait eu à
souffrir de son ingérence dans la lutte
électorale ; mais il n'était pas mauvais que
la Droite sût que la majorité n'était pas
disposée à passer partout l'éponge sur ces
menées, quand elles ont été jusqu'à des
violences qu'ils ont exercées parmi les
populations rurales. Il fallait les atteindre
et c'est ce qu'on a fait.
M. Salis nous a dit que l'argent avait été
répandu à profusion. Le parti réaction-
naire sait fort bien que l'argent est le nerf
de la guerre ; aussi en a-t-il usé avec pro-
digalité. Ce qu'on a dû défoncer de ton-
neaux de vin dans Montauban et dans le
département ! La période électorale n'a
été qu'une série de fêtes et d'orgies.
Comment voulez-vous ne pas voter pour
des candidats qui vous donnent à manger
et à boire pendant des semaines entières ?
Et le clergé, pendant ce temps, que fai-
sait-il ?
Croyez-vous qu'il condamnait du haut
de la chaire les électeurs intempérants ?
Il condamnait les électeurs républi-
cains et il les menaçait des peines éter-
nelles.
C'est pour tous ces motifs que M. Salis
demande qu'on invalide les élections de
Tarn-et-Garonne.
M. Simyan, qui est le rapporteur de
l'élection, un nouveau venu à la Chambre,
n'est pas de l'avis de M. Salis.
Il donne pour raison que, s'il fallait inva-
lider toutes les élections où le clergé s'est
mêlé, il ne resterait plus sur les bancs de
la Droite un seul député !
D'ailleurs, ajoute-t-il, un journal qui est
bien placé pour savoir ce qui s'est passé
dans le Tarn-et-Garonne, le Temps a dé-
claré qu'il fallait attribuer l'échec du parti
républicain dans ce département à la crise
agricole et non à autre chose.
Je ne vous étonnerai pas en disant que
le jeune M. Simyan a paru un peu nair à
la majorité et que son discours n'a eu
qu'un succès fort relatif.
M. Lafont, député de la Seine, est alors
intervenu.
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Panama. 41375.
Hongrois 80 1/16, 80.
Tabacs. 445.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (une Petite Babel). —
Journée de Paris.
Cinfy mille billets doux. — SAINT-JUIRS.
ttil àêssâgé présidentiel.
Courrier de la Chambre. - Louis DESFORGES
La Guerre. — Louis HENRlQUE.
Nouvelles coloniales.
Informations particulières.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Revue de la presse. — HACHETTE.
Variétés (lë& « jacobites»).
Le Sport du jour. — FAVELLES,
La Température.
Courrier de la Bourse. — H. LE FAun,
Bibliographie.
La Santé de Paris.
Faits divers. — JEAN VALLIEÎIÈ.
Tribunaux. — M9 GERVASY.
Soirées parisiennes. — EMILE MENDEL.
Courrier des théâtres. - GEORGES FEYDEAU.
Le Roman d'un grand-duc.- COMTE AFANASI
DERNIÈRE HEURE
lin Bulgarie
Semlin, 21 novembre.
Les renseignements les plus autorisés
confirment la nouvelle, donnée officielle-
ment d'ailleurs , que le mouvement de
l'aile droite, à Bentick, à dégagé brillam-
ment l'aile gauche du il général Miloutine
qui était refoulée par l'ennemi, et lui a
permis de reprendre ses positions.
La division Michkovich formera, assure-
t-on, la réserve.
On pense que la division Papalovitch
arrivera aujourd'hui.
Dans les cercles officiels serbes, on se
montre plein de confiance.
L'aide de camp royal Bajolovitch a été
blessé à Trûne.
On dément officiellement que le person-
nel et les blessés d'une ambulance bulgare
aient été massacrés.
Le colonel Milanovitch, attaché militaire'
à Vienne, remplace le général Miloutine.
Le président du conseil, M. Garachanine,
doit rester momentanément auprès du
roi.
fin serbIe
Belgrade, 21 novembre.
Un train de blessés bulgares, abandonné
par les médecins et les infirmi ers, et dont
les chevaux mêmes avaient été enlevés, a
été recueilli par les Serbes. Ceux-ci se plai-
gnent vivement de certains actes de cruauté
commis par les Bulgares.
Ainsi un officier du nom de Katlzovic
aurait été coupé en morceaux et un autre
du nom de Kolzich, déjà blessé, aurait été
achevé à coups de baïonnette.
La division Topalovich a opéré sa jonc-
tion avec la division Benitzki qui devient
ainsi le centre de l'armée serbe.
Sli vnitza est donc actuellement forte-
ment menacée par la gauche.
En Grèce
Athènes, 21 novembre.
Les Turcs fortifient la frontière.
Des mouvements de troupes ottomanes,
signalés sur la frontière, ont causé une
vive émotion.
Le ministère de la marine a déclaré en
état de siège les détroits de Salamine, de
Mégare, de Chalcis et de Gardiski, par
suite des exercices auxquels se livrent les
torpilleurs.
La presse engage vivement le gouver-
nement à prendre une attitude énergique.
La Chambre a voté sans débats les pro-
jets relatifs aux mesures fiscales.
Le « Times » et la paix
Le Times a reçu, d'une source autori-
sée, l'importante communication suivante,
relative à la conduite que va adopter la
Serbie :
» M. Garachanine vient d'être appelé
soudainement à Pirot pour arrêter les ter-
mes d'une proposition de paix que cer-
tains conseillers engagent le roi à faire
immédiatement, que la ville de Sofia soit
prise ou non.
» Les Serbes ont été pris au dépourvu
bien moins encore par les revers qu'ils
viennent de subir que par la soumission
inattendue du prince Alexandre envers la
Porte, alors surtout qu'avant son départ
pour le théâtre de la guerre le prince
avait dit : « Je suis résolu à consacrer tou-
» tes mes forces, à sacrifier même ma vie
» pour l'union des deux Bulgaries. »
» En présence de la situation actuelle
de la Porte, et en raison de ce fait qu'ils
ne comptent sur aucune intervention ac-
tive de la Grèce, les Serbes considèrent
qu'il est politique de leur part de faire
immédiatement des propositions de paix.
Ils estiment que ces propositions ne sont
pas plus humiliantes que la soumission de
la Bulgarie après sa première défaite.
« Il est probable que la paix sera conclue
la sejcpaine prochaine. »
QUESTION DU JOUR
"5
Une petite Babel
On ne suit pas avec beaucoup d'at-
tention les débats du conseil municipal
de Paris et du conseil général de la
Seine, qui n'est qué !:: même assemblée,
grossie de quelques élus de la baul*eU £ ?
Le public, il faut le reconnaître, est de-
venu presque indifférent aux discussions
de l'Hôtel de Ville, si ce n'est quand nos
édiles se divertissent à changer le nom
des rues. Hier, cependant, cette Cham-
bre en miniature, sans doute pour faire
honte à celles qui nous donnent des lois,
a touché la question de la séparation de
l'Eglise et de l'Etat. Ce grave problème,
qui préoccupe les politiques du Palais-
Bourbon et du Luxembourg, et qui em-
pêche les ministres de dormir, n'a pu
remplir une séance entière du conseil
général. Bel exemple de promptitude et
de fermeté. Il est vrai qu'il ne s'agissait
que d'un vœu à émettre, ce qui ne tire
pas à conséquence.
La plus grande partie de la séance a
été consacrée à l'audition d'un discours
de M. Monteil, que ses collègues ont
trouvé éloquent, mais un peu long. M.
Monteil, qui est un romancier distingué,
ne craint pas de se lancer dans les ré-
cits historiques, au risque de faire dire
que son imagination le suit partout.
Aussi, pour s'appuyer sur une plus
grande autorité, a-t-il cité plusieurs pa-
ges de Michelet. Mais c'est le Michelet
de la fin, celui que ses plus chauds ad-
mirateurs recommandent de ne plus
considérer que comme un grand écri-
vain.
L'orateur du conseil général ne s'est
pas borné à ces citations; il a exposé
ses propres idées avec la fougue qui lui
est habituelle. Ses sentiments sont con-
nus, mais ses idées ne sont pas toujours
très claires. C'est ainsi qu'on trouve
dans le compte rendu officiel de sa ha-
rangue cette phrase étonnante : « La
conception religieuse n'est pas mêlée
au débat. Ce que nous désirons, c'est
de ne plus avoir affaire avec la religion
catholique. Un Ëtat bien discipliné ne
saurait supporter dans son sein une ar-
mée disciplinée, qui obéit aveuglément
» à un chef. » Et il dit encore : « Je se-
rais très heureux de réaliser cette for-
mule : l'Eglise libre dans l'Etat libre ;
mais il y a à cette réalisation une con-
dition capitale, c'est que l'Eglise ne
sera pas une organisation. »
Voilà, dites-vous, un homme qui parle
nettement, et qui sait ce qu'il veut. Mais
ce même homme ajoute avec la même
franchise et la même clarté : « C'est un
fait que l'Eglise acquiert une nouvelle
force par la persécution; comme l'ont
dit les Pères de l'Eglise, l'Eglise n'a
grandi que par la persécution. »
Ainsi M. Monteil déclare que l'Eglise
ne doit être libre que si elle cesse d'ê-
tre une organisation, c'est-à-dire d'exis-
ter ; il affirme que l'Etat ne saurait la
supporter dans son sein : il veut donc
qu'on la supprime, mais il ne veut pas
qu'on la persécute. Il cite avec enthou-
siasme cette parole de Michelet : « La
liberté du catholicisme dans un gou-
vernement républicain est uniquement
et simplement la liberté de conspira-
tion, » et il reconnaît que l'Eglise ac-
quiert une nouvelle force par la persé-
cution. Conciliez tout cela si vous le
pouvez; sinon, contentez-vous d'admi-
rer.
Il est juste d'avouer que tous les
membres du conseil général ne sont
pas aussi autoritaires que M. Monteil.
M. Desprès, chargé de conclure comme
rapporteur en faveur de la séparation
de l'Eglise et de l'Etat, l'a fait sous cette
réserve que le principe serait simple-
ment adopté, mais ne serait pas appli-
qué de longtemps. M. Ernest Hamel de-
mande bien la suppression du budget
des cultes, mais il réclame des indem-
nités pour les membres du clergé et
fait observer « qu'on ne peut laisser
sur le pavé 50,000 ou 60,000 personnes
qui ont engagé leur avenir sur la foi
des traités ».
Cette divergence d'opinions n'a pas
empêché le conseil général de la Seine
d'émettre son vœu sans explication.
Voilà les Chambres bien éclairées ! Les
représentants des quartiers de Paris et
des cantons de la banlieue forment cer-
tainement une des assemblées les plus
anticléricales de France. S'ils ne peu-
vent se mettre d'accord sur un prin-
cipe tout nu, s'il leur est impossible
d'indiquer une méthode pratique, un
moyen d'exécution, que feront donc les
législateurs, qui n'ont pas le droit de
voter des maximes et des axiomes de
philosophie sans en régler la pratique ?
Nos édiles ont-ils compris que leur ma-
nifestation même est un argument con-
tre la séparation de l'Eglise et de l'Etat,
puisqu'ils ne savent comment l'accom-
plir, eux qui la veulent avec tant de
force ?
On voit que les discussions de l'Hôtel
de Ville ont leur intérêt, car elles nous
donnent une idée de ce qui se passera
au Palais-Bourbon, le jour où certains
débats seront soulevés. On verra aux
prises les concordataires, qui ne défen-
dent le Concordat que comme un moyen
de tenir l'Eglise dans la dépendance de
l'Etat, avec les partisans de la sépara-
tion, qui affirment que c'est le Concor-
dat qui fait la puissance de l'Eglise.
Mais les partisans de la séparation pré-
tendent, les uns que, si le catholicisme
reste libre, l'Etat est menacé par une
conspiration redoutable ; les autres, que
toute religion persécutée devient par là
même plus forte. Ce conflit d'opinions,
qui éclaterait dans la Chambre comme
dans le discours de M. Monteil, rendrait
assurément la majorité fort perplexe, et
pourrait bien justifier la prudente ré-
serve du ministère, qui refuse d'aborder
un si grave problème.
*
—-————— ———————
LA JOURNEE DE PARIS
-
COURSES A AUTEUIL. — Aujourd'hui,à
une heure et demie, courses à Auteuil.
Voici les appréciations de notre collabora-
teur Favelles :
Prix des Cygnes : Réverbère ou Fidelio.
Prix Maubourguet : Le préféré de M. Finot.
Prix du Pesage : Creil ou Matador.
Prix de Versailles : Palamède ou Maman-
Berthe.
Prix de la Périchole : Roussel ou Voisins.
«
« •*
A L'INSTITUT. — Les candidats à la suc-
cession de M. Emile Perrin à l'Académie des
beaux-arts sont nombreux. On cite déjà M.
Marcille et M. Duplessis, qui s'étaient pré-
sentés une première fois, il y a quelques
mois, après la mort de M. du Sommerard;
M. Charles Clément, critique artistique du
Journal des Débats, et M. L. de Ronchaud, di-
recteur des musées nationaux.
*
■êt *
LA SORBONNE. — Les travaux de recons-
truction de la Sorbonne sont menés avec une
grande activité. Le bâtiment atteint déjà, sur
toutes ses faces, la hauteur d'un troisième
étag-e.
On peut, dès maintenant, se rendre compte
de l'ensemble du nouvel édifice qui forme un
vaste rectangle flanqué à chaque angle d'un
pavillon carré. De ces quatre pavillons, trois
seulement seront actuellement construits ;
le pavillon de la rue de la Sorbonne ne peut
être qu'amorcé en attendant la démolition
des anciens bâtiments.
Les nouveaux bâtiments renfermeront,
comme on sait, le grand amphithéâtre de
trois mille personnes, un amphithéâtre pour
l'enseignement libre, les bureaux de l'aca-
démie de Paris, le secrétariat de la Faculté
des lettres, celui de la Faculté des sciences,
les appartements du recteur, des salles de
commission, la salle du conseil académique,
de grandes salles de composition et les ar-
chives.
L'installation de ces divers services dans les
nouveaux locaux n'aura lieu qu'au fur et à
mesure de l'exécution du projet, l'académie
de Paris n'ayant pas voulu, comme les Postes
et la Ville de Paris, se transporter dans des
baraquements provisoires et préférant mettre
plus de temps à transformer sa demeure et
ne pas sortir de chez elle.
*
* *
LE MUSÉE GUIMET. — Le musée des
civilisations et des religions, que M. Guimet a
offert à la ville de Paris et que nos édiles
n'ont accepté qu'en faisant des façons, va en-
fin être installé.
Les négociations sont terminées, — il ne
manque plus qu'un vote du conseil municipal
et un vote du Parlement !
Le terrain choisi est situé sur l'avenue
d'Iéna ; il ne mesure pas moins de 4,000 mè-
tres. Son prix d'acquisition est évalué à i mil-
lion.
IV
* *
L'HOTEL BARBETTE. — L'hôtel Bar-
bette qu'Isabeau de Bavière habita et qui ap-
partient aujourd'hui à un épieier va être par-
tiellement reconstruit.
Des travaux de réparation étant devenus
indispensables, on a profité de l'occasion pour
changer complètement la distribution inté-
rieure de cet ancien séjour royal. La façade
seule sera rétablie intégralement.
On sait que l'hôtel Barbette fut construit
vers la fin du treizième siècle pour Etienne
Barbette, voyer de Paris, maître de la Mon-
naie et prévôt des marchands. Acquis plus
tard par Charles VI, il prit, quand Isabeau de
Bavière vint y loger, la dénomination de «Petit
Séjour de la reine ».
C'est en sortant du «Petit Séjour de la reine»
que te duc Louis d'Orléans fut assassiné sur
l'ordre de Jean sans Peur, le mercredi 23 no-
vembre 1407.
*
FÊTES DU COMMERCE. — MM. de Ro-
thschild frères ont fait parvenir à M. Alphand,
président du comité, une souscription de dix
mille francs.
Les souscriptions recueillies aujourd'hui
sont les suivantes :
MM. Barbier, premier président de la cour
de cassation, 100 francs ; Grenier, 200 francs ;
Albert, 300 francs ; Marinoni, 200 francs.
MM. Halot, Cruveiller, Charles Goudchaux,
Ed. Goudchaux et Argant et Baraduc (Maga-
sins de la place Clichy), chacun cent francs.
MM. Sinano, Bidermann, A. Daly et Ce, Bau.
dry, Fouret, Guillaume Breton, Lenepveu,
Malet, Mme Malet, Brun, Gonet, Duzaux,
Heulin, chacun cinquante francs.
Le montant des souscriptions recueillies
jusqu'à présent s'élève à la somme de vingt-
sept mille huit cent cinq francs.
«
* *
L'ASSOCIATION DES DAMES FRAN-
ÇAISES. — L'assemblée générale annuelle
de l'Association des dames françaises vient
d'avoir lieu à l'hôtel Continental, sous la pré-
sidence de la comtesse Foucher de Careil,
assistée du docteur Duchaussoy, secrétaire et
fondateur de l'Association.
Mme Fouchcr de Careil a d'abord prononcé
une allocution, puis, après la lecture de quel-
ques rapports, on a procédé à la distribution
des récompenses.
Mme la comtesse Foucher de Careil, et Mme
Trotbas, trésorière du comité de Marseille,
ont chacune obtenu une première médaille.
Une première distinction a été donnée à
Mme Leyendecker, qui a eu un diplôme d'am-
bulancière et une trousse d'honneur.
Cinq diplômes de garde-malade ont été ac-
cordées à Mmes Schutz, Bessel, Goursol,
Meyer et Richardon.
Enfin les palmes d'officier d'Académie ont
été remises à M. le docteur Martel et à M. le
pharmacien Jolly:
On sait que l'Association des dames fran-
çaises, qui a fait, ainsi que l'Association des
femmes de France, de nombreux envois ànos
soldats en Extrême-Orient, vient d'être portée
à l'ordre du jour de l'armée du Tonkin.
m
♦ ♦
UN BAL. — Les trois groupes d'enseigne-
ment populaire : les Associations polytechni-
que, philotechnique et l'Union française de la
jeunesse, organisent, pour le 5 décembre, un
grand bal à l'hôtel Continental.
*
* *
UN BON CONSEIL. — Voulez-vous, par
un moyen bien simple, arrêter ou du moins
diminuer les vomissements pendant les pre-
miers mois de la grossesse ? Buvez de la bière
brune du Faucon, 16, rue des Juifs, recons-
tituant et tonique hors ligne. Cet aliment
complet augmente aussi la sécrétion lactée
chez les mères faibles ou manquant de lait.
*
•ér <*
JOURNAUX POUR AVEUGLES. — Les
avéUgib- s'intéressent aussi à la politique,
aux arts, aUi Jolies-lettres, et ils ont, pour se
tenir au courant de; Choses, des journaux
spécialement rédigés à leur intention par un
aveugle comme eux, M. Mauricô u',l La Size-
ranne.
L'un de ces journaux,le Valentin Hauy, est
semblable aux feuilles ordinaires, mais il s'a-
dresse plus particulièrement aux directeurs
et aux professeurs des établissements consa-
crés aux aveugles, aux parents d'enfants
aveugles, à tous ceux enfin qui s'intéressent
aux quarante mille aveugles français.
L'autre journal, le Louis Braille, est im-
primé en relief, d'après l'ingénieux système
imaginé par l'aveugle de ce nom. Il est lu
par les aveugles eux-mêmes. Des deux par-
ties de cette publication, la première contient
des renseignements spéciaux, des conseils,
des nouvelles, — tout ce qui peut intéresser
ces déshérités ; la seconde contient des arti-
cles littéraires, scientifiques et même des
morceaux de musique.
*
+ *
UN SCANDALE BERLINOIS. - Paris n'a
pas le monopole des scandales. Il paraît
que la société de Berlin attend avec une
certaine impatience les débats d'un procès en
escroquerie intenté à la marquise Rita di
Candia, fille du célèbre ténor Mario et de
Giulia Grisi.
Après avoir fait le désespoir de son père et
lassé par ses folles dépenses l'affection de ses
parents qui payèrent plusieurs fois ses det-
tes, la marquise s'est procuré des ressources
par les moyens qui, de l'avis de la justice
prussienne, relèvent du Code pénal.
La marquise est actuellement en prison et
elle n'en sortira que pour aller devant ses
juges, — ces fameux juges de Berlin, — l'ins-
truction une fois terminée.
CINQ MILLE BILLETS IIOU
Zelt, le beau Zelt, un comédien qui
s'était acquis une certaine réputation
sur les bords du Danube, est mort der-
nièrement à Presbourg. Le récit de ses
derniers moments n'est pas parvenu jus-
qu'à moi; mais j'aime à croire, pour
l'honneur de sa mémoire, qu'une atta-
que foudroyante l'a frappé en pleine
vie et ne lui a pas permis d'accomplir sa
liquidation d'homme galant et de galant
homme.
Ses héritiers, procédant à l'invent aire
de son mobilier, ont trouvé un immense
bahut plein de souvenirs amoureux. Si
l'on en croit les racontars, il y avait là
sept cent vingt-trois médaillons et au-
tant de boucles de cheveux de toutes
nuances, quatre cent quarante portraits,
trois cent douze épingles de cravate, et
des boutons de manchettes à bouton-
ner le magasin des Cent Mille Chemises.
Je passe sous silence les cannes à pom-
mes d'or ou d'argent, les nécessaires de
fumeurs et autres babioles, pour arri-
ver au gros du trésor, au paquet de let-
tres.
Un paquet? Non, un ballot, une balle,
un énorme tas, une montagne de let-
tres ; quelque chose de « colossâal »,
comme on dit là-bas, et d'où se dégageait
un parfum capiteux et inconnu composé
de tous les parfums, y compris, bien en-
tendu, le plus subtil et le plus déli-
cieux : Yodor di femina.
Que faire de ce sachet gigantesque et
compromettant? Le, brûler immédiate-
ment et n'en point parler. C'était la so-
lution la plus sage, et, pour ma part,
je la conseillerai toujours aux exécu-
teurs testamentaires.
J'en sais qui, pour ne l'avoir pas
adoptée, vivront jusqu'à la fin de leurs
jours dans la douleur. J'en sais qui,
priés par la famille de dépouiller la cor-
respondance de l'ami mort, y ont trou-
vé la preuve de leur déshonneur conju-
gal et ont perdu du même coup toute
foi dans l'amour et toute confiance dans
l'amitié.
Un jour, par un bizarre caprice du
sort, deux intimes du défunt, mariés
tous deux, découvrirent chacun et pres-
que à la même minute, dans la corres-
pondance, les lettres enflammées que la
femme de l'autre avait écrites à leur
ami commun. Chacun eut la même pen-
sée généreuse et dissimula à son com-
pagnon la funeste vérité en fourrant la
liasse dans sa poche. Comme ils s'é-
piaient, craignant que leur même mou-
vement ne fût remarqué, leurs regards
se rencontrèrent et ils se sourirent dou-
cement.
Comédie cruelle ou drame sombre, la
curiosité porte presque toujours avec
elle son châtiment.
Quoi qu'il en soit, les héritiers du beau
Zelt ne purent résister à la leur. Aussi
bien ces petits billets à odeur, ces en-
veloppes de toutes couleurs, ces papiers
mignons pliés de toutes les façons les
tentèrent trop vivement. Ils en lurent
un certain nombre, assez pour se con-
vaincre que les correspondantes de
leur parent appartenaient à tous les
rangs de la société, à tous les âges et à
tous les états moraux. Otâr à côté de
lettres écrites par des ingénues de théâ-
tre à cent florins par mois, il y avait
des déclarations naïves de vraies inno-
centes, conduites au spectacle par leur
mère, en récompense de leur application
à l'étude. Enflammée par la comédie de
l'amour, qui leur était révélée pour la
première fois, l'imagination de ces pe-
tites filles avait débordé dans ces pat-
tes de mouches, livrant au sourire nar-
quois du comédien la virginité de leurs
cœurs. Ces lettres,chastes quand même,
le beau Zelt les avait jetées au tas, pêle-
mêle avec celles des vicieuses du monde
où l'on s'amuse, du monde où l'on s en-
nuie et du monde où l'on travaille. Au
tas, les billets impudemment armoriés 1
au tas, les épitres sans orthographe mou-
lées dans les ateliers de modistes et de
couturières, où l'on croit encore au feuil-
leton du journal et au héros du drame !
au tas les sincères et les cyniques, les
donneuses et les marchandes 1 — Au tas !
On voulut savoir combien cette hot-
tée comptait de lettres et l'on en trouva
cinq mille !
Cinq mille lettres d'amour ! Leporello
n'en portait que mille et trois sur la liste
de don Juan. Comment voulez-vous
qu'un comédien reste modeste quand il
peut jeter dans un dédaigneux entasse-
ment cinq mille lettres de femmes qui
déclarent l'adorer?
A mesure que l'amas des billets doux
grossit et s'élève, son cœur se gonfle
d'un orgueil démesuré. Qui peut lui
être comparé? Où trouver succès qui
égale son succès? N'a-t-il pas tout, les
applaudissements des hommes et l'adu-
lation passionnée des femmes? L'ordre
de la nature est détruit par lui et pour
lui. La femme, faite pour être admirée,
courtisée, aimée par l'homme, renonce
à son privilège et renverse les rôles en
faveur du comédien. C'est elle qui ad-
mire, qui courtise, qui aime le beau
Zelt. Ne dites pas non. Les cinq mille
lettres sont là, cinq mille lettres qui
grandissent Zelt de cinq mille coudées
et en font- cette façon de dieu que,
dans leur jalousie, les hommes appel-
lent un fat.
Sans doute, avant d'avoir reçu son
premier mille, le comédien de Pres-
bourg a pu se demander si c'était bien
à lui que s'adressaient tous ces hom-
mages, ou aux personnages et aux idées
qu'il représentait sur la scène. Ces
scrupules peuvent venir avant la lettre.
On peut craindre de prendre pour soi
le salut qui s'adresse à ce que l'on porte,
et la fable de l'âne et des reliques est
bien faite pour augmenter cette dé-
fiance. Mais l'expérience anéantit bientôt
ces modestes suppositions. L'objet prin-
cipal de l'adulation n'est pas l'auteur
qui crée le chef-d'œuvre, c'est le comé-
dien qui personnifie l'amour. Le senti-
ment féminin est trop spontané, trop
immédiat pour aller chercher au delà
du spectacle qui l'émeut celui qui fait
manœuvrer les pantins. Il franchit la
rampe et se fixe sur le comédien qui,
par ses transformations et ses change-
ments de - rôles, offre - à l'imagination un -
intérêt toujours renaissant. -
Bienheureux l'artiste que les femmes
adoptent à Presbourg, à Vienne, à Lon-
dres, à Milan, à Madrid ou à Paris! Pour
un peu d'envie qu'inspire aux hommes
la vue de son triomphe, que de surpri-
ses, que d'enchantements, que d'ineffa-
bles satisfactions d'amour-propre ! Il vit
entouré des plus délicats hommages et
il ne soupçonne même pas le nombre
des pensées sympathiques qui le suivent
dans sa vie.
Sous l'Empire, dans un cours de très
jeunes filles des mieux fréquentés, -
mais dont il est inutile de dire le nom,
— toutes les petites écolières étaient
folles de Capoul. C'était la mode. Il au-
rait fallu être Iroquoise pour ne pas
aimer le brillant ténor qui chantait alors
le Premier Jour de bonheur à l'Opéra-
Comique à côté de Marie Rose.
Donc on aimait très innocemment et
de très bonne foi Capoul dans le cours
en question, et l'on y avait institué une
façon de sport dont le charmant chan-
teur était l'objet. Celle des écolières qui
pouvait présenter, le lundi de chaque
semaine, le plus grand nombre de pho-
tographies de Capoul, avait droit à une
prime d'honneur. On n'admettait pas
les doubles dans les collections person-
nelles et il fallait que les portraits fus-
sent tous différents. Aussi, que d'efforts
pour arriver première, que de démar-
ches en cachette chez les marchands
lorsque l'on sortait avec sa femme de
chambre, et que d'émotions lorsque
pendant la classe, derrière le dos d'une
petite camarade, on se montrait les ac-
quisitions de la semaine : un Capoul
penché, un Capoul accoudé, un Capoul
rêveur et — la perle ! — un Capoul en
officier de marine !
Mais vous ne devineriez jamais en
quoi consistait la prime d'honneur.
C'était une belle image de sainteté, co-
loriée et encadrée de dentelles à l'em-
porte-pièce, représentant soit la Vierge,
soit le Navire du pécheur repentant je-
tant l'ancre dans le port du salut.
Ainsi l'amour du comédien descend
des femmes jusqu'aux enfants. Il fleurit
dans tous les milieux, dans le vice et
dans l'innocence. Et il n'y a pas de
triomphe de césar qui ait jamais valu
celui d'un beau chanteur ou d'un jeune
premier à la mode.
Pour moi, la seule chose qui m'étonne,
après les cinq mille lettres de Zelt et le
sport des Capoul, c'est de connaître en-
core une bonne demi-douzaine de comé-
diens modestes.
SAINT-JUIRS.
——————— ———————.
UN MESSAGE PRESIDENTIEL
Nos prévisions en ce qui concerne l'am-
nistie sont en voie de se réaliser entière-
ment. M. Clovis Hugues ajourne jusqu'à
des temps meilleurs le dépôt de sa propo-
sition. L'honorable député des Bouches-
du-Rhône nous a déclaré hier qu'il ne
voulait pas que sa demande fût pour le
parti républicain une cause de désunion
et qu'il en faisait momentanément le sa-
crifice.
Toutefois, comme il convient de prévoir
la réapparition de cette question de l'am-
nistie dans le courant des événements par-
lementaires, on s'est préoccupé d'en re-
chercher dès à présent la solution. Plu-
sieurs combinaisons ont été mises en
avant à ce sujet. L'une des plus ingénieu-
ses, et à laquelle on s'arrêtera probable-
ment, serait la suivante :
On étudie très sérieusement, à l'Elysée,
le projet d'un message que M. Jules Grévy
adresserait au Parlement et au pays après
sa réélection à la présidence de la Répu-
blique. Dans ce message, M. Jules Grévy
ferait un court aperçu des événements qui
ont marqué ces sept dernières années ; il
rappellerait que la République a su, pen-
dant cette période, éviter tout désordre à
l'intérieur et .tout conflit à l'extérieur ; il
terminerait en demandant aux Chambres,
comme don de joyeux avènement, le vote
d'une mesure de clémence pour les con-
damnés politiques.
La question étant ainsi posée, il est cer-
tain que le Parlement n'hésiterait pas à
donner satisfaction à ceux qui réclament
l'amnistie dans une pensée d'apaisement
et de concorde.
.——————— ———————
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Le plat du jour, c'est l'élection de Tarn-
et-Garonne.
M. Salis, député de l'Hérault, a bien
voulu, hier, nous mettre au courant des
faits et gestes de messieurs les réaction-
naires dans ce petit coin béni de France.
Il l'a fait si éloquemment, avec tant d'ar-
deur et de fougue, que la Chambre a dé-
cidé que MM. Prax-Paris, Arnault, Brunei
et Trubert devraient aller se retremper
dans les eaux salutaires du suffrage uni-
versel.
Montauban, Caltelsarrasin et Moissac
vont donc revoir leurs derniers élus. Tout
est à refaire pour eux, car on les a inva-
lidés.
Les motifs de cette mesure, M. Salis
nous les énumère dans un réquisitoire ter-
rible pour les conservateurs élus.
Tout ce qu'il est possible de faire pour
arracher le département à la République a
été fait par les quatre candidats du parti
clérical.
Le clergé a donné comme un seul hom-
me ; on pourrait objecter qu'il a donné
aussi ailleurs, et que le Tarn-et-Garonne
n'est pas le seul département qui ait eu à
souffrir de son ingérence dans la lutte
électorale ; mais il n'était pas mauvais que
la Droite sût que la majorité n'était pas
disposée à passer partout l'éponge sur ces
menées, quand elles ont été jusqu'à des
violences qu'ils ont exercées parmi les
populations rurales. Il fallait les atteindre
et c'est ce qu'on a fait.
M. Salis nous a dit que l'argent avait été
répandu à profusion. Le parti réaction-
naire sait fort bien que l'argent est le nerf
de la guerre ; aussi en a-t-il usé avec pro-
digalité. Ce qu'on a dû défoncer de ton-
neaux de vin dans Montauban et dans le
département ! La période électorale n'a
été qu'une série de fêtes et d'orgies.
Comment voulez-vous ne pas voter pour
des candidats qui vous donnent à manger
et à boire pendant des semaines entières ?
Et le clergé, pendant ce temps, que fai-
sait-il ?
Croyez-vous qu'il condamnait du haut
de la chaire les électeurs intempérants ?
Il condamnait les électeurs républi-
cains et il les menaçait des peines éter-
nelles.
C'est pour tous ces motifs que M. Salis
demande qu'on invalide les élections de
Tarn-et-Garonne.
M. Simyan, qui est le rapporteur de
l'élection, un nouveau venu à la Chambre,
n'est pas de l'avis de M. Salis.
Il donne pour raison que, s'il fallait inva-
lider toutes les élections où le clergé s'est
mêlé, il ne resterait plus sur les bancs de
la Droite un seul député !
D'ailleurs, ajoute-t-il, un journal qui est
bien placé pour savoir ce qui s'est passé
dans le Tarn-et-Garonne, le Temps a dé-
claré qu'il fallait attribuer l'échec du parti
républicain dans ce département à la crise
agricole et non à autre chose.
Je ne vous étonnerai pas en disant que
le jeune M. Simyan a paru un peu nair à
la majorité et que son discours n'a eu
qu'un succès fort relatif.
M. Lafont, député de la Seine, est alors
intervenu.
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