Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-11-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 21 novembre 1885 21 novembre 1885
Description : 1885/11/21 (A15,N5067). 1885/11/21 (A15,N5067).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N* 5067
Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes
gâmçdi 21 Novembre 4885
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Panama. 410.
Hongrois 79 15/16, 80, 79 3/8.
Priorité 356 25.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (le « Prêtre de Nemi ». —
HENRY FOUQUIER.
tournée de Paris.
Tracasseries puériles — P. F.
La Guerre. — Louis HENRIQUE.
Informations particulières.
Le Programme du statthalter. — G. MANSUY
La Crise et l'enquête. — LÉo BIRON.
Les révolutionnaires. — HENRI CRorXVET.
Nouvelles coloniales.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Revue de la presse. — NACHETTE.
Des Moyens de favoriser les affaires.
Le Sport du jour. — FAVELLES.
La Température.
Courrier de la Bourse. — H. LE FAURB.
Bibliographie.
Faits divers. — JEAN VALLIÈRE.
Tribunaux.
Courrier des théâtres. — GEORGES FEYDlIIAU.
Le Roman d'un grand-duc.-COMTE AFANASI
DERNIÈRE HEURE
LA GUERRE
Nouvelle victoire bulgare
Vienne, 20 novembre.
On télégraphie de Sofia au Correspon-
dons Bureau :
« Les troupes bulgares viennent de rem-
porter une nouvelle victoire.
» Les Serbes ont attaqué vigoureuse-
ment Slivnitza, mais ils ont été repoussés
avec des pertes considérables.
» Le prince Alexandre dirige personnel-
lement les opérations. Son cheval a été
tué. Les Bulgares ont réoccupé Slavinge.»
Les Serbes et les voitures d'ambu-
lance
Sofia, 20 novembre.
Le docteur Roy a rapporté que, rame-
nant des soldats blessés à la bataille de
Slivnitza sur une voiture d'ambulance, il
a été attaqué à la sortie du champ de
bataille.
Le docteur Roy a pu à grand'peine dé-
teler les chevaux et s'enfuir avec le per-
sonnel de l'ambulance.
Les Serbes ont massacré les blessés et
pris la voiture.
Ce fait a été signalé au comité de la So-
ciété internationale de la Croix-Rouge de
Genève.
Enthousiasme à Sofia
Sofia, 20 novembre.
Les victoires remportées par les jeunes
troupes bulgares causent ici un grand en-
thousiasme.
Le temps est très mauvais. Les soldats
bulgares manquent de couvertures.
Les comités slaves organisent des postes
de secours pour les blessés.
La santé du roi Alphonse
Des bruits inquiétants sur la santé du
roi Alphonse ont circulé hier à Paris.
L'ambassade d'Espagne n'a reçu de Ma-
drid aucune nouvelle qui les justifie.
QUESTION DU JOUR
Le « Prêtre de Nemi »
Le lac de Nemi est un lac adorable,
-véritable coupe nacrée, sur un plateau,
entre des collines aux contours char-
mants, situé entre Rome et l'emplace-
cement d'Albe. Un bois sacré l'entou-
rait jadis, et il reste de la forêt antique
un parc merveilleux, d'une végétation
particulièrement riche. Ce lieu, vingt
fois peint par le paysagiste Français, est
un des plus beaux qui soient au monde.
Il y a deux ou trois ans, passant l'hiver
en Italie, M. Renan y a été rêver sans
doute. Et il a connu la vieille légende du
temple de Diane et de ses prêtres fa-
rouches. Mais le même homme qui rêvait
aux grandeurs latines sur les bords du
Nemi est en même temps un Parisien
répandu, qui s'occupe fort de la politi-
que de son pays, lit plus de journaux
qu'il ne le dit, a été candidat à la Cham-
bre et devrait être sénateur, et vit
avec ses contemporains autant qu'avec
les hommes des siècles passés. Ce con-
traste des lieux, des choses, des études,
qui existe en la vie de M. Renan, est au
plus haut point dans son drame philoso-
phique, le Prêtre de Nemi, et donne à
l'œuvre une originalité qui va, en maint
endroit, jusqu'à l'étrangeté.
Le Prêtre de Nemi n'est pas, comme
le disait un de nos grands confrères,
d'ordinaire moins étourdi, le premier
ouvrage dramatique de M. Renan. Il
vient après Caliban et l'Eau de Jou-
vence. OEuvre dramatique qui n'est pas
destinée au théâtre, bien que l'auteur,
pat- une do ces fantaisies d'artiste qui
lui sont familières, ait indiqué le cos-
tume de ses personnages. Il est vrai que,
pour qu'on ne l'accuse pas de chercher
la vérité et la couleur locale, il demande
que ses Albains contemporains de Romu-
lus soient vêtus comme les Italiens du
quinzième ou du seizième siècle, tels
que les peignaient, dans leurs fresques,
Masaccio ou Lippi. L'anachronisme est
la règle du drame tel que le conçoit M.
Renan, et il l'impose aux costumes
mêmes, afin qu'on ne s'y trompe pas. Si,
d'ailleurs, il a pris la forme du drame
pour exprimer ses idées, c'est parce
que, mettant en scène des personna-
ges d'opinions diverses, les faisant par-
ler, le drame dispense de toute conclu-
sion. Il fait le tour des idées; il n'en
impose aucune : il n'en propose peut-
être même pas. Et l'auteur, ennemi de
l'absolu, semble avoir voulu atteindre
l'absolu du scepticisme.
C'est le charme, mais c'est aussi la
faiblesse de l'œuvre. L'humanité ne se
contente pas des « peut-être » et des
« que sais-je? » même quand Rabelais
et Montaigne lui proposent le doute
comme la fin supérieure de toutes
choses. Particulièrement quand nous
quittons le champ de la spéculation
pure, quand nous descendons dans
l'arène, comme M. Renan, qui retrouve
à Albe les Cethegus de l'Extrême-Gau-
che, les Metius de la Droite et les Libe-
ralis du Centre gauche, nous sommes
tenus de nous prononcer, Les hommes
veulent bien qu'n attaque ou qu'on dé-
fende lttrs croyanoe, qü; on hâte ou
-ce- qu'ils appellent - le
progrès, qu'on affirme ou qu'on nie, en
un mot : ils ne supportent pas qu'on
doute, et un instinct, heureux en somme,
leur fait redouter les esprits charmants
et décevants dont la doctrine, appliquée
au pied de la lettre, conduirait au Nir-
vana des boudhistes. Aussi veut-on que
quiconque philosophe conclue, parce
que conclure, c'est le premier pas vers
agir et l'action seule vaut.
Le prêtre de Nemi est un sage, un
rêveur, un juste, Antistius. Il a aboli
l'usage du sanctuaire, qui voulait que
la pretrise fût conquise le poignard à la
main, par l'assassinat. Il a aboli les sa-
crifices humains. Il prêche à la sibylle
Carmenta, qui l'aime, la doctrine du
renoncement. Plus Latin qu'Albain, plus
« humanitaire » que patriote, dirions-
nous aujourd'hui, il sent venir la gran-
deur romaine et ne veut pas la com-
battre, voyant plus loin que la querelle
de peuples-frères. Cependant son œuvre
avorte. Il n'empêche pas les rites féroces
de revivre ; il ne sauve pas sa patrie de
la guerre où elle périra ; lui-même meurt,
assassiné par un scélérat. Et, avant de
mourir, il se demande s'il sert de quel-
que chose de se sacrifier à l'idéal et si
les crimes heureux ne valent pas plus,
pour les nations, que les vertus et la
justice, toujours méconnues? M. Renan
nous dit bien que c'est de tels avorte-
ments que le progrès est fait et qu'à la
longue Antistius a raison dans ses des-
cendants et ses imitateurs. Mais qui ne
voit le danger de cette doctrine, — car
M. Renan n'échappe pas à une doctrine
et on conclut pour lui qui ne conclut
pas, — qui ne voit le danger de cette
doctrine faisant de la vertu une sorte
d'élégance suprême pour certains esprits
rares qui savent la pratiquer, tout en
n'ignorant pas qu'elle restera incom-
prise, vaine, — parfois nuisible, — aux
hommes qui les entourent?
Le dilettantisme est le couronnement
d'une civilisation. Mais il peut être aussi
le commencement de sa fin. Antistius
ne croit plus aux dieux, qui font injure
à Dieu. Bientôt il ne croira plus à Dieu,
« qui fait injure au divin ». Mais ce di-
vin, sans dogme et sans culte, sans prê-
tres, je pense, seule foi des grands es-
prits, sera-t-il jamais la foi des nations?
Artiste incomparable, M. Renan a pour
l'action et la passion, cette admiration
théorique qu'eurent pour elles Stendhal
et Mérimée, grands sceptiques aussi.
C'est une tendance des sceptiques de se
compléter ainsi par le goût des actes
énergiques. Mais ils sont semblables à
un homme qui, mourant de soif, se pen-
che vers une source pour y boire et, en
même temps, pose la main sur la fis-
sure du rocher d'où jaillit l'eau et la
ferme ! Le bien pour le bien, c'est la
grande doctrine ; et pour moi, hélas !
je n'en connais pas d'autre. Mais c'est
la doctrine réservée, la doctrine du tem-
ple, qu'il ne faut pas répandre sur la
foule. La première des vérités, c'est que
toute vérité n'est pas bonne à dire. Car
enfin, si Albe avait pu vaincre, — et
Albe, n'est-ce pas nous ? — elle l'eût
fait plutôt par les fureurs de Cethe-
gus, par les honnêtes bons vouloirs de
Liberalis, par le patriotisme intéressé
de Metius l'aristocrate que par Antis-
tius, le rêveur résigné. Or il ne suffit
pas de savoir ce qu'est la vie : il faut
aussi ne pas la perdre, tant pour les in-
diyidus que pour les nations.
Aussi dans ce drame admirable
d'art, d'ironie, de moquerie hautaine ou
gamine, — car il y a même du gamin
là-dedans, et Libéralis le voit bien ! —
plein de rêves superbes, mais triste au
fond, c'est un personnage accessoire
que je préfère au héros. Antistius m'in-
téresse, mais Metius le patricien me
téresse, Ah ! celui-là peut bien porter le
prend. Ah! celui-là peut bien porter le
costume des Italiens du quinzième siè-
cle ! Il en a l'âme, la vigueur, la haute
intelligence. Quels mots admirables il
sait dire ! « Nous sommes aristocrates
non pour jouir, mais pour oser. »Voilà,
en vérité, l'homme qu'il faudrait souhai-
ter d'être. Aussi philosophe qu'Antis-
tius, il aime peut-être le peuple autant
que Cethegus le démagogue le prétend
aimer, et il s'arrangerait bien avec Li-
béralis, qui s'arrange avec tout le monde !
Il a son idéal aussi, ce Metius. Idéal res-
treint, il est vrai. Mais l'idéal trop vaste
et trop lointain décourage l'humanité.
Les grands sages et les grands politi-
ques ont le rêve illimité ; mais ils n'en
disent rien et font sa part au temps.
Croyez-vous que les chrétiens eussent
été les chrétiens s'ils n'eussent cru que
« le royaume de Dieu était proche » ?
C'est à ceux qui savent combien il est
loin d'y marcher joyeusement, d'y con-
duire les peuples et de disposer les
étapes vers le but indéfini. Antistius,
un moment, donne lui-même la règle de
la grande sagesse en parlant des hom-
mes qui, en enseignant l'erreur, n'ont
jamais menti. Gardons-nous du fata-
lisme providentiel, quand bien même il
detrâil nous rassurer. Il ne faut pas,
trop respectueux de l'idéal, ne jamais
essayer de le saisir et d'en posséder
quelque chose. Ixion, amoureux d'une
déesse et ne tenant en ses bras qu'une
forme vaine, un nuage, la féconda pour-
tant par la seule ardeur de son désir.
Admirable légende, et exemple admira-
ble ! Rêvons donc, mais agissons. Et
surtout ne laissons pas voir aux esprits
simples qui combattent pour la vie que
le sort de la bataille nous est indiffé-
rent, qu'il n'y a pas, à tout prendre, de
vainqueurs et de vaincus, pas plus qu'il
n'y a d'injustice ou de justice dans les
lois naturelles. Car c'est par l'illusion du
résultat prochain que l'homme vit, et si
chaque race crée sa destinée, comme
dit Antistius, que la nôtre fasse la
sienne belle, ce qui ne serait pas, si des
sages trop sages lui donnaient pour
mot d'ordre : A quoi bon?
HENRY FOUQUIER.
— ♦
LA JOURNEE DE PARIS
-
LES JAèoBtTÈS. — Ce soir, à l'Odéon,
première représentation des Jacobites, le nou-
veau drame en vers de M. F. Coppée et sa
première œuvre théâtrale depuis qu'il est le
plus jeune des académiciens.
La répétition générale fait présager un
grand succès. Le poète a mis en scène le
prétendant écossais Charles-Edouard. L'his-
toire du prétendant se mêle, dans les Jaco-
bites, à une intrigue émouvante, bien que
très simple.
M. F. Coppée, dans son nouveau drame,
dont nous ne voulons rien dire de plus au-
jourd'hui, a su, comme M. Sardou dans Patrie
et même dans la Haine, tirer de la mise en
scène de saisissants effets dramatiques.
Une des scènes du premier acte rappelle et
égale la scène de la mort du sonneur dans
Patrie. M. F. Coppée a, d'ailleurs, été mer-
veilleusement secondé par M. Porel, qui a
monté les Jacobites en directeur ami des Mu-
ses. Le tableau du dernier acte, le départ du
prétendant au coucher du soleil, tandis que
la nuit se fait dans son cœur comme elle des-
cend sur la mer, est réellement admirable.
*
* *
L'HÉRITAGE DE LA PRINCESSE DE
BEAUVAU-CRAON. — Mme la princesse de
Beauvau-Craon, fille de la célèbre Mme du
Cayla, vient de mourir à la Rochelle. Elle a pour
unique héritière sa fille, la princesse Isabeau.
Mais, par son testament, elle enlève à celle-ci
tout ce dont la loi lui permettait de disposer.
La princesse Isabeau étant héritière à réserve,
les légataires universels ne bénéficieront que
de la moitié de la fortune, évaluée à une
trentaine de millions.
Ces légataires sont : 1° le jeune prince de
Beauvau-Mencier, âgé de sept ans, petit-ne-
veu et filleul de la défunte ; 20 le marquis
Talon.
Dans le coffre-fort de la princesse de Craon,
on a trouvé plus de 700,000 francs en espèces.
Cette somme avait été mise là pour des libé-
ralités que la princesse comptait faire de la
main à la main à diverses personnes de son
service et à plusieurs communautés religieu-
ses. Mais elle remettait toujours au lende-
main ces libéralités, bien qu'elle eût quatre-
vingts ans.
Mme la princesse de Beauvau-Craon, une
des plus riches propriétaires de France, pos-
sédait le château et le champ de courses
de SMnt-Ouen, que sa mère devait à la mu-
nificence du roi Louis XVIII.
m
* *
M. ODILON RANC. — Nous apprenons
avec un vif regret la mort de M. Odilon Ranc,
père de notre éminent confrère et ami M. Ar-
thur Ranc, âgé de quatre-vingt-deux ans.
Les obsèques auront lieu dimanche matin
à dix heures très précises.
On se réunira à la maison mortuaire, 51,
rue Rodier, pour se rendre directement au
Père-Lachaise.
Les personnes qui n'auraient pas reçu de
lettre de faire-part sont priées de considérer
le présent avis comme une invitation.
»
* *
LE MONUMENT DE L'AMIRAL COUR-
BET. — MM. Falguière et Mercié viennent
de s'adjoindre un collaborateur pour le mo-
nument qui sera élevé à l'amiral Courbet sur
la grande place d'Abbeville. C'est M. Paul
Pujol, l'architecte bien connu, l'auteur, avec
M. Falguière, du monument de Gambetta à
Cahors. Nous reviendrons sur le projet de
MM. Falguière, Mercié et Pujol, qui est d'une
belle hardiesse. La disposition des figures, qui
n'est pas encore définitivement arrêtée, fera
grand honneur aux trois artistes.
M. Dubois, dont on avait annoncé la colla-
boration effective au monument, se bornera
à donner quelques conseils d'ami à MM. Fal-
guière, Mercié et Pujol.
«
* *
MARIAGES. — On annonce le prochain
mariage de Mlle Cazelles, fille du préfet des
Bouches-du-Rhône, avec M. Lacaze, docteur
en médecine.
D'autre part, nous apprenons que notre ex-
cellent confrère M. Victor Fournel, l'érudit et
délicat critique du Moniteur universel, marie
sa fille à M. Jean Guiran, licencié en droit,
élève de l'Ecole des Chartes. La cérémonie
religieuse aura lieu mercredi prochain à
l'église Saint-Germain-des-Prés. Les témoins
de la mariée sont MM. Chesnelong et le comte
Achille du Clésieux.
*
* *
SÉANCE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.
— La séance d'hier, à l'Académie française,
était présidée par M. Cherbuliez, directeur,
assisté de M. C. Doucet, secrétaire perpé-
tuel, et de M. V. Duruy, chancelier.
Parmi les membres présents, on remar-
quait MM. Nisard, Legouvé, Taine, Renan,
Pailleron, Pasteur, le duc de Broglie, Méziè-
res, Marmier, Camille Rousset, Cuvillier-
Fleury, Coppée, Jules Simon, de Mazade, etc.
La commission, tirée au sort pour enten-
dre le discours de réception de M. Joseph Ber-
trand et la réponse de M. Pasteur, est compo-
sée de MM. Caro, Taine, Sardou et le duc de
Broglie, qui se joindront aux membres du
bureau en fonctions lors de l'élection et aux
membres du bureau actuel, MM. Pasteur,
Pailleron, Cherbuliez, Duruy et C. Doucet.
La séance de réception est fixée au jeudi
10 décembre.
M. Maxime Du Camp fera, le 26 novembre,
en séance publique, le rapport sur les prix
de vertu. MM. Sully-Prudhomme et Coppée
liront les pièces de poésie couronnées.
A
* *
LES ÉTUDES HISTORIQUES. — La
Société des études historiques propose, pour
les années 1886 et 1887, un prix de 1,000 francs
ou des médailles, s'il y a lieu, aux auteurs
du meilleur mémoire sur les questions sui-
vantes :
Pour le concours de 1886. — Etudier les
conséquences, au point de vue économique,
du percement de l'isthme de Panama dans les
rapports de l'Europe avec les pays baignés
par l'océan Pacifique, Amérique occidentale,
Océanie, Asie orientale.
Pour le concours de 1887. — Histoire de la
musique dramatique en France depuis le com-
mencement du dix-septième siècle jusqu'en
1870.
11
* *
LES VOLONTAIRES BULGARES. —
Nous avons annoncé hier que les étudiants
bulgares de Zurich conviaient leurs camara-
des des universités étrangères à venir com-
battre pour la cause de l'indépendance natio-
nale. Cet appel a été entendu.
Sept Bulgares, appartenant à la jeunesse
des Ecoles, se sont réunis au Grand-Véfour,
dans un dîner d'adieu, avant de partir pren-
dre les armes pour là patrie en danger.
Vers la fin du dîner, un des jeunes gens,
qui avait apporté l'instrument national, la
cornemuse, a joué des airs guerriers et chanté
des chansons de son pays dont la grâce mé-
lancolique a profondément ému tous ceux
qui assistaient à cette fête d'un caractère
touchant et grave.
40
TRACASSERIES PUÉRILES
En un jour de franche gaieté, M. Sigis-
mond Lacroix, alors conseiller municipal,
demanda la laïcisation des rues de Paris,
afin, dit-il, de « faire enrager les chasu-
bliers ». Il y avait certainement d'autres
moyens d'arriver à ce résultat bien digne
d'un homme de gouvernement. On pou-
vait, par exemple, aller devant leurs bou-
tiques et imiter le cri du corbeau. Le con-
seil municipal préféra changer des centai-
nes de noms de rues, selon l'avis folâtre
de M. Lacroix. Les chasubliers enragèrent-
ils? Nous l'ignorons ; mais ce que nous sa-
vons bien, c est que beaucoup de commer-
çants, d'industriels et de travailleurs, dont
les tendances étaient cependant tout à fait
laïques, trouvèrent détestable une plaisan-
terie qui leur portait un préjudice maté-
riel, qui changeait leurs traditions, leurs
habitudes commerciales et qui les forçait
à renouveler toute leur papeterie.
Hier, comme on sait, MM. Hubbard et
Vergoin demandaient à la Chambre la
suppression de l'article 16 de la loi du 29
juillet 1881 qui interdit l'affichage des
professions de foi, circulaires et affiches
électorales sur les édifices consacrés aux
cultes. Il s'agit cette fois de « faire enra-
ger » les curés, les pasteurs protestants,
les rabbins, les fidèles et les archéologues.
On ira coller des affiches électorales sur
les portes des églises, sur les murs, sur
les statues, sur les colonnes, sur les cha-
piteaux et jusque sur les gargouilles. On
promènera d'énormes pinceaux gluants
sur les ornements romans ou gothiques.
On habillera les saints et les saintes des
portails avec les professions de foi de Pa-
tachon et de Guibolard. Tiens 1 une statue
de saint Pierre? Pan 1 sur le nezl Voyez-
vous Notre-Dame couverte d'affiches mul-
ticolores ? Ce sera horrible, mais comme
les curés enrageront 1 Il est vrai que le pu-
blic laïque, mais artiste, poussera égale-
ment un cri d'indignation. Qu'importe !
Qui osera parler d'archéologie, d'histoire,
d'art et de culte du beau quand la laïcisa-
tion est en jeu?
Autre variation sur le même air : on
laïcise l'hôpital Cochin. Voilà qui « fait
enrager » les sœurs de charité, les héri-
tiers du fondateur de l'hospice et la mino-
rité du conseil municipal. Cela fait égale-
ment , Daraît-il, enrager les malades.
puisque - 258 d'entre eux sur 279 ont pro-
testé contre cette mesure. Mais il s'agit
bien des malades 1 « Quelle pression ont
dû exercer les sœurs pour faire signer
cette pétition ! » s'est écrié M. Chassaing.
Et, comme on demandait de lire la lettre :
« Nous n'avons pas de temps à perdre, a
dit M. Cattiaux. Occupons-nous de choses
sérieuses. » La pétition des malades est
donc jetée au panier. Laïcisation ! laïcisa-
tion 1 Crevez de rage, phtisiques, paraly-
tiques, fiévreux et malades de toute es-
pèce. L'essentiel est que vous mouriez
selon la formule du docteur Cattiaux.
On parle aussi de laïciser l'hôpital de
Berck-surrMer. Rage des sœurs qui vivent
dans cet hôpital, soignant les enfants ra-
chitiques ou scrofuleux. Elles enragent,
parce qu'on veut les arracher à ces pau-
vres petits êtres dont elles disent : « Ce
sont nos enfants, » et sur qui elles repor-
tent tout l'amour maternel qui est inné
dans le cœur de la femme. En repoussant
leur dévouement, on leur fait « une bonne
farce ». Mais n'en fait-on pas une aussi
à ces enfants couverts de plaies, inno-
centes victimes d'une fatalité congénitale,
qui trouvaient dans les sœurs de charité
des mères patientes, attentives, jamais
lassées, folles de renoncement et d'abné-
gation ? Qu'importe 1 La laïcisation avant
tout!
Et voilà comment, par des tracasseries
puériles, on en arrive à « faire enrager »
non pas telle ou telle classe de citoyens,
mais tout le monde, tous les travailleurs,
tous les artistes, tous les hommes de
cœur et de bon sens. Qu'on y prenne
garde ! Ce jeu est dangereux et le public
commence à s'en lasser.
P. F.
LA GUERRE
Eehee des Serbes
La fortune a décidément tourné : les
Bulgares regagnent le terrain perdu ; l'ar-
mée serbe est arrêtée devant la position
de Slivnitza depuis quatre jours. Il semble
môme que le roi Milan ait été obligé de
reporter son quartier général de Tzaribrod
à Pirot, c'est-à-dire qu'il aurait reculé du
territoire bulgare sur le territoire serbe.
Le plan conçu par l'état-major de l'armée
serbe a complètement échoué. Ce plan
consistait en une marche convergente de
trois corps d'armée ou divisions sur Sofia.
La division du Danube, commandée par le
colonel Jovanovitch, avançait sur la capi-
tale bulgare par la route de Pirot et la
passe de Dragoman : en même temps la
division de Choumadia sous les ordres de
Benitcki suivait la route de Trûne, et la
division de la Morava, sous les ordres du
colonel Popatovitch, partant de Wlassina,
devait se réunir avec la précédente sur les
hauteurs de Wischor. Cette jonction n'a
pu être faite en temps opportun; les Bul-
gares ont arrêté les divisions de la Morava
et de Choumadia pendant deux jours dans
les défilés des montagnes. Pendant ce
temps la division du Danube dessinait son
attaque sur la passe de Dragoman et me-
naçait Slivnitza. sans attendre que le mou-
vement des ailes fût achevé.
Le plan était bien conçu; il a été mal
exécuté. En outre le roi Milan, enhardi
par ses premiers succès, ne croyait pas
trouver une résistance sérieuse chez les
Bulgares. Sur un autre point de la fron-
: tière, les Serbes paraissent avoir aussi peu
réussi que sur Slivnitza. Le général Le-
chanine, que l'on disait maître de Widdin,
a échoué jusqu'ici malgré des combats
réitérés et après avoir subi des pertes qui
seraient considérables.
Malgré ses succès, le prince Alexandre
persiste à prendre une attitude suppliante
auprès du sultan et à réclamer l'interven-
tion de la Porte. Dans une dépêche adres-
sée hier au grand-vizir, il déclare avoir
donné l'ordre d'évacuer la Roumélie. C'est
exact, mais il convient d'ajouter que ce
sont les troupes rouméliotes qui ont en-
vahi la Bulgarie avec la louable intention
de la protéger contre les Serbes et qu'elles
sont aujourd'hui chargées de la défense
de Sofia, la future capitale du futur royau-
me-uni.
Le sultan ne paraît pas montrer plus de
hâte à voler au secours de la Bulgarie qu'il
n'a mis d'empressement à envoyer des
troupes dans la Roumélie orientale. Peut-
être n'est-il pas autrement désolé de voir
les Serbes et les Bulgares s'affaiblir par
une guerre qui dure plus qu'on n'avait
pensé.
Les Grecs imitent le sultan, ils se re-
cueillent et se réservent. Ils suivent les
événements d'un œil attentif, l'arme au
pied, prêts àfaire une démonstration quand
ils croiront le moment venu. Cette attitude
expectante leur rapportera peut-être plus
qu'une entrée en campagne immédiate.
Louis HENRIQUE.
DÉpaHES
il-attaque contre Widdin
Bucharest, 20 novembre.
Le bruit court que les Bulgares ont re-
poussé hier une attaque des Serbes du
côté de Widdin.
Echec devant Slivnitza
Belgrade, 20 novembre.
Avant-hier, les troupes serbes ont atta-
qué les positions fortifiées de Slivnitza et
ont été repoussées.
Le mauvais temps ne permet pas de pou-
voir renouveler l'attaque. Les pertes doi-
vent être sensibles ; mais le moral des
troupes reste bon.
Le président Garachanine est parti cette
nuit, par train spécial, pour Nisch, afin de
conférer avec le roi au quartier général.
Ici, tout est calme. La population fête
tranquillement aujourd'hui la Saint-Mi-
chel.
La reine vient de quitter le palais pour
assister au service religieux à la cathé-
drale.
La conférence
Rome, 20 novembre.
Une dépêche de Constantinople annonce
que, dans la séance d'hier, la conférence
a adopté en principe les propositions de
la Porte pour régler la question roumé-
liote.
Les plénipotentiaires tiendront demain
une nouvelle réunion pour arrêter les dé-
tails de l'aecord et s'entendre notamment
au sujet de l'envoi d'un commissaire ot-
toman en Roumélie.
Une note étrange
Les représentants des grandes puissan-
ces à Sofia se sont réunis hier en vue d'a-
dresser une note collective au gouverne-
ment bulgare pour le prier d'empêcher, le
cas échéant, les miliciens et les volontai-
res bulgares de défendre la capitale, fin
de ne pas donner un motif aux troupes
serbes de commettre des cruautés.
M. Tsanoff ayant appris le but de la réu-
nion, mais n'ayant pas reçu la note collec-
tive, a adressé aujourd'hui une note aux
représentants pour les informer que l'ar-
mée serbe compte également des volon-
taires et des miliciens, fait qu'il est facile
de contrôler par les prisonniers serbes.
Cette note des représentants des grandes
puissances est assurément singulière, et
restera un des épisodes gais de la guerre
serbo-bulgare.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Le cabinet et la Chambre
Le répit que M. Rochefort voulait accor-
der au ministère tend de plus en plus à.
s'allonger. On avait parlé d'abord de quel-
ques jours, puis de quelques semaines;
aujourd'hui on ne paraît pas éloigné d'ac-
corder quelques mois. Il a suffi au gouver-
nement de se montrer pour réduire ses
adversaires, sinon au silence, du moins au
désarroi le plus complet.
Il nous semble nécessaire, pour bien
préciser la situation, de rappeler ce qui
s'est passé au conseil de cabinet tenu jeudi
matin place Vendôme.
Au début de la réunion des ministres,
M. Henri Brisson, président du conseil, a
rendu compte à ses collègues de son en-
trevue de la veille avec le bureau de la
réunion plénière des Gauches. Il a ajouté
qu'il avait fait à M. Lockroy et à ses amis
une réponse évasive, en s'abritant derrière
le président de la République et le prési-
dent du Sénat qu'il n'avait pas encore con-
sultés sur la date à laquelle il conviendrait
de convoquer le Congrès.
Une assez longue discussion s'est enga-
gée à la suite de cette communication du
président du conseil. Cette discussion
avait été nrovoauée par M. Henri Brisson
qui tenait à agir d'accord avec ses collègues.
Plusieurs ministres ont déclaré que les
réunions de la rue Cadet pourraient npire
au bon fonctionnement du régime par-
lementaire. Si le gouvernement tenait
compte des résolutions prises au Grand-
Orient, il méconnaîtrait ses devoirs qui
sont de respecter et de faire respecter la
Constitution.' Il fallait donc en revenir au
plus tôt aux méthodes parlementaires, que
le système de réunions plus ou moins plé-
nières risquerait de fausser complètement.
On a fait alors observer que la déclara-
tion ministérielle avait besoin d'être com-
plétée par des actes. Or, même avant de
connaître l'accueil qui serait .fait à son
programme, le cabinet avait choisi la
question sur laquelle il comptait s'expli-
quer plus longuement. Au cours de diffé-
rents conseils qui furent consacrés à dis-
cuter les termes de la déclaration, il avait
été entendu qu'à propos des projets de
loi retatifs aux crédits à reporter de 1885 à
1886 pour le service du Tonkin et de Mada-
gascar le gouvernement fournirait aux
Chambres des indications précises sur sa
politique coloniale. L'éventualité de ce
prochain débat était prévue, au surplus,
dans la déclaration. La question coloniale
était la seule qui fût traitée, dans ce docu-
ment, avec quelques détails. La politique
coloniale était donc le terrain sur lequel
la bataille pouvait le plus naturellement
s'engager entre le cabinet et ses adversai-
res. Nulle autre des questions visées dans
la déclaration ne saurait donner lieu à un
débat immédiat. Elles ne sont pas mûres ;
elles n'ont pas encore été suffisamment
étudiées ni par le gouvernement ni parla
Chambre.
Si le ministère, a-t-on ajouté, survit à
ce débat, son autorité devant le Congrès
sera bien plus grande. « Il faut aller au
Congrès, a dit pour conclure un membre
du gouvernement, comme des ministres et
non comme des condamnés à mort. »
Tel est le sens général des observations
échangées au conseil de jeudi matin. En
conséquence, il a été décidé à l'unanimité
que, sans s'arrêter à la démarche du bu-
reau des réunions plénières de la rue Ca-
det, on déposerait aujourd'hui sur le bu-
reau de la Chambre les projets de loi por-
tant régularisation des crédits votés pour
le Tonkin et Madagascar et qui n'ont pas
été employés dans le courant de l'exercice
1885.
L'impression produite à la Chambre par
la résolution du gouvernement n'a fait, de-
puis jeudi, que s'améliorer. Il est certain
que la séance d'aujourd'hui sera loin de
présenter l'intérêt auquel on s'attendait.
Le dépôt des projets du cabinet ne sera
qu'une pure formalité et ne donnera lieu à
aucun incident. Les projets seront ren-
voyés aux bureaux qui nommeront mardi
prochain la commission chargée de les
examiner. Quant à la discussion en séance
publique, on ne prévoit pas qu'elle puisse
venir avant le samedi 28 courant.
Il convient de démentir, à cette occa-
sion, tous les bruits de dissentiments mi-
nistériels qui ont couru dans différents
journaux. On a représenté MM. Brisson,
Allain-Targé et de Freycinet comme partis
en guerre les uns contre les autres. Tout
cela est inexact. MM. de Freycinet et AI-
lain-Targé se sont entretenus, jeudi soir,
dans les couloirs du Sénat, pendant près
d'une heure, et nous sommes en mesure
d'affirmer que leurs relations sont des plus
cordiales.
Ajoutons, pour terminer, que dans la
soirée d'hier on suggérait l'idée suivante,
en vue d'éviter tout débat irritant sur la
question coloniale : aujourd'hui, au mo-
ment du dépôt par le gouvernement de ses
projets de crédits, un membre de la majo-
rité monterait à la tribune pour demander
le renvoi de ces projets à une commission
de trente-trois membres. Cette commis-
sion serait chargée de faire : 1° un rapport
sommaire sur les crédits, qui ne soulèvent
Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes
gâmçdi 21 Novembre 4885
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Panama. 410.
Hongrois 79 15/16, 80, 79 3/8.
Priorité 356 25.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (le « Prêtre de Nemi ». —
HENRY FOUQUIER.
tournée de Paris.
Tracasseries puériles — P. F.
La Guerre. — Louis HENRIQUE.
Informations particulières.
Le Programme du statthalter. — G. MANSUY
La Crise et l'enquête. — LÉo BIRON.
Les révolutionnaires. — HENRI CRorXVET.
Nouvelles coloniales.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Revue de la presse. — NACHETTE.
Des Moyens de favoriser les affaires.
Le Sport du jour. — FAVELLES.
La Température.
Courrier de la Bourse. — H. LE FAURB.
Bibliographie.
Faits divers. — JEAN VALLIÈRE.
Tribunaux.
Courrier des théâtres. — GEORGES FEYDlIIAU.
Le Roman d'un grand-duc.-COMTE AFANASI
DERNIÈRE HEURE
LA GUERRE
Nouvelle victoire bulgare
Vienne, 20 novembre.
On télégraphie de Sofia au Correspon-
dons Bureau :
« Les troupes bulgares viennent de rem-
porter une nouvelle victoire.
» Les Serbes ont attaqué vigoureuse-
ment Slivnitza, mais ils ont été repoussés
avec des pertes considérables.
» Le prince Alexandre dirige personnel-
lement les opérations. Son cheval a été
tué. Les Bulgares ont réoccupé Slavinge.»
Les Serbes et les voitures d'ambu-
lance
Sofia, 20 novembre.
Le docteur Roy a rapporté que, rame-
nant des soldats blessés à la bataille de
Slivnitza sur une voiture d'ambulance, il
a été attaqué à la sortie du champ de
bataille.
Le docteur Roy a pu à grand'peine dé-
teler les chevaux et s'enfuir avec le per-
sonnel de l'ambulance.
Les Serbes ont massacré les blessés et
pris la voiture.
Ce fait a été signalé au comité de la So-
ciété internationale de la Croix-Rouge de
Genève.
Enthousiasme à Sofia
Sofia, 20 novembre.
Les victoires remportées par les jeunes
troupes bulgares causent ici un grand en-
thousiasme.
Le temps est très mauvais. Les soldats
bulgares manquent de couvertures.
Les comités slaves organisent des postes
de secours pour les blessés.
La santé du roi Alphonse
Des bruits inquiétants sur la santé du
roi Alphonse ont circulé hier à Paris.
L'ambassade d'Espagne n'a reçu de Ma-
drid aucune nouvelle qui les justifie.
QUESTION DU JOUR
Le « Prêtre de Nemi »
Le lac de Nemi est un lac adorable,
-véritable coupe nacrée, sur un plateau,
entre des collines aux contours char-
mants, situé entre Rome et l'emplace-
cement d'Albe. Un bois sacré l'entou-
rait jadis, et il reste de la forêt antique
un parc merveilleux, d'une végétation
particulièrement riche. Ce lieu, vingt
fois peint par le paysagiste Français, est
un des plus beaux qui soient au monde.
Il y a deux ou trois ans, passant l'hiver
en Italie, M. Renan y a été rêver sans
doute. Et il a connu la vieille légende du
temple de Diane et de ses prêtres fa-
rouches. Mais le même homme qui rêvait
aux grandeurs latines sur les bords du
Nemi est en même temps un Parisien
répandu, qui s'occupe fort de la politi-
que de son pays, lit plus de journaux
qu'il ne le dit, a été candidat à la Cham-
bre et devrait être sénateur, et vit
avec ses contemporains autant qu'avec
les hommes des siècles passés. Ce con-
traste des lieux, des choses, des études,
qui existe en la vie de M. Renan, est au
plus haut point dans son drame philoso-
phique, le Prêtre de Nemi, et donne à
l'œuvre une originalité qui va, en maint
endroit, jusqu'à l'étrangeté.
Le Prêtre de Nemi n'est pas, comme
le disait un de nos grands confrères,
d'ordinaire moins étourdi, le premier
ouvrage dramatique de M. Renan. Il
vient après Caliban et l'Eau de Jou-
vence. OEuvre dramatique qui n'est pas
destinée au théâtre, bien que l'auteur,
pat- une do ces fantaisies d'artiste qui
lui sont familières, ait indiqué le cos-
tume de ses personnages. Il est vrai que,
pour qu'on ne l'accuse pas de chercher
la vérité et la couleur locale, il demande
que ses Albains contemporains de Romu-
lus soient vêtus comme les Italiens du
quinzième ou du seizième siècle, tels
que les peignaient, dans leurs fresques,
Masaccio ou Lippi. L'anachronisme est
la règle du drame tel que le conçoit M.
Renan, et il l'impose aux costumes
mêmes, afin qu'on ne s'y trompe pas. Si,
d'ailleurs, il a pris la forme du drame
pour exprimer ses idées, c'est parce
que, mettant en scène des personna-
ges d'opinions diverses, les faisant par-
ler, le drame dispense de toute conclu-
sion. Il fait le tour des idées; il n'en
impose aucune : il n'en propose peut-
être même pas. Et l'auteur, ennemi de
l'absolu, semble avoir voulu atteindre
l'absolu du scepticisme.
C'est le charme, mais c'est aussi la
faiblesse de l'œuvre. L'humanité ne se
contente pas des « peut-être » et des
« que sais-je? » même quand Rabelais
et Montaigne lui proposent le doute
comme la fin supérieure de toutes
choses. Particulièrement quand nous
quittons le champ de la spéculation
pure, quand nous descendons dans
l'arène, comme M. Renan, qui retrouve
à Albe les Cethegus de l'Extrême-Gau-
che, les Metius de la Droite et les Libe-
ralis du Centre gauche, nous sommes
tenus de nous prononcer, Les hommes
veulent bien qu'n attaque ou qu'on dé-
fende lttrs croyanoe, qü; on hâte ou
-ce- qu'ils appellent - le
progrès, qu'on affirme ou qu'on nie, en
un mot : ils ne supportent pas qu'on
doute, et un instinct, heureux en somme,
leur fait redouter les esprits charmants
et décevants dont la doctrine, appliquée
au pied de la lettre, conduirait au Nir-
vana des boudhistes. Aussi veut-on que
quiconque philosophe conclue, parce
que conclure, c'est le premier pas vers
agir et l'action seule vaut.
Le prêtre de Nemi est un sage, un
rêveur, un juste, Antistius. Il a aboli
l'usage du sanctuaire, qui voulait que
la pretrise fût conquise le poignard à la
main, par l'assassinat. Il a aboli les sa-
crifices humains. Il prêche à la sibylle
Carmenta, qui l'aime, la doctrine du
renoncement. Plus Latin qu'Albain, plus
« humanitaire » que patriote, dirions-
nous aujourd'hui, il sent venir la gran-
deur romaine et ne veut pas la com-
battre, voyant plus loin que la querelle
de peuples-frères. Cependant son œuvre
avorte. Il n'empêche pas les rites féroces
de revivre ; il ne sauve pas sa patrie de
la guerre où elle périra ; lui-même meurt,
assassiné par un scélérat. Et, avant de
mourir, il se demande s'il sert de quel-
que chose de se sacrifier à l'idéal et si
les crimes heureux ne valent pas plus,
pour les nations, que les vertus et la
justice, toujours méconnues? M. Renan
nous dit bien que c'est de tels avorte-
ments que le progrès est fait et qu'à la
longue Antistius a raison dans ses des-
cendants et ses imitateurs. Mais qui ne
voit le danger de cette doctrine, — car
M. Renan n'échappe pas à une doctrine
et on conclut pour lui qui ne conclut
pas, — qui ne voit le danger de cette
doctrine faisant de la vertu une sorte
d'élégance suprême pour certains esprits
rares qui savent la pratiquer, tout en
n'ignorant pas qu'elle restera incom-
prise, vaine, — parfois nuisible, — aux
hommes qui les entourent?
Le dilettantisme est le couronnement
d'une civilisation. Mais il peut être aussi
le commencement de sa fin. Antistius
ne croit plus aux dieux, qui font injure
à Dieu. Bientôt il ne croira plus à Dieu,
« qui fait injure au divin ». Mais ce di-
vin, sans dogme et sans culte, sans prê-
tres, je pense, seule foi des grands es-
prits, sera-t-il jamais la foi des nations?
Artiste incomparable, M. Renan a pour
l'action et la passion, cette admiration
théorique qu'eurent pour elles Stendhal
et Mérimée, grands sceptiques aussi.
C'est une tendance des sceptiques de se
compléter ainsi par le goût des actes
énergiques. Mais ils sont semblables à
un homme qui, mourant de soif, se pen-
che vers une source pour y boire et, en
même temps, pose la main sur la fis-
sure du rocher d'où jaillit l'eau et la
ferme ! Le bien pour le bien, c'est la
grande doctrine ; et pour moi, hélas !
je n'en connais pas d'autre. Mais c'est
la doctrine réservée, la doctrine du tem-
ple, qu'il ne faut pas répandre sur la
foule. La première des vérités, c'est que
toute vérité n'est pas bonne à dire. Car
enfin, si Albe avait pu vaincre, — et
Albe, n'est-ce pas nous ? — elle l'eût
fait plutôt par les fureurs de Cethe-
gus, par les honnêtes bons vouloirs de
Liberalis, par le patriotisme intéressé
de Metius l'aristocrate que par Antis-
tius, le rêveur résigné. Or il ne suffit
pas de savoir ce qu'est la vie : il faut
aussi ne pas la perdre, tant pour les in-
diyidus que pour les nations.
Aussi dans ce drame admirable
d'art, d'ironie, de moquerie hautaine ou
gamine, — car il y a même du gamin
là-dedans, et Libéralis le voit bien ! —
plein de rêves superbes, mais triste au
fond, c'est un personnage accessoire
que je préfère au héros. Antistius m'in-
téresse, mais Metius le patricien me
téresse, Ah ! celui-là peut bien porter le
prend. Ah! celui-là peut bien porter le
costume des Italiens du quinzième siè-
cle ! Il en a l'âme, la vigueur, la haute
intelligence. Quels mots admirables il
sait dire ! « Nous sommes aristocrates
non pour jouir, mais pour oser. »Voilà,
en vérité, l'homme qu'il faudrait souhai-
ter d'être. Aussi philosophe qu'Antis-
tius, il aime peut-être le peuple autant
que Cethegus le démagogue le prétend
aimer, et il s'arrangerait bien avec Li-
béralis, qui s'arrange avec tout le monde !
Il a son idéal aussi, ce Metius. Idéal res-
treint, il est vrai. Mais l'idéal trop vaste
et trop lointain décourage l'humanité.
Les grands sages et les grands politi-
ques ont le rêve illimité ; mais ils n'en
disent rien et font sa part au temps.
Croyez-vous que les chrétiens eussent
été les chrétiens s'ils n'eussent cru que
« le royaume de Dieu était proche » ?
C'est à ceux qui savent combien il est
loin d'y marcher joyeusement, d'y con-
duire les peuples et de disposer les
étapes vers le but indéfini. Antistius,
un moment, donne lui-même la règle de
la grande sagesse en parlant des hom-
mes qui, en enseignant l'erreur, n'ont
jamais menti. Gardons-nous du fata-
lisme providentiel, quand bien même il
detrâil nous rassurer. Il ne faut pas,
trop respectueux de l'idéal, ne jamais
essayer de le saisir et d'en posséder
quelque chose. Ixion, amoureux d'une
déesse et ne tenant en ses bras qu'une
forme vaine, un nuage, la féconda pour-
tant par la seule ardeur de son désir.
Admirable légende, et exemple admira-
ble ! Rêvons donc, mais agissons. Et
surtout ne laissons pas voir aux esprits
simples qui combattent pour la vie que
le sort de la bataille nous est indiffé-
rent, qu'il n'y a pas, à tout prendre, de
vainqueurs et de vaincus, pas plus qu'il
n'y a d'injustice ou de justice dans les
lois naturelles. Car c'est par l'illusion du
résultat prochain que l'homme vit, et si
chaque race crée sa destinée, comme
dit Antistius, que la nôtre fasse la
sienne belle, ce qui ne serait pas, si des
sages trop sages lui donnaient pour
mot d'ordre : A quoi bon?
HENRY FOUQUIER.
— ♦
LA JOURNEE DE PARIS
-
LES JAèoBtTÈS. — Ce soir, à l'Odéon,
première représentation des Jacobites, le nou-
veau drame en vers de M. F. Coppée et sa
première œuvre théâtrale depuis qu'il est le
plus jeune des académiciens.
La répétition générale fait présager un
grand succès. Le poète a mis en scène le
prétendant écossais Charles-Edouard. L'his-
toire du prétendant se mêle, dans les Jaco-
bites, à une intrigue émouvante, bien que
très simple.
M. F. Coppée, dans son nouveau drame,
dont nous ne voulons rien dire de plus au-
jourd'hui, a su, comme M. Sardou dans Patrie
et même dans la Haine, tirer de la mise en
scène de saisissants effets dramatiques.
Une des scènes du premier acte rappelle et
égale la scène de la mort du sonneur dans
Patrie. M. F. Coppée a, d'ailleurs, été mer-
veilleusement secondé par M. Porel, qui a
monté les Jacobites en directeur ami des Mu-
ses. Le tableau du dernier acte, le départ du
prétendant au coucher du soleil, tandis que
la nuit se fait dans son cœur comme elle des-
cend sur la mer, est réellement admirable.
*
* *
L'HÉRITAGE DE LA PRINCESSE DE
BEAUVAU-CRAON. — Mme la princesse de
Beauvau-Craon, fille de la célèbre Mme du
Cayla, vient de mourir à la Rochelle. Elle a pour
unique héritière sa fille, la princesse Isabeau.
Mais, par son testament, elle enlève à celle-ci
tout ce dont la loi lui permettait de disposer.
La princesse Isabeau étant héritière à réserve,
les légataires universels ne bénéficieront que
de la moitié de la fortune, évaluée à une
trentaine de millions.
Ces légataires sont : 1° le jeune prince de
Beauvau-Mencier, âgé de sept ans, petit-ne-
veu et filleul de la défunte ; 20 le marquis
Talon.
Dans le coffre-fort de la princesse de Craon,
on a trouvé plus de 700,000 francs en espèces.
Cette somme avait été mise là pour des libé-
ralités que la princesse comptait faire de la
main à la main à diverses personnes de son
service et à plusieurs communautés religieu-
ses. Mais elle remettait toujours au lende-
main ces libéralités, bien qu'elle eût quatre-
vingts ans.
Mme la princesse de Beauvau-Craon, une
des plus riches propriétaires de France, pos-
sédait le château et le champ de courses
de SMnt-Ouen, que sa mère devait à la mu-
nificence du roi Louis XVIII.
m
* *
M. ODILON RANC. — Nous apprenons
avec un vif regret la mort de M. Odilon Ranc,
père de notre éminent confrère et ami M. Ar-
thur Ranc, âgé de quatre-vingt-deux ans.
Les obsèques auront lieu dimanche matin
à dix heures très précises.
On se réunira à la maison mortuaire, 51,
rue Rodier, pour se rendre directement au
Père-Lachaise.
Les personnes qui n'auraient pas reçu de
lettre de faire-part sont priées de considérer
le présent avis comme une invitation.
»
* *
LE MONUMENT DE L'AMIRAL COUR-
BET. — MM. Falguière et Mercié viennent
de s'adjoindre un collaborateur pour le mo-
nument qui sera élevé à l'amiral Courbet sur
la grande place d'Abbeville. C'est M. Paul
Pujol, l'architecte bien connu, l'auteur, avec
M. Falguière, du monument de Gambetta à
Cahors. Nous reviendrons sur le projet de
MM. Falguière, Mercié et Pujol, qui est d'une
belle hardiesse. La disposition des figures, qui
n'est pas encore définitivement arrêtée, fera
grand honneur aux trois artistes.
M. Dubois, dont on avait annoncé la colla-
boration effective au monument, se bornera
à donner quelques conseils d'ami à MM. Fal-
guière, Mercié et Pujol.
«
* *
MARIAGES. — On annonce le prochain
mariage de Mlle Cazelles, fille du préfet des
Bouches-du-Rhône, avec M. Lacaze, docteur
en médecine.
D'autre part, nous apprenons que notre ex-
cellent confrère M. Victor Fournel, l'érudit et
délicat critique du Moniteur universel, marie
sa fille à M. Jean Guiran, licencié en droit,
élève de l'Ecole des Chartes. La cérémonie
religieuse aura lieu mercredi prochain à
l'église Saint-Germain-des-Prés. Les témoins
de la mariée sont MM. Chesnelong et le comte
Achille du Clésieux.
*
* *
SÉANCE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.
— La séance d'hier, à l'Académie française,
était présidée par M. Cherbuliez, directeur,
assisté de M. C. Doucet, secrétaire perpé-
tuel, et de M. V. Duruy, chancelier.
Parmi les membres présents, on remar-
quait MM. Nisard, Legouvé, Taine, Renan,
Pailleron, Pasteur, le duc de Broglie, Méziè-
res, Marmier, Camille Rousset, Cuvillier-
Fleury, Coppée, Jules Simon, de Mazade, etc.
La commission, tirée au sort pour enten-
dre le discours de réception de M. Joseph Ber-
trand et la réponse de M. Pasteur, est compo-
sée de MM. Caro, Taine, Sardou et le duc de
Broglie, qui se joindront aux membres du
bureau en fonctions lors de l'élection et aux
membres du bureau actuel, MM. Pasteur,
Pailleron, Cherbuliez, Duruy et C. Doucet.
La séance de réception est fixée au jeudi
10 décembre.
M. Maxime Du Camp fera, le 26 novembre,
en séance publique, le rapport sur les prix
de vertu. MM. Sully-Prudhomme et Coppée
liront les pièces de poésie couronnées.
A
* *
LES ÉTUDES HISTORIQUES. — La
Société des études historiques propose, pour
les années 1886 et 1887, un prix de 1,000 francs
ou des médailles, s'il y a lieu, aux auteurs
du meilleur mémoire sur les questions sui-
vantes :
Pour le concours de 1886. — Etudier les
conséquences, au point de vue économique,
du percement de l'isthme de Panama dans les
rapports de l'Europe avec les pays baignés
par l'océan Pacifique, Amérique occidentale,
Océanie, Asie orientale.
Pour le concours de 1887. — Histoire de la
musique dramatique en France depuis le com-
mencement du dix-septième siècle jusqu'en
1870.
11
* *
LES VOLONTAIRES BULGARES. —
Nous avons annoncé hier que les étudiants
bulgares de Zurich conviaient leurs camara-
des des universités étrangères à venir com-
battre pour la cause de l'indépendance natio-
nale. Cet appel a été entendu.
Sept Bulgares, appartenant à la jeunesse
des Ecoles, se sont réunis au Grand-Véfour,
dans un dîner d'adieu, avant de partir pren-
dre les armes pour là patrie en danger.
Vers la fin du dîner, un des jeunes gens,
qui avait apporté l'instrument national, la
cornemuse, a joué des airs guerriers et chanté
des chansons de son pays dont la grâce mé-
lancolique a profondément ému tous ceux
qui assistaient à cette fête d'un caractère
touchant et grave.
40
TRACASSERIES PUÉRILES
En un jour de franche gaieté, M. Sigis-
mond Lacroix, alors conseiller municipal,
demanda la laïcisation des rues de Paris,
afin, dit-il, de « faire enrager les chasu-
bliers ». Il y avait certainement d'autres
moyens d'arriver à ce résultat bien digne
d'un homme de gouvernement. On pou-
vait, par exemple, aller devant leurs bou-
tiques et imiter le cri du corbeau. Le con-
seil municipal préféra changer des centai-
nes de noms de rues, selon l'avis folâtre
de M. Lacroix. Les chasubliers enragèrent-
ils? Nous l'ignorons ; mais ce que nous sa-
vons bien, c est que beaucoup de commer-
çants, d'industriels et de travailleurs, dont
les tendances étaient cependant tout à fait
laïques, trouvèrent détestable une plaisan-
terie qui leur portait un préjudice maté-
riel, qui changeait leurs traditions, leurs
habitudes commerciales et qui les forçait
à renouveler toute leur papeterie.
Hier, comme on sait, MM. Hubbard et
Vergoin demandaient à la Chambre la
suppression de l'article 16 de la loi du 29
juillet 1881 qui interdit l'affichage des
professions de foi, circulaires et affiches
électorales sur les édifices consacrés aux
cultes. Il s'agit cette fois de « faire enra-
ger » les curés, les pasteurs protestants,
les rabbins, les fidèles et les archéologues.
On ira coller des affiches électorales sur
les portes des églises, sur les murs, sur
les statues, sur les colonnes, sur les cha-
piteaux et jusque sur les gargouilles. On
promènera d'énormes pinceaux gluants
sur les ornements romans ou gothiques.
On habillera les saints et les saintes des
portails avec les professions de foi de Pa-
tachon et de Guibolard. Tiens 1 une statue
de saint Pierre? Pan 1 sur le nezl Voyez-
vous Notre-Dame couverte d'affiches mul-
ticolores ? Ce sera horrible, mais comme
les curés enrageront 1 Il est vrai que le pu-
blic laïque, mais artiste, poussera égale-
ment un cri d'indignation. Qu'importe !
Qui osera parler d'archéologie, d'histoire,
d'art et de culte du beau quand la laïcisa-
tion est en jeu?
Autre variation sur le même air : on
laïcise l'hôpital Cochin. Voilà qui « fait
enrager » les sœurs de charité, les héri-
tiers du fondateur de l'hospice et la mino-
rité du conseil municipal. Cela fait égale-
ment , Daraît-il, enrager les malades.
puisque - 258 d'entre eux sur 279 ont pro-
testé contre cette mesure. Mais il s'agit
bien des malades 1 « Quelle pression ont
dû exercer les sœurs pour faire signer
cette pétition ! » s'est écrié M. Chassaing.
Et, comme on demandait de lire la lettre :
« Nous n'avons pas de temps à perdre, a
dit M. Cattiaux. Occupons-nous de choses
sérieuses. » La pétition des malades est
donc jetée au panier. Laïcisation ! laïcisa-
tion 1 Crevez de rage, phtisiques, paraly-
tiques, fiévreux et malades de toute es-
pèce. L'essentiel est que vous mouriez
selon la formule du docteur Cattiaux.
On parle aussi de laïciser l'hôpital de
Berck-surrMer. Rage des sœurs qui vivent
dans cet hôpital, soignant les enfants ra-
chitiques ou scrofuleux. Elles enragent,
parce qu'on veut les arracher à ces pau-
vres petits êtres dont elles disent : « Ce
sont nos enfants, » et sur qui elles repor-
tent tout l'amour maternel qui est inné
dans le cœur de la femme. En repoussant
leur dévouement, on leur fait « une bonne
farce ». Mais n'en fait-on pas une aussi
à ces enfants couverts de plaies, inno-
centes victimes d'une fatalité congénitale,
qui trouvaient dans les sœurs de charité
des mères patientes, attentives, jamais
lassées, folles de renoncement et d'abné-
gation ? Qu'importe 1 La laïcisation avant
tout!
Et voilà comment, par des tracasseries
puériles, on en arrive à « faire enrager »
non pas telle ou telle classe de citoyens,
mais tout le monde, tous les travailleurs,
tous les artistes, tous les hommes de
cœur et de bon sens. Qu'on y prenne
garde ! Ce jeu est dangereux et le public
commence à s'en lasser.
P. F.
LA GUERRE
Eehee des Serbes
La fortune a décidément tourné : les
Bulgares regagnent le terrain perdu ; l'ar-
mée serbe est arrêtée devant la position
de Slivnitza depuis quatre jours. Il semble
môme que le roi Milan ait été obligé de
reporter son quartier général de Tzaribrod
à Pirot, c'est-à-dire qu'il aurait reculé du
territoire bulgare sur le territoire serbe.
Le plan conçu par l'état-major de l'armée
serbe a complètement échoué. Ce plan
consistait en une marche convergente de
trois corps d'armée ou divisions sur Sofia.
La division du Danube, commandée par le
colonel Jovanovitch, avançait sur la capi-
tale bulgare par la route de Pirot et la
passe de Dragoman : en même temps la
division de Choumadia sous les ordres de
Benitcki suivait la route de Trûne, et la
division de la Morava, sous les ordres du
colonel Popatovitch, partant de Wlassina,
devait se réunir avec la précédente sur les
hauteurs de Wischor. Cette jonction n'a
pu être faite en temps opportun; les Bul-
gares ont arrêté les divisions de la Morava
et de Choumadia pendant deux jours dans
les défilés des montagnes. Pendant ce
temps la division du Danube dessinait son
attaque sur la passe de Dragoman et me-
naçait Slivnitza. sans attendre que le mou-
vement des ailes fût achevé.
Le plan était bien conçu; il a été mal
exécuté. En outre le roi Milan, enhardi
par ses premiers succès, ne croyait pas
trouver une résistance sérieuse chez les
Bulgares. Sur un autre point de la fron-
: tière, les Serbes paraissent avoir aussi peu
réussi que sur Slivnitza. Le général Le-
chanine, que l'on disait maître de Widdin,
a échoué jusqu'ici malgré des combats
réitérés et après avoir subi des pertes qui
seraient considérables.
Malgré ses succès, le prince Alexandre
persiste à prendre une attitude suppliante
auprès du sultan et à réclamer l'interven-
tion de la Porte. Dans une dépêche adres-
sée hier au grand-vizir, il déclare avoir
donné l'ordre d'évacuer la Roumélie. C'est
exact, mais il convient d'ajouter que ce
sont les troupes rouméliotes qui ont en-
vahi la Bulgarie avec la louable intention
de la protéger contre les Serbes et qu'elles
sont aujourd'hui chargées de la défense
de Sofia, la future capitale du futur royau-
me-uni.
Le sultan ne paraît pas montrer plus de
hâte à voler au secours de la Bulgarie qu'il
n'a mis d'empressement à envoyer des
troupes dans la Roumélie orientale. Peut-
être n'est-il pas autrement désolé de voir
les Serbes et les Bulgares s'affaiblir par
une guerre qui dure plus qu'on n'avait
pensé.
Les Grecs imitent le sultan, ils se re-
cueillent et se réservent. Ils suivent les
événements d'un œil attentif, l'arme au
pied, prêts àfaire une démonstration quand
ils croiront le moment venu. Cette attitude
expectante leur rapportera peut-être plus
qu'une entrée en campagne immédiate.
Louis HENRIQUE.
DÉpaHES
il-attaque contre Widdin
Bucharest, 20 novembre.
Le bruit court que les Bulgares ont re-
poussé hier une attaque des Serbes du
côté de Widdin.
Echec devant Slivnitza
Belgrade, 20 novembre.
Avant-hier, les troupes serbes ont atta-
qué les positions fortifiées de Slivnitza et
ont été repoussées.
Le mauvais temps ne permet pas de pou-
voir renouveler l'attaque. Les pertes doi-
vent être sensibles ; mais le moral des
troupes reste bon.
Le président Garachanine est parti cette
nuit, par train spécial, pour Nisch, afin de
conférer avec le roi au quartier général.
Ici, tout est calme. La population fête
tranquillement aujourd'hui la Saint-Mi-
chel.
La reine vient de quitter le palais pour
assister au service religieux à la cathé-
drale.
La conférence
Rome, 20 novembre.
Une dépêche de Constantinople annonce
que, dans la séance d'hier, la conférence
a adopté en principe les propositions de
la Porte pour régler la question roumé-
liote.
Les plénipotentiaires tiendront demain
une nouvelle réunion pour arrêter les dé-
tails de l'aecord et s'entendre notamment
au sujet de l'envoi d'un commissaire ot-
toman en Roumélie.
Une note étrange
Les représentants des grandes puissan-
ces à Sofia se sont réunis hier en vue d'a-
dresser une note collective au gouverne-
ment bulgare pour le prier d'empêcher, le
cas échéant, les miliciens et les volontai-
res bulgares de défendre la capitale, fin
de ne pas donner un motif aux troupes
serbes de commettre des cruautés.
M. Tsanoff ayant appris le but de la réu-
nion, mais n'ayant pas reçu la note collec-
tive, a adressé aujourd'hui une note aux
représentants pour les informer que l'ar-
mée serbe compte également des volon-
taires et des miliciens, fait qu'il est facile
de contrôler par les prisonniers serbes.
Cette note des représentants des grandes
puissances est assurément singulière, et
restera un des épisodes gais de la guerre
serbo-bulgare.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Le cabinet et la Chambre
Le répit que M. Rochefort voulait accor-
der au ministère tend de plus en plus à.
s'allonger. On avait parlé d'abord de quel-
ques jours, puis de quelques semaines;
aujourd'hui on ne paraît pas éloigné d'ac-
corder quelques mois. Il a suffi au gouver-
nement de se montrer pour réduire ses
adversaires, sinon au silence, du moins au
désarroi le plus complet.
Il nous semble nécessaire, pour bien
préciser la situation, de rappeler ce qui
s'est passé au conseil de cabinet tenu jeudi
matin place Vendôme.
Au début de la réunion des ministres,
M. Henri Brisson, président du conseil, a
rendu compte à ses collègues de son en-
trevue de la veille avec le bureau de la
réunion plénière des Gauches. Il a ajouté
qu'il avait fait à M. Lockroy et à ses amis
une réponse évasive, en s'abritant derrière
le président de la République et le prési-
dent du Sénat qu'il n'avait pas encore con-
sultés sur la date à laquelle il conviendrait
de convoquer le Congrès.
Une assez longue discussion s'est enga-
gée à la suite de cette communication du
président du conseil. Cette discussion
avait été nrovoauée par M. Henri Brisson
qui tenait à agir d'accord avec ses collègues.
Plusieurs ministres ont déclaré que les
réunions de la rue Cadet pourraient npire
au bon fonctionnement du régime par-
lementaire. Si le gouvernement tenait
compte des résolutions prises au Grand-
Orient, il méconnaîtrait ses devoirs qui
sont de respecter et de faire respecter la
Constitution.' Il fallait donc en revenir au
plus tôt aux méthodes parlementaires, que
le système de réunions plus ou moins plé-
nières risquerait de fausser complètement.
On a fait alors observer que la déclara-
tion ministérielle avait besoin d'être com-
plétée par des actes. Or, même avant de
connaître l'accueil qui serait .fait à son
programme, le cabinet avait choisi la
question sur laquelle il comptait s'expli-
quer plus longuement. Au cours de diffé-
rents conseils qui furent consacrés à dis-
cuter les termes de la déclaration, il avait
été entendu qu'à propos des projets de
loi retatifs aux crédits à reporter de 1885 à
1886 pour le service du Tonkin et de Mada-
gascar le gouvernement fournirait aux
Chambres des indications précises sur sa
politique coloniale. L'éventualité de ce
prochain débat était prévue, au surplus,
dans la déclaration. La question coloniale
était la seule qui fût traitée, dans ce docu-
ment, avec quelques détails. La politique
coloniale était donc le terrain sur lequel
la bataille pouvait le plus naturellement
s'engager entre le cabinet et ses adversai-
res. Nulle autre des questions visées dans
la déclaration ne saurait donner lieu à un
débat immédiat. Elles ne sont pas mûres ;
elles n'ont pas encore été suffisamment
étudiées ni par le gouvernement ni parla
Chambre.
Si le ministère, a-t-on ajouté, survit à
ce débat, son autorité devant le Congrès
sera bien plus grande. « Il faut aller au
Congrès, a dit pour conclure un membre
du gouvernement, comme des ministres et
non comme des condamnés à mort. »
Tel est le sens général des observations
échangées au conseil de jeudi matin. En
conséquence, il a été décidé à l'unanimité
que, sans s'arrêter à la démarche du bu-
reau des réunions plénières de la rue Ca-
det, on déposerait aujourd'hui sur le bu-
reau de la Chambre les projets de loi por-
tant régularisation des crédits votés pour
le Tonkin et Madagascar et qui n'ont pas
été employés dans le courant de l'exercice
1885.
L'impression produite à la Chambre par
la résolution du gouvernement n'a fait, de-
puis jeudi, que s'améliorer. Il est certain
que la séance d'aujourd'hui sera loin de
présenter l'intérêt auquel on s'attendait.
Le dépôt des projets du cabinet ne sera
qu'une pure formalité et ne donnera lieu à
aucun incident. Les projets seront ren-
voyés aux bureaux qui nommeront mardi
prochain la commission chargée de les
examiner. Quant à la discussion en séance
publique, on ne prévoit pas qu'elle puisse
venir avant le samedi 28 courant.
Il convient de démentir, à cette occa-
sion, tous les bruits de dissentiments mi-
nistériels qui ont couru dans différents
journaux. On a représenté MM. Brisson,
Allain-Targé et de Freycinet comme partis
en guerre les uns contre les autres. Tout
cela est inexact. MM. de Freycinet et AI-
lain-Targé se sont entretenus, jeudi soir,
dans les couloirs du Sénat, pendant près
d'une heure, et nous sommes en mesure
d'affirmer que leurs relations sont des plus
cordiales.
Ajoutons, pour terminer, que dans la
soirée d'hier on suggérait l'idée suivante,
en vue d'éviter tout débat irritant sur la
question coloniale : aujourd'hui, au mo-
ment du dépôt par le gouvernement de ses
projets de crédits, un membre de la majo-
rité monterait à la tribune pour demander
le renvoi de ces projets à une commission
de trente-trois membres. Cette commis-
sion serait chargée de faire : 1° un rapport
sommaire sur les crédits, qui ne soulèvent
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