Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-11-20
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 20 novembre 1885 20 novembre 1885
Description : 1885/11/20 (A15,N5066). 1885/11/20 (A15,N5066).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N8 5066 Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimeg Vendredi 20 Novembre 1885
LE XIX' SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Panama. 412 50.
Hongrois 79 11/16, 7/8, 13/16.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (Enfin!). — HENRY Fou-
QUIER.
Journée de Paris.
Autrefois et aujourd'hui. — BENVOLIO.
Causes et conséquences de la triple en-
tente. — P. DE REIMS.
Courrier de la Chambre. - Louis DESFORGES
Courrier du Sénat. — A. LANDRIN.
La Guerre.
Retour de M. de Brazza. — Louis HENRIQUB.
Informations particulières.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Revue de la presse. — NACHETTB.
Le Sport du jour. — FAVELLES.
Courrier de la Bourse. — H. L. FAUlUI.
Bibliographie.
]La Température.
Faits divers. — JEAN VALLIÈRE.
Courrier des théâtres. — GEORGES FEYDBAU.
Le Roman d'un grand-duc. -COMTE AFANASI
DERNIÈRE HEURE
LA GUERRE
Les nouveaux combats
Sofia, 19 novembre.
Les Serbes ont attaqué, dans la matinée,
l'aile droite. Ayant d'abord été repoussés,
ils se sont avancés de front.
Le centre de l'armée bulgare se porta
alors vers les hauteurs occupées par eux.
Son aile droite poussa en avant et s'em-
para successivement de toutes les hau-
teurs.
A ce moment les Serbes portèrent leurs
efforts sur l'aile gauche bulgare et com-
mencèrent avec vigueur des feux d'infan-
terie et d'artillerie.
La nouvelle artillerie bulgare aidée par
l'infanterie du régiment du prince repoussa
l'attaque des Serbes.
Les soldats bulgares voulaient toujours
avancer, mais ils en furent empêchés par
l'approche de la nuit.
Un grand enthousiasme règne à Sofia,
surtout depuis l'arrivée de nouveaux ren-
forts.
On prévoit un combat pour demain ; il
sera décisif.
La soumission de la Bulgarie
Constantinople, 19 novembre.
Le prince Alexandre, répondant à la
note de la Porte relative à sa demande
d'assistance contre la Serbie, a télégraphié
au sultan que lui et le peuple bulgare fai-
saient leur soumission envers la Porte et
que les troupes bulgares évacuaient fa
Roumélie.
Le sultan, satisfait de cette déclaration,
a convoqué immédiatement le conseil.
Protestation de la Porte
Belgrade, 19 novembre.
Hier, Zia-Bey, ministre de Turquie, a
remis à M. Garachanine une protestation
formelle, de la Porte contre la déclaration
de guerre de la Serbie à la Bulgarie.
Prise de Widdin
Vienne, 19 novembre.
On télégraphie de Belgrade à la Presse
et à YExtra-Blatt :
« Widdin a capitulé, et la garnison a été
faite prisonnière.
» Les Serbes ont occupé Rademir.
» Les divisions réunies marchent sur
Sofia, que l'avant-garde atteindra proba-
blement aujourd'hui. L'armée bulgare
sera ainsi cernée.
» Les puissances inviteront alors la Ser-
bie à rentrer dans le statu quo ante et à
attendre les arrangements définitifs qu'el-
les prendront. »
En avant de Sofia
Sofia, 19 novembre.
On mande de Slivnitza, le 18 novembre,
6 h. soir :
L'avantage remporté hier par l'armée
bulgare a eu pour effet de consolider la
position de Slivnitza qui était menacée.
Après avoir repoussé énergiquement
l'attaque des Serbes et fait une pointe sur
leur flanc, les Balgures sont rentrés dans
la ligne de Slivnitza, la nuit ne permettant
pas de poursuivre leur succès.
Le front occupé par l'armée est de huit
ou dix kilomètres. Sur toute la ligne, des
retranchements, des redoutes et des bat-
teries font de Slivnitza un véritable camp
retranché, d'un abord très difficile.
Au centre, trois mamelons dominent la
plaine, qui a une étendu de plusieurs kilo-
mètres.
A droite et à gauche se trouvent égale-
ment des mamelons moins élevés se ratta-
chant à droite, dans la direction de Malovo,
à un plateau qui domine la position de
Slivnitza, à cinq ou six kilomètres.
En face de l'aile gauche de l'armée bul-
gare et en face du centre, les contre-ma-
melons sont occupés par les Serbes. A
cinq kilomètres de distance, on aperçoit
la montagne de Dragoman.
Dans la plaine se trouve la ligne des
tirailleurs serbes.
L'armée serbe se compose de deux di-
visions : celle du Danube , commandant
Jovanovitcb, et celle de la Drina, comman-
dant Mirkoscho. Les Bulgares sont com-
mandés par le major Goulecheff.
Dans la matinée d'aujourd'hui, il y a eu
quelques engagements entre les tirailleurs
dans la plaine, et les batteries bulgares
ont tiré de temps en temps sur les posi-
tions serbes.
Le prince Alexandre donna l'ordre à
l'aile droite d'enlever ces positions à qua-
tre heures. A cette heure là, trois batail-
lons s'ébranlèrent dans cette direction,
soutenus par le feu des batteries de droite
et par des tirailleurs embusqués dans la
plaine. La fusillade fut très vive. Les Bul-
gares s'avancèrent et occupèrent le plateau
après une heure et demie de combat. On
ignore l'importance des pertes.
Les Serbes ont tenté de couper la route
de Lompalanka, mais sans succès. De ce
côté arrivent des renforts importants aux
Bulgares, commandés par le capitaine
Panitza, qui a pris part au mouvement
rouméliote.
Ce soir, on dit que Bresnik a été occupé
par les Serbes, qui essaieront Sans doute
de se porter sur la route de Slivnitza,
pour prendre position en arrière des Bul-
gares.
Tout le long ne la route de Sofia à Sliv-
nitza, a lieu un défilé de soidats. Tous les
corps se concentrent à Slivnitza. Il y aura
demain, sur ce point,, un corps assez con-
sidérable, non seulement pour défendre
solidement la position, mais encore pour
prendre au besoin l'offensive.
Les Serbes paraissent avoir mis à pro-
fit les deux ou trois jours écoulés, et ont
construit des batteries en face de Slivnitza
afin de pouvoir se retrancher et se couvrir
en cas de retraite ; car, ayant une route
de montagne derrière eux, leur position
serait périlleuse si les Bulgares les re-
poussaient jusqu'au contre-fort de Dra-
goman.
On pense que la bataille commencera
demain de bonne heure.
La conférence
Constantinople, 19 novembre
La séance de la conférence tenue aujour-
d'hui a duré près de cinq heures.
Sir W. White s'est encore rapproché
davantage des vues des autres ambassa-
deurs.
———————- ———————
QUESTION DU JOUR
Enfin !
Tandis que les députés, entre deux
validations, s'amusent à des proposi-
tions saugrenues, comme celle de faire
une loi pour permettre d'afficher les pro-
fessions de foi électorales sur les murs
des églises ; tandis qu'on se livre, dans les
commissions des validations, à des mar-
chandages abominables que nous espé-
rons être autorisés demain à dénoncer
au bon sens et à la loyauté du public,
la crise ministérielle se continue, contre
toute raison, en dehors du Parlement.
Mais, — enfin ! — le ministère, si in-
décis, si pâle, si médiocre qu'il se soit
montré jusqu'ici, a parlé avec un peu
d'énergie. M. Brisson a renvoyé le sabre
destiné à s'ouvrir le ventre à ceux qui
le lui avaient offert. Il a fait observer
que la politique parlementaire n'avait
pas à emprunter les usages de la politique
des icoglans de Byzance. Il a refusé de se
suicider. Peut-être, là-dessus, va-t-on le
renverser au premier jour. Mais, en tout
cas, il fera une belle mort, ce qui est es-
sentiel en politique. « Avant de s'occuper
du Congrès, a-t-il dit, nous déposerons
une demande de crédits et nous poserons
la question de confiance. Vous nous ren-
verserez si vous voulez; mais, en at-
tendant, remportez votre sabre duHara-
Kiri et votre cordon byzantin! Qui sait
si M. Rochefort n'en aura pas besoin
pour lui-même?. »
- La fortune a des retours inattendus.
On vient de voir ces malheureux Bul-
gares envahis, battus, assommés par les
Serbes, prendre leur revanche sous les
ordres d'un prince qui a payé de sa
personne. Les Bulgares du cabinet
pourraient bien en faire de même, à la
Chambre, avec les Serbes des réunions
extra-parlementaires ! En tout cas, je le
répète, l'essentiel, si on doit tomber,
est de bien tomber. Contrairement à
ce qui a lieu dans l'ordinaire de la vie,
en politique, on ne se casse jamais si
bien les reins que quand on glisse de
très bas. Le saut vaut mieux que la
glissade : et M. Brisson a fait le saut
courageusement.
J'ai toutes sortes de raisons, publi-
ques et privées, de ne pas aimer les
ministres en exercice. Il n'est pas de
fautes générales ou de manquements
particuliers que je ne puisse leur repro-
cher. Mais gardons au moins, dans le
gâchis général, cette honnêteté de l'es-
prit et cette coquetterie du caractère
de savoir dire le vrai, même sur ceux
que nous n'aimons guère. Hé bien ! tout
pesé, tout réfléchi, le plus grand ré-
proche qu'on puisse faire à M. Brisson,
depuis quatre jours, c'est de ne pas
avoir assez l'air d'avoir le courage qu'il
a réellement.
En se refusant à satisfaire les pas-
sions de l'Extrême-Gauche, en appor-
tant à la tribune des déclarations fran-
ches, où on trouve encore assez de cet
esprit de gouvernement qui, de Gam-
betta à M. Ferry, a fait vivre la Répu-
blique en France et la France en
Europe, M. Brisson a joué non seulement
son portefeuille, mais la présidence
éventuelle de la République. C'est d'un
très honnête homme. Il a manqué à son
langage, il est vrai, ce tour d'artiste
dont nous sommes friands en pays
latin. Mais qui sait même si M. Brisson
n'aurait pas mieux parlé, s'il n'avait
pas eu à compter avec certains mem-
bres du cabinet qui le poussent au nau-
frage, mais non pas à un beau naufrage
où l'on disparaît à pic dans l'abîme, et
qui souhaitent un simple échouage,
d'où ils espèrent tirer leur propre peau,
grâce aux ceintures de sauvetagevoit déjà, úèigtlaIit leurs ventres avides,
sous leurs habits?
Car la question est là. On assure, on
affirme que M. Brisson a des ennemis
et des adversaires dans le cabinet même
qu'il préside. C'est pour. repêeher ces
hommes qu'on lui conseillait le suicide.
On l'aurait laissé se pendre et avec lui
ses collègues : mais on se serait hâté
de couper la corde à ceux-ci, à quel-
ques-uns du moins. C'est là une comé-
die indigne. La vérité parlementaire est
que la déclaration ministérielle, abstrac-
tion faite de sa forme, qui est pitoyable,
est un programme de gouvernement
franc, honnête, le meilleur peut-être
que les circonstances comportent. Il
n'est pas prouvé du tout que ce pro-
grammé ne puisse pas avoir une majo-
rité dans la Chambre. S'il ne l'a pas,
c'est à ceux qui renverseront le cabinet
d'en apporter un autre, qui puisse ser-
vir mieux la République et la France.
Si le cabinet Brisson est renversé, place
àu cabinet Clémenceau et même, si
vous voulez, place à M. Granet dans
ledit ministère. La queue de la poêle à
qui trouve éternellement l'omelette mau-
vaise, et nous verrons bien !
Mais qu'on ne perde pas de vue que
le programme ministériel, élaboré -en
conseil, est l'œuvre collective de tous
les ministres et que la solidarité des
ministres est une garantie essentielle
contre les intrigues des ambitieux. On
l'a fait voir même à ce pauvre M. Co-
chery. C'est la politique de M. Goblet
que la Chambre aura à juger, aussi bien
que la politique de M. Brisson. Les mem-
bres du cabinet qui, aujourd'hui, trou-
veraient mauvais le programme de M.
Brisson ont juste vingt-quatre heures
pour le renier, en se reconnaissant lé-
gers : ils peuvent démissionner. Mais
samedi, quand M. Brisson se présentera
au nom d'un cabinet homogène devant
le Parlement, quiconque, dans le cabi-
net, n'aurait pas lié sa fortune à la
sienne, quiconque sourirait au naufrage
possible avec l'espoir d'en profiter, ne
serait plus un esprit léger, mais un
traître.
HENRY FOUQUIER.
LA JOURNEE DE PARIS
MARIAGE PRINCIER. — Le mariage ci-
vil de la princesse Caroline de Bourbon, fille
du comte de Trapani, prince de Bourbon, fils
du roi Ferdinand II et de la princesse Marie-
Isabelle de Toscane, avec le comte André
Zamoïski, fils du comte Stanislas Zamoïski, a
eu lieu avant-hier à la mairie du 7Q arrondis-
sement.
Les témoins de la princesse Caroline de
Bourbon étaient : le prince Alphonse de Bour-
bon, comte de Caserta, son oncle, et le comte
Alfred Dentice ; ceux du prince Zamoïski : le
prince Ladislas Czartoryski et le comte Jean
Zamoïski.
Le mariage religieux a été célébré hier
dans la chapelle du couvent du Sacré-Cœur,
boulevard des Invalides.
*
♦ <*
LA FÊTE DU COMMERCE. - Une réu-
nion du comité de la fête du Commerce et de
l'Industrie a eu lieu à l'Hôtel de Ville, sous
la présidence de M. Alphand.
Il a été décidé que la prochaine fête aura
lieu au tribunal de commerce, où un grand
bal sera donné dans la première partie du
mois de décembre. La fête de l'Opéra aura
lieu plus tard.
Le comité a résolu ensuite de prélever sur
les souscriptions qui ont déjà été versées une
somme de mille francs pour venir en aide
aux victimes de la catastrophe du quai de la
Tournelle.
*
* *
LE DUC DE PERSIGNY. - Le duc Jean
de Persigny vient de mourir d'une maladie de
poitrine. Il n'était âgé que de trente ans. Sa
santé avait toujours été chancelante et il
s'était vu forcé de donner, après deux ans, sa
démission de sous-lieutenant de cavalerie.
Il avait été pris ensuite de la passion des
voyages et avait projeté d'explorer certaines
contrées peu connues d'Asie et d'Amérique.
Mag il ne fit qu'un voyage en Afrique au re-
tour duquel il se fixa à Paris où il vivait dans
la retraite.
C'était un mélancolique, un de ces êtres à
qui une imagination surexcitée suggère mille
desseins aussitôt abandonnés qu'arrêtés, et
qui, n'ayant pas assez de force de volonté
pour dominer leurs défaillances physiques,
se consolent de leur inaction inquiète par
un sombre mysticisme. Le duc Jean de Persi-
gny était de ceux qui, croyant peut-être
à leur étoile, la cherchent en vain dans le
ciel, toujours voilé de nuages à leurs yeux.
*
* *
LE GÉNÉRAL DAUTRESME. — C'est de
l'honorable ministre Idu commerce que nous
voulons parler; car, bien que la chose pa-
raisse bizarre, M. Dautresme a failli, après
communication d'une dépêche, prendre le
commandement d'un corps d'armée qui lui
était assigné. Dernièrement, en effet, lorsque
le choix de deux ministres nouveaux eut été
ratifié, le ministre de l'intérieur fit avertir té-
légraphiquement M. Dautresme, à Elbeuf où
il résidait, de sa nomination au ministère du
commerce.
Mais, depuis quelques semaines, on fait
usage, pour les communications officielles,
d'un chiffre inédit, et, à la préfecture de
Rouen où la dépêche arriva en premier lieu,
les employés n'étaient pas encore initiés au
mécanisme de la nouvelle combinaison. On
essaya cependant, à l'aide d'une clef incom-
plète, de déchiffrer le télégramme, et, après
mille efforts, on adressa à M. Dautresme une
dépêche lui annonçant qu'il était appelé au
commandement d'un corps d'armée.
En songeant avec quelle facilité, par le
temps qui court, les ministres échangent
leurs portefeuilles, M. Dautresme eut un ins-
tant l'idée que lui aussi, peut-être, pouvait
sans inconvénient troqtief l'habit civil contre
la graine d'épinards. Ce ne fut pas sans une
certaine émotion qu'il se rendit à Paris où le
mystère ne tarda pas à être éclaircl, et ce n'est
peut-être pas sans un vaue regret qu'il a vu
sa carrière militaire si brusquement inter-
rompue ! Le poète n'a4-)l pas célébré
la délicieuse tristesse
D'un rêve envolé ?
*
DEUX INSCRIPTIONS. — On va poser au
n° 39 de la rue de Richelieu une plaque por-
tant cette inscription :
« Diderot, philosophe et littérateur, princi-
pal auteur de l'Encyclopédie, né à Langres le
5 octobre 1713, est mort dans cette maison le
31 juillet 1784. »
Une autre plaque, 49* rue des Martyrs, por-
tera l'inscription suivante :
« Ici a demeuré Manuel, l'orateur libéral
expulsé de la Chambre des députés dans sa
séance du 3 mars 1823, né à Barcelonnette
le 10 décembre 1775, mort à Maisons-sur-
Seine le 20 août 1827. »
*
* *
UN LEGS TOUCHANT. — La ville de Pa-
ris a été autorisée à accepter un legs de
25,000 francs qui lui a été fait par M. Vin-
cent.
D'après le désir du testateur, le revenu de
cette somme doit être affecté à l'achat de
jouets ou de livres pour les enfants pauvres
de Paris.
C'est là une bien touchante idée, et au
premier janvier prochain le nom de M. Vin-
cent sera gravé dans bien des cœurs. Nous
n'avons qu'un vœu à faire pour notre part,
c'est qu'on donne aux enfants non point des
jouets utiles, mais de vrais jouets, ceux qu'a
défendus, au nom de la tradition, Hippolyte
Rigaud dans un article charmant, des pou-
pées aux futures mères, des fusils et des sa-
bres aux futurs « gradés » de nos bataillons
scolaires.
*
-*- *
LE PRIX CHAUDESAIGUES. — L'Aca-
démie des beaux-arts a jugé le concours pour
le prix Chaudesaigues.
Le sujet était, cette année, un monument
élevé à la mémoire d'un grand poète. Il y
avait dix concurrents. Le prix a été décerné
au premier tour de scrutin à M. Henri-Fran-
çois-Ambroise Anciau, élève de M. Pascal.
«
4- *
LES REPORTERS PARISIENS. — Les
membres de l'Association des reporters pari-
siens se sont réunis hier au café Hollandais
pour l'adoption définitive des statuts de leur
société.
On a examiné différents projets en vue
d'une représentation extraordinaire organisée
au profit de l'œuvre, et qui doit être donnée
sur une de nos grandes scènes parisiennes.
La presse ne manquera pas, en cette cir-
constance, de prêter son concours aux orga-
nisateurs de cette fête qui, en raison du but
qu'ils se proposent, méritent ses encourage-
ments et son appui.
«
* *
MM. B. B. ET ALPHONSE DAUDET. -
Nous avons parlé de la curieuse contestatio n
qui s'est élevée entre un écrivain belge qui
signe B. B. et M. A. Daudet au sujet d'une
chronique publiée par l'un et par l'autre avec
d'insignifiantes modifications.
L'«inventeur » de cette chronique sur « les
salons bourgeois » est M. A. Daudet, qui l'a
publiée en i872. M. B. B. le reconnaît aujour-
d'hui dans une réponse qu'il adresse à l'auteur
de Sapho. « Votre lettre, lui dit-il, a précisé
mes souvenirs ».
L'euphémisme est aimable. La moralité de
cet incident, c'est qu'à faire en maraude la
cueillette des pommes du voisin on s'expose
à être désagréablement surpris par le garde
champêtre.
AUTREFOIS MAMOim
L'auteur du Journal dun officier d'or-
donnance, M. le comte d'Hérisson, nous
donne aujourd'hui le Journal d'un in-
terprète en Chine, un livre qui aura, qui
a déjà le même succès que son aîné.
Ce sont des souvenirs de la vingtième
année racontés par un homme de qua-
rante ans; un récit de bonne humeur
commenté par une expérience un peu
attristée; les impressions d'un enthou-
siaste qui sourit un peu de son enthou-
siasme, mais qui n'en rougit pas, tant
s'en faut. Les anecdotes y abondent,
bien choisies et lestement narrées;
c'est de l'histoire amusante, mais c'est
de l'histoire prise à la source. Car l'au-
teur, secrétaire du général de Montau-
ban et en même temps simple soldat,
puis caporal et interprète de confiance,
a tout vu et tout entendu par lui-même,
ayant transcrit les pièces officielles et
recueilli les plus intimes sentiments du
commandant en chef.
Ce livre, qui fera passer quelques
heures agréables au commun des lec-
teurs, est donc en même temps, pour
qui aime à réfléchir sur le fond des
choses, le procès-verbal fort instructif
d'une expédition qui a réussi, et réussi
dans desconditions extraordinaires. On
ne voit pas tous les jours une armée de
dix ou douze mille hommes triompher
de la résistance d'un empire de quatre
cent millions d'âmes. Ceci est tout au-
tre chose que les conquêtes de Fernand
Cortez et de Pizarre, et même que cer-
taines victoires des Anglais en Inde,
car les bataillons chinois ne sont pas,
comme nous l'avons trop aisément sup-
posé, des troupeaux que peuvent sans
peine mettre en fuite quelques Occiden-
taux sans plus s'inquiéter de leur nom-
bre que le loup ne s'inquiète du nombre
des moutons qu'il a devant lui. Ces
gens-là se battent tant bien que mal, et
parfois assez bien. Si le Journal de
M. d'Hérisson avait paru trois ans plus
tôt, nous n'aurions pas pris l'Empire du
Mileu pour une quantité négligeable et
nous aurions évité plus d'une bévue.
Si éclatant qu'ait été le succès de
l'expédition commandée par sir liope
Grant et Cousin-Montauban, il fut plus
disputé qu'on ne l'imagine, et la for-
tune y eut sa part. A cette date, Napo-
léon nt, ce grand joueur, avait encore
la chance; un peu de déveine eût suffi
pour changer cette promenade triom-
phale en désastre, car le cabinet de
Paris n'avait pas tout prévu, et les
forces dont disposaient les alliés ris-
quaient fort d'être inégales à la tâche
qu'on leur imposait ùîi peu légèrement.
Quoi qu'il en soit, l'entreprit réussit
au delà de toute espérance, et les Chi-
nois se montrèrent d'assez mauvaise foi
pour se faire battrè deux ou trois fois
plus qu'on ne le croyait nécessaire.
Mais aussi nous avions pour nous
deux choses : un chef d'armée maître de
son armée et des soldats aguerris, ca-
pables de supporter la fatigue et les
privations. Montaufcân était obligé de
s'entendre avec son collègue anglais et
ne pouvait guerroyer que quand les di-
plomates européens, las de se faire
jouer par les Célestes, passaient la par
rôle aux soldats. Mais, dès que les
trêves étaient rompues, les généraux
étaient libres de choisir leur point d'at-
taque, de dresser leur plan de campa-
gne, d'avancer à leur heure et de gagner
des batailles Comme ils l'entendaient.
Ceux qui ont commandé notre flotte et
notre armée pendant la guerre du Ton-
kin n'ont pas possédé cette liberté de
mouvements et ne sont pas restés assez
longtemps à leur poste pour concevoir
de longs desseins et les exécuter.
Aussi le récit de l'expédition de Chine
est-il plein d'enseignements; il est tou-
jours intéressant de lire ou de relire
l'histoire d'un succès, et d'un succès
complet, d'apprendre comment on vient
à bout des plus difficiles entreprises.
Ce qui nous a le plus manqué dans toute
la campagne coloniale que nous avons
faite ces dernières années un peu par-
tout, au Sénégal, à Madagascar, dans
l'Extrême-Orient, c'est la suite dans les
idées, l'unité de direction, la responsa-
bilité des chefs; nous avons mis dans
ces guerres trop de parlementarisme
mal compris, et fait entrer dans nos cal-
culs trop d'éléments étrangers. On ne
gagne pas de batailles en tenant compte
des vacances de la Chambre et des né-
cessités électorales. Pour bien battre un
ennemi, quel qu'il soit, il faut ne penser
qu'à l'ennemi et ne se point préoccuper
de l'opposition, ni surtout des revire-
ments possibles d'une majorité douteuse.
M. d'Hérisson croit aussi que nos sol-
dats sont maintenant trop jeunes, et
que l'esprit militaire est chez nous en
déclin. Je ne discuterai pas à fond cette
opinion que, d'ailleurs, je ne partage pas :
cela nous mènerait un peu loin. Je me
bornerai à faire remarquer que le récit
de la campagne de 1860, même comparé
à l'histoire de la campagne du Tonkin,
ne justifie pas un jugement aussi pessi-
miste. Le Tonkin est beaucoup plus
malsain que la Chine septentrionale. Nos
soldats ont été soumis dans la guerre
actuelle à bien d'autres épreuves, ont
eu, dix fois, plus de fatigues à suppor-
ter. Ceux qui ont si rondement marché
sur Pékin et si vaillamment culbuté la
grande armée chinoise n'ont pas eu à
parcourir en tout sens un delta maréca-
geux, à la poursuite d'insaisissables pi-
rates, à exécuter toute une série de
marches et de contremarches dans la
boue. Peut-être ne s'en seraient-ils pas
tirés à meilleur marché que les soldats
de Brière de l'Isle et de Courcy. C'est
la direction générale de la guerre qui
s'est trouvée cette fois inférieure, et
cela pour des raisons plus politiques
que militaires ; ce n'est ni le moral ni
le physique des combattants de tout
grade : j'en appelle à ceux qui ont lu le
récit du siège de Tuyen-Quan.
Il est bien difficile de parler du jour-
nal de M. d'Hérisson sans faire allusion
à tout ce qu'il nous apprend de la façon
dont les Anglais en usent avec leurs
alliés. Il y a un tableau du pillage du
palais d'Eté qui déplaira fort à nos bons
amis, et qui soulage la conscience fran-
çaise de quelques remords injustes. Il
y a une histoire de traité en partie dou-
ble qui est bien édifiante et qui a déjà
soulevé des tempêtes de l'autre côté de
la Manche. Mais nous avons contre nos
excellents voisins tant de griefs récents
qu'on peut se priver du plaisir d'insister
sur les anciens. Si d'ailleurs vous êtes
curieux d'en savoir plus long sur la
bonne foi britannique, vous n'avez qu'à
faire comme tout le monde et qu'à lire
le livre de M. d'Hérisson.
BENVOLIO.
Le Monde a pris la peine de relever un
écho du XIXo Siècle où, à propos du renou-
vellement du bureau de la conférence Molé,
nous rappelions que M. Laguerre avait tout
récemment encore, dans la conférence, la
spécialité des votes de coalition avec la
Droite.
Là-dessus le Monde se croit « obligé » de
révéler au XIX* Siècle qu'en 1830 M. La-
guerre ne faisait point partie de la confé-
rence et ajoute :
« Depuis 1830, date de la fondation, les
choses se sont toujours passées comme l'autre
soir. Chaque année, le président élu en no-
vembre appartient à la gauche et le prési-
dent élu en avril appartient à la droite.
» Quant au partage entre la droite et la gau-
che des sièges de vice-présidents et de secré-
taires, c'est également une règle Invariable
On estime, à la conférence, qu'il est juste
d'assurer à chaque opinion sa part de repré-
sentation. C'est un exemple que les opportu-
nistes de la Chambre n'ont pas jugé à propos
de suivre. Mais la réflexion du XIXe Siècle,
un de leurs journaux, montre à quel degré
d'effarement ils sont arrivés; et c'est pourquoi
nous nous y sommes arrêté. »
Fort bien, mais, comme dit le personnage
de la comédie, je ne saisis pas le rapport. Si
le rédacteur du Monde, en nous lisant, avait
bien voulu nous comprendre, il aurait vu que
nous ne faisions que rappeler au sujet de M.
Laguerre un fait parfaitement exact, sans au-
cune allusion au dernier vote de la conférence
Molé. Le rédacteur du Monde est-il bien sûr
de n'être pas « effaré » lui-même ?
M, F.
CAUSES & CONSÉQUENCES
DE LA TRIPLE ENTENTE
La déclaration de guerre, ou plutôt l'in-
vasion de la Bulgarie par les Serbes, est
venue confirmer les conséquences signa-
lées dans notre précédent article (1) de
l'interversion des rôles des principales
puissances intéressées dans la question
d'Orient.
On peut supposer que la certitude de
voir ses prétentions territoriales repous-
sées par l'Europe, la crainte d'être ren-
versé s'il rappelait ses troupes sans coup
férir, ses besoins d'argent, - l'emprunt de
la Landerbank tirant à sa fin, — n'ont pas
peu contribué à engager le roi Milan à ris-
quer le tout pour le tout. Mais il est cer-
tain que ce qui l'a le plus décidé, c'est rim-
punité du coup de tête du prince de Bul-
garie, les irrésolutions de la conférence de
onstantinople et l'inaction de la Port..
Or, si la violation par le prince Alexandre
du traité de Berlin est restée impunie jus-
qu'à présent, si la conférence de Constao-
tinople n'a su prendre encore aucune ré-
solution, si la Porte est demeurée inactive,
cela provient de ce que ni la Russie ni
l'Autriche-Hongrie n'ont pu suivre) en
cette occasion, leur politique tradition-
nelle.
Libre de ses actes au lendemain du
mouvement rouméliote, qui faisait revivre
le traité de San-Stefano en réunissant la
Roumélie à la Bulgarie, le cabinet de Saint-
Pétersbourg, tout en sauvegardant diplo-
matiquement les apparences, eût certaine-
ment défendu le fait accompli. Il eût, en
tout cas, favorisé en sous-main les visées
ambitieuses du roi de Serbie, bien qu'ins-
pirées par l'Autriche. Il ne pouvait pas
douter en effet, que le grand Etat slave
qui en serait résulté aurait toujours fini
par tomber sous l'influence de la Russie,
par suite de ses affinités de race et de re-
ligion.
Pourquoi, au lien de suivre cçtte po-
litique conforme A ses intérêts et a ses as-
pirations nationales, la Russie a-t-elle con-
damné le mouvement roumélio!e? Pour-
quoi condamne-t-elle en ce moment l'au-
dacieux coup de main du roi Milan?
Libre de ses actes, l'Autriche-Hongrie
eût certainement poussé les Serbes à pro-
fiter de l'union roumélio-bulgare pour s'é-
tendre du côté de la Macédoine, dans l'es-
poir de pouvoir enfin réaliser le projét
d'absorption qu'elle caresse depuis que
le traité de Berlin lui a confié le gouverne-
ment de la Bosnie et de l'Herzégovine. Et
la preuve, c'est qu'à la nouvelle du coup
d'Etat de Philippopoli, croyant y voir la
main de la Russie, son premier mouve-
ment a été dé favoriser les armements
serbes. Pourquoi a-t-elle tout à coup
changé d'attitude? Pourquoi s'oppose-t-
elle en ce moment à ce qu'il est si évi-
demment de son intérêt d'encourager?
Parce que la Russie et l'Autriche-Hon-
grie se sont engagées à Kremsier à main-
tenir de tout leur pouvoir le statu quo
dans la péninsule des Balkans. Or, il ne
faut pas l'oublier, ces engagements ont été
la conséquénbè de Téntrevue de SfcfeWiie-
wice, ménagée par l'empereur Guillaume,
laquelle avait été elle-même la consé-
quence logique et forcée de l'alliance aus-
tro-allemande.
Ah ! le prince de Bismarck savait bien
ce qu'il faisait en se rendant à Vienne
pour asservir à ses vues la politique autri-
chienne 1 Menace pour la Russie, cette
double alliance devait forcément amener
la triple entente, dans laquelle, au nom
de l'intérêt majeur de la paix invoqué par
le chancelier allemand, la Russie et l'Au-
triche ont momentanément renoncé 4 leur
traditionnel antagonisme en Orient.
Quel si grand besoin avait-il donc tout à
coup de la paix, l'auteur de la guerre des
duchés, de la guerre contre l'Autriche et
de la guerre contre la France ?
Il en avait besoin pour consolider les ré-
sultats de ces trois guerres, pour couron-
ner l'œuvre de toute sa vie.
L'unité allemande, inscrite dans les lois,
imposée par la force, renferme des élé-
ments séparatistes dont le danger n'a pu
échapper a la clairvoyance d'un homme
d'Etat tel que M. de Bismarck. Le seul
moyen d'écarter ce danger était de réaliser
le rêve de la « patrie allemande « (Vater-
land) par la solidarisation des intérêts.
De là sa politique coloniale, pour la-
quelle la paix en Europe lui était indis-
pensable, et qu'il n'a en effet ouvertement
inaugurée qu après les entrevues de Skier-
niewice et qe Kremsier.
On le voit, si la Russie et l'Autriche ne
sont plus dans leurs rôles, l'Allemagne
est dans le sien ; et si la paix est néces-
saire à tous, elle est surtout profitable à
l'empire allemand.
Reste à savoir si, dans la poursuite de
ses prqjets coloniaux, le prince de Bis-
marck, qui a déjà éveillé les inquiétudes
de l'Angleterre, n'aura pas un jour à comp-
ter sérieusement avec elle. ¡..
Considérée à ce point de vue, l'opposi-
tion que les trois puissances du Nord
rencontrent en ce moment de la part
du cabinet de Londres dans leurs effets
pour le rétablissement du statu quo n
Bulgarie aurait une gravité toute parti-
culière. EUe indiquerait le parti prii de
l'Angleten# de fairp fyorter l'q^? jpii-
(1) Voir le XIX9 Siècle du 15 novembre.
LE XIX' SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
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Et 15, Tichborne Street, (Café Monico. 2d.)
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Egypte. 321 25, 321 87.
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Extérieure 4 0/0. 57 1/4, 1/16, 3/32.
Panama. 412 50.
Hongrois 79 11/16, 7/8, 13/16.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (Enfin!). — HENRY Fou-
QUIER.
Journée de Paris.
Autrefois et aujourd'hui. — BENVOLIO.
Causes et conséquences de la triple en-
tente. — P. DE REIMS.
Courrier de la Chambre. - Louis DESFORGES
Courrier du Sénat. — A. LANDRIN.
La Guerre.
Retour de M. de Brazza. — Louis HENRIQUB.
Informations particulières.
Bulletin de l'étranger.
Informations.
Revue de la presse. — NACHETTB.
Le Sport du jour. — FAVELLES.
Courrier de la Bourse. — H. L. FAUlUI.
Bibliographie.
]La Température.
Faits divers. — JEAN VALLIÈRE.
Courrier des théâtres. — GEORGES FEYDBAU.
Le Roman d'un grand-duc. -COMTE AFANASI
DERNIÈRE HEURE
LA GUERRE
Les nouveaux combats
Sofia, 19 novembre.
Les Serbes ont attaqué, dans la matinée,
l'aile droite. Ayant d'abord été repoussés,
ils se sont avancés de front.
Le centre de l'armée bulgare se porta
alors vers les hauteurs occupées par eux.
Son aile droite poussa en avant et s'em-
para successivement de toutes les hau-
teurs.
A ce moment les Serbes portèrent leurs
efforts sur l'aile gauche bulgare et com-
mencèrent avec vigueur des feux d'infan-
terie et d'artillerie.
La nouvelle artillerie bulgare aidée par
l'infanterie du régiment du prince repoussa
l'attaque des Serbes.
Les soldats bulgares voulaient toujours
avancer, mais ils en furent empêchés par
l'approche de la nuit.
Un grand enthousiasme règne à Sofia,
surtout depuis l'arrivée de nouveaux ren-
forts.
On prévoit un combat pour demain ; il
sera décisif.
La soumission de la Bulgarie
Constantinople, 19 novembre.
Le prince Alexandre, répondant à la
note de la Porte relative à sa demande
d'assistance contre la Serbie, a télégraphié
au sultan que lui et le peuple bulgare fai-
saient leur soumission envers la Porte et
que les troupes bulgares évacuaient fa
Roumélie.
Le sultan, satisfait de cette déclaration,
a convoqué immédiatement le conseil.
Protestation de la Porte
Belgrade, 19 novembre.
Hier, Zia-Bey, ministre de Turquie, a
remis à M. Garachanine une protestation
formelle, de la Porte contre la déclaration
de guerre de la Serbie à la Bulgarie.
Prise de Widdin
Vienne, 19 novembre.
On télégraphie de Belgrade à la Presse
et à YExtra-Blatt :
« Widdin a capitulé, et la garnison a été
faite prisonnière.
» Les Serbes ont occupé Rademir.
» Les divisions réunies marchent sur
Sofia, que l'avant-garde atteindra proba-
blement aujourd'hui. L'armée bulgare
sera ainsi cernée.
» Les puissances inviteront alors la Ser-
bie à rentrer dans le statu quo ante et à
attendre les arrangements définitifs qu'el-
les prendront. »
En avant de Sofia
Sofia, 19 novembre.
On mande de Slivnitza, le 18 novembre,
6 h. soir :
L'avantage remporté hier par l'armée
bulgare a eu pour effet de consolider la
position de Slivnitza qui était menacée.
Après avoir repoussé énergiquement
l'attaque des Serbes et fait une pointe sur
leur flanc, les Balgures sont rentrés dans
la ligne de Slivnitza, la nuit ne permettant
pas de poursuivre leur succès.
Le front occupé par l'armée est de huit
ou dix kilomètres. Sur toute la ligne, des
retranchements, des redoutes et des bat-
teries font de Slivnitza un véritable camp
retranché, d'un abord très difficile.
Au centre, trois mamelons dominent la
plaine, qui a une étendu de plusieurs kilo-
mètres.
A droite et à gauche se trouvent égale-
ment des mamelons moins élevés se ratta-
chant à droite, dans la direction de Malovo,
à un plateau qui domine la position de
Slivnitza, à cinq ou six kilomètres.
En face de l'aile gauche de l'armée bul-
gare et en face du centre, les contre-ma-
melons sont occupés par les Serbes. A
cinq kilomètres de distance, on aperçoit
la montagne de Dragoman.
Dans la plaine se trouve la ligne des
tirailleurs serbes.
L'armée serbe se compose de deux di-
visions : celle du Danube , commandant
Jovanovitcb, et celle de la Drina, comman-
dant Mirkoscho. Les Bulgares sont com-
mandés par le major Goulecheff.
Dans la matinée d'aujourd'hui, il y a eu
quelques engagements entre les tirailleurs
dans la plaine, et les batteries bulgares
ont tiré de temps en temps sur les posi-
tions serbes.
Le prince Alexandre donna l'ordre à
l'aile droite d'enlever ces positions à qua-
tre heures. A cette heure là, trois batail-
lons s'ébranlèrent dans cette direction,
soutenus par le feu des batteries de droite
et par des tirailleurs embusqués dans la
plaine. La fusillade fut très vive. Les Bul-
gares s'avancèrent et occupèrent le plateau
après une heure et demie de combat. On
ignore l'importance des pertes.
Les Serbes ont tenté de couper la route
de Lompalanka, mais sans succès. De ce
côté arrivent des renforts importants aux
Bulgares, commandés par le capitaine
Panitza, qui a pris part au mouvement
rouméliote.
Ce soir, on dit que Bresnik a été occupé
par les Serbes, qui essaieront Sans doute
de se porter sur la route de Slivnitza,
pour prendre position en arrière des Bul-
gares.
Tout le long ne la route de Sofia à Sliv-
nitza, a lieu un défilé de soidats. Tous les
corps se concentrent à Slivnitza. Il y aura
demain, sur ce point,, un corps assez con-
sidérable, non seulement pour défendre
solidement la position, mais encore pour
prendre au besoin l'offensive.
Les Serbes paraissent avoir mis à pro-
fit les deux ou trois jours écoulés, et ont
construit des batteries en face de Slivnitza
afin de pouvoir se retrancher et se couvrir
en cas de retraite ; car, ayant une route
de montagne derrière eux, leur position
serait périlleuse si les Bulgares les re-
poussaient jusqu'au contre-fort de Dra-
goman.
On pense que la bataille commencera
demain de bonne heure.
La conférence
Constantinople, 19 novembre
La séance de la conférence tenue aujour-
d'hui a duré près de cinq heures.
Sir W. White s'est encore rapproché
davantage des vues des autres ambassa-
deurs.
———————- ———————
QUESTION DU JOUR
Enfin !
Tandis que les députés, entre deux
validations, s'amusent à des proposi-
tions saugrenues, comme celle de faire
une loi pour permettre d'afficher les pro-
fessions de foi électorales sur les murs
des églises ; tandis qu'on se livre, dans les
commissions des validations, à des mar-
chandages abominables que nous espé-
rons être autorisés demain à dénoncer
au bon sens et à la loyauté du public,
la crise ministérielle se continue, contre
toute raison, en dehors du Parlement.
Mais, — enfin ! — le ministère, si in-
décis, si pâle, si médiocre qu'il se soit
montré jusqu'ici, a parlé avec un peu
d'énergie. M. Brisson a renvoyé le sabre
destiné à s'ouvrir le ventre à ceux qui
le lui avaient offert. Il a fait observer
que la politique parlementaire n'avait
pas à emprunter les usages de la politique
des icoglans de Byzance. Il a refusé de se
suicider. Peut-être, là-dessus, va-t-on le
renverser au premier jour. Mais, en tout
cas, il fera une belle mort, ce qui est es-
sentiel en politique. « Avant de s'occuper
du Congrès, a-t-il dit, nous déposerons
une demande de crédits et nous poserons
la question de confiance. Vous nous ren-
verserez si vous voulez; mais, en at-
tendant, remportez votre sabre duHara-
Kiri et votre cordon byzantin! Qui sait
si M. Rochefort n'en aura pas besoin
pour lui-même?. »
- La fortune a des retours inattendus.
On vient de voir ces malheureux Bul-
gares envahis, battus, assommés par les
Serbes, prendre leur revanche sous les
ordres d'un prince qui a payé de sa
personne. Les Bulgares du cabinet
pourraient bien en faire de même, à la
Chambre, avec les Serbes des réunions
extra-parlementaires ! En tout cas, je le
répète, l'essentiel, si on doit tomber,
est de bien tomber. Contrairement à
ce qui a lieu dans l'ordinaire de la vie,
en politique, on ne se casse jamais si
bien les reins que quand on glisse de
très bas. Le saut vaut mieux que la
glissade : et M. Brisson a fait le saut
courageusement.
J'ai toutes sortes de raisons, publi-
ques et privées, de ne pas aimer les
ministres en exercice. Il n'est pas de
fautes générales ou de manquements
particuliers que je ne puisse leur repro-
cher. Mais gardons au moins, dans le
gâchis général, cette honnêteté de l'es-
prit et cette coquetterie du caractère
de savoir dire le vrai, même sur ceux
que nous n'aimons guère. Hé bien ! tout
pesé, tout réfléchi, le plus grand ré-
proche qu'on puisse faire à M. Brisson,
depuis quatre jours, c'est de ne pas
avoir assez l'air d'avoir le courage qu'il
a réellement.
En se refusant à satisfaire les pas-
sions de l'Extrême-Gauche, en appor-
tant à la tribune des déclarations fran-
ches, où on trouve encore assez de cet
esprit de gouvernement qui, de Gam-
betta à M. Ferry, a fait vivre la Répu-
blique en France et la France en
Europe, M. Brisson a joué non seulement
son portefeuille, mais la présidence
éventuelle de la République. C'est d'un
très honnête homme. Il a manqué à son
langage, il est vrai, ce tour d'artiste
dont nous sommes friands en pays
latin. Mais qui sait même si M. Brisson
n'aurait pas mieux parlé, s'il n'avait
pas eu à compter avec certains mem-
bres du cabinet qui le poussent au nau-
frage, mais non pas à un beau naufrage
où l'on disparaît à pic dans l'abîme, et
qui souhaitent un simple échouage,
d'où ils espèrent tirer leur propre peau,
grâce aux ceintures de sauvetage
sous leurs habits?
Car la question est là. On assure, on
affirme que M. Brisson a des ennemis
et des adversaires dans le cabinet même
qu'il préside. C'est pour. repêeher ces
hommes qu'on lui conseillait le suicide.
On l'aurait laissé se pendre et avec lui
ses collègues : mais on se serait hâté
de couper la corde à ceux-ci, à quel-
ques-uns du moins. C'est là une comé-
die indigne. La vérité parlementaire est
que la déclaration ministérielle, abstrac-
tion faite de sa forme, qui est pitoyable,
est un programme de gouvernement
franc, honnête, le meilleur peut-être
que les circonstances comportent. Il
n'est pas prouvé du tout que ce pro-
grammé ne puisse pas avoir une majo-
rité dans la Chambre. S'il ne l'a pas,
c'est à ceux qui renverseront le cabinet
d'en apporter un autre, qui puisse ser-
vir mieux la République et la France.
Si le cabinet Brisson est renversé, place
àu cabinet Clémenceau et même, si
vous voulez, place à M. Granet dans
ledit ministère. La queue de la poêle à
qui trouve éternellement l'omelette mau-
vaise, et nous verrons bien !
Mais qu'on ne perde pas de vue que
le programme ministériel, élaboré -en
conseil, est l'œuvre collective de tous
les ministres et que la solidarité des
ministres est une garantie essentielle
contre les intrigues des ambitieux. On
l'a fait voir même à ce pauvre M. Co-
chery. C'est la politique de M. Goblet
que la Chambre aura à juger, aussi bien
que la politique de M. Brisson. Les mem-
bres du cabinet qui, aujourd'hui, trou-
veraient mauvais le programme de M.
Brisson ont juste vingt-quatre heures
pour le renier, en se reconnaissant lé-
gers : ils peuvent démissionner. Mais
samedi, quand M. Brisson se présentera
au nom d'un cabinet homogène devant
le Parlement, quiconque, dans le cabi-
net, n'aurait pas lié sa fortune à la
sienne, quiconque sourirait au naufrage
possible avec l'espoir d'en profiter, ne
serait plus un esprit léger, mais un
traître.
HENRY FOUQUIER.
LA JOURNEE DE PARIS
MARIAGE PRINCIER. — Le mariage ci-
vil de la princesse Caroline de Bourbon, fille
du comte de Trapani, prince de Bourbon, fils
du roi Ferdinand II et de la princesse Marie-
Isabelle de Toscane, avec le comte André
Zamoïski, fils du comte Stanislas Zamoïski, a
eu lieu avant-hier à la mairie du 7Q arrondis-
sement.
Les témoins de la princesse Caroline de
Bourbon étaient : le prince Alphonse de Bour-
bon, comte de Caserta, son oncle, et le comte
Alfred Dentice ; ceux du prince Zamoïski : le
prince Ladislas Czartoryski et le comte Jean
Zamoïski.
Le mariage religieux a été célébré hier
dans la chapelle du couvent du Sacré-Cœur,
boulevard des Invalides.
*
♦ <*
LA FÊTE DU COMMERCE. - Une réu-
nion du comité de la fête du Commerce et de
l'Industrie a eu lieu à l'Hôtel de Ville, sous
la présidence de M. Alphand.
Il a été décidé que la prochaine fête aura
lieu au tribunal de commerce, où un grand
bal sera donné dans la première partie du
mois de décembre. La fête de l'Opéra aura
lieu plus tard.
Le comité a résolu ensuite de prélever sur
les souscriptions qui ont déjà été versées une
somme de mille francs pour venir en aide
aux victimes de la catastrophe du quai de la
Tournelle.
*
* *
LE DUC DE PERSIGNY. - Le duc Jean
de Persigny vient de mourir d'une maladie de
poitrine. Il n'était âgé que de trente ans. Sa
santé avait toujours été chancelante et il
s'était vu forcé de donner, après deux ans, sa
démission de sous-lieutenant de cavalerie.
Il avait été pris ensuite de la passion des
voyages et avait projeté d'explorer certaines
contrées peu connues d'Asie et d'Amérique.
Mag il ne fit qu'un voyage en Afrique au re-
tour duquel il se fixa à Paris où il vivait dans
la retraite.
C'était un mélancolique, un de ces êtres à
qui une imagination surexcitée suggère mille
desseins aussitôt abandonnés qu'arrêtés, et
qui, n'ayant pas assez de force de volonté
pour dominer leurs défaillances physiques,
se consolent de leur inaction inquiète par
un sombre mysticisme. Le duc Jean de Persi-
gny était de ceux qui, croyant peut-être
à leur étoile, la cherchent en vain dans le
ciel, toujours voilé de nuages à leurs yeux.
*
* *
LE GÉNÉRAL DAUTRESME. — C'est de
l'honorable ministre Idu commerce que nous
voulons parler; car, bien que la chose pa-
raisse bizarre, M. Dautresme a failli, après
communication d'une dépêche, prendre le
commandement d'un corps d'armée qui lui
était assigné. Dernièrement, en effet, lorsque
le choix de deux ministres nouveaux eut été
ratifié, le ministre de l'intérieur fit avertir té-
légraphiquement M. Dautresme, à Elbeuf où
il résidait, de sa nomination au ministère du
commerce.
Mais, depuis quelques semaines, on fait
usage, pour les communications officielles,
d'un chiffre inédit, et, à la préfecture de
Rouen où la dépêche arriva en premier lieu,
les employés n'étaient pas encore initiés au
mécanisme de la nouvelle combinaison. On
essaya cependant, à l'aide d'une clef incom-
plète, de déchiffrer le télégramme, et, après
mille efforts, on adressa à M. Dautresme une
dépêche lui annonçant qu'il était appelé au
commandement d'un corps d'armée.
En songeant avec quelle facilité, par le
temps qui court, les ministres échangent
leurs portefeuilles, M. Dautresme eut un ins-
tant l'idée que lui aussi, peut-être, pouvait
sans inconvénient troqtief l'habit civil contre
la graine d'épinards. Ce ne fut pas sans une
certaine émotion qu'il se rendit à Paris où le
mystère ne tarda pas à être éclaircl, et ce n'est
peut-être pas sans un vaue regret qu'il a vu
sa carrière militaire si brusquement inter-
rompue ! Le poète n'a4-)l pas célébré
la délicieuse tristesse
D'un rêve envolé ?
*
DEUX INSCRIPTIONS. — On va poser au
n° 39 de la rue de Richelieu une plaque por-
tant cette inscription :
« Diderot, philosophe et littérateur, princi-
pal auteur de l'Encyclopédie, né à Langres le
5 octobre 1713, est mort dans cette maison le
31 juillet 1784. »
Une autre plaque, 49* rue des Martyrs, por-
tera l'inscription suivante :
« Ici a demeuré Manuel, l'orateur libéral
expulsé de la Chambre des députés dans sa
séance du 3 mars 1823, né à Barcelonnette
le 10 décembre 1775, mort à Maisons-sur-
Seine le 20 août 1827. »
*
* *
UN LEGS TOUCHANT. — La ville de Pa-
ris a été autorisée à accepter un legs de
25,000 francs qui lui a été fait par M. Vin-
cent.
D'après le désir du testateur, le revenu de
cette somme doit être affecté à l'achat de
jouets ou de livres pour les enfants pauvres
de Paris.
C'est là une bien touchante idée, et au
premier janvier prochain le nom de M. Vin-
cent sera gravé dans bien des cœurs. Nous
n'avons qu'un vœu à faire pour notre part,
c'est qu'on donne aux enfants non point des
jouets utiles, mais de vrais jouets, ceux qu'a
défendus, au nom de la tradition, Hippolyte
Rigaud dans un article charmant, des pou-
pées aux futures mères, des fusils et des sa-
bres aux futurs « gradés » de nos bataillons
scolaires.
*
-*- *
LE PRIX CHAUDESAIGUES. — L'Aca-
démie des beaux-arts a jugé le concours pour
le prix Chaudesaigues.
Le sujet était, cette année, un monument
élevé à la mémoire d'un grand poète. Il y
avait dix concurrents. Le prix a été décerné
au premier tour de scrutin à M. Henri-Fran-
çois-Ambroise Anciau, élève de M. Pascal.
«
4- *
LES REPORTERS PARISIENS. — Les
membres de l'Association des reporters pari-
siens se sont réunis hier au café Hollandais
pour l'adoption définitive des statuts de leur
société.
On a examiné différents projets en vue
d'une représentation extraordinaire organisée
au profit de l'œuvre, et qui doit être donnée
sur une de nos grandes scènes parisiennes.
La presse ne manquera pas, en cette cir-
constance, de prêter son concours aux orga-
nisateurs de cette fête qui, en raison du but
qu'ils se proposent, méritent ses encourage-
ments et son appui.
«
* *
MM. B. B. ET ALPHONSE DAUDET. -
Nous avons parlé de la curieuse contestatio n
qui s'est élevée entre un écrivain belge qui
signe B. B. et M. A. Daudet au sujet d'une
chronique publiée par l'un et par l'autre avec
d'insignifiantes modifications.
L'«inventeur » de cette chronique sur « les
salons bourgeois » est M. A. Daudet, qui l'a
publiée en i872. M. B. B. le reconnaît aujour-
d'hui dans une réponse qu'il adresse à l'auteur
de Sapho. « Votre lettre, lui dit-il, a précisé
mes souvenirs ».
L'euphémisme est aimable. La moralité de
cet incident, c'est qu'à faire en maraude la
cueillette des pommes du voisin on s'expose
à être désagréablement surpris par le garde
champêtre.
AUTREFOIS MAMOim
L'auteur du Journal dun officier d'or-
donnance, M. le comte d'Hérisson, nous
donne aujourd'hui le Journal d'un in-
terprète en Chine, un livre qui aura, qui
a déjà le même succès que son aîné.
Ce sont des souvenirs de la vingtième
année racontés par un homme de qua-
rante ans; un récit de bonne humeur
commenté par une expérience un peu
attristée; les impressions d'un enthou-
siaste qui sourit un peu de son enthou-
siasme, mais qui n'en rougit pas, tant
s'en faut. Les anecdotes y abondent,
bien choisies et lestement narrées;
c'est de l'histoire amusante, mais c'est
de l'histoire prise à la source. Car l'au-
teur, secrétaire du général de Montau-
ban et en même temps simple soldat,
puis caporal et interprète de confiance,
a tout vu et tout entendu par lui-même,
ayant transcrit les pièces officielles et
recueilli les plus intimes sentiments du
commandant en chef.
Ce livre, qui fera passer quelques
heures agréables au commun des lec-
teurs, est donc en même temps, pour
qui aime à réfléchir sur le fond des
choses, le procès-verbal fort instructif
d'une expédition qui a réussi, et réussi
dans desconditions extraordinaires. On
ne voit pas tous les jours une armée de
dix ou douze mille hommes triompher
de la résistance d'un empire de quatre
cent millions d'âmes. Ceci est tout au-
tre chose que les conquêtes de Fernand
Cortez et de Pizarre, et même que cer-
taines victoires des Anglais en Inde,
car les bataillons chinois ne sont pas,
comme nous l'avons trop aisément sup-
posé, des troupeaux que peuvent sans
peine mettre en fuite quelques Occiden-
taux sans plus s'inquiéter de leur nom-
bre que le loup ne s'inquiète du nombre
des moutons qu'il a devant lui. Ces
gens-là se battent tant bien que mal, et
parfois assez bien. Si le Journal de
M. d'Hérisson avait paru trois ans plus
tôt, nous n'aurions pas pris l'Empire du
Mileu pour une quantité négligeable et
nous aurions évité plus d'une bévue.
Si éclatant qu'ait été le succès de
l'expédition commandée par sir liope
Grant et Cousin-Montauban, il fut plus
disputé qu'on ne l'imagine, et la for-
tune y eut sa part. A cette date, Napo-
léon nt, ce grand joueur, avait encore
la chance; un peu de déveine eût suffi
pour changer cette promenade triom-
phale en désastre, car le cabinet de
Paris n'avait pas tout prévu, et les
forces dont disposaient les alliés ris-
quaient fort d'être inégales à la tâche
qu'on leur imposait ùîi peu légèrement.
Quoi qu'il en soit, l'entreprit réussit
au delà de toute espérance, et les Chi-
nois se montrèrent d'assez mauvaise foi
pour se faire battrè deux ou trois fois
plus qu'on ne le croyait nécessaire.
Mais aussi nous avions pour nous
deux choses : un chef d'armée maître de
son armée et des soldats aguerris, ca-
pables de supporter la fatigue et les
privations. Montaufcân était obligé de
s'entendre avec son collègue anglais et
ne pouvait guerroyer que quand les di-
plomates européens, las de se faire
jouer par les Célestes, passaient la par
rôle aux soldats. Mais, dès que les
trêves étaient rompues, les généraux
étaient libres de choisir leur point d'at-
taque, de dresser leur plan de campa-
gne, d'avancer à leur heure et de gagner
des batailles Comme ils l'entendaient.
Ceux qui ont commandé notre flotte et
notre armée pendant la guerre du Ton-
kin n'ont pas possédé cette liberté de
mouvements et ne sont pas restés assez
longtemps à leur poste pour concevoir
de longs desseins et les exécuter.
Aussi le récit de l'expédition de Chine
est-il plein d'enseignements; il est tou-
jours intéressant de lire ou de relire
l'histoire d'un succès, et d'un succès
complet, d'apprendre comment on vient
à bout des plus difficiles entreprises.
Ce qui nous a le plus manqué dans toute
la campagne coloniale que nous avons
faite ces dernières années un peu par-
tout, au Sénégal, à Madagascar, dans
l'Extrême-Orient, c'est la suite dans les
idées, l'unité de direction, la responsa-
bilité des chefs; nous avons mis dans
ces guerres trop de parlementarisme
mal compris, et fait entrer dans nos cal-
culs trop d'éléments étrangers. On ne
gagne pas de batailles en tenant compte
des vacances de la Chambre et des né-
cessités électorales. Pour bien battre un
ennemi, quel qu'il soit, il faut ne penser
qu'à l'ennemi et ne se point préoccuper
de l'opposition, ni surtout des revire-
ments possibles d'une majorité douteuse.
M. d'Hérisson croit aussi que nos sol-
dats sont maintenant trop jeunes, et
que l'esprit militaire est chez nous en
déclin. Je ne discuterai pas à fond cette
opinion que, d'ailleurs, je ne partage pas :
cela nous mènerait un peu loin. Je me
bornerai à faire remarquer que le récit
de la campagne de 1860, même comparé
à l'histoire de la campagne du Tonkin,
ne justifie pas un jugement aussi pessi-
miste. Le Tonkin est beaucoup plus
malsain que la Chine septentrionale. Nos
soldats ont été soumis dans la guerre
actuelle à bien d'autres épreuves, ont
eu, dix fois, plus de fatigues à suppor-
ter. Ceux qui ont si rondement marché
sur Pékin et si vaillamment culbuté la
grande armée chinoise n'ont pas eu à
parcourir en tout sens un delta maréca-
geux, à la poursuite d'insaisissables pi-
rates, à exécuter toute une série de
marches et de contremarches dans la
boue. Peut-être ne s'en seraient-ils pas
tirés à meilleur marché que les soldats
de Brière de l'Isle et de Courcy. C'est
la direction générale de la guerre qui
s'est trouvée cette fois inférieure, et
cela pour des raisons plus politiques
que militaires ; ce n'est ni le moral ni
le physique des combattants de tout
grade : j'en appelle à ceux qui ont lu le
récit du siège de Tuyen-Quan.
Il est bien difficile de parler du jour-
nal de M. d'Hérisson sans faire allusion
à tout ce qu'il nous apprend de la façon
dont les Anglais en usent avec leurs
alliés. Il y a un tableau du pillage du
palais d'Eté qui déplaira fort à nos bons
amis, et qui soulage la conscience fran-
çaise de quelques remords injustes. Il
y a une histoire de traité en partie dou-
ble qui est bien édifiante et qui a déjà
soulevé des tempêtes de l'autre côté de
la Manche. Mais nous avons contre nos
excellents voisins tant de griefs récents
qu'on peut se priver du plaisir d'insister
sur les anciens. Si d'ailleurs vous êtes
curieux d'en savoir plus long sur la
bonne foi britannique, vous n'avez qu'à
faire comme tout le monde et qu'à lire
le livre de M. d'Hérisson.
BENVOLIO.
Le Monde a pris la peine de relever un
écho du XIXo Siècle où, à propos du renou-
vellement du bureau de la conférence Molé,
nous rappelions que M. Laguerre avait tout
récemment encore, dans la conférence, la
spécialité des votes de coalition avec la
Droite.
Là-dessus le Monde se croit « obligé » de
révéler au XIX* Siècle qu'en 1830 M. La-
guerre ne faisait point partie de la confé-
rence et ajoute :
« Depuis 1830, date de la fondation, les
choses se sont toujours passées comme l'autre
soir. Chaque année, le président élu en no-
vembre appartient à la gauche et le prési-
dent élu en avril appartient à la droite.
» Quant au partage entre la droite et la gau-
che des sièges de vice-présidents et de secré-
taires, c'est également une règle Invariable
On estime, à la conférence, qu'il est juste
d'assurer à chaque opinion sa part de repré-
sentation. C'est un exemple que les opportu-
nistes de la Chambre n'ont pas jugé à propos
de suivre. Mais la réflexion du XIXe Siècle,
un de leurs journaux, montre à quel degré
d'effarement ils sont arrivés; et c'est pourquoi
nous nous y sommes arrêté. »
Fort bien, mais, comme dit le personnage
de la comédie, je ne saisis pas le rapport. Si
le rédacteur du Monde, en nous lisant, avait
bien voulu nous comprendre, il aurait vu que
nous ne faisions que rappeler au sujet de M.
Laguerre un fait parfaitement exact, sans au-
cune allusion au dernier vote de la conférence
Molé. Le rédacteur du Monde est-il bien sûr
de n'être pas « effaré » lui-même ?
M, F.
CAUSES & CONSÉQUENCES
DE LA TRIPLE ENTENTE
La déclaration de guerre, ou plutôt l'in-
vasion de la Bulgarie par les Serbes, est
venue confirmer les conséquences signa-
lées dans notre précédent article (1) de
l'interversion des rôles des principales
puissances intéressées dans la question
d'Orient.
On peut supposer que la certitude de
voir ses prétentions territoriales repous-
sées par l'Europe, la crainte d'être ren-
versé s'il rappelait ses troupes sans coup
férir, ses besoins d'argent, - l'emprunt de
la Landerbank tirant à sa fin, — n'ont pas
peu contribué à engager le roi Milan à ris-
quer le tout pour le tout. Mais il est cer-
tain que ce qui l'a le plus décidé, c'est rim-
punité du coup de tête du prince de Bul-
garie, les irrésolutions de la conférence de
onstantinople et l'inaction de la Port..
Or, si la violation par le prince Alexandre
du traité de Berlin est restée impunie jus-
qu'à présent, si la conférence de Constao-
tinople n'a su prendre encore aucune ré-
solution, si la Porte est demeurée inactive,
cela provient de ce que ni la Russie ni
l'Autriche-Hongrie n'ont pu suivre) en
cette occasion, leur politique tradition-
nelle.
Libre de ses actes au lendemain du
mouvement rouméliote, qui faisait revivre
le traité de San-Stefano en réunissant la
Roumélie à la Bulgarie, le cabinet de Saint-
Pétersbourg, tout en sauvegardant diplo-
matiquement les apparences, eût certaine-
ment défendu le fait accompli. Il eût, en
tout cas, favorisé en sous-main les visées
ambitieuses du roi de Serbie, bien qu'ins-
pirées par l'Autriche. Il ne pouvait pas
douter en effet, que le grand Etat slave
qui en serait résulté aurait toujours fini
par tomber sous l'influence de la Russie,
par suite de ses affinités de race et de re-
ligion.
Pourquoi, au lien de suivre cçtte po-
litique conforme A ses intérêts et a ses as-
pirations nationales, la Russie a-t-elle con-
damné le mouvement roumélio!e? Pour-
quoi condamne-t-elle en ce moment l'au-
dacieux coup de main du roi Milan?
Libre de ses actes, l'Autriche-Hongrie
eût certainement poussé les Serbes à pro-
fiter de l'union roumélio-bulgare pour s'é-
tendre du côté de la Macédoine, dans l'es-
poir de pouvoir enfin réaliser le projét
d'absorption qu'elle caresse depuis que
le traité de Berlin lui a confié le gouverne-
ment de la Bosnie et de l'Herzégovine. Et
la preuve, c'est qu'à la nouvelle du coup
d'Etat de Philippopoli, croyant y voir la
main de la Russie, son premier mouve-
ment a été dé favoriser les armements
serbes. Pourquoi a-t-elle tout à coup
changé d'attitude? Pourquoi s'oppose-t-
elle en ce moment à ce qu'il est si évi-
demment de son intérêt d'encourager?
Parce que la Russie et l'Autriche-Hon-
grie se sont engagées à Kremsier à main-
tenir de tout leur pouvoir le statu quo
dans la péninsule des Balkans. Or, il ne
faut pas l'oublier, ces engagements ont été
la conséquénbè de Téntrevue de SfcfeWiie-
wice, ménagée par l'empereur Guillaume,
laquelle avait été elle-même la consé-
quence logique et forcée de l'alliance aus-
tro-allemande.
Ah ! le prince de Bismarck savait bien
ce qu'il faisait en se rendant à Vienne
pour asservir à ses vues la politique autri-
chienne 1 Menace pour la Russie, cette
double alliance devait forcément amener
la triple entente, dans laquelle, au nom
de l'intérêt majeur de la paix invoqué par
le chancelier allemand, la Russie et l'Au-
triche ont momentanément renoncé 4 leur
traditionnel antagonisme en Orient.
Quel si grand besoin avait-il donc tout à
coup de la paix, l'auteur de la guerre des
duchés, de la guerre contre l'Autriche et
de la guerre contre la France ?
Il en avait besoin pour consolider les ré-
sultats de ces trois guerres, pour couron-
ner l'œuvre de toute sa vie.
L'unité allemande, inscrite dans les lois,
imposée par la force, renferme des élé-
ments séparatistes dont le danger n'a pu
échapper a la clairvoyance d'un homme
d'Etat tel que M. de Bismarck. Le seul
moyen d'écarter ce danger était de réaliser
le rêve de la « patrie allemande « (Vater-
land) par la solidarisation des intérêts.
De là sa politique coloniale, pour la-
quelle la paix en Europe lui était indis-
pensable, et qu'il n'a en effet ouvertement
inaugurée qu après les entrevues de Skier-
niewice et qe Kremsier.
On le voit, si la Russie et l'Autriche ne
sont plus dans leurs rôles, l'Allemagne
est dans le sien ; et si la paix est néces-
saire à tous, elle est surtout profitable à
l'empire allemand.
Reste à savoir si, dans la poursuite de
ses prqjets coloniaux, le prince de Bis-
marck, qui a déjà éveillé les inquiétudes
de l'Angleterre, n'aura pas un jour à comp-
ter sérieusement avec elle. ¡..
Considérée à ce point de vue, l'opposi-
tion que les trois puissances du Nord
rencontrent en ce moment de la part
du cabinet de Londres dans leurs effets
pour le rétablissement du statu quo n
Bulgarie aurait une gravité toute parti-
culière. EUe indiquerait le parti prii de
l'Angleten# de fairp fyorter l'q^? jpii-
(1) Voir le XIX9 Siècle du 15 novembre.
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