Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-11-13
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 13 novembre 1885 13 novembre 1885
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N' 5039 Prix du numéro S Paris s 15 tiUmël — DêpârfëmëfiM : tg cëntimeg Vendredi 13 Novembre 1885
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Extérieure 4 0/0 56 3/4, 9/16.
Panama. 407 50.
Hongrois 79 15/16, 7/8.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (l'Encyclique). — 4».
JëitrttAe de Pfttift.
Drames intimes. — PAUL GINISTY.
Courrier de la Chambre. — Louis DESFORGES
Informations particulières.
ta Ëijreêtion des colonies-— Louis HENRIQUE.
Bulletin de l'étrangèr.
Informations.
Revue de la presse. — NACHBTTB.
Documents parlementaires.
Bibliographie.
Courrier de la Bourse. — H. LH FAURB.
Le Sport du jour. — FAVBLLIS.
Tribunaux.
îaa Température.
Faits divers. — JEAN VALLÏÈRË.
Courrier des théâtres. — GEORGES FEYDEAXJ.
La Foire aux écus. — ALPH. DE BERNARD.
DERNIÈRE HEURE
A CHANCELADË
Périgueux, i2 novembre.
Les corps des époux Mazet et de leur
petite fille ont été retrouvés, ce matin,
Sous des blocs énormes de 25 mètres cu-
bes, à la principale entrée des carrières.
Les cadavres sont dans un état de décom-
position avancée.
La petite fille a le corps coupé en deux.
Son père, qui la portait sur ses épaules au
moment de la catastrophe, a été retrouvé
dans la même position, les mains réunies
devant sa poitrine et fermées comme s'il
tenait encore les jambes de son enfant.
Le corps de Mme Mazet est encore sous
un rocher, mais on l'aperçoit à la lumière
d'une bougie. Il ne pourra être dégagé que
tard ce soir ou demain.
On a fait ce matin des expériences mi-
crotéléphoniques dans le puits de forage.
Un assistant croit avoir entendu des gé-
missements répondre aux coups frappés.
Le forage du puits est arrêté depuis
deux jours.
LA SANTÉ DU ROI ALPHONSE XII
Les Cortès seront ouvertes par un dé-
cret royal, mais le roi ne prononcera pas
de discours.
On sait les bruits alarmants qui courent
depuis plusieurs mois déjà sur l'état de
santé du roi Alphonse XII. Il semble qu'ils
soient confirmés par le silence du roi à
l'ouverture des Cortès, étant données la gra-
vité de la situation politique en Espagne
et le conflit avec l'Allemagne.
QUESTION DU JOUR
L'encyclique
Le saint-siège a livré une encyclique
de plus à la vénération des fidèles et
aux disputes des commentateurs. Ce
long document, qui portera dans l'his-
toire le nom d'encyclique Immortale Dei,
est un exposé complet de la doctrine
des rapports entre l'Eglise et l'Etat se-
lon le pontife régnant. Malheureusement
pour ceux qui voudraient la résumer,
on y trouve à la fois les affirmations
traditionnelles dont un pape ne peut
s'abstenir sous peine d'infliger un dé-
menti à ses prédécesseurs, et les idées
personnelles de Léon XIII. Ce que Pie IX
a promulgué ne peut pas être abrogé,
puisque Pie IX était infaillible, et le
théologien homme d'Etat qui occupe
aujourd'hui la chaire de saint Pierre est
contraint de répéter même ce qu'il vou-
drait contredire, ce qu'il contredit par
d'ingénieux et subtils commentaires.
De là, pour qui s'efforce de démêler
la pensée du vénérable auteur, des dif-
ficultés qui seraient presque insurmon-
tables si l'on n'avait pour se guider dans
ce vaste labyrinthe quelques données
un peu plus précises sur le caractère et
les aspirations de Léon XIII. On le sait
prudent et relativement libéral, si ce
mot peut s'appliquer à un homme qui
n'est pas libre de reconnaître que ses
prédécesseurs se sont trompés. On en
conclut que quand il affirme l'omnipo-
tence de l'Eglise il parle au nom de la
tradition dont il est le dépositaire et un
peu le prisonnier, tandis que quand il
fait des concessions, c'est en son propre
nom et pour obéir à la raison qui ne
perd pas toujours son empire même sur
un infaillible.
Ainsi, en ce qui concerne la liberté de
conscience, l'auteur de l'encyclique Im-
mortelle Dei la condamne et l'accorde
tour à tour ; comme ses devanciers l'ont
déjà proscrite, on admettra qu'il exprime
plus spécialement sa pensée quand il
parle le langage de la tolérance. Mais
quelles étranges contradictions, et com-
bien il devient malaisé de prendre tout
à fait ail ëéfiëtlx l'enseignement d'une
Église qui, pour paraître immuable, en
vient à proposer aux fidèles de vérita-
bles rébus !
« L'Etat, dit Léon XIII; s'écarte donc
des règles et des prescriptions naturel-
les s'il favorise à ce point la licence des
opinions, que l'on puisse impunément
éloigner les esprits de la vérité. » Cela
hl est-il pas clair? Si l'on ne peut impu-
nément éloigner les esprits de la vérité
catholique, la liberté de conscience
n'existe pas, et c'est, en effet, ce que
l'Eglise a toujours voulu. »
Cependant le même Léon XIII nous
dit dans le même document : « Si
l'Eglise juge que les divers cultes ne
peuvent être mis sur un pied d égalité
avec la vraie religion, elle ne condamne
pas pour cela les gouvernements qui,
en vue soit de procurer un grand bien,
soit d'éviter un grand mal, tolèrent
dans la pratique et dans l'usage que ces
cultes aient une place dans la cité, »
Ainsi l'Eglise demande aux gouverne-
ments d'empêcher la propagande des re-
ligions ilon catholiques ; mais elle n'exige
pas qu'ils en gênent l'exercice : comme
si l'on pouvait pratiquer une religion
sans chercher à la répandre ! D'ailleurs,
le successeur de Pie IX, et de tous les
papes qui ont établi, confirmé et encou-
ragé l'Inquisition, ajoute ces paroles
surprenantes : « L'Eglise a aussi conti-
nué de s'opposer fortement à ce que
personne soit contraint d'embrasser la
foi catholique; car l'homme, comme dit
sagement saint Augustin, ne peut croire
que volontairement. » Saint Augustin
était fort sage, en effet, ce jour-là, ce
qui ne l'a pas empêché d'exciter les
magistrats romains à persécuter les
schismatiques de son temps. Et Léon XIII
n'est pas moins sage que l'éloquent évê-
que d'Hippone en proclamant une si
belle maxime ; mais que fait-il de la tra-
dition ?
La tradition, c'est la force du catho-
licisme, mais c'est elle aussi sa fai-
blesse. Les hommes qui se contentent
d'être des hommes peuveht reconnaître
que leurs pères se sont trompés et qu'ils
se sont trompés eux-mêmes. Mais que
peut faire un esprit éclairé et sincère-
ment libéral, accablé sous le poids d'un
immense amas de précédents, d'une bi-
bliothèque de brefs, d'encycliques et de
canons? La tradition asservit un pape
comme l'ancienne étiquette asservissait
une reine d'Espagne. Mais l'étiquette,
après tout, n'enchaîne que le corps ;
dans l'Eglise, c'est l'âme même qui est
garrottée. C'est en vain qu'un pape voit
clairement les erreurs et les fautes de
ses prédécesseurs ; il lui est interdit de
les avouer au monde, de se les avouer
à lui-même, et il se jette dans des sub-
tilités infinies pour contenter tout le
monde et sa propre intelligence. Encore
s'il y réussissait !
De même en ce qui concerne la poli-
tique pure. L'encyclique Immortale Dei
fait l'éloge de la monarchie et condamne
le principe du suffrage universel : « Dans
l'ordre politique et civil, les lois ont pour
objet le bien commun et ne sont pas
dirigées par la volonté et le jugement
trompeur de la multitude, mais par la
vérité et la justice. L'autorité des princes
revêt une sainteté plus qu'humaine. »
Vous croyez lire un manifeste monar-
chiste, mais vous trouvez plus loin ces
lignes : « Toutefois, à bien comprendre
ces paroles et ces décisions, aucune
des diverses formes de gouvernement
n'est condamnée en elle-même, car
elles n'ont rien qui répugne à la doctrine
catholique et elles peuvent, si elles sont
pratiquées avec sagesse et justice,
maintenir l'Etat dans la meilleure si-
tuation. »
On voit combien il est malaisé de ti-
rer une conclusion bien nette de ce do-
cument ample et touffu. Chacun y trou-
vera ce qu'il voudra. Les royalistes
remercieront Léon XIII des arguments
qu'il leur fournit contre le dogme de la
souveraineté populaire ; rien n'empêche
les républicains catholiques, s'il y en a,
de rester à la fois républicains et catho-
liques. Les libéraux eux-mêmes ne sont
pas positivement condamnés, bien que
les réactionnaires aient lieu d'être satis-
faits. En somme, le pape reconnaît l'in-
dépendance du pouvoir civil, pourvu que
le pouvoir civil s'incline devant l'Eglise
en ce qui intéresse les mœurs, les
croyances, l'éducation de la jeunesse,
et généralement dans toutes les ques-
tions où il plaît à l'Eglise de se déclarer
seule compétente. Le pape condamne la
liberté de conscience pure et simple,
mais il admet la tolérance. Il condamne
le principe de la souveraineté du peu-
ple, mais il admet la forme républicaine.
Il fait des avances aux monarchies,
mais il ne veut pas se brouiller à mort
avec les républiques. Il est fidèle à la
tradition, mais il désirerait bien vivre
en paix avec la société moderne, qu'il
félicite même, dans une assez belle page,
des progrès de la civilisation et des dé-
couvertes de la science.
Ici le lecteur s'impatiente : « Dites
donc, s'écrie-t-il, que Léon XIII mé-
nage la chèvre et le chou:l'» Quoique
cette expression proverbiale soit peu
respectueuse, il faut avouer qu'elle rend
assez bien la pensée de quiconque par-
court sans parti pris ce long discours
latin. Après tout, cela marque au moins
une notable différence entre le présent
pape et son illustre prédécesseur, qui
ne ménageait nullement le chou.
*
LA JOURNÉE DE PARIS
-
LES FÊTES DU COMMERCE PARISIEN.
— Le comité de direction des fêtes du com-
merce et de l'industrie s'est définitivement
ddnstîtué dans sa séance d'hier.
Le comité à arrêté le programme des fêtes
qu'il donnera :
Une première série de bals, fêtes de nuit,
concerts, spectacles, etc., se succèderont
cet hiver, dans le but d'aider le commerce de
détail, de donner du travail aux ouvriers des
industries de luxe, de retenir et d'attirer les
étrangers.
Quant aux fêtes historiques, elles dureront
quinze jours, avec des fêtes de jour et de
nuit, un carrousel militaire et le grand cor-
tège historique. -
Nous nous associons à ces magnifiques
projets, cela va sans dire, et surtout nous
sommes heureux d'entendre dire que l'on doit
s'amuser à Paris autant qu'en aucun lieu
du monde, en dépit de M. Cattiaux, le Caton
autonomiste.
«
* *
LE BUDGET DE PARIS. — Un mémoire
du préfet de la Seine au conseil munici-
pal fait connaître que les recettes de l'octroi
continuent à être en diminution ; il y a lieu
de prévoir pour l'ensemble de l'année une
moins-value de 4,500,000 francs.
La recette atteindra donc à peine 35 millions
500,000 francs au lieu des 40 millions qu'on
avait prévus.
Des plus-values de 939,300 francs atté-
nuent cette diminution considérable ; elles
laissent néanmoins subsister une insuffisance
de 3,560,700 francs par rapport aux prévisions
énoncées dans le projet de budget.
Une réduction égale sur les dépenses de-
vient nécessaire.
Dans son mémoire, le préfet propose de faire
porter cette réduction sur le service du per-
sonnel pour 200,000 francs ; sur celui de l'en-
seignement pour 422,830 francs ; sur le ser-
vice de la dette, 100,000 francs ; sur l'Assis-
tance publique, 500,000 francs ; sur les
travaux, 2,650,000 francs !
Ces sacrifices sont-ils possibles? C'est un
problême délicat à résoudre. La réforme du
personnel, entreprise cette année déjà, don-
nera assez facilement les 200,000 francs de
diminution de dépenses qu'on lui demande.
Sur le chapitre des écoles, la réduction at-
teindrait pour 80,000 francs les récompenses
scolaires accordées dans le courant de l'an-
née, sans toucher aux distributions de prix ;
pour 100,000 francs les bibliothèques sco-
laires et le matériel classique; pour 111,000
francs les voyages de vacances, qui seraient
totalement supprimés jusqu'à nouvel ordre.
On remettrait enfin à plus tard la création de
nouvelles écoles professionnelles, dont le cha-
pitre absorbait un crédit de 91,830 francs.
100,000 francs seraient retranchés à l'amor-
tissement de la dette municipale et 500,000 fr.
à l'Assistance publique, qu'on autoriserait à
utiliser à la place un reliquat de même somme
provenant d'anciennes subventions spéciales.
Mais ce sont surtout les travaux publics qui
souffrent de cette insuffisance de ressources :
l'architecture perd 950,000 fr. ; la voirie
1,100,000 fr.; les eaux, 600,000 fr. D'autres
modifications moins importantes seraient ap-
portées soit au budget ordinaire, soit au bud-
get extraordinaire, et l'emprunt commençant
à fonctionner au profit des services en souf-
france rendrait moins sensibles les inconvé-
nients de ces suppressions de crédit.
Cependant il en est qu'il nous parait diffi-
cile de considérer comme définitives, et il nous
semble qu'il y aurait d'autres services à tou-
cher avant les écoles, la voirie ou les eaux
dont le bon entretien intéresse si vivement
la population.
«
* *
RABELAIS CHIRURGIEN. — On sait que
Rabelais était médecin. Dans un dialogue du
temps, un pendu se félicite même d'avoir été
disséqué par l'auteur de Pantagruel.
Notre confrère M. Arthur Heulhard, qui, de-
puis dix ans, s'occupe de réunir les éléments
d'une biographie définitive de Rabelais, a fait
déposer sur le bureau de. la Société de chi-
rurgie une notice sur « Rabelais chirurgien »,
pleine de détails nouveaux et intéressants.
C'est ainsi que M. Arthur Heulhard 'a mis la
main sur une traduction française de Galien,
datée de 1533, à la fin de laquelle se trouvent
deux gravures suri bois représentant « des
instruments utiles pour contenir les membres
fracturés, un glottotomon de l'invention de
M. François Rabelais, docteur en médecine,
et un syringotome »
Nous reviendrons sur cette curieuse décou-
verte.
*
* *
LE PLUS PARISIEN DES ESPAGNOLS.
— Le cercle de la Presse va bientôt revoir
un de ses plus fidèles habitués. On annonce
la prochaine arrivée à Paris du comte de
Casa-Miranda, plus connu en France, sous le
nom d'Angel de Miranda.
Le comte de Casa-Miranda est aujourd'hui
député aux Cortès et chef de section à la
présidence du conseil des ministres en Espa-
gne.
Le boulevard mène à tout, — mais on re-
vient toujours au boulevard !
*
*' *
SOUSCRIPTION COURBET. — La sous-
cription pour le monument de l'amiral Cour-
bet atteint actuellement le chiffre de 145,000
francs.
Le ministre des affaires étrangères vient
d'adresser au président du comité, M. l'amiral
de Dompierre-d'Hornoy, une somme de
quinze-cent quatre-vingt-cinq francs, repré-
sentant la souscription de la. colonie française
à Saint-Pétersbourg.
En tête de la liste figurent les noms sui-
vants : général Appert, ambassadeur de
France, et tout le personnel de l'ambassade ;
Biard d'Aunet, consul de France ; Du Buit, di-
recteur des mines franco-russes ; E. Colat, di-
recteur du laboratoire chimique; Duperret,
professeur des enfants de S. M. l'empereur de
Russie ; Mme de Boisredon, MM. Los Vallès,
Carraby, directeur du Crédit lyonnais, Vizen-
tini.
Nous ne pouvons, en enregistrant le total
de cette souscription, qu'exprimer une fois
de plus le regret que de peu délicats amis de
l'amiral lui aient fait jouer après sa mort un
rôle politique et électoral au moyen de ses
lettres intimes. Sans cette lourde faute, le
monument élevé par la France entière au
soldat de Fou-Tcheou eût pu être plus im-
posant et aurait eu à coup sûr une significa-
tion plus haute.
*
* *
UN FAUX BOLIDE. — Dimanche soir, un
grand nombre de Parisiens, dont nous-mê-
mes, avaient, en écarquillant les yeux, con-
templé au-dessus de Montmartre un corps
brillant qui, quelques minutes après, dispa-
saissait dans la nuit. Nous avions, comme
tous nos confrères, relaté ce fait en attri-
buant au passage d'un bolide ce mysté-
rieux phénomène.
Il paraît que ce bolide n'était autre que le
ballon la Vénus, éclairé à la lumière élec-
trique et lancé sur les hauteurs de Mont-
martre.
Jusqu'ici, l'erreur est plaisante. Mais ce
qui nous empêche d'en rire de bonne grâce,
c'est que l'on craint que cet aérostat ne soit
perdu. On n'a encore reçu, depuis dimanche,
aucune nouvelle des deux personnes qui le
montaient, MM. Falubas et Thomas.
*
* *
UN LEGS. — M. Léonce Chaillou, avocat
à Paris, décédé l'été dernier aux Eaux-Bonnes,
a, entre autres dispositions testamentaires,
fait un legs de trente mille francs à la Société
de protection des Alsaciens-Lorrains, présidée
par M. le comte d'Haussonville.
«
* *
LE SPIRITISME. — Le premier numéro
de la Pensée libre, organe de recherches
psychiques, vient de paraître. Nous y trou-
vons le détail de la méthode à employer pour
opérer selon les règles de l'art :
« Comment la table parle-t-elle ?
» Par un système de convention : un coup
frappé par son pied signifie Oui, deux coups,
Non, etc. Pour obtenir des mots et des
phrases, le médium épèle l'alphabet A, B,
C, D.; à l'énoncé de chaque lettre,le pied de
la table frappe un coup ; quand la table s'ar-
rête, le médium s'arrête aussi ; on inscrit
alors la lettre ainsi désignée et l'on passe à la
suivante. Ainsi se forment les mots, puis les
phrases nombreuses souvent empreintes
d'une élévation sublime, et dépassant parfois,
par leur haute portée scientifique ou morale,
les connaissances et facultés --- de l'intermé-
diaire. Disons en passant qu'il y a des jeunes
enfants médiums. Ce procédé pourra paraître
long et fatigant aux personnes qui liront cette
explication imparfaite ; dans la pratique, il
arrive que, d'après les mots déjà transmis, on
devine les suivants dès leurs premières let-
tres. Quand par hasard on se trompe, la
table dit Non et recommence à épeler. Chacun
peut, par ce moyen, évoquer ses parents ou
amis défunts. »
Malgré le grand sérieux avec lequel on
parle de l'expérience, j'avoue que je ne suis
pas convaincu. Et cependant la Pensée libre
publie des attestations qui devraient ébranler
mon scepticisme.
Qu'on en juge par ces échantillons :
Éviter le phénomène spirite, lui faire ban-
queroute de l'attention, c'est faire banque-
route à la vérité.
VICTOR HUGO.
Je crois aux esprits frappeurs d'Amérique
attestés par quatorze mille signatures.
AUGUSTE VACQUERIE,
Rédacteur en chef du Rappel.
Je dis que je crois au spiritisme et je sais
ce que je dis.
NAPOLÉON III.
J'ai ri comme tout le monde du spiritisme,
mais ce que je prenais pour le rire de Vol-
taire n'était que le rire de l'idiot, beaucoup
plus commun que le premier.
Eug. BONNEMÉRE,
de la Société des gens de lettres.
Et moi qui croyais que les tables tournan-
tes n'avaient été inventées par les bourgeois
du Marais que pour remplacer le loto et le
jeu de l'oie renouvelé des Grecs !
*
* *
SCÈNE DE LA VIE DE PPOVINCE. -
Un de nos amis qui arrive du Midi nous fait
le récit d'une petite fête où l'on n'a pas dû
s'ennuyer :
« Un écrivain, un poète, aujourd'hui per-
cepteur, réunissait à Toulouse, dimanche
dernier, dans les salons d'un café, les sous-
cripteurs à l'édition complète de ses œuvres,
pour les faire participer aux chances d'une
tombola qui se composait de trois lots.
M M. X., receveur de l'enregistrement à
R., porteur du numéro 227, a gagné 12 bou-
teilles de vieux armagnac de 1841.
» M. Z., receveur municipal à E., a
gagné, avec le numéro 337, une dinde truffée.
» Enfin M. V., percepteur à L., ayant
le numéro 81, a gagné un singe empaillé! »
Des trois lots, c'est ce dernier qui a fait
certainement la plus triste figure au punch
qui a suivi le tirage de cette tombola miri-
fique !
DRAMES INTIMES
Je n'ai pas à dire ici mon opinion sur
le Cain de M. Jules de Marthold, repré-
senté avant-hier au Château-d'Eau. Mais
la donnée même de la pièce peut relever
de la simple chronique, dans la cruelle
étude de passion qu'elle offre. On n'in-
vente pas plus dans l'horrible qu'ail-
leurs.
Ah, le bon benêt qu'il semble aujour-
d'hui, ce Caïn biblique qui tuait son
frère parce que ses offrandes étaient
moins agréables au Seigneur que celles
d'Abel! Il est vrai que, en ces temps
fabuleux, la femme ne jouait encore
qu'un rôle terriblement effacé.
Mais, sans entrer dans le domaine de
la littérature, que de drames aussi vio-
lents que celui du Château-d'Eau se
sont déroulés devant les tribunaux ! Il
n'y a rien de nouveau sous le soleil,
mais un humoriste a fait observer, un
jour, en disant une chose profonde sous
son apparente raillerie, que si rien n'est
nouveau, c'est exactement comme si
tout était toujours nouveau. L'homme
ne change pas, mais à chaque généra-
tion les hommes se renouvellent. « Le
monde est las de tout son vieux passé, »
s'écrie Shelley ; et le monde donne éter-
nellement le même spectacle.
Tant qu'il y aura de l'amour, il y aura
du sang versé. Ce serait un problème
philosophique digne de tenter un de ces
statisticiens héroïques qui ne reculent
devant rien que d'établir si les grandes
épopées guerrières ont fait, en somme,
plus de victimes que les continuelles
tragédies amoureuses. Amitiés solides,
affections de famille, qu'est-ce qui ne
s'effondre pas quand l'amour est en jeu?
Tenez, sans aller chercher bien loin,
vous rappelez-vous cette épouvantable
histoire d'une famille bretonne? Cela
date de cinq ou six ans tout au plus.
Nobles et gueux, ils sont là quatre
qui vivent assez misérablement dans un
vieux château délabré. Ce sont encore
les seigneurs du pays, mais quels sei-
gneurs 1 La misère s'asseoit dans la
grande salle à manger féodale, sous les
panneaux armoriés. Le père a été grand
chasseur et—robuste, violent, âpre et
rude — grand coureur de filles aussi.
La mère, figure triste, qui passe dans le
procès comme une ombre lamentable,
donne tout son temps à l'église, sans
avoir oublié cependant tous les affronts,
toutes les humiliations dont, trente ans
durant, elle a été abreuvée. Elle le
prouve quand, frappé d'une attaque de
paralysie dans la chambre d'une ser-
vante à laquelle il portait ses derniers
hommages de galantin incorrigible, le
vieux gentilhomme est condamné à traî-
ner le reste de ses jours dans une im-
mobilité absolue, assis, auprès d'un
maigre feu, dans un fauteuil au dossier
superbement sculpté, mais dont l'étoffe
tombe en ruines. La comtesse, sans une
plainte, sans un murmure, mais avec
une opiniâtreté féroce, coud les vête-
ments de son deuil prochain devant son
mari inerte, impuissant même à protes-
ter, qui la regarde d'un œil effaré,
tremblant, lui qui a si largement dé-
pensé sa vie, devant la mort imminente.
Le comte disparu, les deux fils res-
tent : ils ont le même tempérament ar-
dent, qu'une éducation à demi sauvage,
au milieu des courses dans la lande,
n'était pas de nature à adoucir. Ils n'ont
pas de-métier, l'idée ne leur est jamais
venue d'en avoir un, dans leur solitude
de châtelains misérables. La servante
n'a pas été congédiée : ils s'y sont op-
posés, malgré leur mère. Pourquoi ?
C'est que cette fillette de dix-huit ans
constitue, à la vérité, le plus net de
l'héritage paternel. Elle n'est ni belle
ni gracieuse, elle ne sait pas lire, elle
ne parle même que breton : mais elle
est jeune et femme, et cela suffit pour
leurs appétits. Mais qui l'aura ? Elle,
bonne fille, habituée à ne pas faire tant
de cas d'elle-même, elle ne demande
pas mieux que de se partager. Elle n'a
pas, dans sa corruption naïve de pay-
sanne, l'art des coquetteries. C'est sa
vie que d'être esclave en tout ; elle ne
tient qu'à être nourrie à peu près. Toute
petite, le comte l'a prise : pourquoi ne
serait-elle pas aux fils ? Quelles évoca-
tions de tableaux d'intérieur font passer
ces procès de cours d'assises !
L'aîné et le cadet ont donc part tous
deux dans ses rustiques faveurs. A la
longue, la bestiale passion de l'aîné se
transforme en une espèce d'amour ja-
loux, irraisonné, tout d'instinct. Il veut
être le seul à aimer, et il impose sa
volonté à son frère. Celui-ci résiste à
ce caprice autoritaire. Il n'accepte même
pas une étrange combinaison d'après
laquelle l'aîné met à sa disposition le
peu qu'il a pour chercher fortune amou-
reuse ailleurs : cette singulière propo-
sition de marché a été révélée aux
débats. Alors l'aîné, furieux de cette
résistance, se fâche. Ce rustre s'est
affolé pour cette campagnarde obscure,
dont l'âme semble sommeiller, et qui,
à l'audience, ne comprendra pas ce
qu'elle vient faire en qualité de témoin,
et, habituée qu'elle est à obéir, s'offri-
rait sans résistance, si on le lui disait,
à tout le monde, aux huissiers, aux
gendarmes, aux curieux.
Une querelle s'engage. L'aîné, après
quelques coups de poing échangés,
comme au temps de l'enfance passée
en jeux violents dans la liberté de la
bruyère, s'en va un moment, prend un
fusil, le charge et vise son frère, qui
tombe mort.
Cela fut bien près d'être une cause
célèbre. Il y avait de vieux noms bre-
tons compromis, par leurs alliances an-
ciennes, dans cette affaire. Je crois me
rappeler que le criminel ne survécut
que de fort peu à sa condamnation.
Tout n'est-il pas disposé pour le ro-
man dans cette histoire vraie ? Et ce
personnage même de la comtesse, qu'on
aperçoit, comme à travers un voile, dé-
tachée de la terre, se réfugiant dans
une piété étroite, et non résignée
pourtant, n'apparaît-il pas tout « posé »
pour une action dramatique ?
Voulez-vous pire encore? Dans la col-
lection des journaux judiciaires d'il y a
dix ans, on trouvera une autre affreuse
histoire. Il ne s'agit plus de deux frères,
il s'agit d'un père et de son fils.
J1 y a eu crime. Le parricide est ar-
rêté, on l'accuse d'une cupidité infâme:
nul doute n'est possible ; il a tué son
père pour hériter plus vite de lui. On
est là encore dans un monde de demi-
paysans, de gentillâtres campagnards,
en Vendée, et le substitut chargé de re-
quérir se met en frais d'éloquence. Il
montre le fils dénaturé querellant sans
cesse son père, le maltraitant, refusant
de s'asseoir à sa table, parfois ne ca-
chant pas sa haine ; il fait un tableau
ému de l'abandon de ce vieillard, dans
sa propre maison, réduit à n'espérer uh
peu de compassion que d'une fille de
ferme qui lui prodigue des soins tou-
chants, qu'il oppose à la rudesse de
l'autre, du meurtrier.
Celui-ci ne s'était pas défendu. En-
fermé dans un mutisme farouche, il lais-
sait dire. Tout à coup il se lève : « Je
veux parler, s'écrie-t-il ; je veux la pro-
clamer, la vérité vraie !. Ah! on vente
la vertu de cette fille !. »
Et tout d'un trait, alors, il raconte ce
qui s'est réellement passé ; il dit pour-
quoi il a tué. Cette fille, cette domesti-
que en sabots, il l'aimait et il la pour-
suivait, sans comprendre ses rigueurs.
Pourquoi donc ne voulait-elle pas de
lui ? Il la cherchait dans les champs, et
elle s'enfuyait ; il allait rôder auprès de
sa chambre, la nuit, éperdu, il l'ap-
pelait d'une voix enfiévrée, et elle ne
répondait pas. Un jour, il rentre de la
chasse ; il trouve la porte de la cui-
sine fermée. Une angoisse le saisit; il
colle ses yeux au trou de la serrure et
pousse un cri de rage.
Elle ne voulait pas de lui parce qu'elle
était la maîtresse de son père, espérant
bien qu'il ne l'oublierait pas à l'heure
du testament, qui joue un si grand rôle
à la campagne. L'amant dédaigné s'em-
para d'une hache, força la porte et fen-
dit le crâne du vieillard.
Ah ! non, hélas ! il n'y a pas qu'au
Château-d'Eau qu'on tue, qu'on s'assas-
sine entre gens du même sang et du
même nom, — et que la passion en est
la cause. Quelle « quantité d'enfer », se-
lon la prodigieuse expression d'Hugo,
quelle quantité d'enfer tient donc dans
ce mot là : l'amour ?
PAUL GINISTY.
P.-S. — A propos des réflexions que
j'ai faites sur la mort de Mlle Vinay,
après son insuccès au théâtre de Cette,
j'ai reçu une lettre fort spirituelle, écrite
par un Cettois, m'affirmant que ses con-
citoyens ne sont point si barbares qu'il
semble. Je ferai remarquer à mon ai-
mable correspondant que ce sont sur-
tout des observations générales que j'ai
présentées sur la façon de goûter, en
province, le plaisir du théâtre.
P. G.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Jeudi, 12 novembre.
Etre si près du pont de la Concorde et
de la place du même nom. et être si loin
de s'entendre, même lorsqu'il s'agit du
choix d'un simple vice-président, avouez
que cela frise un peu le ridicule.
Nos honorables l'ont compris, car hier
le vent soufflait à la paix et, comme l'a
écrit M. Andrieux, « à la stabilité ».
Est-ce la réunion de la veille, à la rue
Cadet, où quelques députés avaient enfin
fait entendre quelques paroles sages et
politiques, qui commençait de porter ses
fruits? Il faut le croire; car, à notre arrivée
au Palais-Bourbon, la première nouvelle
que nous apprenons, est qu'il y une dé-
tente considérable dans les esprits. On
s'est aperçu, un peu tard, hélas 1 qu'on
avait fait un pas de clerc en contribuant à
l'élection de ce bon M. Pierre Blanc, avec
l'aide des réactionnaires, on a compris
également que le parti républicain tout
entier aurait désiré de la majorité, comme
acte de début, autre chosequ'une « gaffe ».
Les grands enfants qui siègent à l'Ex-
trême-Gauche semblaient regretter eux-
mêmes la bévue d'avant-hier. Enfin n'y
pensons plus ; la faute est commise, l'im-
portant est qu'elle ne se renouvelle plus.
La séance d'hier n'a pas présenté grand
intérêt. L'élection de 386 députés a été
validée sans débats ; les rapporteurs sont
venus successivement à la tribune lire un
boniment conçu dans les mêmes termes
pour tous, lequel concluait en faveur de
la validation des opérations électorales.
Ce manège a duré jusqu'à quatre heures,
au milieu de l'inattention générale, dans
le bruit des conversations. Aujourd'hui on
le continuera et l'on s'arrêtera aux élec-
tions qui sont contestées.
Lundi, après la lecture de la déclaration,
on abordera les élections qui sont l'objet
de protestations.
Nous assisterons évidemment à une
série de séances intéressantes et des plus
instructives. Ce sera un petit lavage de
linge salé électoral très édifiant; certains
départements, le Haut-Rhin, la Corse, les
Alpes-Maritimes par exemple, etc., etc.,
nous fournirons ce gai spectacle ; et il
pourrait bien se faire que tel député de la
Droite qui se croit déjà inamovible fût
obligé d'aller se retremper dans les eaux
salutaires du suffrage universel.
Cette opération ne réussit pas toujours
et produit des effets souvent inattendus.
Louis DESFORGES.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Un entretien avec H. Jules Grévy
Les députés des Basses-Alpes ont fait
jeudi soir une visite à M. Jules Grévy.
Le président de la République a accueilli
ces messieurs avec son affabilité ordinaire
et s'est entretenu longuement avec eux.
Nous sommes en mesure d'indiquer le
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédactioa
de 2 heures à minuit
16» ru.o Cadet, 1Q
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rend.
ABONNEMENTS
DEPARTEMENTS
Trois mois * 6 »»
e:: mois. 32 »»
tJn an. 62 »»
PARIS
Trois mois. 13 ww
Six mois. 25 M
Un an. 90 »»
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tesonnèmill partent des 1er et 15 de chaqae moit
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Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrâtes?
10, rue Cadet, 10
Les Lettres non affranchies seront refusées
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ET DANS SES SUCCURSALES
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MM. les Souscripteurs dont l'abonne-
ment expire le 15 novembre sont priés
tic te renouveler immédiatement s'ils
ne veulent pas éprouver de retard dans
l'envoi du journal.
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PETITE ÔOÛRSE DU som.
3 0/0 80 02, 06, 02.
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ëorique Ottomane. 495 62, 496 25, 494 37.
Egypte 319 37, 319 06.
Rio Tinto 253 75, 252 50, 253 75.
Extérieure 4 0/0 56 3/4, 9/16.
Panama. 407 50.
Hongrois 79 15/16, 7/8.
SOMMAIRE
Dernière heure.
Question du jour (l'Encyclique). — 4».
JëitrttAe de Pfttift.
Drames intimes. — PAUL GINISTY.
Courrier de la Chambre. — Louis DESFORGES
Informations particulières.
ta Ëijreêtion des colonies-— Louis HENRIQUE.
Bulletin de l'étrangèr.
Informations.
Revue de la presse. — NACHBTTB.
Documents parlementaires.
Bibliographie.
Courrier de la Bourse. — H. LH FAURB.
Le Sport du jour. — FAVBLLIS.
Tribunaux.
îaa Température.
Faits divers. — JEAN VALLÏÈRË.
Courrier des théâtres. — GEORGES FEYDEAXJ.
La Foire aux écus. — ALPH. DE BERNARD.
DERNIÈRE HEURE
A CHANCELADË
Périgueux, i2 novembre.
Les corps des époux Mazet et de leur
petite fille ont été retrouvés, ce matin,
Sous des blocs énormes de 25 mètres cu-
bes, à la principale entrée des carrières.
Les cadavres sont dans un état de décom-
position avancée.
La petite fille a le corps coupé en deux.
Son père, qui la portait sur ses épaules au
moment de la catastrophe, a été retrouvé
dans la même position, les mains réunies
devant sa poitrine et fermées comme s'il
tenait encore les jambes de son enfant.
Le corps de Mme Mazet est encore sous
un rocher, mais on l'aperçoit à la lumière
d'une bougie. Il ne pourra être dégagé que
tard ce soir ou demain.
On a fait ce matin des expériences mi-
crotéléphoniques dans le puits de forage.
Un assistant croit avoir entendu des gé-
missements répondre aux coups frappés.
Le forage du puits est arrêté depuis
deux jours.
LA SANTÉ DU ROI ALPHONSE XII
Les Cortès seront ouvertes par un dé-
cret royal, mais le roi ne prononcera pas
de discours.
On sait les bruits alarmants qui courent
depuis plusieurs mois déjà sur l'état de
santé du roi Alphonse XII. Il semble qu'ils
soient confirmés par le silence du roi à
l'ouverture des Cortès, étant données la gra-
vité de la situation politique en Espagne
et le conflit avec l'Allemagne.
QUESTION DU JOUR
L'encyclique
Le saint-siège a livré une encyclique
de plus à la vénération des fidèles et
aux disputes des commentateurs. Ce
long document, qui portera dans l'his-
toire le nom d'encyclique Immortale Dei,
est un exposé complet de la doctrine
des rapports entre l'Eglise et l'Etat se-
lon le pontife régnant. Malheureusement
pour ceux qui voudraient la résumer,
on y trouve à la fois les affirmations
traditionnelles dont un pape ne peut
s'abstenir sous peine d'infliger un dé-
menti à ses prédécesseurs, et les idées
personnelles de Léon XIII. Ce que Pie IX
a promulgué ne peut pas être abrogé,
puisque Pie IX était infaillible, et le
théologien homme d'Etat qui occupe
aujourd'hui la chaire de saint Pierre est
contraint de répéter même ce qu'il vou-
drait contredire, ce qu'il contredit par
d'ingénieux et subtils commentaires.
De là, pour qui s'efforce de démêler
la pensée du vénérable auteur, des dif-
ficultés qui seraient presque insurmon-
tables si l'on n'avait pour se guider dans
ce vaste labyrinthe quelques données
un peu plus précises sur le caractère et
les aspirations de Léon XIII. On le sait
prudent et relativement libéral, si ce
mot peut s'appliquer à un homme qui
n'est pas libre de reconnaître que ses
prédécesseurs se sont trompés. On en
conclut que quand il affirme l'omnipo-
tence de l'Eglise il parle au nom de la
tradition dont il est le dépositaire et un
peu le prisonnier, tandis que quand il
fait des concessions, c'est en son propre
nom et pour obéir à la raison qui ne
perd pas toujours son empire même sur
un infaillible.
Ainsi, en ce qui concerne la liberté de
conscience, l'auteur de l'encyclique Im-
mortelle Dei la condamne et l'accorde
tour à tour ; comme ses devanciers l'ont
déjà proscrite, on admettra qu'il exprime
plus spécialement sa pensée quand il
parle le langage de la tolérance. Mais
quelles étranges contradictions, et com-
bien il devient malaisé de prendre tout
à fait ail ëéfiëtlx l'enseignement d'une
Église qui, pour paraître immuable, en
vient à proposer aux fidèles de vérita-
bles rébus !
« L'Etat, dit Léon XIII; s'écarte donc
des règles et des prescriptions naturel-
les s'il favorise à ce point la licence des
opinions, que l'on puisse impunément
éloigner les esprits de la vérité. » Cela
hl est-il pas clair? Si l'on ne peut impu-
nément éloigner les esprits de la vérité
catholique, la liberté de conscience
n'existe pas, et c'est, en effet, ce que
l'Eglise a toujours voulu. »
Cependant le même Léon XIII nous
dit dans le même document : « Si
l'Eglise juge que les divers cultes ne
peuvent être mis sur un pied d égalité
avec la vraie religion, elle ne condamne
pas pour cela les gouvernements qui,
en vue soit de procurer un grand bien,
soit d'éviter un grand mal, tolèrent
dans la pratique et dans l'usage que ces
cultes aient une place dans la cité, »
Ainsi l'Eglise demande aux gouverne-
ments d'empêcher la propagande des re-
ligions ilon catholiques ; mais elle n'exige
pas qu'ils en gênent l'exercice : comme
si l'on pouvait pratiquer une religion
sans chercher à la répandre ! D'ailleurs,
le successeur de Pie IX, et de tous les
papes qui ont établi, confirmé et encou-
ragé l'Inquisition, ajoute ces paroles
surprenantes : « L'Eglise a aussi conti-
nué de s'opposer fortement à ce que
personne soit contraint d'embrasser la
foi catholique; car l'homme, comme dit
sagement saint Augustin, ne peut croire
que volontairement. » Saint Augustin
était fort sage, en effet, ce jour-là, ce
qui ne l'a pas empêché d'exciter les
magistrats romains à persécuter les
schismatiques de son temps. Et Léon XIII
n'est pas moins sage que l'éloquent évê-
que d'Hippone en proclamant une si
belle maxime ; mais que fait-il de la tra-
dition ?
La tradition, c'est la force du catho-
licisme, mais c'est elle aussi sa fai-
blesse. Les hommes qui se contentent
d'être des hommes peuveht reconnaître
que leurs pères se sont trompés et qu'ils
se sont trompés eux-mêmes. Mais que
peut faire un esprit éclairé et sincère-
ment libéral, accablé sous le poids d'un
immense amas de précédents, d'une bi-
bliothèque de brefs, d'encycliques et de
canons? La tradition asservit un pape
comme l'ancienne étiquette asservissait
une reine d'Espagne. Mais l'étiquette,
après tout, n'enchaîne que le corps ;
dans l'Eglise, c'est l'âme même qui est
garrottée. C'est en vain qu'un pape voit
clairement les erreurs et les fautes de
ses prédécesseurs ; il lui est interdit de
les avouer au monde, de se les avouer
à lui-même, et il se jette dans des sub-
tilités infinies pour contenter tout le
monde et sa propre intelligence. Encore
s'il y réussissait !
De même en ce qui concerne la poli-
tique pure. L'encyclique Immortale Dei
fait l'éloge de la monarchie et condamne
le principe du suffrage universel : « Dans
l'ordre politique et civil, les lois ont pour
objet le bien commun et ne sont pas
dirigées par la volonté et le jugement
trompeur de la multitude, mais par la
vérité et la justice. L'autorité des princes
revêt une sainteté plus qu'humaine. »
Vous croyez lire un manifeste monar-
chiste, mais vous trouvez plus loin ces
lignes : « Toutefois, à bien comprendre
ces paroles et ces décisions, aucune
des diverses formes de gouvernement
n'est condamnée en elle-même, car
elles n'ont rien qui répugne à la doctrine
catholique et elles peuvent, si elles sont
pratiquées avec sagesse et justice,
maintenir l'Etat dans la meilleure si-
tuation. »
On voit combien il est malaisé de ti-
rer une conclusion bien nette de ce do-
cument ample et touffu. Chacun y trou-
vera ce qu'il voudra. Les royalistes
remercieront Léon XIII des arguments
qu'il leur fournit contre le dogme de la
souveraineté populaire ; rien n'empêche
les républicains catholiques, s'il y en a,
de rester à la fois républicains et catho-
liques. Les libéraux eux-mêmes ne sont
pas positivement condamnés, bien que
les réactionnaires aient lieu d'être satis-
faits. En somme, le pape reconnaît l'in-
dépendance du pouvoir civil, pourvu que
le pouvoir civil s'incline devant l'Eglise
en ce qui intéresse les mœurs, les
croyances, l'éducation de la jeunesse,
et généralement dans toutes les ques-
tions où il plaît à l'Eglise de se déclarer
seule compétente. Le pape condamne la
liberté de conscience pure et simple,
mais il admet la tolérance. Il condamne
le principe de la souveraineté du peu-
ple, mais il admet la forme républicaine.
Il fait des avances aux monarchies,
mais il ne veut pas se brouiller à mort
avec les républiques. Il est fidèle à la
tradition, mais il désirerait bien vivre
en paix avec la société moderne, qu'il
félicite même, dans une assez belle page,
des progrès de la civilisation et des dé-
couvertes de la science.
Ici le lecteur s'impatiente : « Dites
donc, s'écrie-t-il, que Léon XIII mé-
nage la chèvre et le chou:l'» Quoique
cette expression proverbiale soit peu
respectueuse, il faut avouer qu'elle rend
assez bien la pensée de quiconque par-
court sans parti pris ce long discours
latin. Après tout, cela marque au moins
une notable différence entre le présent
pape et son illustre prédécesseur, qui
ne ménageait nullement le chou.
*
LA JOURNÉE DE PARIS
-
LES FÊTES DU COMMERCE PARISIEN.
— Le comité de direction des fêtes du com-
merce et de l'industrie s'est définitivement
ddnstîtué dans sa séance d'hier.
Le comité à arrêté le programme des fêtes
qu'il donnera :
Une première série de bals, fêtes de nuit,
concerts, spectacles, etc., se succèderont
cet hiver, dans le but d'aider le commerce de
détail, de donner du travail aux ouvriers des
industries de luxe, de retenir et d'attirer les
étrangers.
Quant aux fêtes historiques, elles dureront
quinze jours, avec des fêtes de jour et de
nuit, un carrousel militaire et le grand cor-
tège historique. -
Nous nous associons à ces magnifiques
projets, cela va sans dire, et surtout nous
sommes heureux d'entendre dire que l'on doit
s'amuser à Paris autant qu'en aucun lieu
du monde, en dépit de M. Cattiaux, le Caton
autonomiste.
«
* *
LE BUDGET DE PARIS. — Un mémoire
du préfet de la Seine au conseil munici-
pal fait connaître que les recettes de l'octroi
continuent à être en diminution ; il y a lieu
de prévoir pour l'ensemble de l'année une
moins-value de 4,500,000 francs.
La recette atteindra donc à peine 35 millions
500,000 francs au lieu des 40 millions qu'on
avait prévus.
Des plus-values de 939,300 francs atté-
nuent cette diminution considérable ; elles
laissent néanmoins subsister une insuffisance
de 3,560,700 francs par rapport aux prévisions
énoncées dans le projet de budget.
Une réduction égale sur les dépenses de-
vient nécessaire.
Dans son mémoire, le préfet propose de faire
porter cette réduction sur le service du per-
sonnel pour 200,000 francs ; sur celui de l'en-
seignement pour 422,830 francs ; sur le ser-
vice de la dette, 100,000 francs ; sur l'Assis-
tance publique, 500,000 francs ; sur les
travaux, 2,650,000 francs !
Ces sacrifices sont-ils possibles? C'est un
problême délicat à résoudre. La réforme du
personnel, entreprise cette année déjà, don-
nera assez facilement les 200,000 francs de
diminution de dépenses qu'on lui demande.
Sur le chapitre des écoles, la réduction at-
teindrait pour 80,000 francs les récompenses
scolaires accordées dans le courant de l'an-
née, sans toucher aux distributions de prix ;
pour 100,000 francs les bibliothèques sco-
laires et le matériel classique; pour 111,000
francs les voyages de vacances, qui seraient
totalement supprimés jusqu'à nouvel ordre.
On remettrait enfin à plus tard la création de
nouvelles écoles professionnelles, dont le cha-
pitre absorbait un crédit de 91,830 francs.
100,000 francs seraient retranchés à l'amor-
tissement de la dette municipale et 500,000 fr.
à l'Assistance publique, qu'on autoriserait à
utiliser à la place un reliquat de même somme
provenant d'anciennes subventions spéciales.
Mais ce sont surtout les travaux publics qui
souffrent de cette insuffisance de ressources :
l'architecture perd 950,000 fr. ; la voirie
1,100,000 fr.; les eaux, 600,000 fr. D'autres
modifications moins importantes seraient ap-
portées soit au budget ordinaire, soit au bud-
get extraordinaire, et l'emprunt commençant
à fonctionner au profit des services en souf-
france rendrait moins sensibles les inconvé-
nients de ces suppressions de crédit.
Cependant il en est qu'il nous parait diffi-
cile de considérer comme définitives, et il nous
semble qu'il y aurait d'autres services à tou-
cher avant les écoles, la voirie ou les eaux
dont le bon entretien intéresse si vivement
la population.
«
* *
RABELAIS CHIRURGIEN. — On sait que
Rabelais était médecin. Dans un dialogue du
temps, un pendu se félicite même d'avoir été
disséqué par l'auteur de Pantagruel.
Notre confrère M. Arthur Heulhard, qui, de-
puis dix ans, s'occupe de réunir les éléments
d'une biographie définitive de Rabelais, a fait
déposer sur le bureau de. la Société de chi-
rurgie une notice sur « Rabelais chirurgien »,
pleine de détails nouveaux et intéressants.
C'est ainsi que M. Arthur Heulhard 'a mis la
main sur une traduction française de Galien,
datée de 1533, à la fin de laquelle se trouvent
deux gravures suri bois représentant « des
instruments utiles pour contenir les membres
fracturés, un glottotomon de l'invention de
M. François Rabelais, docteur en médecine,
et un syringotome »
Nous reviendrons sur cette curieuse décou-
verte.
*
* *
LE PLUS PARISIEN DES ESPAGNOLS.
— Le cercle de la Presse va bientôt revoir
un de ses plus fidèles habitués. On annonce
la prochaine arrivée à Paris du comte de
Casa-Miranda, plus connu en France, sous le
nom d'Angel de Miranda.
Le comte de Casa-Miranda est aujourd'hui
député aux Cortès et chef de section à la
présidence du conseil des ministres en Espa-
gne.
Le boulevard mène à tout, — mais on re-
vient toujours au boulevard !
*
*' *
SOUSCRIPTION COURBET. — La sous-
cription pour le monument de l'amiral Cour-
bet atteint actuellement le chiffre de 145,000
francs.
Le ministre des affaires étrangères vient
d'adresser au président du comité, M. l'amiral
de Dompierre-d'Hornoy, une somme de
quinze-cent quatre-vingt-cinq francs, repré-
sentant la souscription de la. colonie française
à Saint-Pétersbourg.
En tête de la liste figurent les noms sui-
vants : général Appert, ambassadeur de
France, et tout le personnel de l'ambassade ;
Biard d'Aunet, consul de France ; Du Buit, di-
recteur des mines franco-russes ; E. Colat, di-
recteur du laboratoire chimique; Duperret,
professeur des enfants de S. M. l'empereur de
Russie ; Mme de Boisredon, MM. Los Vallès,
Carraby, directeur du Crédit lyonnais, Vizen-
tini.
Nous ne pouvons, en enregistrant le total
de cette souscription, qu'exprimer une fois
de plus le regret que de peu délicats amis de
l'amiral lui aient fait jouer après sa mort un
rôle politique et électoral au moyen de ses
lettres intimes. Sans cette lourde faute, le
monument élevé par la France entière au
soldat de Fou-Tcheou eût pu être plus im-
posant et aurait eu à coup sûr une significa-
tion plus haute.
*
* *
UN FAUX BOLIDE. — Dimanche soir, un
grand nombre de Parisiens, dont nous-mê-
mes, avaient, en écarquillant les yeux, con-
templé au-dessus de Montmartre un corps
brillant qui, quelques minutes après, dispa-
saissait dans la nuit. Nous avions, comme
tous nos confrères, relaté ce fait en attri-
buant au passage d'un bolide ce mysté-
rieux phénomène.
Il paraît que ce bolide n'était autre que le
ballon la Vénus, éclairé à la lumière élec-
trique et lancé sur les hauteurs de Mont-
martre.
Jusqu'ici, l'erreur est plaisante. Mais ce
qui nous empêche d'en rire de bonne grâce,
c'est que l'on craint que cet aérostat ne soit
perdu. On n'a encore reçu, depuis dimanche,
aucune nouvelle des deux personnes qui le
montaient, MM. Falubas et Thomas.
*
* *
UN LEGS. — M. Léonce Chaillou, avocat
à Paris, décédé l'été dernier aux Eaux-Bonnes,
a, entre autres dispositions testamentaires,
fait un legs de trente mille francs à la Société
de protection des Alsaciens-Lorrains, présidée
par M. le comte d'Haussonville.
«
* *
LE SPIRITISME. — Le premier numéro
de la Pensée libre, organe de recherches
psychiques, vient de paraître. Nous y trou-
vons le détail de la méthode à employer pour
opérer selon les règles de l'art :
« Comment la table parle-t-elle ?
» Par un système de convention : un coup
frappé par son pied signifie Oui, deux coups,
Non, etc. Pour obtenir des mots et des
phrases, le médium épèle l'alphabet A, B,
C, D.; à l'énoncé de chaque lettre,le pied de
la table frappe un coup ; quand la table s'ar-
rête, le médium s'arrête aussi ; on inscrit
alors la lettre ainsi désignée et l'on passe à la
suivante. Ainsi se forment les mots, puis les
phrases nombreuses souvent empreintes
d'une élévation sublime, et dépassant parfois,
par leur haute portée scientifique ou morale,
les connaissances et facultés --- de l'intermé-
diaire. Disons en passant qu'il y a des jeunes
enfants médiums. Ce procédé pourra paraître
long et fatigant aux personnes qui liront cette
explication imparfaite ; dans la pratique, il
arrive que, d'après les mots déjà transmis, on
devine les suivants dès leurs premières let-
tres. Quand par hasard on se trompe, la
table dit Non et recommence à épeler. Chacun
peut, par ce moyen, évoquer ses parents ou
amis défunts. »
Malgré le grand sérieux avec lequel on
parle de l'expérience, j'avoue que je ne suis
pas convaincu. Et cependant la Pensée libre
publie des attestations qui devraient ébranler
mon scepticisme.
Qu'on en juge par ces échantillons :
Éviter le phénomène spirite, lui faire ban-
queroute de l'attention, c'est faire banque-
route à la vérité.
VICTOR HUGO.
Je crois aux esprits frappeurs d'Amérique
attestés par quatorze mille signatures.
AUGUSTE VACQUERIE,
Rédacteur en chef du Rappel.
Je dis que je crois au spiritisme et je sais
ce que je dis.
NAPOLÉON III.
J'ai ri comme tout le monde du spiritisme,
mais ce que je prenais pour le rire de Vol-
taire n'était que le rire de l'idiot, beaucoup
plus commun que le premier.
Eug. BONNEMÉRE,
de la Société des gens de lettres.
Et moi qui croyais que les tables tournan-
tes n'avaient été inventées par les bourgeois
du Marais que pour remplacer le loto et le
jeu de l'oie renouvelé des Grecs !
*
* *
SCÈNE DE LA VIE DE PPOVINCE. -
Un de nos amis qui arrive du Midi nous fait
le récit d'une petite fête où l'on n'a pas dû
s'ennuyer :
« Un écrivain, un poète, aujourd'hui per-
cepteur, réunissait à Toulouse, dimanche
dernier, dans les salons d'un café, les sous-
cripteurs à l'édition complète de ses œuvres,
pour les faire participer aux chances d'une
tombola qui se composait de trois lots.
M M. X., receveur de l'enregistrement à
R., porteur du numéro 227, a gagné 12 bou-
teilles de vieux armagnac de 1841.
» M. Z., receveur municipal à E., a
gagné, avec le numéro 337, une dinde truffée.
» Enfin M. V., percepteur à L., ayant
le numéro 81, a gagné un singe empaillé! »
Des trois lots, c'est ce dernier qui a fait
certainement la plus triste figure au punch
qui a suivi le tirage de cette tombola miri-
fique !
DRAMES INTIMES
Je n'ai pas à dire ici mon opinion sur
le Cain de M. Jules de Marthold, repré-
senté avant-hier au Château-d'Eau. Mais
la donnée même de la pièce peut relever
de la simple chronique, dans la cruelle
étude de passion qu'elle offre. On n'in-
vente pas plus dans l'horrible qu'ail-
leurs.
Ah, le bon benêt qu'il semble aujour-
d'hui, ce Caïn biblique qui tuait son
frère parce que ses offrandes étaient
moins agréables au Seigneur que celles
d'Abel! Il est vrai que, en ces temps
fabuleux, la femme ne jouait encore
qu'un rôle terriblement effacé.
Mais, sans entrer dans le domaine de
la littérature, que de drames aussi vio-
lents que celui du Château-d'Eau se
sont déroulés devant les tribunaux ! Il
n'y a rien de nouveau sous le soleil,
mais un humoriste a fait observer, un
jour, en disant une chose profonde sous
son apparente raillerie, que si rien n'est
nouveau, c'est exactement comme si
tout était toujours nouveau. L'homme
ne change pas, mais à chaque généra-
tion les hommes se renouvellent. « Le
monde est las de tout son vieux passé, »
s'écrie Shelley ; et le monde donne éter-
nellement le même spectacle.
Tant qu'il y aura de l'amour, il y aura
du sang versé. Ce serait un problème
philosophique digne de tenter un de ces
statisticiens héroïques qui ne reculent
devant rien que d'établir si les grandes
épopées guerrières ont fait, en somme,
plus de victimes que les continuelles
tragédies amoureuses. Amitiés solides,
affections de famille, qu'est-ce qui ne
s'effondre pas quand l'amour est en jeu?
Tenez, sans aller chercher bien loin,
vous rappelez-vous cette épouvantable
histoire d'une famille bretonne? Cela
date de cinq ou six ans tout au plus.
Nobles et gueux, ils sont là quatre
qui vivent assez misérablement dans un
vieux château délabré. Ce sont encore
les seigneurs du pays, mais quels sei-
gneurs 1 La misère s'asseoit dans la
grande salle à manger féodale, sous les
panneaux armoriés. Le père a été grand
chasseur et—robuste, violent, âpre et
rude — grand coureur de filles aussi.
La mère, figure triste, qui passe dans le
procès comme une ombre lamentable,
donne tout son temps à l'église, sans
avoir oublié cependant tous les affronts,
toutes les humiliations dont, trente ans
durant, elle a été abreuvée. Elle le
prouve quand, frappé d'une attaque de
paralysie dans la chambre d'une ser-
vante à laquelle il portait ses derniers
hommages de galantin incorrigible, le
vieux gentilhomme est condamné à traî-
ner le reste de ses jours dans une im-
mobilité absolue, assis, auprès d'un
maigre feu, dans un fauteuil au dossier
superbement sculpté, mais dont l'étoffe
tombe en ruines. La comtesse, sans une
plainte, sans un murmure, mais avec
une opiniâtreté féroce, coud les vête-
ments de son deuil prochain devant son
mari inerte, impuissant même à protes-
ter, qui la regarde d'un œil effaré,
tremblant, lui qui a si largement dé-
pensé sa vie, devant la mort imminente.
Le comte disparu, les deux fils res-
tent : ils ont le même tempérament ar-
dent, qu'une éducation à demi sauvage,
au milieu des courses dans la lande,
n'était pas de nature à adoucir. Ils n'ont
pas de-métier, l'idée ne leur est jamais
venue d'en avoir un, dans leur solitude
de châtelains misérables. La servante
n'a pas été congédiée : ils s'y sont op-
posés, malgré leur mère. Pourquoi ?
C'est que cette fillette de dix-huit ans
constitue, à la vérité, le plus net de
l'héritage paternel. Elle n'est ni belle
ni gracieuse, elle ne sait pas lire, elle
ne parle même que breton : mais elle
est jeune et femme, et cela suffit pour
leurs appétits. Mais qui l'aura ? Elle,
bonne fille, habituée à ne pas faire tant
de cas d'elle-même, elle ne demande
pas mieux que de se partager. Elle n'a
pas, dans sa corruption naïve de pay-
sanne, l'art des coquetteries. C'est sa
vie que d'être esclave en tout ; elle ne
tient qu'à être nourrie à peu près. Toute
petite, le comte l'a prise : pourquoi ne
serait-elle pas aux fils ? Quelles évoca-
tions de tableaux d'intérieur font passer
ces procès de cours d'assises !
L'aîné et le cadet ont donc part tous
deux dans ses rustiques faveurs. A la
longue, la bestiale passion de l'aîné se
transforme en une espèce d'amour ja-
loux, irraisonné, tout d'instinct. Il veut
être le seul à aimer, et il impose sa
volonté à son frère. Celui-ci résiste à
ce caprice autoritaire. Il n'accepte même
pas une étrange combinaison d'après
laquelle l'aîné met à sa disposition le
peu qu'il a pour chercher fortune amou-
reuse ailleurs : cette singulière propo-
sition de marché a été révélée aux
débats. Alors l'aîné, furieux de cette
résistance, se fâche. Ce rustre s'est
affolé pour cette campagnarde obscure,
dont l'âme semble sommeiller, et qui,
à l'audience, ne comprendra pas ce
qu'elle vient faire en qualité de témoin,
et, habituée qu'elle est à obéir, s'offri-
rait sans résistance, si on le lui disait,
à tout le monde, aux huissiers, aux
gendarmes, aux curieux.
Une querelle s'engage. L'aîné, après
quelques coups de poing échangés,
comme au temps de l'enfance passée
en jeux violents dans la liberté de la
bruyère, s'en va un moment, prend un
fusil, le charge et vise son frère, qui
tombe mort.
Cela fut bien près d'être une cause
célèbre. Il y avait de vieux noms bre-
tons compromis, par leurs alliances an-
ciennes, dans cette affaire. Je crois me
rappeler que le criminel ne survécut
que de fort peu à sa condamnation.
Tout n'est-il pas disposé pour le ro-
man dans cette histoire vraie ? Et ce
personnage même de la comtesse, qu'on
aperçoit, comme à travers un voile, dé-
tachée de la terre, se réfugiant dans
une piété étroite, et non résignée
pourtant, n'apparaît-il pas tout « posé »
pour une action dramatique ?
Voulez-vous pire encore? Dans la col-
lection des journaux judiciaires d'il y a
dix ans, on trouvera une autre affreuse
histoire. Il ne s'agit plus de deux frères,
il s'agit d'un père et de son fils.
J1 y a eu crime. Le parricide est ar-
rêté, on l'accuse d'une cupidité infâme:
nul doute n'est possible ; il a tué son
père pour hériter plus vite de lui. On
est là encore dans un monde de demi-
paysans, de gentillâtres campagnards,
en Vendée, et le substitut chargé de re-
quérir se met en frais d'éloquence. Il
montre le fils dénaturé querellant sans
cesse son père, le maltraitant, refusant
de s'asseoir à sa table, parfois ne ca-
chant pas sa haine ; il fait un tableau
ému de l'abandon de ce vieillard, dans
sa propre maison, réduit à n'espérer uh
peu de compassion que d'une fille de
ferme qui lui prodigue des soins tou-
chants, qu'il oppose à la rudesse de
l'autre, du meurtrier.
Celui-ci ne s'était pas défendu. En-
fermé dans un mutisme farouche, il lais-
sait dire. Tout à coup il se lève : « Je
veux parler, s'écrie-t-il ; je veux la pro-
clamer, la vérité vraie !. Ah! on vente
la vertu de cette fille !. »
Et tout d'un trait, alors, il raconte ce
qui s'est réellement passé ; il dit pour-
quoi il a tué. Cette fille, cette domesti-
que en sabots, il l'aimait et il la pour-
suivait, sans comprendre ses rigueurs.
Pourquoi donc ne voulait-elle pas de
lui ? Il la cherchait dans les champs, et
elle s'enfuyait ; il allait rôder auprès de
sa chambre, la nuit, éperdu, il l'ap-
pelait d'une voix enfiévrée, et elle ne
répondait pas. Un jour, il rentre de la
chasse ; il trouve la porte de la cui-
sine fermée. Une angoisse le saisit; il
colle ses yeux au trou de la serrure et
pousse un cri de rage.
Elle ne voulait pas de lui parce qu'elle
était la maîtresse de son père, espérant
bien qu'il ne l'oublierait pas à l'heure
du testament, qui joue un si grand rôle
à la campagne. L'amant dédaigné s'em-
para d'une hache, força la porte et fen-
dit le crâne du vieillard.
Ah ! non, hélas ! il n'y a pas qu'au
Château-d'Eau qu'on tue, qu'on s'assas-
sine entre gens du même sang et du
même nom, — et que la passion en est
la cause. Quelle « quantité d'enfer », se-
lon la prodigieuse expression d'Hugo,
quelle quantité d'enfer tient donc dans
ce mot là : l'amour ?
PAUL GINISTY.
P.-S. — A propos des réflexions que
j'ai faites sur la mort de Mlle Vinay,
après son insuccès au théâtre de Cette,
j'ai reçu une lettre fort spirituelle, écrite
par un Cettois, m'affirmant que ses con-
citoyens ne sont point si barbares qu'il
semble. Je ferai remarquer à mon ai-
mable correspondant que ce sont sur-
tout des observations générales que j'ai
présentées sur la façon de goûter, en
province, le plaisir du théâtre.
P. G.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Jeudi, 12 novembre.
Etre si près du pont de la Concorde et
de la place du même nom. et être si loin
de s'entendre, même lorsqu'il s'agit du
choix d'un simple vice-président, avouez
que cela frise un peu le ridicule.
Nos honorables l'ont compris, car hier
le vent soufflait à la paix et, comme l'a
écrit M. Andrieux, « à la stabilité ».
Est-ce la réunion de la veille, à la rue
Cadet, où quelques députés avaient enfin
fait entendre quelques paroles sages et
politiques, qui commençait de porter ses
fruits? Il faut le croire; car, à notre arrivée
au Palais-Bourbon, la première nouvelle
que nous apprenons, est qu'il y une dé-
tente considérable dans les esprits. On
s'est aperçu, un peu tard, hélas 1 qu'on
avait fait un pas de clerc en contribuant à
l'élection de ce bon M. Pierre Blanc, avec
l'aide des réactionnaires, on a compris
également que le parti républicain tout
entier aurait désiré de la majorité, comme
acte de début, autre chosequ'une « gaffe ».
Les grands enfants qui siègent à l'Ex-
trême-Gauche semblaient regretter eux-
mêmes la bévue d'avant-hier. Enfin n'y
pensons plus ; la faute est commise, l'im-
portant est qu'elle ne se renouvelle plus.
La séance d'hier n'a pas présenté grand
intérêt. L'élection de 386 députés a été
validée sans débats ; les rapporteurs sont
venus successivement à la tribune lire un
boniment conçu dans les mêmes termes
pour tous, lequel concluait en faveur de
la validation des opérations électorales.
Ce manège a duré jusqu'à quatre heures,
au milieu de l'inattention générale, dans
le bruit des conversations. Aujourd'hui on
le continuera et l'on s'arrêtera aux élec-
tions qui sont contestées.
Lundi, après la lecture de la déclaration,
on abordera les élections qui sont l'objet
de protestations.
Nous assisterons évidemment à une
série de séances intéressantes et des plus
instructives. Ce sera un petit lavage de
linge salé électoral très édifiant; certains
départements, le Haut-Rhin, la Corse, les
Alpes-Maritimes par exemple, etc., etc.,
nous fournirons ce gai spectacle ; et il
pourrait bien se faire que tel député de la
Droite qui se croit déjà inamovible fût
obligé d'aller se retremper dans les eaux
salutaires du suffrage universel.
Cette opération ne réussit pas toujours
et produit des effets souvent inattendus.
Louis DESFORGES.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Un entretien avec H. Jules Grévy
Les députés des Basses-Alpes ont fait
jeudi soir une visite à M. Jules Grévy.
Le président de la République a accueilli
ces messieurs avec son affabilité ordinaire
et s'est entretenu longuement avec eux.
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