Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-10-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 octobre 1885 30 octobre 1885
Description : 1885/10/30 (A15,N5045). 1885/10/30 (A15,N5045).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N* 5045
Prix du numéro à:Paris¡: 15 centimes - Départements : 20 centimes
Vendredi 30 Octobre 1885
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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LE XIXe SIÈCLE
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Traduit par AUGUSTE BARBIER
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MOIS.
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l abonvté. (Prix : 3 francs).
SOMMAIRES
lDernière heure.
IBulletm.
Question du jour (la Question des fonction-
naires). — cJ>.
Attentat contre M. de Freycinet. - Louis
DESFORGES.
Le Parti catholique. — P. F.
Les Evénements de Roumélie. - Louis
HENRIQUE.
Informations.
« Germinal ».
Chronique. — SAINT-JUIRS.
Journée de Paris. — CANALIS.
Hevue de la presse. — NACHETTB.
Le Sport du jour. — FAVBLLMS.
La Température.
Courrier de la Bourse. — H. LE FAram.
Bibliographie.
La Catastrophe de Chancelade.
Nouvelles judiciaires.
Faits divers.
Courrier des théAtrel. — GEORGES FEYOEAU.
La Foire aux écus. — ALPTJ. DE BERNARD.
DERNIÈRE HEURE
ATTENTAT CONTRE M. DE FREYCINET
L'individu qi li a tiré un coup de revol-
ver sur M. de, Freycinet et dont nous an-
nonçons plus loin l'arrestation n'a voulu
répondre à aucune des questions que le
préfet de po tfce lui a posées, et a refusé
d expliquer le mobile de son agression.
-Je parerai demain, aurait-il dit, parce
que je nr J yeux pas qu'on saisisse les pa-
piers que j'ai chez moi. Attendez jusqu'à
demai n.
Il P. été impossible d'obtenir de lui au-
cune autre réponse. Cet événement mysté-
rieux était très commenté hier dans la
soirée.
A la dernière heure, nous apprenons que
fauteur de la tentative de meurtre sur
'M. de Freycinet, interrogé par M. le préfet
rde police, a persisté dans son refus de
fdonner son nom et d'indiquer son ori-
gine. On suppose qu'il est Corse et non
Italien.
Il avoue la préméditation. Sachant que
M. de Freycinet, revenant du ministère de
la justice à l'issue du conseil, devait né-
cessairement passer par le pont de la Con-
corde, il s'est posté sur son passage et a
tiré un coup de revolver sur la voiture du
tfainistre.
Il explique le motif de son acte en disant
qu'il avait une dent contre M. de Freyci-
net, lequel lui aurait nui dans sa considé-
ration, son honneur, sa fortune.
Physiquement, M. de Freycinet lui était
inconnu, paraît-il, car il a déclaré ne le
connaître que par des photographies.
Il possédait le revolver dont il a fait
usage, depuis quinze ans et l'avait acheté
20 francs.
A cela se bornent ses aveux, qu'il ne
veut compléter, dit-il, qu'en présence d'un
avocat lui servant de conseil; jusqu'à de-
main, il restera consigné au poste de po-
lice du quartier du Palais-Bourbon.
LES ÉVÉNEMENTS DE ROUMÉLIE
Athènes, 29 octobre.
La population a fait une réception cor-
diale à M. Tricoupis.
Celui-ci, haranguant la foule, a affirmé
les droits de l'hellénisme et la nécessité
pour la Grèce de protéger la Macédoine.
Il a déclaré qu'il soutiendra le gouver-
nement qui travaille sincèrement à attein-
dre ce but national. Il a également loué
l'empressement des réservistes et exprimé
l'espoir que la Grèce méritera les sympa-
thies de l'Europe, en défendant bravement
les droits de l'hellénisme.
M. Tricoupis a renouvelé cette déclara-
tion à la Chambre et M. Delyannis l'a féli-
cité de son langage patriotique.
La Chambre tient une séance secrète.
Londres, 29 octobre.
La Russie et l'Autriche soutiennent la
nécessité de rétablir le statu quo ante.
L'Angleterre, la France et l'Italie ont
formellement déclaré que, si les idées du
cabinet de Saint-Pétersbourg prévalaient,
elles se retireraient de la conférence.
L'Allemagne incline à se rallier aux
vues des cabinets de Londres et de Paris.
La conférence se réunira aussitôt que la
Turquie aura nommé ses plénipotentiai-
res.
Constantinople, 29 octobre.
Sir William White et le marquis de
Noailles viennent de recevoir des instruc-
tions très précises au sujet de la confé-
rence.
L'Angleterre et la France réclament la
libre discussion sur tous les points et sont
opposées au rétablissement du statu ruo
ante.
Scutari, 29 octobre.
Les chefs des Albanais ont juré de res-
ter tranquilles dans le cas où la Turquie
serait engagée dans une guerre, et même
d'aider les troupes turques s'il est néces-
saire. Aussi les troupes turques se con-
centrent-elles à la hâte sur les frontières
de la Grèce, de la Bulgarie et de la Serbie.
BULLETIN
Aux élections du premier degré pour le
Landtag prussien, qui ont eu lieu hier,
les libéraux allemands ont obtenu la ma-
jorité dans les quatre circonscriptions de
Berlin.
Sur environ 4,000 électeurs du second
degré, les conservateurs ont obtenu près
de 960 suffrages, les nationaux-libéraux 170;
le surplus des voix a été donné aux libé-
raux allemands.
Le général Mac-Clellan est mort d'une
maladie de cœur, à sa résidence de Grange
(Etat de New-Jersey).
Sir H. Dr. Wolff est arrivé au Caire.
On mande de Madrid, le 29 octobre :
Il est maintenant décidé que l'archevê.
que de Tolosa sera, suivant ses désirs,
transféré à Séville.
Le roi et la reine iront demain au Prado
où ils resteront un mois. La reine-mère
restera à Madrid.
La santé du roi s'est légèrement amé-
liorée.
Le procès Vecchi-Des-Dorides viendra
devant la cour d'assises de Rome au mois
de janvier.
On croit que l'instruction contre Au-
gusta Victoria Vecchi (Jack da Bolma) sera
bientôt terminée, et qu'il obtiendra sa
mise en liberté provisoire, tandis que
Leonello Vecchi et Des Dorides continue-
ront d'être détenus.
QUESTION DU JOUR
La question des fonctionnaires
On a écrit depuis une quinzaine de
,jours des volumes sur la félonie des
fonctionnaires qui trahissent la Répu-
blique et sur la nécessité de pratiquer
des coupes sombres dans le personnel
budgétivore. Mais il ne nous semble pas
qu'on se soit donné la peine de distin-
guer assez nettement les diverses caté-
gories de victimes que l'on désigne à la
vindictè des ministres épurateurs. En
pareille matière, il est bon de s'expli-
quer à fond, d'examiner les cas parti-
culiers et de renoncer aux réquisitoires
par trop généraux, qui ne signifient rien
à force de signifier trop.
Il est bien clair qu'un préfet qui ne
sert pas son gouvernement, qui n'obéit
pas aux instructions de son ministre,
qui manque de zèle quand on fait appel
à son zèle ou 4e discrétion quand on
lui recommande , la discrétion, mérite
une disgrâce plus ou moins éclatante,
selon la gravité de ses méfaits. Les pré-
fets sont des fonctionnaires politiques,
et l'on est en droituT attendre d'eux des
services politiques \aussi bien que des
services administratifs. Mais la question
change complètement s'il s'agit des
maires.
Les magistrats municipaux sont à cer-
tains égards les délégués du pouvoir
central et les représentants de la loi. Mais
ils ne sont aujourd'hui ni nommés ni
appointés par le gouvernement ; ils ne
tiennent leur mandat qtie des habitants
de la commune, ou plutôt du conseil
élu par les habitants. Ijs ont donc le
droit d'avoir une opinion l politique diffé-
rente de celle que professent les minis-
tres, et de la soutenir domme tous les
autres citoyens. Ils ne Peuvent se ser-
vir de leurs fonctions (pour favoriser
leur parti, comme si, pair exemple, ils
faisaient distribuer des bulletins de vote
par le garde champêtre. mais ils sont
parfaitement libres de ligner des affi-
ches, d'entrer dans les teomités de pro-
pagande et de parler da| ns les réunions.
Telle est d'ailleurs la jurisprudence des
hommes d'Etat qui se sont succédé au
pouvoir ; on révoque quelquefois un
maire pour n'avoir pas /exécuté les lois,
ou pour avoir toléré Ne désordre qu'il
avait le devoir de réprimer, mais non
pour avoir professé une opinion, quelle
qu'elle soit, ni même our l'avoir mani-
festée d'une façon lé g ale.
Passons à une autre catégorie de
fonctionnaires. Les embres du clergé
sont bien payés sur les fonds du bud-
get, et ils feraient sagement de s'abste-
nir de toute intervention dans la ba-
taille électorale. Remarquons pourtant
que ce manque de discrétion, presque
toujours accompagné de fautes graves
contre la charité n chrétienne, est Sou-
vent excusable quand les questions re-
ligieuses jouent dans l'élection un rôle
considérable. Les prêtres n'ont pas le
droit de préférer la monarchie à. la Ré-
publique, mais comment les empêcher
de préférer un candidat qui promet le
maintien du budget des cultes à celui
qui en demande l'abolition immédiate et
qui réclame la confiscation des biens de
main morte? Il faudrait aux curés une
dose peu ëommune d'héroïsme ou de
sainteté pour garder une neutralité ab-
solue entre un homme qui va régulière-
ment à la messe et un homme qui traite
publiquement lë clergé de vermine.
(Test en grande partie la faute du clergé
s'il est sur la sellette toutes les fois
qu'il y a des élections, mais enfin il y
est, et l'on ne peut sans injustice lui
faire M Crime de s'y débattre.
Quant aux fonctionnaires qui dépen-
dent bien du pouvoir, mais qui rendent
au pays des services tout q fait étran-
gers à la politique; on a le droit de leur
intetdirè toute manifestation hostile,
toute adhésion ostensible à l'opposi-
tion, mais c'est tout. Le serment poli-
tique est aboli, et l'on a d'autant mieux
fait de l'nbolir î|ù il ne gênait que les
gens consciencieux, lesquels n'ont pas
besoin de jurer. Mais il ne faut pas le
rétablir indirectement, ni copier les
monarchies, qui prétendaient exiger de
tous les serviteurs de l'Etat Un dévoue-
ment aveugle à la dynastie régnante.
Un professeur qui enseigne bien ce qu'il
est chargé d'enseigner s'acquitte ainsi
de toute sa dette envers la République
qui le paie ; un conservateur des forêts
qui administre avec vigilance le dortlainë
de l'Etat lié doit rien de plus à l'Etat.
Pourvu qu'ils s'abstiennent de toute
manifestation et de toute propagande
hostile au pouvoir, le pouvoir n'a pas à
se préoccuper de leur opinion person-
nellei ni à écoUlèr aux portes ce qu'ils
disent à leur femme et à leurs enfants.
Il appartient à un gouvernement ré-
publicain de penser et de dire tout haut
qu'on le sert bien quand on sert bien
le pays, et que la meilleure ,façQIl de
faire aimer la République est d'exécuter
loyalement les lois. Défions-nous des
procès de tendance et des dénoncia-
tions que n'inspire pas toujours un zèle
désintéressé pour la bonne cause. On
remarque, en effet, que les fonctionnai-
res sur lesquels on appelle le plus sou-
vent les foudres du gouvernement sont
ceux qui appartiennent à l'administra-
tion des finances, et qui ont à faire
payer l'impôt, mission souvent pénible,
surtout pour les contribuables. On ac-
cuse volontiers les percepteurs d'avoir
dit que c'est la faute de la République
si les impôts sont lourds ; mais il est
permis de croire qu'il y a, parmi leurs
accusateurs, des contribuables en retard
qui se vengent de ce qu'on les a trop
pressés. Ajoutons que les places qui dé-
pendent du ministère des finances sont
au nombre de celles que le public con-
sidère comme données à la faveur; et
que les zélateurs de la politique se
llattent d'obtenir sans autre titre que
leur zèle.
Conclurons-nous de tout ceci qu'il n'y
aurait aucun changement à faire dans
l'innombrable personnel des serviteurs
de l'Etat français ? Nous consentons
qu'on épure, si l'épuration est néces-
saire. Nous engageons seulement les
ministres à ne chercher ni dans la
révocation des uns, ni dans la nomina-
tion des autres, un préservatif efficace
contre le péril réactionnaire signalé par
les élections. C'est une faute pour un
gouvernement d'expliquer les grands
effets par de petites causes; c'en est
une autre de frapper les fonctionnaires
pour expier les péchés des hommes d'E-
tat.
$
—————— ———————
Attentat contai de Freycinet
M. de Freycinet, ministre des affaires
étrangères, a été hier, vers onze heures
et demie du matin, l'objet d'une tentative
d'assassinat dont on ne connaît pas en-
core, à l'heure où nous écrivons ces li-
gnes, le véritable mobile.
M. de Freycinet revenait du conseil des
ministres et son coupé allait s'engager
sur le pont de la Concorde, à l'endroit où
l'on refait actuellement le pavage de la
chaussée, lorsqu'un individu d'une cin-
quantaine d'années, assez modestement
vêtu, sortit un revolver de sa poche et tira
trois coups sur la voiture du ministre.
Les trois balles perforèrent sur différents
points le coupé, sans que M. de Freycinet
fût atteint.
Le cocher, au bruit des détonations,
fouetta son cheval dans la crainte d'un nou-
vel attentat. Pendant ce temps, l'assassin,
qui tenait ouvert à la main un parapluie,
lequel lui avait servi à dissimuler ses mou-
vements, s'avança vers le parapet et jeta
son revolver dans la Seine. Au même mo-
ment, il fut saisi par MM. Josse, capitaine
d'artillerie, et Moreau, lieutenant de vais-
seau, tous deux officiers d'ordonnance du
ministre de la marine, qui passaient par
hasard sur le pont de la Concorde.
— Qu'avez-vous fait, malheureux ? lui
crièrent-ils en le maintenant contre le
parapet.
— Je viens de tirer sur M. de Freycinet,
répondit-il d'une voix relativement calme.
- Pourquoi avez-vous fait cela?
- Ça, c'est mon affaire; je n'ai pas d'ex-
plications à vous donner.
Survinrent deux agents de police qui
mirent les menottes à l'inconnu et qui le
conduisirent au poste du Palais-Bourbon.
Le premier souci des quelques person-
nes qui avaient assisté à l'attentat fut de
s'informer si M. de Freycinet n'était pas
blessé;
Le ministre des affaires étrangères qui,
en cette circonstance, a fait preuve d'un
sang-froid remarquable, se contenta de se
retourner et, s'étant assuré par la petite
lucarne de son ttoupé que l'agresseur était
arrêté, il donna l'ordre à son cocher de
rentrer aux affaires étrangères.
Là rien n'était connu du personnel ; ni
le cocher de M. de Freycinet ni M. de
Freycinet lui-même ne firent la moindre
allusion à l'événement qui venait de se pro-
duire. Le ministre des affaires étrangères
vit M. Herbette, donna quelques signa-
tures, remonta dans son coupé et se fit
conduire rue de la Faisanderie où il dé-
jeuna de fort bon appétit.
Ce n'est qu'à une heure et demie de l'a-
près-midi, à la suite de la visite du com-
missaire de police de la rue de Varennes,
chez qui l'assassin venait d'être transféré
et qui venait demander à M. de Freycinet
le ré.cit de cet événement, que celui-ci con-
sentit eil riant a râcdntër les faits à Mme
et à Mlle de Freycinet.
D'abord elles ne voulurent rien croire,
tant la chose leur paraissait extraordi-
naire. Mais, sur l'insistance de M. de
Freycinet* il fallut se convaincre, et on
eut toutes les peines du monde, on le com-
prendra aisément, à calmer l'émotion que
cette nouvelle fit naître dans l'entourage
intime du ministre des affaires étran-
gères.
M. de Freycinet retourna vers deux heu-
res au ministère où le bruit de l'attentat
circulait déjà. A son arrivée, tout son per-
sonnel alla au-devant de lui, et le ministre
fut l'objet d'une manifestation tout affec-
tueuse de la part de ses collaborateurs.
On l'interrogea ; il raconta la chose sim-
plement, telle qu'elle s'était passée. « Cet
individu m'est totalement inconnu, dit-il,
et je ne me connais pas d'ennemis si terri-
bles pour user du revolver contre moi. »
Le ministre des affaires étrangères ne
paraissait nullement affecté du danger
qU!il avait couru 5 il en parlait à ses amis
avec gaieté, ne déplorant que la peine que
cet événement avait causée auprès des
personnes qui lui sont chères.
Dès que la nouvelle fut connue sur les
boulevards une certaine émotion s'empara
du publie. Cette émotion s'est calmée lors-
qu'on a su due notre ministre des affaires
étrangères avait échappé à l'attentat. Alors
les cartes et les télégrammes ont afflué au
quai d'Orsay; le nombre des personnes qui
sont VAnnAS s'inscrire est - énorme. Tous
les - membres du Corp diplomatIque som;
les membres du p- , des nou-
venus successivement demain des nou-
velles de M. de Freycinet.
Ce n'est qu'à trois heures qu'on a appris
le récit de l'affaire, au Palais-Bourbon
où quelques députés se promenaient dans
les couloirs. C'est M. Etienne, accompagné
de M. Reinach, qui a apporté la nouvelle.
Au premier moment, tout le monde fut
incrédule. On sait que le ministre des
affaires étrangères est l'homme le plus
paisible du monde ; en dehors de ses ad-
versaires politiques, on ne lui connaît pas
d'ennemis bien terribles et on ne s'expli-
querait guère les raisons d'une pareille
agression.
Ce n'est que lorsqu'un de nos confrères
vint confirmer la chose, après renseigne-
ments pris au ministère, qu'on finit par
ajouter foi à ce qui s'était passé. Le nom-
bre des nouveaux députés, pendant ce
temps, s'était accru; un courant de sympa-
thie unanime s'établit et tous (et parmi
eux plusieurs députés réactionnaires) al-
lèrent spontanément s'inscrire au ministère
des affaires étrangères.
L'auteur de la tentative criminelle qu'on
avait conduit au poste du Palais-Bourbon,
fut alors transféré, vers trois heures, au
bureau du commissaire de police de la
rue de Varennes, 84.
Le préfet de police qu'on avait averti s'y
rendit immédiatement. On fouilla l'indi-
vidu; on ne trouva sur lui aucun papier
qui pût établir son identité. Son linge seul
était marqué aux initiales P. M. Il était
vêtu fort modestement; c'est un homme de
cinquante à cinquante-cinq ans. Il a les
cheveux et la barbe grisonnants ; il a un
fort accent italien; il se dit, paraît-il, d'ori-
gine corse.
A six heures, l'auteur de l'attentat a été
conduit en voiture au Dépôt où il est sur-
veillé attentivement.
M. Gragnon est venu rendre compte à M.
Allain-Targé de ce qui s'était passé. L'opi-
nion du préfet de police est, jusqu'à
preuve du contraire, qu'on a à faire à un
fou. Le décousu de ses réponses tendrait
à le faire croire.
Il va sans dire que le monde politique a
été vraiment ému du danger couru par
M. de Freycinet. Le président de la Ré-
publique qui, on le sait, est un grand
ami de notre ministre des affaires étran-
gères, en a été très affecté. Il a envoyé le
général Pittié prendre des nouvelles dans
la journée. Tous les membres du cabinet
se sont rendus dans la soirée au ministère
des affaires étrangères et ont félicité leur
collègue d'avoir heureusement échappé à
l'attentat dirigé contre lui.
Jusqu'à une heure avancée de la soirée,
le 77 de la rue de la Faisanderie, où se
trouve le petit hôtel de M. de Freycinet, a
été assailli par une foule d'amis qui sont
venus prendre de ses nouvelles.
LOUIS DESFORGES.
La Justice publie l'entrefilet suivant :
On lit dans le National cette nouvelle ridi-
cule : « M. de Lanessan serait nommé minis-
tre des colonies avec M. Granet comme sous-
secrétaire d'Etat. »
Il est inutile de démentir cette information,
tant il saute aux yeux qu'elle est fausse.
La Justice a parfaitement raison de pré-
senter comme ridicule la nouvelle qu'elle
souligne !
LE PARTI CATHOLIQUE
Il paraît peu vraisemblable que les divers
groupes qui vont former la Droite de la
Chambre restent bien longtemps enlacés
et qu'ils persistent dans leurs tendresses
électorales. Ces lunes de miel sont passa-
gères. Il y a trop de souvenirs désagréa-
bles entre les partis conservateurs qui se
sont autrefois exilés et dépouillés mutuel-
lement, pour queles occasions de prendre
la mouche ne soient pas fréquentes entre
eux. Pascal a dit, ce qui était assez étonnant
de la part d'un adversaire des jésuites, qu'il
faut toujours avoir une pensée de derrière
la tête. En se présentant aux électeurs sous
le même drapeau, les monarchistes ont
eu une pensée de derrière la tête : celle de
reprendre leurs opinions individuelles et
leur liberté d'action à partir du moment
où ils seraient nommés. Hier encore, tous
les adversaires de la République se disaient
« conservateurs ». Demain, nous retrouve-
rons devant nous des bonapartistes, des
orléanistes et des légitimistes. L'union se-
ra rompue, la lune de miel aura fait place
à la lune rousse et les pensées de derrière
la tête, changeant de côté, s'échapperont
en paroles aigres et en discussions vio-
lentes.
Les catholiques, c'est-à-dire les anciens
légitimistes, n'attendant même pas la ré-
union de la Chambre pour se séparer net-
tement des bonapartistes et des orléanis-
tes. Dans une lettre adressée à l'Espé-
rance du Peuple, de Nantes, un des pala-
dins de l'autel, M. Cazenove de Pradines,
déclare qu'il est indispensable de former,
au Palais-Bourbon, un groupe exclusive-
ment catholique, s'inspirant de la tradition
laissée par M. le comte de Chambord, dé-
voué au pape et à sa souveraineté tempo-
relle et prêt « à tout donner et à tout
souffrir » pour le droit divin et pour le
Syllabus.
En résumé, dit M. Cazenove de Pradine, il
n'y a rien à espérer de ceux qui nous gouver-
nent, ni pour la religion, ni pour la France.
Ajourner la solution monarchique, ce se-
rait ajourner la restauration religieuse et so-
ciale.
Une double tâche s'imposera donc à notre ac-
tion parlementaire lorsque viendra l'heure
de la revision :
Précipiter la chute de la République ; hâter
le retour de la monarchie.
Toute la question est là !
C'est notre devoir; c'est aussi notre des-
sein.
Personne n'en doute, et nous n'avons au-
cun intérêt à le dissimuler.
En politique, on trompe bien rarement ses
adversaires.
Essayer de cacher son but, c'est presque
toujours peine perdue.
L'essentiel, c'est de le bien connaître soi-
même et d'y marcher hardiment.
Encore une fois — et c'est par là que je
veux finir — le parti catholique, c'est le parti
royaliste.
Voilà donc, dès maintenant, le parti bo-
napartiste et le parti orléaniste mis à l'in-
d' - le parti légitimiste. Le coq et
,e pJ.. s du temple et renvoyés
l'aîgle'sont chas^s du « oi-
à leurs perchoirs. Ce h" - -,'eaux veut
eau' x veuï
seaux-là que le parti des Dcv. veu
lâcher dans ses églises, le jour du &~"
des idées catholiques. Le prince Napo-
léon, le prince Victor et peut-être même
le comte de Paris, au cas où il se décide-
rait à s'appeler Louis-Philippe Il au lieu
dè se faire surnommer Philippe tH, sont
excommuniés avec vigueur.
M. Joseph Denais, directeur de la Dé-
fense, s'alarme de ces dispositions des ul-
tras. En fin politique, il soutient que le
catholicisme n'est pas un parti, mais
« qu'il doit rester au-dessus des partis, les
dominant tous, comme le ciel domine la
terre. » 11 rappelle, après les papes, après
saint Thomas, après tous les théologiens
et les Pères, qu'on peut « être excellent
catholique et demander la règle de ses
institutions à l'aristocratie ou à la démo-
cratie, à la République, à la monarchie ou
à l'Empire ». M. Denais perd son encre à
défendre ces idées éclectiques. Il se fera
mettre, lui aussi, à l'index, par les illumi-
nés de la future Extrême-Droite, et on le
considérera comme un de ces tièdes que
Dieu rejette. Nous allons revoir une partie
des insanités dont l'Extrême-Droite de l'ex-
Assemblée nationale nous donna le spec-
tacle. On nous rappellera que nous avons
été voués au Sacré-Cœur par M. de Belcas-
tel et on recommencera à déclamer contre
la Révolution et contre le siècle. Tant pis
pour les orléanistes et pour les bonapar-
tistes, s'ils refusent de renier leur origine
révolutionnaire 1 Ils n'auront pas le lis de
M. Cazenove de Pradines.
P. F.
M. E. Zola a tenu sa promessse. Il a pu-
blié, dans le Figaro de ce matin, un ar-
ticle que nous donnons plus loin in
extenso et que nous recommandons à
l'attention de nos lecteurs. Le morceau
est vif et charmant. Je regrette, pour
ma part, que M. E. Zola ait un, peu trop
généralisé le débat et s'en soit pris à la
censure. Cette institution, qu'on a eu
tort de dissimuler sous un nom d'em-
prunt, ne mérite pas les foudres qu'on
dirige contre elle. En l'état actuel des
choses, elle se borne à surveiller les pe-
tits théâtres, à empêcher les obscénités
de s'y produire, et, en vérité, on ne peut
dire qu'elle y mette trop de pruderie!
Quant aux œuvres d'art véritables, on
n'a pas entendu dire, depuis plusieurs
années, qu'elle y ait touché avant au-
jourd'hui, et l'interdiction de Germinal
doit remonter tout entière au ministre,
en laissant de côté une institution peut-
être nécessaire, et dont on n'a pas à se
plaindre quand, exercée par des em-
ployés bienveillants, elle est dirigée de
haut par un homme ayant quelque lar-
gueur de vues et quelque sens de Paris.
Quant à ce que M. E. Zola dit de MM.
Goblet et Turquet, cela fait la joie de
Paris ! Quelle silhouette en un trait de
plume que celle de M. le sous-secrétaire
d'Etat, genre « artiste », tombant sur
la censure, levant les bras
sespéré, très fatigué ausd; si fatigué
que ce chef de la censure, el la mau-
dissant, ne lâche pas son fauteuil ! Et
quel portrait en pied du ministre d A-
miens, petit homme et homme petit,. car
en parlant de lui il n'importe gué"-
Que petit soit devant ou petit soit derrière,
détestant la presse, se moquant des
journalistes, prononçant sur une œuvre
qu'il n'a pas eu le temps de lire, ayant
voulu toujours passer pour libéral et
se montrant autoritaire sans autorjté.
Traître — le mot est de M. Zola qui Si?it
à quoi s'en tenir comme moi — envers
la mémoire de Gambetta, qui l'a fait
venir d'Amiens et sans qui il ne serait
rien, et, en même temps qu'oublieux
de ses prédécesseurs, s'emportant avec
rage contre Lockroy, son successeur de
demain! Ah! si j'osais dire le mot ad-
mirable et vengeur de Gambetta ! Mais
le portrait de M. Zola suffit. Le monde
politique comme le monde des arts et
des théâtres savent à quoi s'en tenir déjà
sur ce ministère désormais légendaire,
sur ce ministère bicéphale, dont une tète
est affolement et l'autre incompétence.
HENRY FOUQUIER.
——————— ————————
LES ÉVÉNEMENTS DE ROIIÉUE
La question d'Orient reste-entourée de
mystères et d'obscurité. Ce qui apparaît le.
plus certain, c'est le désaccord qui règne
entre les puissances au sujet de la solution
à donner au conflit bulgare.
De moins en moins on ne saurait dire
quand la conférence pourra utilement se
réunir.
Que ferait-elle? Sur quoi discuterait-
elle? L'entente entre les divers cabinets
de l'Europe est de moins en moins cor-
diale. Les uns voulaient et veulent encore,
le rétablissement du statu quo, la Russie-,
en particulier; les autres déclarent par-
avance qu'elles n'y sauraient souscrire,
l'Angleterre notamment.
Union bulgare ou statu quo, te? est le
dilemme dans lequel les membres dA Jafu-
ture conférence se trouvent enfermés
avant d'être réunis.
Les tendances de l'Angleterre s'accen-
tuent de plus en plus ; elle tient pour l'u-
nion bulgare, moins par sympathie pôur- ,
la Bulgarie que par haine de la Russie.
Le langage de la presse anglaise ne
laisse aucun doute à cet égard.
Le Standard s'est appliqué à tracer le
rôle que l'Angleterre doit jouer au ssin de
la conférence avec une netteté un peu âpre
qui mérité d'être notée :
« L'Angleterre peut avec une conscience
tranqnille aller à la conférence comme
champion du traité de Berlin; mais on ne
saurait l'amener, ni par la persuasion, ni
par des artifices, à faire le jeu de la Russie.
» L'Angleterre ne contribuera pas à re-
mettre les peuples de la péninsule des
Balkans sous le détestable joug de la Rus-
sie. --
„ le concert européen s^5n^e et doit
entrainer i'immble soumission de l'Eu-
rope aux plans et aux idées de la Russie,
ce concert ne saurait être possible. "ées
» L'Angleterre a également ses iaees.
Elleg ne sont pas incompatibles avec le
traité de Berlin.
» Assurément nous ne jetterons pas l'Eu-
rope dans les cdnvulsisns pour faire pré-
dominer ces idées; mais nous ne les aban-
donnerons pas non plus complètement.
» L'Angleterre insistera à la conférence
pour leur adoption; si malheureusement
elles ne prévalent pas, nous laisserons à
ceux qui les auront écartées la tâche de
résoudre seuls une question qui ne peut
que leur ménager de nouvelles et plus re-
doutables difficultés pour l'avenir. »
Ce ne sont là que les appréciations per-
sonnelles d'un journal : elles n'engagent
évidemment pas le gouvernement britan-
nique ; cependant, en cette rencontre
comme dans bien d'autres, elles ont la va-
leur d'indications de quelque importance
et pourraient bien, en définitive, exprimer
l'opinion de certains ministres de la reine.
Il est à peine besoin d'ajouter que les
Bulgares font leur profit de ces divisions
des puissances. En apparence, le prince
régnant se montre d'autant plus volon-
tiers souple et plein de déférence à l'égard
de la Russie et de l'Autriche qu'il voit
mieux leur indécision et leur impuissance.
Il se réserve, tout prêt à se soumettre aux
décisions de la conférence; il pousserait
même l'obéissance jusqu'à accepter des
garnisons turques.
Mais, en homme avisé, il agit comme si
la conférence devait faire œuvre vaine..
Sans bruit il travaille à unifier l'adminis-
tration des deux Bulgaries. Avant que les
ambassadeurs aient réussi à tenir une réu-
nion, l'union bulgare sera un fait ac-
compli.
Les Serbes non plus ne se méprennent
pas sur les causes de l'irrésolution des
puissances. Ils ne doutent pas un instant
que l'idée du statu quo ante ne perde tous
les jours du terrain. Le roi Milan se pré-
pare à toute éventualité, dit une dépêche
de Nisch, et les troupes bulgares et serbes
sont maintenant assez proches pour qu'une
rencontre devienne possible au premier
moment.
Quant aux Grecs, ils ne sont pas plus
résignés que les Serbes à laisser s'accom-
plir dans les Balkans un remaniement du
territoire sans en tirer profit. Ils ont réussi
à créer une agitation en Crète pendant
qu'ils ont les yeux fixés sur la Macédoine.
On annonce que les députés chrétiens et
les notables de l'île de Crète vont, si ce
n'est fait, envoyer au gouvernement d'A-
thènes une adresse où ils se déclarent
ralliés de tous points à la politique de la
Grèce et prêts à prendre les armes dès que
les troupes grecques franchiront la fron-
tière turque.
Quand tcnis ces belligérants auront ter-
miné leurs préparatifs de guerre et que
l'égorgement général ne pourra plus être
évité, la conférence se réunira pour faire
une belle déclaration platonique envelop-
Prix du numéro à:Paris¡: 15 centimes - Départements : 20 centimes
Vendredi 30 Octobre 1885
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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Panama 391 25, 392 50.
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LE XIXe SIÈCLE
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TEXTE ANGLAIS DE OLERIDGE
Traduit par AUGUSTE BARBIER
ILLUSTRATIONS DE GUSTAVE DORE
Ce magnifique Albir m, qui mesure Kl cen-
timètres de hauteur sur 42 centimètres de
lareur, comprend f m planches de GUSTAVE
DORÉ, irréprocha blement gravées, Impri-
mées sur papier de luxe et richement re-
liées. Son prix, e t librairie, est de 50 francs
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IL SERA DONNÉ
GRATUITEMENT à toute personne qui
souscrira un abonnement ou prolongera
son abonn ement pour UNE ANNÉE;
Moyenriant DIX FRANCS de supplé-
ment povjr un abonnement de SIX MOIS;
Moyennant QUINZE FRANCS de sup-
plément pour un abonnement de TROIS
MOIS.
Le port et l'emballage sont à la charge de
l abonvté. (Prix : 3 francs).
SOMMAIRES
lDernière heure.
IBulletm.
Question du jour (la Question des fonction-
naires). — cJ>.
Attentat contre M. de Freycinet. - Louis
DESFORGES.
Le Parti catholique. — P. F.
Les Evénements de Roumélie. - Louis
HENRIQUE.
Informations.
« Germinal ».
Chronique. — SAINT-JUIRS.
Journée de Paris. — CANALIS.
Hevue de la presse. — NACHETTB.
Le Sport du jour. — FAVBLLMS.
La Température.
Courrier de la Bourse. — H. LE FAram.
Bibliographie.
La Catastrophe de Chancelade.
Nouvelles judiciaires.
Faits divers.
Courrier des théAtrel. — GEORGES FEYOEAU.
La Foire aux écus. — ALPTJ. DE BERNARD.
DERNIÈRE HEURE
ATTENTAT CONTRE M. DE FREYCINET
L'individu qi li a tiré un coup de revol-
ver sur M. de, Freycinet et dont nous an-
nonçons plus loin l'arrestation n'a voulu
répondre à aucune des questions que le
préfet de po tfce lui a posées, et a refusé
d expliquer le mobile de son agression.
-Je parerai demain, aurait-il dit, parce
que je nr J yeux pas qu'on saisisse les pa-
piers que j'ai chez moi. Attendez jusqu'à
demai n.
Il P. été impossible d'obtenir de lui au-
cune autre réponse. Cet événement mysté-
rieux était très commenté hier dans la
soirée.
A la dernière heure, nous apprenons que
fauteur de la tentative de meurtre sur
'M. de Freycinet, interrogé par M. le préfet
rde police, a persisté dans son refus de
fdonner son nom et d'indiquer son ori-
gine. On suppose qu'il est Corse et non
Italien.
Il avoue la préméditation. Sachant que
M. de Freycinet, revenant du ministère de
la justice à l'issue du conseil, devait né-
cessairement passer par le pont de la Con-
corde, il s'est posté sur son passage et a
tiré un coup de revolver sur la voiture du
tfainistre.
Il explique le motif de son acte en disant
qu'il avait une dent contre M. de Freyci-
net, lequel lui aurait nui dans sa considé-
ration, son honneur, sa fortune.
Physiquement, M. de Freycinet lui était
inconnu, paraît-il, car il a déclaré ne le
connaître que par des photographies.
Il possédait le revolver dont il a fait
usage, depuis quinze ans et l'avait acheté
20 francs.
A cela se bornent ses aveux, qu'il ne
veut compléter, dit-il, qu'en présence d'un
avocat lui servant de conseil; jusqu'à de-
main, il restera consigné au poste de po-
lice du quartier du Palais-Bourbon.
LES ÉVÉNEMENTS DE ROUMÉLIE
Athènes, 29 octobre.
La population a fait une réception cor-
diale à M. Tricoupis.
Celui-ci, haranguant la foule, a affirmé
les droits de l'hellénisme et la nécessité
pour la Grèce de protéger la Macédoine.
Il a déclaré qu'il soutiendra le gouver-
nement qui travaille sincèrement à attein-
dre ce but national. Il a également loué
l'empressement des réservistes et exprimé
l'espoir que la Grèce méritera les sympa-
thies de l'Europe, en défendant bravement
les droits de l'hellénisme.
M. Tricoupis a renouvelé cette déclara-
tion à la Chambre et M. Delyannis l'a féli-
cité de son langage patriotique.
La Chambre tient une séance secrète.
Londres, 29 octobre.
La Russie et l'Autriche soutiennent la
nécessité de rétablir le statu quo ante.
L'Angleterre, la France et l'Italie ont
formellement déclaré que, si les idées du
cabinet de Saint-Pétersbourg prévalaient,
elles se retireraient de la conférence.
L'Allemagne incline à se rallier aux
vues des cabinets de Londres et de Paris.
La conférence se réunira aussitôt que la
Turquie aura nommé ses plénipotentiai-
res.
Constantinople, 29 octobre.
Sir William White et le marquis de
Noailles viennent de recevoir des instruc-
tions très précises au sujet de la confé-
rence.
L'Angleterre et la France réclament la
libre discussion sur tous les points et sont
opposées au rétablissement du statu ruo
ante.
Scutari, 29 octobre.
Les chefs des Albanais ont juré de res-
ter tranquilles dans le cas où la Turquie
serait engagée dans une guerre, et même
d'aider les troupes turques s'il est néces-
saire. Aussi les troupes turques se con-
centrent-elles à la hâte sur les frontières
de la Grèce, de la Bulgarie et de la Serbie.
BULLETIN
Aux élections du premier degré pour le
Landtag prussien, qui ont eu lieu hier,
les libéraux allemands ont obtenu la ma-
jorité dans les quatre circonscriptions de
Berlin.
Sur environ 4,000 électeurs du second
degré, les conservateurs ont obtenu près
de 960 suffrages, les nationaux-libéraux 170;
le surplus des voix a été donné aux libé-
raux allemands.
Le général Mac-Clellan est mort d'une
maladie de cœur, à sa résidence de Grange
(Etat de New-Jersey).
Sir H. Dr. Wolff est arrivé au Caire.
On mande de Madrid, le 29 octobre :
Il est maintenant décidé que l'archevê.
que de Tolosa sera, suivant ses désirs,
transféré à Séville.
Le roi et la reine iront demain au Prado
où ils resteront un mois. La reine-mère
restera à Madrid.
La santé du roi s'est légèrement amé-
liorée.
Le procès Vecchi-Des-Dorides viendra
devant la cour d'assises de Rome au mois
de janvier.
On croit que l'instruction contre Au-
gusta Victoria Vecchi (Jack da Bolma) sera
bientôt terminée, et qu'il obtiendra sa
mise en liberté provisoire, tandis que
Leonello Vecchi et Des Dorides continue-
ront d'être détenus.
QUESTION DU JOUR
La question des fonctionnaires
On a écrit depuis une quinzaine de
,jours des volumes sur la félonie des
fonctionnaires qui trahissent la Répu-
blique et sur la nécessité de pratiquer
des coupes sombres dans le personnel
budgétivore. Mais il ne nous semble pas
qu'on se soit donné la peine de distin-
guer assez nettement les diverses caté-
gories de victimes que l'on désigne à la
vindictè des ministres épurateurs. En
pareille matière, il est bon de s'expli-
quer à fond, d'examiner les cas parti-
culiers et de renoncer aux réquisitoires
par trop généraux, qui ne signifient rien
à force de signifier trop.
Il est bien clair qu'un préfet qui ne
sert pas son gouvernement, qui n'obéit
pas aux instructions de son ministre,
qui manque de zèle quand on fait appel
à son zèle ou 4e discrétion quand on
lui recommande , la discrétion, mérite
une disgrâce plus ou moins éclatante,
selon la gravité de ses méfaits. Les pré-
fets sont des fonctionnaires politiques,
et l'on est en droituT attendre d'eux des
services politiques \aussi bien que des
services administratifs. Mais la question
change complètement s'il s'agit des
maires.
Les magistrats municipaux sont à cer-
tains égards les délégués du pouvoir
central et les représentants de la loi. Mais
ils ne sont aujourd'hui ni nommés ni
appointés par le gouvernement ; ils ne
tiennent leur mandat qtie des habitants
de la commune, ou plutôt du conseil
élu par les habitants. Ijs ont donc le
droit d'avoir une opinion l politique diffé-
rente de celle que professent les minis-
tres, et de la soutenir domme tous les
autres citoyens. Ils ne Peuvent se ser-
vir de leurs fonctions (pour favoriser
leur parti, comme si, pair exemple, ils
faisaient distribuer des bulletins de vote
par le garde champêtre. mais ils sont
parfaitement libres de ligner des affi-
ches, d'entrer dans les teomités de pro-
pagande et de parler da| ns les réunions.
Telle est d'ailleurs la jurisprudence des
hommes d'Etat qui se sont succédé au
pouvoir ; on révoque quelquefois un
maire pour n'avoir pas /exécuté les lois,
ou pour avoir toléré Ne désordre qu'il
avait le devoir de réprimer, mais non
pour avoir professé une opinion, quelle
qu'elle soit, ni même our l'avoir mani-
festée d'une façon lé g ale.
Passons à une autre catégorie de
fonctionnaires. Les embres du clergé
sont bien payés sur les fonds du bud-
get, et ils feraient sagement de s'abste-
nir de toute intervention dans la ba-
taille électorale. Remarquons pourtant
que ce manque de discrétion, presque
toujours accompagné de fautes graves
contre la charité n chrétienne, est Sou-
vent excusable quand les questions re-
ligieuses jouent dans l'élection un rôle
considérable. Les prêtres n'ont pas le
droit de préférer la monarchie à. la Ré-
publique, mais comment les empêcher
de préférer un candidat qui promet le
maintien du budget des cultes à celui
qui en demande l'abolition immédiate et
qui réclame la confiscation des biens de
main morte? Il faudrait aux curés une
dose peu ëommune d'héroïsme ou de
sainteté pour garder une neutralité ab-
solue entre un homme qui va régulière-
ment à la messe et un homme qui traite
publiquement lë clergé de vermine.
(Test en grande partie la faute du clergé
s'il est sur la sellette toutes les fois
qu'il y a des élections, mais enfin il y
est, et l'on ne peut sans injustice lui
faire M Crime de s'y débattre.
Quant aux fonctionnaires qui dépen-
dent bien du pouvoir, mais qui rendent
au pays des services tout q fait étran-
gers à la politique; on a le droit de leur
intetdirè toute manifestation hostile,
toute adhésion ostensible à l'opposi-
tion, mais c'est tout. Le serment poli-
tique est aboli, et l'on a d'autant mieux
fait de l'nbolir î|ù il ne gênait que les
gens consciencieux, lesquels n'ont pas
besoin de jurer. Mais il ne faut pas le
rétablir indirectement, ni copier les
monarchies, qui prétendaient exiger de
tous les serviteurs de l'Etat Un dévoue-
ment aveugle à la dynastie régnante.
Un professeur qui enseigne bien ce qu'il
est chargé d'enseigner s'acquitte ainsi
de toute sa dette envers la République
qui le paie ; un conservateur des forêts
qui administre avec vigilance le dortlainë
de l'Etat lié doit rien de plus à l'Etat.
Pourvu qu'ils s'abstiennent de toute
manifestation et de toute propagande
hostile au pouvoir, le pouvoir n'a pas à
se préoccuper de leur opinion person-
nellei ni à écoUlèr aux portes ce qu'ils
disent à leur femme et à leurs enfants.
Il appartient à un gouvernement ré-
publicain de penser et de dire tout haut
qu'on le sert bien quand on sert bien
le pays, et que la meilleure ,façQIl de
faire aimer la République est d'exécuter
loyalement les lois. Défions-nous des
procès de tendance et des dénoncia-
tions que n'inspire pas toujours un zèle
désintéressé pour la bonne cause. On
remarque, en effet, que les fonctionnai-
res sur lesquels on appelle le plus sou-
vent les foudres du gouvernement sont
ceux qui appartiennent à l'administra-
tion des finances, et qui ont à faire
payer l'impôt, mission souvent pénible,
surtout pour les contribuables. On ac-
cuse volontiers les percepteurs d'avoir
dit que c'est la faute de la République
si les impôts sont lourds ; mais il est
permis de croire qu'il y a, parmi leurs
accusateurs, des contribuables en retard
qui se vengent de ce qu'on les a trop
pressés. Ajoutons que les places qui dé-
pendent du ministère des finances sont
au nombre de celles que le public con-
sidère comme données à la faveur; et
que les zélateurs de la politique se
llattent d'obtenir sans autre titre que
leur zèle.
Conclurons-nous de tout ceci qu'il n'y
aurait aucun changement à faire dans
l'innombrable personnel des serviteurs
de l'Etat français ? Nous consentons
qu'on épure, si l'épuration est néces-
saire. Nous engageons seulement les
ministres à ne chercher ni dans la
révocation des uns, ni dans la nomina-
tion des autres, un préservatif efficace
contre le péril réactionnaire signalé par
les élections. C'est une faute pour un
gouvernement d'expliquer les grands
effets par de petites causes; c'en est
une autre de frapper les fonctionnaires
pour expier les péchés des hommes d'E-
tat.
$
—————— ———————
Attentat contai de Freycinet
M. de Freycinet, ministre des affaires
étrangères, a été hier, vers onze heures
et demie du matin, l'objet d'une tentative
d'assassinat dont on ne connaît pas en-
core, à l'heure où nous écrivons ces li-
gnes, le véritable mobile.
M. de Freycinet revenait du conseil des
ministres et son coupé allait s'engager
sur le pont de la Concorde, à l'endroit où
l'on refait actuellement le pavage de la
chaussée, lorsqu'un individu d'une cin-
quantaine d'années, assez modestement
vêtu, sortit un revolver de sa poche et tira
trois coups sur la voiture du ministre.
Les trois balles perforèrent sur différents
points le coupé, sans que M. de Freycinet
fût atteint.
Le cocher, au bruit des détonations,
fouetta son cheval dans la crainte d'un nou-
vel attentat. Pendant ce temps, l'assassin,
qui tenait ouvert à la main un parapluie,
lequel lui avait servi à dissimuler ses mou-
vements, s'avança vers le parapet et jeta
son revolver dans la Seine. Au même mo-
ment, il fut saisi par MM. Josse, capitaine
d'artillerie, et Moreau, lieutenant de vais-
seau, tous deux officiers d'ordonnance du
ministre de la marine, qui passaient par
hasard sur le pont de la Concorde.
— Qu'avez-vous fait, malheureux ? lui
crièrent-ils en le maintenant contre le
parapet.
— Je viens de tirer sur M. de Freycinet,
répondit-il d'une voix relativement calme.
- Pourquoi avez-vous fait cela?
- Ça, c'est mon affaire; je n'ai pas d'ex-
plications à vous donner.
Survinrent deux agents de police qui
mirent les menottes à l'inconnu et qui le
conduisirent au poste du Palais-Bourbon.
Le premier souci des quelques person-
nes qui avaient assisté à l'attentat fut de
s'informer si M. de Freycinet n'était pas
blessé;
Le ministre des affaires étrangères qui,
en cette circonstance, a fait preuve d'un
sang-froid remarquable, se contenta de se
retourner et, s'étant assuré par la petite
lucarne de son ttoupé que l'agresseur était
arrêté, il donna l'ordre à son cocher de
rentrer aux affaires étrangères.
Là rien n'était connu du personnel ; ni
le cocher de M. de Freycinet ni M. de
Freycinet lui-même ne firent la moindre
allusion à l'événement qui venait de se pro-
duire. Le ministre des affaires étrangères
vit M. Herbette, donna quelques signa-
tures, remonta dans son coupé et se fit
conduire rue de la Faisanderie où il dé-
jeuna de fort bon appétit.
Ce n'est qu'à une heure et demie de l'a-
près-midi, à la suite de la visite du com-
missaire de police de la rue de Varennes,
chez qui l'assassin venait d'être transféré
et qui venait demander à M. de Freycinet
le ré.cit de cet événement, que celui-ci con-
sentit eil riant a râcdntër les faits à Mme
et à Mlle de Freycinet.
D'abord elles ne voulurent rien croire,
tant la chose leur paraissait extraordi-
naire. Mais, sur l'insistance de M. de
Freycinet* il fallut se convaincre, et on
eut toutes les peines du monde, on le com-
prendra aisément, à calmer l'émotion que
cette nouvelle fit naître dans l'entourage
intime du ministre des affaires étran-
gères.
M. de Freycinet retourna vers deux heu-
res au ministère où le bruit de l'attentat
circulait déjà. A son arrivée, tout son per-
sonnel alla au-devant de lui, et le ministre
fut l'objet d'une manifestation tout affec-
tueuse de la part de ses collaborateurs.
On l'interrogea ; il raconta la chose sim-
plement, telle qu'elle s'était passée. « Cet
individu m'est totalement inconnu, dit-il,
et je ne me connais pas d'ennemis si terri-
bles pour user du revolver contre moi. »
Le ministre des affaires étrangères ne
paraissait nullement affecté du danger
qU!il avait couru 5 il en parlait à ses amis
avec gaieté, ne déplorant que la peine que
cet événement avait causée auprès des
personnes qui lui sont chères.
Dès que la nouvelle fut connue sur les
boulevards une certaine émotion s'empara
du publie. Cette émotion s'est calmée lors-
qu'on a su due notre ministre des affaires
étrangères avait échappé à l'attentat. Alors
les cartes et les télégrammes ont afflué au
quai d'Orsay; le nombre des personnes qui
sont VAnnAS s'inscrire est - énorme. Tous
les - membres du Corp diplomatIque som;
les membres du p- , des nou-
venus successivement demain des nou-
velles de M. de Freycinet.
Ce n'est qu'à trois heures qu'on a appris
le récit de l'affaire, au Palais-Bourbon
où quelques députés se promenaient dans
les couloirs. C'est M. Etienne, accompagné
de M. Reinach, qui a apporté la nouvelle.
Au premier moment, tout le monde fut
incrédule. On sait que le ministre des
affaires étrangères est l'homme le plus
paisible du monde ; en dehors de ses ad-
versaires politiques, on ne lui connaît pas
d'ennemis bien terribles et on ne s'expli-
querait guère les raisons d'une pareille
agression.
Ce n'est que lorsqu'un de nos confrères
vint confirmer la chose, après renseigne-
ments pris au ministère, qu'on finit par
ajouter foi à ce qui s'était passé. Le nom-
bre des nouveaux députés, pendant ce
temps, s'était accru; un courant de sympa-
thie unanime s'établit et tous (et parmi
eux plusieurs députés réactionnaires) al-
lèrent spontanément s'inscrire au ministère
des affaires étrangères.
L'auteur de la tentative criminelle qu'on
avait conduit au poste du Palais-Bourbon,
fut alors transféré, vers trois heures, au
bureau du commissaire de police de la
rue de Varennes, 84.
Le préfet de police qu'on avait averti s'y
rendit immédiatement. On fouilla l'indi-
vidu; on ne trouva sur lui aucun papier
qui pût établir son identité. Son linge seul
était marqué aux initiales P. M. Il était
vêtu fort modestement; c'est un homme de
cinquante à cinquante-cinq ans. Il a les
cheveux et la barbe grisonnants ; il a un
fort accent italien; il se dit, paraît-il, d'ori-
gine corse.
A six heures, l'auteur de l'attentat a été
conduit en voiture au Dépôt où il est sur-
veillé attentivement.
M. Gragnon est venu rendre compte à M.
Allain-Targé de ce qui s'était passé. L'opi-
nion du préfet de police est, jusqu'à
preuve du contraire, qu'on a à faire à un
fou. Le décousu de ses réponses tendrait
à le faire croire.
Il va sans dire que le monde politique a
été vraiment ému du danger couru par
M. de Freycinet. Le président de la Ré-
publique qui, on le sait, est un grand
ami de notre ministre des affaires étran-
gères, en a été très affecté. Il a envoyé le
général Pittié prendre des nouvelles dans
la journée. Tous les membres du cabinet
se sont rendus dans la soirée au ministère
des affaires étrangères et ont félicité leur
collègue d'avoir heureusement échappé à
l'attentat dirigé contre lui.
Jusqu'à une heure avancée de la soirée,
le 77 de la rue de la Faisanderie, où se
trouve le petit hôtel de M. de Freycinet, a
été assailli par une foule d'amis qui sont
venus prendre de ses nouvelles.
LOUIS DESFORGES.
La Justice publie l'entrefilet suivant :
On lit dans le National cette nouvelle ridi-
cule : « M. de Lanessan serait nommé minis-
tre des colonies avec M. Granet comme sous-
secrétaire d'Etat. »
Il est inutile de démentir cette information,
tant il saute aux yeux qu'elle est fausse.
La Justice a parfaitement raison de pré-
senter comme ridicule la nouvelle qu'elle
souligne !
LE PARTI CATHOLIQUE
Il paraît peu vraisemblable que les divers
groupes qui vont former la Droite de la
Chambre restent bien longtemps enlacés
et qu'ils persistent dans leurs tendresses
électorales. Ces lunes de miel sont passa-
gères. Il y a trop de souvenirs désagréa-
bles entre les partis conservateurs qui se
sont autrefois exilés et dépouillés mutuel-
lement, pour queles occasions de prendre
la mouche ne soient pas fréquentes entre
eux. Pascal a dit, ce qui était assez étonnant
de la part d'un adversaire des jésuites, qu'il
faut toujours avoir une pensée de derrière
la tête. En se présentant aux électeurs sous
le même drapeau, les monarchistes ont
eu une pensée de derrière la tête : celle de
reprendre leurs opinions individuelles et
leur liberté d'action à partir du moment
où ils seraient nommés. Hier encore, tous
les adversaires de la République se disaient
« conservateurs ». Demain, nous retrouve-
rons devant nous des bonapartistes, des
orléanistes et des légitimistes. L'union se-
ra rompue, la lune de miel aura fait place
à la lune rousse et les pensées de derrière
la tête, changeant de côté, s'échapperont
en paroles aigres et en discussions vio-
lentes.
Les catholiques, c'est-à-dire les anciens
légitimistes, n'attendant même pas la ré-
union de la Chambre pour se séparer net-
tement des bonapartistes et des orléanis-
tes. Dans une lettre adressée à l'Espé-
rance du Peuple, de Nantes, un des pala-
dins de l'autel, M. Cazenove de Pradines,
déclare qu'il est indispensable de former,
au Palais-Bourbon, un groupe exclusive-
ment catholique, s'inspirant de la tradition
laissée par M. le comte de Chambord, dé-
voué au pape et à sa souveraineté tempo-
relle et prêt « à tout donner et à tout
souffrir » pour le droit divin et pour le
Syllabus.
En résumé, dit M. Cazenove de Pradine, il
n'y a rien à espérer de ceux qui nous gouver-
nent, ni pour la religion, ni pour la France.
Ajourner la solution monarchique, ce se-
rait ajourner la restauration religieuse et so-
ciale.
Une double tâche s'imposera donc à notre ac-
tion parlementaire lorsque viendra l'heure
de la revision :
Précipiter la chute de la République ; hâter
le retour de la monarchie.
Toute la question est là !
C'est notre devoir; c'est aussi notre des-
sein.
Personne n'en doute, et nous n'avons au-
cun intérêt à le dissimuler.
En politique, on trompe bien rarement ses
adversaires.
Essayer de cacher son but, c'est presque
toujours peine perdue.
L'essentiel, c'est de le bien connaître soi-
même et d'y marcher hardiment.
Encore une fois — et c'est par là que je
veux finir — le parti catholique, c'est le parti
royaliste.
Voilà donc, dès maintenant, le parti bo-
napartiste et le parti orléaniste mis à l'in-
d' - le parti légitimiste. Le coq et
,e pJ.. s du temple et renvoyés
l'aîgle'sont chas^s du « oi-
à leurs perchoirs. Ce h" - -,'eaux veut
eau' x veuï
seaux-là que le parti des Dcv. veu
lâcher dans ses églises, le jour du &~"
des idées catholiques. Le prince Napo-
léon, le prince Victor et peut-être même
le comte de Paris, au cas où il se décide-
rait à s'appeler Louis-Philippe Il au lieu
dè se faire surnommer Philippe tH, sont
excommuniés avec vigueur.
M. Joseph Denais, directeur de la Dé-
fense, s'alarme de ces dispositions des ul-
tras. En fin politique, il soutient que le
catholicisme n'est pas un parti, mais
« qu'il doit rester au-dessus des partis, les
dominant tous, comme le ciel domine la
terre. » 11 rappelle, après les papes, après
saint Thomas, après tous les théologiens
et les Pères, qu'on peut « être excellent
catholique et demander la règle de ses
institutions à l'aristocratie ou à la démo-
cratie, à la République, à la monarchie ou
à l'Empire ». M. Denais perd son encre à
défendre ces idées éclectiques. Il se fera
mettre, lui aussi, à l'index, par les illumi-
nés de la future Extrême-Droite, et on le
considérera comme un de ces tièdes que
Dieu rejette. Nous allons revoir une partie
des insanités dont l'Extrême-Droite de l'ex-
Assemblée nationale nous donna le spec-
tacle. On nous rappellera que nous avons
été voués au Sacré-Cœur par M. de Belcas-
tel et on recommencera à déclamer contre
la Révolution et contre le siècle. Tant pis
pour les orléanistes et pour les bonapar-
tistes, s'ils refusent de renier leur origine
révolutionnaire 1 Ils n'auront pas le lis de
M. Cazenove de Pradines.
P. F.
M. E. Zola a tenu sa promessse. Il a pu-
blié, dans le Figaro de ce matin, un ar-
ticle que nous donnons plus loin in
extenso et que nous recommandons à
l'attention de nos lecteurs. Le morceau
est vif et charmant. Je regrette, pour
ma part, que M. E. Zola ait un, peu trop
généralisé le débat et s'en soit pris à la
censure. Cette institution, qu'on a eu
tort de dissimuler sous un nom d'em-
prunt, ne mérite pas les foudres qu'on
dirige contre elle. En l'état actuel des
choses, elle se borne à surveiller les pe-
tits théâtres, à empêcher les obscénités
de s'y produire, et, en vérité, on ne peut
dire qu'elle y mette trop de pruderie!
Quant aux œuvres d'art véritables, on
n'a pas entendu dire, depuis plusieurs
années, qu'elle y ait touché avant au-
jourd'hui, et l'interdiction de Germinal
doit remonter tout entière au ministre,
en laissant de côté une institution peut-
être nécessaire, et dont on n'a pas à se
plaindre quand, exercée par des em-
ployés bienveillants, elle est dirigée de
haut par un homme ayant quelque lar-
gueur de vues et quelque sens de Paris.
Quant à ce que M. E. Zola dit de MM.
Goblet et Turquet, cela fait la joie de
Paris ! Quelle silhouette en un trait de
plume que celle de M. le sous-secrétaire
d'Etat, genre « artiste », tombant sur
la censure, levant les bras
sespéré, très fatigué ausd; si fatigué
que ce chef de la censure, el la mau-
dissant, ne lâche pas son fauteuil ! Et
quel portrait en pied du ministre d A-
miens, petit homme et homme petit,. car
en parlant de lui il n'importe gué"-
Que petit soit devant ou petit soit derrière,
détestant la presse, se moquant des
journalistes, prononçant sur une œuvre
qu'il n'a pas eu le temps de lire, ayant
voulu toujours passer pour libéral et
se montrant autoritaire sans autorjté.
Traître — le mot est de M. Zola qui Si?it
à quoi s'en tenir comme moi — envers
la mémoire de Gambetta, qui l'a fait
venir d'Amiens et sans qui il ne serait
rien, et, en même temps qu'oublieux
de ses prédécesseurs, s'emportant avec
rage contre Lockroy, son successeur de
demain! Ah! si j'osais dire le mot ad-
mirable et vengeur de Gambetta ! Mais
le portrait de M. Zola suffit. Le monde
politique comme le monde des arts et
des théâtres savent à quoi s'en tenir déjà
sur ce ministère désormais légendaire,
sur ce ministère bicéphale, dont une tète
est affolement et l'autre incompétence.
HENRY FOUQUIER.
——————— ————————
LES ÉVÉNEMENTS DE ROIIÉUE
La question d'Orient reste-entourée de
mystères et d'obscurité. Ce qui apparaît le.
plus certain, c'est le désaccord qui règne
entre les puissances au sujet de la solution
à donner au conflit bulgare.
De moins en moins on ne saurait dire
quand la conférence pourra utilement se
réunir.
Que ferait-elle? Sur quoi discuterait-
elle? L'entente entre les divers cabinets
de l'Europe est de moins en moins cor-
diale. Les uns voulaient et veulent encore,
le rétablissement du statu quo, la Russie-,
en particulier; les autres déclarent par-
avance qu'elles n'y sauraient souscrire,
l'Angleterre notamment.
Union bulgare ou statu quo, te? est le
dilemme dans lequel les membres dA Jafu-
ture conférence se trouvent enfermés
avant d'être réunis.
Les tendances de l'Angleterre s'accen-
tuent de plus en plus ; elle tient pour l'u-
nion bulgare, moins par sympathie pôur- ,
la Bulgarie que par haine de la Russie.
Le langage de la presse anglaise ne
laisse aucun doute à cet égard.
Le Standard s'est appliqué à tracer le
rôle que l'Angleterre doit jouer au ssin de
la conférence avec une netteté un peu âpre
qui mérité d'être notée :
« L'Angleterre peut avec une conscience
tranqnille aller à la conférence comme
champion du traité de Berlin; mais on ne
saurait l'amener, ni par la persuasion, ni
par des artifices, à faire le jeu de la Russie.
» L'Angleterre ne contribuera pas à re-
mettre les peuples de la péninsule des
Balkans sous le détestable joug de la Rus-
sie. --
„ le concert européen s^5n^e et doit
entrainer i'immble soumission de l'Eu-
rope aux plans et aux idées de la Russie,
ce concert ne saurait être possible. "ées
» L'Angleterre a également ses iaees.
Elleg ne sont pas incompatibles avec le
traité de Berlin.
» Assurément nous ne jetterons pas l'Eu-
rope dans les cdnvulsisns pour faire pré-
dominer ces idées; mais nous ne les aban-
donnerons pas non plus complètement.
» L'Angleterre insistera à la conférence
pour leur adoption; si malheureusement
elles ne prévalent pas, nous laisserons à
ceux qui les auront écartées la tâche de
résoudre seuls une question qui ne peut
que leur ménager de nouvelles et plus re-
doutables difficultés pour l'avenir. »
Ce ne sont là que les appréciations per-
sonnelles d'un journal : elles n'engagent
évidemment pas le gouvernement britan-
nique ; cependant, en cette rencontre
comme dans bien d'autres, elles ont la va-
leur d'indications de quelque importance
et pourraient bien, en définitive, exprimer
l'opinion de certains ministres de la reine.
Il est à peine besoin d'ajouter que les
Bulgares font leur profit de ces divisions
des puissances. En apparence, le prince
régnant se montre d'autant plus volon-
tiers souple et plein de déférence à l'égard
de la Russie et de l'Autriche qu'il voit
mieux leur indécision et leur impuissance.
Il se réserve, tout prêt à se soumettre aux
décisions de la conférence; il pousserait
même l'obéissance jusqu'à accepter des
garnisons turques.
Mais, en homme avisé, il agit comme si
la conférence devait faire œuvre vaine..
Sans bruit il travaille à unifier l'adminis-
tration des deux Bulgaries. Avant que les
ambassadeurs aient réussi à tenir une réu-
nion, l'union bulgare sera un fait ac-
compli.
Les Serbes non plus ne se méprennent
pas sur les causes de l'irrésolution des
puissances. Ils ne doutent pas un instant
que l'idée du statu quo ante ne perde tous
les jours du terrain. Le roi Milan se pré-
pare à toute éventualité, dit une dépêche
de Nisch, et les troupes bulgares et serbes
sont maintenant assez proches pour qu'une
rencontre devienne possible au premier
moment.
Quant aux Grecs, ils ne sont pas plus
résignés que les Serbes à laisser s'accom-
plir dans les Balkans un remaniement du
territoire sans en tirer profit. Ils ont réussi
à créer une agitation en Crète pendant
qu'ils ont les yeux fixés sur la Macédoine.
On annonce que les députés chrétiens et
les notables de l'île de Crète vont, si ce
n'est fait, envoyer au gouvernement d'A-
thènes une adresse où ils se déclarent
ralliés de tous points à la politique de la
Grèce et prêts à prendre les armes dès que
les troupes grecques franchiront la fron-
tière turque.
Quand tcnis ces belligérants auront ter-
miné leurs préparatifs de guerre et que
l'égorgement général ne pourra plus être
évité, la conférence se réunira pour faire
une belle déclaration platonique envelop-
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