Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-08-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 août 1885 27 août 1885
Description : 1885/08/27 (A15,N4981). 1885/08/27 (A15,N4981).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Quinzième année. — N° 4981 Prix du numéro à Paris : 15 centimes — Départements : 20 centimes Jeudi Août 1885
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SOMMAIRB-o
Dernières nouvelles.
Bulletin.
Question du jour (Un discours ministériel).
— HENRY FOUQUIER.
Le Devoir du parquet. — H. DEPASSE.
Le Meeting de la salle Rivoli. — PAUL
MUSSET.
La Mort d'Olivier Pain. — CANALIS.
Nouvelles coloniales.
Les Funérailles de l'amiral Courbet.
Documents électoraux.
Informations.
Journée de Paris.
Revue de la Presse. — NACHETTE.
Le Choléra.
Courrier de la Bourse. — H. LJI PÂ.
Le Sport du jour. — FA. VBLLBt.
La Température.
Nouvelles judiciaires.
Faits divers.
Courrier des théâtres.
Chronique scientifique. — Dr V. DU CLAUX,
DERNIÈRES NOUVELLES
LE CONFLIT HISPANO-ALLEMAND
Madrid, 26 août.
Le Libéral dit que ce serait une honte
nationale d'accepter l'arbitrage au sujet
de la question des îles Carolines sur les-
quelles l'Espagne a des droits de souve-
raineté. Cette souveraineté doit être dé-
fendue d'abord par la diplomatie, et au
besoin par les armes, car l'Espagne ne
cédera jamais un pouce du territoire na-
tional.
L'ENTREVUE DE KREMSIER
Vienne, 26 août.
La Correspondance politique est infor-
mée que M. de Giers et le comte Kal-
noky n'ont pas pris part à la chasse impé-
riale.
Les deux hommes d'Etat ont eu, pen-
dant l'absence de leurs souverains, une
longue entrevue.
BULLETIN
Le bruit court à Madrid que l'Espagne
est très décidée à cesser toutes relations
avec l'Allemagne si la dépêche qui est at-
tendue demain de Berlin ne donne pas sa-
tisfaction à l'honneur espagnol d'une façon
positive et immédiate.
Les journaux libéraux engagent le gou-
vernement à refuser tout arbitrage si l'Al-
lemagne, ayant arboré son drapeau aux
Carolines, ne les abandonne pas immédia-
tement, car l'arbitrage ferait supposer qu'il
s'agit pour l'Espagne d'un droit douteux,
et non d'un droit indiscutable.
Le gouvernement s'efforce de réagir un
peu contre les manifestations hostiles à
l'Allemagne. C'est ainsi que le cercle mi-
litaire qui est présidé par le général Sala-
manca, directeur général de l'administra-
tion au ministère de la guerre, et dont
font partie presque tous les officiers de la
garnison de Madrid, a été fermé par ordre
du gouvernement.
La raison de cette mesure de rigueur,
c'est que le général Salamanca a refusé de
continuer à porter la plaque de l'Aigle
rouge d'Allemagne. Dans une lettre rendue
publique, le général s'exprime ainsi :
« Il restera désormais une place vide
sur ma poitrine ; mais je compte la rem-
plir bientôt en obtenant une autre décora-
tion, méritée, Çkle-ci, par Fardée que je
mettrai dans la défense de ma patrie. »
On mande de la Haye, le 24, au Stan-
dard, qu'un certain nombre d'individus,
qui vendaient le journal socialiste Droit
pour tous, ont causé des désordres graves
dans la ville.
Un millier de personnes, portant des
drapeaux rouges et chantant la Marseil-
laise, ont menacé la police. Les manifes-
tants ayant refusé de se séparer, ta pôUtJe
les a chargés le sabre au poing et a réussi
à les disperser.
Dimanche, la ville a été tranquille; mais
lundi la manifestation a recommencé'. Lès
émeutiers oi\t lancé des pièces contre le
burean ae police, et un combat a eü lifeU;
ûîlas lequel plusieurs perstënlâéé Ght, été
blessees.
Le belltgmhe a publié une proclama-
tion prévenant les manifestants que tous
ceux qui commettraient des désordres oti
entraveraient l'action des autorité*? seraient
sévèrement punis.
On télégraphie de Copenhague que la
crise devient de plus en plus aiguë. Du-
rant la dernière quinzaine, quatre person*
nés, dont un membre du Folkething, Ont
été poursuivies pour trahison, et des pour-
suites sont maintenant commencées con-
tre un autre député, M. Horup, un des
leaders de l'opposition.
On mande de Zanzibar, 25 août :
L'amiral allemand Knorr réclame pour
l'Allemagne le fleuve Juba et demande la
conclusion d'un nouveau traité de com-
merce plus avantageux pour l'Allemagne.
Le commandant d'un navire de guerre
italien aurait hissé le drapeau italien à
Port-John's, dans la partie septentrionale
du territoire du sultan.
.-. ——————
QUESTION DU JOUR
Un. discours ministériel
appelle l'attention de nos lecteurs
sur le discours que l'honorable M. Go-
blet, ministre de l'instruction publique,
des cultes et des beaux-arts, vient de
prononcer à Hallencourt, dans la Somme.
Tout est précieux à noter ici, le dis-
cours, la composition de l'auditoire et
les incidents de la réunion. Ce n'est pas
à tort que le Mémorial d'Amiens, qui
nous apporte le discours de M. Goblet,
lui prédit « un grand retentissement ».
Rien de plus modeste pourtant que
ce discours où M. Goblet, en deman-
dant aux électeurs la confirmation de
son mandat, parait leur demander en
même temps un programme! Mais, sous
cette modestie outrée, la manifestation
électorale éclate, ayant une importance
particulière que nous allons essayer de
préciser, en « lisant entre les lignes »,
comme le Mémorial d'Amiens nous en-
gage, un peu ingénument, à le faire.
À la réunion d'Hallencourt se sont
rendus un grand nombre de conseillers
du département, de maires et aussi de
« fonctionnaires ». M. le sous-préfet
d'Abbeville ouvrait la marche des per-
sonnages officiels. Il est permis de se
demander s'il n'y a pas quelque inconvé-
nient et comme un paradoxe de con-
duite à voir, sous prétexte d'inaugura-
tion d'un hôtel de ville, un ministre, es-
corté de tous les agents de l'autorité,
sous-préfet, juges de paix, elf. etc., ve-
nir faire une déclaration électorale ?
M. Coblet à affirmé, au début de son
discours, que lé gHùvérftémeiii ardait
une Stricte neutralité pendant les élec-
tions. Cette neutralité aura-t-elle éclaté,
d'une façon vivante, aux yeux des po-
pulations de la Somme quand elles au-
ront VU un ministre, dans des circons-
tances officielles, entouré d'agents et de
fonctionnâmes kk dont. il serait trôp long
de éiter les noms », dit le Mémorial,
venir défendre s -
venir défendre programme électo-
rl aux applaudissements de ses fonc-
tiortnqirem fét\ijte; ta febiréctidn
pârfaitë serait que les ministres s'ab-
stinssent de parier aux, électeurs en de-
¡Órg. ds fioliucjtiéo
ment électorales, où, isolés de leurs
subordonnés, ils reprennent tous leurs
droits de députés et de candidats,
Petite, chicane., d'&illçurs ; et; de ce
úê M. Yè Mnistre s'est présenté aux
électeurs entouré de ses fonctionnaires,
je n'en conclus pas à la candidature of-
ficielle. Je laisse ces façons de dire aux
ennemis de M. Goblet*. dont not$ne
sommes pas. torit âussi bien, le léger
inconvénient que nous trouvons à son
attitude serait amplement compensé fii
nous avions la joie dë biisbiter qUe le
discours de M. Goblet nous a révélé la
pensée du cabinet et exposé son pro-
gramme d'une façon un peu précise.
Mais cette satisfaction nous est refusée.
Il y aura une exposition de la politique
du cabinet faite ces jours-ci, nous a dit
M. Goblet : elle sera faite par M. Bris-
son. Pour lui, il n'est vënti qu'eh sim-
ple avant-propos ; il ne nous donne
qti'tltl avant-goût de la déclaration mi-
nistérielle ; il n'engage que lui, il ne nous
renseigne qu'à demi. C'estainsi que, dans
un dîner, on doit attendre le rôt pour
se prononcer sur le cuisinier, et qu'il
serait injuste de le louer ou de le blâ-
mer sur quelque hors-d'œuvre trop
fade ou trop piquant.
Il est donc entendu que nous n'avons
à apprécier ici qu'une politique person-
nelle à l'honorable M. Goblet. Sur cer-
tains points, à coup sûr, il est d'accord
avec ses collègues ; sur d'autres, il est
permis de penser qu'il réunit en lui le
double personnage du ministre solidaire
et du candidat indépendant, et que c'est
le dernier qui a parlé. Je ne crois
pas, en effet, que tous les membres du
cabinet pensent, à un égal degré, que
c'est aux électeurs « à déterminer les
lignes principales de la politique » et
« qu'il ne soit pas besoin d'arrêter ce
qu'on appelle un programme ». Un pro-
gramme est indispensable. Que les élec-
teurs le proposent aux candidats qui l'ac-
cepte, ou que les candidats le soumet-
tent aux électeurs qui le ratifient, ceci
n'a pas grande importance : on n'échap-
pera pas au débat. Et il faut d'autant
moins y échapper quand on veut, comme
l'a dit excellemmentM. Goblet-non sans
quelque contradiction — faire les élec-
tions « non sur des personnes, mais sur
des idées arrêtées et nettes ».
Un programme est une chose si né-
cessaire que l'éminent orateur d'Hal-
lencourt, après avoir dit qu'il n'en
fallait pas, appelle l'attention des élec-
teurs sur trois points essentiels, points
sur lesquels, dès la période électorale,
doit se mettre d'accord la future majo-
rité du Parlement : ces points sont « la
politique coloniale, la politique reli-
gieuse, la politique économique et finan-
cière )J.. hé certes ÔUî ! voilà trois points
egsëtiels, et si essentiels, que nous
eussions Vtiuld *!j!f M; Goblet les abor-
der. Mais, ni comme ministre, ni comme
candidat, il n'en dit rien et nous de-
vions attendre pour savoir sil est par-
tisart de l'étactiâtion du Toîikin ou a*
i'orgdijisatiojij et de tçt défende, de te
conquête, s u est UUi.:êthHriiste ttfi
protectionniste, s'il est partisan du
Concordat ou de la séparation, si, en un
mot, ij. acpepte la suite du programme
du Cabinet prêchent dit s'il ^çcepte.le
programme nouveau des nouveaux àmé$
du cabinet actuel ?
Elé^rhtirônt tolïrifté re discours di-
sert serait obscur avec ïdiiièti ^.appa-
rences de la clarté et notre embarras
serait égal à le louer ou à le blâmer, si
Ml- Oofeet.ii'avslit abordé un point capi-
tal. Il faut créer, poiif l £ CHambre pro-
chaine, a-t-il dit, faute de quoi le gâ-
chis est imminent, une majorité de gou-
vernement. A merveille! Ici, nous som-
mes absolument avec l'honorable mi-
nistre. Il a cent fois faisait Il p/îr|e en
homme de bon sens et en poIitIquë,
— comme a dit M. Spuller à M. Brisson,
cjuMild jbeltti-ci a 1 défendu la politique
coloniale de son ffr £$ £ fc&sstettr
Seulement, — c'est ce « seulement »
que vous reconnaissez, appartenant à la
pièce des Faux Bonshommes, — seule-
ment, comment se fera la majorité de
gouvernement ? Ët avec qui ? Elle se fera
sUr les trois points signalés par M; Gù
blet, nous l'entendons bien : mais isefa-
t-elle sagement colonisatrice, concorda-
taire sans taquinerie, économe sans
abandonner les projets de M. de Frey-
cinet et en se contentant d'espacer les
dépenses? ou bien sera-t-elle fondée,
cette majorité, sur l'abandon des colo-
nies, la séparation, la renonciation aux
travaux engagés, l'impôt progressif
et le développement du socialisme d'E-
tat? Voilà ce que nous ignorons encore,
et quand M. Goblet nous parle de la ma-
jorité future, nous ignorons s'il se rap-
proche de nous ou s'il s'en éloigne, s'il
tend la main à l'ancienne majorité
agrandie ou si, passant par-dessus elle,
c'est à M. Clémenceau que son discours
s'adresse.
C'est cette seconde hypothèse que
l'Extrême Gauche voudrait nous forcer
à adopter. Car, à la réunion d'Hallen-
court, nous avons vu, sitôt le discours
de M. Goblet fini, M. de Douville-Maille-
feu se lever, le verre en main, et (tout
en nous parlant de son ami Clémenceau)
demander aux électeurs d'acclamer M.
Goblet. Mais nous voulons attendre en-
core avant de croire qu'un membre du
cabinet actuel entend « la concentration
des forces républicaines » et la forma-
tion d'une majorité de gouvernement
d'une façon qui laisserait aux radicaux
socialistes le gouvernement de nos af-
faires, conduirait droit à un ministèré
de M. Clémenceau, et ferait d'une coaJ
lition la peu durable contrefaçon d'une
entente loyale et sanctionnée par le
pays !
HENRY FOUQUIER.
P.-S. — Cet article écrit et le dis-
cours de M. Goblet composé, d'après le
Mémorial dainiens, témoin auriculaire,
nous recevons, à la dernière heure, un
autre texte, par l'agence Havas. D'après
l'agence, le texte des journaux d'Amiens
serait inexact. Il serait superflu de met-
tre en présence la version première et
le corrigé définitif. Nous indiquerons
seulement demain les différences entre
le texte de la première heure et le texte
définitif.
H. F.
LE DEYOIR DU PARQUET
]Vpu& avons parlé du scandale intOié-
riiMa éfitë provoquaient sur nos boule-
vards les eoipôéteers et crieurs de
feuilles obscènes. La préfecture de po-
Kfie* tout en se croyant à tort désarmée
contre wès d'une publicité indé-
cente, a dû prêtre depuis quarante-
huit heures des mesurer d'assainisse-
ment, car on s'est aperçu idtft d'un
coup qtf'on pouvait circuler dans Parts
sans être offensé et l'on a commencé a
respirer plus librement. Nour, félicitons
bien volontiers M. le préfet de police de
son initiative, et nous l'engageons à per-
gêtétef. Il est certain qu'avant trois
iours les honnêtes industriels dont il est
question vont essayer de reprendre leur
métier. Déjà, à diverses reprises et dans
dé proportions plus ou moins éten-
dues, cet âfrus s'était produit; on y
avait coupé court, mais il n'a pas tardé
à recommencer de plus belle. Chaque
fols qu'on se plaît à imaginer bien à tort
que la surveillance se relâche et mollit,
les vendeurs de malpropreté reprennent
possession du trottoir et de la chaus-
sée.
Il est bon que le droit du goii7?-fD^
ment et le devoir du parquet soient ici
parfaitement établis. Nous laissons de
côté les prérogatives légitimes et léga-
les du préfet de police : c'est au par-
quet surtout qu'il faut porter les récla-
mations de la conscience publique ou-
tragée. C'est le parquet qui est ici per-
sonnellement en pause. C'est à lui que
nous nous adréa^ns. Est-il vrai que la
loi de 1881a. expressément dans
son article 28* V-outrage aux bonnes
mœurs ? Est-il vrai que cette grande loi
de liberté, qui a consacré les immunités
de la presse de la manière la plus large,
contient un article ainsi conçu : « L'ou-
trage aux bonnes mœurs commis par
l'un des moyens énoncés en l'article 23
sera puni d'un emprisonnement d'un
mois à deux ans et d'une amende de
16 francs à 2,000 francs. Les mêmes
peines seront applicables à la mise en
vente, à la distribution ou à l'exposition
de dessins, gravures, enblèmes et ima-
ges obscènes. Les ex emplaires de ces
dessins, gravures, peintures, emblèmes
ou images -obscènes exposés aux re-
gards du public, mis en vente, colpor-
tés ou distribués seront saisis »? Est-ce
bien là notre législation, et avons-nous
des autorités instituées pour faire res-
pecter les lois ? Nous devons donc décla-
rer que le parquet est en défaut quand
des scandales semblables à ceux dont il
s'agit se produisent et se développent
au point d'inquiéter la conscience pu-
blique.
La loi est faite pour tout le monde en
France et en République ; elle s'impose
à tous, elle doit être respectée par tous,
même par les crieurs et fabricateurs de
plus misérables écrits qui ne relèvent ni
de la politique ni de la littérature. Au-
cun journal ne s'est avisé de prétendre
que la liberté de la presse fût engagée
dans cette question. Cependant il ne
manque pas d'ennemis de la République
et de la liberté pour calomnier à ce pro-
pos le gouvernement du suffrage uni-
versel. Ils osent aire que les républi-
cain1 en ne sévissant pas contre des
abus de ce genre, en ne les arrêtant
point dès qu'ils- commencent à percer,
en leur laissant prendre ce développe-
ment qui fait un jour que tout le monde
crie à l'a fois et réclame des mesures de
répression, ils osent dire qu'on ménage
une certaine clientèle infâme. Il serait
indigne de nous de répondre que cette
clientèle-là est réactionnaire et monar-
ëh'!(ue. C'est une clientèle qui n'appar
tient if. personne. Mais il importe que la
République pour le bon ordre et la dé-
cence de Paris, pour la dignité de la ca-
pitale, ne laisse aocun prétexte à d'aussi
hontenses insinuations.
Il est malheureusement trop clair que
la moralité publique doit encore être
protégée. Il est probable qu'elle devra
l'être encore très longtemps. Nous pou-
vons sans doute espérer qu'en ce point
comme en tous les autres le développe-
ment de l'instruction générale et le pro-
grès de la conscience seront un jour
des remèdes efficaces. Mais nous n'en
sommes pas là. Le législateur le plus
libéral qu'on eût jamais vu à l'œuvre a
pris ses précautions contre l'outrage
aux bonnes mœurs par les écrits et les
dessins. Nous demandons au gouver-
nement de la République et aux ma-
gistrats institués par lui de faire res-
j pecter l'article 28 de la loi de 1881.
H. DEPASSE.
L'agence Havas a communiqué aux journaux
la note suivante :
Des plaintes se sont élevées récemment
contre les cris poussés sur les boulevards,
et tout particulièrement près des stations
d'omnibus, par les colporteurs d'écrits faits
en vue d'exploiter la curiosité publique et
le goût des choses scandaleuses.
Il n'est pas .inutile de faire remarquer IL
ce sujet qu'avant la loi du 29 juillet 1881
l'annonce du titre de la publication était
seule permise, mais que, sous l'empire de
la législation actuelle l'administration est
désrmée. Elle ne peut que faire arrêter
momentanément les vendeurs ambulants,
afin de vérifier la régularité des permis-
sions dont ils sont porteurs et les empê-
cher de stationner sur la voie publique.
Ce sont les seules mesures qui soient en
son pouvoir et elle est disposée à y tenir
rigoureusement la main.
a- -
Le Meeting de la salle Rivoli
Veni, vidi, vici, disait autrefois César,
quand il eut conquis l'Asie-Mineure : « Je
ne suis pas venu, je n'ai pas vu, je n'ai
pas vaincu », telles auraient pu être les paro-
les de M. Rochefort, hier soir, en appre-
nant que deux mille personnes l'avaient
attendu en vain à la salle Rivoli, rtia
Saint-Antoine, où il devait s'indigner en
compagnie de MM. Gambon, Vaillant, Eu-
des, Susini et autres, contre « l'assassinat
d'Olivier Pain ».
A vrai dire, M. Rochefort s'est bien
aventuré jusque dans une brasserie de la
rue Saint-Antoine où il est resté pendant
une heure environ, attendant le moment
f euilleton du XIXe SIÈCLE
Du 27 août 1885
Chronique Scientifique
1
L'ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR L'AVANCE M EXT DES SCIENCES
LE CHOLÉRA
MM. Chauveau et Bouchard
Les vaccinations du docteur Ferran
Production expérimentale du choléra
Le microbe du choléra
Il était naturel que le congrès de Gre-
noble se préoccupât du choléra. Dès la
première séance de la section des sciences
médicales, M. Chauveau, directeur de
l'Ecole vétérinaire de Lyon, qui, presque
autant que Pasteur lui-même, a contribué
à l'établissement de la théorie micro-
bienne, est venu discuter devant ses con-
frères la question des vaccinations du doc-
teur Ferran. Aussitôt après M. Chauveau,
M. Bouchard, professeur à la Faculté de
médecine de Paris, nous a détaillé les ré-
sultats de ses propres expériences sur la
cause du choléra et sa production expéri-
mentale.
L'opinion publique se préoccupe beau-
coup de la question des inoculations pré-
ventives du choléra. Elle demande de tous
côtés aux gens compétents de l'éclairer sur
le crédit qu'il convient d'accorder aux ré-
cits qui uoUà .îeijLiciil t) elle
s'adresse surtout à ceux à qui leurs études
antérieures ont rendu familières les lois
de l'immunité et les conditions d'atténua-
tion des inoculations virulentes.
M. Chauveau estime que l'opinion publi-
que a raison et se déclare tout disposé, en
ce qui le concerne, à mettre ses connaissan-
ces à la disposition de ceux qui sont dési-
reux. de voir discuter et apprécier les faits
annoncés par M. Ferran. C'est un devoir pu-
blic dont il ne veut pas se laisser détourner
par les défiances et les répugnances que
M. Ferran a, comme à plaisir, suscitées
contre lui, dans l'esprit des savants qui
se sont occupés des microbes pathogènes.
Au commencement du débat, on se
trouve en présence de plusieurs objec-
tions préliminaires, qui, si elles étaient
fondées, rendraient toute discussion inu-
tile. Quoiqu'elles soient acceptées par un
certain nombre de bons esprits, M. Chau-
veau ne veut pas s'y arrêter ; autrement
il serait peut-être tenté de rester en che-
min.
Ainsi on dit : A quoi bon chercher un
procédé d'inoculation préventive du cho-
léra ? C'est une maladie à récidives, con-
tre laquelle vous ne sauriez avoir la pré-
tention de créer artificiellement l'immu-
nité, puisque la maladie naturelle elle-
même n'est pas capable de donner cette
immunité. Mais tout le monde sait que
c'est aller beaucoup trop loin. On va au
delà de la vérité quand on dit qu'une pre-
mière atteinte du choléra nous laisse en-
tièrement exposé aux coups d'une seconde
infection. Ce qui est vrai, c'est que cette
première atteinte ne crée pas une immu-
nité à longue portée. Mais, sauf exceptions
très rares, les individus guéris du choléra
ne contractent plus la maladie dans le
cours de la même épidémie.
On dit encore : Ces inoculations, avec
quoi les pratiquez-vous ? Avec des cultures
de comma bacillus? Mais êtes-vous donc
certains que ce microbe soit l'agent essen-
tiel du choléra? Cette objection est grave,
mais elle perd tous les jours du terrain.
Une des objections présentées avec lé
plus de ténacité contre l'activité spécifi-
que du comma bacillus, c'est que ce ba-
cille est un parasite de l'intestin ne s'éga-
rant jamais ailleurs, et que le choléra est,
au contraire une maladie de tout l'orga-
nisme, se traduisant d'emblée par des
symptômes généraux de la plus grande
gravité. Cette objection a déjà été réfutée
par M. Chauveau lui-même.
« Je ne m'étendrai pas davantage, a dit
M. Chauveau, sur ces points préliminaires.
Si on ne les accepte pas, il est inutile de
me suivre. Si on les accepte, il devient fa-
cite de comprendre que la recherche de la
production artificielle de l'immunité con-
tre le choléra, à l'aide des procédés em-
ployés par M. Ferran, est parfaitement lé-
gitime.
» La pratique de M. Ferran est très sim-
ple. Il introduit sous la peau du bras un
centimètre cube d'une culture de comma
bacillus, et il réitère l'opération jusqu'à
trois fois, à quelques jours d'intervalle.
» Un centimètre cube! Cette quantité a
bien étonné les expérimentateurs fami-
liers avec les inoculations virulentes.
Pourquoi cette masse énorme? Est-elle
donc formée d'un virus auquel on a fait
subir une vigoureuse atténuation? Proba-
blement non.
» Naguère, sous l'influence de M. Pas-
teur, on ne croyait guère, en ce qui re-
garde la production des immunités artifi-
cielles, qu'à l'efficacité des inoculations
faites avec des races de virus atténués par
la culture. C'était méconnaître les excel-
lents résultats donnés chaque jourpar d'au-
tres pratiques, dans lesquelles n'interve-
nait que l'emploi des virus forts. On oubliait
qu'il faut tenir compte non seulement des
qualités du virus, mais encore de la manière
dont on le met en rapport avec l'économie
animale. Or, pour juger, à priori, l'œuvre
de M. Ferran, si tant est qu'oeuvre il y
ait, il est absolument nécessaire d'être par-
faitement familiarisé avec ce principe, éta-
bli surtout par les travaux de l'école lyon-
naise, à savoir que la voie d'introduction
des virus peut exercer une influence consi-
dérable sur leurs effets. »
Il n'est pas possible de suivre ici M.
Chauveau dans tous les détails de sa sa-
; vante dissertation ; voici ses conclusions :
1° Le tissu conjonctif sous-cutané cons-
titue, pour le virus cholérique, un milieu
peu favorable à la prolifération de l'agent
pathogène et au développement d'une in-
fection maligne ; ce tissu est par consé-
quent très propre à servir de porte d'entrée
au virus pour la production d'une infec-
tion atténuée, capable de jouer un rôle
préventif.
2° Le peu de ressemblance qui existe
entre les caractères de cette infection ru-
dimentaire et ceux du choléra vrai ne peut
pas être invoqué pour nier, à priori, la na-
ture cholérique des légers symptômes
produits par l'inoculation, ni refuser tout
fondement à la prétention de communi-
quer ainsi l'immunité contre la maladie
naturelle. L'efficacité de l'inoculation pré-
ventive est rendue probable par l'exemple
des faits analogues, aussi nombreux que
bien établis, qui sont exploités avec le
plus grand succès en médecine vétérinaire.
3° Dans les cas connus auxquels il vient
d'être fait allusion et qui concernent sur-
tout la péripneumonie et le charbon em-
physémateux, l'infection virulente par les
agents pathogènes proprement dits est in-
déniable, et intervient seule pour faire
naître l'immunité. Les matériaux solubles
contenus dans la très minime quantité de
liquide inoculé n'exercent pas d'action di-
recte sur les rés ultats de l'inoculation. Il n'y
a pas lieu de supposer que les ptomaïnes
des bouillons de cultures cholériques
jouent un rôle plus actif, malgré la quan-
tité relativement grande de bouillon injecté
dans les inoculations de M. Ferran.
4° L'immunité plus solide qui, d'après
les statistiques de M. Ferran, serait con-
férée par une deuxième et surtout une
troisième inoculation massive, ne prouve
rien en faveur de cette intervention du poi-
son soluble. Il est établi en effet dans la
j science que la même culture atténuée,
inoculée à diverses reprises en très petite
quantité, augmente chaque fois l'immu-
nité contre l'action du virus fort, grâce
au multiple travail d'infection ébauchée
[ résultant de l'inoculation,
5° La tolérance de l'organisme de l'hom-
me pour les grandes masses de bouillon
infectieux doit probablement s'expliquer
non seulement par les conditions favo-
rables du milieu dans lequel on fait
pénétrer ce bouillon, mais encore par
la faible activité virulente de celui-ci.
Il est possible, en effet, que les cultures
de comma bacillus, en bouillon stéri-
lisé , faites dans les conditions ordi-
naires, soient naturellement atténuées.
Rien ne serait plus facile, s'il en était be-
soin, que de les atténuer davantage par
le chauffage. Le comma bacillus appar-
tient, en effet, à la catégorie des microbes
pathogènes dont l'activité est très bien
modifiée par la chaleur.
60 La quantité de matière virulente
à inoculer doit être réglée d'après l'acti-
vité de cette matière. Il est donc possible
que les liquides de M. Ferran soient si peu
actifs qu'il y ait nécessité à les injecter à
la dose de un centimètre cube. Mais tout
porte à croire que les inoculations seraient
tout aussi efficaces si elles étaient prati-
quées seulement avec deux ou trois gout-
tes de liquide bien préparé.
7° Il y a peu de chances de créer des
foyers d'infection par la pratique des
inoculations préventives anticholériques,
parce que les sujets inoculés ne sont pas
dans les conditions favorables à la produc-
tion et à la dissémination des germes ma-
lins.
8° Les données scientifiques actuelles
autorisent donc, en principe, les tentatives
d'inoculation préventive du choléra par
l'injection de liquide de culture du bacille-
virgule dans le tissu conjonctif sous-cu-
tané. Elles expliquent l'innocuité de ces
inoculations. Mais elles ne permettent pas
d'en affirmer à priori l'efficacité. La cons-
tatation de cette efficacité est un fait d'ex-
périence sur lequel des statistiques com-
paratives rigoureuses permettront seu-
les de se prononcer en connaissance de
cause.
9° De l'ensemble de cette étude, il ré-
sulte qu'il y -a lieu de suivre avec intérêt
les inoculations de M. Ferran, malgré le
caractère peu scientifique de ses recher-
ches antérieures et de sa pratique ac-
tuelle.
Il y a lieu aussi de contrôler les résul-
tats qu'il a annoncés.
X
La communication de M. Bouchard ne
ressemble guère à celle de M. Chauveau.
M. Bouchard s'est surtout préoccupé de
reproduire expérimentalement le choléra
sur des animaux.
« J'ai demandé, a-t-il dit, à la clinique
de me renseigner sur la valeur de la doc-
trine pathogénique du choléra, telle qu'elle
a été formulée par R. Koch. Cette doc-
trine peut se résumer dans ces trois pro-
positions :
» 1° Le choléra est une maladie infec-
tieuse dont le bacille-virgule est l'agent
pathogène;
» 2° La cavité intestinale est l'habitat ex-
clusif de ce bacille ;
» 3° Ce bacille, ne pénétrant ni dans le
sang ni dans la lymphe et ne se répandant
pas dans les tissus, ne peut produire les
accidents généraux du choléra que par le
procédé de l'intoxication; il doit donc sé-
créter dans la cavité intestinale une ma-
tière vénéneuse qui, absorbée à la surface
de l'intestin, détermine l'empoisonnement
de tout l'organisme.
» Au moment où j'allais être appelé à
soigner les cholériques, j'ai fait le bilan
de nos acquisitions touchant le traitement
du choléra, et je me suis convaincu de
l'inanité de tous les moyens empruntés
aux thérapeutiques empirique, naturiste,
Symptomatique, physiologique, cette der-
nière pouvant tout au plus revendiquer les
avantages des injections intra-veineuses.
» Je me suis donc cru autorisé à faire
une tentative de thérapeutique pathogé-
nique, alors que nous pensions être pour
la première fois en possession d'une doc-
trine pathogénique positive, affirmant, avec
des arguments capables de faire illusion,
l'influence morbifique d'un agent parasi-
taire défini. J'ai fait avec sincérité et
RËDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Bédaotioa
de 2 heures à minuit :
16, rue GadLet, 1Q
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rend. :
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Trois mois — 4 6 »»
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Et 15, Tiohborne Street, (Café Monica. 2d.)
SOMMAIRB-o
Dernières nouvelles.
Bulletin.
Question du jour (Un discours ministériel).
— HENRY FOUQUIER.
Le Devoir du parquet. — H. DEPASSE.
Le Meeting de la salle Rivoli. — PAUL
MUSSET.
La Mort d'Olivier Pain. — CANALIS.
Nouvelles coloniales.
Les Funérailles de l'amiral Courbet.
Documents électoraux.
Informations.
Journée de Paris.
Revue de la Presse. — NACHETTE.
Le Choléra.
Courrier de la Bourse. — H. LJI PÂ.
Le Sport du jour. — FA. VBLLBt.
La Température.
Nouvelles judiciaires.
Faits divers.
Courrier des théâtres.
Chronique scientifique. — Dr V. DU CLAUX,
DERNIÈRES NOUVELLES
LE CONFLIT HISPANO-ALLEMAND
Madrid, 26 août.
Le Libéral dit que ce serait une honte
nationale d'accepter l'arbitrage au sujet
de la question des îles Carolines sur les-
quelles l'Espagne a des droits de souve-
raineté. Cette souveraineté doit être dé-
fendue d'abord par la diplomatie, et au
besoin par les armes, car l'Espagne ne
cédera jamais un pouce du territoire na-
tional.
L'ENTREVUE DE KREMSIER
Vienne, 26 août.
La Correspondance politique est infor-
mée que M. de Giers et le comte Kal-
noky n'ont pas pris part à la chasse impé-
riale.
Les deux hommes d'Etat ont eu, pen-
dant l'absence de leurs souverains, une
longue entrevue.
BULLETIN
Le bruit court à Madrid que l'Espagne
est très décidée à cesser toutes relations
avec l'Allemagne si la dépêche qui est at-
tendue demain de Berlin ne donne pas sa-
tisfaction à l'honneur espagnol d'une façon
positive et immédiate.
Les journaux libéraux engagent le gou-
vernement à refuser tout arbitrage si l'Al-
lemagne, ayant arboré son drapeau aux
Carolines, ne les abandonne pas immédia-
tement, car l'arbitrage ferait supposer qu'il
s'agit pour l'Espagne d'un droit douteux,
et non d'un droit indiscutable.
Le gouvernement s'efforce de réagir un
peu contre les manifestations hostiles à
l'Allemagne. C'est ainsi que le cercle mi-
litaire qui est présidé par le général Sala-
manca, directeur général de l'administra-
tion au ministère de la guerre, et dont
font partie presque tous les officiers de la
garnison de Madrid, a été fermé par ordre
du gouvernement.
La raison de cette mesure de rigueur,
c'est que le général Salamanca a refusé de
continuer à porter la plaque de l'Aigle
rouge d'Allemagne. Dans une lettre rendue
publique, le général s'exprime ainsi :
« Il restera désormais une place vide
sur ma poitrine ; mais je compte la rem-
plir bientôt en obtenant une autre décora-
tion, méritée, Çkle-ci, par Fardée que je
mettrai dans la défense de ma patrie. »
On mande de la Haye, le 24, au Stan-
dard, qu'un certain nombre d'individus,
qui vendaient le journal socialiste Droit
pour tous, ont causé des désordres graves
dans la ville.
Un millier de personnes, portant des
drapeaux rouges et chantant la Marseil-
laise, ont menacé la police. Les manifes-
tants ayant refusé de se séparer, ta pôUtJe
les a chargés le sabre au poing et a réussi
à les disperser.
Dimanche, la ville a été tranquille; mais
lundi la manifestation a recommencé'. Lès
émeutiers oi\t lancé des pièces contre le
burean ae police, et un combat a eü lifeU;
ûîlas lequel plusieurs perstënlâéé Ght, été
blessees.
Le belltgmhe a publié une proclama-
tion prévenant les manifestants que tous
ceux qui commettraient des désordres oti
entraveraient l'action des autorité*? seraient
sévèrement punis.
On télégraphie de Copenhague que la
crise devient de plus en plus aiguë. Du-
rant la dernière quinzaine, quatre person*
nés, dont un membre du Folkething, Ont
été poursuivies pour trahison, et des pour-
suites sont maintenant commencées con-
tre un autre député, M. Horup, un des
leaders de l'opposition.
On mande de Zanzibar, 25 août :
L'amiral allemand Knorr réclame pour
l'Allemagne le fleuve Juba et demande la
conclusion d'un nouveau traité de com-
merce plus avantageux pour l'Allemagne.
Le commandant d'un navire de guerre
italien aurait hissé le drapeau italien à
Port-John's, dans la partie septentrionale
du territoire du sultan.
.-. ——————
QUESTION DU JOUR
Un. discours ministériel
appelle l'attention de nos lecteurs
sur le discours que l'honorable M. Go-
blet, ministre de l'instruction publique,
des cultes et des beaux-arts, vient de
prononcer à Hallencourt, dans la Somme.
Tout est précieux à noter ici, le dis-
cours, la composition de l'auditoire et
les incidents de la réunion. Ce n'est pas
à tort que le Mémorial d'Amiens, qui
nous apporte le discours de M. Goblet,
lui prédit « un grand retentissement ».
Rien de plus modeste pourtant que
ce discours où M. Goblet, en deman-
dant aux électeurs la confirmation de
son mandat, parait leur demander en
même temps un programme! Mais, sous
cette modestie outrée, la manifestation
électorale éclate, ayant une importance
particulière que nous allons essayer de
préciser, en « lisant entre les lignes »,
comme le Mémorial d'Amiens nous en-
gage, un peu ingénument, à le faire.
À la réunion d'Hallencourt se sont
rendus un grand nombre de conseillers
du département, de maires et aussi de
« fonctionnaires ». M. le sous-préfet
d'Abbeville ouvrait la marche des per-
sonnages officiels. Il est permis de se
demander s'il n'y a pas quelque inconvé-
nient et comme un paradoxe de con-
duite à voir, sous prétexte d'inaugura-
tion d'un hôtel de ville, un ministre, es-
corté de tous les agents de l'autorité,
sous-préfet, juges de paix, elf. etc., ve-
nir faire une déclaration électorale ?
M. Coblet à affirmé, au début de son
discours, que lé gHùvérftémeiii ardait
une Stricte neutralité pendant les élec-
tions. Cette neutralité aura-t-elle éclaté,
d'une façon vivante, aux yeux des po-
pulations de la Somme quand elles au-
ront VU un ministre, dans des circons-
tances officielles, entouré d'agents et de
fonctionnâmes kk dont. il serait trôp long
de éiter les noms », dit le Mémorial,
venir défendre s -
venir défendre programme électo-
rl aux applaudissements de ses fonc-
tiortnqirem fét\ijte; ta febiréctidn
pârfaitë serait que les ministres s'ab-
stinssent de parier aux, électeurs en de-
¡Órg. ds fioliucjtiéo
ment électorales, où, isolés de leurs
subordonnés, ils reprennent tous leurs
droits de députés et de candidats,
Petite, chicane., d'&illçurs ; et; de ce
úê M. Yè Mnistre s'est présenté aux
électeurs entouré de ses fonctionnaires,
je n'en conclus pas à la candidature of-
ficielle. Je laisse ces façons de dire aux
ennemis de M. Goblet*. dont not$ne
sommes pas. torit âussi bien, le léger
inconvénient que nous trouvons à son
attitude serait amplement compensé fii
nous avions la joie dë biisbiter qUe le
discours de M. Goblet nous a révélé la
pensée du cabinet et exposé son pro-
gramme d'une façon un peu précise.
Mais cette satisfaction nous est refusée.
Il y aura une exposition de la politique
du cabinet faite ces jours-ci, nous a dit
M. Goblet : elle sera faite par M. Bris-
son. Pour lui, il n'est vënti qu'eh sim-
ple avant-propos ; il ne nous donne
qti'tltl avant-goût de la déclaration mi-
nistérielle ; il n'engage que lui, il ne nous
renseigne qu'à demi. C'estainsi que, dans
un dîner, on doit attendre le rôt pour
se prononcer sur le cuisinier, et qu'il
serait injuste de le louer ou de le blâ-
mer sur quelque hors-d'œuvre trop
fade ou trop piquant.
Il est donc entendu que nous n'avons
à apprécier ici qu'une politique person-
nelle à l'honorable M. Goblet. Sur cer-
tains points, à coup sûr, il est d'accord
avec ses collègues ; sur d'autres, il est
permis de penser qu'il réunit en lui le
double personnage du ministre solidaire
et du candidat indépendant, et que c'est
le dernier qui a parlé. Je ne crois
pas, en effet, que tous les membres du
cabinet pensent, à un égal degré, que
c'est aux électeurs « à déterminer les
lignes principales de la politique » et
« qu'il ne soit pas besoin d'arrêter ce
qu'on appelle un programme ». Un pro-
gramme est indispensable. Que les élec-
teurs le proposent aux candidats qui l'ac-
cepte, ou que les candidats le soumet-
tent aux électeurs qui le ratifient, ceci
n'a pas grande importance : on n'échap-
pera pas au débat. Et il faut d'autant
moins y échapper quand on veut, comme
l'a dit excellemmentM. Goblet-non sans
quelque contradiction — faire les élec-
tions « non sur des personnes, mais sur
des idées arrêtées et nettes ».
Un programme est une chose si né-
cessaire que l'éminent orateur d'Hal-
lencourt, après avoir dit qu'il n'en
fallait pas, appelle l'attention des élec-
teurs sur trois points essentiels, points
sur lesquels, dès la période électorale,
doit se mettre d'accord la future majo-
rité du Parlement : ces points sont « la
politique coloniale, la politique reli-
gieuse, la politique économique et finan-
cière )J.. hé certes ÔUî ! voilà trois points
egsëtiels, et si essentiels, que nous
eussions Vtiuld *!j!f M; Goblet les abor-
der. Mais, ni comme ministre, ni comme
candidat, il n'en dit rien et nous de-
vions attendre pour savoir sil est par-
tisart de l'étactiâtion du Toîikin ou a*
i'orgdijisatiojij et de tçt défende, de te
conquête, s u est UUi.:êthHriiste ttfi
protectionniste, s'il est partisan du
Concordat ou de la séparation, si, en un
mot, ij. acpepte la suite du programme
du Cabinet prêchent dit s'il ^çcepte.le
programme nouveau des nouveaux àmé$
du cabinet actuel ?
Elé^rhtirônt tolïrifté re discours di-
sert serait obscur avec ïdiiièti ^.appa-
rences de la clarté et notre embarras
serait égal à le louer ou à le blâmer, si
Ml- Oofeet.ii'avslit abordé un point capi-
tal. Il faut créer, poiif l £ CHambre pro-
chaine, a-t-il dit, faute de quoi le gâ-
chis est imminent, une majorité de gou-
vernement. A merveille! Ici, nous som-
mes absolument avec l'honorable mi-
nistre. Il a cent fois faisait Il p/îr|e en
homme de bon sens et en poIitIquë,
— comme a dit M. Spuller à M. Brisson,
cjuMild jbeltti-ci a 1 défendu la politique
coloniale de son ffr £$ £ fc&sstettr
Seulement, — c'est ce « seulement »
que vous reconnaissez, appartenant à la
pièce des Faux Bonshommes, — seule-
ment, comment se fera la majorité de
gouvernement ? Ët avec qui ? Elle se fera
sUr les trois points signalés par M; Gù
blet, nous l'entendons bien : mais isefa-
t-elle sagement colonisatrice, concorda-
taire sans taquinerie, économe sans
abandonner les projets de M. de Frey-
cinet et en se contentant d'espacer les
dépenses? ou bien sera-t-elle fondée,
cette majorité, sur l'abandon des colo-
nies, la séparation, la renonciation aux
travaux engagés, l'impôt progressif
et le développement du socialisme d'E-
tat? Voilà ce que nous ignorons encore,
et quand M. Goblet nous parle de la ma-
jorité future, nous ignorons s'il se rap-
proche de nous ou s'il s'en éloigne, s'il
tend la main à l'ancienne majorité
agrandie ou si, passant par-dessus elle,
c'est à M. Clémenceau que son discours
s'adresse.
C'est cette seconde hypothèse que
l'Extrême Gauche voudrait nous forcer
à adopter. Car, à la réunion d'Hallen-
court, nous avons vu, sitôt le discours
de M. Goblet fini, M. de Douville-Maille-
feu se lever, le verre en main, et (tout
en nous parlant de son ami Clémenceau)
demander aux électeurs d'acclamer M.
Goblet. Mais nous voulons attendre en-
core avant de croire qu'un membre du
cabinet actuel entend « la concentration
des forces républicaines » et la forma-
tion d'une majorité de gouvernement
d'une façon qui laisserait aux radicaux
socialistes le gouvernement de nos af-
faires, conduirait droit à un ministèré
de M. Clémenceau, et ferait d'une coaJ
lition la peu durable contrefaçon d'une
entente loyale et sanctionnée par le
pays !
HENRY FOUQUIER.
P.-S. — Cet article écrit et le dis-
cours de M. Goblet composé, d'après le
Mémorial dainiens, témoin auriculaire,
nous recevons, à la dernière heure, un
autre texte, par l'agence Havas. D'après
l'agence, le texte des journaux d'Amiens
serait inexact. Il serait superflu de met-
tre en présence la version première et
le corrigé définitif. Nous indiquerons
seulement demain les différences entre
le texte de la première heure et le texte
définitif.
H. F.
LE DEYOIR DU PARQUET
]Vpu& avons parlé du scandale intOié-
riiMa éfitë provoquaient sur nos boule-
vards les eoipôéteers et crieurs de
feuilles obscènes. La préfecture de po-
Kfie* tout en se croyant à tort désarmée
contre wès d'une publicité indé-
cente, a dû prêtre depuis quarante-
huit heures des mesurer d'assainisse-
ment, car on s'est aperçu idtft d'un
coup qtf'on pouvait circuler dans Parts
sans être offensé et l'on a commencé a
respirer plus librement. Nour, félicitons
bien volontiers M. le préfet de police de
son initiative, et nous l'engageons à per-
gêtétef. Il est certain qu'avant trois
iours les honnêtes industriels dont il est
question vont essayer de reprendre leur
métier. Déjà, à diverses reprises et dans
dé proportions plus ou moins éten-
dues, cet âfrus s'était produit; on y
avait coupé court, mais il n'a pas tardé
à recommencer de plus belle. Chaque
fols qu'on se plaît à imaginer bien à tort
que la surveillance se relâche et mollit,
les vendeurs de malpropreté reprennent
possession du trottoir et de la chaus-
sée.
Il est bon que le droit du goii7?-fD^
ment et le devoir du parquet soient ici
parfaitement établis. Nous laissons de
côté les prérogatives légitimes et léga-
les du préfet de police : c'est au par-
quet surtout qu'il faut porter les récla-
mations de la conscience publique ou-
tragée. C'est le parquet qui est ici per-
sonnellement en pause. C'est à lui que
nous nous adréa^ns. Est-il vrai que la
loi de 1881a. expressément dans
son article 28* V-outrage aux bonnes
mœurs ? Est-il vrai que cette grande loi
de liberté, qui a consacré les immunités
de la presse de la manière la plus large,
contient un article ainsi conçu : « L'ou-
trage aux bonnes mœurs commis par
l'un des moyens énoncés en l'article 23
sera puni d'un emprisonnement d'un
mois à deux ans et d'une amende de
16 francs à 2,000 francs. Les mêmes
peines seront applicables à la mise en
vente, à la distribution ou à l'exposition
de dessins, gravures, enblèmes et ima-
ges obscènes. Les ex emplaires de ces
dessins, gravures, peintures, emblèmes
ou images -obscènes exposés aux re-
gards du public, mis en vente, colpor-
tés ou distribués seront saisis »? Est-ce
bien là notre législation, et avons-nous
des autorités instituées pour faire res-
pecter les lois ? Nous devons donc décla-
rer que le parquet est en défaut quand
des scandales semblables à ceux dont il
s'agit se produisent et se développent
au point d'inquiéter la conscience pu-
blique.
La loi est faite pour tout le monde en
France et en République ; elle s'impose
à tous, elle doit être respectée par tous,
même par les crieurs et fabricateurs de
plus misérables écrits qui ne relèvent ni
de la politique ni de la littérature. Au-
cun journal ne s'est avisé de prétendre
que la liberté de la presse fût engagée
dans cette question. Cependant il ne
manque pas d'ennemis de la République
et de la liberté pour calomnier à ce pro-
pos le gouvernement du suffrage uni-
versel. Ils osent aire que les républi-
cain1 en ne sévissant pas contre des
abus de ce genre, en ne les arrêtant
point dès qu'ils- commencent à percer,
en leur laissant prendre ce développe-
ment qui fait un jour que tout le monde
crie à l'a fois et réclame des mesures de
répression, ils osent dire qu'on ménage
une certaine clientèle infâme. Il serait
indigne de nous de répondre que cette
clientèle-là est réactionnaire et monar-
ëh'!(ue. C'est une clientèle qui n'appar
tient if. personne. Mais il importe que la
République pour le bon ordre et la dé-
cence de Paris, pour la dignité de la ca-
pitale, ne laisse aocun prétexte à d'aussi
hontenses insinuations.
Il est malheureusement trop clair que
la moralité publique doit encore être
protégée. Il est probable qu'elle devra
l'être encore très longtemps. Nous pou-
vons sans doute espérer qu'en ce point
comme en tous les autres le développe-
ment de l'instruction générale et le pro-
grès de la conscience seront un jour
des remèdes efficaces. Mais nous n'en
sommes pas là. Le législateur le plus
libéral qu'on eût jamais vu à l'œuvre a
pris ses précautions contre l'outrage
aux bonnes mœurs par les écrits et les
dessins. Nous demandons au gouver-
nement de la République et aux ma-
gistrats institués par lui de faire res-
j pecter l'article 28 de la loi de 1881.
H. DEPASSE.
L'agence Havas a communiqué aux journaux
la note suivante :
Des plaintes se sont élevées récemment
contre les cris poussés sur les boulevards,
et tout particulièrement près des stations
d'omnibus, par les colporteurs d'écrits faits
en vue d'exploiter la curiosité publique et
le goût des choses scandaleuses.
Il n'est pas .inutile de faire remarquer IL
ce sujet qu'avant la loi du 29 juillet 1881
l'annonce du titre de la publication était
seule permise, mais que, sous l'empire de
la législation actuelle l'administration est
désrmée. Elle ne peut que faire arrêter
momentanément les vendeurs ambulants,
afin de vérifier la régularité des permis-
sions dont ils sont porteurs et les empê-
cher de stationner sur la voie publique.
Ce sont les seules mesures qui soient en
son pouvoir et elle est disposée à y tenir
rigoureusement la main.
a- -
Le Meeting de la salle Rivoli
Veni, vidi, vici, disait autrefois César,
quand il eut conquis l'Asie-Mineure : « Je
ne suis pas venu, je n'ai pas vu, je n'ai
pas vaincu », telles auraient pu être les paro-
les de M. Rochefort, hier soir, en appre-
nant que deux mille personnes l'avaient
attendu en vain à la salle Rivoli, rtia
Saint-Antoine, où il devait s'indigner en
compagnie de MM. Gambon, Vaillant, Eu-
des, Susini et autres, contre « l'assassinat
d'Olivier Pain ».
A vrai dire, M. Rochefort s'est bien
aventuré jusque dans une brasserie de la
rue Saint-Antoine où il est resté pendant
une heure environ, attendant le moment
f euilleton du XIXe SIÈCLE
Du 27 août 1885
Chronique Scientifique
1
L'ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR L'AVANCE M EXT DES SCIENCES
LE CHOLÉRA
MM. Chauveau et Bouchard
Les vaccinations du docteur Ferran
Production expérimentale du choléra
Le microbe du choléra
Il était naturel que le congrès de Gre-
noble se préoccupât du choléra. Dès la
première séance de la section des sciences
médicales, M. Chauveau, directeur de
l'Ecole vétérinaire de Lyon, qui, presque
autant que Pasteur lui-même, a contribué
à l'établissement de la théorie micro-
bienne, est venu discuter devant ses con-
frères la question des vaccinations du doc-
teur Ferran. Aussitôt après M. Chauveau,
M. Bouchard, professeur à la Faculté de
médecine de Paris, nous a détaillé les ré-
sultats de ses propres expériences sur la
cause du choléra et sa production expéri-
mentale.
L'opinion publique se préoccupe beau-
coup de la question des inoculations pré-
ventives du choléra. Elle demande de tous
côtés aux gens compétents de l'éclairer sur
le crédit qu'il convient d'accorder aux ré-
cits qui uoUà .îeijLiciil t) elle
s'adresse surtout à ceux à qui leurs études
antérieures ont rendu familières les lois
de l'immunité et les conditions d'atténua-
tion des inoculations virulentes.
M. Chauveau estime que l'opinion publi-
que a raison et se déclare tout disposé, en
ce qui le concerne, à mettre ses connaissan-
ces à la disposition de ceux qui sont dési-
reux. de voir discuter et apprécier les faits
annoncés par M. Ferran. C'est un devoir pu-
blic dont il ne veut pas se laisser détourner
par les défiances et les répugnances que
M. Ferran a, comme à plaisir, suscitées
contre lui, dans l'esprit des savants qui
se sont occupés des microbes pathogènes.
Au commencement du débat, on se
trouve en présence de plusieurs objec-
tions préliminaires, qui, si elles étaient
fondées, rendraient toute discussion inu-
tile. Quoiqu'elles soient acceptées par un
certain nombre de bons esprits, M. Chau-
veau ne veut pas s'y arrêter ; autrement
il serait peut-être tenté de rester en che-
min.
Ainsi on dit : A quoi bon chercher un
procédé d'inoculation préventive du cho-
léra ? C'est une maladie à récidives, con-
tre laquelle vous ne sauriez avoir la pré-
tention de créer artificiellement l'immu-
nité, puisque la maladie naturelle elle-
même n'est pas capable de donner cette
immunité. Mais tout le monde sait que
c'est aller beaucoup trop loin. On va au
delà de la vérité quand on dit qu'une pre-
mière atteinte du choléra nous laisse en-
tièrement exposé aux coups d'une seconde
infection. Ce qui est vrai, c'est que cette
première atteinte ne crée pas une immu-
nité à longue portée. Mais, sauf exceptions
très rares, les individus guéris du choléra
ne contractent plus la maladie dans le
cours de la même épidémie.
On dit encore : Ces inoculations, avec
quoi les pratiquez-vous ? Avec des cultures
de comma bacillus? Mais êtes-vous donc
certains que ce microbe soit l'agent essen-
tiel du choléra? Cette objection est grave,
mais elle perd tous les jours du terrain.
Une des objections présentées avec lé
plus de ténacité contre l'activité spécifi-
que du comma bacillus, c'est que ce ba-
cille est un parasite de l'intestin ne s'éga-
rant jamais ailleurs, et que le choléra est,
au contraire une maladie de tout l'orga-
nisme, se traduisant d'emblée par des
symptômes généraux de la plus grande
gravité. Cette objection a déjà été réfutée
par M. Chauveau lui-même.
« Je ne m'étendrai pas davantage, a dit
M. Chauveau, sur ces points préliminaires.
Si on ne les accepte pas, il est inutile de
me suivre. Si on les accepte, il devient fa-
cite de comprendre que la recherche de la
production artificielle de l'immunité con-
tre le choléra, à l'aide des procédés em-
ployés par M. Ferran, est parfaitement lé-
gitime.
» La pratique de M. Ferran est très sim-
ple. Il introduit sous la peau du bras un
centimètre cube d'une culture de comma
bacillus, et il réitère l'opération jusqu'à
trois fois, à quelques jours d'intervalle.
» Un centimètre cube! Cette quantité a
bien étonné les expérimentateurs fami-
liers avec les inoculations virulentes.
Pourquoi cette masse énorme? Est-elle
donc formée d'un virus auquel on a fait
subir une vigoureuse atténuation? Proba-
blement non.
» Naguère, sous l'influence de M. Pas-
teur, on ne croyait guère, en ce qui re-
garde la production des immunités artifi-
cielles, qu'à l'efficacité des inoculations
faites avec des races de virus atténués par
la culture. C'était méconnaître les excel-
lents résultats donnés chaque jourpar d'au-
tres pratiques, dans lesquelles n'interve-
nait que l'emploi des virus forts. On oubliait
qu'il faut tenir compte non seulement des
qualités du virus, mais encore de la manière
dont on le met en rapport avec l'économie
animale. Or, pour juger, à priori, l'œuvre
de M. Ferran, si tant est qu'oeuvre il y
ait, il est absolument nécessaire d'être par-
faitement familiarisé avec ce principe, éta-
bli surtout par les travaux de l'école lyon-
naise, à savoir que la voie d'introduction
des virus peut exercer une influence consi-
dérable sur leurs effets. »
Il n'est pas possible de suivre ici M.
Chauveau dans tous les détails de sa sa-
; vante dissertation ; voici ses conclusions :
1° Le tissu conjonctif sous-cutané cons-
titue, pour le virus cholérique, un milieu
peu favorable à la prolifération de l'agent
pathogène et au développement d'une in-
fection maligne ; ce tissu est par consé-
quent très propre à servir de porte d'entrée
au virus pour la production d'une infec-
tion atténuée, capable de jouer un rôle
préventif.
2° Le peu de ressemblance qui existe
entre les caractères de cette infection ru-
dimentaire et ceux du choléra vrai ne peut
pas être invoqué pour nier, à priori, la na-
ture cholérique des légers symptômes
produits par l'inoculation, ni refuser tout
fondement à la prétention de communi-
quer ainsi l'immunité contre la maladie
naturelle. L'efficacité de l'inoculation pré-
ventive est rendue probable par l'exemple
des faits analogues, aussi nombreux que
bien établis, qui sont exploités avec le
plus grand succès en médecine vétérinaire.
3° Dans les cas connus auxquels il vient
d'être fait allusion et qui concernent sur-
tout la péripneumonie et le charbon em-
physémateux, l'infection virulente par les
agents pathogènes proprement dits est in-
déniable, et intervient seule pour faire
naître l'immunité. Les matériaux solubles
contenus dans la très minime quantité de
liquide inoculé n'exercent pas d'action di-
recte sur les rés ultats de l'inoculation. Il n'y
a pas lieu de supposer que les ptomaïnes
des bouillons de cultures cholériques
jouent un rôle plus actif, malgré la quan-
tité relativement grande de bouillon injecté
dans les inoculations de M. Ferran.
4° L'immunité plus solide qui, d'après
les statistiques de M. Ferran, serait con-
férée par une deuxième et surtout une
troisième inoculation massive, ne prouve
rien en faveur de cette intervention du poi-
son soluble. Il est établi en effet dans la
j science que la même culture atténuée,
inoculée à diverses reprises en très petite
quantité, augmente chaque fois l'immu-
nité contre l'action du virus fort, grâce
au multiple travail d'infection ébauchée
[ résultant de l'inoculation,
5° La tolérance de l'organisme de l'hom-
me pour les grandes masses de bouillon
infectieux doit probablement s'expliquer
non seulement par les conditions favo-
rables du milieu dans lequel on fait
pénétrer ce bouillon, mais encore par
la faible activité virulente de celui-ci.
Il est possible, en effet, que les cultures
de comma bacillus, en bouillon stéri-
lisé , faites dans les conditions ordi-
naires, soient naturellement atténuées.
Rien ne serait plus facile, s'il en était be-
soin, que de les atténuer davantage par
le chauffage. Le comma bacillus appar-
tient, en effet, à la catégorie des microbes
pathogènes dont l'activité est très bien
modifiée par la chaleur.
60 La quantité de matière virulente
à inoculer doit être réglée d'après l'acti-
vité de cette matière. Il est donc possible
que les liquides de M. Ferran soient si peu
actifs qu'il y ait nécessité à les injecter à
la dose de un centimètre cube. Mais tout
porte à croire que les inoculations seraient
tout aussi efficaces si elles étaient prati-
quées seulement avec deux ou trois gout-
tes de liquide bien préparé.
7° Il y a peu de chances de créer des
foyers d'infection par la pratique des
inoculations préventives anticholériques,
parce que les sujets inoculés ne sont pas
dans les conditions favorables à la produc-
tion et à la dissémination des germes ma-
lins.
8° Les données scientifiques actuelles
autorisent donc, en principe, les tentatives
d'inoculation préventive du choléra par
l'injection de liquide de culture du bacille-
virgule dans le tissu conjonctif sous-cu-
tané. Elles expliquent l'innocuité de ces
inoculations. Mais elles ne permettent pas
d'en affirmer à priori l'efficacité. La cons-
tatation de cette efficacité est un fait d'ex-
périence sur lequel des statistiques com-
paratives rigoureuses permettront seu-
les de se prononcer en connaissance de
cause.
9° De l'ensemble de cette étude, il ré-
sulte qu'il y -a lieu de suivre avec intérêt
les inoculations de M. Ferran, malgré le
caractère peu scientifique de ses recher-
ches antérieures et de sa pratique ac-
tuelle.
Il y a lieu aussi de contrôler les résul-
tats qu'il a annoncés.
X
La communication de M. Bouchard ne
ressemble guère à celle de M. Chauveau.
M. Bouchard s'est surtout préoccupé de
reproduire expérimentalement le choléra
sur des animaux.
« J'ai demandé, a-t-il dit, à la clinique
de me renseigner sur la valeur de la doc-
trine pathogénique du choléra, telle qu'elle
a été formulée par R. Koch. Cette doc-
trine peut se résumer dans ces trois pro-
positions :
» 1° Le choléra est une maladie infec-
tieuse dont le bacille-virgule est l'agent
pathogène;
» 2° La cavité intestinale est l'habitat ex-
clusif de ce bacille ;
» 3° Ce bacille, ne pénétrant ni dans le
sang ni dans la lymphe et ne se répandant
pas dans les tissus, ne peut produire les
accidents généraux du choléra que par le
procédé de l'intoxication; il doit donc sé-
créter dans la cavité intestinale une ma-
tière vénéneuse qui, absorbée à la surface
de l'intestin, détermine l'empoisonnement
de tout l'organisme.
» Au moment où j'allais être appelé à
soigner les cholériques, j'ai fait le bilan
de nos acquisitions touchant le traitement
du choléra, et je me suis convaincu de
l'inanité de tous les moyens empruntés
aux thérapeutiques empirique, naturiste,
Symptomatique, physiologique, cette der-
nière pouvant tout au plus revendiquer les
avantages des injections intra-veineuses.
» Je me suis donc cru autorisé à faire
une tentative de thérapeutique pathogé-
nique, alors que nous pensions être pour
la première fois en possession d'une doc-
trine pathogénique positive, affirmant, avec
des arguments capables de faire illusion,
l'influence morbifique d'un agent parasi-
taire défini. J'ai fait avec sincérité et
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