Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-08-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 15 août 1892 15 août 1892
Description : 1892/08/15 (A22,N7518). 1892/08/15 (A22,N7518).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-deuxième année. — N°7,518 CINQ Centimes - Paris et Départements CINQ COZltilIiCS LUNDI 15 AOUT 1802
RÉDACTION n i^iTiitto* ; f ,.1 0:
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PARIS
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- Départements - 71.; - 12f.; - 24 L' :
Mon Postale - 91; - 19U - Il Co"
Lee âbonnamanta sont veças nu trais *»«« taw •
IM huma» de poste.
PrHcunlitiijllU
La lettre par laquelle M. le marquis
de Breteuil vient d'annoncer aux élec-
teurs d'Argelès qu'il donnait sa démis-
sion de député est un des symptômes
les plus significatifs de l'état d'aban
don dans lequel sont tombées les af-
faires de la monarchie. Avec une Îranrr;
chise à laquelle il convient de rendre
hommage, M. de Breteuil reconnaît
qu'il s'est produit un désaccord entre
ses commettants et lui-même, les uns
venant à la République tandis que
l'autre reste un monarchiste impéni-
tent. On pourrait bien remarquer que
M. le marquis de Breteuil n'a pas,
pour se faire élire, déployé son dra-
peau aussi fièrement qu'il l'arbore pour
se retirer. On pourrait remarquer que,
en 1889, le manifeste électoral des
Droites, dont M. le marquis de Breteuil
était un signataire avec M. Piou, M.
de Mackau, M. Delafosse, M. Paul de
Cassagnac, ne faisait aucune allusion à
un rétablissement de la monarchie et
que, s'adressant aux « gens de bien de
toutes les opinions Yi, il se contentait
de leur faire ces promesses : «La Con-
stitution impuissante qui nous régit
sera revisée; les discussions vaines et
stériles seront closes; la volonté natio-
nale, dont tout le monde accepte le
verdict souverain, recouvrera sa liberté
pour en faire usage au jour solen-
nel où le pays, calmé, en pleine
possession de lui-même, devra statuer
sur ses destinées."
On pourrait remarquer que la pro-
fession de foi de M. le marquis de Bre-
teuil aux électeurs d'Argelès ne faisait,
elle aussi, aucune allusion à un réta-
blissement de la monarchie. Elle se
contentait d'annoncer une revision
constitutionnelle; elle promettait que
la parole serait rendue au pays quand
on « l'aurait délivré du joug actuel »,
et le candidat ajoutait : « Nous nous
inclinerons devant la volonté natio-
nale ». On pourrait rappeler encore
que le marquis de Breteuil ne fut pas
des derniers à prendre part à l'équi-
pée boulangiste,et l'on pourrait se de-
mander, après avoir rappelé tous ces
faits, si c'est bien comme monarchiste
intransigeant qu'il a été élu,ou si, dès
l'époque où il tenait ce langage ambi-
gu, il n'avait pas quelque idée du dé-
saccord qui existait déjà entre les re-
vendications monarchiques et le suf-
frage universel.
Mais il ne servirait de rien de récri-
miner contre le passé. Si la franchise
de M. le marquis de Breteuil candi-
dat en 1889 n'a pas été complète, elle
a ressemblé à celle de tous les autres
candidats de la droite, de tous les ral-
liés, et M. de Breteuil a au moins sur
tant d'autres cette supériorité qu'en
lui la, franchise se réveille, tandis que
les autres sont sans cesse à la recher-
che de nouvelles équivoques. Peu leur
importe qu'entre leurs mandants et eux-
mêmes un désaccord se soit produit ou
qu'il s'aggrave; en vain les élections
aux conseils généraux leur ont mon-
tré qu'ils n'avaient plus la confiance
de ceux dont, jusqu'ici, ils avaient été
les directeurs de conscience politiques.
Ils se cramponnent à leurs sièges com-
me le naufragé à un bout de planche.
Bien mieux, ils font démentir qu'à la
suite de la démission du marquis de
Breteuil ils aient songé à examiner la
situation et à discuter s'ils devaient
donner leur démission collective ou
rester à leur poste en donnant les mo-
tus de leur décision.
S'ils ne traitent pas la retraite de M.
de Breteuil d'acte de folie, on sent que
c'est par pure courtoisie. Mais la Cor-
respondance nationale ne cache pas son
mécontentement ; elle laisse même un
peu trop percer la crainte que quel-
ques hommes un peu trop chevaleres-
ques n'imitent l'exemple du député
d'Argelès. Elle insiste sur les «devoirs»
que les circonstances imposent aux
royalistes:
Quand on a, dit-elle, l'honneur de dé-
fendre, en même temps que ses convictions
personnelles, une cause nationale ; lors-
qu'on estime, comme l'écrit M. de Breteuil,
que la monarchie seule peut résoudre la
question sociale, conjurer les dangers exté-
rieurs administrer sagement la fortune
publique, sauvegarder les intérêts reli-
gieux et rendre à la France son éclat sécu-
laire, et que, par surcroît,on éprouve pour
un prince proscrit par la République un
dévouement plus inébranlable que jamais,
on ne devrait pas avoir un .seul instant la
pensée de quitter son poste. Plus les cir-
constances sont délicates, plus il y a, soit
dans Je Parlement, soit dans la presse, de
résistance à montrer. r.
Quant au scrupule de loyauté qui a
dicté la conduite de M. de Breteuil, la
Correspondance nationale en paraît
modérément touchée :
Il nous semble, dit-elle encore, que
l'honorable député d'Argelès aurait pu
attendre les élections de 1898 pour obtenir
du corps électoral, en posant nettement la
questién, une réponse décisive. Par là, qu'il
nous permette de le lui dire, il aurait peut-
être mieux concilié avec ce qu'il doit'à ses
électeurs, ce qu'il doit aussi à ses opinions
monarchiques et à la défense des intérêts
religieux.
« Il aurait bien pu attendre î "Tout
est là. Il sera toujours assez tôt pour
le parti royaliste de faire constater
officiellement ga'il a tou$oerdu et
", 1>. #
qu'il ne peut même conserver la plus
fragile espérance. Il trouve qu'il était
bien inutile d'aller au-devant de cette
constatation et de ~l souligner aussi
nettement la gravité du désaccord
entre la France et les débris du parti
monarchique. Il y a des pays où la
gravité de ce désaccord, affirmée par
les élections départementales, impo-
serait au gouvernement des devoirs
spéciaux. fCe serait à lui, se fondant sur
laj divergence de vues qui s'est pro-
duite en tant d'endroits entre les
mandants et leurs mandataires, de
falire cesser une situation anormale,
en renvoyant la Chambre devant le
pavs. Mais en France, la dissolution
a à ce point les apparences d'une me-
sure révolutionna-ire, qu'il n'y faut pas
penser. Attendons donc lès élections
générales de 1893, comme la Corres-
pondance nationale le demande. Que
les royalistes et les pseudo-ralliés
jouissent de leur reste, puisque leur
probité politique et la fierté de leur
conscience leur permettent de conser-
ver leur mandat malgré le désaveu
de leurs commettants. Ils ne perdront
rien pour attendre.
OFFICIER ARRÊTÉ
M. Mayer, officier-comptable, chevalier
de la Légion d'honneur, a été arrêté hier
et conduit au Dépôt, sur mandât de M. le
juge d'instruction Couturier et après in-
terrogatoire.
Cette arrestation se rattache à l'affaire
des faux poinçons apposés sur les fourni-
tures de l'armée.
Il est possible que M. Mayer soit grave-
ment compromis; ce n'est pas sans motif
que M. Couturier a agi. Mais, depuis six
mois,il se passe des choses bien singulières,
Tour à tour ont été arrêtés MM. Sarda et
Hemerdinger, plus une dizaine d'employés
de leur maison ou de fonctionnaires di-
vers. L'un après l'autre, ils ont été relâ-
chés.
Or, de deux choses l'une : ou ils étaient
coupables, ou ils ne l'étaient pas. S'ils l'é-
taient, pourquoi sont-ils en liberté ? S'ils ne
l'étaient pas, pourquoi furent-ils arrêtés ?
Aujourd'hui, on jette au Dépôt un offi-
cier supérieur. Rien ne nous dit que, dans
huit jours, M. Couturier ne le fera pas relâ-
cher. Les précédents nous le font croire.
Résultat : voilà un officier compromis,
perdu, dont la situation est ruinée.
Il nous parait que la justice jongle un
peu imprudemment avec la liberté et l'hon-
neur des gens.
Elle a déjà sur la conscience le suicide
de M. Douvenot et la mort de la femme de
ce malheureux caissier qui n'avait rien à
se reprocher. La façon dont elle semble
conduire ses enquêtes fait craindre que ce
ne soit pas fini. - -
L'EXPOSITION DE BERLIN ENTERRÉE
Berlin, 13 août.
Le Reichsanzeigei* (Moniteur de l'empire)
annonce que l'empereur, après avoir pris
connaissance du rapport du chancelier de
l'empire, a décidé qu'il n'y avait pas lieu
pour l'empire de mettre à l'étude le projet
d'exposition universelle à Berlin. -
Le rapport du chancelier publié par l'or-
gane officiel constate qu'une fraction assez
restreinte de l'industrie nationale s'est pro-
noncée en faveur de l'opportunité d'une
exposition de ce genre.
Les gouvernements confédérés ont, à une
majorité écrasante, contesté l'utilité d'une
pareille manifestation au point de vue éco-
nomiaue.
La Prusse, notamment, a repoussé le
principe de l'exposition ; parmi les Etats
confédérés, quarante voix ont émis un
avis défavorable, sept seulement un avis
favorable ; onze autres n'ont pas pris
position.
Le rapport ajoute que l'on ne peut pas
songer à mener à bien l'entreprise propo-
sée, si l'on n'est pas pénétré partout de la
conviction de l'utilité qu'elle peut avoir
pour l'industrie allemande.
D'autre part, les intéressés n'étant pas
disposés à faire les sacrifices nécessaires,
le chancelier se voit dans l'obligation de
déconseiller à l'empire d'entrer dans l'exa-
men du projet d'exposition.
SUICIDE D'UN ANCIEN CONSEILLER
MUNICIPAL.
M. Flamey , ancien conseiller municipal
d'Asnières, âgé de soixante-douze ans, de-
meurant 6, rue de l'Ouest, s'est suicidé hier
soir, vers 7 heures, en se tirant deux coups de
revolver, l'un dans la tempe droite, l'autre
dans la région du cœur.
Ce malheureux a profité d'une courte ab-
sence de Sa femme pour mettre son fatal pro-
jet à exécution. Il souffrait depuis longtemps
d'une maladie incurable.
UN BATEAU HISTORIQUE
(DE NOTRE CORR.liSfOiS.uANT PARTrCULIER)
Berlin, 13 août.
Un des plus vieux navires de guerre de
la flotte anglaise, le Foudroyant, vient d'ê-
tre acheté par une compagnie de naviga-
tion allemande de Svinemunde pour être
désemparé.
Sur ce navire flottait jadis le drapeau de
Nelson, et en 1793, le fameux amiral an-
glais se battit à son bord contre les Fran-
çais devant Naples.
Avant d'être désemparé, les Allemands,
toujours pratiques, se proposent de faire
recette en montrant le bateau, qui est un
cinq-ponts, aux visiteurs qui désirent voir
ce navire historique.
Le Foudroyant sera donc conduit d'An-
gleterre auparavant à Hambourg et de là
à Stetiin et Svinemunde.
LA GUERRE CIVILE AU VENEZUELA
New-York, 13 aoàt. — Le Herald reçoit la dé-
pêche suivante de-là Trinidad :
Les révolutionnàires du Venezuela ont pris
la ville de Ciudad-Bolivar après un combat
sanglant.
Les troupes gouvernementales ont eu 500
tués, parmi lesquels se trouvent plusieurs gé-
néraux.
Les révolutionnaires ont eu presque autant
de tués, mais aucun général ne se trouve par-
mi les morts.
UNE COLLISION
Saint-Pétersbourg, 13 août. — Le bateau à
vapeur Ajàx a été heurté près de la forteresse
finlandaise de Sveaborg par le vapeur Ranen-
berg. Il a coulé.
L'Ajax avait 80 passagers àbçjd; us grand
nombre ont été noyés$ - ,r y
>, > ''-' -'
I CHRONIQUE
-
On est tout entier chez nous, en ce
moment, à la préparation des grandes
manoeuvres. Au cours d'une excursion
à Jersey, je viens d'assister à d'autres
« grandes manœuvres 3), vraiment sin-
gulières, celles-là : les grandes manœu-
vres de l'armée du Salut ! «Sang et feu ! »
cela a été martial au possible.
Dans cette île charmante, qui n'est gâ-
tée que par le nombre, positivement ex-
cessif, des immenses breaks de touristes,
pojur la plupart anglais, vêtus de la façon
la plus extravagante du monde, les Salu-
tistes ont un très fort quartier général.
Ces excursionnistes ne les gênent point,
et, au contraire, ils trouvent l'occasion
bonne de se ruer à l'assaut de quelques
âmes jusque-là rebelles à la bonne doc-
trine.. - ': ,
A Paris, nous ne faisons que sourire,
avec un peu de pitié pour les pauvres
filles à la poitrine plate et si mal enca-
puchonnées que nous apercevons de
temps en temps dans la rue, et avec un
brin de moquerie à l'égard des « officiers »
du sexe mâle, en tricot rouge avec PS
traditionnel au collet, en estimant qu'ils
font là un métier bien ridioule.
Mais à Jersey, les Salutistes tiennent
le haut du pavé, ont l'air de se prendre
très au sérieux, et, semblant vaquer à
des occupations importantes, font l'effet
de soldats garnisonnés dans l'île, tout
comme le détachement de fantassins ré-
guliers du régiment de Lancastre. Per-
sonne ne s'étonne plus de leurs agisse-
ments. Et pourtant, dans ce joli pays si
riant en cette saison, on ne parait pas si
disposé à goûter ces mômeriés.
La population, si mélangée qu'elle soit
maintenant, a gardé de son vieux fonds
français le bon sens et l'amabilité, et ce
sont deux qualités qui ne se peuvent
guère accommoder de ces excentricités.
Mais en terre anglaise, il y a place pour
tout le monde.
Donc, au « quartier général », à Saint-
Helier, la mobilisation avait été décidée.
Le "colonel" représentant, à Jersey, le
général Booth avait résolu de passer ses
forces en revue et d'exercer ses fidèles,
par une épreuve décisive, à la prépara-
tion de la « grande guerre ».
Cela s'est passé avec une gravité ex-
traordinaire, tout à fait comme s'il s'a-
gissait d'une opération militaire ; et c'é-
tait ce sang-froid qui était ébouriffant,
je vous assure.
Il s'agissait d'abord d'avertir les Salu-
tistes non embrigadés répandus un peu
partout — ce qu'on pourrait appeler les
associés libres — devant être prêts à ré-
pondre au premier signal.
D'Halkett-Street, où l' « état-major » a
son siège, des vélocipédistes partent aus-
sitôt à grand train, dans toutes les direc-
tions, Les routes sont sillonnées de cy-
clistes, courant, éperdus, ayant en ban-
doulière une sacoche de cuir où sont con-
tenues les instructions. Ainsi, chez nous,
les gendarmes iraient-ils, à bridé-abat-
tue, porter ies ordres. Ces vélocipédistes
pour un saint motif sont de grands gail-
lards, maniant avec une dextérité mer-
veilleuse leurs instruments. Ils ont tôt
fait de fendre l'espace et de prévenir
dans chaque district le ci major » qui, à
son tour, réunit en hâte les volontaires,
brûlant de se mesurer avec l'a ennemi",
— c'est-"ire avec, l'incrédulité et le scep-
ticisme.
Pendant ce temps, au quartier général,
on dispose des piquets, avec des étiquet-
tes (absolument comme on le fait dans
nos casernes à l'arrivée des réservistes).
Ces piquets indiquent la place que de-
vront prendre les détachements dans le
cortège. Un gros petit homme, — une
foule d'étoiles sur son collet, — va, vient,
se démène, comme s'il accomplissait réel-
lement quelque besogne utile, et passe
nerveusement une main grasse et courte
dans ses épais favoris, en commandant ce
travail. Pour un peu, on le prendrait
pour un vieux militaire à cheval sur les
règlements et qui n'a pas l'air commode!
Trois heures ne se sont pas écoulées (il
n'y a pas à dire, la mobilisation est ra-
pide chez les Salutistes), que les différents
groupes, dont quelques-uns sont venus
d'assez loin au pas de course, ont tous
rejoint Pendroit du rendez-vous. On se
forme en rangs très régulièrement, cha-
que « compagnie » ayant sa bannière.
Alors le gros petit homme inspecte ses
troupes avec un imperturbable aplomb
et prononce une harangue destinée à en-
flammer les courages, une harangue où
reviennent sans cesse les termes guer-
riers : attaque, déploiement, marche en
avant, victoire, conquêtes, etc. On lui
répond par des hurrahs, et vous jureriez
que ces hommes et que ces femmes au
visage belliqueux vont, en effet, aborder
de front quelque forteresse.
Une musique aux sonorités formida-
bles, composée de cuivres grondants, de
fifres perçants, de tambours puissants,
vient se placer en tête de la colonne. Un
énergique commandement de « Marche!»
retentit et l'it armée » se met en route, en
assez bon ordre, ma foi.
On se rend sur la place de la Parade,
cependant que d'assourdissants cantiques
sont entonnés et se mêlent au déchaîne-
ment des cuivres. A mesure qu'on avance,
l'exaltation des combattants augmente.
C'est ici qu'ils vont ce se déployer M. Ils
sont bien deux cent cinquante, au moins.
Ils forment un cercle. Le « colonel » re-
prend la parole, redoublant d'énergie. En
fait d'adversaires, il n'y a, toutefois, que
quelques curieux, point trop encore
blasés, en leur qualité d'étrangers, sur
ces folies. Alors commencent ces céré-
monies burlesques que nous avons vues
à Paris, au quai de Valmy, accompagnées
par l'orchestre, de plus en plus bruyant.
Puis les Salutistes se groupent de nou-
veau par compagnies, et ces détache-
ments, s'étant partagé les instrumentistes,
vont se livrer, çà et là, à la même opé-
ration. Ils se retrouvent. au bout d'une
heure environ, sur la place, se remettent
en ligue çt» #près un nouveau discours
du colonel, les Salutistes se dispersent,
regagnant leurs « cantonnements", Les
malheureux, épuisés, suent sang et eau,
mais leur physionomie exprime une
visible satisfaction. Ils ne sont pas diffi-
ciles I
Comme à Paris, on pouvait sourire.
Mais comment ne pas être un peu étonné
toutefois de cette discipline, de cette exac-
titude à répondre à l'appel, de la part de
gens quittant brusquement, sur un si-
gne, leurs occupations? Comment le fon-
dateur de cette secte tient-il aussi étroi-
tement, même de loin, tous ses adeptes?
De l'armée du Salut, nous ne voyons que
le côté burlesque. Il y a là pourtant un
phénomène moral digne d'attention, une
sorte de suggestion puissante exercée par
ce « général," Booth, par des moyens qui
ne peuvent pourtant que nous paraître
grossiers. Le fait est qu'il possède une in-
contestable puissance sur toutes les étran-
ges milices qu'il a formées un peu par-
tout, prêtes à se mettre en mouvement
(ce mouvement fût-il chimérique) sur un
simple mot de lui. Tous ces bizarres ((sol-
dats » ne peuvent être, pourtant, entiè-
rement déraisonnables, et pour la plu-
part, - les non gradés, — il n'y a aucune
question d'intérêt en jeu.
Hélas ! pour de grandes et de généreuses
idées, on n'arrive pas ainsi, toujours, à
s'emparer des âmes. C'est à cela que je
pensais, en assistant à ces dérisoires «ma-
nœuvres ».
Paul Ginisty.
MORT D'UN DÉPUTÉ
Bordeaux, 13 avril.
M. Octave Cazauvielh, député républicain
de la Gironde,est mort cet après-midi dans
la commune de Salles dont il était maire.
Il a succombé aux suites d'une maladie
de cœur. Il était né le hmai 183/j.
Il représentait la 5e circonscription de
Bordeaux depuis 1881. Il avait été renommé
aux dernières élections par 11,900 voix con-
tre 7,9.46 à M. de Carayon-Latour, monar-
chiste, et 1,731 à M. Pascal, boulangiste.
L'INHUMATION DES SUICIDÉS
EN ALSACE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 13 août.
Plusieurs journaux allemands et, à leur
suite, quelques-uns de vos confrères ont
relaté la façon non seulement sommaire,
mais odieuse, dont se fait l'inhumation des
suicidés en Prusse et en Posnanie où le
fanatisme catholique, et luthérien est en-
core si vivace.
Point n'est besoin d'aller si loin pour
assister à un spectacle ignoble entre tous.
Voici comment, dans certaines localités en
Alsace, on enterre un suicidé lorsqu'au-
cun membre de sa famille ne le réclame
ou ne le protège :
En 1873r très jeune encore, j'assistai à
Bitschwiller près Thann — ancien arron-
dissement de Belfort — à la trouvaille d'un
pendu, un pauvre mendiant sans feu ni
lieu. Après les constatations légal es, permis
d'inhumer fut accordé. Le garde champêtre
requit un homme de bonne volonté à qui
fut remise une vieille caisse d'épicier.L'hom-
me, accompagné du garde et d'une artnée
de." gamins lui faisant escorte, brouetta la
caisse jusque dans la forêt, où le suicidée
dépendu gisait, le visage ecchymosé par
des pierres qu'on lui avait jetéès. L'homme,
aidé du garde, introduisit le cadavre dans
la caisse, qui fut clouée puis amenée der-
rière le cimetière. Arrivé près du mur, le
groupe s'arrêta, les deux hommes hissèrent
le cercueil improvisé sur la crête du mur,
et, de là, le firent dégringoler dans le carré
réservé aux suicidés, où ils le rejoignirent.
Une fosse avai t été creusée entre temps,
tandis que des gamins avaient apporté de
nombreuses et grosses pierres.
Le garae enampetre et le croque-mort,
après avoir fait le tour du cimetière pour
y pénétrer par la porte, n'avaient déjà plus
rien à faire, les jeunes drôles qui les
avaient escortés avaient déjà poussé la
caisse vers la fosse et l'y avaient précipitée.
Les planches s'étaient rompues et le cada-
vre était à découvert.
Ce fut alors le signal d'un enfouissement
affreux : les petits misérables jetèrent d'a-
bord les grosses pierres sur le corps dont
les chairs furent écrasées, le crâne fracassé.
Lorsqu'on ne vit plus rien du mort, ils je-
tèrent enfin sur lui la terre, tandis que fos-
soyeur, garde champêtre et croque-mort
d'occasion causaient et riaient.
Ces pratiques abominables sont de tradi-
tion et nul, à commencer par le maire, ne
les a jamais trouvées répréhensibles. Au-
jourd'hui la tradition est en pleine vigueur.
L'ÉTAT SANITAIRE
DE NOS TROUPES COLONIALES
M. Treille, président du conseil supérieur
de santé des colonies, qui vient de rentrer
à Paris après avoir accompli au Sénégal
une mission qui lui avait été confiée par le
ministère de la marine, a communiqué à la
Société de médecine publique des docu-
ments précis au sujet de la mortalité des
militaires français aux colonies.
Quelles que soient les améliorations ap-
portées au séjour de nos jeunes soldats, la
mortalité annuelle est de M sur 1,000 hom-
mes, et cette proportion, qui est énorme,
est de 6 à 7 fois plus élevée que celle de no-
tre armée de terre.
Bien que les influences nocives de cer-
tains climats tropicaux ne puissent être
complètement évitées, M. Treille estime
qu'elles pourraient être notablement atté-
nuées si des subsides suffisants permettaient
de subvenir largement aux modifications
d'habillement, de cainpement, de transport,
de rapatriement des malades et convales-
cents, et à la formation de troupes indigè-
nes assez nombreuses pour suppléer, se-
conder notre infanterie de marine, pour le
recrutement de laquelle, au lieu de prendre
les hommes qui au tirage au sort ont la
malchance de tomber sur les premiers nu-
méros, on devrait prendre au contraire
ceux qui, originaires des départements du
Midi, de la Provence et de la Corse, sont
plus à même de supporter, les climats
chauds que les Normands, les Bretons ou
les Picards.
Avec la généralisation actuelle du service
militaire, il est indispensable à tous de
connaître la situation sanitaire de nos sol-
dats dans tous les pays, et à ce titre, la
communication que vient de faire M. Treille
nous paraît des plus intéressantes.
Le XIX" SIECLE publiera demain »
a Mrouloue, '!,. Dox Francisque Saroey*
L'AFFAIRE
DE LA FOUILLEUSE
UNE COLONIE PÉNITENTIAIRE
-
Deux surveillantes poursuivies pour
violences graves. — Les débats
devant le tribunal de
Versailles
Il y a environ dix-huit mois, M. Cons-
tans, ministre de l'intérieur, demandait à
M. Groslier, inspecteur général des prisons,
et à Mme Dupuy, inspectrice du même ser-
vice, de lui présenter un rapport sur l'eri-
semble de l'administration de la colonie
pénitentiaire de la Fouilleuse, dirigée alors
par Mme Hubert.
C'est à la suite de cette visite officielle des
deux fonctionnaires, ayant notamment si-
gnalé, en leurs rapports respectifs, des faits
de violences graves et répétées sur la per-
sonne des jeunes filles pensionnaires de
cet établissement, qu'une instruction a été
ouverte et a abouti au renvoi devant le tri-
bunal correctionnel de Versailles de deux
anciennes surveillantes générales de la
colonie de la Fouilleuse, Mme Ruinart et
Mlle Pujo.
Située sur le territoire de la commune de
Rueil, la maison pénitentiaire a été, depuis
lors, licenciée. Sa création, ou plutôt sa
conversion en colonie de jeunes détenues
a donné lieu à des discussions, à des polé-
miques dont l'écho a retenti jusqu'à la
Chambre et où se trouvait mêlé le nom de
M. Herbette, ex-directeur au ministère de
l'intérieur du service des prisons, actuelle-
ment conseiller d'Etat en service ordi-
naire. M. Herbette est le frère de notre am-
bassadeur à Berlin. Il a été un des princi-
paux témoins du procès d'hier.
LES DÉBATS
L'audience était présidée par M. Ferron.
Le magistrat a d'abord interrogé les deux
prévenues.
Mme Ruinart était, il y a un mois encore,
surveillante à la maison de Nanterre ; elle
est âgée de cinquante ans. C'est une per-
sonne à la physionomie paisible et douce.
Elle est restée en fonctions à la Fouilleuse
d'octobre 1888 à février 1890. Les ren-
seignements sur son compte sont des meil-
leurs.
Le type de Mlle Pujo est plus accusé. Au-
jourd'hui marchande de journaux, la pré-
venue, qui est âgée de quarante-neuf ans, a
porté longtemps le costume des religieuses
de Saint-Vincent-de-Paul. Elle a, en 1887,
quitté volontairement la cornette des sœurs
de charité. Rien de défavorable n'est rap-
porté sur sa moralité, mais « sans s'adon-
ner à la boisson, elle serait d'une sobriété
relative ». Mlle Pujo proteste contre cette
accusation.
— A mon teint (qui est presque rouge
brique), dit-elle, on pourrait le croire ; je
ne puis pas le changer. Je ne bois d'ailleurs
pas de vin, je ne bois que de la bière.
L'ex-religieuse n'a pas conservé « le pli »
de son ancien état. Sa douceur, au surplus,
ne devait pas être évangélique; Sur ce,
point, les témoins s'accordent tous.
LA CAMISOLE DE FORCE
.:.. On vous reproche, dit le président aux
deux prévenues, des violences exa-géréea.
C'est ainsi que pour des motifs futiles, tels
que défaut de travail, vous auriez mis la
camisole de force à des enfants, mode de
nition absolument interdit. La camisole,
us l'auriez mise dans des conditions ex-
traordinaires, relevant et attachant les bras
des enfants derrière le.dos. Vous auriez, en
outre, frappé des pensionnaires à coups de
corde, vous les auriez fouettées avec des
chardons et des orties; en hiver vous les
auriez plongées dans l'eau froide. Que ré-
pondez-vous T
Mme Ruinard.—Je reconnais avoir mis
la camisole de force à des enfants indisci-
plinées et perverties qui frappaient, cas-
saient, brisaient. Ayant dit à la directrice
que je n'en pouvais venir à bout. « Eh bien,
punissez-les, me dit-elle ; vous avez des
camisoles de force ! »
Le président. - Combien existait-H de
camisoles ?
— Trois pour 330 détenues à peu près.
— Reconnaissez-vous avoir souffleté les
enfants pendant qu'elles étaient revêtues
de la camisole ?
— Non, monsieur.
Mme Ruinart nie également que pour ac-
croître la pression du vêtement de force,
elle y ait introduit, soit des sabots, soit des
draps. Elle reconnaît qu'un jour, en vous
lant contraindre une jeune détenue à l'o-
béissance, elle l'a atteinte à la tête avec son
trousseau declés, d'où estfésuitéeunelégère
blessure. L'enfant, indisciplinée d'ailleurs,
lui tordit le bras, ce dont témoignera le
médecin de la maison j
Quant à Mlle Pujo, elle rèconnaît aussi
avoir fait application de la camisole de
force.
- Mais, dit-elle, ça a été dans des mo-
ments difficiles, pour des crises que je ne
sais comment appeler : quand des pension-
naires allaient jusqu'à arracher des clous
et pouvaient faire du mal à elles-mêmes ou
à leurs compagnes.
DÉPOSITION DE M. GROSLIER
M. Léopold Groslier est entendu. Le
témoin est âgé. de soixante ans ; il porte à la
boutonnière la rosette de la Légion d'hon-
neur.
— Dois-je, dit l'inspecteur général des
prisons en s'adressant au président, me
borner aux faits seulement déférés au tri-
bunal ?
— Oui, répond le magistrat.
-Mais, réplique le témoin, ces faits étant
absolument accessoires, on pourra peut-
être me reprocher de n'y avoir pas accordé
suffisamment d'attention. La mission que
j'avais reçue du ministre m'a fait découvrir
des choses graves, des violations des règles
de là comptabilité publique.
M. le procureur de la République Chré-
tien, intervenant, -,Nous ne pouvons pas
mettre un second procès dans celui-ci.
Le témoin. — Je né trouvai pas à la
Fouilleuse la personne qui dirigeait l'éta-
blissement. A première vue, je relevai des
choses peu correctes et, a quelques paroles
des enfants, je, ne doutai pas quMls ne fus-
sent l'objet de sévices. Je revis le ministre,
qui me pria de m'adjoindre Mme Dupuy,
inspectrice, générale, à qui les enfants ont
pu alors plus librement montrer les traces
de violences exercées sur elles.
- Vous avez interrogé les enfants?
- Avec beaucoup de peine! Elles ne vou-
laient d'abord pas répondre. Petit à petit
les enfants ont commencé à parler. Les sé-
vices exercés ont été, pour moi, un peu le
résultat du défaut d'organisation de l'éta-
blissement ; si les gardiennes avaient fait
partie du corps régulier des services péni-
tentiaires, si au lieu d'être rétribués par
l'entrepreneur elles l'avaient été par l'Etat,
nous n'aurions pas eu à constater ces faits
- >
intéressant les enfants qui, je le répète,'
m'pnt paru secondaires à côté des points
autrement graves qui me frappaient. Je les
ai relevés comme étant la goutte qui, sui-
vant moi, devait faire déborder le vase.
Chez M. Groslier, on le voit, les questions
financières ont infiniment plus d'impor-
tance que les traitements barbares infligés
à des enfants. C'était d'ailleurs plutôt la.;
mission de Mme Dupuy de constater ceux-
ci.
Le président au témoin. — Peut-il êtra
fait emploi ds la camisole de force ?
--- En cas de rebellion seulement,
r- Comment était-elle mise ?
j- Avec une certaine cruauté. Deux com.
pagnes de l'enfant coupable, deux grosses
gaillardes, étaient chargées de l'appliquer ;
quand l'enfant était malingre, on * ajoutait
un drap. Je n'ai d'ailleurs rien pu contrô-
ler. Les enfants seules ontété entendues par;
nous; elles nous ont révélé d'autres faits,
plus graves.
r Lesquels? Ont-elles dit qu'on les avait
fouettées avec des chardons, des orties ?
"!- Oui, une des enfants l'a dit. Une autre
a Raconté que de la cire chaude avait été
versée sur les cuisses d'une de ses compa-
gnes.
4- Par qui et sur qui ?
- Elle ne l'a pas dit. D'ailleurs, monsieur
le iprésident, ces faits ont été sommaires
ment enregistrés par moi. Voici mes notes.
Jeipuis vous en lire quelques-unes : « A
Rouen, disaient les enfants, on était bien
plus heureux. Celle-ci encore : « Direc-
trice presque toujours absente ».
NOS COLONIES
Le procureur de la République. — Avez*
vous cru à la réalité de ces violences?
— Je considérais les choses d'ensemble et
me disais : Voilà un établissement bien mal
organisé. On voulait obtenir du travail, une
production commerciale! Utopie! On na
doit donner de travail aux enfants qua
pour les occuper.
- Le fait de la cire ne vous a pas frappé ?
- Je l'ai considéré comme dernier ap-
point. Je vous laisse à penser le reste. Mais
je dois dire qu'il y a beaucoup à douter da
ce que disent les détenues, et j'aurais fait
une contre-enquête. On a, j'ajoute, demandé
le transfèrement de toutes les jeunes filles
qui s'étaient plaintes à nous et j'ai donné
leur nom à M. le juge d'instruction. L'é.
tablissement était à supprimer, et en fait, il
l'a été.
Me Clairin, défenseur de Mlle Pujo. -
Y a-t-il d'autres établissements du type de
la Fouilleuse ?
— Malheureusement il y en a d'autres; il
existe plusieurs sortes de colonies péniten-
tiaires : celles où l'Etat se charge de tout, et
celles qu'on appelle privées, aux mains gé-
néralement de religieux ou religieuses à
qui il est accordé tant par journée. Sur
celles-ci l'Etat a une mission de contrôler
Enfin il y a un système hybride, comme
l'était la Fouillèuse, avec un côté commer-
cial portant en soi le germe de destruction.
Jamais on n'a envoyé un seul inspecteur
général à la Fouilleuse. M. Constans me dit
en me recevant : « Vous ne m'avez pas dit
ces choses-là ! » Je répondis que je n'était
pas un délateur, que si je recevais une.
mission, je ferais mon devoir. Je craint
qu'on ne publie pas mon rapport, niais
désire qu'on le fasse.
LE TRIBUNAL DES SAGES
Mme Dupuy dépose avec plus de préci-
sion que le précédent témoin sur les faits
mêmes du procès :
— Ils me concernaient, dit l'inspectrice-,
plus spécialement. Je n'étais jamais allée à
la Fouilleuse, la maison étant soustraite à
l'inspection générale depuis sa création.
Par expérience, je sais combien il faut s€
défier de l'imagination des enfants, de leurs
exagérations. Un groupe relativement mi-
nime se plaignait, et j'ai fait juger ces
plaintes, pour ainsi dire, par celles des dé-
tenues qui, ayant des cordons, des rubans.
attestaient leur sagesse habituelle. Je n'ai
retenu que ce qui a été confirmé par ceg
dernières. Je considère comme certain
qu'on mettait aux enfants la camisole de
force, et quelquefois de façon bien cruelle,
pour des fautes bien légères. L'enfant, ayant
les bras relevés vers les épaules, tombait'
en avant et, pour la forcer a se relever, on
lui donnait des coups de pied. Les jeunes
filles étaient battues de toutes façons avec
les mains, des orties, des cordes. Les en-
fants nous ontamené une de leurs petites
camarades qui portait les marques de coups
de corde.
Le président. —De corde, êtes-vous sûre,
madame?
Mme Dupuy. — M. Groslier, qui était avec
moi, a emporté cette corde, et comme la
fait était grave, j'ai voulu qu'il constatât
lui-même ces marques. Il l'a fait plus mo-
destement que moi, mais il l'a fait.
M. Groslier, rappelé, déclare qu'il se sou-
vient bien de marques de coups relevées
sur le bras d'une petite pensionnaire, mais
nas au bas des reins.
Sur ce point, les deux fonctionnaires se
séparent absolument. Mme Dupuy a beau
insister, M. Groslier ne veut pas avoir vu.
— C'était, dit-il, un tel concert de plain-
tes, une telle fourmilière autour de nous,
qu'il a fallu nous dérober.
Me de Marigny, défenseur de Mme Rui.;
nart, demande à Mme Dupuy si, lors de son
unique visite, elle ne constata pas que les
carreaux de la fenêtre de la chambre de 1%
prévenue étaient brisés.
Mme Dupuy. — Parfaitement. Il y avait
eu une véritable émeute ; les enfants
avaient été poussées à se soulever. Je trou-
vai Mme Ruinart acculée dans un coin da
sa chambre pour éviter encore de recevoir
des pierres.
M. HERBETTE
M. le conseiller d'Etat Herbette, rompant
— il l'a dit lui-même à là barre — le Iongj
silence qui lui était imposé par sa situation
de fonctionnaire, a traité à fond la question;
de la Pouilleuse, plaidant pro domo, du
reste, dans un merveilleux langage. Le té-
moin a défendu sa création, couvert le per<;
sonnel de la Fouilleuse avec beaucoup da
chaleur et d'éloquence.
Des explications fournies par M. Herbetta
au tribunal il résulte que, d'après une loi de'
1850, ayant grand besoin d'etre réformée
si l'Etat est dans l'obligation de faire subie
les peines des jeunes condamnés, les dé-s
partements ne sont pas astreints à fourni
des locaux à cet effet. Donc, anomalie. La
département de la Seine avait à loger toute
une population de jeunes filles frappée$
par les tribunaux ou dont les parents récla-*
maient demandaient l'envoi en corrections
maient, l'établissement de la Fouilleuse s
quand
trouva vacant.
L'ancien directeur du service pénitenaï
tiaire entre, sur la prise de possession dw
cet établissement par le ministère, dans dest
développements qui prouvent que tous les^
« sacrements » administratifs et budget
taires' ont accompagné cette opération.
Puis il aborde l'objet, de la prévention et
fait un tableau imaaé de cette réunion d"
RÉDACTION n i^iTiitto* ; f ,.1 0:
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Mon Postale - 91; - 19U - Il Co"
Lee âbonnamanta sont veças nu trais *»«« taw •
IM huma» de poste.
PrHcunlitiijllU
La lettre par laquelle M. le marquis
de Breteuil vient d'annoncer aux élec-
teurs d'Argelès qu'il donnait sa démis-
sion de député est un des symptômes
les plus significatifs de l'état d'aban
don dans lequel sont tombées les af-
faires de la monarchie. Avec une Îranrr;
chise à laquelle il convient de rendre
hommage, M. de Breteuil reconnaît
qu'il s'est produit un désaccord entre
ses commettants et lui-même, les uns
venant à la République tandis que
l'autre reste un monarchiste impéni-
tent. On pourrait bien remarquer que
M. le marquis de Breteuil n'a pas,
pour se faire élire, déployé son dra-
peau aussi fièrement qu'il l'arbore pour
se retirer. On pourrait remarquer que,
en 1889, le manifeste électoral des
Droites, dont M. le marquis de Breteuil
était un signataire avec M. Piou, M.
de Mackau, M. Delafosse, M. Paul de
Cassagnac, ne faisait aucune allusion à
un rétablissement de la monarchie et
que, s'adressant aux « gens de bien de
toutes les opinions Yi, il se contentait
de leur faire ces promesses : «La Con-
stitution impuissante qui nous régit
sera revisée; les discussions vaines et
stériles seront closes; la volonté natio-
nale, dont tout le monde accepte le
verdict souverain, recouvrera sa liberté
pour en faire usage au jour solen-
nel où le pays, calmé, en pleine
possession de lui-même, devra statuer
sur ses destinées."
On pourrait remarquer que la pro-
fession de foi de M. le marquis de Bre-
teuil aux électeurs d'Argelès ne faisait,
elle aussi, aucune allusion à un réta-
blissement de la monarchie. Elle se
contentait d'annoncer une revision
constitutionnelle; elle promettait que
la parole serait rendue au pays quand
on « l'aurait délivré du joug actuel »,
et le candidat ajoutait : « Nous nous
inclinerons devant la volonté natio-
nale ». On pourrait rappeler encore
que le marquis de Breteuil ne fut pas
des derniers à prendre part à l'équi-
pée boulangiste,et l'on pourrait se de-
mander, après avoir rappelé tous ces
faits, si c'est bien comme monarchiste
intransigeant qu'il a été élu,ou si, dès
l'époque où il tenait ce langage ambi-
gu, il n'avait pas quelque idée du dé-
saccord qui existait déjà entre les re-
vendications monarchiques et le suf-
frage universel.
Mais il ne servirait de rien de récri-
miner contre le passé. Si la franchise
de M. le marquis de Breteuil candi-
dat en 1889 n'a pas été complète, elle
a ressemblé à celle de tous les autres
candidats de la droite, de tous les ral-
liés, et M. de Breteuil a au moins sur
tant d'autres cette supériorité qu'en
lui la, franchise se réveille, tandis que
les autres sont sans cesse à la recher-
che de nouvelles équivoques. Peu leur
importe qu'entre leurs mandants et eux-
mêmes un désaccord se soit produit ou
qu'il s'aggrave; en vain les élections
aux conseils généraux leur ont mon-
tré qu'ils n'avaient plus la confiance
de ceux dont, jusqu'ici, ils avaient été
les directeurs de conscience politiques.
Ils se cramponnent à leurs sièges com-
me le naufragé à un bout de planche.
Bien mieux, ils font démentir qu'à la
suite de la démission du marquis de
Breteuil ils aient songé à examiner la
situation et à discuter s'ils devaient
donner leur démission collective ou
rester à leur poste en donnant les mo-
tus de leur décision.
S'ils ne traitent pas la retraite de M.
de Breteuil d'acte de folie, on sent que
c'est par pure courtoisie. Mais la Cor-
respondance nationale ne cache pas son
mécontentement ; elle laisse même un
peu trop percer la crainte que quel-
ques hommes un peu trop chevaleres-
ques n'imitent l'exemple du député
d'Argelès. Elle insiste sur les «devoirs»
que les circonstances imposent aux
royalistes:
Quand on a, dit-elle, l'honneur de dé-
fendre, en même temps que ses convictions
personnelles, une cause nationale ; lors-
qu'on estime, comme l'écrit M. de Breteuil,
que la monarchie seule peut résoudre la
question sociale, conjurer les dangers exté-
rieurs administrer sagement la fortune
publique, sauvegarder les intérêts reli-
gieux et rendre à la France son éclat sécu-
laire, et que, par surcroît,on éprouve pour
un prince proscrit par la République un
dévouement plus inébranlable que jamais,
on ne devrait pas avoir un .seul instant la
pensée de quitter son poste. Plus les cir-
constances sont délicates, plus il y a, soit
dans Je Parlement, soit dans la presse, de
résistance à montrer. r.
Quant au scrupule de loyauté qui a
dicté la conduite de M. de Breteuil, la
Correspondance nationale en paraît
modérément touchée :
Il nous semble, dit-elle encore, que
l'honorable député d'Argelès aurait pu
attendre les élections de 1898 pour obtenir
du corps électoral, en posant nettement la
questién, une réponse décisive. Par là, qu'il
nous permette de le lui dire, il aurait peut-
être mieux concilié avec ce qu'il doit'à ses
électeurs, ce qu'il doit aussi à ses opinions
monarchiques et à la défense des intérêts
religieux.
« Il aurait bien pu attendre î "Tout
est là. Il sera toujours assez tôt pour
le parti royaliste de faire constater
officiellement ga'il a tou$oerdu et
", 1>. #
qu'il ne peut même conserver la plus
fragile espérance. Il trouve qu'il était
bien inutile d'aller au-devant de cette
constatation et de ~l souligner aussi
nettement la gravité du désaccord
entre la France et les débris du parti
monarchique. Il y a des pays où la
gravité de ce désaccord, affirmée par
les élections départementales, impo-
serait au gouvernement des devoirs
spéciaux. fCe serait à lui, se fondant sur
laj divergence de vues qui s'est pro-
duite en tant d'endroits entre les
mandants et leurs mandataires, de
falire cesser une situation anormale,
en renvoyant la Chambre devant le
pavs. Mais en France, la dissolution
a à ce point les apparences d'une me-
sure révolutionna-ire, qu'il n'y faut pas
penser. Attendons donc lès élections
générales de 1893, comme la Corres-
pondance nationale le demande. Que
les royalistes et les pseudo-ralliés
jouissent de leur reste, puisque leur
probité politique et la fierté de leur
conscience leur permettent de conser-
ver leur mandat malgré le désaveu
de leurs commettants. Ils ne perdront
rien pour attendre.
OFFICIER ARRÊTÉ
M. Mayer, officier-comptable, chevalier
de la Légion d'honneur, a été arrêté hier
et conduit au Dépôt, sur mandât de M. le
juge d'instruction Couturier et après in-
terrogatoire.
Cette arrestation se rattache à l'affaire
des faux poinçons apposés sur les fourni-
tures de l'armée.
Il est possible que M. Mayer soit grave-
ment compromis; ce n'est pas sans motif
que M. Couturier a agi. Mais, depuis six
mois,il se passe des choses bien singulières,
Tour à tour ont été arrêtés MM. Sarda et
Hemerdinger, plus une dizaine d'employés
de leur maison ou de fonctionnaires di-
vers. L'un après l'autre, ils ont été relâ-
chés.
Or, de deux choses l'une : ou ils étaient
coupables, ou ils ne l'étaient pas. S'ils l'é-
taient, pourquoi sont-ils en liberté ? S'ils ne
l'étaient pas, pourquoi furent-ils arrêtés ?
Aujourd'hui, on jette au Dépôt un offi-
cier supérieur. Rien ne nous dit que, dans
huit jours, M. Couturier ne le fera pas relâ-
cher. Les précédents nous le font croire.
Résultat : voilà un officier compromis,
perdu, dont la situation est ruinée.
Il nous parait que la justice jongle un
peu imprudemment avec la liberté et l'hon-
neur des gens.
Elle a déjà sur la conscience le suicide
de M. Douvenot et la mort de la femme de
ce malheureux caissier qui n'avait rien à
se reprocher. La façon dont elle semble
conduire ses enquêtes fait craindre que ce
ne soit pas fini. - -
L'EXPOSITION DE BERLIN ENTERRÉE
Berlin, 13 août.
Le Reichsanzeigei* (Moniteur de l'empire)
annonce que l'empereur, après avoir pris
connaissance du rapport du chancelier de
l'empire, a décidé qu'il n'y avait pas lieu
pour l'empire de mettre à l'étude le projet
d'exposition universelle à Berlin. -
Le rapport du chancelier publié par l'or-
gane officiel constate qu'une fraction assez
restreinte de l'industrie nationale s'est pro-
noncée en faveur de l'opportunité d'une
exposition de ce genre.
Les gouvernements confédérés ont, à une
majorité écrasante, contesté l'utilité d'une
pareille manifestation au point de vue éco-
nomiaue.
La Prusse, notamment, a repoussé le
principe de l'exposition ; parmi les Etats
confédérés, quarante voix ont émis un
avis défavorable, sept seulement un avis
favorable ; onze autres n'ont pas pris
position.
Le rapport ajoute que l'on ne peut pas
songer à mener à bien l'entreprise propo-
sée, si l'on n'est pas pénétré partout de la
conviction de l'utilité qu'elle peut avoir
pour l'industrie allemande.
D'autre part, les intéressés n'étant pas
disposés à faire les sacrifices nécessaires,
le chancelier se voit dans l'obligation de
déconseiller à l'empire d'entrer dans l'exa-
men du projet d'exposition.
SUICIDE D'UN ANCIEN CONSEILLER
MUNICIPAL.
M. Flamey , ancien conseiller municipal
d'Asnières, âgé de soixante-douze ans, de-
meurant 6, rue de l'Ouest, s'est suicidé hier
soir, vers 7 heures, en se tirant deux coups de
revolver, l'un dans la tempe droite, l'autre
dans la région du cœur.
Ce malheureux a profité d'une courte ab-
sence de Sa femme pour mettre son fatal pro-
jet à exécution. Il souffrait depuis longtemps
d'une maladie incurable.
UN BATEAU HISTORIQUE
(DE NOTRE CORR.liSfOiS.uANT PARTrCULIER)
Berlin, 13 août.
Un des plus vieux navires de guerre de
la flotte anglaise, le Foudroyant, vient d'ê-
tre acheté par une compagnie de naviga-
tion allemande de Svinemunde pour être
désemparé.
Sur ce navire flottait jadis le drapeau de
Nelson, et en 1793, le fameux amiral an-
glais se battit à son bord contre les Fran-
çais devant Naples.
Avant d'être désemparé, les Allemands,
toujours pratiques, se proposent de faire
recette en montrant le bateau, qui est un
cinq-ponts, aux visiteurs qui désirent voir
ce navire historique.
Le Foudroyant sera donc conduit d'An-
gleterre auparavant à Hambourg et de là
à Stetiin et Svinemunde.
LA GUERRE CIVILE AU VENEZUELA
New-York, 13 aoàt. — Le Herald reçoit la dé-
pêche suivante de-là Trinidad :
Les révolutionnàires du Venezuela ont pris
la ville de Ciudad-Bolivar après un combat
sanglant.
Les troupes gouvernementales ont eu 500
tués, parmi lesquels se trouvent plusieurs gé-
néraux.
Les révolutionnaires ont eu presque autant
de tués, mais aucun général ne se trouve par-
mi les morts.
UNE COLLISION
Saint-Pétersbourg, 13 août. — Le bateau à
vapeur Ajàx a été heurté près de la forteresse
finlandaise de Sveaborg par le vapeur Ranen-
berg. Il a coulé.
L'Ajax avait 80 passagers àbçjd; us grand
nombre ont été noyés$ - ,r y
>, > ''-' -'
I CHRONIQUE
-
On est tout entier chez nous, en ce
moment, à la préparation des grandes
manoeuvres. Au cours d'une excursion
à Jersey, je viens d'assister à d'autres
« grandes manœuvres 3), vraiment sin-
gulières, celles-là : les grandes manœu-
vres de l'armée du Salut ! «Sang et feu ! »
cela a été martial au possible.
Dans cette île charmante, qui n'est gâ-
tée que par le nombre, positivement ex-
cessif, des immenses breaks de touristes,
pojur la plupart anglais, vêtus de la façon
la plus extravagante du monde, les Salu-
tistes ont un très fort quartier général.
Ces excursionnistes ne les gênent point,
et, au contraire, ils trouvent l'occasion
bonne de se ruer à l'assaut de quelques
âmes jusque-là rebelles à la bonne doc-
trine.. - ': ,
A Paris, nous ne faisons que sourire,
avec un peu de pitié pour les pauvres
filles à la poitrine plate et si mal enca-
puchonnées que nous apercevons de
temps en temps dans la rue, et avec un
brin de moquerie à l'égard des « officiers »
du sexe mâle, en tricot rouge avec PS
traditionnel au collet, en estimant qu'ils
font là un métier bien ridioule.
Mais à Jersey, les Salutistes tiennent
le haut du pavé, ont l'air de se prendre
très au sérieux, et, semblant vaquer à
des occupations importantes, font l'effet
de soldats garnisonnés dans l'île, tout
comme le détachement de fantassins ré-
guliers du régiment de Lancastre. Per-
sonne ne s'étonne plus de leurs agisse-
ments. Et pourtant, dans ce joli pays si
riant en cette saison, on ne parait pas si
disposé à goûter ces mômeriés.
La population, si mélangée qu'elle soit
maintenant, a gardé de son vieux fonds
français le bon sens et l'amabilité, et ce
sont deux qualités qui ne se peuvent
guère accommoder de ces excentricités.
Mais en terre anglaise, il y a place pour
tout le monde.
Donc, au « quartier général », à Saint-
Helier, la mobilisation avait été décidée.
Le "colonel" représentant, à Jersey, le
général Booth avait résolu de passer ses
forces en revue et d'exercer ses fidèles,
par une épreuve décisive, à la prépara-
tion de la « grande guerre ».
Cela s'est passé avec une gravité ex-
traordinaire, tout à fait comme s'il s'a-
gissait d'une opération militaire ; et c'é-
tait ce sang-froid qui était ébouriffant,
je vous assure.
Il s'agissait d'abord d'avertir les Salu-
tistes non embrigadés répandus un peu
partout — ce qu'on pourrait appeler les
associés libres — devant être prêts à ré-
pondre au premier signal.
D'Halkett-Street, où l' « état-major » a
son siège, des vélocipédistes partent aus-
sitôt à grand train, dans toutes les direc-
tions, Les routes sont sillonnées de cy-
clistes, courant, éperdus, ayant en ban-
doulière une sacoche de cuir où sont con-
tenues les instructions. Ainsi, chez nous,
les gendarmes iraient-ils, à bridé-abat-
tue, porter ies ordres. Ces vélocipédistes
pour un saint motif sont de grands gail-
lards, maniant avec une dextérité mer-
veilleuse leurs instruments. Ils ont tôt
fait de fendre l'espace et de prévenir
dans chaque district le ci major » qui, à
son tour, réunit en hâte les volontaires,
brûlant de se mesurer avec l'a ennemi",
— c'est-"ire avec, l'incrédulité et le scep-
ticisme.
Pendant ce temps, au quartier général,
on dispose des piquets, avec des étiquet-
tes (absolument comme on le fait dans
nos casernes à l'arrivée des réservistes).
Ces piquets indiquent la place que de-
vront prendre les détachements dans le
cortège. Un gros petit homme, — une
foule d'étoiles sur son collet, — va, vient,
se démène, comme s'il accomplissait réel-
lement quelque besogne utile, et passe
nerveusement une main grasse et courte
dans ses épais favoris, en commandant ce
travail. Pour un peu, on le prendrait
pour un vieux militaire à cheval sur les
règlements et qui n'a pas l'air commode!
Trois heures ne se sont pas écoulées (il
n'y a pas à dire, la mobilisation est ra-
pide chez les Salutistes), que les différents
groupes, dont quelques-uns sont venus
d'assez loin au pas de course, ont tous
rejoint Pendroit du rendez-vous. On se
forme en rangs très régulièrement, cha-
que « compagnie » ayant sa bannière.
Alors le gros petit homme inspecte ses
troupes avec un imperturbable aplomb
et prononce une harangue destinée à en-
flammer les courages, une harangue où
reviennent sans cesse les termes guer-
riers : attaque, déploiement, marche en
avant, victoire, conquêtes, etc. On lui
répond par des hurrahs, et vous jureriez
que ces hommes et que ces femmes au
visage belliqueux vont, en effet, aborder
de front quelque forteresse.
Une musique aux sonorités formida-
bles, composée de cuivres grondants, de
fifres perçants, de tambours puissants,
vient se placer en tête de la colonne. Un
énergique commandement de « Marche!»
retentit et l'it armée » se met en route, en
assez bon ordre, ma foi.
On se rend sur la place de la Parade,
cependant que d'assourdissants cantiques
sont entonnés et se mêlent au déchaîne-
ment des cuivres. A mesure qu'on avance,
l'exaltation des combattants augmente.
C'est ici qu'ils vont ce se déployer M. Ils
sont bien deux cent cinquante, au moins.
Ils forment un cercle. Le « colonel » re-
prend la parole, redoublant d'énergie. En
fait d'adversaires, il n'y a, toutefois, que
quelques curieux, point trop encore
blasés, en leur qualité d'étrangers, sur
ces folies. Alors commencent ces céré-
monies burlesques que nous avons vues
à Paris, au quai de Valmy, accompagnées
par l'orchestre, de plus en plus bruyant.
Puis les Salutistes se groupent de nou-
veau par compagnies, et ces détache-
ments, s'étant partagé les instrumentistes,
vont se livrer, çà et là, à la même opé-
ration. Ils se retrouvent. au bout d'une
heure environ, sur la place, se remettent
en ligue çt» #près un nouveau discours
du colonel, les Salutistes se dispersent,
regagnant leurs « cantonnements", Les
malheureux, épuisés, suent sang et eau,
mais leur physionomie exprime une
visible satisfaction. Ils ne sont pas diffi-
ciles I
Comme à Paris, on pouvait sourire.
Mais comment ne pas être un peu étonné
toutefois de cette discipline, de cette exac-
titude à répondre à l'appel, de la part de
gens quittant brusquement, sur un si-
gne, leurs occupations? Comment le fon-
dateur de cette secte tient-il aussi étroi-
tement, même de loin, tous ses adeptes?
De l'armée du Salut, nous ne voyons que
le côté burlesque. Il y a là pourtant un
phénomène moral digne d'attention, une
sorte de suggestion puissante exercée par
ce « général," Booth, par des moyens qui
ne peuvent pourtant que nous paraître
grossiers. Le fait est qu'il possède une in-
contestable puissance sur toutes les étran-
ges milices qu'il a formées un peu par-
tout, prêtes à se mettre en mouvement
(ce mouvement fût-il chimérique) sur un
simple mot de lui. Tous ces bizarres ((sol-
dats » ne peuvent être, pourtant, entiè-
rement déraisonnables, et pour la plu-
part, - les non gradés, — il n'y a aucune
question d'intérêt en jeu.
Hélas ! pour de grandes et de généreuses
idées, on n'arrive pas ainsi, toujours, à
s'emparer des âmes. C'est à cela que je
pensais, en assistant à ces dérisoires «ma-
nœuvres ».
Paul Ginisty.
MORT D'UN DÉPUTÉ
Bordeaux, 13 avril.
M. Octave Cazauvielh, député républicain
de la Gironde,est mort cet après-midi dans
la commune de Salles dont il était maire.
Il a succombé aux suites d'une maladie
de cœur. Il était né le hmai 183/j.
Il représentait la 5e circonscription de
Bordeaux depuis 1881. Il avait été renommé
aux dernières élections par 11,900 voix con-
tre 7,9.46 à M. de Carayon-Latour, monar-
chiste, et 1,731 à M. Pascal, boulangiste.
L'INHUMATION DES SUICIDÉS
EN ALSACE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 13 août.
Plusieurs journaux allemands et, à leur
suite, quelques-uns de vos confrères ont
relaté la façon non seulement sommaire,
mais odieuse, dont se fait l'inhumation des
suicidés en Prusse et en Posnanie où le
fanatisme catholique, et luthérien est en-
core si vivace.
Point n'est besoin d'aller si loin pour
assister à un spectacle ignoble entre tous.
Voici comment, dans certaines localités en
Alsace, on enterre un suicidé lorsqu'au-
cun membre de sa famille ne le réclame
ou ne le protège :
En 1873r très jeune encore, j'assistai à
Bitschwiller près Thann — ancien arron-
dissement de Belfort — à la trouvaille d'un
pendu, un pauvre mendiant sans feu ni
lieu. Après les constatations légal es, permis
d'inhumer fut accordé. Le garde champêtre
requit un homme de bonne volonté à qui
fut remise une vieille caisse d'épicier.L'hom-
me, accompagné du garde et d'une artnée
de." gamins lui faisant escorte, brouetta la
caisse jusque dans la forêt, où le suicidée
dépendu gisait, le visage ecchymosé par
des pierres qu'on lui avait jetéès. L'homme,
aidé du garde, introduisit le cadavre dans
la caisse, qui fut clouée puis amenée der-
rière le cimetière. Arrivé près du mur, le
groupe s'arrêta, les deux hommes hissèrent
le cercueil improvisé sur la crête du mur,
et, de là, le firent dégringoler dans le carré
réservé aux suicidés, où ils le rejoignirent.
Une fosse avai t été creusée entre temps,
tandis que des gamins avaient apporté de
nombreuses et grosses pierres.
Le garae enampetre et le croque-mort,
après avoir fait le tour du cimetière pour
y pénétrer par la porte, n'avaient déjà plus
rien à faire, les jeunes drôles qui les
avaient escortés avaient déjà poussé la
caisse vers la fosse et l'y avaient précipitée.
Les planches s'étaient rompues et le cada-
vre était à découvert.
Ce fut alors le signal d'un enfouissement
affreux : les petits misérables jetèrent d'a-
bord les grosses pierres sur le corps dont
les chairs furent écrasées, le crâne fracassé.
Lorsqu'on ne vit plus rien du mort, ils je-
tèrent enfin sur lui la terre, tandis que fos-
soyeur, garde champêtre et croque-mort
d'occasion causaient et riaient.
Ces pratiques abominables sont de tradi-
tion et nul, à commencer par le maire, ne
les a jamais trouvées répréhensibles. Au-
jourd'hui la tradition est en pleine vigueur.
L'ÉTAT SANITAIRE
DE NOS TROUPES COLONIALES
M. Treille, président du conseil supérieur
de santé des colonies, qui vient de rentrer
à Paris après avoir accompli au Sénégal
une mission qui lui avait été confiée par le
ministère de la marine, a communiqué à la
Société de médecine publique des docu-
ments précis au sujet de la mortalité des
militaires français aux colonies.
Quelles que soient les améliorations ap-
portées au séjour de nos jeunes soldats, la
mortalité annuelle est de M sur 1,000 hom-
mes, et cette proportion, qui est énorme,
est de 6 à 7 fois plus élevée que celle de no-
tre armée de terre.
Bien que les influences nocives de cer-
tains climats tropicaux ne puissent être
complètement évitées, M. Treille estime
qu'elles pourraient être notablement atté-
nuées si des subsides suffisants permettaient
de subvenir largement aux modifications
d'habillement, de cainpement, de transport,
de rapatriement des malades et convales-
cents, et à la formation de troupes indigè-
nes assez nombreuses pour suppléer, se-
conder notre infanterie de marine, pour le
recrutement de laquelle, au lieu de prendre
les hommes qui au tirage au sort ont la
malchance de tomber sur les premiers nu-
méros, on devrait prendre au contraire
ceux qui, originaires des départements du
Midi, de la Provence et de la Corse, sont
plus à même de supporter, les climats
chauds que les Normands, les Bretons ou
les Picards.
Avec la généralisation actuelle du service
militaire, il est indispensable à tous de
connaître la situation sanitaire de nos sol-
dats dans tous les pays, et à ce titre, la
communication que vient de faire M. Treille
nous paraît des plus intéressantes.
Le XIX" SIECLE publiera demain »
a Mrouloue, '!,. Dox Francisque Saroey*
L'AFFAIRE
DE LA FOUILLEUSE
UNE COLONIE PÉNITENTIAIRE
-
Deux surveillantes poursuivies pour
violences graves. — Les débats
devant le tribunal de
Versailles
Il y a environ dix-huit mois, M. Cons-
tans, ministre de l'intérieur, demandait à
M. Groslier, inspecteur général des prisons,
et à Mme Dupuy, inspectrice du même ser-
vice, de lui présenter un rapport sur l'eri-
semble de l'administration de la colonie
pénitentiaire de la Fouilleuse, dirigée alors
par Mme Hubert.
C'est à la suite de cette visite officielle des
deux fonctionnaires, ayant notamment si-
gnalé, en leurs rapports respectifs, des faits
de violences graves et répétées sur la per-
sonne des jeunes filles pensionnaires de
cet établissement, qu'une instruction a été
ouverte et a abouti au renvoi devant le tri-
bunal correctionnel de Versailles de deux
anciennes surveillantes générales de la
colonie de la Fouilleuse, Mme Ruinart et
Mlle Pujo.
Située sur le territoire de la commune de
Rueil, la maison pénitentiaire a été, depuis
lors, licenciée. Sa création, ou plutôt sa
conversion en colonie de jeunes détenues
a donné lieu à des discussions, à des polé-
miques dont l'écho a retenti jusqu'à la
Chambre et où se trouvait mêlé le nom de
M. Herbette, ex-directeur au ministère de
l'intérieur du service des prisons, actuelle-
ment conseiller d'Etat en service ordi-
naire. M. Herbette est le frère de notre am-
bassadeur à Berlin. Il a été un des princi-
paux témoins du procès d'hier.
LES DÉBATS
L'audience était présidée par M. Ferron.
Le magistrat a d'abord interrogé les deux
prévenues.
Mme Ruinart était, il y a un mois encore,
surveillante à la maison de Nanterre ; elle
est âgée de cinquante ans. C'est une per-
sonne à la physionomie paisible et douce.
Elle est restée en fonctions à la Fouilleuse
d'octobre 1888 à février 1890. Les ren-
seignements sur son compte sont des meil-
leurs.
Le type de Mlle Pujo est plus accusé. Au-
jourd'hui marchande de journaux, la pré-
venue, qui est âgée de quarante-neuf ans, a
porté longtemps le costume des religieuses
de Saint-Vincent-de-Paul. Elle a, en 1887,
quitté volontairement la cornette des sœurs
de charité. Rien de défavorable n'est rap-
porté sur sa moralité, mais « sans s'adon-
ner à la boisson, elle serait d'une sobriété
relative ». Mlle Pujo proteste contre cette
accusation.
— A mon teint (qui est presque rouge
brique), dit-elle, on pourrait le croire ; je
ne puis pas le changer. Je ne bois d'ailleurs
pas de vin, je ne bois que de la bière.
L'ex-religieuse n'a pas conservé « le pli »
de son ancien état. Sa douceur, au surplus,
ne devait pas être évangélique; Sur ce,
point, les témoins s'accordent tous.
LA CAMISOLE DE FORCE
.:.. On vous reproche, dit le président aux
deux prévenues, des violences exa-géréea.
C'est ainsi que pour des motifs futiles, tels
que défaut de travail, vous auriez mis la
camisole de force à des enfants, mode de
nition absolument interdit. La camisole,
us l'auriez mise dans des conditions ex-
traordinaires, relevant et attachant les bras
des enfants derrière le.dos. Vous auriez, en
outre, frappé des pensionnaires à coups de
corde, vous les auriez fouettées avec des
chardons et des orties; en hiver vous les
auriez plongées dans l'eau froide. Que ré-
pondez-vous T
Mme Ruinard.—Je reconnais avoir mis
la camisole de force à des enfants indisci-
plinées et perverties qui frappaient, cas-
saient, brisaient. Ayant dit à la directrice
que je n'en pouvais venir à bout. « Eh bien,
punissez-les, me dit-elle ; vous avez des
camisoles de force ! »
Le président. - Combien existait-H de
camisoles ?
— Trois pour 330 détenues à peu près.
— Reconnaissez-vous avoir souffleté les
enfants pendant qu'elles étaient revêtues
de la camisole ?
— Non, monsieur.
Mme Ruinart nie également que pour ac-
croître la pression du vêtement de force,
elle y ait introduit, soit des sabots, soit des
draps. Elle reconnaît qu'un jour, en vous
lant contraindre une jeune détenue à l'o-
béissance, elle l'a atteinte à la tête avec son
trousseau declés, d'où estfésuitéeunelégère
blessure. L'enfant, indisciplinée d'ailleurs,
lui tordit le bras, ce dont témoignera le
médecin de la maison j
Quant à Mlle Pujo, elle rèconnaît aussi
avoir fait application de la camisole de
force.
- Mais, dit-elle, ça a été dans des mo-
ments difficiles, pour des crises que je ne
sais comment appeler : quand des pension-
naires allaient jusqu'à arracher des clous
et pouvaient faire du mal à elles-mêmes ou
à leurs compagnes.
DÉPOSITION DE M. GROSLIER
M. Léopold Groslier est entendu. Le
témoin est âgé. de soixante ans ; il porte à la
boutonnière la rosette de la Légion d'hon-
neur.
— Dois-je, dit l'inspecteur général des
prisons en s'adressant au président, me
borner aux faits seulement déférés au tri-
bunal ?
— Oui, répond le magistrat.
-Mais, réplique le témoin, ces faits étant
absolument accessoires, on pourra peut-
être me reprocher de n'y avoir pas accordé
suffisamment d'attention. La mission que
j'avais reçue du ministre m'a fait découvrir
des choses graves, des violations des règles
de là comptabilité publique.
M. le procureur de la République Chré-
tien, intervenant, -,Nous ne pouvons pas
mettre un second procès dans celui-ci.
Le témoin. — Je né trouvai pas à la
Fouilleuse la personne qui dirigeait l'éta-
blissement. A première vue, je relevai des
choses peu correctes et, a quelques paroles
des enfants, je, ne doutai pas quMls ne fus-
sent l'objet de sévices. Je revis le ministre,
qui me pria de m'adjoindre Mme Dupuy,
inspectrice, générale, à qui les enfants ont
pu alors plus librement montrer les traces
de violences exercées sur elles.
- Vous avez interrogé les enfants?
- Avec beaucoup de peine! Elles ne vou-
laient d'abord pas répondre. Petit à petit
les enfants ont commencé à parler. Les sé-
vices exercés ont été, pour moi, un peu le
résultat du défaut d'organisation de l'éta-
blissement ; si les gardiennes avaient fait
partie du corps régulier des services péni-
tentiaires, si au lieu d'être rétribués par
l'entrepreneur elles l'avaient été par l'Etat,
nous n'aurions pas eu à constater ces faits
- >
intéressant les enfants qui, je le répète,'
m'pnt paru secondaires à côté des points
autrement graves qui me frappaient. Je les
ai relevés comme étant la goutte qui, sui-
vant moi, devait faire déborder le vase.
Chez M. Groslier, on le voit, les questions
financières ont infiniment plus d'impor-
tance que les traitements barbares infligés
à des enfants. C'était d'ailleurs plutôt la.;
mission de Mme Dupuy de constater ceux-
ci.
Le président au témoin. — Peut-il êtra
fait emploi ds la camisole de force ?
--- En cas de rebellion seulement,
r- Comment était-elle mise ?
j- Avec une certaine cruauté. Deux com.
pagnes de l'enfant coupable, deux grosses
gaillardes, étaient chargées de l'appliquer ;
quand l'enfant était malingre, on * ajoutait
un drap. Je n'ai d'ailleurs rien pu contrô-
ler. Les enfants seules ontété entendues par;
nous; elles nous ont révélé d'autres faits,
plus graves.
r Lesquels? Ont-elles dit qu'on les avait
fouettées avec des chardons, des orties ?
"!- Oui, une des enfants l'a dit. Une autre
a Raconté que de la cire chaude avait été
versée sur les cuisses d'une de ses compa-
gnes.
4- Par qui et sur qui ?
- Elle ne l'a pas dit. D'ailleurs, monsieur
le iprésident, ces faits ont été sommaires
ment enregistrés par moi. Voici mes notes.
Jeipuis vous en lire quelques-unes : « A
Rouen, disaient les enfants, on était bien
plus heureux. Celle-ci encore : « Direc-
trice presque toujours absente ».
NOS COLONIES
Le procureur de la République. — Avez*
vous cru à la réalité de ces violences?
— Je considérais les choses d'ensemble et
me disais : Voilà un établissement bien mal
organisé. On voulait obtenir du travail, une
production commerciale! Utopie! On na
doit donner de travail aux enfants qua
pour les occuper.
- Le fait de la cire ne vous a pas frappé ?
- Je l'ai considéré comme dernier ap-
point. Je vous laisse à penser le reste. Mais
je dois dire qu'il y a beaucoup à douter da
ce que disent les détenues, et j'aurais fait
une contre-enquête. On a, j'ajoute, demandé
le transfèrement de toutes les jeunes filles
qui s'étaient plaintes à nous et j'ai donné
leur nom à M. le juge d'instruction. L'é.
tablissement était à supprimer, et en fait, il
l'a été.
Me Clairin, défenseur de Mlle Pujo. -
Y a-t-il d'autres établissements du type de
la Fouilleuse ?
— Malheureusement il y en a d'autres; il
existe plusieurs sortes de colonies péniten-
tiaires : celles où l'Etat se charge de tout, et
celles qu'on appelle privées, aux mains gé-
néralement de religieux ou religieuses à
qui il est accordé tant par journée. Sur
celles-ci l'Etat a une mission de contrôler
Enfin il y a un système hybride, comme
l'était la Fouillèuse, avec un côté commer-
cial portant en soi le germe de destruction.
Jamais on n'a envoyé un seul inspecteur
général à la Fouilleuse. M. Constans me dit
en me recevant : « Vous ne m'avez pas dit
ces choses-là ! » Je répondis que je n'était
pas un délateur, que si je recevais une.
mission, je ferais mon devoir. Je craint
qu'on ne publie pas mon rapport, niais
désire qu'on le fasse.
LE TRIBUNAL DES SAGES
Mme Dupuy dépose avec plus de préci-
sion que le précédent témoin sur les faits
mêmes du procès :
— Ils me concernaient, dit l'inspectrice-,
plus spécialement. Je n'étais jamais allée à
la Fouilleuse, la maison étant soustraite à
l'inspection générale depuis sa création.
Par expérience, je sais combien il faut s€
défier de l'imagination des enfants, de leurs
exagérations. Un groupe relativement mi-
nime se plaignait, et j'ai fait juger ces
plaintes, pour ainsi dire, par celles des dé-
tenues qui, ayant des cordons, des rubans.
attestaient leur sagesse habituelle. Je n'ai
retenu que ce qui a été confirmé par ceg
dernières. Je considère comme certain
qu'on mettait aux enfants la camisole de
force, et quelquefois de façon bien cruelle,
pour des fautes bien légères. L'enfant, ayant
les bras relevés vers les épaules, tombait'
en avant et, pour la forcer a se relever, on
lui donnait des coups de pied. Les jeunes
filles étaient battues de toutes façons avec
les mains, des orties, des cordes. Les en-
fants nous ontamené une de leurs petites
camarades qui portait les marques de coups
de corde.
Le président. —De corde, êtes-vous sûre,
madame?
Mme Dupuy. — M. Groslier, qui était avec
moi, a emporté cette corde, et comme la
fait était grave, j'ai voulu qu'il constatât
lui-même ces marques. Il l'a fait plus mo-
destement que moi, mais il l'a fait.
M. Groslier, rappelé, déclare qu'il se sou-
vient bien de marques de coups relevées
sur le bras d'une petite pensionnaire, mais
nas au bas des reins.
Sur ce point, les deux fonctionnaires se
séparent absolument. Mme Dupuy a beau
insister, M. Groslier ne veut pas avoir vu.
— C'était, dit-il, un tel concert de plain-
tes, une telle fourmilière autour de nous,
qu'il a fallu nous dérober.
Me de Marigny, défenseur de Mme Rui.;
nart, demande à Mme Dupuy si, lors de son
unique visite, elle ne constata pas que les
carreaux de la fenêtre de la chambre de 1%
prévenue étaient brisés.
Mme Dupuy. — Parfaitement. Il y avait
eu une véritable émeute ; les enfants
avaient été poussées à se soulever. Je trou-
vai Mme Ruinart acculée dans un coin da
sa chambre pour éviter encore de recevoir
des pierres.
M. HERBETTE
M. le conseiller d'Etat Herbette, rompant
— il l'a dit lui-même à là barre — le Iongj
silence qui lui était imposé par sa situation
de fonctionnaire, a traité à fond la question;
de la Pouilleuse, plaidant pro domo, du
reste, dans un merveilleux langage. Le té-
moin a défendu sa création, couvert le per<;
sonnel de la Fouilleuse avec beaucoup da
chaleur et d'éloquence.
Des explications fournies par M. Herbetta
au tribunal il résulte que, d'après une loi de'
1850, ayant grand besoin d'etre réformée
si l'Etat est dans l'obligation de faire subie
les peines des jeunes condamnés, les dé-s
partements ne sont pas astreints à fourni
des locaux à cet effet. Donc, anomalie. La
département de la Seine avait à loger toute
une population de jeunes filles frappée$
par les tribunaux ou dont les parents récla-*
maient demandaient l'envoi en corrections
maient, l'établissement de la Fouilleuse s
quand
trouva vacant.
L'ancien directeur du service pénitenaï
tiaire entre, sur la prise de possession dw
cet établissement par le ministère, dans dest
développements qui prouvent que tous les^
« sacrements » administratifs et budget
taires' ont accompagné cette opération.
Puis il aborde l'objet, de la prévention et
fait un tableau imaaé de cette réunion d"
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