Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-07-11
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 11 juillet 1892 11 juillet 1892
Description : 1892/07/11 (A22,N7483). 1892/07/11 (A22,N7483).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-deuidème année. - N- CINQ Centimes — Paris et Départements — CINQ Centimes
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:- LUNDI II JUILLET 1
LE .,. 1.+ Xir SIECLE
REDACTION ET IDIUI'STRATIOI
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BRISURE
Depuis longtemps, et dans tous les
pays où elle a poussé des branches, la
famille de Bourbon a fait par son
union l'admiration générale. A peine
de loin en loin, de légers nuages se
sont levés sur le tableau touchant de
cette harmonie familiale. Il y a bien
eu, au seizième siècle, un cardinal de
Bourbon proclamé roi de la Ligue et
concurrent de Henri IV ; il y a eu, au
dix-septième siècle, un certain Gas-
ton d'Orléans qui n'a pas été pour
Louis XIII un frère des plus agréables ;
au dix-huitième siècle, il y a eu un
Louis-Philippe d'Orléans qui, par
inadvertance, a fait couper le cou à
son cousin Louis XVI ; au dix-neu-
vième siècle, il y a eu un autre Louis-
t: Philippe qui a, doucement poussé son
cousin Charles X sur la route de l'exil
et qui ne s'est par trop fait prier pour
prendre sa place sur le trône. En
Espagne, il y a bien eu aussi quelque
rivalité entre diverses branches de la
famille et même entre membres de la
même branche : par exemple, la bran-
che aînée a été chassée du trône et
remplacée par une branche cadette;
la reine Isabelle n'a pas touj ours eu à
se louer de son mari, frère du duc de
Montpensier, et don Carlos, à son
tour, a joué d'assez mauvais tours à
son petit-neveu Alphonse XII.
On pourrait encore rappeler les dé-
mêlés de Louis-Philippe avec la du-
chesse de Berri, aussi bien à l'époque
de la naissance du comte de Chambord
que lors de l'insurrection de la Ven-
dée et même, tout près de nous, le
conflit entre les Blancs d'Espagne et
les Blancs d'Eu, les uns comme les au-
tres, se déniant réciproquement tout
: droit à la couronne de France, se je-
tant tour à tour le traité d'Utrecht à
la tête et s'accusant, par l'organe de
leurs amis les plus intimes, de toutes
les félonies.
Mais ce ne sont que des épisodes
sans importance, qui mettent mieux
en lumière l'harmonie familiale qui
règne dans la maison de Bourbon.
Cependant un grave conflit vient de
s'élever et de jeter une note discor-
dante dans cet accord parfait. Don
Carlos s'est avisé un beau jour de re-
garder les armoiries de son cousin le
comte de Paris, et ce qu'il a vu l'a fait
bondir d'indignation. Il a constaté
qu'il était simplement spolié. Le comte
de Paris porte en effet les" armes
pleines" des Bourbons. Or, en art
héraldique, les « armes pleines" ap-
partiennent au seul chef de la maison.
Les cadets doivent porter sur l'écus-
son une « brisure". En ne mettant
pas de « brisure Y), le comte de Paris a
donc tout uniment méconnu le droit
d'aînesse de son cousin don Carlos.
Celui-ci n'a pu supporter en silence une
telle méconnaissance de ses droits, et
il a du même coup écrit à son « cher
Valori » une longue lettre et adressé
au comte de Paris une protestation
en due forme, lui rappelant que « lui
seul, aîné des Bourbons, chef du nom
et d'armes de la race de Hugues Ca-
pet, de Saint-Louis et de Louis XIV,
et par lui encore son fils et son frère
ont le droit de porter, sur l'écusson
royal, d'azur à trois fleurs de lys d'or
sans brisure".
C'est un fait qui, — don Carlos le
dit dans sa lettre à son cher Valori,—
est ci en dehors et au-dessus de toute
considération politique", Quand mê-
me le comte de Paris revendiquerait
l'héritage politique du comte de Cham-
bord, don Carlos estime que cela lais-
serait intact son droit héraldique; mais
il a soin d'ajouter que « son avis est,
du reste, que son cousin ne tient pas à
se placer sur ce terrain et à se procla-
mer le représentant de la monarchie
légitime en France, puisque, le prin-
cipe de la légitimité étant le même par-
tout, le simple fait de ne pas se pro-
noncer sur la légitimité espagnole se-
rait une faute grave au point de vue
de la solidarité du droit ».
Il nous semblait que le comte de
Paris s'était expliqué sur ce point et
qu'il s'était proclamé à diverses re-
prises le « représentant de la monar-
chie traditionnelle par ses origines,
tnoderne par ses institutions. » Mais
nous devons constater qu'il n'a pas
renouvelé cette déclaration et qu'il
s'est contenté de répondre qu'il « ne
pouvait accepter ni la forme ni le
(oud » de - t;, protestation de don Car-
lo::. ious continuerons donc à avoir
im prétendant sans « brisure n. Don
Carlos, qui a jadis détroussé tant de
diligences, continuera à être détroussé
de ses fi armes pleines ». Voilà un
nouveau et bien sérieux grief entre les
deux branches, et la belle résistance
du comte de Paris enlève un argu-
ment important aux partisans de don
Jaime. Ceux-ci ne pourront pas, dans
leurs boniments, dire qu'il est le seul
qui n'ait pas de « brisure ».
Mais s'il n'y en a pas dans lesarmes
il y en a une autre entre les nations et
les Bourbons. Les « armes pleines"
n'empêchent pas don Carlos d'être à
Venise, pas plus que le comte de Paris
d'être à Londres, et, "brisées" ou rac-
commodées, les armoiries ne font rien
à la cassure définitive qui s'est pro-
duite entre la branche aînée et l'Es-
pagne, entre toutes les branches et
la France.
r Le XIX" SIECLE publiera demain la
a Chronique », par Francisque Sarcey-
1 RAVACHOL
Montbrison, 9 juillet.
On ne sait toujours rien de précis en ce
qui concerne la date de l'exécution de Ra-
vachol.
Les uns prétendent qu'elle aura lieu lundi
prochain. Les autres disent, au contraire,
que la guillotine ne fonctionnera à Mont-
brison qu'après la fête du 1A juillet.
On a cru un moment, hier soir, que l'opé-
ration aurait lieu ce matin. Beaucoup de
monde attendait à la gare l'arrivée du train
de 9 heures 20, pensant en voir descendre
M. Deibler. !
Les dragons attendus de Saint-Etienne ne
sont pas arrivés non plus. Les réquisitions
prises pour le logement des hommes et des
chevaux ne mentionnent; pas le jour de; l'ar-
rivée. Aussi; de ce côté-là, est-on égale-
ment réduit aux conjectures,
Aujourd'hui, jour de marché, l'animation
est assez grande. L'aspect de la ville est un
peu moins triste qu'à l'ordinaire.
On ne signale l'arrivée d'aucun anar-
chiste. La surveillance est toujours active.
EXÉCUTION CAPITALE DE COMMUNAL
Ravachol ne sera pas exécuté lundi. M.
Deibler et ses aides sont en effet partis hier
pour Rennes, où ils procéderont lundi ma-
tin à l'exécution de Communal, qui assas-
sina, au bourg du Pertre, la fille d'un cul-
tivateur nommé Jean Gallais.
Communal, qui avait pénétré dans la
ferme pour y voler une somme de A,000
francs qu'il pensait y trouver, fut surpris
par la fille de Jean Gallais; il l'assomma à
coups de bâton, et, comme elle ne mourait
pas assez vite, lui trancha l'artère carotide
avec son couteau. Il ne put découvrir que
230 francs.
Il a été condamné à mort par la cour
d'assises d'Illé-et-Vilaine le 11 mai dernier
SCANDALE A L'HORIZON
Il y a de l'émotion à la préfecture de
police.
M. Lozé vient de donner mission à M.
Duchanoy, chargé spécialement du con-
trôle, de procéder à la vérification des li-
vres de comptabilité du service de la sû-
reté. Les livres ont été saisis et vont être
examinés.
Cette vérification est motivée par des
dénonciations envoyées à la préfecture
contre ses chefs de service par un em-
ployé subalterne mécontent, qui prétend
que les notes de frais des inspecteurs ou
des agents de la sûreté envoyés en enquête
en province ou à l'étranger sont considéra-
blement majorées.
C'est ce que l'enquête nous fera connaî-
tre. Elle nous dira s'il faut croire ou reje-
ter du pied une dénonciation qui a sa
source dans un vulgaire et mesquin senti-
ment de vengeance.
LES TROUBLES D'HOMESTEAD
New-York, 9 juillet.
Les grévistes d'Homestead ont passé la
journée d'hier à enterrer leurs morts.
Les émeutiers occupent la ville, qu'ils ont
organisée militairement. Quelques anar-
chistes ont voulu profiter du mouvement
pour faire des démonstrations, mais ils ont
été expulsés.
Le sheriff, M. Mac Cleary, a lancé une pro-
clamation demandant le concours des bons
citoyens pour aider la police. Il ne s'est
présenté que vingt-trois hommes, lesquels
ont été renvoyés. Le gouverneur de Pensyl-
vanie, M. Pattison, a refusé d'intervenir et
d'assumer une responsabilité qui incombe
tout entière aux autorités locales. Toute-
fois, sur la demande du comité des grévis-
tes, il a accepté de recevoir leurs délégués.
Les grévistes recueillent toutes les cara-
bines et tous les revolvers qu'ils peuvent
trouver et déclarent qu'ils sont prêts à
résister jusqu'au dernier pour empêcher
les nouveaux ouvriers d'entrer dans les ate-
liers.
Cette attitude est motivée par la nouvelle
que quatre cents hommes armés de l'agence
de police Pinkerton viennent d'être envoyés
de Cincinnati à Homestead, et que des wa-
gons blindés, munis de meurtrières et qui
seront approvisionnés pour plusieurs jours,
sont construits pour amener les nouveaux
ouvriers jusqu'aux ateliers, en mitraillant
les grévistes s'ils veillent s'opposer à leur
entrée.
Les plus exaltés d'entre ceux-ci parlent,
de leur côté, de faire sauter les ateliers Car-
negie.
Les grévistes disposent d'une grande
quantité de munitions, de dynamite et de
fusils pris aux deux cent trente-quatre
agents faits prisonniers dans le récent con-
flit. Ils surveillent les trains qui arrivent et
ont organisé des patrouilles qui parcourent
les bords de la rivière et gardent les portes
des chantiers.
TERRIBLE INCENDIE EN NORVÈGE
Christiansand, 9 juillet.
Un grand incendie, qui a éclaté hier
après midi et s'est prolongé jusqu'à ce ma-
tin, a détruit près de la moitié des plus
beaux bâtiments d'un des quartiers de la
ville.
Plusieurs centaines de maisons sont dé-
truites , entre autres la Banque, la Caisse
d'épargne et la Poste.
Il ne reste plus que les murs des forti-
fications et des bâtiments militaires. ,
Un grand nombre de personnes sont sans
a&ile.
CHRONIQUE
Il me semble qu'on n'a peut-être pas
prêté une attention suffisante à ce « fait
divers" que je trouve, moi, infiniment
douloureux :
Il y a quelque temps, un meurtre était
commis à Charenton. La police, sur des
données bien vagues, sur des cancans de
quartier, arrêta un homme d'une tren-
taine d'années, M. Paul Troché, qui su-
bit une détention assez longue, malgré
ses protestation éperdues.
— Bon, bon ! lui d sait-on, réservez
cette comédie pour le juge d'instruction!
Un individu arrêté qui proteste de son
innocence, c'est par trop « vieux jeu » ;
cela ne prend plus. On hausse les épaules.
Le juge d'instruction, cependant, écouta
le malheureux, et, en dépit de sa défiance
professionnelle, fut frappé du ton de sin-
cérité que mettait l'accusé à se défendre.
Mais ces révoltes, ces indignations, cela
peut se feindre ! Le pauvre avait heureu-
sement d'autres arguments a faire valoir.
Quand on le laissa parler, il lui fut facile
d'établir un alibi qui prouvait qu'il n'é-
tait absolument pour rien dans le crime.
Il fallait bien le reconnaître : on s'était
trompé en s'emparant de sa personne.
Son innocence ressortait clairement. Il
était même malaisé de concevoir comment
de ridicules racontars avaient suffi à faire.
eser sur lui de graves soupçons.
Bref, on le relâcha.
On sait de quelle façon les choses se
passent en pareil cas. On ne le rendit pas
à la liberté sans une foule de formalités
humiliantes, et de cette liberté qui était
un droit, on parut lui faire une grâce.
Pour un peu, on lui aurait dit que cette
aventure devait lui servir de leçon et
qu'il eût à prendre garde de se faire re-
pincer une autre fois.
L'infortuné rentra chez lui, après ces
rudes épreuves qui avaient eu, naturel-
lement, pour effet de briser son humble
position. Effaré encore par les rigueurs
de sa détention, ne comprenant vraiment
rien à ce qui lui était arrivé, il tâcha de
se remettre au travail, cherchant une oc-
cupation, quelle qu'elle fût. Car, ce qu'al-
lait être son sort après l'erreur dont il
avait été victime, cela ne regardait pas la
justice. Il devait s'estimer bien heureux,
encore, d'en être quitte à si bon marché !
Ce sort fut très pénible. La malveil-
lance s'exerça contre M. Troché. On ne se
souvint pas de l'ordonnance de non-lieu
qui avait été rendue en sa faveur ; on ne
se rappela que son arrestation. Les com-
mentaires les plus désobligeants allèrent
leur train sur son compte. On ne sortait
pas de ce raisonnement : puisqu'il avait
été arrêté, c'est donc que sa conduite
avait été louche.
Il n'y a pas que dans les petites villes
qu'il y a de ces férocités de quartier : il
y a des cas où cet esprit de petite ville se
retrou-v, e dans quelque coin de Paris. Le
malheureux garçon le vit bien. On le
montrait du doigt, parmi ses voisins ; on
répandait à son sujet d'absurdes calom-
nies. La vie lui était devenue intolérable.
On le tenait ou on affectait de le tenir
pour un coupable qui avait été seulement
assez adroit pour se tirer d'affaire.
Les choses en vinrent à ce point que
M. Troché, qui n'avait pourtant rien à se
reprocher — pas même une imprudence
ou une légèreté — perdit tout courage.
Désespérant de modifier sur son compte
l'opinion qui lui était sottement hostile,
il tomba dans une mélancolie qui devait
le conduire au suicide. Avec un courage
singulier dans l'exécution de sa détermi-
nation,il se frappait,ces jours-ci, de vingt-
quatre coups de couteau. S'il n'est mort
à l'heure qu'il est, il n'en vaut guère
mieux.
Hélas! c'est une histoire presque banale
que celle-ci! Quand une retentissante er-
reur judiciaire est découverte, on est
pendant quelque temps, tout feu
to it flamme pour réclamer une répara-
tion solennelle pour la victime. Alors,
tout le monde s'émeut; des déclarations
véhémentes et généreuses se font enten-
dre en sa faveur. Puis, peu à peu, le
bruit s'apaise, et tout continue comme
par le passé.
Faut-il attendre, cependant, qu'une
condamnation inique ait frappé un inno-
cent pour le plaindre? Le seul fait d'une
arrestation injustifiée ne place-t-il pas le
pauvre diable qu'on a accusé à tort dans
une situation tout à fait digne d'intérêt ?
Et n'est-il pas certain qu'il y à quelque
chose à faire pour effacer l'opprobre pas-
sager qui a pesé sur lui de par la faute
de policiers trop pressés ?
Il est vraiment par trop commode de
« coffrer » un homme tout à coup, de le
soumettre pendant plus ou moins long-
temps à un régime cruel, de le traiter
comme un criminel, de le promener du
Dépôt à Mazas, de l'envoyer devant un
juge d'instruction qui — quelle que soit
la modération dont fasse preuve ce ma-
gistrat — lui fait endurer mille tortures
morales, et, un beau matin, de lui dire
simplement :
— Décidément, il n'y avait aucune rai-
son pour vous arrêter. Allez, et tirez-
vous comme vous pourrez des embarras
oÙ nous vous avons mis !. Vous avez
subi des dommages pendant votre em-
prisonnement ; il se peut que vous n'arri-
viez plus à reprendre votre existence nor-
male. Nous en sommes bien fâchés,
mais nous avons d'autres chats à fouet-
ter!
Non, certes, cela ne suffit pas ! Et ce
n'est pas seulement l'homme condamné
par suite d'apparences trompeuses, mais
aussi l'homme arrêté à tort qui a droit à
une réparation. La sèche ordonnance de
non-lieu n'est pas assez pour lui. La
triste affaire dont je parle en est la
preuve.
Cette réparation nécessaire n'aurait
pas besoin de revêtir un caractère théâ-
tral ; mais il faudrait que la mise en li-
berté eût une sanction décisive, et telle
qu'elle fermât la bouche à tout commen-
taire désobligeant, qu'elle garantît vrai-
ment le préventi d'un moment con-
tre l'opinion. II y aurait là une formule à
trouver. Est-il donc, si difficile de l'éta-
blir ?
Assurément, la police n'est pas infailli-
ble (oh non!) et on comprend que, en
certains cas, elle soit égarée par un fâ-
cheux concours de circonstances. Mais,
l'erreur une fois constatée, l'autorité a,
sans parler des indemnités matérielles
qui s'imposent,le devoir de confesser hau-
tement cette erreur, et par de tels moyens
qu'aucun doute ne subsiste désormais.
Comment se fait-il qu'on en soit encore
à être forcé de produire à nouveau ces
vieilles doléances ? Comment en sommes-
nous encore là, après tant d'exemples si
profondément tristes? Et pourtant le fait
est là qui doit faire réfléchir : Un hom-
me, impliqué faussement dans une affaire
criminelle, a été si mal protégé par la jus-
tice qui, cependant, le déclarait inno-
cent, que, pour se soustraire à une infa-
mie persistant sans raison, il a été forcé
de recourir au suicide !
Paul Ginisty.
CIPRIANI
Rome, 9 juillet. - Cipriani a déclaré qu'il
compte, après avoir purgé sa peine, aller im-
médiatement à Paris continuer à écrire dans
des journaux pour lesquels il ne cesse de pré-
parer des matériaux.
A Paris, Cipriani se considère comme pou-
vant être plus utile à son parti qu'en restant
en Italie.
- CATASTROPHE
SUR LE LAC LÉMAN
Explosion d'une chaudière. - Cin-
quante victimes.
- - Genève, 9 juillet.
Un terrible, accident est arrivé aujour-
d'hui sur le lac Léman.
La chaudière du bateau le Mont-Blanc a
éclaté, faisant ainsi plus de cinquante vic-
times.
Tous les touristes qui ont voyagé sur le
lac de Genève connaissent le Mont-Blanc.
C'est le plus beau de tous les bâtiments
de la Compagnie de navigation du lac.
Il mesure 6/4 mètres de longueur. Le sa-
lon des premières, très spacieux et luxueu-
sement meublé, s'élève au-dessus du pont
de l'arrière et est surmonté d'une plate-
forme.
Le Mont-Blanc ne fait le service du tour
du lac que pendant la belle saison : il part
tous les matins à neuf heures pour revenir
à huit heures du soir.
L'explosion
Il avait quitté Genève ce matin en empor-
tant, comme d'habitude, de nombreux tou-
ristes. Arrivé à Ouchy à midi cinq, il venait
de débarquer et d'embarquer quelques
passagers, lorsque la calotte de la chau-
dière, sautant tout à coup avec un bruit
terrible, fila comme un obus à travers le
salon des premières et sortit en droite li-
gne par l'arrière du bateau, après avoir
tout défoncé sur son passage et tué net
deux garçons de service et la femme du
restaurateur.
La vapeur se précipita aussitôt dans le
trou béant et emplit le salon, aveuglant et
brûlant vifs les malheureux passagers pen-
dant que les voyageurs qui se trouvaient
sur le Dont. éoouvantés Dar l'exnloion Pt.
croyant que le bateau coulait, se précipi-
taient sur la passerelle.
Ce ne fut que lorsque la vapeur fut épui-
sée que l'on put pénétrer dans le salon, où
un spectacle horrible s'offrit aux regards :
Tous les meubles étaient renversés pêle-
mêle et le sol était couvert d'une boue sans
nom où l'on découvrait, avec des aliments
et des débris de vaisselle, des fragments de
cervelles et des lambeaux de chair san-
glants.
La vapeur ne trouvant, en effet, aucune
issue — car, pour comble de malheur, les
sabords étaient fermés — et entrant par la
porte du salon, les infortunés passagers
n'avaient eu aucun moyen de fuir.
Huit cadavres étaient étendus sur le plan-
cher.
Une vingtaine de malheureux, complète-
ment défigurés, se tordaient dans des con-
vulsions horribles et pousssaient des cris
épouvantables; quelques-uns ne tardèrent
pas à succomber.
La peau des mains et du visage de la
plupart d'entre eux avait été complètement
décollée par la vapeur. On aurait dit des
gants retournés, assure un témoin oculaire.
Des têtes ont été littéralement scalpées.
On organisa immédiatement les secours.
On transporta les blessés à l'hôpital, mais
beaucoup moururent avant d'y arriver.
Un passager qui, affolé, s'était jeté à l'eau
ne fut sauvé qu'à grand'peine.
A l'heure actuelle, le nombre des morts
est de âS et celui des blessés de 30.
Les victimes
Voici les noms des morts :
M. Blanc, commandant de la gendarmerie
de la Haute-Savoie, à Annecy, et Mme
Blanc ; un enfant de douze ans, Edouard
Dunière, d'Annecy; M. Gagnard, employé
à la Compagnie P.-L.-M., à Paris ; la femme
du restaurateur, Mme Lambert, de Genève;
le sommellier, M. Girard, de Genève ; Mme
de Besset, de Hervieux (Loire), et Mlles
Louise et Thérèse de Besset; Mme de Bru-
ment, d'Amsterdam ; Mme Violette Pou-
pardin, de Marseille, et Mlle Poupardin ;
Mme Caignard, de Franconville (Seine-et-
Oise) ; Mme Jean d'Humières, de Thonon ;
une Anglaise, Mme Abbott et ses deux filles;
M. Guillou, de Lyon ; M. Ageno, de Plai-
sance (Italie).
Les autres victimes reconnues sont Suis-
ses. La seule des victimes entrées à l'hôpi-
tal encore vivante est Mlle Geneviève Pou-
pardin, âgée de huit ans. M. Poupardin est
sain et sauf.
M. Croche, de Montpellier, est en traite-
ment à la clinique.
Contrairement aux premières nouvelles,
le chauffeur du bateau a été tué.
On se perd en conjectures sur les causes
de la catastrophe.
Le bâtiment est pourvu de deux chaudiè-
res et d'un générateur placé dans la coque.
La vapeur se rend dans le réservoir situé à
la hauteur du salon de première classe.
C'est le culot de ce récipient qui a sauté
et a été projeté presque horizontalement, tra-
versant le salon dans toute sa longueur.
Ce culot mesurait 1 mètre 50 de dia-
mètre.
Lorsque l'explosion s'est produite, le ma-
nomètre marquait 5 atmosphères 3/h.
Le Mont-Blanc avait été examiné il y a
un mois et, d'après la Revue de Lausanne, la
commission chargée de cette opération avait
remarqué des fissures dans la chaudière,
mais pas dans le dôme; elle considérait ces
fissures comme sans danger pour la sécu-
rité ; néanmoins, la commission ne voulut
proposer que pour une année le renouvel-
lement du permis de navigation, et la com-
pagnie s'était engagée à échanger ses chau-
.dièreaeu 18Q2U
r M. WILSON
EN
POLICE CORRECTIONNELLE
LES ÉLECTIONS MUNICIPALES
DE LOCHES
Le roman chez la concierge. — Potins
- et cancans de province. — La dé-
position d'un juge. — L'achat
des suffrages.
*{PAR DÉPÊCHES DE NOTRE ENVOYE SPÉCIAL}
Tours, 9 juillet.
Ce procès est-il une mystification ? Jus-
qu'ici la chose en a l'air, et nous disons
sans grande confiance: Attendons la fin. Si
on n'avait pas autre chose à reprocher à
M. Wilson, il fallait le laisser tranquille et
se préoccuper plutôt et plus tôt des pachas
du suffrage universel dont parlait avant-
hier le X/Xe Siècle, qui se sont signalés
par bien d'autres exploits.
A neuf heures exactement, les prévenus
font leur entrée. M. Wilson d'abord; mais
nous le regardons dix fois avant d'être bien
certain que c'est bien lui que nous avons
devant les yeux. M. Wilson avec du ventre 1
Voilà une surprise ! Le calme de la vie de
province, et aussi l'écharpe municipale
sans doute, ont donné au gendre de M.
Grévy ce bedon inattendu.
M. WILSON
Chose plus étonnante encore : la fameuse
barbe rousse a été émondée, sacrifiée ; plus
rien qu'un peu de poil autour des joues et
sous le menton. M. Wilson a la moustache
en croc. Il affecte les allures bon enfant du
propriétaire campagnard. Il a troqué la
longue redingote noire aux plis tombants
de l'homme d'affaires contre un méchant
petit veston en alpaga. C'est le cultivateur
aisé qui parcourt, dans son boggey, ses do-
maines intentionnellement épars à travers
dix communes du canton de Mon trésor, un
véritable échiquier électoral.
Voilà pour l'aspect physique. Mais l'hom-
me moral s'est-il transformé de même? Il
suffit d'examiner un instantM. Wilson pour
voir qu'il est resté l'homme de l'Elysée. Les
paperasses sont toujours son péché mignon.
Il en a devant lui, dans ses poches, il en a
partout ; c'est l'éternel preneur de notes.
Dès l'appel des témoins, le grand corrup-
teur pique avec la pointe de son crayon le
nom des absents, demande curieusement
où sont les deux dames citées par le mi-
nistère public, puis il échange des observa-
tions, à droite, avec son défenseur, Me Clé-
ry, à gauche, avec son co-prévenu, son
copain M. Leroux.
Architecte de son état, M. Leroux est un
homme de cinquante-cinq ans, à ligure de
marguillier. Lui aussi a ses petits papiers,
probablement les devis de l'élection. On
sait que ce prévenu est défendu par Me
Maurice Bernard, du barreau de Paris.
Pas d'interrogatoire. M. le président Gai-
tet procède tout de suite et en déblayant le
terrain avec rapidité, a l'audition des té-
moins. Ce jeûne magistrat, qui semble né
malin, glisse sans appuyer. Il sauve assez
bien la situation du tribunal.
LES TÉMOINS
Et d'abord on entend M. Boutet, adjoint
au maire de Loches, un vieillard de soi-
xante-quatorze ans qui dépose pour la
première fois en justice et en est fort
ému. Cette première déposition nous met
au courant de l'existence d'un comité ré-
publicain démocratique qui était à la fois
comité d'arrondissement et communal. Dis-
sous par le sous-préfet au premier titre,
renaissant sous le second au souffle de M.
Wilson, ce comité bicéphale doit beaucoup
intéresser les Lochois, mais nous n'en abu-
serons pas auprès de nos électeurs.
M. Boutet, qui figurait sur la liste qui
portait en tête le nom de M. Wilson,a été élu
avec ce dernier.
— Qui a supporté, lui demande le président,
les frais des élections municipales ?
— Ces frais, répond le témoin, nous ne les
réglons que cinq ou six mois après.
— Pourtant, objecte le président, vu les cir-
constances, vous n'avez pas songé à faire plus
tôt ce règlement?
— Mais non. Nous savons que chaque fois
qu'il y a des élections, cela se termine par ,des
frais. Personnellement,j'ai versé cent francs au
comité.
M. Gui ton étant le trésorier dudit co-
mité, c'est lui qui a fait envoi à diverses
communes de l'arrondissement de fonds
de propagande, le tout ne dépassant pas,
semble-t-il, 300 francs. La cotisation était
de 10 centimes par mois au maximum et le
témoin a, pour son compte, versé 80 cent.
pour huit mois. C'est à M. Guiton que l'é-
lecteur Bocher, qui était du reste un de ses
ouvriers, a fait part de son désir, étant ma-
lade, qu'on lui envoyât une voiture pour
aller voter. Le témoin en informa M. Le-
roux.
Me Cléry. — M. Wilson a-t-il été pour
quelque chose dans cette affaire de voi-
ture ?
Le témoin. — Absolument pour rien. *
M. Champigny, autre conseiller munici-
pal élu de la liste Wilson, dit que son in-
tention a été de payer sa part des frais.
Tout autre a été l'intention de M. Viot.
- Je me suis laissé porter sur la liste, dit
ce septuagénaire décoratif ; je n'ai jamais
pense qu'on me demandât quoi que ce
soit.
Le président. — Et si l'on réclame quel-
que chose ?
Le témoin. — Alors je paierai.
Le président. — Eh bien ! en ce cas que
la note vous soit légère (Hilarité.)
Le président.— C'est la première fois, que
vous êtes conseiller municipal ?
— Oui, monsieur.' Je suis resté trente
ans en Espagne. (Rires.)
M. Rodari, épicier, dit que M. Leroux, se-
crétaire du comité de M. Wilson, ne l'a
nullement sollicité de se laisser porter sur
la liste. « J'ai été nommé, dit-il, par mes
amis les républicains qui sont venus me
chercher, et les frais d'élection, nous les
paierons quand ils seront réglés. »
LES AGAPES
A ce témoin, le président demande si, le
soir du scrutin, il n'y a pas eu une fête à
Montains, la propriété que M. Wilson habite
à Loches.
Le témoin ne connaît pas ces agapes et
on rappelle M. Guiton, précédent té-
moin.
M. Rosse, procureur de la République. — N'y
avait-il pas une table de trois cents couverts
préparée 7
— Je ne l'ai jamais entendu dire. Je sais que
quatre-vingts ou cent personnes ont bu et
mangé, les unes debout ou assises. Moi-même,
j'ai pris quelque chose dans la salle à manger.
Me Cléry se levant. — Voilà ce qui, dans l'ac-
cusation, est devenu l'apparence d'une fête
préméditée. (Hilarité.)
Au sujet de cet impromptu, pour em-
ployer cette fois le langage de la défense)
M. Bourgoin, interrogé par le président,
,répond ; a Si la liste avait échoué* monsieur
le président, on n'aurait pas eu évidem-
ment l'idée de faire une fête. » Ceci ne fait
pas doute.
AFFICHES ET IMPRIMÉS
Vient ensuite M. Arrau, imprimeur, à
Tours, qui explique comment, à son sens,
les commandes d'affiches et imprimés pour
les élections municipales de Loches ont été
portées au nom de M. Wilson : « En ma
tière électorale, dit ce témoin, les impri-
meurs ont beaucoup de peine pour recou—
vrer leurs créances. Les candidats se déro-
bent ^olontiers. Un employé intelligent ins-
crit livrai débiteur, ou, s'il ne le connaît
pas, choisit l'électeur le plus influent. Mais,
plus tard, il y a fréquemment des transferts
de comptes, et pour M. Wilson le fait ne
sera pas nouveau. Il s'est produit dansd'au-
très élections. »
Au sujet du nombre de porteurs de bul-
letins engagés par M. Wilson, on n'est pas
d'accord, comme pour les expéditions à l'in-
térieur de l'Afrique où le chiffre des com-
battants est dépassé par celui des noir:
chargés du transport impedimenta. Il sem-
ble que l'élection du premier mai à Loches'
ait nécessité une quantité de distributeurs
supérieure à celle des votants. Mais une po-
pulation ne fournit qu'un nombre limité de\
porteurs et il y a eu lutte entre les candi-
dats. Le gros bataillon, il faut le dire, a été'
rallié par M. Wilson ou ses agents.
LA QUESTION DES PORTEURS
Aux tenants de M. Muller, le député de
Loches qui fut le Loreau de l'arrondisse-
ment, le président demande :
— Combien payiez-vous vos porteurs ?
i — Dix francs, ont généralement réponde
ceux-ci.
Il est établi que M. Wilson a payé les
siens à raison de dix francs par jour, avec
supplément de deux francs cinquante pour
le déjeuner,
■ Quand on a hérité là forte somme de son .>
beau-père, on peut se montrer un peu plus
large.
Le commissaire de police de Loches es-
time que M. Wilson a fait engager soixante
ou quatre-vingts porteurs. Il a entendu
l'un de ceux-ci déclarer, vers les cinq heu-
res de l'après-midi, qu'il avait faIm et,
ajouter :
— Heureusement que tout à l'heure nous
allons bien manger.
C'était, suivant la prévention, la fête pré-
méditée à la tour de Montains.
C'est sur ces pauvretés que l'audience
roule.
Le commissaire de police complète sa
déposition en disant que M. Wilson s'atta-
chait méthodiquement à faire travailler
tous les ouvriers de Loches et les di visa
par équipes.
— Une de ces équipes, dit-il, passait une
semaine à Montains, puis lui en succédait
une autre. En quelques mois, presque touss
les ouvriers ont eu ainsi du travail, sur"
tout les menuisiers et les terrassiers. Ceux-
ci ont comblé des fossés et fait des allées,
ensuite ils ont inversement creusé et coin-*
blé des trous. :
Un ancien commissaire de police de Lo-
ches répète tout ce qu'il a entendu dire en
ville, et même dans une voiture publique,
sur la bombance qui suivit le scrutin et à
laquelle assistait toute la ville. - *
Toutefois, le témoin croit qu'il y eut des
gigots de reste,èt le président ne peut s'em-
pêcher de lui dire : « Vous ne savez pas ce
qu'on en a fait?» (Hilarité générale).
Le témoin Ondec s'est laissé dire qu'un
aubergiste a reçu quatre à cinq francs de
M. Wilson pour faire boire les amis.
Quant au témoin Monbert, ancien con-
cierge de la mairie de Loches, il rapporte
ce dialogue entre deux électeurs : « Moi, je
vote pour Wilson parce qu'il est connu
qu'il est bon ; puis il est riche. — Et, di-
sait l'autre, il va dans les villages, dans
les maisons ; s'il y a des nécessiteux, il pro-
met de faire des chemins, puis il laisse une
somme sans rien dire. » --
M. Boissier, adversaire politique des pré-
venus, a entendu un porteur dire : « J'ai de
l'argent; quand il n'y en aura plus, il m'en
donnera d'autre. »
Le président. — Qui?
Le témoin. — J'ai pensé à M. Wilson.
Me Cléry. — C'est avec cela qu'on fait le
bruit public.
A M. Gustave Sachet,le président demande
combien M. Muller engageait de por.
teurs.
— Une- quarantaine, joépond ce der-
nier. -
Le président. — M. Muller, lui aussi, n'a-
t-il pas donné une fête après son élection ?
Le témoin.—Oui, mais le lendemain seu-
lement, à l'hôtel.
Le sieur Chicoineau, concierge de M. Wil-
son, reconnaît qu'il a engagé les porteurs
qui se sont présentés et dont il a remis la
liste à M. Leroux.
On entend nombre de ces porteurs. La
président demandant à l'un d'eux si M. \Vil.
son l'a remercié, ce témoin répond : « C'est
moi, monsieur, qui l'ai remercié. (On rit.)
Un autre déclare qu'ayant soif, il a dû
emprunter cinquante centimes pour aller
boire. En allant chercher en voiture l'élec-
teur malade dont il a été parlé, le cocher
Condret avoue qu'en route il en a recueilli
un qui n'était pas du bord. Ce détail réjouit
fort l'assistance.
GRAVE INCIDENT
Mais voici l'incident grave de la journée r
il est provoqué par la déposition de M.
Coursières, juge au tribunal de Loches e
occupant ce siège depuis des lustres. Le té- ;
moin, un homme sec et maigre, porteur de
longs et blancs favoris, indique qu'il est i
âgé de soixante-cinq ans et promet avec.
solennité de dire la vérité, toute la vérité :
— Le 1M mai, dit le président à son doyen*;
vous avez accompagné M. Wilson depuis 1»,
matin jusqu'à une certaine -heure de l'après-
midi ?
— Oui, refond le juge.
— Combien, poursuit le président, M. Wilson
avait-il engagé de porteurs?"
— Je l'ignore.
— Vous avez assisté au dépouillement doc
scrutin ?
— Oui, comme assesseur. M. Boutet prési-
dait. Tout était parfaitement régulier. Il y,
avait une majorité considérable pour la listes
dite démocratique. Aucun incident ne s'est;
élevé.
Le président. — Dans la journée, n'avez-
vous pas entendu dire que si le résultat de
l'élection était favorable, il y aurait une fête à
Montains?
—Au contraire,répond le témoin, il ne devait
j ! pas y avoir de fête. Président du cercle dont
la liste venait de passer, j'ai su qu'on projetait
de donner un punch : c'est dans la soirée que-
j'ai été invité à aller chez M. Wilson.
1 — Et vous y êtes allé ?
- J'y suis allé, j'ai vu dans la salle à manger
huit ou dix personaes, et ailleurs une centaine
peut-être.
M. Coursières dit ensuite que, consulté
ait sujet de la coustitution d'un comité
permanent, il en-a fait apercevoir l'illé-
gaHié : c'est alors qu'on a constitué un co-
pule spéeiftl Dour l'élection municipale»
*** - t
■ >11. 1 1 1 X -
:- LUNDI II JUILLET 1
LE .,. 1.+ Xir SIECLE
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ft mois, 3 francs.
1 mois, '6 francs.
2 mois, 6 francs.
BRISURE
Depuis longtemps, et dans tous les
pays où elle a poussé des branches, la
famille de Bourbon a fait par son
union l'admiration générale. A peine
de loin en loin, de légers nuages se
sont levés sur le tableau touchant de
cette harmonie familiale. Il y a bien
eu, au seizième siècle, un cardinal de
Bourbon proclamé roi de la Ligue et
concurrent de Henri IV ; il y a eu, au
dix-septième siècle, un certain Gas-
ton d'Orléans qui n'a pas été pour
Louis XIII un frère des plus agréables ;
au dix-huitième siècle, il y a eu un
Louis-Philippe d'Orléans qui, par
inadvertance, a fait couper le cou à
son cousin Louis XVI ; au dix-neu-
vième siècle, il y a eu un autre Louis-
t: Philippe qui a, doucement poussé son
cousin Charles X sur la route de l'exil
et qui ne s'est par trop fait prier pour
prendre sa place sur le trône. En
Espagne, il y a bien eu aussi quelque
rivalité entre diverses branches de la
famille et même entre membres de la
même branche : par exemple, la bran-
che aînée a été chassée du trône et
remplacée par une branche cadette;
la reine Isabelle n'a pas touj ours eu à
se louer de son mari, frère du duc de
Montpensier, et don Carlos, à son
tour, a joué d'assez mauvais tours à
son petit-neveu Alphonse XII.
On pourrait encore rappeler les dé-
mêlés de Louis-Philippe avec la du-
chesse de Berri, aussi bien à l'époque
de la naissance du comte de Chambord
que lors de l'insurrection de la Ven-
dée et même, tout près de nous, le
conflit entre les Blancs d'Espagne et
les Blancs d'Eu, les uns comme les au-
tres, se déniant réciproquement tout
: droit à la couronne de France, se je-
tant tour à tour le traité d'Utrecht à
la tête et s'accusant, par l'organe de
leurs amis les plus intimes, de toutes
les félonies.
Mais ce ne sont que des épisodes
sans importance, qui mettent mieux
en lumière l'harmonie familiale qui
règne dans la maison de Bourbon.
Cependant un grave conflit vient de
s'élever et de jeter une note discor-
dante dans cet accord parfait. Don
Carlos s'est avisé un beau jour de re-
garder les armoiries de son cousin le
comte de Paris, et ce qu'il a vu l'a fait
bondir d'indignation. Il a constaté
qu'il était simplement spolié. Le comte
de Paris porte en effet les" armes
pleines" des Bourbons. Or, en art
héraldique, les « armes pleines" ap-
partiennent au seul chef de la maison.
Les cadets doivent porter sur l'écus-
son une « brisure". En ne mettant
pas de « brisure Y), le comte de Paris a
donc tout uniment méconnu le droit
d'aînesse de son cousin don Carlos.
Celui-ci n'a pu supporter en silence une
telle méconnaissance de ses droits, et
il a du même coup écrit à son « cher
Valori » une longue lettre et adressé
au comte de Paris une protestation
en due forme, lui rappelant que « lui
seul, aîné des Bourbons, chef du nom
et d'armes de la race de Hugues Ca-
pet, de Saint-Louis et de Louis XIV,
et par lui encore son fils et son frère
ont le droit de porter, sur l'écusson
royal, d'azur à trois fleurs de lys d'or
sans brisure".
C'est un fait qui, — don Carlos le
dit dans sa lettre à son cher Valori,—
est ci en dehors et au-dessus de toute
considération politique", Quand mê-
me le comte de Paris revendiquerait
l'héritage politique du comte de Cham-
bord, don Carlos estime que cela lais-
serait intact son droit héraldique; mais
il a soin d'ajouter que « son avis est,
du reste, que son cousin ne tient pas à
se placer sur ce terrain et à se procla-
mer le représentant de la monarchie
légitime en France, puisque, le prin-
cipe de la légitimité étant le même par-
tout, le simple fait de ne pas se pro-
noncer sur la légitimité espagnole se-
rait une faute grave au point de vue
de la solidarité du droit ».
Il nous semblait que le comte de
Paris s'était expliqué sur ce point et
qu'il s'était proclamé à diverses re-
prises le « représentant de la monar-
chie traditionnelle par ses origines,
tnoderne par ses institutions. » Mais
nous devons constater qu'il n'a pas
renouvelé cette déclaration et qu'il
s'est contenté de répondre qu'il « ne
pouvait accepter ni la forme ni le
(oud » de - t;, protestation de don Car-
lo::. ious continuerons donc à avoir
im prétendant sans « brisure n. Don
Carlos, qui a jadis détroussé tant de
diligences, continuera à être détroussé
de ses fi armes pleines ». Voilà un
nouveau et bien sérieux grief entre les
deux branches, et la belle résistance
du comte de Paris enlève un argu-
ment important aux partisans de don
Jaime. Ceux-ci ne pourront pas, dans
leurs boniments, dire qu'il est le seul
qui n'ait pas de « brisure ».
Mais s'il n'y en a pas dans lesarmes
il y en a une autre entre les nations et
les Bourbons. Les « armes pleines"
n'empêchent pas don Carlos d'être à
Venise, pas plus que le comte de Paris
d'être à Londres, et, "brisées" ou rac-
commodées, les armoiries ne font rien
à la cassure définitive qui s'est pro-
duite entre la branche aînée et l'Es-
pagne, entre toutes les branches et
la France.
r Le XIX" SIECLE publiera demain la
a Chronique », par Francisque Sarcey-
1 RAVACHOL
Montbrison, 9 juillet.
On ne sait toujours rien de précis en ce
qui concerne la date de l'exécution de Ra-
vachol.
Les uns prétendent qu'elle aura lieu lundi
prochain. Les autres disent, au contraire,
que la guillotine ne fonctionnera à Mont-
brison qu'après la fête du 1A juillet.
On a cru un moment, hier soir, que l'opé-
ration aurait lieu ce matin. Beaucoup de
monde attendait à la gare l'arrivée du train
de 9 heures 20, pensant en voir descendre
M. Deibler. !
Les dragons attendus de Saint-Etienne ne
sont pas arrivés non plus. Les réquisitions
prises pour le logement des hommes et des
chevaux ne mentionnent; pas le jour de; l'ar-
rivée. Aussi; de ce côté-là, est-on égale-
ment réduit aux conjectures,
Aujourd'hui, jour de marché, l'animation
est assez grande. L'aspect de la ville est un
peu moins triste qu'à l'ordinaire.
On ne signale l'arrivée d'aucun anar-
chiste. La surveillance est toujours active.
EXÉCUTION CAPITALE DE COMMUNAL
Ravachol ne sera pas exécuté lundi. M.
Deibler et ses aides sont en effet partis hier
pour Rennes, où ils procéderont lundi ma-
tin à l'exécution de Communal, qui assas-
sina, au bourg du Pertre, la fille d'un cul-
tivateur nommé Jean Gallais.
Communal, qui avait pénétré dans la
ferme pour y voler une somme de A,000
francs qu'il pensait y trouver, fut surpris
par la fille de Jean Gallais; il l'assomma à
coups de bâton, et, comme elle ne mourait
pas assez vite, lui trancha l'artère carotide
avec son couteau. Il ne put découvrir que
230 francs.
Il a été condamné à mort par la cour
d'assises d'Illé-et-Vilaine le 11 mai dernier
SCANDALE A L'HORIZON
Il y a de l'émotion à la préfecture de
police.
M. Lozé vient de donner mission à M.
Duchanoy, chargé spécialement du con-
trôle, de procéder à la vérification des li-
vres de comptabilité du service de la sû-
reté. Les livres ont été saisis et vont être
examinés.
Cette vérification est motivée par des
dénonciations envoyées à la préfecture
contre ses chefs de service par un em-
ployé subalterne mécontent, qui prétend
que les notes de frais des inspecteurs ou
des agents de la sûreté envoyés en enquête
en province ou à l'étranger sont considéra-
blement majorées.
C'est ce que l'enquête nous fera connaî-
tre. Elle nous dira s'il faut croire ou reje-
ter du pied une dénonciation qui a sa
source dans un vulgaire et mesquin senti-
ment de vengeance.
LES TROUBLES D'HOMESTEAD
New-York, 9 juillet.
Les grévistes d'Homestead ont passé la
journée d'hier à enterrer leurs morts.
Les émeutiers occupent la ville, qu'ils ont
organisée militairement. Quelques anar-
chistes ont voulu profiter du mouvement
pour faire des démonstrations, mais ils ont
été expulsés.
Le sheriff, M. Mac Cleary, a lancé une pro-
clamation demandant le concours des bons
citoyens pour aider la police. Il ne s'est
présenté que vingt-trois hommes, lesquels
ont été renvoyés. Le gouverneur de Pensyl-
vanie, M. Pattison, a refusé d'intervenir et
d'assumer une responsabilité qui incombe
tout entière aux autorités locales. Toute-
fois, sur la demande du comité des grévis-
tes, il a accepté de recevoir leurs délégués.
Les grévistes recueillent toutes les cara-
bines et tous les revolvers qu'ils peuvent
trouver et déclarent qu'ils sont prêts à
résister jusqu'au dernier pour empêcher
les nouveaux ouvriers d'entrer dans les ate-
liers.
Cette attitude est motivée par la nouvelle
que quatre cents hommes armés de l'agence
de police Pinkerton viennent d'être envoyés
de Cincinnati à Homestead, et que des wa-
gons blindés, munis de meurtrières et qui
seront approvisionnés pour plusieurs jours,
sont construits pour amener les nouveaux
ouvriers jusqu'aux ateliers, en mitraillant
les grévistes s'ils veillent s'opposer à leur
entrée.
Les plus exaltés d'entre ceux-ci parlent,
de leur côté, de faire sauter les ateliers Car-
negie.
Les grévistes disposent d'une grande
quantité de munitions, de dynamite et de
fusils pris aux deux cent trente-quatre
agents faits prisonniers dans le récent con-
flit. Ils surveillent les trains qui arrivent et
ont organisé des patrouilles qui parcourent
les bords de la rivière et gardent les portes
des chantiers.
TERRIBLE INCENDIE EN NORVÈGE
Christiansand, 9 juillet.
Un grand incendie, qui a éclaté hier
après midi et s'est prolongé jusqu'à ce ma-
tin, a détruit près de la moitié des plus
beaux bâtiments d'un des quartiers de la
ville.
Plusieurs centaines de maisons sont dé-
truites , entre autres la Banque, la Caisse
d'épargne et la Poste.
Il ne reste plus que les murs des forti-
fications et des bâtiments militaires. ,
Un grand nombre de personnes sont sans
a&ile.
CHRONIQUE
Il me semble qu'on n'a peut-être pas
prêté une attention suffisante à ce « fait
divers" que je trouve, moi, infiniment
douloureux :
Il y a quelque temps, un meurtre était
commis à Charenton. La police, sur des
données bien vagues, sur des cancans de
quartier, arrêta un homme d'une tren-
taine d'années, M. Paul Troché, qui su-
bit une détention assez longue, malgré
ses protestation éperdues.
— Bon, bon ! lui d sait-on, réservez
cette comédie pour le juge d'instruction!
Un individu arrêté qui proteste de son
innocence, c'est par trop « vieux jeu » ;
cela ne prend plus. On hausse les épaules.
Le juge d'instruction, cependant, écouta
le malheureux, et, en dépit de sa défiance
professionnelle, fut frappé du ton de sin-
cérité que mettait l'accusé à se défendre.
Mais ces révoltes, ces indignations, cela
peut se feindre ! Le pauvre avait heureu-
sement d'autres arguments a faire valoir.
Quand on le laissa parler, il lui fut facile
d'établir un alibi qui prouvait qu'il n'é-
tait absolument pour rien dans le crime.
Il fallait bien le reconnaître : on s'était
trompé en s'emparant de sa personne.
Son innocence ressortait clairement. Il
était même malaisé de concevoir comment
de ridicules racontars avaient suffi à faire.
eser sur lui de graves soupçons.
Bref, on le relâcha.
On sait de quelle façon les choses se
passent en pareil cas. On ne le rendit pas
à la liberté sans une foule de formalités
humiliantes, et de cette liberté qui était
un droit, on parut lui faire une grâce.
Pour un peu, on lui aurait dit que cette
aventure devait lui servir de leçon et
qu'il eût à prendre garde de se faire re-
pincer une autre fois.
L'infortuné rentra chez lui, après ces
rudes épreuves qui avaient eu, naturel-
lement, pour effet de briser son humble
position. Effaré encore par les rigueurs
de sa détention, ne comprenant vraiment
rien à ce qui lui était arrivé, il tâcha de
se remettre au travail, cherchant une oc-
cupation, quelle qu'elle fût. Car, ce qu'al-
lait être son sort après l'erreur dont il
avait été victime, cela ne regardait pas la
justice. Il devait s'estimer bien heureux,
encore, d'en être quitte à si bon marché !
Ce sort fut très pénible. La malveil-
lance s'exerça contre M. Troché. On ne se
souvint pas de l'ordonnance de non-lieu
qui avait été rendue en sa faveur ; on ne
se rappela que son arrestation. Les com-
mentaires les plus désobligeants allèrent
leur train sur son compte. On ne sortait
pas de ce raisonnement : puisqu'il avait
été arrêté, c'est donc que sa conduite
avait été louche.
Il n'y a pas que dans les petites villes
qu'il y a de ces férocités de quartier : il
y a des cas où cet esprit de petite ville se
retrou-v, e dans quelque coin de Paris. Le
malheureux garçon le vit bien. On le
montrait du doigt, parmi ses voisins ; on
répandait à son sujet d'absurdes calom-
nies. La vie lui était devenue intolérable.
On le tenait ou on affectait de le tenir
pour un coupable qui avait été seulement
assez adroit pour se tirer d'affaire.
Les choses en vinrent à ce point que
M. Troché, qui n'avait pourtant rien à se
reprocher — pas même une imprudence
ou une légèreté — perdit tout courage.
Désespérant de modifier sur son compte
l'opinion qui lui était sottement hostile,
il tomba dans une mélancolie qui devait
le conduire au suicide. Avec un courage
singulier dans l'exécution de sa détermi-
nation,il se frappait,ces jours-ci, de vingt-
quatre coups de couteau. S'il n'est mort
à l'heure qu'il est, il n'en vaut guère
mieux.
Hélas! c'est une histoire presque banale
que celle-ci! Quand une retentissante er-
reur judiciaire est découverte, on est
pendant quelque temps, tout feu
to it flamme pour réclamer une répara-
tion solennelle pour la victime. Alors,
tout le monde s'émeut; des déclarations
véhémentes et généreuses se font enten-
dre en sa faveur. Puis, peu à peu, le
bruit s'apaise, et tout continue comme
par le passé.
Faut-il attendre, cependant, qu'une
condamnation inique ait frappé un inno-
cent pour le plaindre? Le seul fait d'une
arrestation injustifiée ne place-t-il pas le
pauvre diable qu'on a accusé à tort dans
une situation tout à fait digne d'intérêt ?
Et n'est-il pas certain qu'il y à quelque
chose à faire pour effacer l'opprobre pas-
sager qui a pesé sur lui de par la faute
de policiers trop pressés ?
Il est vraiment par trop commode de
« coffrer » un homme tout à coup, de le
soumettre pendant plus ou moins long-
temps à un régime cruel, de le traiter
comme un criminel, de le promener du
Dépôt à Mazas, de l'envoyer devant un
juge d'instruction qui — quelle que soit
la modération dont fasse preuve ce ma-
gistrat — lui fait endurer mille tortures
morales, et, un beau matin, de lui dire
simplement :
— Décidément, il n'y avait aucune rai-
son pour vous arrêter. Allez, et tirez-
vous comme vous pourrez des embarras
oÙ nous vous avons mis !. Vous avez
subi des dommages pendant votre em-
prisonnement ; il se peut que vous n'arri-
viez plus à reprendre votre existence nor-
male. Nous en sommes bien fâchés,
mais nous avons d'autres chats à fouet-
ter!
Non, certes, cela ne suffit pas ! Et ce
n'est pas seulement l'homme condamné
par suite d'apparences trompeuses, mais
aussi l'homme arrêté à tort qui a droit à
une réparation. La sèche ordonnance de
non-lieu n'est pas assez pour lui. La
triste affaire dont je parle en est la
preuve.
Cette réparation nécessaire n'aurait
pas besoin de revêtir un caractère théâ-
tral ; mais il faudrait que la mise en li-
berté eût une sanction décisive, et telle
qu'elle fermât la bouche à tout commen-
taire désobligeant, qu'elle garantît vrai-
ment le préventi d'un moment con-
tre l'opinion. II y aurait là une formule à
trouver. Est-il donc, si difficile de l'éta-
blir ?
Assurément, la police n'est pas infailli-
ble (oh non!) et on comprend que, en
certains cas, elle soit égarée par un fâ-
cheux concours de circonstances. Mais,
l'erreur une fois constatée, l'autorité a,
sans parler des indemnités matérielles
qui s'imposent,le devoir de confesser hau-
tement cette erreur, et par de tels moyens
qu'aucun doute ne subsiste désormais.
Comment se fait-il qu'on en soit encore
à être forcé de produire à nouveau ces
vieilles doléances ? Comment en sommes-
nous encore là, après tant d'exemples si
profondément tristes? Et pourtant le fait
est là qui doit faire réfléchir : Un hom-
me, impliqué faussement dans une affaire
criminelle, a été si mal protégé par la jus-
tice qui, cependant, le déclarait inno-
cent, que, pour se soustraire à une infa-
mie persistant sans raison, il a été forcé
de recourir au suicide !
Paul Ginisty.
CIPRIANI
Rome, 9 juillet. - Cipriani a déclaré qu'il
compte, après avoir purgé sa peine, aller im-
médiatement à Paris continuer à écrire dans
des journaux pour lesquels il ne cesse de pré-
parer des matériaux.
A Paris, Cipriani se considère comme pou-
vant être plus utile à son parti qu'en restant
en Italie.
- CATASTROPHE
SUR LE LAC LÉMAN
Explosion d'une chaudière. - Cin-
quante victimes.
- - Genève, 9 juillet.
Un terrible, accident est arrivé aujour-
d'hui sur le lac Léman.
La chaudière du bateau le Mont-Blanc a
éclaté, faisant ainsi plus de cinquante vic-
times.
Tous les touristes qui ont voyagé sur le
lac de Genève connaissent le Mont-Blanc.
C'est le plus beau de tous les bâtiments
de la Compagnie de navigation du lac.
Il mesure 6/4 mètres de longueur. Le sa-
lon des premières, très spacieux et luxueu-
sement meublé, s'élève au-dessus du pont
de l'arrière et est surmonté d'une plate-
forme.
Le Mont-Blanc ne fait le service du tour
du lac que pendant la belle saison : il part
tous les matins à neuf heures pour revenir
à huit heures du soir.
L'explosion
Il avait quitté Genève ce matin en empor-
tant, comme d'habitude, de nombreux tou-
ristes. Arrivé à Ouchy à midi cinq, il venait
de débarquer et d'embarquer quelques
passagers, lorsque la calotte de la chau-
dière, sautant tout à coup avec un bruit
terrible, fila comme un obus à travers le
salon des premières et sortit en droite li-
gne par l'arrière du bateau, après avoir
tout défoncé sur son passage et tué net
deux garçons de service et la femme du
restaurateur.
La vapeur se précipita aussitôt dans le
trou béant et emplit le salon, aveuglant et
brûlant vifs les malheureux passagers pen-
dant que les voyageurs qui se trouvaient
sur le Dont. éoouvantés Dar l'exnloion Pt.
croyant que le bateau coulait, se précipi-
taient sur la passerelle.
Ce ne fut que lorsque la vapeur fut épui-
sée que l'on put pénétrer dans le salon, où
un spectacle horrible s'offrit aux regards :
Tous les meubles étaient renversés pêle-
mêle et le sol était couvert d'une boue sans
nom où l'on découvrait, avec des aliments
et des débris de vaisselle, des fragments de
cervelles et des lambeaux de chair san-
glants.
La vapeur ne trouvant, en effet, aucune
issue — car, pour comble de malheur, les
sabords étaient fermés — et entrant par la
porte du salon, les infortunés passagers
n'avaient eu aucun moyen de fuir.
Huit cadavres étaient étendus sur le plan-
cher.
Une vingtaine de malheureux, complète-
ment défigurés, se tordaient dans des con-
vulsions horribles et pousssaient des cris
épouvantables; quelques-uns ne tardèrent
pas à succomber.
La peau des mains et du visage de la
plupart d'entre eux avait été complètement
décollée par la vapeur. On aurait dit des
gants retournés, assure un témoin oculaire.
Des têtes ont été littéralement scalpées.
On organisa immédiatement les secours.
On transporta les blessés à l'hôpital, mais
beaucoup moururent avant d'y arriver.
Un passager qui, affolé, s'était jeté à l'eau
ne fut sauvé qu'à grand'peine.
A l'heure actuelle, le nombre des morts
est de âS et celui des blessés de 30.
Les victimes
Voici les noms des morts :
M. Blanc, commandant de la gendarmerie
de la Haute-Savoie, à Annecy, et Mme
Blanc ; un enfant de douze ans, Edouard
Dunière, d'Annecy; M. Gagnard, employé
à la Compagnie P.-L.-M., à Paris ; la femme
du restaurateur, Mme Lambert, de Genève;
le sommellier, M. Girard, de Genève ; Mme
de Besset, de Hervieux (Loire), et Mlles
Louise et Thérèse de Besset; Mme de Bru-
ment, d'Amsterdam ; Mme Violette Pou-
pardin, de Marseille, et Mlle Poupardin ;
Mme Caignard, de Franconville (Seine-et-
Oise) ; Mme Jean d'Humières, de Thonon ;
une Anglaise, Mme Abbott et ses deux filles;
M. Guillou, de Lyon ; M. Ageno, de Plai-
sance (Italie).
Les autres victimes reconnues sont Suis-
ses. La seule des victimes entrées à l'hôpi-
tal encore vivante est Mlle Geneviève Pou-
pardin, âgée de huit ans. M. Poupardin est
sain et sauf.
M. Croche, de Montpellier, est en traite-
ment à la clinique.
Contrairement aux premières nouvelles,
le chauffeur du bateau a été tué.
On se perd en conjectures sur les causes
de la catastrophe.
Le bâtiment est pourvu de deux chaudiè-
res et d'un générateur placé dans la coque.
La vapeur se rend dans le réservoir situé à
la hauteur du salon de première classe.
C'est le culot de ce récipient qui a sauté
et a été projeté presque horizontalement, tra-
versant le salon dans toute sa longueur.
Ce culot mesurait 1 mètre 50 de dia-
mètre.
Lorsque l'explosion s'est produite, le ma-
nomètre marquait 5 atmosphères 3/h.
Le Mont-Blanc avait été examiné il y a
un mois et, d'après la Revue de Lausanne, la
commission chargée de cette opération avait
remarqué des fissures dans la chaudière,
mais pas dans le dôme; elle considérait ces
fissures comme sans danger pour la sécu-
rité ; néanmoins, la commission ne voulut
proposer que pour une année le renouvel-
lement du permis de navigation, et la com-
pagnie s'était engagée à échanger ses chau-
.dièreaeu 18Q2U
r M. WILSON
EN
POLICE CORRECTIONNELLE
LES ÉLECTIONS MUNICIPALES
DE LOCHES
Le roman chez la concierge. — Potins
- et cancans de province. — La dé-
position d'un juge. — L'achat
des suffrages.
*{PAR DÉPÊCHES DE NOTRE ENVOYE SPÉCIAL}
Tours, 9 juillet.
Ce procès est-il une mystification ? Jus-
qu'ici la chose en a l'air, et nous disons
sans grande confiance: Attendons la fin. Si
on n'avait pas autre chose à reprocher à
M. Wilson, il fallait le laisser tranquille et
se préoccuper plutôt et plus tôt des pachas
du suffrage universel dont parlait avant-
hier le X/Xe Siècle, qui se sont signalés
par bien d'autres exploits.
A neuf heures exactement, les prévenus
font leur entrée. M. Wilson d'abord; mais
nous le regardons dix fois avant d'être bien
certain que c'est bien lui que nous avons
devant les yeux. M. Wilson avec du ventre 1
Voilà une surprise ! Le calme de la vie de
province, et aussi l'écharpe municipale
sans doute, ont donné au gendre de M.
Grévy ce bedon inattendu.
M. WILSON
Chose plus étonnante encore : la fameuse
barbe rousse a été émondée, sacrifiée ; plus
rien qu'un peu de poil autour des joues et
sous le menton. M. Wilson a la moustache
en croc. Il affecte les allures bon enfant du
propriétaire campagnard. Il a troqué la
longue redingote noire aux plis tombants
de l'homme d'affaires contre un méchant
petit veston en alpaga. C'est le cultivateur
aisé qui parcourt, dans son boggey, ses do-
maines intentionnellement épars à travers
dix communes du canton de Mon trésor, un
véritable échiquier électoral.
Voilà pour l'aspect physique. Mais l'hom-
me moral s'est-il transformé de même? Il
suffit d'examiner un instantM. Wilson pour
voir qu'il est resté l'homme de l'Elysée. Les
paperasses sont toujours son péché mignon.
Il en a devant lui, dans ses poches, il en a
partout ; c'est l'éternel preneur de notes.
Dès l'appel des témoins, le grand corrup-
teur pique avec la pointe de son crayon le
nom des absents, demande curieusement
où sont les deux dames citées par le mi-
nistère public, puis il échange des observa-
tions, à droite, avec son défenseur, Me Clé-
ry, à gauche, avec son co-prévenu, son
copain M. Leroux.
Architecte de son état, M. Leroux est un
homme de cinquante-cinq ans, à ligure de
marguillier. Lui aussi a ses petits papiers,
probablement les devis de l'élection. On
sait que ce prévenu est défendu par Me
Maurice Bernard, du barreau de Paris.
Pas d'interrogatoire. M. le président Gai-
tet procède tout de suite et en déblayant le
terrain avec rapidité, a l'audition des té-
moins. Ce jeûne magistrat, qui semble né
malin, glisse sans appuyer. Il sauve assez
bien la situation du tribunal.
LES TÉMOINS
Et d'abord on entend M. Boutet, adjoint
au maire de Loches, un vieillard de soi-
xante-quatorze ans qui dépose pour la
première fois en justice et en est fort
ému. Cette première déposition nous met
au courant de l'existence d'un comité ré-
publicain démocratique qui était à la fois
comité d'arrondissement et communal. Dis-
sous par le sous-préfet au premier titre,
renaissant sous le second au souffle de M.
Wilson, ce comité bicéphale doit beaucoup
intéresser les Lochois, mais nous n'en abu-
serons pas auprès de nos électeurs.
M. Boutet, qui figurait sur la liste qui
portait en tête le nom de M. Wilson,a été élu
avec ce dernier.
— Qui a supporté, lui demande le président,
les frais des élections municipales ?
— Ces frais, répond le témoin, nous ne les
réglons que cinq ou six mois après.
— Pourtant, objecte le président, vu les cir-
constances, vous n'avez pas songé à faire plus
tôt ce règlement?
— Mais non. Nous savons que chaque fois
qu'il y a des élections, cela se termine par ,des
frais. Personnellement,j'ai versé cent francs au
comité.
M. Gui ton étant le trésorier dudit co-
mité, c'est lui qui a fait envoi à diverses
communes de l'arrondissement de fonds
de propagande, le tout ne dépassant pas,
semble-t-il, 300 francs. La cotisation était
de 10 centimes par mois au maximum et le
témoin a, pour son compte, versé 80 cent.
pour huit mois. C'est à M. Guiton que l'é-
lecteur Bocher, qui était du reste un de ses
ouvriers, a fait part de son désir, étant ma-
lade, qu'on lui envoyât une voiture pour
aller voter. Le témoin en informa M. Le-
roux.
Me Cléry. — M. Wilson a-t-il été pour
quelque chose dans cette affaire de voi-
ture ?
Le témoin. — Absolument pour rien. *
M. Champigny, autre conseiller munici-
pal élu de la liste Wilson, dit que son in-
tention a été de payer sa part des frais.
Tout autre a été l'intention de M. Viot.
- Je me suis laissé porter sur la liste, dit
ce septuagénaire décoratif ; je n'ai jamais
pense qu'on me demandât quoi que ce
soit.
Le président. — Et si l'on réclame quel-
que chose ?
Le témoin. — Alors je paierai.
Le président. — Eh bien ! en ce cas que
la note vous soit légère (Hilarité.)
Le président.— C'est la première fois, que
vous êtes conseiller municipal ?
— Oui, monsieur.' Je suis resté trente
ans en Espagne. (Rires.)
M. Rodari, épicier, dit que M. Leroux, se-
crétaire du comité de M. Wilson, ne l'a
nullement sollicité de se laisser porter sur
la liste. « J'ai été nommé, dit-il, par mes
amis les républicains qui sont venus me
chercher, et les frais d'élection, nous les
paierons quand ils seront réglés. »
LES AGAPES
A ce témoin, le président demande si, le
soir du scrutin, il n'y a pas eu une fête à
Montains, la propriété que M. Wilson habite
à Loches.
Le témoin ne connaît pas ces agapes et
on rappelle M. Guiton, précédent té-
moin.
M. Rosse, procureur de la République. — N'y
avait-il pas une table de trois cents couverts
préparée 7
— Je ne l'ai jamais entendu dire. Je sais que
quatre-vingts ou cent personnes ont bu et
mangé, les unes debout ou assises. Moi-même,
j'ai pris quelque chose dans la salle à manger.
Me Cléry se levant. — Voilà ce qui, dans l'ac-
cusation, est devenu l'apparence d'une fête
préméditée. (Hilarité.)
Au sujet de cet impromptu, pour em-
ployer cette fois le langage de la défense)
M. Bourgoin, interrogé par le président,
,répond ; a Si la liste avait échoué* monsieur
le président, on n'aurait pas eu évidem-
ment l'idée de faire une fête. » Ceci ne fait
pas doute.
AFFICHES ET IMPRIMÉS
Vient ensuite M. Arrau, imprimeur, à
Tours, qui explique comment, à son sens,
les commandes d'affiches et imprimés pour
les élections municipales de Loches ont été
portées au nom de M. Wilson : « En ma
tière électorale, dit ce témoin, les impri-
meurs ont beaucoup de peine pour recou—
vrer leurs créances. Les candidats se déro-
bent ^olontiers. Un employé intelligent ins-
crit livrai débiteur, ou, s'il ne le connaît
pas, choisit l'électeur le plus influent. Mais,
plus tard, il y a fréquemment des transferts
de comptes, et pour M. Wilson le fait ne
sera pas nouveau. Il s'est produit dansd'au-
très élections. »
Au sujet du nombre de porteurs de bul-
letins engagés par M. Wilson, on n'est pas
d'accord, comme pour les expéditions à l'in-
térieur de l'Afrique où le chiffre des com-
battants est dépassé par celui des noir:
chargés du transport impedimenta. Il sem-
ble que l'élection du premier mai à Loches'
ait nécessité une quantité de distributeurs
supérieure à celle des votants. Mais une po-
pulation ne fournit qu'un nombre limité de\
porteurs et il y a eu lutte entre les candi-
dats. Le gros bataillon, il faut le dire, a été'
rallié par M. Wilson ou ses agents.
LA QUESTION DES PORTEURS
Aux tenants de M. Muller, le député de
Loches qui fut le Loreau de l'arrondisse-
ment, le président demande :
— Combien payiez-vous vos porteurs ?
i — Dix francs, ont généralement réponde
ceux-ci.
Il est établi que M. Wilson a payé les
siens à raison de dix francs par jour, avec
supplément de deux francs cinquante pour
le déjeuner,
■ Quand on a hérité là forte somme de son .>
beau-père, on peut se montrer un peu plus
large.
Le commissaire de police de Loches es-
time que M. Wilson a fait engager soixante
ou quatre-vingts porteurs. Il a entendu
l'un de ceux-ci déclarer, vers les cinq heu-
res de l'après-midi, qu'il avait faIm et,
ajouter :
— Heureusement que tout à l'heure nous
allons bien manger.
C'était, suivant la prévention, la fête pré-
méditée à la tour de Montains.
C'est sur ces pauvretés que l'audience
roule.
Le commissaire de police complète sa
déposition en disant que M. Wilson s'atta-
chait méthodiquement à faire travailler
tous les ouvriers de Loches et les di visa
par équipes.
— Une de ces équipes, dit-il, passait une
semaine à Montains, puis lui en succédait
une autre. En quelques mois, presque touss
les ouvriers ont eu ainsi du travail, sur"
tout les menuisiers et les terrassiers. Ceux-
ci ont comblé des fossés et fait des allées,
ensuite ils ont inversement creusé et coin-*
blé des trous. :
Un ancien commissaire de police de Lo-
ches répète tout ce qu'il a entendu dire en
ville, et même dans une voiture publique,
sur la bombance qui suivit le scrutin et à
laquelle assistait toute la ville. - *
Toutefois, le témoin croit qu'il y eut des
gigots de reste,èt le président ne peut s'em-
pêcher de lui dire : « Vous ne savez pas ce
qu'on en a fait?» (Hilarité générale).
Le témoin Ondec s'est laissé dire qu'un
aubergiste a reçu quatre à cinq francs de
M. Wilson pour faire boire les amis.
Quant au témoin Monbert, ancien con-
cierge de la mairie de Loches, il rapporte
ce dialogue entre deux électeurs : « Moi, je
vote pour Wilson parce qu'il est connu
qu'il est bon ; puis il est riche. — Et, di-
sait l'autre, il va dans les villages, dans
les maisons ; s'il y a des nécessiteux, il pro-
met de faire des chemins, puis il laisse une
somme sans rien dire. » --
M. Boissier, adversaire politique des pré-
venus, a entendu un porteur dire : « J'ai de
l'argent; quand il n'y en aura plus, il m'en
donnera d'autre. »
Le président. — Qui?
Le témoin. — J'ai pensé à M. Wilson.
Me Cléry. — C'est avec cela qu'on fait le
bruit public.
A M. Gustave Sachet,le président demande
combien M. Muller engageait de por.
teurs.
— Une- quarantaine, joépond ce der-
nier. -
Le président. — M. Muller, lui aussi, n'a-
t-il pas donné une fête après son élection ?
Le témoin.—Oui, mais le lendemain seu-
lement, à l'hôtel.
Le sieur Chicoineau, concierge de M. Wil-
son, reconnaît qu'il a engagé les porteurs
qui se sont présentés et dont il a remis la
liste à M. Leroux.
On entend nombre de ces porteurs. La
président demandant à l'un d'eux si M. \Vil.
son l'a remercié, ce témoin répond : « C'est
moi, monsieur, qui l'ai remercié. (On rit.)
Un autre déclare qu'ayant soif, il a dû
emprunter cinquante centimes pour aller
boire. En allant chercher en voiture l'élec-
teur malade dont il a été parlé, le cocher
Condret avoue qu'en route il en a recueilli
un qui n'était pas du bord. Ce détail réjouit
fort l'assistance.
GRAVE INCIDENT
Mais voici l'incident grave de la journée r
il est provoqué par la déposition de M.
Coursières, juge au tribunal de Loches e
occupant ce siège depuis des lustres. Le té- ;
moin, un homme sec et maigre, porteur de
longs et blancs favoris, indique qu'il est i
âgé de soixante-cinq ans et promet avec.
solennité de dire la vérité, toute la vérité :
— Le 1M mai, dit le président à son doyen*;
vous avez accompagné M. Wilson depuis 1»,
matin jusqu'à une certaine -heure de l'après-
midi ?
— Oui, refond le juge.
— Combien, poursuit le président, M. Wilson
avait-il engagé de porteurs?"
— Je l'ignore.
— Vous avez assisté au dépouillement doc
scrutin ?
— Oui, comme assesseur. M. Boutet prési-
dait. Tout était parfaitement régulier. Il y,
avait une majorité considérable pour la listes
dite démocratique. Aucun incident ne s'est;
élevé.
Le président. — Dans la journée, n'avez-
vous pas entendu dire que si le résultat de
l'élection était favorable, il y aurait une fête à
Montains?
—Au contraire,répond le témoin, il ne devait
j ! pas y avoir de fête. Président du cercle dont
la liste venait de passer, j'ai su qu'on projetait
de donner un punch : c'est dans la soirée que-
j'ai été invité à aller chez M. Wilson.
1 — Et vous y êtes allé ?
- J'y suis allé, j'ai vu dans la salle à manger
huit ou dix personaes, et ailleurs une centaine
peut-être.
M. Coursières dit ensuite que, consulté
ait sujet de la coustitution d'un comité
permanent, il en-a fait apercevoir l'illé-
gaHié : c'est alors qu'on a constitué un co-
pule spéeiftl Dour l'élection municipale»
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