Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-10-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 octobre 1890 21 octobre 1890
Description : 1890/10/21 (A19,N6854). 1890/10/21 (A19,N6854).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7560393z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
Dix-neuvième année. — N° 6,85&
CINQ Centimes — Paris et Départements -, CINO Centimes
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MARDI 91 OCTOBRE -"
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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L'aIllnIllnt Brisson
L'amendement Brisson a provoqué
Un assez vif émoi et suscité des atta-
ques passionnées. Il est permis d'en
être supris.
Que demande le député de Paris?
L'exécution de la loi. Rien de plus,
non de moins. Il suffit, pour s'en con-
vaincre, de jeter un rapide coup d'œil
en arrière.
L'année 1880 fut signalée, personne
ne l'a oublié, par la campagne entre-
prise contre les congrégations. C'est
l'époque où, sur les instructions de
M. Constans, M. Andrieux mettait des
gants gris-perle pour expulser des
capucins. L'un et l'autre se sont avi-
sés depuis lors qu'ils avaient peut-
être bien commis une sottise en se
faisant les exécuteurs de la politique
je M. Ferry.
Nous n'avons pas attendu aujour-
d'hui pour être de leur avis. L'exécu-
tion des décrets a été une comédie.
Mais les rieurs n'ont pas été de notre
côté. Nous avons permis à quelques
moines de crier, sans péril, à la per-
sécution et au martyre. Quant au bé-
néfice que la République a retiré de
cette bruyante et inutile démonstra-
tion, cherchez-le.
Combien mieux inspiré eût été le
gouvernement d'alors s'il avait em-
ployé son énergie à préparer la solu-
tion nécessaire des difficultés reli-
gieuses dans notre pays : la sépara-
tion des Eglises et de l'Etat. Combien
était plus juste et plus pratique la
proposition de M. Brisson qui, dans
rjette même année 1880, demandait au
Parlement d'atteindre par un impôt
équitable les biens immenses des con-
grégations.
L'amendement, tel qu'il fut rédigé
par son auteur et voté par la Cham-
bre, visait expressément les congré-
gations. La précaution était bonne.
Il n'y a rien de tel, pour être clair,
que d'appeler les choses et les gens
par leur nom. Je ne sais quel scru-
pule littéraire ou législatif fit s'écarter
te Sénatfde cette règle de sagesse. Le
fait est qu'au nom de congrégation il
substitua une définition.
L'événement ne tarda pas à prou-
ver l'étendue de la faute commise.
L'impôt établi par l'article A de la
loi de finances du â8 décembre 1880
est connu sous le nom de droit d'ac-
croissement. Il devait, en effet, s'ap-
pliquer aux accroissements qui s'o-
pèrent, par suite de clauses de réver-
sion, au profit des membres restants,
dans toutes les sociétés ou associa-
tions civiles qui admettent l'adjonc-
tion de nouveaux membres.
Traduisons en langage vulgaire :
Quand un congréganiste quitte la so-
ciété religieuse à laquelle il appar-
tient, que ce soit par décès, par exclu-
sion ou démission, la part des biens
dont il était propriétaire devient, par
réversion, comme dit l'article h, la
propriété des membres restants. A ce
moment, le législateur de 1880 enten-
dait intervenir pour réclamer aux
membres restants de la congrégation
le droit d'accroissement pour la part
dont leur propriété venait de s'aug-
menter. Tel était le système.
Mais quand la régie se présenta
pour toucher les droits, voici comme
elle fut reçue' Les congrégations au-
torisées lui dirent : vous vous trom-
pez de porte. Relisez votre article h.
L'impôt ne peut être réclamé qu'aux
sociétés où la mort ou la sortie d'un
de leur membre accroît la part des
membres restants. Or, ce n'est point
mon cas. Je suis une congrégation
autorisée, une personne inoraie qui
ai reçu de la loi une existence propre,
distincte de la personnalité de mes
congréganistes. La propriété des
biens sociaux est à la congrégation.
Ses membres ne possèdent aucune
part. Si la congrégation venait à être
dissoute, ils n'auraient rien à récla-
mer. Les biens retourneraient aux do-
nateurs, à leurs héritiers ou à l'Etat.
Donc, qu'un membre de la congréga-
tion meure, les autres membres n'en
sont ni plus riches ni plus pauvres.
Leur part n'en est pas accrue. Où il
n'y a pas d'accroissement, l'article A
de la loi de 1880 qui établit un droit
d'accroissement ne saurait s'appli-
quer. Messieurs, passez votre chemin.
J'ai bien l'honneur de vous saluer. »
Le langage des congrégations non
autorisées fut différent, mais la con-
clusion fut identique :«ReIisez,du'ent-
elles aux agents du fisc, l'article A que
vous prétendez méchamment nous
appliquer. Il frappe les sociétés «qui
admettent l'adjonction de nouveaux
membres. » Or, nos statuts n'en ad-
mettent pas. Lisez plutôt. JJ Bien en-
tendu, les saints personnages men-
taient, avec l'aplomb de gen« qui tra-
vaillent pour la gloire de Dieu et le
profit de ses serviteurs. Leurs socié-
tés, comme toute association qui veut
continuer de vivre, recevaient de nou-
veaux membres. Mais les statuts qu'on
exhibait au fisc n'en soufflaient
mot. Et le tour était joué.
Conclusion : Le droit d'accroisse-
ment, qui devait donner au Trésor
3,âl6,000fr., produisit tout net 86,000
francs. Il était urgent de mettre un
terme à cette farce. Ce fut l'objet de
l'article 9 de la loi de 188A.
Réparant l'erreur commise par le
Sénat, il dit : « Le droit établi par
l'article h de la loi de 1880 sera payé
par toutes les congrégations, commu-
nautés et associations religieuses, au-
torisées ou non autorisées. » Cette fois,
c'était net. Mais les congrégations
n'entendaient pas ainsi se laisser dé-
pouiller. Nul n'ignore, en effet, que
c'est dépouiller l'Eglise que de lui ré-
clamer ce qu'elle doit.
Battues devant le Parlement, les
congrégations portèrent le débat de-
vant la justice, qui leur donna tort sur
toute la ligne, en première instance,
en appel ; enfin, le 27 novembre 1889,
en cassation.
Vous croyez que c'est fini. Erreur.
Les congrégations acculées viennent
de lancer au fisc un dernier projec-
tile sous la forme d'une consultation
de droit qu'elles ont demandée à deux
de leurs meilleurs avocats.
Ce monument de science juridique
fera, cet hiver, les délices des confé-
rences de stagiaires. Il est une preuve
éclatante de la supériorité qu'ont les
jurisconsultes sur tous les autres
hommes pour embrouiller les ques-
tions les plus claires et faire la nuit
en plein midi.
Ainsi, il est indéniable que l'article 9
de la loi de 188A n'a été voté que pour
atteindre les congrégations autorisées
et non autorisées qui s'étaient sous-
traites, par les moyens que j'ai indi-
qués, au paiement du droit d'accrois-
sement. Les auteurs de la consulta-
tion n'en affirment pas moins, avec
une sérénité admirable, que le législa-
teur de 188A ne s'est proposç que de
rectifier une définition juridique, et
qu'après comme avant la loi de 188A,
les congrégations autorisées ne doi-
vent pas payer le droit d'accroisse-
ment.
Mais ils n'insistent pas sur ce point,
et pour cause. Les congrégations ne
peuvent plus se soustraire au paie-
ment; elles le savent. Au moins vou-
draient-elles payer le moins possible.
Aussi la consultation qu'elles ont obte-
nue de leurs conseils porte-t-elle pres-
que exclusivement sur le mode de
paiement.
La question est simple. L'article A
de la loi de 1880, dont l'article 9 de la
loi de 188A prescrit l'application à
toutes les congrégations, prévoit deux
cas :
Premier cas : un congréganiste
meurt. La congrégation devra payer
le droit de mutation par décès.
Deuxième cas : un congréganiste quitte
la société. La congrégation devra
payer le droit de donation. Elle ac-
quittera l'un ou l'autre dans la forme,
dans les délais et sous les peines fixés
par les lois fiscales qui sont applica-
bles à tous les citoyens. Elle est, en
d'autres termes, soumise au droit
commun.
C'est justement ce qui la gêne. En
vertu de la loi fiscale du ââ frimaire
an VII, art. S6, le droit de donation
est payable dans un seul bureau d'en-
registrement, au siège social.
Au contraire, le droit de mutation
par décès, qui est dû toutes les fois
que meurt un membre de la congré-
gation, doit être payé, en vertu de
l'article 27 de la même loi, à chacun
des bureaux d'enregistrement dans le
ressort desquels existent des immeu-
bles appartenant à la congrégation,
et proportionnellement à leur valeur.
De plus, en vertu de l'article a de la
loi du 27 ventôse an IX, le droit pro-
portionnel est perçu de vingt en vingt
francs. Ainsi, quelle que soit la va-
leur de l'immeuble ou du mobilier,
la régie percevra en tous cas au moins
le droit dû pour une valeur de vingt
francs : soit a fr. 25.
On comprendrait que les défenseurs
des congrégations, qui se trouvent
pour la première fois directement tou-
chées par des lois fiscales qui n'ont
pas été faites pour elles, en deman-
dassent la revision. Rien ne serait
plus naturel et plus légitime.
Mais point du tout. MM. Freppel et
de Mackau réclament, par un amen-
dement à la loi de finances, qu'une ex-
ception soit faite en faveur des con-
grégations à la loi de l'an VII, et
qu'une déclaration unique au siège
social leur suffise pour acquitter le
droit de mutation auquel elles sont
assujetties, tandis que le commun des
mortels continuerait d'être soumis à
la déclaration multiple.
Entre le système d'exception que
sollicitent MM. Freppel et de Mackau,
et l'application exacte et légitime du
droit commun que M. Henri Brisson
demande qu'on fasse aux biens de
mainmorte, qui donc pourrait hési-
ter?
H restera aux congréganistes —
hommes et femmes — la. ressource de
pleurer misère et de crier famine. Ils
auront bien raison. On ne leur connaît
guère, en France, qu'une quarantaine
de milliers d'hectares de bonnes terres
au soleil, représentant une valeur un
peu inférieure à sept cent cinquante
millions de francs.
Les pauvres gens!
A. Millerand.
Le XIXe tolECLE publiera demain la
« Chronique », par M. Paul Ginisty.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Arrondissement de Rambouillet
Inscrits : 19,37h
Votants : lh,675
MM. Vian,républ. 7.525 ELU
de Caraman, cons. 7.089
Au premier tour, les voix s'étaient ainsi
réparties : MM. Vian, 5,77 voix; de Cara-
man, 5,8A3; de Jouvencel, républicain, 2,3A5;
Lebel, républicain, A70 (sur 19,h60 inscrits
et lh,hh7 votants).
[11 s'agissait de remplacer M. Barbe, répu-
blicain, décédé, élu aux élections générales par
7,591 voix contre 5,773 à M. Habert, boulan-
giste, et 1,805 à M. Janin, républicain.]
Arrondissement de Confolens
Inscrits : 19,655
Votants : Ih,W
MM. Babaud-Lacroze, républ.. 9.762 ELU
Daigueplats, réac. n.. h.300
Voix perdues. A3
(II s'agissait de remplacer M. Duclaud, répu-
blicain, questeur de la Chambre, décédé, élu
aux élections générales par 8,835 voix contre
6,353 à M. Gellibert des Séguins, bonapartiste
boulangiste.) la --,
UNE VICTIME
DU BILL MAC - KINLEY
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 19 octobre.—Le propriétaire de l'usine
à bois de Lichtenberg, près Hof, en Bavière,
ruiné par le nouveau tarif américain, s'est
suicidé avant-hier en se brûlant la cervelle. Il
laisse une nombreuse famille.
LE COLONEL JUFFÉ
Le ministre de la guerre a sanctionné la
proposition qui lui a été soumise de pro-
noncer contre le colonel du 1er zouaves la
mise en non activité par retrait d'em-
ploi.
Voici exactement le motif de cette me-
sure :
Le colonel Juffé avait reçu l'ordre de
mettre en route des recrues sur Laghouat
et Fort-National avant que celles-ci ne fus-
sent armées et équipées. Il refusa d'exécu-
ter cet ordre et s'en glorifia devant le corps
des officiers.
Le général Bréart, commandant le 196
corps, lui ayant infligé une punition pour
ce fait grave, le colonel Juffé a commis la
faute non moins grave de lui répondre en
termes acrimonieux.
BISMARCK
AUX FÊTES DE DE MOLTKE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 19 octobre. — L'empereur a adressé
hier au prince de Bismarck une invitation
spéciale pour assister, le 26 octobre, aux fêtes
données à Berlin en l'honneur du maréchal de
Moltke.
On ignore encore si l'ex-chancelier saisira
cette occasion de se rapprocher de l'empe-
reur.
M. CRISPI A MILAN ET A TURIN
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Milan, 19 octobre.
M. Crispi est arrivé au château de Monza.
On croit qu'il est venu faire signer au roi
des décrets prononçant la dissolution de la
Chambre des députés, ei. la convocation
des électeurs pour le 16 novembre. Il re-
partira immédiatement pour Rome et Na-
pies, où il aura une nouvelle entrevue avec
lord Dufferin.
On assure que ce diplomate anglais a
menacé de donner sa démission si les né-
gociations n'étaient pas reprises.
Le banquet de Turin est fixé pour la fin
du mois. M. Crispi exposera le programme
électoral du cabinet.
Le ministre des finances, M. Giolitti,
vient d'accepter une invitation à un ban-
quet à Cuneo, où il exposera son programme
financier.
M. Cavallotti a accepté l'invitation de
porter la parole à un banquet, à Turin,
après M. Crispi.
M. Nicotera prononcera un grand dis-
cours à Naples.
STAMBOULOFF MALADE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Sofia, 19 octobre.
Les versions contradictoires que les of-
ficieux donnent sur la maladie subite de
M. Stambouloff suscitent les plus graves
suppositions. On affirme qu'il est atteint
d'une congestion cérébrale qui le rendrait
incapable de continuer ses fonctions et l'on
croit, dans le public bulgare, que l'usage
immodéré du slivowitz (eau-de-vie de pru-
nes) n'est pas étranger à cet état.
AVARIES A LA MARINE ITALIENNE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Gênes, 19 octobre.
La flotte italienne vient d'arriver à la
Spezzia dans un état désastreux. Le Ruggero,
le Lauria faisaient eau de toute part et
n'ont pu entrer dans le bassin.
Le torpilleur de haute mer « n° 106 n, ca-
pitaine de Agostini, lieutenant Digiletta,
avec quinze hommes d'équipage, s'est perdu
complètement. Il a sombré pendant la
nuit; les épaves ont été recueillies sur la
plage de Chioma. Le torpilleur Piemonte,
envoyé à sa recherche, n'est pas rentré.
Le torpilleur Tevere est rentré avec des
avaries considérables.
CHUTE DE CHEVAL
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 19 octobre. — Un aide de camp de
l'empereur, le colonel de Plessen, comman-
dant le 1" régiment d'infanterie de la gardo,
a fait, hier, dans une partie de chasse, une
chute si malhevifcuse de cheval que les méde-
cins ne répondent pas de le sauver.
CHEZ LE
Gnrl BllIanr
LE GÉNÉRAL BOULANGER FAIT LE RÉCIT
DE SON ENTREVUE AVEC LE COMTE
DE PARIS ET AVEC LES CHEFS
DE LA DROITE
A Sainte-Brelade. — Les propositions
de M. de Mackau. — Pourquoi le gé-
néral Boulanger a voulu voir le
comte de Paris. — Piquantes
révélations.- Le général
Boulanger rend des
comptes.
[Alors que les" Coulisses du boulanGisme"
s'achèvent, nous avons pensé qu'il serait du
plus haut intérêt de demander au général
Boulanger s'il ne croyait pas le moment venu
de s'expliquer sur ses relations avec les mo-
narchistes, sur ses entrevues avec M. de. Mar-
timprey, avec M. de Mackau, avec le prince
Napoléon, avec le comte de Paris, et sur les
engagements qui ont pu être pris dans ces
divers entretiens désormais historiques.
Nous connaissons la version de M. Mermeix;
mais, pour que l'enquête sur cette étonnante
aventure du' boulangisme soit complète, il
était nécessaire de mettre en regard, du récit
de M. Mermeix le récit de celui qui a été le
héros de la plupart des fait. relatés par les
Coulisses.
Nous avons donc chargé celui de nos colla-
borateurs qui nous avait déjà rapporté de Jer-
sey. des renseignements si précis et si inté-
ressants — tels que, par exemple, la lettre de
M. Mermeix au général Boulanger-de se ren-
dre de nouveau auprès du général Boulanger.
Nous ferons remarquer que la conversation
qu'on va lire est arrivée à Paris hier diman-
che, et que l'envoi nous en avait été annoncé
jeudi dernier par un télégramme. Ni le géné-
ral Boulanger ni notre collaborateur n'avaient
donc pu avoir connaissance des dernières
«• Coulisses" parues samedi dans le Figaro.]
Je me suis présenté à Sainte-Brelade, où
j'ai reçu le plus bienveillant accueil. Abor-
dant presque aussitôt l'objet de ma visite,
j'ai fait remarquer au général Boulanger
que la défense qu'a publiée le XIXe Siècle,
quel qu'en fût le ton de sincérité, n'avait
pas paru concluante pour le public, parce
qu'elle se bornait à des affirmations ou à
des explications générales, sans aborder ni
préciser aucun fait.
— Mais, interrompit le général, je ne vois
pas quel fait je pourrais préciser, parce
qu'on n'a relevé contre moi aucun fait don-
nant quelque vraisemblance aux intentions
qui me sont prêtées, comme vous dites. On
se borne à dire, comme M. Naquet, que j'a-
vais fait aux monarchistes la promesse de
les favoriser, même d'aider à une restaura-
tion, mais tout cela en l'air, sans preuve,
sans citer aucun fait que je puisse démen-
tir, expliquer ou réfuter. Je ne suis pas un
romancier ou un journaliste, et je ne vais
pas passer mon temps, à moins que mes en-
nemis ne m'y forcent, à écrire le récit anec-
doctique de tout ce que j'ai vu en trois ans
de relations avec des hommes politi-
ques.
— Pourtant, mon général, il est des faits
qui ont été invoqués : ce sont l'entrevue
avec M. de Martimprey, celle avec le prince
Napoléon et celle avec le comte de Paris,
dans lesquelles les engagements dont on
parle auraient pu être pris. Il est bien cer-
tain qu'il y a eu des négociations avec les
chefs de la Droite, puisque M. Naquet re-
connaît les avoir poursuivies.
— Et il sait mieux que moi ce qu'elles
étaient, interrompit brusquement le géné.-
ral, car il ne m'en rendait pas compte.
, - Mais, à côté ou en dehors de ces négo-
ciations, qui se passaient entre les chefs
des deux comités, on prétend que vous en
avez noué d'autres, toutes secrètes, igno.
rées du comité national, et dans lesquelles
auraient été faites les promesses en ques-
tion. J'étais donc venu vous demander si
vous pouviez ou vouliez raconter ce qui
s'est passé dans les entrevues que je viens
d'indiquer.
L'entrevue chez M. de Martimprey
— C'est bien simple. Dans l'entrevue chez
M. de Martimprey, il ne s'est rien passé que
ce qui a été dit, si ce n'est qu'il est faux que
j'aie donné ma parole de soldat; je défie
bien MM. de Martimprey, de Mackau et Le
Hérissé, seuls présents, d'oser l'affirmer. Je
n'avais pas à m'étonner à ce moment-là des
propositions absurdes que me faisait M. de
Mackau et auquelles je n'ai pas répondu;
j'en avais déjà entendu et j'en entendais
bien d'autres tout aussi insensées. C'est
même là ce qui m'a donné une piètre idée
des parlementaires.
—Mais comment êtes-vous allez chez M. de
Martimprey ?
— Tout le monde alors était en l'air, il
se tenait des conciliabules dans tous les
coins. M. Le Hérissé, en qui j'avais con-
fiance comme républicain et comme
homme loyal, me dit que les conservateurs
ne demandaient qu'à s'entendre avec moi
pour empêcher l'élection de Ferry à la
présidence et qu'ils nous attendaient pour
cela chez M. de Martimprey.
Il fut entendu que je l'acccompagnerais.
M. de Martimprey m'exposa ses opinions
sur la crise que l'on traversait, qui décon-
sidérait et affaiblissait la République et qui
lui paraissait pour cette raison favorable à
une restauration monarchique. Je n'ai pu
bien comprendre comment il comptait opé-
rer cette restauration pour laquelle il pa-
raissait désirer mon concours sans me
dire quelle forme il pourrait prendre.
Comme je t'avais écouté sans répondre, il
alla dans une pièce voisine chercher M. de
Mackau, dont je ne soupçonnais pas la pré-
sence, qui me déclara qu'il fallait à tout
prix que Ferry ne fût pas élu et que les
membres de la Droite voteraient soit pour
Floquet, soit pour Freycinet, à la condition
que l'un ou l'autre s'engageàt,une fois pré-
sident de la République, à me prendre pour
ministre de la guerre. Puis M, de Mackau
tira de sa poche une lettre du comte de
Paris qu'il me lut et qui lui donnait tous
pouvoirs ; il ajouta que je n'aurais qu'à
demander tous les titres et tous les hon-
neurs, si je voulais aider à lui rendre le
trône. Je trouvais tout cela trop bouffon et
ne pouvais dissimuler un sourire, et quand
je partis avec M. Le Hérissé, j'ai bien pu
dire : « Quels imbéciles ! », parce que je le
pensais.
L'entrevue de Prangins
- Pouvez-vous raconter de même En-
trevue de Prangins ?
— Vous me laisserez ne pas vous répon-
dre. On a prétendu que je voulais restau-
rer, non pas l'empire, mais la monarchig,
et il serait trop absurde de prétendre que je
voulais restaurer les deux à ia fois. bi j'é-
tais allé à Pranging, c'aurait été seuleaieflt
en obéissant à une imprudente curiosité,
comme un militaire, fût-il républicain, dé-
sireux de connaitre quelque chose de Na-
poléon, qui reste un grand capitaine quoi
que l'on puisse penser de son rôle politi-
que. Le réquisitoire de M. Beaurepaire
a affirmé que j'avais commis cette impru-
dence, en avouant qu'il n'en avait aucune
preuve. Vous comprenez bien que ce n'est
pas à moi à lui en fournir, d'autant plus,
je le répète, que cela est étranger à l'accu-
sation de connivence avec les monarchistes,
et même de complot. Si j'étais allé, sous
l'empire, rendre visite en Suisse à un pros-
crit, est-ce que les républicains oseraient
dire qu'alors je complotais? La magistra-
ture impériale elle-même ne l'aurait pas
dit. N'en parlons donc pas.
L'entrevue avec le comte de Paris
— On a prétendu que vous aviez eu une
entrevue avec le comte de Paris. Celle-là
est-elle vraie et pouvez-vous la raconter ?
— Pour ceci, c'est autre chose. Les chefs
des deux comités s'étaient entendus pour
dresser une liste, dont la confection fut très
laborieuse et dont personne ne peut dire
que je m'en suis mêlé autrement que pour
essayer d'apaiser les conflits entre les can-
didats. Il avait été entendu que les candi-
dats inscrits sur cette liste feraient voter
en faveur de leurs alliés dans les circons-
criptions où ils avaient quelque influence, et
qu'ils accepteraient, comme hors de cause,
la forme républicaine.
Mes renseignements au commencement
de septembre me démontraient que, dans
un certain nombre de départements, les
conservateurs résistaient aux conventions
établies et aux intructions qu'on m'assurait
avoir été données; que dans leurs profes-
sions de foi ils ne prononçaient pas le mot
de République et que beaucoup annon-
çaient qu'ils ne voteraient pas pour la liste
du comité républicain national.
Je résolus de voir le comte de Paris pour
lui présenter des observations à ce sujet et
l'inviter à donner à ses amis des instructions
précises. J'en parlai à Mme la duchesse
d'Uzès, alors à Londres, qui en parla au
duc de Chartres. Celui-ci assura qu'il s'en
était expliqué avec son frère lequel, crai-
gnant que le secret ne fût pas gardé, se
montrait peu partisan d'une entrevue.
J'insistai d'autant plus, et j'écrivis à ce
propos, à Mme la duchesse d'Uzès, une
lettre assez vive dans laquelle je ne me gê-
nais pas pour lui dire qu'il fallait qu'on
craignît assez peu une rupture, pour que
le comte de Paris ne se rendît pas à mon
désir alors qu'il y aurait acquiescé quel-
ques semaines auparavant avec empresse-
ment.
Ceci se passait à peujprès du h au 7 sep-
tembre 1889. Le résultat de ma lettre fut
que le jour même, à neuf heures et demie
du soir, je me rencontrai avec le comte de
Paris, à Alexandra hôtel, chez Mme la du-
chesse d'Uzès qui assista à l'entretien. Le
comte de Paris était arrivé avant moi et il
partit le premier, après une conversation
de trois quarts d'heure.
Je lui fis d'abord part de mes observa-
tions dans le sens républicain que je viens
d'indiquer, et nous passâmes l'examen de
la carte électorale d'après les renseigne-
ments que nous avions l'un et l'autre, puis
on parla des chances de quelques candida-
tures dans certains départements. Je de-
mandai au comte de Paris qu'il donnât des
instructions à ses amis pour que l'entente
ne fût pas compromise par les résistances
dont je viens de parler ; on envisagea
alors la possibilité de ma nomination
comme président de la Chambre si nous
avions la majorité, et enfin je promis for-
mellement, dans ce .cas, la rentrée en
France pour tous les proscrits. Il n'y eut pas
autre chose. Pas une allusion ne fut même
faite à la forme du gouvernement ni à la
possibilité d'une restauration monarchique.
Nous nous quittâmes en nous serrant la
main.
L'action parallèle
J'avais cru à une loyale entente sur le ter-
rain électoral, et je m'y tenais. J'avais eu
certainement tort, je le reconnais, d'accep-
ter cette entente avec les conservateurs qui
semblaient poursuivre un même but immé-
diat, puisque, loin de nous apporter un ap-
point de forces, ils nous en faisaient perdre,
et puisqu'ils étaient incapables de résister
à une défaite électorale. Quels étaient les
projets intimes du comte de Paris et quel-
les intrigues s'agitaient autour de lui, ce
n'est pas à moi qu'il faut le demander, car
il ne m'en a rien dit. Il a prétendu qu'il
avait voulu diviser les républicains. C'est
une opinion qu'il s'est faite après coup et
qui est d'ailleurs fausse, car il n'a fait que
les réunir. Beaucoup m'auraient suivi si
j'avais été seul, qui se sont retournés contre
nous en voyant les monarchistes opérer
leur" action parallèle ». Aussi est-ce là une
faute que je ne commettrai plus ; je ne veux
désormais avoir avec moi que des républi-
cains.
— Mais croyez-vous qu'il se trouve des ré-
publicains qui veuillent venir à vous ?
— Je ne compte pas que le personnel de
l'état-major républicain y viendra; mais
j'ai l'espoir que les sympathies des citoyens
me reviendront quand ma conduite aura
prouvé que les méfiances républicaines à
mon égard étaient injustes et que je ne
songe qu'au bien et à l'avenir de notre
pays.
La question d'argent
- Avant de vous quitter, mon général,
n'avez-vous rien à dire sur ce qu'on appelle
la question d'argent ? -
— Rien pour le moment. Le public sait
tout ce qu'il pouvait savoir. Il sait que les
frais de la propagande du comité ont été
payés avec les trois millions que M. Arthur
Meyer et Dillon ont obtenus de Mme la du-
chesse d'Uzès, et que les frais électoraux
ont été couverts par les fonds que le co-
mité de la Droite a mis au service du
comité national à la suite des négociations
de M. Dillon et de M. Naquet. Ce que j'ai à
dire encore une fois, c'est que je ne suis pas
intervenu dans ces arrangements et ne
m'en suis pas mêlé.
Tout ce qui s'est fait à cet égard s'est fait
en dehors de moi, sans qu'il me fût rendu
véritablement des compte. C'était l'affaire
des comités. Ce que j aurais peut-être à
dire, c'est avec quelles ressources j'ai satis-
fait à mes besoins personnels, pour prou-
ver que je n'ai pas eu recours aux subsides
alloués au comité. J'espère le faire pro-
chainement, car je réunis en ce moment
les éléments qui me permettront de m'ex-
pliquer sur ce sujet sans crainte d'être dé-
menti.
— Ce sera, je crois, dis-je au général, la
révélation la plus intéressante, et, lui ayant
serré la main, je le quittai après lui avoir
promis de lui soumettre la rédaction de
notre entretien t'<ï**>édier.
CHRONIQUE
Qn a plus d'une fois remarqué comme;
il arrivait souvent que la vie reprodui-
sait les scènes écloses de l'imagination
des romanciers. Les romanciers s'efforcent
de copier la réalité; il semble que la réa-
lité prenne plaisir à leur rendre leur poli-
tesse.
Vous avez tous lu la curieuse histoire
de ce M. Letendre accusé de faire de
la fausse monnaie. Le X/Xc Siècle a
donné tous les détails de cette étrange
affaire.
Ce M. Letendre n'aimait point à causer
avec ses voisins et vivait fort retiré dans
la petite commune d'Alfortville. Autour
de lui on s'inquiéta de ces allures mysté-
rieuses. Que pouvait faire à Alfortville
un homme qui s'enfermait chez lui, no
communiquait avec personne et se ren-
dait tous les jours à Paris, sans qu'on pùt
savoir ce qu'il y allait faire ?
Tout cela était bien suspect. Ce mys-
tère cachait quelque chose, mais quoi?
— Il fait sans doute de la fausse monnaie,
dit un cordonnier du pays.-- Assurément
il en fait, reprirent tout bas les. com-
mères. -
On le dénonça; la police le fit suivre, et
vous vous rappelez tous l'admirable mot
de l'agent dans son rapport : La preuve
qu'il fait de la fausse monnaie, c'est qu'il
a eu vent des soupçons qui le poursui-
vent, et il ne paye ses achats qu'avec
de la bonne.
On le manda chez le juge d'instruction ;
il expliqua sa vie, qui était la plus sim-
ple et la plus innocente du monde ; on
lui fit des excuses de l'avoir dérangé, et
c'est lui qui poursuivit le cordonnier,
premier auteur de la calomnie.
Toute cette histoire vous a paru, j'ima-
gine, fort extraordinaire. Eh bien ! elle a
été contée, presque mot pour mot, dans
un roman qui date de deux siècles envi-
ron : vous la trouverez d'un bout à l'au-
tre dans le Gil Blas de Lesage.
Gil Blas est entré au service du sei-
gneur don Castel Blazo. Ce Blazo est un
cavalier de grande mine, de belles maniè-
res, qui parait honnête homme, mais qui
est assez mystérieux d'aillures. Tous les
matins, il donne six réaux à Gil Blas, avec
permission d'aller se promener toute la
journée. Gil Blas n'a d'autre consigne que
de revenir le soir, de déshabiller son
maître et de lui tenir ses vêtements prêts
pour le lendemain. Ce maître ne lui dit
ni où il va, ni ce qu'il fait ; il ne lui a
pas même dit son nom. Gil Blas s'informe
près des voisins, qui n'en savent pas plus
que lui.
Il commence à s'inquiéter. Eh quoi ! il
y avait deux ans que ce cavalier habitait
la maison, et personne n'avait de rensei-
gnements sur lui.
« Les voisins, dit Gil Blas, concluaient
de là que c'était un personnage dont on
ne pouvait porter un jugement avanta-
geux. On alla plus loin dans la suite :
on le soupçonna d'être un espion du roi
de Portugal, et l'on m'avertit charitable-
ment de prendre mes mesures là-dessus.
L'avis me troubla. »
Bientôt le soupçon prend corps et gran-
dit. Le pauvre Gil Blas soumet son maître
à une épreuve qu'il juge devoir être dé-
cisive. Un jour, le déshabillant :
— Croiriez-vous, lui dit-il, qu'on parle
mal de nous?On prétend que vous seriez
à la solde du roi de Portugal.
Et il le regarda dans le blanc des
yeux.
— Laissons dire les voisins, répond pai-
siblement le maître. Ne nous mettons
point en peine de l'opinion qu'on a de
nous quand nous ne donnons pas sujet
d'en avoir une mauvaise.
Cette grande tranquillité ne dit rien de
bon à Gil Blas. Les voisins, de leur côté,
ont senti croitre leurs soupçons; ils ont
par-dessous main averti la police, si bien
qu'un jour un alguazil vient frapper à la
porte du seigneur cavalier. Cet alguazil
est chargé de mander le seigneur don Cas-
tel Blazo chez le corrégidor.
— Que me veut-il? demande le cava-
lier. -
— C'est ce que j'ignore ; mais vous n'a-
vez qu'à l'aller trouver. Vous en serez
bientôt instruit.
— Je suis son serviteur, mais je n'ai
rien à démêler avec lui.
Et il referma sa porte.
Oh ! voilà décidément qui se gâte. Un
homme qui à maille à partir avec la po-
lice, qui refuse d'aller s'expliquer chez le
corrégi/dorî Pourquoi refuse-t-il ? Gil BIas
le voit sortir à son ordinaire, et le file. II
remarque chez lui un air d'assurance
gaie qui augmente sa défiance.
— Il faut, se dit-il, qu'il ait fourré dans
ses poches son or et ses pierreries ; il va.
déguerpir. C'est la dernière fois que je le
vois.
Point du tout. Blazo rentre le soir au
logis, comme de coutume, et se couche
sans témoigner la moindre inquiétude.
— Comme il est fort ! pense Gil Blas ;
c'est un homme bien dangereux î
Le lendemain, c'est le corrégidor qui
vient en personne ? on lui ouvre.
— Vous voyez, lui dit le corrégidor, que
je ne viens pas chez vous avec une grosse
suite. Je veux faire les choses sans éclat.
Malgré les bruits fâcheux qui courent sur
vous dans la ville, je crois que vous méri-
ritez quelque ménagement. Apprenez-
moi ce que vous faites à Madrid.
Blazo répond qu'il n'a d'autre occupa-
tion que de se promener, de fréquenter
les spectacles et de se réjouir tous les jours
avec un petit nombre de personnes d'un
commerce agréable.
— Vous avez sans doute un gros r -
venu? - -
— Non, seigneur, je n'ai ni rentes, ni
terres, ni maisons.
— De quoi vivez-yous donc?
Blazo ouvre aux. veux du CORRÉGIDOR
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L'aIllnIllnt Brisson
L'amendement Brisson a provoqué
Un assez vif émoi et suscité des atta-
ques passionnées. Il est permis d'en
être supris.
Que demande le député de Paris?
L'exécution de la loi. Rien de plus,
non de moins. Il suffit, pour s'en con-
vaincre, de jeter un rapide coup d'œil
en arrière.
L'année 1880 fut signalée, personne
ne l'a oublié, par la campagne entre-
prise contre les congrégations. C'est
l'époque où, sur les instructions de
M. Constans, M. Andrieux mettait des
gants gris-perle pour expulser des
capucins. L'un et l'autre se sont avi-
sés depuis lors qu'ils avaient peut-
être bien commis une sottise en se
faisant les exécuteurs de la politique
je M. Ferry.
Nous n'avons pas attendu aujour-
d'hui pour être de leur avis. L'exécu-
tion des décrets a été une comédie.
Mais les rieurs n'ont pas été de notre
côté. Nous avons permis à quelques
moines de crier, sans péril, à la per-
sécution et au martyre. Quant au bé-
néfice que la République a retiré de
cette bruyante et inutile démonstra-
tion, cherchez-le.
Combien mieux inspiré eût été le
gouvernement d'alors s'il avait em-
ployé son énergie à préparer la solu-
tion nécessaire des difficultés reli-
gieuses dans notre pays : la sépara-
tion des Eglises et de l'Etat. Combien
était plus juste et plus pratique la
proposition de M. Brisson qui, dans
rjette même année 1880, demandait au
Parlement d'atteindre par un impôt
équitable les biens immenses des con-
grégations.
L'amendement, tel qu'il fut rédigé
par son auteur et voté par la Cham-
bre, visait expressément les congré-
gations. La précaution était bonne.
Il n'y a rien de tel, pour être clair,
que d'appeler les choses et les gens
par leur nom. Je ne sais quel scru-
pule littéraire ou législatif fit s'écarter
te Sénatfde cette règle de sagesse. Le
fait est qu'au nom de congrégation il
substitua une définition.
L'événement ne tarda pas à prou-
ver l'étendue de la faute commise.
L'impôt établi par l'article A de la
loi de finances du â8 décembre 1880
est connu sous le nom de droit d'ac-
croissement. Il devait, en effet, s'ap-
pliquer aux accroissements qui s'o-
pèrent, par suite de clauses de réver-
sion, au profit des membres restants,
dans toutes les sociétés ou associa-
tions civiles qui admettent l'adjonc-
tion de nouveaux membres.
Traduisons en langage vulgaire :
Quand un congréganiste quitte la so-
ciété religieuse à laquelle il appar-
tient, que ce soit par décès, par exclu-
sion ou démission, la part des biens
dont il était propriétaire devient, par
réversion, comme dit l'article h, la
propriété des membres restants. A ce
moment, le législateur de 1880 enten-
dait intervenir pour réclamer aux
membres restants de la congrégation
le droit d'accroissement pour la part
dont leur propriété venait de s'aug-
menter. Tel était le système.
Mais quand la régie se présenta
pour toucher les droits, voici comme
elle fut reçue' Les congrégations au-
torisées lui dirent : vous vous trom-
pez de porte. Relisez votre article h.
L'impôt ne peut être réclamé qu'aux
sociétés où la mort ou la sortie d'un
de leur membre accroît la part des
membres restants. Or, ce n'est point
mon cas. Je suis une congrégation
autorisée, une personne inoraie qui
ai reçu de la loi une existence propre,
distincte de la personnalité de mes
congréganistes. La propriété des
biens sociaux est à la congrégation.
Ses membres ne possèdent aucune
part. Si la congrégation venait à être
dissoute, ils n'auraient rien à récla-
mer. Les biens retourneraient aux do-
nateurs, à leurs héritiers ou à l'Etat.
Donc, qu'un membre de la congréga-
tion meure, les autres membres n'en
sont ni plus riches ni plus pauvres.
Leur part n'en est pas accrue. Où il
n'y a pas d'accroissement, l'article A
de la loi de 1880 qui établit un droit
d'accroissement ne saurait s'appli-
quer. Messieurs, passez votre chemin.
J'ai bien l'honneur de vous saluer. »
Le langage des congrégations non
autorisées fut différent, mais la con-
clusion fut identique :«ReIisez,du'ent-
elles aux agents du fisc, l'article A que
vous prétendez méchamment nous
appliquer. Il frappe les sociétés «qui
admettent l'adjonction de nouveaux
membres. » Or, nos statuts n'en ad-
mettent pas. Lisez plutôt. JJ Bien en-
tendu, les saints personnages men-
taient, avec l'aplomb de gen« qui tra-
vaillent pour la gloire de Dieu et le
profit de ses serviteurs. Leurs socié-
tés, comme toute association qui veut
continuer de vivre, recevaient de nou-
veaux membres. Mais les statuts qu'on
exhibait au fisc n'en soufflaient
mot. Et le tour était joué.
Conclusion : Le droit d'accroisse-
ment, qui devait donner au Trésor
3,âl6,000fr., produisit tout net 86,000
francs. Il était urgent de mettre un
terme à cette farce. Ce fut l'objet de
l'article 9 de la loi de 188A.
Réparant l'erreur commise par le
Sénat, il dit : « Le droit établi par
l'article h de la loi de 1880 sera payé
par toutes les congrégations, commu-
nautés et associations religieuses, au-
torisées ou non autorisées. » Cette fois,
c'était net. Mais les congrégations
n'entendaient pas ainsi se laisser dé-
pouiller. Nul n'ignore, en effet, que
c'est dépouiller l'Eglise que de lui ré-
clamer ce qu'elle doit.
Battues devant le Parlement, les
congrégations portèrent le débat de-
vant la justice, qui leur donna tort sur
toute la ligne, en première instance,
en appel ; enfin, le 27 novembre 1889,
en cassation.
Vous croyez que c'est fini. Erreur.
Les congrégations acculées viennent
de lancer au fisc un dernier projec-
tile sous la forme d'une consultation
de droit qu'elles ont demandée à deux
de leurs meilleurs avocats.
Ce monument de science juridique
fera, cet hiver, les délices des confé-
rences de stagiaires. Il est une preuve
éclatante de la supériorité qu'ont les
jurisconsultes sur tous les autres
hommes pour embrouiller les ques-
tions les plus claires et faire la nuit
en plein midi.
Ainsi, il est indéniable que l'article 9
de la loi de 188A n'a été voté que pour
atteindre les congrégations autorisées
et non autorisées qui s'étaient sous-
traites, par les moyens que j'ai indi-
qués, au paiement du droit d'accrois-
sement. Les auteurs de la consulta-
tion n'en affirment pas moins, avec
une sérénité admirable, que le législa-
teur de 188A ne s'est proposç que de
rectifier une définition juridique, et
qu'après comme avant la loi de 188A,
les congrégations autorisées ne doi-
vent pas payer le droit d'accroisse-
ment.
Mais ils n'insistent pas sur ce point,
et pour cause. Les congrégations ne
peuvent plus se soustraire au paie-
ment; elles le savent. Au moins vou-
draient-elles payer le moins possible.
Aussi la consultation qu'elles ont obte-
nue de leurs conseils porte-t-elle pres-
que exclusivement sur le mode de
paiement.
La question est simple. L'article A
de la loi de 1880, dont l'article 9 de la
loi de 188A prescrit l'application à
toutes les congrégations, prévoit deux
cas :
Premier cas : un congréganiste
meurt. La congrégation devra payer
le droit de mutation par décès.
Deuxième cas : un congréganiste quitte
la société. La congrégation devra
payer le droit de donation. Elle ac-
quittera l'un ou l'autre dans la forme,
dans les délais et sous les peines fixés
par les lois fiscales qui sont applica-
bles à tous les citoyens. Elle est, en
d'autres termes, soumise au droit
commun.
C'est justement ce qui la gêne. En
vertu de la loi fiscale du ââ frimaire
an VII, art. S6, le droit de donation
est payable dans un seul bureau d'en-
registrement, au siège social.
Au contraire, le droit de mutation
par décès, qui est dû toutes les fois
que meurt un membre de la congré-
gation, doit être payé, en vertu de
l'article 27 de la même loi, à chacun
des bureaux d'enregistrement dans le
ressort desquels existent des immeu-
bles appartenant à la congrégation,
et proportionnellement à leur valeur.
De plus, en vertu de l'article a de la
loi du 27 ventôse an IX, le droit pro-
portionnel est perçu de vingt en vingt
francs. Ainsi, quelle que soit la va-
leur de l'immeuble ou du mobilier,
la régie percevra en tous cas au moins
le droit dû pour une valeur de vingt
francs : soit a fr. 25.
On comprendrait que les défenseurs
des congrégations, qui se trouvent
pour la première fois directement tou-
chées par des lois fiscales qui n'ont
pas été faites pour elles, en deman-
dassent la revision. Rien ne serait
plus naturel et plus légitime.
Mais point du tout. MM. Freppel et
de Mackau réclament, par un amen-
dement à la loi de finances, qu'une ex-
ception soit faite en faveur des con-
grégations à la loi de l'an VII, et
qu'une déclaration unique au siège
social leur suffise pour acquitter le
droit de mutation auquel elles sont
assujetties, tandis que le commun des
mortels continuerait d'être soumis à
la déclaration multiple.
Entre le système d'exception que
sollicitent MM. Freppel et de Mackau,
et l'application exacte et légitime du
droit commun que M. Henri Brisson
demande qu'on fasse aux biens de
mainmorte, qui donc pourrait hési-
ter?
H restera aux congréganistes —
hommes et femmes — la. ressource de
pleurer misère et de crier famine. Ils
auront bien raison. On ne leur connaît
guère, en France, qu'une quarantaine
de milliers d'hectares de bonnes terres
au soleil, représentant une valeur un
peu inférieure à sept cent cinquante
millions de francs.
Les pauvres gens!
A. Millerand.
Le XIXe tolECLE publiera demain la
« Chronique », par M. Paul Ginisty.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Arrondissement de Rambouillet
Inscrits : 19,37h
Votants : lh,675
MM. Vian,républ. 7.525 ELU
de Caraman, cons. 7.089
Au premier tour, les voix s'étaient ainsi
réparties : MM. Vian, 5,77 voix; de Cara-
man, 5,8A3; de Jouvencel, républicain, 2,3A5;
Lebel, républicain, A70 (sur 19,h60 inscrits
et lh,hh7 votants).
[11 s'agissait de remplacer M. Barbe, répu-
blicain, décédé, élu aux élections générales par
7,591 voix contre 5,773 à M. Habert, boulan-
giste, et 1,805 à M. Janin, républicain.]
Arrondissement de Confolens
Inscrits : 19,655
Votants : Ih,W
MM. Babaud-Lacroze, républ.. 9.762 ELU
Daigueplats, réac. n.. h.300
Voix perdues. A3
(II s'agissait de remplacer M. Duclaud, répu-
blicain, questeur de la Chambre, décédé, élu
aux élections générales par 8,835 voix contre
6,353 à M. Gellibert des Séguins, bonapartiste
boulangiste.) la --,
UNE VICTIME
DU BILL MAC - KINLEY
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 19 octobre.—Le propriétaire de l'usine
à bois de Lichtenberg, près Hof, en Bavière,
ruiné par le nouveau tarif américain, s'est
suicidé avant-hier en se brûlant la cervelle. Il
laisse une nombreuse famille.
LE COLONEL JUFFÉ
Le ministre de la guerre a sanctionné la
proposition qui lui a été soumise de pro-
noncer contre le colonel du 1er zouaves la
mise en non activité par retrait d'em-
ploi.
Voici exactement le motif de cette me-
sure :
Le colonel Juffé avait reçu l'ordre de
mettre en route des recrues sur Laghouat
et Fort-National avant que celles-ci ne fus-
sent armées et équipées. Il refusa d'exécu-
ter cet ordre et s'en glorifia devant le corps
des officiers.
Le général Bréart, commandant le 196
corps, lui ayant infligé une punition pour
ce fait grave, le colonel Juffé a commis la
faute non moins grave de lui répondre en
termes acrimonieux.
BISMARCK
AUX FÊTES DE DE MOLTKE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 19 octobre. — L'empereur a adressé
hier au prince de Bismarck une invitation
spéciale pour assister, le 26 octobre, aux fêtes
données à Berlin en l'honneur du maréchal de
Moltke.
On ignore encore si l'ex-chancelier saisira
cette occasion de se rapprocher de l'empe-
reur.
M. CRISPI A MILAN ET A TURIN
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Milan, 19 octobre.
M. Crispi est arrivé au château de Monza.
On croit qu'il est venu faire signer au roi
des décrets prononçant la dissolution de la
Chambre des députés, ei. la convocation
des électeurs pour le 16 novembre. Il re-
partira immédiatement pour Rome et Na-
pies, où il aura une nouvelle entrevue avec
lord Dufferin.
On assure que ce diplomate anglais a
menacé de donner sa démission si les né-
gociations n'étaient pas reprises.
Le banquet de Turin est fixé pour la fin
du mois. M. Crispi exposera le programme
électoral du cabinet.
Le ministre des finances, M. Giolitti,
vient d'accepter une invitation à un ban-
quet à Cuneo, où il exposera son programme
financier.
M. Cavallotti a accepté l'invitation de
porter la parole à un banquet, à Turin,
après M. Crispi.
M. Nicotera prononcera un grand dis-
cours à Naples.
STAMBOULOFF MALADE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Sofia, 19 octobre.
Les versions contradictoires que les of-
ficieux donnent sur la maladie subite de
M. Stambouloff suscitent les plus graves
suppositions. On affirme qu'il est atteint
d'une congestion cérébrale qui le rendrait
incapable de continuer ses fonctions et l'on
croit, dans le public bulgare, que l'usage
immodéré du slivowitz (eau-de-vie de pru-
nes) n'est pas étranger à cet état.
AVARIES A LA MARINE ITALIENNE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Gênes, 19 octobre.
La flotte italienne vient d'arriver à la
Spezzia dans un état désastreux. Le Ruggero,
le Lauria faisaient eau de toute part et
n'ont pu entrer dans le bassin.
Le torpilleur de haute mer « n° 106 n, ca-
pitaine de Agostini, lieutenant Digiletta,
avec quinze hommes d'équipage, s'est perdu
complètement. Il a sombré pendant la
nuit; les épaves ont été recueillies sur la
plage de Chioma. Le torpilleur Piemonte,
envoyé à sa recherche, n'est pas rentré.
Le torpilleur Tevere est rentré avec des
avaries considérables.
CHUTE DE CHEVAL
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 19 octobre. — Un aide de camp de
l'empereur, le colonel de Plessen, comman-
dant le 1" régiment d'infanterie de la gardo,
a fait, hier, dans une partie de chasse, une
chute si malhevifcuse de cheval que les méde-
cins ne répondent pas de le sauver.
CHEZ LE
Gnrl BllIanr
LE GÉNÉRAL BOULANGER FAIT LE RÉCIT
DE SON ENTREVUE AVEC LE COMTE
DE PARIS ET AVEC LES CHEFS
DE LA DROITE
A Sainte-Brelade. — Les propositions
de M. de Mackau. — Pourquoi le gé-
néral Boulanger a voulu voir le
comte de Paris. — Piquantes
révélations.- Le général
Boulanger rend des
comptes.
[Alors que les" Coulisses du boulanGisme"
s'achèvent, nous avons pensé qu'il serait du
plus haut intérêt de demander au général
Boulanger s'il ne croyait pas le moment venu
de s'expliquer sur ses relations avec les mo-
narchistes, sur ses entrevues avec M. de. Mar-
timprey, avec M. de Mackau, avec le prince
Napoléon, avec le comte de Paris, et sur les
engagements qui ont pu être pris dans ces
divers entretiens désormais historiques.
Nous connaissons la version de M. Mermeix;
mais, pour que l'enquête sur cette étonnante
aventure du' boulangisme soit complète, il
était nécessaire de mettre en regard, du récit
de M. Mermeix le récit de celui qui a été le
héros de la plupart des fait. relatés par les
Coulisses.
Nous avons donc chargé celui de nos colla-
borateurs qui nous avait déjà rapporté de Jer-
sey. des renseignements si précis et si inté-
ressants — tels que, par exemple, la lettre de
M. Mermeix au général Boulanger-de se ren-
dre de nouveau auprès du général Boulanger.
Nous ferons remarquer que la conversation
qu'on va lire est arrivée à Paris hier diman-
che, et que l'envoi nous en avait été annoncé
jeudi dernier par un télégramme. Ni le géné-
ral Boulanger ni notre collaborateur n'avaient
donc pu avoir connaissance des dernières
«• Coulisses" parues samedi dans le Figaro.]
Je me suis présenté à Sainte-Brelade, où
j'ai reçu le plus bienveillant accueil. Abor-
dant presque aussitôt l'objet de ma visite,
j'ai fait remarquer au général Boulanger
que la défense qu'a publiée le XIXe Siècle,
quel qu'en fût le ton de sincérité, n'avait
pas paru concluante pour le public, parce
qu'elle se bornait à des affirmations ou à
des explications générales, sans aborder ni
préciser aucun fait.
— Mais, interrompit le général, je ne vois
pas quel fait je pourrais préciser, parce
qu'on n'a relevé contre moi aucun fait don-
nant quelque vraisemblance aux intentions
qui me sont prêtées, comme vous dites. On
se borne à dire, comme M. Naquet, que j'a-
vais fait aux monarchistes la promesse de
les favoriser, même d'aider à une restaura-
tion, mais tout cela en l'air, sans preuve,
sans citer aucun fait que je puisse démen-
tir, expliquer ou réfuter. Je ne suis pas un
romancier ou un journaliste, et je ne vais
pas passer mon temps, à moins que mes en-
nemis ne m'y forcent, à écrire le récit anec-
doctique de tout ce que j'ai vu en trois ans
de relations avec des hommes politi-
ques.
— Pourtant, mon général, il est des faits
qui ont été invoqués : ce sont l'entrevue
avec M. de Martimprey, celle avec le prince
Napoléon et celle avec le comte de Paris,
dans lesquelles les engagements dont on
parle auraient pu être pris. Il est bien cer-
tain qu'il y a eu des négociations avec les
chefs de la Droite, puisque M. Naquet re-
connaît les avoir poursuivies.
— Et il sait mieux que moi ce qu'elles
étaient, interrompit brusquement le géné.-
ral, car il ne m'en rendait pas compte.
, - Mais, à côté ou en dehors de ces négo-
ciations, qui se passaient entre les chefs
des deux comités, on prétend que vous en
avez noué d'autres, toutes secrètes, igno.
rées du comité national, et dans lesquelles
auraient été faites les promesses en ques-
tion. J'étais donc venu vous demander si
vous pouviez ou vouliez raconter ce qui
s'est passé dans les entrevues que je viens
d'indiquer.
L'entrevue chez M. de Martimprey
— C'est bien simple. Dans l'entrevue chez
M. de Martimprey, il ne s'est rien passé que
ce qui a été dit, si ce n'est qu'il est faux que
j'aie donné ma parole de soldat; je défie
bien MM. de Martimprey, de Mackau et Le
Hérissé, seuls présents, d'oser l'affirmer. Je
n'avais pas à m'étonner à ce moment-là des
propositions absurdes que me faisait M. de
Mackau et auquelles je n'ai pas répondu;
j'en avais déjà entendu et j'en entendais
bien d'autres tout aussi insensées. C'est
même là ce qui m'a donné une piètre idée
des parlementaires.
—Mais comment êtes-vous allez chez M. de
Martimprey ?
— Tout le monde alors était en l'air, il
se tenait des conciliabules dans tous les
coins. M. Le Hérissé, en qui j'avais con-
fiance comme républicain et comme
homme loyal, me dit que les conservateurs
ne demandaient qu'à s'entendre avec moi
pour empêcher l'élection de Ferry à la
présidence et qu'ils nous attendaient pour
cela chez M. de Martimprey.
Il fut entendu que je l'acccompagnerais.
M. de Martimprey m'exposa ses opinions
sur la crise que l'on traversait, qui décon-
sidérait et affaiblissait la République et qui
lui paraissait pour cette raison favorable à
une restauration monarchique. Je n'ai pu
bien comprendre comment il comptait opé-
rer cette restauration pour laquelle il pa-
raissait désirer mon concours sans me
dire quelle forme il pourrait prendre.
Comme je t'avais écouté sans répondre, il
alla dans une pièce voisine chercher M. de
Mackau, dont je ne soupçonnais pas la pré-
sence, qui me déclara qu'il fallait à tout
prix que Ferry ne fût pas élu et que les
membres de la Droite voteraient soit pour
Floquet, soit pour Freycinet, à la condition
que l'un ou l'autre s'engageàt,une fois pré-
sident de la République, à me prendre pour
ministre de la guerre. Puis M, de Mackau
tira de sa poche une lettre du comte de
Paris qu'il me lut et qui lui donnait tous
pouvoirs ; il ajouta que je n'aurais qu'à
demander tous les titres et tous les hon-
neurs, si je voulais aider à lui rendre le
trône. Je trouvais tout cela trop bouffon et
ne pouvais dissimuler un sourire, et quand
je partis avec M. Le Hérissé, j'ai bien pu
dire : « Quels imbéciles ! », parce que je le
pensais.
L'entrevue de Prangins
- Pouvez-vous raconter de même En-
trevue de Prangins ?
— Vous me laisserez ne pas vous répon-
dre. On a prétendu que je voulais restau-
rer, non pas l'empire, mais la monarchig,
et il serait trop absurde de prétendre que je
voulais restaurer les deux à ia fois. bi j'é-
tais allé à Pranging, c'aurait été seuleaieflt
en obéissant à une imprudente curiosité,
comme un militaire, fût-il républicain, dé-
sireux de connaitre quelque chose de Na-
poléon, qui reste un grand capitaine quoi
que l'on puisse penser de son rôle politi-
que. Le réquisitoire de M. Beaurepaire
a affirmé que j'avais commis cette impru-
dence, en avouant qu'il n'en avait aucune
preuve. Vous comprenez bien que ce n'est
pas à moi à lui en fournir, d'autant plus,
je le répète, que cela est étranger à l'accu-
sation de connivence avec les monarchistes,
et même de complot. Si j'étais allé, sous
l'empire, rendre visite en Suisse à un pros-
crit, est-ce que les républicains oseraient
dire qu'alors je complotais? La magistra-
ture impériale elle-même ne l'aurait pas
dit. N'en parlons donc pas.
L'entrevue avec le comte de Paris
— On a prétendu que vous aviez eu une
entrevue avec le comte de Paris. Celle-là
est-elle vraie et pouvez-vous la raconter ?
— Pour ceci, c'est autre chose. Les chefs
des deux comités s'étaient entendus pour
dresser une liste, dont la confection fut très
laborieuse et dont personne ne peut dire
que je m'en suis mêlé autrement que pour
essayer d'apaiser les conflits entre les can-
didats. Il avait été entendu que les candi-
dats inscrits sur cette liste feraient voter
en faveur de leurs alliés dans les circons-
criptions où ils avaient quelque influence, et
qu'ils accepteraient, comme hors de cause,
la forme républicaine.
Mes renseignements au commencement
de septembre me démontraient que, dans
un certain nombre de départements, les
conservateurs résistaient aux conventions
établies et aux intructions qu'on m'assurait
avoir été données; que dans leurs profes-
sions de foi ils ne prononçaient pas le mot
de République et que beaucoup annon-
çaient qu'ils ne voteraient pas pour la liste
du comité républicain national.
Je résolus de voir le comte de Paris pour
lui présenter des observations à ce sujet et
l'inviter à donner à ses amis des instructions
précises. J'en parlai à Mme la duchesse
d'Uzès, alors à Londres, qui en parla au
duc de Chartres. Celui-ci assura qu'il s'en
était expliqué avec son frère lequel, crai-
gnant que le secret ne fût pas gardé, se
montrait peu partisan d'une entrevue.
J'insistai d'autant plus, et j'écrivis à ce
propos, à Mme la duchesse d'Uzès, une
lettre assez vive dans laquelle je ne me gê-
nais pas pour lui dire qu'il fallait qu'on
craignît assez peu une rupture, pour que
le comte de Paris ne se rendît pas à mon
désir alors qu'il y aurait acquiescé quel-
ques semaines auparavant avec empresse-
ment.
Ceci se passait à peujprès du h au 7 sep-
tembre 1889. Le résultat de ma lettre fut
que le jour même, à neuf heures et demie
du soir, je me rencontrai avec le comte de
Paris, à Alexandra hôtel, chez Mme la du-
chesse d'Uzès qui assista à l'entretien. Le
comte de Paris était arrivé avant moi et il
partit le premier, après une conversation
de trois quarts d'heure.
Je lui fis d'abord part de mes observa-
tions dans le sens républicain que je viens
d'indiquer, et nous passâmes l'examen de
la carte électorale d'après les renseigne-
ments que nous avions l'un et l'autre, puis
on parla des chances de quelques candida-
tures dans certains départements. Je de-
mandai au comte de Paris qu'il donnât des
instructions à ses amis pour que l'entente
ne fût pas compromise par les résistances
dont je viens de parler ; on envisagea
alors la possibilité de ma nomination
comme président de la Chambre si nous
avions la majorité, et enfin je promis for-
mellement, dans ce .cas, la rentrée en
France pour tous les proscrits. Il n'y eut pas
autre chose. Pas une allusion ne fut même
faite à la forme du gouvernement ni à la
possibilité d'une restauration monarchique.
Nous nous quittâmes en nous serrant la
main.
L'action parallèle
J'avais cru à une loyale entente sur le ter-
rain électoral, et je m'y tenais. J'avais eu
certainement tort, je le reconnais, d'accep-
ter cette entente avec les conservateurs qui
semblaient poursuivre un même but immé-
diat, puisque, loin de nous apporter un ap-
point de forces, ils nous en faisaient perdre,
et puisqu'ils étaient incapables de résister
à une défaite électorale. Quels étaient les
projets intimes du comte de Paris et quel-
les intrigues s'agitaient autour de lui, ce
n'est pas à moi qu'il faut le demander, car
il ne m'en a rien dit. Il a prétendu qu'il
avait voulu diviser les républicains. C'est
une opinion qu'il s'est faite après coup et
qui est d'ailleurs fausse, car il n'a fait que
les réunir. Beaucoup m'auraient suivi si
j'avais été seul, qui se sont retournés contre
nous en voyant les monarchistes opérer
leur" action parallèle ». Aussi est-ce là une
faute que je ne commettrai plus ; je ne veux
désormais avoir avec moi que des républi-
cains.
— Mais croyez-vous qu'il se trouve des ré-
publicains qui veuillent venir à vous ?
— Je ne compte pas que le personnel de
l'état-major républicain y viendra; mais
j'ai l'espoir que les sympathies des citoyens
me reviendront quand ma conduite aura
prouvé que les méfiances républicaines à
mon égard étaient injustes et que je ne
songe qu'au bien et à l'avenir de notre
pays.
La question d'argent
- Avant de vous quitter, mon général,
n'avez-vous rien à dire sur ce qu'on appelle
la question d'argent ? -
— Rien pour le moment. Le public sait
tout ce qu'il pouvait savoir. Il sait que les
frais de la propagande du comité ont été
payés avec les trois millions que M. Arthur
Meyer et Dillon ont obtenus de Mme la du-
chesse d'Uzès, et que les frais électoraux
ont été couverts par les fonds que le co-
mité de la Droite a mis au service du
comité national à la suite des négociations
de M. Dillon et de M. Naquet. Ce que j'ai à
dire encore une fois, c'est que je ne suis pas
intervenu dans ces arrangements et ne
m'en suis pas mêlé.
Tout ce qui s'est fait à cet égard s'est fait
en dehors de moi, sans qu'il me fût rendu
véritablement des compte. C'était l'affaire
des comités. Ce que j aurais peut-être à
dire, c'est avec quelles ressources j'ai satis-
fait à mes besoins personnels, pour prou-
ver que je n'ai pas eu recours aux subsides
alloués au comité. J'espère le faire pro-
chainement, car je réunis en ce moment
les éléments qui me permettront de m'ex-
pliquer sur ce sujet sans crainte d'être dé-
menti.
— Ce sera, je crois, dis-je au général, la
révélation la plus intéressante, et, lui ayant
serré la main, je le quittai après lui avoir
promis de lui soumettre la rédaction de
notre entretien t'<ï**>édier.
CHRONIQUE
Qn a plus d'une fois remarqué comme;
il arrivait souvent que la vie reprodui-
sait les scènes écloses de l'imagination
des romanciers. Les romanciers s'efforcent
de copier la réalité; il semble que la réa-
lité prenne plaisir à leur rendre leur poli-
tesse.
Vous avez tous lu la curieuse histoire
de ce M. Letendre accusé de faire de
la fausse monnaie. Le X/Xc Siècle a
donné tous les détails de cette étrange
affaire.
Ce M. Letendre n'aimait point à causer
avec ses voisins et vivait fort retiré dans
la petite commune d'Alfortville. Autour
de lui on s'inquiéta de ces allures mysté-
rieuses. Que pouvait faire à Alfortville
un homme qui s'enfermait chez lui, no
communiquait avec personne et se ren-
dait tous les jours à Paris, sans qu'on pùt
savoir ce qu'il y allait faire ?
Tout cela était bien suspect. Ce mys-
tère cachait quelque chose, mais quoi?
— Il fait sans doute de la fausse monnaie,
dit un cordonnier du pays.-- Assurément
il en fait, reprirent tout bas les. com-
mères. -
On le dénonça; la police le fit suivre, et
vous vous rappelez tous l'admirable mot
de l'agent dans son rapport : La preuve
qu'il fait de la fausse monnaie, c'est qu'il
a eu vent des soupçons qui le poursui-
vent, et il ne paye ses achats qu'avec
de la bonne.
On le manda chez le juge d'instruction ;
il expliqua sa vie, qui était la plus sim-
ple et la plus innocente du monde ; on
lui fit des excuses de l'avoir dérangé, et
c'est lui qui poursuivit le cordonnier,
premier auteur de la calomnie.
Toute cette histoire vous a paru, j'ima-
gine, fort extraordinaire. Eh bien ! elle a
été contée, presque mot pour mot, dans
un roman qui date de deux siècles envi-
ron : vous la trouverez d'un bout à l'au-
tre dans le Gil Blas de Lesage.
Gil Blas est entré au service du sei-
gneur don Castel Blazo. Ce Blazo est un
cavalier de grande mine, de belles maniè-
res, qui parait honnête homme, mais qui
est assez mystérieux d'aillures. Tous les
matins, il donne six réaux à Gil Blas, avec
permission d'aller se promener toute la
journée. Gil Blas n'a d'autre consigne que
de revenir le soir, de déshabiller son
maître et de lui tenir ses vêtements prêts
pour le lendemain. Ce maître ne lui dit
ni où il va, ni ce qu'il fait ; il ne lui a
pas même dit son nom. Gil Blas s'informe
près des voisins, qui n'en savent pas plus
que lui.
Il commence à s'inquiéter. Eh quoi ! il
y avait deux ans que ce cavalier habitait
la maison, et personne n'avait de rensei-
gnements sur lui.
« Les voisins, dit Gil Blas, concluaient
de là que c'était un personnage dont on
ne pouvait porter un jugement avanta-
geux. On alla plus loin dans la suite :
on le soupçonna d'être un espion du roi
de Portugal, et l'on m'avertit charitable-
ment de prendre mes mesures là-dessus.
L'avis me troubla. »
Bientôt le soupçon prend corps et gran-
dit. Le pauvre Gil Blas soumet son maître
à une épreuve qu'il juge devoir être dé-
cisive. Un jour, le déshabillant :
— Croiriez-vous, lui dit-il, qu'on parle
mal de nous?On prétend que vous seriez
à la solde du roi de Portugal.
Et il le regarda dans le blanc des
yeux.
— Laissons dire les voisins, répond pai-
siblement le maître. Ne nous mettons
point en peine de l'opinion qu'on a de
nous quand nous ne donnons pas sujet
d'en avoir une mauvaise.
Cette grande tranquillité ne dit rien de
bon à Gil Blas. Les voisins, de leur côté,
ont senti croitre leurs soupçons; ils ont
par-dessous main averti la police, si bien
qu'un jour un alguazil vient frapper à la
porte du seigneur cavalier. Cet alguazil
est chargé de mander le seigneur don Cas-
tel Blazo chez le corrégidor.
— Que me veut-il? demande le cava-
lier. -
— C'est ce que j'ignore ; mais vous n'a-
vez qu'à l'aller trouver. Vous en serez
bientôt instruit.
— Je suis son serviteur, mais je n'ai
rien à démêler avec lui.
Et il referma sa porte.
Oh ! voilà décidément qui se gâte. Un
homme qui à maille à partir avec la po-
lice, qui refuse d'aller s'expliquer chez le
corrégi/dorî Pourquoi refuse-t-il ? Gil BIas
le voit sortir à son ordinaire, et le file. II
remarque chez lui un air d'assurance
gaie qui augmente sa défiance.
— Il faut, se dit-il, qu'il ait fourré dans
ses poches son or et ses pierreries ; il va.
déguerpir. C'est la dernière fois que je le
vois.
Point du tout. Blazo rentre le soir au
logis, comme de coutume, et se couche
sans témoigner la moindre inquiétude.
— Comme il est fort ! pense Gil Blas ;
c'est un homme bien dangereux î
Le lendemain, c'est le corrégidor qui
vient en personne ? on lui ouvre.
— Vous voyez, lui dit le corrégidor, que
je ne viens pas chez vous avec une grosse
suite. Je veux faire les choses sans éclat.
Malgré les bruits fâcheux qui courent sur
vous dans la ville, je crois que vous méri-
ritez quelque ménagement. Apprenez-
moi ce que vous faites à Madrid.
Blazo répond qu'il n'a d'autre occupa-
tion que de se promener, de fréquenter
les spectacles et de se réjouir tous les jours
avec un petit nombre de personnes d'un
commerce agréable.
— Vous avez sans doute un gros r -
venu? - -
— Non, seigneur, je n'ai ni rentes, ni
terres, ni maisons.
— De quoi vivez-yous donc?
Blazo ouvre aux. veux du CORRÉGIDOR
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