Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-10-20
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 20 octobre 1890 20 octobre 1890
Description : 1890/10/20 (A19,N6853). 1890/10/20 (A19,N6853).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/08/2013
Dix-neuvîeme année. — N° 6,853 CINQ Centimes — Paris et Départements - CINQ Centimes
LUNDI 20 OCTOBRE 18
JOURNAL REPUBLICAIN
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La ùulatin
Le rapport paru au Journal officiel
Sur les résultats généraux du mouve-
ment de la population de la France
pendant l'année 1889 ne diminuera
pas l'intérêt passionné qui s'attache à
la philosophie démographique. Ce n'est
pas un jeu de dilettante que de re-
chercher les causes de notre natalité
décroissante; le sujet n'est plus uni-
quement de la compétence des Aca-
démies. Aucun thème n'est moins pla-
tonique et plus utilitaire.
Une statistique bien faite a la va-
leur d'une démonstration mathémati-
que. Il y a lieu, sans doute, d'une
manière générale, de ne pas accorder
trop d'éloquence à des chiffres abs-
traits, à des moyennes de conven-
tion; l'abus du graphique a des in-
convénients. En matière de popula-
tion, les renseignements d'ensemble
ne prêtent pas à la méfiance : ils s'im-
posent avec une autorité documen-
taire à nulle autre pareille.
Le plus récent document sur le
mouvement des mariages, des divor-
ces, des naissances et des décès a la
valeur d'un témoignage irrécusable;
il est comme un thermomètre de socio-
logie. Un Bossuet pourrait le commen-
ter du haut de la chaire en poussant
te cri d'alarme ; il n'irait pas jusqu'à
s'écrier que la France est morte, mais
il n'arrêterait pas sur ses lèvres quel-
que tragique sanglot.
Le taux des mariages diminue et la
natalité baisse, telle est la constata-
tion désolante que chaque recense-
ment annuel dégage. Depuis un cer-
tain nombre d'années, ce phénomène
d'appauvrissement s'accentue, alors
que d'autres nations ne voient pas
s'amoindrir la première des richesses
productives, le capital par excel-
lence.
Le tableau n'aurait que des ombres,
si le statisticien ne nous apportait la
preuve d'une mortalité décroissante.
L'année 1889 a vu pour la première
fois en France, depuis 187A, le chif-
fre des décès tomber à moins de
800,000. Cette victoire de l'homme ci-
vilisé sur lui-même et sur la nature a
de quoi rassurer pour l'avenir. La du-
rée de la vie moyenne tend à s'accroî-
tre de plus en plus; le nombre d'a-
dultes disponible augmente; la dé-
fense contre la maladie est mieux or-
ganisée. Le progrès indéfini ouvre ici,
comme en toute chose, des horizons
illimités à l'ambition des hommes.
Il n'y aurait qu'à se réjouir, si les
profits compensaient les pertes et si
l'affaiblissement de la natalité fran-
caise ne faisait pas perdre d'un seul
coup tout le bénéfice de cette plus-
value relative.
L'observation maîtresse n'en sub-
siste pas moins avec sa rigueur at-
tristante : le taux moyen de la nata-
lité, qui était de plus de 30 naissan-
ces par 1,000 habitants au commen-
cement de ce siècle, de Z il y a vingt
ans, n'est plus aujourd'hui que de â3
naissances pour le même nombre
d'habitants. Encore les alluvions
étrangères entrent-elles pour une
part dans cette faible natalité.
Il n'y a plus moyen de se targuer
d'excuses faciles ; toutes les subtilités
du monde n'y feront rien. Les nations
qui nous entourent : l'Angleterre,
l'Allemagne, ont un excès de natalité
sur la nôtre ; elles demeurent en pro-
grès constant, obligées de déverser
leur trop-plein de population sur des
colonies de toutes sortes.
Au point de vue de la recherche
des causes, l'imagination des démo-
graphes s'est donné carrière. La res-
ponsabilité des moindres facteurs est
mise en cause, comme celle du tabac,
par exemple, traduit, il y a peu de
jours, à la barre de l'Académie de
médecine. Les fumeurs en ont été
quittes pour la peur, grâce à la spiri-
tuelle remarque du professeur Brouar-
del. «Et l'Allemagne ?» s'est-il écrié
pour calmer de savantes colères.
L'exemple plus topique encore des
femmes belges, célèbres par leur fé-
condité, réduit à des proportions plus
modestes le rôle du tabac dans le mé-
nage.
La raréfaction des mariages et le
déchet des naissances tiennent à des
causes plus profondes et plus géné-
rales. Le docteur Bertillon père y
avait mis plus d'observation péné-
trante; il avait judicieusement noté
qu'en France nous transformons une
partie de notre descendance en épar-
gne, en capitaux, tandis qu'en Prusse
la plus grande partie de l'excédent de
la production sur la consommation
est employée à la multiplication des
hommes. En effet, en consultant les
tables de la population dans nos dé-
partements agricoles, on découvre
que la natalité croit eu r&ifeôii inverse
du nombre des paysans proprié-
taires.
Nulle part plus qu'en France, les
conditions sociales, la diffusion du
bien-être, l'acquisition d'habitudes
plus raffinées, le sentiment de la pro-
priété, la montée" des classes n'exer-
cent une influence aussi marquée sur
le contingent des naissances. Tout
conspire dans l'état de nos mœurs à
retarder l'âge nubile des hommes, à
modérer leur zèle procréateur, à
compromettre l'édifice de la famille
française.
Il n'est pas au pouvoir du législa-
teur de changer les mœurs d'un peu-
ple par un coup de baguette magique.
Cet affaiblissement séculaire des nais-
sances ne disparaîtra pas comme par
enchantement ; il tient à la fois à nos
qualités et à nos défauts ; mais il n'est
pas irrémédiable. Les médecins n'ont
pas pour habitude de se décourager
parce que la panacée irrésistible leur
échappe. Ce n'est pas non plus une rai-
son de se croiser les bras parce que le
diagnostic est difficile et le remède
douteux dans une infirmité sociale;
au contraire, fût-ce au moyen de
l'empirisme, avec tous les palliatifs
de rencontre, il n'en est que plus ur-
gent de combattre virilement un
symptôme aussi menaçant pour l'ave-
nir de la France.
Paul Strauss.
Le XIX" SIECLE publiera demain la
« Chronique », par Francisque Sarcey.
LES SCRUTINS D'AUJOURD'HUI
Deux élections législatives
Deux scrutins ont lieu aujourd'hui à l'ef-
fet de nommer des députés :
Un scrutin de ballottage dans l'arron-
dissement de Rambouillet (Seine-et-Oise)
pour donner un successeur à M. Barbe, et
un scrutin dans l'arrondissement deConfo-
lens (Charente) pour nommer un député
en remplacement de M. Duciaud, républi-
cain, décédé.
Dans l'arrondissement de Rambouillet,
un seul candidat républicain reste sur les
rangs, M. Vian, contre M. de Caraman, con-
servateur.
Dans l'arrondissement de Confolens, le
candidat unique des républicains est M.
Babaud-Lacroze, maire et conseiller général
de Confolens. Les réactionnaires sont re-
présentés par M. Daigueplats, avocat.
Elections municipales
Ajoutons que les électeurs de Nîmes sont
convoqués pour aujourd'hui, afin d'élire
leur conseil municipal. Les républicains
présentent une liste unique de concentra-
tion. Les gillystes et les réactionnaires pré-
senteront au dernier moment une liste de
candidats.
LE CAS DE M. BAYOL
M. le docteur Bayol, lieutenant-gouver-
neur du Sénégal, dont on n'a pas oublié la
mission au Dahomey, vient d'être mis en
disponibilité.
Il nous revient que M. Etienne se serait
montré d'une rigueur extrême envers
M. Bayol. Celui-ci n'aurait, en effet, qu'un
traitement de disponibilité dérisoire, alors
que M. Grodet, entre autres,jouit d'une pen-
sion aussi enviable que peu justifiée.
MOUVEMENT PRÉFECTORAL
Nous donnons d'autre part un « mou-
vement » dans le personnel des trésoriers-
payeurs généraux. Il reste encore à rem-
placer deux trésoriers qui ont donné leur
démission.
Ces deux trésoriers seraient remplacés
par deux préfets qui ont demandé à entrer
dans l'administration des finances. On sait,
d'ailleurs, qu'un mouvement préfectoral
est actuellement en préparation au mi-
nistère de l'intérieur. C'est ainsi que M. Bru-
Desquil, secrétaire général des Alpes-Mari-
times, recevra une nouvelle destination,
sur la demande de M. Raiberti.
On nous annonce également, de bonne
source, que M. Pelisse, ancien député de la
Lozère, serait nommé conseiller de préfec-
ture de la Seine, en remplacement de M.
Fournier qui serait pourvu d'une préfec-
ture.
LA FOLIE DU PRINCE ALBERT-VICTOR
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 18 octobre.
Le bruit court de nouveau dans nos clubs
élégants que le prince Albert-Victor, fils
aîné du prince de Galles et futur prince hé-
ritier, montrerait des symptômes d'une
maladie mentale.
Des bruits analogues avaient déjà circulé
il y a quatre ans, mais avaient été démen-
tis alors. On avait appris plus tard que le
prince Albert-Victor, sans être positivement
aliéné,souffrait fréquemment d'abattements
nerveux et d'absences de mémoire qui ne
présageaient rien de bon. Il paraît que cet
état morbide se serait aggravé dans ces der-
niers temps.
MACHINE A BATONNER
(DÉ NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Cologne, 18 octobre. -
Le congrès pénitentiaire des pays rhénans
et de Westphalie, qui tient ses séances à
Dûsseldorf, vient d'adopter une résolution
en faveur du rétablissement de la peine
corporelle dans les prisons d'Etat.
En attendant, le congrès ne demande
l'application de la bastonnade qu'aux pri-
sonniers du sexe fort.
Le rapporteur a proposé l'emploi d'une
machine à bâtonner dont les mouvements
pourraient être réglés.
-
UN LAC DE SUCRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Zurich, 18 octobre. — Une barque a sombré
sur le lac. Un batelier a été noyé; 26 ton-
neaux et 80 quintaux 4 ïWWWil vHéjpççdttS
NOTE DISCORDANTE-
OU L'ON NOUS MÈNE, D'APRÈS
M. RENÉ GOBLET
L'influence de l'Eglise. — L'égoïsme, la
corruption et l'impuissance par-
lementaire nous ramènent au
socialisme militant.
Au début de l'enquête politique qu'il a
ouverte dans ses colonnes, le XIXe Siècle a
publié de nombreux extraits d'un article
de M. René Goblet qui avait pour titre : Où
nous mène-t-on?
Aujourd'hui que notre enquête est à peu
près terminée, M. Goblet vient précisément
de faire paraître un nouvel article, intitulé
cette fois : Où l'on nous mène.
Ce n'est plus une question, c'est une affir-
mation.
Contrairement à la plupart des hommes
politiques que nous avons interrogés, l'an-
cien président du conseil n'est pas opti-
miste.
Pour lui, la République n'en est plus à se
faire accepter dans le monde : elle y a pris
sa place. Elle a fait ses preuves au dedans,
et désormais elle est en état de les faire au
dehors si les circonstances l'y obligeaient.
Il ne s'agit plus pour elle, aujourd'hui, de
donner des gages à l'Europe, à qui nous ne
demandons rien, ni de rassurer les masses
conservatrices, qui ont perdu jusqu'au
souvenir des anciens régimes,mais de pour-
suivre son œuvre de progrès régulier et
pacifique et de donner à la démocratie les
satisfactions qui lui sont dues.
M. Goblet explique ensuite que la Répu-
blique est à ses yeux « le gouvernement
nécessaire de la démocratie ». Mais d'autres
la conçoivent autrement et, puisque sa pen-
sée n'a pas été comprise de tout le monde,
il tâchera « de la rendre tout à fait claire
pour les personnes de bonne volonté. »
Le cléricalisme n'est plus l'ennemi
Il répond ensuite à cette question : Où
nous mène la nouvelle école républicaine ?
Pour parler, dit-il, sans détour, nous crai-
gnons que, fort inconsciemment sans doute,
ce ne soit vers une sorte de régime bourgeois
trop semblable à celui qu'a pratiqué la mo-
narchie de 1830, un régime bourgeois élargi et
aggravé : élargi, parce qu'une plus grande
partie de la nation y participe; aggravé, parce
qu'à l'égoïsme et à la corruption qui caracté-
risaient le régime de la monarchie constitu-
tionnelle, viendrait aujourd'hui s'ajouter le
cléricalisme qu'on ne connaissait pas à cette
époque.
Est-ce que vraiment le pessimisme nous
égare? Il ne faudrait pas cependant, par opti-
misme, fermer volontairement les yeux sur ce
qui se passe autour de nous.
Que nous sommes loin de la fameuse for-
mule : « Le cléricalisme, c'est l'ennemi! » Non
seulement nous voyons les congrégations non
autorisées, y compris les jésuites, rentrer les
unes après les autres, sous la protection du
ministre même qui les expulsait il y a dix ans-
mais elles reviennent enhardies et plus en-
vahissantes qu'elles n'étaient autrefois, ajou-
tant même à leurs anciennes fonctions en-
seignantes ou charitables certaines industries
moins hospitalières que commerciales, qu'on
signalait récemment sur les côtes de Bre-
tagne.
Non seulement les congrégations ont réussi
jusqu'à présent à se soustraire au paiement
d'une part de l'impôt; voici qu'on s'ingénie à
trouver les moyens de tempérer pour elles
l'application des lois.
Non seulement l'enseignement congréga-
niste se développe en concurrence, ou, pour
parler plus exactement, en hostilité avec ce-
lui de l'Etat; mais les organes de la Républi-
que modérée approuvent hautement les cir-
culaires épiscopales en faveur des écoles con-
gréganistes; ils félicitent les membres du
haut clergé d'user ainsi de la liberté que la
loi républicaine a créée en matière d'ensei-
gnement, sans paraître surpris que ceux qui
usent de cette liberté reçoivent en même
temps leurs traitements de l'Etat.
Mais ce n'est pas seulement de l'enseigne-
ment primaire qu'il s'agit. Qu'on veuille bien
se renseigner, et l'on saura quelle propagande
active se fait en ce moment même dans cer-
taines provinces, pour ruiner au profit des
congrégations les établissements d'enseigne-
ment secondaire pour lesquels l'Etat a fait,
dans ces dernières années, de si grands sacri-
fices.
On apprendra également quel concours
cette propagande rencontre, non seulement
dans le clergé rétribué par l'Etat et dans les
classes conservatrices à qui la politique gou-
vernementale prodigue aujourd'hui ses avan-
ces, mais même chez un grand nombre de
fonctionnaires publics. Si l'on n'y prend
garde, l'Eglise, en s'emparant de l'enseigne-
ment de la jeune bourgeoisie, aura bientôt
reconquis l'influence que lui avait donnée
la loi de 1850 et contre laquelle s'était pro-
duite la réaction qui a suivi l'avènement de
la République.
Ainsi, le cléricalisme menace d'envahir la
classe gouvernementale.
L'égoïsme des classes gouvernementales
M. Goblet reproche ensuite leur égoïsme
aux classes gouvernementales :
L'égoïsme et la corruption d'autre part ont-
ils moins de prise sur elles? Est-ce que nous
nous trompons en disant que le premier de-
voir de ceux qui, depuis vingt ans, gouvernent
la République était de travailler à la diminu-
tion des charges de l'Etat en supprimant les
fonctions inutiles que nous ont léguées les
régimes monarchiques, et de reporter sur la ri-
chesse une large part de l'impôt qui pèse au-
jourd'hui sur les classes laborieuses?
Or, si rien n'a encore été fait dans ce sens,
on ne voit pas qu'aucun projet se prépare qui,
sous l'un ou sous l'autre rapport, doive don-
ner satisfaction aux légitimes revendications
de la démocratie. Il semble que le parti répu-
blicain, désormais en possession du pouvoir,
n'ait plus d'autre souci que d'occuper la place
des anciens gouvernants et de profiter à son
tour des mêmes abus.
L'argent dans les élections
Pour ce qui est de la corruption, sans parler
ici des révélations scandaleuses que la presse
nous apporte à certains jours, il suffit de re-
garder ce qui se passe en matière d'élections.
Ce n'est un mystère pour personne que l'ar-
gent y joue un rôle de plus en plus considé-
rable. On a cru devoir, dans un sentiment dé-
mocratique, attribuer un traitement, d'ailleurs
modeste, au mandat de député. A quoi bon si
l'on ne peut plus être élu sans y dépenser une
fortune et qu'avons-nous gagné alors sur le
régime censitaire ?
Cependant, plus d'une élection obtenue à ce
prix a été validée sans difficulté par la Cham-
bre et, dans les cas fort rares où l'annulation
a été prononcée, qui donc a songé à exercer
les poursuites commandées par la loi ? Il y a
plus : l'argent est si bien devenu maître de
l'élection, qu'il n'est même plus nécessaire d'y
joindre un casier judiciaire intact et que
quelques condamnations correctionnelles ne
sont pas faite pour nuire au succès. Est-on
vraiment trop pessimiste si l'on craint qu'à
un pareil régime la sincérité du suffrage uni-
versel et la moralité publique ne puissent pas
résister bien longtemps?
L'opinion émise ici par M. Goblet sur le
rôle joué par l'argent dans les élections est
celle de tous les républicains. Il faut toute-
fois reconnaître que dans plusieurs arron-
dis/senie&tSjnQtîU&iiiÇftt à tèt-Pié, à Poitiers,
à Gien, des poursuites ont été exercées et
des condamnations prononcées pour cor-
ruption électorale ; mais il est vrai que
les agents subalternes seuls ont été frappés
tandis que les instigateurs et les bénéficiai-
res de ces fraudes ont pu, grâce à elles, pé-
nétrer, la tête haute, dans le Parlement.
L'orléanisme nous guette
M. Goblet continue en disant, qu'on tend
à nous ramener aujourd'hui à « une sorte
de régime orléaniste où se retrouveraient
tous les vices et les périls de ce système » :
Sous le régime du suffrage universel on a
vu se reconstituer les classes dirigeantes tout
comme sous le régime de 1830. On en a seule-
ment élargi les cadres pour y faire entrer,avec
les classes moyennes, une partie, mais bien
faible encore,de ces nouvelles couches sociales
dont Gambetta saluait l'avènement.
Malheureusement, au lieu que ces nouvelles
recrues aient apporté dans les anciennes
classes dirigeantes un peu d'esprit démocra-
tique, ce sont elles au contraire qui, le plus
souvent, se sont laissé gagner par le vieil
esprit bourgeois. Si maintenant la République
se tourne de préférence vers les conservateurs,
c'est-à-dire vers la richesse, c'en est fait des
espérances qu'elle avait fait concevoir.
Non seulement les classes dirigeantes sont
en voie de se reconstituer ; comme autrefois,
elles montrent une tendance à s'éloigner des
masses populaires. Insensiblement, elles per-
dent ce contact qui s'était si heureusement
établi au début et qui est si nécessaire au bon
fonctionnement d'un Etat démocratique. De
nouveau, la séparation se fait, pour ne pas
dire la rupture.
Soucieuses surtout d'elles-mêmes, de leur
sécurité et de leurs propres intérêts, les clas-
ses dirigeantes abandonnent de plus en plus
le peuple aux excitations et aux influences
dangereuses, toujours prêtes à s'emparer de
lui; et le peuple, cessant d'attendre l'amélio-
ration de son sort du libre jeu des institu-
tions parlementaires, retourne au socialisme
militant.
Une menace de Bebel
M. Goblet se demande enfin si ce n'est pas
parce qu'ils voient avec quelle lenteur la
liberté les mène à la justice, que les tra-
vailleurs sont tentés aujourd'hui , de
rompre, comme le disait récemment le
Temps, avec les anciennes traditions de
libéralisme du socialisme français, pour
s'inféoder au socialisme allemand
Prenons garde, s'écrie-t-il en terminant,
que le peuple ne finisse par dire en France,
comme le faisait l'autre jour le député socia-
liste Bebel à Berlin, « que le système parle-
mentaire est éphémère et lié au sort de la
bourgeoisie, et que la bourgeoisie comme l'a-
ristocratie ne forment plus qu'une seule masse
réactionnaire qu'il faut renverser au cri de :
« Vive le socialisme international! »
Qu'on tienne ce langage en face de l'empire
allemand, nous le comprenons; mais que
vingt ans après 1870, le peuple puisse être
conduit à le tenir dans la France républicaine,
voilà ce qui doit inquiéter, selon nous, des
républicains ou simplement des patriotes.
RENÉ GOBLET.
LE LIEUTENANT WERNERT
AUX ARRÊTS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Toulon, 18 octobre.
Il ne faut pas croire, malgré l'acquitte-
ment dont a bénéficié M. Wernert de la
part du conseil de guerre de Toulon, qu'il
en soit quitte pour si peu.
Par ordre de l'amiral Rieunier,préfet ma-
ritime, qui a été laissé juge de la peine dis-
ciplinaire à infliger à un officier qui avait
quitté son poste sans autorisation, M. Wer-
nert a été mis aux arrêts pour soixante
jours.
Il a commencé sa punition ce matin.
SUITE & FIN D'UNE POLÉMIOiUE
M. Naquet et le « Rosier de Marie ».
— Une nouvelle affirmation
de M. Drumont.
Nous avons reçu la lettre suivante de M.
Maillard de Broys, rédacteur en chef du
Rosier de Marie:
Paris, le 15 octobre.
Monsieur le rédacteur en chef,
Injurié par M. Edouard Drumont, je viens
vous prier de vouloir bien donner à ma ré-
ponse l'hospitalité de vos colonnes.
Je maintiens que jamais M. Naquet n'a col-
laboré au Rosier de Marie.
M. E. Drumont le sait pertinemment, et j'at-
tends qu'il prouve le contraire.
Cela changera probablement d'une façon
complète les habitudes qu'il a prises en rédi-
geant ses livres tapageurs, mais cela viendra
a l'appui d'un aveu qu'il laissa échapper de-
vant moi, à la porte de sa grille, rue de l'Uni-
versité : « S'il fallait prendre tant d'informa-
tions, on ne ferait jamais de livres. »
Pour moi, je n'ai rien à ajouter, car dans
toute ma vie, jusqu'à ce jour, je n'ai été l'objet
d'aucun démenti.
Veuillez, etc.
Signé : MAILLARD DE BROYS.
Avant d'insérer cette lettre, nous l'avons
envoyée à M. Edouard Drumont, auquel
elle aurait dû être effectivement adressée,
et voici la lettre que l'auteur de la France
juive nous adresse :
Soisy-sous-Etiolles, 18 octobre 1890.
Monsieur et cher confrère,
La réponse de M. Maillard de Broys ne sou-
tient pas la discussion. C'est un monsieur qui
a le mensonge bête. Je n'ai qu'à m'en référer
à la lettre que vous avez bien voulu insérer
dans votre numéro du 15 octobre. -
Les circonstances matérielles elles-mêmes
démentent le propos que me prête M. Maillard
de Broys.
Je dis à ces messieurs au moment de leur
visite : « Je m'informe toujours soigneuse-
ment avant de rien écrire. Le fait de la colla-
boration de M. Naquet au Rosier de Marie m'a
été affimé par M. Le Hérissé et confirmé pa.
M. Mermeix, en présénce de M. Willenich,
administrateur de la Cocarde, dans un déjeu-
ner qui a eu lieu au printemps dernier au
restaurant Brébant. »
Tout le monde reconnaîtra que c'est là une
documentation très suffisante pour une affirma-
tion de trois lignes qui ne touche, somme
toute, à l'honneur de personne et qui n'a
qu'un intérêt médiocre pour le sort de l'Hu-
manité.
Là-dessus, je reconduis mes visiteurs, parce
que M. Lautier est un homme d'âge, qu'il s'é-
tait présenté très convenablement et que je
suis très poli de mon naturel.
Après avoir expliqué à ces messieurs dans
mon salon à quelles sources je. m'étais infor-
mé, il aurait fallu que je perde la raison en
descendant les quelques marches de mon
escalier, pour leur tenir, à la porte de mon
jardin, ce propos, d'ailleurs inepte : « S'il fal-
lait prendre des informations, on n'écrirait
jamais de livres. »
Si les rédacteurs du Rosier de Marie n'avaient
pas avec M. Naquet quelque lien qu'ils ne
veulent pas avouer, ils n'avaient qu'à publier
purement et simplement ma lettre, qui était
fort aimable, trop aimable pour eux.
Veuillez agréer, monsieur et cher confrère,
avec mes remerciements, l'assurance de mes
seutiments les plus distingués.
"Edouard DjwMWT.
CHRONIQUE
La Bussiére, l'acteur devenu employé
du Comité de salut public, qui sauva de
l'écliafaud les comédiens du Théâtre-
Français, sous la Terreur, en dérobant
leurs dossiers, au péril de sa vie, aura
longtemps attendu les témoignages de
reconnaissance auxquels avait bien
droit sa mémoire ! Mais voici, pour tar-
dive qu'elle soit, que la gloire arrive pour
lui. La Comédie-Française ne lui mar-
chande plus la gratitude. La Bussière est,
à ce qu'ont raconté les indiscrétions
théâtrales, le héros du drame que va don-
ner M. Sardou rue de Richelieu, Thermi-
dor. Auparavant, c'est l'administrateur
de l'illustre maison, M. Jules Claretie,
qui commence à payer cette vieille dette
en mettant La Bussière en scène dans son
roman Puyjoli
Il est de fait que, jusqu'à présent, la
Comédie s'était montrée assez tiède pour
le souvenir de l'héroïque et aventureux
personnage qui risqua sa tête afin d'em-
pêcher Dazincourt, Fleury, Louise Com-
tat. Mlle Raucourt. combien d'autres, de
comparaître devant le terrible tribunal
révolutionnaire. Du vivant de La Bus-
re, elle n'avait pas non plus fait grand'-
chose pour lui. Elle s'était bornée, en
1802, à donner une représentation à son
bénéfice. Encore avait-il fallu que sa dé-
tresse fût signalée par un journal et que
les comédiens eussent, pour ainsi dire, la
main forcée. Il avait grand besoin d'être
secouru alors, le pauvre La Bussière! On
sait de reste que le dévouement, d'ordi-
naire, n'enrichit personne!
M. Jules Claretie s'est donc plu, —
avant que La Bussière fût transformé en
héros de théâtre dans une pièce repré-
sentée par les successeurs de ceux qu'il
arracha à la mort, — à dessiner fort joli-
ment la figure de ce courageux bohème.
Il s'est attaché à lui avec une tendresse
de romancier pour un pauvre hère long-
temps méconnu,et avec l'intérêt particu-
lier que lui inspirait sa situation d'admi-
nistrateur de la Comédie pour cet obscur
vaillant, ayant joué un moment, de par
les circonstances, un rôle décisif dans les
annales de la maison.
Le crayon est tout à fait aimable. C'est
d'ailleurs une silhouette curieuse par
elle-même, que celle de ce La Bussiére, un
insouciant compagnon qui ne cessa ja-
mais de rire, même aux heures tragi-
ques, et qui s'amusa sans doute, tout en
sachant bien ce qu'il hasardait, comme
d'une comédie à l'intrigue compliquée,
du bon tour qu'il jouait aux pourvoyeurs
de l'échafaud. Cet ancien cabotin, inca-
pable d'envie et de jalousie, avait grand
plaisir à sauver de grands camarades,
mais son plaisir n'était pas moindre,
peut-être, à combiner habilement ses au-
dacieux stratagèmes. Mystifier un homme
comme Fouquier-Tinville, accommoder
les événements à son gré, -tout chétif qu'il
fût, arrêter le cours de la redoutable jus-
tice révolutionnaire, tout cela lui parais-
sait vraisemblablement plaisant aussi,
par ce qu'il y avait de paradoxal dans son
intervention de petit employé réformant
à son gré les arrêts d'un tribunal si nuis-
sant. -
Avant d'être attaché, ferme républi-
cain, du reste, au Bureau des détenus, il
avait eu une existence accidentée, le bon
La Bussiére î Il était de ceux qui sacri-
fient tranquillement leur avenir au désir
effréné d'une plaisanterie à faire. Ce n'é-
tait pas un homme sérieux du tout, ce
qui ne l'empêcha pas d'être un homme
de cœur.
On l'avait destiné au barreau. Mais
quelle apparence y avait-il qu'un étu-
diant insubordonné comme lui pût jamais
porter dignement la robe ? Son père, qui
avait été un officier de marine assez dis-
tingué, finit par le faire engager, en qua-
lité de cadet, dans le régiment de Savoie-
Carignan.
Mais la discipline n'était pas le fait de
La Bussiére. S'il y avait eu la guerre, il
eùt été sans doute un endiablé soldat ;
mais la vie de garnison lui semblait ter-
riblement monotone, et il rompait cette
monotonie par d'étonnantes équipées.
Vest lui qui, une lois, habillait un ane
en sentinelle et lui faisait monter la
garde à sa place. C'est lui qui, une autre
fois, invitait à dîner tous les bossus de
Dunkerque. Et des amourettes, donc !
Une jolie religieuse d'hôpital, même, n'a-
vait pas résisté très longtemps à ses en-
treprenantes galanteries !
On fait de lui un sous-lieutenant, ce-
pendant, grâce à la protection de Mme
de Lamballe. La carrière militaire s'ou-
vre pour lui. Mais La Bussière est
l'homme des coups de tête; il jette un
jour son épée aux orties, et il s'impro-
vise bravement comédien,, débutant au
petit théâtre de Monsieur, où il joue les
« niais », avec plus de gaîté naturelle que
d'art. Mais cette belle humeur est irrésis-
tible, et on raffole de lui.
Puis la Révolution arrive, il la salue
avec entrain, il est partout, dans les
clubs, dans la rue, toujours avec sa dé-
bordante gaîté, terrifiant les bourgeois
crédules et timorés par d'effroyables me-
naces, et au demeurant, les sauvant vo-
lontiers (une vocation que celle du sau-
vetage, chez lui I) quand on les veut jeter
dans le bassin du Palais-Royal. Le soir,
il s'affuble de sa perruque de Jocrisse et
sa verve fait merveille sur les planches,
comme au milieu de la foule.
Mais les années passent, et son théâtre
ferme, faute de public. La Bnssière, en-
core qu'il ne soit pas difficile à contenter,
cherche vainement, quelque temps, un
emploi quelconque. Enfin, le citoyen
Pillet, qui se piquait de littérature et qui
le connaissent, le fait entrer comme em-
ployé à la. division de la correspondance,
au Comité de salut public, où lui-même
occupait des fonctions. Et, dans ce bureau
oÙ l'on lait e la tragique besogne, il
continue à rire, à déployer encore sch
intarissable gaîté. Seulement, elle s'alla
avec la pitié, et c'est là que cette fantaisie
d'une étonnante crânerie lui vient de
disputer au bourreau les c'omédiéns du
théâtre de la Nation, prisonniers.
Comment put-il réussir dans ce témé-
raire projet? M. Claretie nous le dit. En
sa qualité d' « enregistreur 0, il centrali-
sait les dossiers des détenus, qu'un com-
missaire venait chercher pour les re-
mettre à Fouquier-Tinville. Il pouvait en
glisser quelques-uns dans le tiroir de sa
table. Oui, mais comment détruire ceg
liasses de papiers ? Il ne fallait pas songer
à les emporter chez lui ; la surveillance
était trop rigoureuse.
On était en été, il réclama un seau
d'eau pour faire rafraîchir, disait-il, le
vin de son déjeuner. Une pareille de-
mande ne paraissait assurément cacher
aucun mystère. C'était un grand point,
cependant, que d'avoir ce seau à portée
de sa main.
Il rentrait le soir dans son bureau, au
pavillon de Flore, et il jetait en hâte les
dossiers dans l'eau, où ils se détrem-
paient. Puis il en faisait des pelotes, et il
les cachait dans ses poches. Au matin, il
se rendait aux bains Vigier, reprenait ses
pelotes, les divisait en boulettes plus pe-
tites encore, et les lançait par la fenêtre
de sa cabine dans la Seine, en ayant bien
soin qu'elles ne pussent surnager. Alors,
il respirait. Les victimes désignées étaient
sauvées pour quelque temps, et de là à
ce qu'on s'aperçût de la disparition des
dossiers, les événements pouvaient pren-
dre un autre cours. Les garçons des bains-
Vigier ne se doutaient guère de la raison
qui faisait de La Bussière un client aussi
assidu de l'établissement!
Ce ne fut pas seulement des comédiens
qu'il disputa à la mort, mais aussi la fu-
ture impératrice Joséphine. Napoléon
n'eut guère plus de durable reconnais-
sance que les autres. Il se borna à assis-
ter à la représentation donnée au bénéfice
de La Bussiére, puis. ce fut tout. , Et
ayant assez vite épuisé ces passagères
ressources, La Bussière retomba dans une
lamentable misère. Ce fut, en fin de
compte, dans un hospice d'aliénés qu'il
mourut, lui à qui une souveraine était
redevable de la vie. Philosophique dé-
nouement à sa romanesque histoire !
Paul Ginisty.
PATRONS ET OUVRIERS D'ACCORD
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
valenciennes, 18 octobre.
La grève des verriers est entièrement ter-
minée.
Aujourd'hui, après le jugement rendu
par les prud'hommes contre trente-neut
ouvriers, le président a réconcilié les par-
ties.
A la fin de l'audience, les avocats deman-
deurs et défendeurs ont pris la parole au
nom de leurs clients pour remercier le pré
sident du conseil de l'heureux résultat qu'a
obtenu son intervention.
Les ouvriers et les patrons ont applaudi à
ces paroles.
Patrons et ouvriers se sont embrassés en
plein tribunal devant les juges.
LE GÉNÉRAL BOULANGER
ET L'ITALIE
Une nouvelle lettre. — Déclarations
à un confrère italien.
[Nous avons publié la lettre que le général
Boulanger adressa, il y a quelque temps, au
général Cavallotti, député radical italien, et la
réponse de celui-ci. Questionné à ce sujet par
le correspondant parisien du Courrier de Na.
ples, le général Boulanger a fait par lettre les
nouvelles déclarations qui suivent, et que pu-
bliera aujourd'hui même le journal italien.
Nous les donnons à titre de document :]
Jersey, Ste-Brelade villa, 12 octobre 1890,
Monsieur le Directeur,
Vous me demandez s'il m'est possible de
vous dire les raisons qui m'ont fait écrire
à M. le député Cavallotti une lettre n'étant
pas destinée à la publicité et qui a provo-
qué de vives polémiques en France et dans
votre pays.
Ces raisons sont bien simples.
Ayant lu la lettre de M. Cavallotti publiée
par le Secolo, j'avais été touché de voir la
député de Milan se souvenir que les sol-
dats français avaient combattu comme des
frères d'armes aux côtés des soldats italiens
pour l'indépendance et l'unité de l'Italie.
Ce n'est pas à nous, Français, à le rappe-
ler, parce que nous semblerions ainsi faire
un reproche à un peuple qui devrait être
pour nous un ami ; mais si les représen-
tants italiens le rappellent, nous ne pou-
vons que les en remercier; et j'ai peut-être
plus que personne le droit de me souvenir
avec fierté de cette campagne 'qui com-
mença l'affranchissement de l'Italie et lui
rendit la Lombardie, puisque ce fut celle
où je reçus le baptême du feu avec ma pre-
mière blessure.
Je ne pouvais qu'éprouyer de la sympa-
thie pour le député qui me ramenait à ce
souvenir, au moment où une funeste poli-
tique a fait de l'Italie l'alliée de l'Alle-
magne et où nous nous demandons avec
inquiétude si nous n'aurons pas à com-
battre demain contre les frères d'armes
d'autrefois. Ces sentiments, je les ai expri-
més spontanément à M. Cavallotti, sans
aucune autre préoccupation que de l'en-
courager, comme patriote italien, à protester
contre l'alliance allemande, et ne pensant
guère qu'il en ferait l'objet d'une longue et
confuse dissertation sur les faits de la poli-
tique française, qu'il ignore.
Faudrait-il croire que les pal'lementaires
de votre pays sont aussi incapables que
ceux du nôtre de comprendre des senti-
ments généreux, qui semblent être le pri-
vilège du peuple ?
Il me semble qu'un Français qui, pour
prosci-it qu'il soit en ce moment, n'en a
pas moins été général, député et ministro
de la gueive, a bien le droit, en s'occupant
de l'avenir de son pays, de dire à des dé-
putés ou à des citoyens italiens que, indé-
pendamment des souvenirs qui devraient
fraternellement unir les deux peuples, il
est l'intérêt de chacun d'eux de sc prer
LUNDI 20 OCTOBRE 18
JOURNAL REPUBLICAIN
RÉDACTION
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La ùulatin
Le rapport paru au Journal officiel
Sur les résultats généraux du mouve-
ment de la population de la France
pendant l'année 1889 ne diminuera
pas l'intérêt passionné qui s'attache à
la philosophie démographique. Ce n'est
pas un jeu de dilettante que de re-
chercher les causes de notre natalité
décroissante; le sujet n'est plus uni-
quement de la compétence des Aca-
démies. Aucun thème n'est moins pla-
tonique et plus utilitaire.
Une statistique bien faite a la va-
leur d'une démonstration mathémati-
que. Il y a lieu, sans doute, d'une
manière générale, de ne pas accorder
trop d'éloquence à des chiffres abs-
traits, à des moyennes de conven-
tion; l'abus du graphique a des in-
convénients. En matière de popula-
tion, les renseignements d'ensemble
ne prêtent pas à la méfiance : ils s'im-
posent avec une autorité documen-
taire à nulle autre pareille.
Le plus récent document sur le
mouvement des mariages, des divor-
ces, des naissances et des décès a la
valeur d'un témoignage irrécusable;
il est comme un thermomètre de socio-
logie. Un Bossuet pourrait le commen-
ter du haut de la chaire en poussant
te cri d'alarme ; il n'irait pas jusqu'à
s'écrier que la France est morte, mais
il n'arrêterait pas sur ses lèvres quel-
que tragique sanglot.
Le taux des mariages diminue et la
natalité baisse, telle est la constata-
tion désolante que chaque recense-
ment annuel dégage. Depuis un cer-
tain nombre d'années, ce phénomène
d'appauvrissement s'accentue, alors
que d'autres nations ne voient pas
s'amoindrir la première des richesses
productives, le capital par excel-
lence.
Le tableau n'aurait que des ombres,
si le statisticien ne nous apportait la
preuve d'une mortalité décroissante.
L'année 1889 a vu pour la première
fois en France, depuis 187A, le chif-
fre des décès tomber à moins de
800,000. Cette victoire de l'homme ci-
vilisé sur lui-même et sur la nature a
de quoi rassurer pour l'avenir. La du-
rée de la vie moyenne tend à s'accroî-
tre de plus en plus; le nombre d'a-
dultes disponible augmente; la dé-
fense contre la maladie est mieux or-
ganisée. Le progrès indéfini ouvre ici,
comme en toute chose, des horizons
illimités à l'ambition des hommes.
Il n'y aurait qu'à se réjouir, si les
profits compensaient les pertes et si
l'affaiblissement de la natalité fran-
caise ne faisait pas perdre d'un seul
coup tout le bénéfice de cette plus-
value relative.
L'observation maîtresse n'en sub-
siste pas moins avec sa rigueur at-
tristante : le taux moyen de la nata-
lité, qui était de plus de 30 naissan-
ces par 1,000 habitants au commen-
cement de ce siècle, de Z il y a vingt
ans, n'est plus aujourd'hui que de â3
naissances pour le même nombre
d'habitants. Encore les alluvions
étrangères entrent-elles pour une
part dans cette faible natalité.
Il n'y a plus moyen de se targuer
d'excuses faciles ; toutes les subtilités
du monde n'y feront rien. Les nations
qui nous entourent : l'Angleterre,
l'Allemagne, ont un excès de natalité
sur la nôtre ; elles demeurent en pro-
grès constant, obligées de déverser
leur trop-plein de population sur des
colonies de toutes sortes.
Au point de vue de la recherche
des causes, l'imagination des démo-
graphes s'est donné carrière. La res-
ponsabilité des moindres facteurs est
mise en cause, comme celle du tabac,
par exemple, traduit, il y a peu de
jours, à la barre de l'Académie de
médecine. Les fumeurs en ont été
quittes pour la peur, grâce à la spiri-
tuelle remarque du professeur Brouar-
del. «Et l'Allemagne ?» s'est-il écrié
pour calmer de savantes colères.
L'exemple plus topique encore des
femmes belges, célèbres par leur fé-
condité, réduit à des proportions plus
modestes le rôle du tabac dans le mé-
nage.
La raréfaction des mariages et le
déchet des naissances tiennent à des
causes plus profondes et plus géné-
rales. Le docteur Bertillon père y
avait mis plus d'observation péné-
trante; il avait judicieusement noté
qu'en France nous transformons une
partie de notre descendance en épar-
gne, en capitaux, tandis qu'en Prusse
la plus grande partie de l'excédent de
la production sur la consommation
est employée à la multiplication des
hommes. En effet, en consultant les
tables de la population dans nos dé-
partements agricoles, on découvre
que la natalité croit eu r&ifeôii inverse
du nombre des paysans proprié-
taires.
Nulle part plus qu'en France, les
conditions sociales, la diffusion du
bien-être, l'acquisition d'habitudes
plus raffinées, le sentiment de la pro-
priété, la montée" des classes n'exer-
cent une influence aussi marquée sur
le contingent des naissances. Tout
conspire dans l'état de nos mœurs à
retarder l'âge nubile des hommes, à
modérer leur zèle procréateur, à
compromettre l'édifice de la famille
française.
Il n'est pas au pouvoir du législa-
teur de changer les mœurs d'un peu-
ple par un coup de baguette magique.
Cet affaiblissement séculaire des nais-
sances ne disparaîtra pas comme par
enchantement ; il tient à la fois à nos
qualités et à nos défauts ; mais il n'est
pas irrémédiable. Les médecins n'ont
pas pour habitude de se décourager
parce que la panacée irrésistible leur
échappe. Ce n'est pas non plus une rai-
son de se croiser les bras parce que le
diagnostic est difficile et le remède
douteux dans une infirmité sociale;
au contraire, fût-ce au moyen de
l'empirisme, avec tous les palliatifs
de rencontre, il n'en est que plus ur-
gent de combattre virilement un
symptôme aussi menaçant pour l'ave-
nir de la France.
Paul Strauss.
Le XIX" SIECLE publiera demain la
« Chronique », par Francisque Sarcey.
LES SCRUTINS D'AUJOURD'HUI
Deux élections législatives
Deux scrutins ont lieu aujourd'hui à l'ef-
fet de nommer des députés :
Un scrutin de ballottage dans l'arron-
dissement de Rambouillet (Seine-et-Oise)
pour donner un successeur à M. Barbe, et
un scrutin dans l'arrondissement deConfo-
lens (Charente) pour nommer un député
en remplacement de M. Duciaud, républi-
cain, décédé.
Dans l'arrondissement de Rambouillet,
un seul candidat républicain reste sur les
rangs, M. Vian, contre M. de Caraman, con-
servateur.
Dans l'arrondissement de Confolens, le
candidat unique des républicains est M.
Babaud-Lacroze, maire et conseiller général
de Confolens. Les réactionnaires sont re-
présentés par M. Daigueplats, avocat.
Elections municipales
Ajoutons que les électeurs de Nîmes sont
convoqués pour aujourd'hui, afin d'élire
leur conseil municipal. Les républicains
présentent une liste unique de concentra-
tion. Les gillystes et les réactionnaires pré-
senteront au dernier moment une liste de
candidats.
LE CAS DE M. BAYOL
M. le docteur Bayol, lieutenant-gouver-
neur du Sénégal, dont on n'a pas oublié la
mission au Dahomey, vient d'être mis en
disponibilité.
Il nous revient que M. Etienne se serait
montré d'une rigueur extrême envers
M. Bayol. Celui-ci n'aurait, en effet, qu'un
traitement de disponibilité dérisoire, alors
que M. Grodet, entre autres,jouit d'une pen-
sion aussi enviable que peu justifiée.
MOUVEMENT PRÉFECTORAL
Nous donnons d'autre part un « mou-
vement » dans le personnel des trésoriers-
payeurs généraux. Il reste encore à rem-
placer deux trésoriers qui ont donné leur
démission.
Ces deux trésoriers seraient remplacés
par deux préfets qui ont demandé à entrer
dans l'administration des finances. On sait,
d'ailleurs, qu'un mouvement préfectoral
est actuellement en préparation au mi-
nistère de l'intérieur. C'est ainsi que M. Bru-
Desquil, secrétaire général des Alpes-Mari-
times, recevra une nouvelle destination,
sur la demande de M. Raiberti.
On nous annonce également, de bonne
source, que M. Pelisse, ancien député de la
Lozère, serait nommé conseiller de préfec-
ture de la Seine, en remplacement de M.
Fournier qui serait pourvu d'une préfec-
ture.
LA FOLIE DU PRINCE ALBERT-VICTOR
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 18 octobre.
Le bruit court de nouveau dans nos clubs
élégants que le prince Albert-Victor, fils
aîné du prince de Galles et futur prince hé-
ritier, montrerait des symptômes d'une
maladie mentale.
Des bruits analogues avaient déjà circulé
il y a quatre ans, mais avaient été démen-
tis alors. On avait appris plus tard que le
prince Albert-Victor, sans être positivement
aliéné,souffrait fréquemment d'abattements
nerveux et d'absences de mémoire qui ne
présageaient rien de bon. Il paraît que cet
état morbide se serait aggravé dans ces der-
niers temps.
MACHINE A BATONNER
(DÉ NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Cologne, 18 octobre. -
Le congrès pénitentiaire des pays rhénans
et de Westphalie, qui tient ses séances à
Dûsseldorf, vient d'adopter une résolution
en faveur du rétablissement de la peine
corporelle dans les prisons d'Etat.
En attendant, le congrès ne demande
l'application de la bastonnade qu'aux pri-
sonniers du sexe fort.
Le rapporteur a proposé l'emploi d'une
machine à bâtonner dont les mouvements
pourraient être réglés.
-
UN LAC DE SUCRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Zurich, 18 octobre. — Une barque a sombré
sur le lac. Un batelier a été noyé; 26 ton-
neaux et 80 quintaux 4 ïWWWil vHéjpççdttS
NOTE DISCORDANTE-
OU L'ON NOUS MÈNE, D'APRÈS
M. RENÉ GOBLET
L'influence de l'Eglise. — L'égoïsme, la
corruption et l'impuissance par-
lementaire nous ramènent au
socialisme militant.
Au début de l'enquête politique qu'il a
ouverte dans ses colonnes, le XIXe Siècle a
publié de nombreux extraits d'un article
de M. René Goblet qui avait pour titre : Où
nous mène-t-on?
Aujourd'hui que notre enquête est à peu
près terminée, M. Goblet vient précisément
de faire paraître un nouvel article, intitulé
cette fois : Où l'on nous mène.
Ce n'est plus une question, c'est une affir-
mation.
Contrairement à la plupart des hommes
politiques que nous avons interrogés, l'an-
cien président du conseil n'est pas opti-
miste.
Pour lui, la République n'en est plus à se
faire accepter dans le monde : elle y a pris
sa place. Elle a fait ses preuves au dedans,
et désormais elle est en état de les faire au
dehors si les circonstances l'y obligeaient.
Il ne s'agit plus pour elle, aujourd'hui, de
donner des gages à l'Europe, à qui nous ne
demandons rien, ni de rassurer les masses
conservatrices, qui ont perdu jusqu'au
souvenir des anciens régimes,mais de pour-
suivre son œuvre de progrès régulier et
pacifique et de donner à la démocratie les
satisfactions qui lui sont dues.
M. Goblet explique ensuite que la Répu-
blique est à ses yeux « le gouvernement
nécessaire de la démocratie ». Mais d'autres
la conçoivent autrement et, puisque sa pen-
sée n'a pas été comprise de tout le monde,
il tâchera « de la rendre tout à fait claire
pour les personnes de bonne volonté. »
Le cléricalisme n'est plus l'ennemi
Il répond ensuite à cette question : Où
nous mène la nouvelle école républicaine ?
Pour parler, dit-il, sans détour, nous crai-
gnons que, fort inconsciemment sans doute,
ce ne soit vers une sorte de régime bourgeois
trop semblable à celui qu'a pratiqué la mo-
narchie de 1830, un régime bourgeois élargi et
aggravé : élargi, parce qu'une plus grande
partie de la nation y participe; aggravé, parce
qu'à l'égoïsme et à la corruption qui caracté-
risaient le régime de la monarchie constitu-
tionnelle, viendrait aujourd'hui s'ajouter le
cléricalisme qu'on ne connaissait pas à cette
époque.
Est-ce que vraiment le pessimisme nous
égare? Il ne faudrait pas cependant, par opti-
misme, fermer volontairement les yeux sur ce
qui se passe autour de nous.
Que nous sommes loin de la fameuse for-
mule : « Le cléricalisme, c'est l'ennemi! » Non
seulement nous voyons les congrégations non
autorisées, y compris les jésuites, rentrer les
unes après les autres, sous la protection du
ministre même qui les expulsait il y a dix ans-
mais elles reviennent enhardies et plus en-
vahissantes qu'elles n'étaient autrefois, ajou-
tant même à leurs anciennes fonctions en-
seignantes ou charitables certaines industries
moins hospitalières que commerciales, qu'on
signalait récemment sur les côtes de Bre-
tagne.
Non seulement les congrégations ont réussi
jusqu'à présent à se soustraire au paiement
d'une part de l'impôt; voici qu'on s'ingénie à
trouver les moyens de tempérer pour elles
l'application des lois.
Non seulement l'enseignement congréga-
niste se développe en concurrence, ou, pour
parler plus exactement, en hostilité avec ce-
lui de l'Etat; mais les organes de la Républi-
que modérée approuvent hautement les cir-
culaires épiscopales en faveur des écoles con-
gréganistes; ils félicitent les membres du
haut clergé d'user ainsi de la liberté que la
loi républicaine a créée en matière d'ensei-
gnement, sans paraître surpris que ceux qui
usent de cette liberté reçoivent en même
temps leurs traitements de l'Etat.
Mais ce n'est pas seulement de l'enseigne-
ment primaire qu'il s'agit. Qu'on veuille bien
se renseigner, et l'on saura quelle propagande
active se fait en ce moment même dans cer-
taines provinces, pour ruiner au profit des
congrégations les établissements d'enseigne-
ment secondaire pour lesquels l'Etat a fait,
dans ces dernières années, de si grands sacri-
fices.
On apprendra également quel concours
cette propagande rencontre, non seulement
dans le clergé rétribué par l'Etat et dans les
classes conservatrices à qui la politique gou-
vernementale prodigue aujourd'hui ses avan-
ces, mais même chez un grand nombre de
fonctionnaires publics. Si l'on n'y prend
garde, l'Eglise, en s'emparant de l'enseigne-
ment de la jeune bourgeoisie, aura bientôt
reconquis l'influence que lui avait donnée
la loi de 1850 et contre laquelle s'était pro-
duite la réaction qui a suivi l'avènement de
la République.
Ainsi, le cléricalisme menace d'envahir la
classe gouvernementale.
L'égoïsme des classes gouvernementales
M. Goblet reproche ensuite leur égoïsme
aux classes gouvernementales :
L'égoïsme et la corruption d'autre part ont-
ils moins de prise sur elles? Est-ce que nous
nous trompons en disant que le premier de-
voir de ceux qui, depuis vingt ans, gouvernent
la République était de travailler à la diminu-
tion des charges de l'Etat en supprimant les
fonctions inutiles que nous ont léguées les
régimes monarchiques, et de reporter sur la ri-
chesse une large part de l'impôt qui pèse au-
jourd'hui sur les classes laborieuses?
Or, si rien n'a encore été fait dans ce sens,
on ne voit pas qu'aucun projet se prépare qui,
sous l'un ou sous l'autre rapport, doive don-
ner satisfaction aux légitimes revendications
de la démocratie. Il semble que le parti répu-
blicain, désormais en possession du pouvoir,
n'ait plus d'autre souci que d'occuper la place
des anciens gouvernants et de profiter à son
tour des mêmes abus.
L'argent dans les élections
Pour ce qui est de la corruption, sans parler
ici des révélations scandaleuses que la presse
nous apporte à certains jours, il suffit de re-
garder ce qui se passe en matière d'élections.
Ce n'est un mystère pour personne que l'ar-
gent y joue un rôle de plus en plus considé-
rable. On a cru devoir, dans un sentiment dé-
mocratique, attribuer un traitement, d'ailleurs
modeste, au mandat de député. A quoi bon si
l'on ne peut plus être élu sans y dépenser une
fortune et qu'avons-nous gagné alors sur le
régime censitaire ?
Cependant, plus d'une élection obtenue à ce
prix a été validée sans difficulté par la Cham-
bre et, dans les cas fort rares où l'annulation
a été prononcée, qui donc a songé à exercer
les poursuites commandées par la loi ? Il y a
plus : l'argent est si bien devenu maître de
l'élection, qu'il n'est même plus nécessaire d'y
joindre un casier judiciaire intact et que
quelques condamnations correctionnelles ne
sont pas faite pour nuire au succès. Est-on
vraiment trop pessimiste si l'on craint qu'à
un pareil régime la sincérité du suffrage uni-
versel et la moralité publique ne puissent pas
résister bien longtemps?
L'opinion émise ici par M. Goblet sur le
rôle joué par l'argent dans les élections est
celle de tous les républicains. Il faut toute-
fois reconnaître que dans plusieurs arron-
dis/senie&tSjnQtîU&iiiÇftt à tèt-Pié, à Poitiers,
à Gien, des poursuites ont été exercées et
des condamnations prononcées pour cor-
ruption électorale ; mais il est vrai que
les agents subalternes seuls ont été frappés
tandis que les instigateurs et les bénéficiai-
res de ces fraudes ont pu, grâce à elles, pé-
nétrer, la tête haute, dans le Parlement.
L'orléanisme nous guette
M. Goblet continue en disant, qu'on tend
à nous ramener aujourd'hui à « une sorte
de régime orléaniste où se retrouveraient
tous les vices et les périls de ce système » :
Sous le régime du suffrage universel on a
vu se reconstituer les classes dirigeantes tout
comme sous le régime de 1830. On en a seule-
ment élargi les cadres pour y faire entrer,avec
les classes moyennes, une partie, mais bien
faible encore,de ces nouvelles couches sociales
dont Gambetta saluait l'avènement.
Malheureusement, au lieu que ces nouvelles
recrues aient apporté dans les anciennes
classes dirigeantes un peu d'esprit démocra-
tique, ce sont elles au contraire qui, le plus
souvent, se sont laissé gagner par le vieil
esprit bourgeois. Si maintenant la République
se tourne de préférence vers les conservateurs,
c'est-à-dire vers la richesse, c'en est fait des
espérances qu'elle avait fait concevoir.
Non seulement les classes dirigeantes sont
en voie de se reconstituer ; comme autrefois,
elles montrent une tendance à s'éloigner des
masses populaires. Insensiblement, elles per-
dent ce contact qui s'était si heureusement
établi au début et qui est si nécessaire au bon
fonctionnement d'un Etat démocratique. De
nouveau, la séparation se fait, pour ne pas
dire la rupture.
Soucieuses surtout d'elles-mêmes, de leur
sécurité et de leurs propres intérêts, les clas-
ses dirigeantes abandonnent de plus en plus
le peuple aux excitations et aux influences
dangereuses, toujours prêtes à s'emparer de
lui; et le peuple, cessant d'attendre l'amélio-
ration de son sort du libre jeu des institu-
tions parlementaires, retourne au socialisme
militant.
Une menace de Bebel
M. Goblet se demande enfin si ce n'est pas
parce qu'ils voient avec quelle lenteur la
liberté les mène à la justice, que les tra-
vailleurs sont tentés aujourd'hui , de
rompre, comme le disait récemment le
Temps, avec les anciennes traditions de
libéralisme du socialisme français, pour
s'inféoder au socialisme allemand
Prenons garde, s'écrie-t-il en terminant,
que le peuple ne finisse par dire en France,
comme le faisait l'autre jour le député socia-
liste Bebel à Berlin, « que le système parle-
mentaire est éphémère et lié au sort de la
bourgeoisie, et que la bourgeoisie comme l'a-
ristocratie ne forment plus qu'une seule masse
réactionnaire qu'il faut renverser au cri de :
« Vive le socialisme international! »
Qu'on tienne ce langage en face de l'empire
allemand, nous le comprenons; mais que
vingt ans après 1870, le peuple puisse être
conduit à le tenir dans la France républicaine,
voilà ce qui doit inquiéter, selon nous, des
républicains ou simplement des patriotes.
RENÉ GOBLET.
LE LIEUTENANT WERNERT
AUX ARRÊTS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Toulon, 18 octobre.
Il ne faut pas croire, malgré l'acquitte-
ment dont a bénéficié M. Wernert de la
part du conseil de guerre de Toulon, qu'il
en soit quitte pour si peu.
Par ordre de l'amiral Rieunier,préfet ma-
ritime, qui a été laissé juge de la peine dis-
ciplinaire à infliger à un officier qui avait
quitté son poste sans autorisation, M. Wer-
nert a été mis aux arrêts pour soixante
jours.
Il a commencé sa punition ce matin.
SUITE & FIN D'UNE POLÉMIOiUE
M. Naquet et le « Rosier de Marie ».
— Une nouvelle affirmation
de M. Drumont.
Nous avons reçu la lettre suivante de M.
Maillard de Broys, rédacteur en chef du
Rosier de Marie:
Paris, le 15 octobre.
Monsieur le rédacteur en chef,
Injurié par M. Edouard Drumont, je viens
vous prier de vouloir bien donner à ma ré-
ponse l'hospitalité de vos colonnes.
Je maintiens que jamais M. Naquet n'a col-
laboré au Rosier de Marie.
M. E. Drumont le sait pertinemment, et j'at-
tends qu'il prouve le contraire.
Cela changera probablement d'une façon
complète les habitudes qu'il a prises en rédi-
geant ses livres tapageurs, mais cela viendra
a l'appui d'un aveu qu'il laissa échapper de-
vant moi, à la porte de sa grille, rue de l'Uni-
versité : « S'il fallait prendre tant d'informa-
tions, on ne ferait jamais de livres. »
Pour moi, je n'ai rien à ajouter, car dans
toute ma vie, jusqu'à ce jour, je n'ai été l'objet
d'aucun démenti.
Veuillez, etc.
Signé : MAILLARD DE BROYS.
Avant d'insérer cette lettre, nous l'avons
envoyée à M. Edouard Drumont, auquel
elle aurait dû être effectivement adressée,
et voici la lettre que l'auteur de la France
juive nous adresse :
Soisy-sous-Etiolles, 18 octobre 1890.
Monsieur et cher confrère,
La réponse de M. Maillard de Broys ne sou-
tient pas la discussion. C'est un monsieur qui
a le mensonge bête. Je n'ai qu'à m'en référer
à la lettre que vous avez bien voulu insérer
dans votre numéro du 15 octobre. -
Les circonstances matérielles elles-mêmes
démentent le propos que me prête M. Maillard
de Broys.
Je dis à ces messieurs au moment de leur
visite : « Je m'informe toujours soigneuse-
ment avant de rien écrire. Le fait de la colla-
boration de M. Naquet au Rosier de Marie m'a
été affimé par M. Le Hérissé et confirmé pa.
M. Mermeix, en présénce de M. Willenich,
administrateur de la Cocarde, dans un déjeu-
ner qui a eu lieu au printemps dernier au
restaurant Brébant. »
Tout le monde reconnaîtra que c'est là une
documentation très suffisante pour une affirma-
tion de trois lignes qui ne touche, somme
toute, à l'honneur de personne et qui n'a
qu'un intérêt médiocre pour le sort de l'Hu-
manité.
Là-dessus, je reconduis mes visiteurs, parce
que M. Lautier est un homme d'âge, qu'il s'é-
tait présenté très convenablement et que je
suis très poli de mon naturel.
Après avoir expliqué à ces messieurs dans
mon salon à quelles sources je. m'étais infor-
mé, il aurait fallu que je perde la raison en
descendant les quelques marches de mon
escalier, pour leur tenir, à la porte de mon
jardin, ce propos, d'ailleurs inepte : « S'il fal-
lait prendre des informations, on n'écrirait
jamais de livres. »
Si les rédacteurs du Rosier de Marie n'avaient
pas avec M. Naquet quelque lien qu'ils ne
veulent pas avouer, ils n'avaient qu'à publier
purement et simplement ma lettre, qui était
fort aimable, trop aimable pour eux.
Veuillez agréer, monsieur et cher confrère,
avec mes remerciements, l'assurance de mes
seutiments les plus distingués.
"Edouard DjwMWT.
CHRONIQUE
La Bussiére, l'acteur devenu employé
du Comité de salut public, qui sauva de
l'écliafaud les comédiens du Théâtre-
Français, sous la Terreur, en dérobant
leurs dossiers, au péril de sa vie, aura
longtemps attendu les témoignages de
reconnaissance auxquels avait bien
droit sa mémoire ! Mais voici, pour tar-
dive qu'elle soit, que la gloire arrive pour
lui. La Comédie-Française ne lui mar-
chande plus la gratitude. La Bussière est,
à ce qu'ont raconté les indiscrétions
théâtrales, le héros du drame que va don-
ner M. Sardou rue de Richelieu, Thermi-
dor. Auparavant, c'est l'administrateur
de l'illustre maison, M. Jules Claretie,
qui commence à payer cette vieille dette
en mettant La Bussière en scène dans son
roman Puyjoli
Il est de fait que, jusqu'à présent, la
Comédie s'était montrée assez tiède pour
le souvenir de l'héroïque et aventureux
personnage qui risqua sa tête afin d'em-
pêcher Dazincourt, Fleury, Louise Com-
tat. Mlle Raucourt. combien d'autres, de
comparaître devant le terrible tribunal
révolutionnaire. Du vivant de La Bus-
re, elle n'avait pas non plus fait grand'-
chose pour lui. Elle s'était bornée, en
1802, à donner une représentation à son
bénéfice. Encore avait-il fallu que sa dé-
tresse fût signalée par un journal et que
les comédiens eussent, pour ainsi dire, la
main forcée. Il avait grand besoin d'être
secouru alors, le pauvre La Bussière! On
sait de reste que le dévouement, d'ordi-
naire, n'enrichit personne!
M. Jules Claretie s'est donc plu, —
avant que La Bussière fût transformé en
héros de théâtre dans une pièce repré-
sentée par les successeurs de ceux qu'il
arracha à la mort, — à dessiner fort joli-
ment la figure de ce courageux bohème.
Il s'est attaché à lui avec une tendresse
de romancier pour un pauvre hère long-
temps méconnu,et avec l'intérêt particu-
lier que lui inspirait sa situation d'admi-
nistrateur de la Comédie pour cet obscur
vaillant, ayant joué un moment, de par
les circonstances, un rôle décisif dans les
annales de la maison.
Le crayon est tout à fait aimable. C'est
d'ailleurs une silhouette curieuse par
elle-même, que celle de ce La Bussiére, un
insouciant compagnon qui ne cessa ja-
mais de rire, même aux heures tragi-
ques, et qui s'amusa sans doute, tout en
sachant bien ce qu'il hasardait, comme
d'une comédie à l'intrigue compliquée,
du bon tour qu'il jouait aux pourvoyeurs
de l'échafaud. Cet ancien cabotin, inca-
pable d'envie et de jalousie, avait grand
plaisir à sauver de grands camarades,
mais son plaisir n'était pas moindre,
peut-être, à combiner habilement ses au-
dacieux stratagèmes. Mystifier un homme
comme Fouquier-Tinville, accommoder
les événements à son gré, -tout chétif qu'il
fût, arrêter le cours de la redoutable jus-
tice révolutionnaire, tout cela lui parais-
sait vraisemblablement plaisant aussi,
par ce qu'il y avait de paradoxal dans son
intervention de petit employé réformant
à son gré les arrêts d'un tribunal si nuis-
sant. -
Avant d'être attaché, ferme républi-
cain, du reste, au Bureau des détenus, il
avait eu une existence accidentée, le bon
La Bussiére î Il était de ceux qui sacri-
fient tranquillement leur avenir au désir
effréné d'une plaisanterie à faire. Ce n'é-
tait pas un homme sérieux du tout, ce
qui ne l'empêcha pas d'être un homme
de cœur.
On l'avait destiné au barreau. Mais
quelle apparence y avait-il qu'un étu-
diant insubordonné comme lui pût jamais
porter dignement la robe ? Son père, qui
avait été un officier de marine assez dis-
tingué, finit par le faire engager, en qua-
lité de cadet, dans le régiment de Savoie-
Carignan.
Mais la discipline n'était pas le fait de
La Bussiére. S'il y avait eu la guerre, il
eùt été sans doute un endiablé soldat ;
mais la vie de garnison lui semblait ter-
riblement monotone, et il rompait cette
monotonie par d'étonnantes équipées.
Vest lui qui, une lois, habillait un ane
en sentinelle et lui faisait monter la
garde à sa place. C'est lui qui, une autre
fois, invitait à dîner tous les bossus de
Dunkerque. Et des amourettes, donc !
Une jolie religieuse d'hôpital, même, n'a-
vait pas résisté très longtemps à ses en-
treprenantes galanteries !
On fait de lui un sous-lieutenant, ce-
pendant, grâce à la protection de Mme
de Lamballe. La carrière militaire s'ou-
vre pour lui. Mais La Bussière est
l'homme des coups de tête; il jette un
jour son épée aux orties, et il s'impro-
vise bravement comédien,, débutant au
petit théâtre de Monsieur, où il joue les
« niais », avec plus de gaîté naturelle que
d'art. Mais cette belle humeur est irrésis-
tible, et on raffole de lui.
Puis la Révolution arrive, il la salue
avec entrain, il est partout, dans les
clubs, dans la rue, toujours avec sa dé-
bordante gaîté, terrifiant les bourgeois
crédules et timorés par d'effroyables me-
naces, et au demeurant, les sauvant vo-
lontiers (une vocation que celle du sau-
vetage, chez lui I) quand on les veut jeter
dans le bassin du Palais-Royal. Le soir,
il s'affuble de sa perruque de Jocrisse et
sa verve fait merveille sur les planches,
comme au milieu de la foule.
Mais les années passent, et son théâtre
ferme, faute de public. La Bnssière, en-
core qu'il ne soit pas difficile à contenter,
cherche vainement, quelque temps, un
emploi quelconque. Enfin, le citoyen
Pillet, qui se piquait de littérature et qui
le connaissent, le fait entrer comme em-
ployé à la. division de la correspondance,
au Comité de salut public, où lui-même
occupait des fonctions. Et, dans ce bureau
oÙ l'on lait e la tragique besogne, il
continue à rire, à déployer encore sch
intarissable gaîté. Seulement, elle s'alla
avec la pitié, et c'est là que cette fantaisie
d'une étonnante crânerie lui vient de
disputer au bourreau les c'omédiéns du
théâtre de la Nation, prisonniers.
Comment put-il réussir dans ce témé-
raire projet? M. Claretie nous le dit. En
sa qualité d' « enregistreur 0, il centrali-
sait les dossiers des détenus, qu'un com-
missaire venait chercher pour les re-
mettre à Fouquier-Tinville. Il pouvait en
glisser quelques-uns dans le tiroir de sa
table. Oui, mais comment détruire ceg
liasses de papiers ? Il ne fallait pas songer
à les emporter chez lui ; la surveillance
était trop rigoureuse.
On était en été, il réclama un seau
d'eau pour faire rafraîchir, disait-il, le
vin de son déjeuner. Une pareille de-
mande ne paraissait assurément cacher
aucun mystère. C'était un grand point,
cependant, que d'avoir ce seau à portée
de sa main.
Il rentrait le soir dans son bureau, au
pavillon de Flore, et il jetait en hâte les
dossiers dans l'eau, où ils se détrem-
paient. Puis il en faisait des pelotes, et il
les cachait dans ses poches. Au matin, il
se rendait aux bains Vigier, reprenait ses
pelotes, les divisait en boulettes plus pe-
tites encore, et les lançait par la fenêtre
de sa cabine dans la Seine, en ayant bien
soin qu'elles ne pussent surnager. Alors,
il respirait. Les victimes désignées étaient
sauvées pour quelque temps, et de là à
ce qu'on s'aperçût de la disparition des
dossiers, les événements pouvaient pren-
dre un autre cours. Les garçons des bains-
Vigier ne se doutaient guère de la raison
qui faisait de La Bussière un client aussi
assidu de l'établissement!
Ce ne fut pas seulement des comédiens
qu'il disputa à la mort, mais aussi la fu-
ture impératrice Joséphine. Napoléon
n'eut guère plus de durable reconnais-
sance que les autres. Il se borna à assis-
ter à la représentation donnée au bénéfice
de La Bussiére, puis. ce fut tout. , Et
ayant assez vite épuisé ces passagères
ressources, La Bussière retomba dans une
lamentable misère. Ce fut, en fin de
compte, dans un hospice d'aliénés qu'il
mourut, lui à qui une souveraine était
redevable de la vie. Philosophique dé-
nouement à sa romanesque histoire !
Paul Ginisty.
PATRONS ET OUVRIERS D'ACCORD
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
valenciennes, 18 octobre.
La grève des verriers est entièrement ter-
minée.
Aujourd'hui, après le jugement rendu
par les prud'hommes contre trente-neut
ouvriers, le président a réconcilié les par-
ties.
A la fin de l'audience, les avocats deman-
deurs et défendeurs ont pris la parole au
nom de leurs clients pour remercier le pré
sident du conseil de l'heureux résultat qu'a
obtenu son intervention.
Les ouvriers et les patrons ont applaudi à
ces paroles.
Patrons et ouvriers se sont embrassés en
plein tribunal devant les juges.
LE GÉNÉRAL BOULANGER
ET L'ITALIE
Une nouvelle lettre. — Déclarations
à un confrère italien.
[Nous avons publié la lettre que le général
Boulanger adressa, il y a quelque temps, au
général Cavallotti, député radical italien, et la
réponse de celui-ci. Questionné à ce sujet par
le correspondant parisien du Courrier de Na.
ples, le général Boulanger a fait par lettre les
nouvelles déclarations qui suivent, et que pu-
bliera aujourd'hui même le journal italien.
Nous les donnons à titre de document :]
Jersey, Ste-Brelade villa, 12 octobre 1890,
Monsieur le Directeur,
Vous me demandez s'il m'est possible de
vous dire les raisons qui m'ont fait écrire
à M. le député Cavallotti une lettre n'étant
pas destinée à la publicité et qui a provo-
qué de vives polémiques en France et dans
votre pays.
Ces raisons sont bien simples.
Ayant lu la lettre de M. Cavallotti publiée
par le Secolo, j'avais été touché de voir la
député de Milan se souvenir que les sol-
dats français avaient combattu comme des
frères d'armes aux côtés des soldats italiens
pour l'indépendance et l'unité de l'Italie.
Ce n'est pas à nous, Français, à le rappe-
ler, parce que nous semblerions ainsi faire
un reproche à un peuple qui devrait être
pour nous un ami ; mais si les représen-
tants italiens le rappellent, nous ne pou-
vons que les en remercier; et j'ai peut-être
plus que personne le droit de me souvenir
avec fierté de cette campagne 'qui com-
mença l'affranchissement de l'Italie et lui
rendit la Lombardie, puisque ce fut celle
où je reçus le baptême du feu avec ma pre-
mière blessure.
Je ne pouvais qu'éprouyer de la sympa-
thie pour le député qui me ramenait à ce
souvenir, au moment où une funeste poli-
tique a fait de l'Italie l'alliée de l'Alle-
magne et où nous nous demandons avec
inquiétude si nous n'aurons pas à com-
battre demain contre les frères d'armes
d'autrefois. Ces sentiments, je les ai expri-
més spontanément à M. Cavallotti, sans
aucune autre préoccupation que de l'en-
courager, comme patriote italien, à protester
contre l'alliance allemande, et ne pensant
guère qu'il en ferait l'objet d'une longue et
confuse dissertation sur les faits de la poli-
tique française, qu'il ignore.
Faudrait-il croire que les pal'lementaires
de votre pays sont aussi incapables que
ceux du nôtre de comprendre des senti-
ments généreux, qui semblent être le pri-
vilège du peuple ?
Il me semble qu'un Français qui, pour
prosci-it qu'il soit en ce moment, n'en a
pas moins été général, député et ministro
de la gueive, a bien le droit, en s'occupant
de l'avenir de son pays, de dire à des dé-
putés ou à des citoyens italiens que, indé-
pendamment des souvenirs qui devraient
fraternellement unir les deux peuples, il
est l'intérêt de chacun d'eux de sc prer
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