Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-06-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 29 juin 1890 29 juin 1890
Description : 1890/06/29 (A19,N6740). 1890/06/29 (A19,N6740).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7560279b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
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TRES PROCHAINEMENT
.- Le XIXe S-IÈCLE
Publiera un grand roman-feuilleton.
NOTRE FLOTTE
DANS LE NORD
Pour la première fois depuis bien
des années, notre escadre d'évolutions
a quitté la Méditerranée. Elle va faire
des manœuvres dans le Nord, conjoin-
tement avec celle de la Manche et ac-
crue d'un certain nombre de navires
dont la mobilisation vient d'être or-
donnée par le ministre de la marine.
Je suis informé qu'un grand nom-
bre d'offieiers se montrent très in-
quiets au sujet de l'abandon de la
Méditerranée par l'escadre. « Si,
disent-ils, la guerre survenait pen-
dant les manœuvres du Nord, l'es-
cadre italo-allemande dé là Mad-
dalena aurait le champ libre pen-
dant cinq ou six jours au moins. Elle
pourrait, sans avoir rien à redouter,
ravager toutes nos côtes de Port-
Vendres à Menton, brûler Marseille
d'une part, Alger de l'autre, mettre la
main sur Bizerte, qui est sans défense,
et peut-être enlever la Corse; car il ne
reste plus dans l'arsenal de Toulon
que quelques navires en réserve,
n'ayant pour la plupart aucune va-
leur militaire. » Ils ajoutent que « si,
par malheur, l'Angleterre faisait par-
tie de l'alliance des nations centrales
de l'Europe, notre escadre serait con-
damnée à ne pas sortir de Brest, car
elle n'est pas assez forte pour affron-
ter la lutte contre les escadres britan-
niques. M
Presque toutes les lettres que je re-
çois expriment ces craintes avec une
telle énergie que je ne puis m'empê-
cher d'en éprouver une cèrtaine émo-
tion. Elles seraient, en effet, très légi-
times si nous étions en présence d'une
situation européenne assez tendue
pour faire croire à une guerre pro-
chaine.
Fort heureusement, il n'en est pas
ainsi. La guerre ne peut venir que de
la France, qui n'en veut pas et ne la
provoquera jamais, se bornant à être
toujours prête pour sa défense, ou de
la Russie, qui ne paraît pas la désirer
davantage. Quant aux gouvernements
qui ont fondé contre la France et la
Russie la triple ou peut-être la qua-
druple alliance, s'ils poussaient à la
guerre, étant les arbitres de la paix,
ils commettraient un crime tellement
abominable que je me refuse à les en
croire capables.
Nos marins peuvent donc se tran-
quilliser. L'éventualité qu'ils redou-
tent n'a aucune chance de se produire,
et notre escadre peut se livrer à ses
manœuvres sans craindre que la guerre
éclate pendant que nos côtes méditer-
ranéennes sont sans défense. Je n'au-
rais même pas parlé publiquement de
l'émotion de nos officiers, si je n'y
voyais l'expression la plus aiguë qui
ait encore été formulée de l'état d'in-
fériorité dans lequel se trouve notre
flotte, aux yeux mêmes des braves of-
ficiers qui sont destinés à se battre
avec elle.
Ce n'est que trop vrai : nos bâti-
ments de combat sont si peu nom-
breux, qu'en quittant la Méditerranée
l'escadre d'évolutions laisse toutes nos
côtes de la France, de la Corse, de
l'Algérie et de la Tunisie à peu près
sans défense mobile, en face des esca-
dres de l'Allemagne et de l'Italie, fortes
d'une dizaine de cuirassés, de nom-
breux croiseurs rapides et de torpil-
leurs excellents.
Avons-nous au moins la consolation
de penser que la flotte formée dans le
Nord pour ces manœuvres insolites
est assez puissante pour faire bonne
contenance en face des escadres an-
glaises?
Le lecteur va pouvoir en juger par
lui-même.
Par la réunion de l'escadre de la
Méditerranée, de la division cuirassée
du Nord et des navires mobilisés, le
ministre de la marine a pu former
quatre divisions composées chacune
de 3 cuirassés, 3 éclaireurs ou navires
indiqués comme tels, et 3 torpilleurs.
Les cuirassés de la première divi-
sion, Formidabley A.-Duperré et A.-
Baudin, sont tous les trois de bons
navires, bien armés et bien protégés;
un seul, le Formidable, a de la vitesse
(il a dépassé 16 nœuds), mais tous les
trois peuvent aller ensemble 1A nœuds,
ce qui est encore une assez bonne
marche quand elle est soutenue.
Quant aux « éclaireurs » de cette di-
vision, ils sont formés par trois na-
vires qui hurlent de se trouver en-
semble sous la même étiquette. L'un
d'eux, le Nielly, est un de ces croi-
seurs en bois construits pour les sta-
tions lointaines, comme bon logement
d'amiral. Il file à peine 1A nœuds à,
toute vitesse; c'est trop peu pour un
croiseur, car il ne pourrait pas suivre
le Formidable qu'il est chargé d'éclai-
rer. Le Nielly est assez fortement,
armé ; mais, étant en bois, sans pont
blindé et sans cloisons étanches suffi-
santes, il ne remplit aucune des con-
ditions exigées des croiseurs mo-
dernes; c'est un vieillard de nais-
sance.
Le second « eclaireur » de la pre-
mière division est le Vautour. Celui-là
mérite bien son nom, quoiqu'il n'ait
pas une vitesse suffisante; il marche
cependant assez, aisément 16 nœuds,
et, par beau temps, il peut dépasser
cette vitesse; mais il ne déplace que
1 ,300 tonneaux et il fatigue beaucoup
quand la mer est dure. Son armement
est à peu près nul; il ne peut que ser-
vir d'éclaireur. Le troisième bateau
auquel ce nom est donné dans la liste
publiée par les soins du ministère est
un simple contre-torpilleur de 330
tonneaux, la Dragonne, à marche très
inégale suivant l'état de la mer. Dans
le Nord, s'il fait mauvais, je doute
qu'il puisse beaucoup éclairer l'es-
- cadre.
Du reste, il n'a pas été construit
dans ce but et il a tout droit de se
plaindre d'être mis sur le même rang
que le Vautour et le Nielly, qui eux-
mêmes sont peu faits pour aller en-
semble.
Quant aux torpilleurs de la pre-
mière division, les listes publiées n'en
indiquent nominalement qu'un seul,
le numéro 70, qui est un de nos vieux
torpilleurs de trente-trois mètres, nul-
lement faits pour la haute mer. D'ail-
leurs, fussent-ils les meilleurs du
monde, trois torpilleurs sont insuffi-
sants pour une division de trois cui-
rassés. L'amiral du Petit-Thouars de-
mandait deux torpilleurs de haute
mer par cuirassé. Il voulait aussi deux
croiseurs ou éclaireurs par cuirassé;
or, il n'y en a que trois pour un nom-
bre égal de cuirassés.
D'une façon générale,ce que je viens
de dire de la première division s'ap-
plique à toutes les autres. Il n'y a dans
chacune que trois éclaireurs et trois
torpilleurs pour trois cuirassés Il en
faudrait le double.
Parmi les éclaireurs de chaque di-
vision,il y a aussi un contre-torpilleur
du type Dragonne, un véritable éclai-
reur du type Vautour, et un croiseur
de valeur très variable. Dans la
deuxième et la troisième division, les
croiseurs sont en bois et valent en-
core moins que le Nielly. Celui de la
quatrième division, ou division du
Nord, est un excellent navire, le S fax.
CV t le seul grand croiseur en fer
bien armé et bien protégé dont nous
puissions actuellement disposer.
- Quant aux cuirassés, parmi les trois
de la deuxième division, il y en a un
en bois, le Trident, et tous ceux de la
troisième division sont des cuirassés
de croisière sans vitesse, dont un déjà
très vieux et filant à peine onze
nœuds.
On voit que tant d'efforts et tant de
dépenses étaient inutiles pour réunir
une flotte dont les éléments dispara-
tes, insuffisants en nombre et parfois
en valeur, ne sont guère de nature à
donner une grande idée de nos forces
navales. Peut-être eût-il mieux valu
ne pas faire tant étalage de nos mi-
sères sous les yeux de la marine an-
glaise, qui nous observe de l'autre
rive du détroit.
J.-L. de Lanessan.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
« Chronique ", par M. Paul Ginisty.
BRUTALITÉS ALLEMANDES
A LA FRONTIÈRE FRANÇAISE.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 27 juin.
Depuis hier, le commissaire spécial de la
gare-frontière de Montreux-Vieux, flanqué
d'une demi-douzaine de gendarmes, fait
descendre tous les voyageurs des trains
à destination de la France. Il leur
pose de nombreuses questions inquisito-
riales. Tous les voyageurs de nationalité
française, non munis de passeports, qui ne,
peuvent avoir pénétré en Alsace-Lorraine
régulièrement., sont brutalement appréhen-
dés au collet et jetés en prison cellulaire.
Plusieurs Français viennent d'être vic-
times de ces procédés.
GUILLAUME Il ET SES MINISTRES
Nouvelles de l'alliance franco-russe
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 27 juin
L'empereur a envoyé une dépêche de fé-
licitation au ministre de la guerre à pro-
pos du vote du Reichstag sur la loi mili-
taire.
Selon les nouvelles parvenues à Rome, et
communiquées par M. Crispi à la chancel-
lerie allemande) certains arrangements
concrets ont été signés entre la France et la
Russie.
M. Mique], le nouveau ministre des finan-
ces, aurait rintentioa de liquider le fonde
des reptiles.
LE DEMANTELEMENT
LES FORTIFICATIONS DE PARIS
Une vieille proposition. — Les idées de
M. Yves Guyot. — Une proposi-
M. Yves - Gi ~d i ~ire. - Espoir
tion subsidiaire. - Espoir
sans doute chimérique.
Périodiquement, pour ainsi dire, des
questions qui intéressent ou passionnent
les Parisiens reviennent à l'ordre du jour.
Hier on parlait — on en parle et on en par-
lera encore - de la loi des patentes; au-
jourd'hui, la question déjà ancienne de la
suppression de la zone militaire en totalité
ou en partie a été l'objet d'une démarche
de MM. Mesureur, Jacques, Emile Ferry et
Berger auprès de M. de Freycinet, et elle va
provoquer sans doute dans un délai très
proche une nouvelle série de réunions pu-
bliques, dont la dernière s'est tenue le di-
manche 18 mai dernier à la salle Wagram,
où M. Tolain, sénateur, exprimait l'avis que
la ligue pour la suppression de la zone mi-
litaire devait se borner à demander la sup-
pression de la zone à partir du Point-du-
Jour jusqu'à Saint-Denis. Cette idée avait
déjà été débattue au conseil supérieur de
la défense nationale et elle avait trouvé,
croyons-nous, un défenseur en la personne
du général Saussier.
Un peu auparavant, la question de la le-
vée de la servitude militaire avait déter-
miné une avalanche de rapports sur le bu-
reau du conseil municipal.
Proposition de M. Yves Guyot
A une proposition qu'il déposa le 20 no
vembre 1882, M. Yves Guyot, alors conseil-
ler municipal, avait annexé un travail re-
marquable de M. Boussard sur l'inutilité
de l'enceinte fortifiée de Paris au point de
vue stratégique, et concluant à ce que le
génie militaire ne saurait opposer aucune
objection à la suppression de l'enceinte
continue de Paris, ainsi que de la zone de
servitude militaire.
Dans l'exposé de sa proposition, M. Yves
Guyot donnait les détails suivants :
Le mur d'enceinte comprend 67 bas-
tions sur la rive droite et 27 sur la rive
gauche. Il a une circonférence de 33,165
mètres sur une largeur de lhe mètres, ce
qui donne une superficie de A,709,830 mè-
tres.
Il faut y ajouter une zone de servitude
militaire qui est de plus de 250 mètres de
rayon, car elle est mesurée sur les capi-
tales des bastions et à partir de la crète des
glacis, de sorte que ce rayon à partir de la
courtine est plus étendu.
Dans cet espace, d'après les lois de 1791,
1819 et l'ordonnance de 1821, non seulement
toutes constructions sont interdites, mais
même toutes clôtures ayant un caractère
- de permanence. - Cette zone --- doit avoir
8,291,000 mètres de superficie.
L'espace stérilisé par l'enceinte continue
serait donc de 13,500,000 mètres.
Un travail fait par la direction des tra-
vaux de la Ville de Paris apprend que la
surface occupée par l'enceinte fortifiée et
la zone militaire donne un total de 1,150
hectares, et est évaluée, dans le tableau des
propriétés de l'Etat, pour une somme de
82,87Â,000 francs.
M. Yves Guyot, à la fin de sa proposition,
formulait ce projet de délibération : « Dans
le but d'obtenir la réduction du prix des
loyers, l'amélioration des conditions hygié-
niques de Paris et des voies de communi-
cation entre Paris et les communes subur-
baines , une commission de sept membres
sera nommée à l'effet d'obtenir du gouver-
nement la désaffectation du mur d'en-
ceinte, sa cession à la Ville et la suppression
de la zone militaire. »
L'achat de la zone militaire
Pour la cession de ce vaste territoire à la
Ville de Paris, M. Yves Guyot démontrait
que la Ville ne perdrait pas à cette opéra-
tion et que l'Etat pourrait employer tout
ou partie de la somme de 80 millions à con-
struire des ouvrages de défense.
Et M. Martin Nadaud, lui aussi, commu-
niquait à ce moment-là, pour étayer le rai-
sonnement de M. Yves Guyot, la note sui-
vante d'un entrepreneur ;
« Les démolitions des fortifications don-
neraient 1,A59,260 mètres cubes de moel-
lons. En tenant compte du déchet, qui sera
de 30 0/0 environ, il reste un cube net de
1,02L,A82 mètres.
» Pour construire une maison de 10 mè-
tres carrés, soit 100 mètres de surface et
20 mètres de hauteur, comme le permet la
largeur d'un boulevard, nous estimons
qu'il faut 350 mètres de moellons.
» En employant de cette façon le cube
net donné plus haut, on arrive à construire
9,918 maisons de six étages et de dix mètres
de façade. »
Alors, dans l'esprit des conseillers muni-
cipaux qui signèrent le projet de délibéra-
tion de M. Yves Guyot, on eût construit
tout autour de Pans un boulevard de 60
mètres de largeur, au milieu duquel se se-
rait trouvé un vaste fossé séparant la ville
de la banlieue, et bordé, du côté de Paris,
de terrains qu'on aurait vendus à des parti-
culiers; et de l'autre côté - au-dejà du
fossé — d'habitations ouvrières bâties sur
un modèle uniforme.
Et le fossé lui-même jouait un rôle bien
déterminé dans toute cette combinaison.
remplaçant les fortifications détruites, il
servait de lieu de surveillance aux agents
de l'octroi, en attendant que l'octroi fût
lui-même supprimé.
Mais le projet de M. Yves Guyot sembla
chimérique et impossible à réaliser à la
majorité du conseil municipal, qui ne le
discuta même pas, comme il ne discuta pas
non plus la proposition subsidiaire, beau-
coup plus rationnelle, de M. Engelhard,
qui invitait le préfet de la Seine à négo-
cier avec l'Etat la suppression des fortifica-
tions de Paris entre le Point^duJour et
Clichy (sauf à construire un mur d'octroi
entre la Seine, au droit de l'Ue Robinson et
la porte de Saint-Ouen), afin que les ter-
rains ainsi obtenus fussent surbâtis autant
que possible par des immeubles accessibles
aux ouvriers.
Entrevue avec M. de Freycinet
C'est en somme l'idée de M. Engelhard,
développée à la salle Wagram par M. To-
lain, qui a été reprise hier par la députa-
tion daus l'entrevue qu'elle a eue avec M.
de Freycinet.
Le ministre de la guerre a accueilli favo-
rablement la demande de MM. Mesureur,
Jacques, Emile Ferry et Berger, et s'est dé-
claré personnellement partisan de la ré-
forme demandée.
Il a ajouté que, après avoir consulté plu-
sieurs membres autorisés à émettre un avis
sur cette question - de - suppression partielle
de l'enceinte, Il croyait que ce projet ne
rencontrerait pas d'opposition sérieuse.
Il a pris l'engagement de soumettre très
prochainement la question au conseil su-
périeur de la guerre. Dès que le conseil
aura statué favorablement, il prendra l'ini-
tiative du dépôt d'un projet de loi dans ce
sens. - :
II appartient donc au conseil supérieur
de la guerre de statuer sur cette grave ques-
tion; il a déjà rejeté, presqu'à l'unanimité
de ses membres, les combinaisons que nous
avons rappelées plus haut, dont l'une va
encore lui être soumise.
Il est probable qu'il ne se déjugera pas,
et que l'alexandrin connu :
Le mur murant Paris rend Paris murmurant.
sera, pour longtemps encore, le cri de
guerre de la Ligue pour la suppression de
la zone militaire.
LE TRAITÉ ANGLO-ALLEMAND
Les négociateurs décorés
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 27 juin.
L'empereur a conféré les insignes de
l'ordre de l'Aigle-Noir, le plus élevé de la
hiérarchie des ordres prussiens, au comte
Hatzfeldt, ambassadeur à Londres, pour la
part qu'il a prise à la convention anglo-al-
lemande.
Le chancelier de Caprivi avait déjà reçu
la même distinction à la même occasion.
Quant au ministre des affaires étrangères,
M. de àjarschall, le Moniteur de rEmvire
annonce qu'il est nommé conseiller intime
actuel avec le titre d'Excellence.
La côte de Zanzibar aux Allemands
On annonce que le sultan de Zanzibar
vient de donner son consentement à la
cession, aux Allemands, du littoral conti-
nental qui lui appartient.
Cette cession éventuelle, que l'Angleterre
se faisait fort d'obtenir de son protégé,
était prévue par le traité anglo-allemand.
Mais elle ne doit se faire que contre une
indemnité, dont le taux reste à régler.
Il est dit, en effet, dans le dernier para-
graphe du premier article du traité :
- « L'Angleterre usera de toute son in-
fluence sur le sultan de Zanzibar pour l'a-
mener à céder à l'Allemagne les parties de
la côte affermées par lui à la société alle-
mande de l'Est-Africain. Dans le cas où cela
se ferait, l'Allemagne assurera au sultan
une juste compensation pour les droits de
douane dont il serait désormais privé. »
Nul doute que ce transfert ne soit subor-
donné, comme le protectorat anglais sur
Zanzibar, à l'agrément de la France, en
vertu du traité de 1862, auquel l'Allema-
gne a adhéré en 1886.
L'AFFAIRE DE ZANZIBAR
Si nous eu croyons certains bruits, les
négociations entre les gouvernement fran-
çais et anglais au sujetde Zanzibar se pour-
suivent sans faire aucun progrès.
D'ailleurs, le marquis de Salisbury a ré-
pondu avec un sans-gêne extraordinaire
aux premières demandes d'explications qui
lui ont été adressées, et sur l'observation
à lui faite que l'accord intervenu entre la
Grande-Bretagne et l'Allemagne portait
atteinte à des traités solennels, revêtus de
la signature de la France.
Ces traités, il les ignorait, ou il les a ou-
bliés, notamment celui de 18Wi, que nous
avons publié. D'ailleurs, M. de Salisbury le
regrette profondément, la situation agquise
étant devenue définitive. ,
Or, sous l'un des derniers millfètères fran-
çais, le cabinet de Saint-James, toujours
présidé par lord Salisbury, aurait essayé
d'entamer des négociations au sujet de la
revision partielle de ces traités, jugés
trop favorables aux intérêts français.
A c moment, le quai d'Orsay se refusa à
laisser ouvrir un débat que lord Salisbury,
avec l'appui de l'Allemagne, vient de tran-
cher d'une façon radicale.
On ne se moque pas avec plus d'impu-
dence du droit des gens. Et M. Ribot hésite
de plus en plus sur la réponse à faire à
cette violation de la parole donnée.
L'INTERDICTION DU BÉTAIL SUISSE
EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 27 juin.
Le gouvernement italien a interdit l'en-
trée du bétail suisse en Italie, à partir d'au-
jourd'hui.
Le Conseil fédéral va prendre des repré-
sailles. On est très monté au palais fédéral
contre les façons d'agir de M. Cr:spi, qui ne
peut justifier en rien la mesure qu'il vient
de prendre, aucune maladie n'existant sur
le bétail suisse.
DÉPART DE GUILLAUME II
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 27 juin.
L'empereur Guillaume s'est embarqué à
Kiel à bord du cuirassé Kaiser, qui a pris la
mer ce soir à huit heures, accompagné du
yacht Ilohenzollern,de l'escadre d'évolutions,et
se dirigeant sur Elseneur où il arrivera de-
main soir.
LE REICHSTAG ET LE CHANCELIER
(D'UN CORRESPONDANT)
, Berlin, 27 juin.
Une soirée parlementaire, selon l'usage
établi par M. de Bismarck, a été donnée
hier soir chez M. de Caprivi. Le ministre
des affaires étrangères, M. de Marschall, et
tous lès ministres y ont assisté, ainsi que
les membres du Conseil fédéral et le
Reichstag presque au complet.
On a beaucoup remarqué le major
Wissmann qui, avec la permission de l'em-
pereur, portait le sabre d'honneur qui lui
a été donné par le précédent sultan de
Zanzibar.
Sur la proposition du chancelier, le
Reichstag a décidé, dans sa séance d'hierr
de s'ajourner du 2 juillet au 18 novembre.
FERDINAND DE BULGARIE
EN AUTRICHE
(D'UN CORRESPONDANT)
Sofia, 97 juin.
Le prince Ferdinand est parti pour Carls-
bad, en Bohême, où il passera quelques
jours.
Par une proclamation, il confie la ré-
gence au président du conseiL M. Stam-
bouloff.
CHRONIQUE
--
On s'occupe fort en ce mome'nt,dans les
journaux, de la recherche de la paternité.
M. Gustave Rivet a remis la question sur
le tapis, en déposant sur le bureau de la
Chambre un projet de loi, en vertu du-
quel cette recherche, interdite par notre
code civil, seraifrdésormais autorisée..
Il ne me paraît pas que ceux de nos
confrères qui ont traité la question se
soient plac& au vrai point de vue d'où
il faut la regarder. Tous, et même M.
Magnard hier matin au FigarojOnt l'air de
croire que la loi nouvelle est faite en fa-
veur de la. femme contre l'homme, que
l'amant et la maîtresse sont seuls en
cause.
"Nous souhaitons, dit M. Magnard.
que l'initiative de M. Rivet aboutisse et
que le capital de la femme, selon le mot
si profond et si pittoresque d'Alexandre
Dumas fils, trouve dans l'arsenal légis-
latif la même protection que les autres
capitaux.»
ca Eh bien ! si la loi sur la recherche de
la paternité ne visait que l'intérêt de la
femme, je le dis très nettement : je me
rangerais de l'avis de mon spirituel col-
laborateur Fouquier, qui, dans plu-
sieurs journaux et ici même, a montré
avec toutes sortes de grâces de langage
que, dans les affaires deaédllction,
l'homme est plus souvent séduit que la
femme. C'est le lapin qui commence.
On peut avancer sans crainte que, sauf
des*cas particuliers, où l'homme abuse de
son expérience ou de sa force pour trom-
per et mettre à mal une jeune fille inno-
cente, tous deux sont en présence égale-
ment armés pour la lutte. Si la femme
cède, c'est qu'elle le veut bien et la plu-
part du temps elle sait et a dit calculer
les suites de sa faiblesse. On ne lui vole
pas son capital ; elle le donne de son plein
gré.
- L'un et l'autre ont cherché la satisfac-
tion d'un désir ; ils l'ont trouvée ensem-
ble: ils sont à deux de jeu. Tantôt c'est
l'homme gui a conduit l'attaque J et tan-
tôt la femme; il importe.assez peu. La vé-
rité est que (sauf les cas de violence, bien
entendu) il y a eu de part et d'autre con-
sentement mutuel.
Le législateur n'a point à se mêler de
ces accidents. Ce sont des contrats parti-
culiers, que passent entre elles des per-
sonnes emportées par la passion ou par
l'intérêt. Dans ces contrats, qui sont de
leur nature même temporaires et sont
toujours révocables à la volonté des par-
ties, il y en a presque toujours une qui
est avantagée au détriment de l'autre.
Celle qui est lésée n'a qu'à s'en prendre à
elle-meme du dommage dont elle souffre.
La femme aura beau crier : « Le misé-
rable ! il m'a pris mon capital î m tout
le monde lui répondra : « Vous étiez
parfaitement libre de ne pas le laisser
prendre. Il ne fallait pas signer au con-
trat. »
Mais voici qu'un nouveau facteur in-
tervient dans la question :
L'enfant naît.
Il n'a pas demande à naître, lui ; il n'a
point donné son acquiescement au con-
trat à la suite duquel il est venu au
monde. Il y arrive avec des droits, qui se
résument tous dans un seul : le droit de
vivre. Ces droits, il est trop faible et trop
nu pour les faire valoir. C'est à la so-
ciété, à la communauté, qu'incombe na-
turellement le devoir de protéger ceux
de ses membres qui ne peuvent se défen-
dre eux-mêmes. C'est elle qui, de par
une loi primordiale, a la tutelle de tous
les orphelins et de tous les déshérités.
L'enfant dit, en son langage, à la com-
munauté :
Mon père et ma mère ne songeaient
pas, quand ils se sont unis, que je naî-
trais de leurs embrassements. Il est fort
probable que j'ai dérangé leurs calculs.
Mais ce n'est pas ma faute. Ils m'ont
donné la vie, sans y penser, sans y pren-
dre garde. C'est chose faite; je n'y puis
rien. Je leur ai créé à l'un et à l'autre des
devoirs dont ils ne sauraient s'affranchir.
Il faut, puisqu'ils m'ont jeté sur cette
terre, qu'ils me nourrissent, qu'ils m'é-
lèvent, qu'ils me mènent à l'âge d'hom- !
me. Ils avaient le droit de ne pas me
donner l'être ; ils n'ont pas celui de se
débarrasser de moi.
Voilà la vraie question et posée comme
il faut.
Il ne s'agit plus ici des revendications
de la femme contre l'homme, ou de
l'homme contre la femme. Comment les
choses en sont venues à ce point, nous
n'avons pas besoin de l'apprendre ni de
le savoir. Est-ce l'homme qui a séduit
une jeune fille innocente ; est-ce la ma-
drée jeune fille qui a fait tomber un im-
bécile dans ses rets? C'est là un débat
purement psychologique qui est très
oiseux.
Il y a un enfant, Voilà le fait. Cet en-
fant n'a pas été trouvé sous un chou. Il a
une mère et un père qui ont chacun con-
tribué à la faute de le mettre au monde.
C'est à cette mère et à ce père de l'aider à
vivre. La conséquence est invincible, et
si l'une des deux parties ou même toutes
les deux se dérobent à ce devoir la so-
ciété, qui est la tutrice naturelle de tous
les abandonnés, doit le leur rappeler, le
leur imposer.
Ne parlons donc point de la femme, ni
de son capital. Elle n'est pas en cause en
cette affaire. C'est de l'enfant que nous
parlons ; c'est le seul dont l'intérêt soit
évident et incontestable. C'est pour lui et
pour lui seul qu'est instituée la recherche
de la paternité.
On n'a point à rechercher la maternité,
par la raison fort simple que toujours
(sauf les cas d'abandon) la filiation du
côté de la mère est indéniable.
Il est bien plus facile au père de tirer
sa révérence et de dire ; « Moi, je n'y suis
Doux ricg., 4
Un père qui agit de la sorte manque-
t-ila son devoir? Lèse-t-il le droit de
vivre qu'apporte, en venant au monde,
l'enfant né de ses œuvres? Cela n'est pas
douteux. Eh bien, pourquoi la société, à
qtri inoombe-Je-devoir de poursuivre la
réparation des torts commis envers ses N
membres, serait-elle arrêtée de vaut celui-
là par la loi qui interdit la recherche de
la paternité ?
Là-dessus, on nous répond que si la
loi interdit cette recherche, c'est que
la recherche ne saurait aboutir qu'à
une présomption plus ou moins forte.
Eh! mon Dieu! tout ou presque tout
est présomption en ce monde. Il n'y a
rien de si rare que la certitude absolue.
C'est même parce qu'on n'est sûr de rien
qu'on a des juges ; une fois que les juges
ont prononcé, c'est une affaire faite : Res
dijudicatapro veritate habetur; et il n'y
a rien de si commode.
Ce sera donc aux juges à décider si
l'homme à qui la mère demande de sub-
venir aux besoins de l'enfant est bien son
père. On paraît craindre que les femmes
ne profitent de la liberté qui leur se-
rait accordée pour mettre leur enfant sur
le dos du premier venu, qui ne saurait
comment repousser cette prétention. Mais
on oublie que ce ne serait pas à l'homme
à prouver qu'il n'est point le père; une
négation ne se prouve pas. Ce serait à la
femme à faire la preuve de ce qu'elle
avance.
Cette préuve résulterait de l'ensemble
des faits, quand on ne la trouverait pas
dans des lettres ou des témoignages.
Voyons ! est-ce qu'il y a un de nous qui
n'ait pas connu dix faux ménages où les
pères sont parfaitement authentiques ?
La loi leur permet aujourd'hui, si la fem-
me ne leur plait plus, non seulement de
l'abandonner elle qui n'aurait pas à se
plaindre, puisqu'elle a consenti un con-
trat révocable, mais de planter là les en-
fants, qui n'ont rien consenti du tout. et
de dire : Moi, je ne suis pas le père 1 On
ne peut pas prouver que je sois le père!
Mais tout Je prouve ! Que de fois n'a-
vons-noua, pas lu, dans les comptes ren-
dus de la police correctionnelle, la s&-
monce adressée par le président à l'un de
ces misérables qui, voyant leur maîtresse
près de devenir mere, l'avaient lâchée, si
bien que la malheureuse avait tué de ses:
mains un enfant sans père :
- C'est vous, lui disait le magistrat,
c'est vous qui devriez être sur ce banc ! P.
Autant en emportait le vent ! L'homme
s'était retranché derrière là loi qui inter-
dit la recherche de là paternité; il se
.mequait bien de l'opinion du tribunal et
de , celle des honnêtes gens.
Il était le père avéré, il ne le niait
pas; mais la loi le protégeait. Il n'y a qu'à
se féliciter si la loi ne doit plus un jour
protéger son égoïsme.
— Vous avez un enfant, monsieur,
nourrissez-le ; je ne connais que cela.
— Mais je ne suis pas sûr qu'il soit bien
à moi. je ne sais pas.
—11 ne fallait pas vous mettre dans lecas
d'y être pour une oreille. Une autre fois;,
vous vous tiendrez sur vos gardes et tout
le monde y gagnera.
Francisque Sarcey.
LA JAMBE DE BOIS D'HARPAGON
{LETTRE DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, le 23 juin 1890
Un vrai Harpagon vient de mourir ces
jours-ci. Martinoff, propriétaire d'une belle
maison sur la rue Liteinaja et très riche,
vivait comme un pauvre diable et laissait
pour ainsi dire son fils mourir de faim. Il
avait l'habitude, avant de sortir, de s?atta-
cher une jambe en bois sous la jambe
droite.
Pendant la nuit, il mettait sa jambe en
bois sous son oreiller en l'attachant avec *
une longue courroie autour de son cou.
A sa mort, on ne trouva pas un sou ni sur
lui ni dans sa chambre.
Furieux, le fils prit la jambe en bois de
son père et la brisa. A sa grande surprise,
il vit alors qu'elle était creuse et contenait
des valeurs pour 300,000 roubles (environ
un million de francs).
Un fait analogue s'est passé à Moscou il
y a quelques années, où un avare usurier
du nom de Kartascheff, était littéralement
mort de faim, en laissant à ses héritiers
plus de vingt millions.
IiCet homme vivait avec cinq kopeks (deux
sous) par jour.
LA RÉVQLUTION AU SALVADOR
(D'UN CORRESPONDANT)
New-York, 27 juin.
Voici les derniers détails reçus concer-î
nant la révolution qui a éclaté au Salvador
et sur la mort du président Menendez, qui
n'a pas été empoisonné, comme la pre-
mière dépêche le faisait croire, mais a
perdu la vie dans une bagarre, d'une mar-
nière encore imparfaitement expliquée.
Au cours d'iiu bal donné à la résidence duL
président à l'occasion du cinquième anni-
versaire de la nomination du général Me-
nendez aux fonctions présidentielles, le gé-
néral Marcial pénétra dans le salle du bal
et annonça, au nom du général Ezeta, qui
arrivait de Sant'Anna à tête de six cents
hommes, qu'une révolte contre le gouver-
nement avait éclaté, et demanda en mê-
me temps la déposition du général Me-
nendez.
Le président, qui était indisposé et qui.
se trouvait à l'étage supérieur, manda au*
près de lui le général Marcial. 11 y eut una
altercation, en présence du président, en-
tre les généraux Marcial et Martinez, com-
mandant des troupes du gouvernement
dans la capitale, et le général Martinez tua
le général Marcial d'un coup de pistolet.
Les soldats du général Ezeta s'emparèrent
alors du général Martinez et occupèrent les.
casernes. Il y a eu vingt-trois morts.
casernes. Il y a eu vingez est mort d'un ac
Le président Menendez est mort d'un ac-,
cident au cœur dû à l'émotion (sic).
t Le gouvernement révolutionnaire formé
par le général Ezeta n'a pas duré. C'est
maintenant un M. Guirola qui dirige toutes
les branches del'administration.
[Le Salvador compte 665,000 habitants et un«
armée 4e ZÇW bqmnlegù.
Mon ..i' i,' :,:'!' Ulm ,.: 'M::-:j<:;: '-' :,:-'
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TRES PROCHAINEMENT
.- Le XIXe S-IÈCLE
Publiera un grand roman-feuilleton.
NOTRE FLOTTE
DANS LE NORD
Pour la première fois depuis bien
des années, notre escadre d'évolutions
a quitté la Méditerranée. Elle va faire
des manœuvres dans le Nord, conjoin-
tement avec celle de la Manche et ac-
crue d'un certain nombre de navires
dont la mobilisation vient d'être or-
donnée par le ministre de la marine.
Je suis informé qu'un grand nom-
bre d'offieiers se montrent très in-
quiets au sujet de l'abandon de la
Méditerranée par l'escadre. « Si,
disent-ils, la guerre survenait pen-
dant les manœuvres du Nord, l'es-
cadre italo-allemande dé là Mad-
dalena aurait le champ libre pen-
dant cinq ou six jours au moins. Elle
pourrait, sans avoir rien à redouter,
ravager toutes nos côtes de Port-
Vendres à Menton, brûler Marseille
d'une part, Alger de l'autre, mettre la
main sur Bizerte, qui est sans défense,
et peut-être enlever la Corse; car il ne
reste plus dans l'arsenal de Toulon
que quelques navires en réserve,
n'ayant pour la plupart aucune va-
leur militaire. » Ils ajoutent que « si,
par malheur, l'Angleterre faisait par-
tie de l'alliance des nations centrales
de l'Europe, notre escadre serait con-
damnée à ne pas sortir de Brest, car
elle n'est pas assez forte pour affron-
ter la lutte contre les escadres britan-
niques. M
Presque toutes les lettres que je re-
çois expriment ces craintes avec une
telle énergie que je ne puis m'empê-
cher d'en éprouver une cèrtaine émo-
tion. Elles seraient, en effet, très légi-
times si nous étions en présence d'une
situation européenne assez tendue
pour faire croire à une guerre pro-
chaine.
Fort heureusement, il n'en est pas
ainsi. La guerre ne peut venir que de
la France, qui n'en veut pas et ne la
provoquera jamais, se bornant à être
toujours prête pour sa défense, ou de
la Russie, qui ne paraît pas la désirer
davantage. Quant aux gouvernements
qui ont fondé contre la France et la
Russie la triple ou peut-être la qua-
druple alliance, s'ils poussaient à la
guerre, étant les arbitres de la paix,
ils commettraient un crime tellement
abominable que je me refuse à les en
croire capables.
Nos marins peuvent donc se tran-
quilliser. L'éventualité qu'ils redou-
tent n'a aucune chance de se produire,
et notre escadre peut se livrer à ses
manœuvres sans craindre que la guerre
éclate pendant que nos côtes méditer-
ranéennes sont sans défense. Je n'au-
rais même pas parlé publiquement de
l'émotion de nos officiers, si je n'y
voyais l'expression la plus aiguë qui
ait encore été formulée de l'état d'in-
fériorité dans lequel se trouve notre
flotte, aux yeux mêmes des braves of-
ficiers qui sont destinés à se battre
avec elle.
Ce n'est que trop vrai : nos bâti-
ments de combat sont si peu nom-
breux, qu'en quittant la Méditerranée
l'escadre d'évolutions laisse toutes nos
côtes de la France, de la Corse, de
l'Algérie et de la Tunisie à peu près
sans défense mobile, en face des esca-
dres de l'Allemagne et de l'Italie, fortes
d'une dizaine de cuirassés, de nom-
breux croiseurs rapides et de torpil-
leurs excellents.
Avons-nous au moins la consolation
de penser que la flotte formée dans le
Nord pour ces manœuvres insolites
est assez puissante pour faire bonne
contenance en face des escadres an-
glaises?
Le lecteur va pouvoir en juger par
lui-même.
Par la réunion de l'escadre de la
Méditerranée, de la division cuirassée
du Nord et des navires mobilisés, le
ministre de la marine a pu former
quatre divisions composées chacune
de 3 cuirassés, 3 éclaireurs ou navires
indiqués comme tels, et 3 torpilleurs.
Les cuirassés de la première divi-
sion, Formidabley A.-Duperré et A.-
Baudin, sont tous les trois de bons
navires, bien armés et bien protégés;
un seul, le Formidable, a de la vitesse
(il a dépassé 16 nœuds), mais tous les
trois peuvent aller ensemble 1A nœuds,
ce qui est encore une assez bonne
marche quand elle est soutenue.
Quant aux « éclaireurs » de cette di-
vision, ils sont formés par trois na-
vires qui hurlent de se trouver en-
semble sous la même étiquette. L'un
d'eux, le Nielly, est un de ces croi-
seurs en bois construits pour les sta-
tions lointaines, comme bon logement
d'amiral. Il file à peine 1A nœuds à,
toute vitesse; c'est trop peu pour un
croiseur, car il ne pourrait pas suivre
le Formidable qu'il est chargé d'éclai-
rer. Le Nielly est assez fortement,
armé ; mais, étant en bois, sans pont
blindé et sans cloisons étanches suffi-
santes, il ne remplit aucune des con-
ditions exigées des croiseurs mo-
dernes; c'est un vieillard de nais-
sance.
Le second « eclaireur » de la pre-
mière division est le Vautour. Celui-là
mérite bien son nom, quoiqu'il n'ait
pas une vitesse suffisante; il marche
cependant assez, aisément 16 nœuds,
et, par beau temps, il peut dépasser
cette vitesse; mais il ne déplace que
1 ,300 tonneaux et il fatigue beaucoup
quand la mer est dure. Son armement
est à peu près nul; il ne peut que ser-
vir d'éclaireur. Le troisième bateau
auquel ce nom est donné dans la liste
publiée par les soins du ministère est
un simple contre-torpilleur de 330
tonneaux, la Dragonne, à marche très
inégale suivant l'état de la mer. Dans
le Nord, s'il fait mauvais, je doute
qu'il puisse beaucoup éclairer l'es-
- cadre.
Du reste, il n'a pas été construit
dans ce but et il a tout droit de se
plaindre d'être mis sur le même rang
que le Vautour et le Nielly, qui eux-
mêmes sont peu faits pour aller en-
semble.
Quant aux torpilleurs de la pre-
mière division, les listes publiées n'en
indiquent nominalement qu'un seul,
le numéro 70, qui est un de nos vieux
torpilleurs de trente-trois mètres, nul-
lement faits pour la haute mer. D'ail-
leurs, fussent-ils les meilleurs du
monde, trois torpilleurs sont insuffi-
sants pour une division de trois cui-
rassés. L'amiral du Petit-Thouars de-
mandait deux torpilleurs de haute
mer par cuirassé. Il voulait aussi deux
croiseurs ou éclaireurs par cuirassé;
or, il n'y en a que trois pour un nom-
bre égal de cuirassés.
D'une façon générale,ce que je viens
de dire de la première division s'ap-
plique à toutes les autres. Il n'y a dans
chacune que trois éclaireurs et trois
torpilleurs pour trois cuirassés Il en
faudrait le double.
Parmi les éclaireurs de chaque di-
vision,il y a aussi un contre-torpilleur
du type Dragonne, un véritable éclai-
reur du type Vautour, et un croiseur
de valeur très variable. Dans la
deuxième et la troisième division, les
croiseurs sont en bois et valent en-
core moins que le Nielly. Celui de la
quatrième division, ou division du
Nord, est un excellent navire, le S fax.
CV t le seul grand croiseur en fer
bien armé et bien protégé dont nous
puissions actuellement disposer.
- Quant aux cuirassés, parmi les trois
de la deuxième division, il y en a un
en bois, le Trident, et tous ceux de la
troisième division sont des cuirassés
de croisière sans vitesse, dont un déjà
très vieux et filant à peine onze
nœuds.
On voit que tant d'efforts et tant de
dépenses étaient inutiles pour réunir
une flotte dont les éléments dispara-
tes, insuffisants en nombre et parfois
en valeur, ne sont guère de nature à
donner une grande idée de nos forces
navales. Peut-être eût-il mieux valu
ne pas faire tant étalage de nos mi-
sères sous les yeux de la marine an-
glaise, qui nous observe de l'autre
rive du détroit.
J.-L. de Lanessan.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
« Chronique ", par M. Paul Ginisty.
BRUTALITÉS ALLEMANDES
A LA FRONTIÈRE FRANÇAISE.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 27 juin.
Depuis hier, le commissaire spécial de la
gare-frontière de Montreux-Vieux, flanqué
d'une demi-douzaine de gendarmes, fait
descendre tous les voyageurs des trains
à destination de la France. Il leur
pose de nombreuses questions inquisito-
riales. Tous les voyageurs de nationalité
française, non munis de passeports, qui ne,
peuvent avoir pénétré en Alsace-Lorraine
régulièrement., sont brutalement appréhen-
dés au collet et jetés en prison cellulaire.
Plusieurs Français viennent d'être vic-
times de ces procédés.
GUILLAUME Il ET SES MINISTRES
Nouvelles de l'alliance franco-russe
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 27 juin
L'empereur a envoyé une dépêche de fé-
licitation au ministre de la guerre à pro-
pos du vote du Reichstag sur la loi mili-
taire.
Selon les nouvelles parvenues à Rome, et
communiquées par M. Crispi à la chancel-
lerie allemande) certains arrangements
concrets ont été signés entre la France et la
Russie.
M. Mique], le nouveau ministre des finan-
ces, aurait rintentioa de liquider le fonde
des reptiles.
LE DEMANTELEMENT
LES FORTIFICATIONS DE PARIS
Une vieille proposition. — Les idées de
M. Yves Guyot. — Une proposi-
M. Yves - Gi ~d i ~ire. - Espoir
tion subsidiaire. - Espoir
sans doute chimérique.
Périodiquement, pour ainsi dire, des
questions qui intéressent ou passionnent
les Parisiens reviennent à l'ordre du jour.
Hier on parlait — on en parle et on en par-
lera encore - de la loi des patentes; au-
jourd'hui, la question déjà ancienne de la
suppression de la zone militaire en totalité
ou en partie a été l'objet d'une démarche
de MM. Mesureur, Jacques, Emile Ferry et
Berger auprès de M. de Freycinet, et elle va
provoquer sans doute dans un délai très
proche une nouvelle série de réunions pu-
bliques, dont la dernière s'est tenue le di-
manche 18 mai dernier à la salle Wagram,
où M. Tolain, sénateur, exprimait l'avis que
la ligue pour la suppression de la zone mi-
litaire devait se borner à demander la sup-
pression de la zone à partir du Point-du-
Jour jusqu'à Saint-Denis. Cette idée avait
déjà été débattue au conseil supérieur de
la défense nationale et elle avait trouvé,
croyons-nous, un défenseur en la personne
du général Saussier.
Un peu auparavant, la question de la le-
vée de la servitude militaire avait déter-
miné une avalanche de rapports sur le bu-
reau du conseil municipal.
Proposition de M. Yves Guyot
A une proposition qu'il déposa le 20 no
vembre 1882, M. Yves Guyot, alors conseil-
ler municipal, avait annexé un travail re-
marquable de M. Boussard sur l'inutilité
de l'enceinte fortifiée de Paris au point de
vue stratégique, et concluant à ce que le
génie militaire ne saurait opposer aucune
objection à la suppression de l'enceinte
continue de Paris, ainsi que de la zone de
servitude militaire.
Dans l'exposé de sa proposition, M. Yves
Guyot donnait les détails suivants :
Le mur d'enceinte comprend 67 bas-
tions sur la rive droite et 27 sur la rive
gauche. Il a une circonférence de 33,165
mètres sur une largeur de lhe mètres, ce
qui donne une superficie de A,709,830 mè-
tres.
Il faut y ajouter une zone de servitude
militaire qui est de plus de 250 mètres de
rayon, car elle est mesurée sur les capi-
tales des bastions et à partir de la crète des
glacis, de sorte que ce rayon à partir de la
courtine est plus étendu.
Dans cet espace, d'après les lois de 1791,
1819 et l'ordonnance de 1821, non seulement
toutes constructions sont interdites, mais
même toutes clôtures ayant un caractère
- de permanence. - Cette zone --- doit avoir
8,291,000 mètres de superficie.
L'espace stérilisé par l'enceinte continue
serait donc de 13,500,000 mètres.
Un travail fait par la direction des tra-
vaux de la Ville de Paris apprend que la
surface occupée par l'enceinte fortifiée et
la zone militaire donne un total de 1,150
hectares, et est évaluée, dans le tableau des
propriétés de l'Etat, pour une somme de
82,87Â,000 francs.
M. Yves Guyot, à la fin de sa proposition,
formulait ce projet de délibération : « Dans
le but d'obtenir la réduction du prix des
loyers, l'amélioration des conditions hygié-
niques de Paris et des voies de communi-
cation entre Paris et les communes subur-
baines , une commission de sept membres
sera nommée à l'effet d'obtenir du gouver-
nement la désaffectation du mur d'en-
ceinte, sa cession à la Ville et la suppression
de la zone militaire. »
L'achat de la zone militaire
Pour la cession de ce vaste territoire à la
Ville de Paris, M. Yves Guyot démontrait
que la Ville ne perdrait pas à cette opéra-
tion et que l'Etat pourrait employer tout
ou partie de la somme de 80 millions à con-
struire des ouvrages de défense.
Et M. Martin Nadaud, lui aussi, commu-
niquait à ce moment-là, pour étayer le rai-
sonnement de M. Yves Guyot, la note sui-
vante d'un entrepreneur ;
« Les démolitions des fortifications don-
neraient 1,A59,260 mètres cubes de moel-
lons. En tenant compte du déchet, qui sera
de 30 0/0 environ, il reste un cube net de
1,02L,A82 mètres.
» Pour construire une maison de 10 mè-
tres carrés, soit 100 mètres de surface et
20 mètres de hauteur, comme le permet la
largeur d'un boulevard, nous estimons
qu'il faut 350 mètres de moellons.
» En employant de cette façon le cube
net donné plus haut, on arrive à construire
9,918 maisons de six étages et de dix mètres
de façade. »
Alors, dans l'esprit des conseillers muni-
cipaux qui signèrent le projet de délibéra-
tion de M. Yves Guyot, on eût construit
tout autour de Pans un boulevard de 60
mètres de largeur, au milieu duquel se se-
rait trouvé un vaste fossé séparant la ville
de la banlieue, et bordé, du côté de Paris,
de terrains qu'on aurait vendus à des parti-
culiers; et de l'autre côté - au-dejà du
fossé — d'habitations ouvrières bâties sur
un modèle uniforme.
Et le fossé lui-même jouait un rôle bien
déterminé dans toute cette combinaison.
remplaçant les fortifications détruites, il
servait de lieu de surveillance aux agents
de l'octroi, en attendant que l'octroi fût
lui-même supprimé.
Mais le projet de M. Yves Guyot sembla
chimérique et impossible à réaliser à la
majorité du conseil municipal, qui ne le
discuta même pas, comme il ne discuta pas
non plus la proposition subsidiaire, beau-
coup plus rationnelle, de M. Engelhard,
qui invitait le préfet de la Seine à négo-
cier avec l'Etat la suppression des fortifica-
tions de Paris entre le Point^duJour et
Clichy (sauf à construire un mur d'octroi
entre la Seine, au droit de l'Ue Robinson et
la porte de Saint-Ouen), afin que les ter-
rains ainsi obtenus fussent surbâtis autant
que possible par des immeubles accessibles
aux ouvriers.
Entrevue avec M. de Freycinet
C'est en somme l'idée de M. Engelhard,
développée à la salle Wagram par M. To-
lain, qui a été reprise hier par la députa-
tion daus l'entrevue qu'elle a eue avec M.
de Freycinet.
Le ministre de la guerre a accueilli favo-
rablement la demande de MM. Mesureur,
Jacques, Emile Ferry et Berger, et s'est dé-
claré personnellement partisan de la ré-
forme demandée.
Il a ajouté que, après avoir consulté plu-
sieurs membres autorisés à émettre un avis
sur cette question - de - suppression partielle
de l'enceinte, Il croyait que ce projet ne
rencontrerait pas d'opposition sérieuse.
Il a pris l'engagement de soumettre très
prochainement la question au conseil su-
périeur de la guerre. Dès que le conseil
aura statué favorablement, il prendra l'ini-
tiative du dépôt d'un projet de loi dans ce
sens. - :
II appartient donc au conseil supérieur
de la guerre de statuer sur cette grave ques-
tion; il a déjà rejeté, presqu'à l'unanimité
de ses membres, les combinaisons que nous
avons rappelées plus haut, dont l'une va
encore lui être soumise.
Il est probable qu'il ne se déjugera pas,
et que l'alexandrin connu :
Le mur murant Paris rend Paris murmurant.
sera, pour longtemps encore, le cri de
guerre de la Ligue pour la suppression de
la zone militaire.
LE TRAITÉ ANGLO-ALLEMAND
Les négociateurs décorés
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 27 juin.
L'empereur a conféré les insignes de
l'ordre de l'Aigle-Noir, le plus élevé de la
hiérarchie des ordres prussiens, au comte
Hatzfeldt, ambassadeur à Londres, pour la
part qu'il a prise à la convention anglo-al-
lemande.
Le chancelier de Caprivi avait déjà reçu
la même distinction à la même occasion.
Quant au ministre des affaires étrangères,
M. de àjarschall, le Moniteur de rEmvire
annonce qu'il est nommé conseiller intime
actuel avec le titre d'Excellence.
La côte de Zanzibar aux Allemands
On annonce que le sultan de Zanzibar
vient de donner son consentement à la
cession, aux Allemands, du littoral conti-
nental qui lui appartient.
Cette cession éventuelle, que l'Angleterre
se faisait fort d'obtenir de son protégé,
était prévue par le traité anglo-allemand.
Mais elle ne doit se faire que contre une
indemnité, dont le taux reste à régler.
Il est dit, en effet, dans le dernier para-
graphe du premier article du traité :
- « L'Angleterre usera de toute son in-
fluence sur le sultan de Zanzibar pour l'a-
mener à céder à l'Allemagne les parties de
la côte affermées par lui à la société alle-
mande de l'Est-Africain. Dans le cas où cela
se ferait, l'Allemagne assurera au sultan
une juste compensation pour les droits de
douane dont il serait désormais privé. »
Nul doute que ce transfert ne soit subor-
donné, comme le protectorat anglais sur
Zanzibar, à l'agrément de la France, en
vertu du traité de 1862, auquel l'Allema-
gne a adhéré en 1886.
L'AFFAIRE DE ZANZIBAR
Si nous eu croyons certains bruits, les
négociations entre les gouvernement fran-
çais et anglais au sujetde Zanzibar se pour-
suivent sans faire aucun progrès.
D'ailleurs, le marquis de Salisbury a ré-
pondu avec un sans-gêne extraordinaire
aux premières demandes d'explications qui
lui ont été adressées, et sur l'observation
à lui faite que l'accord intervenu entre la
Grande-Bretagne et l'Allemagne portait
atteinte à des traités solennels, revêtus de
la signature de la France.
Ces traités, il les ignorait, ou il les a ou-
bliés, notamment celui de 18Wi, que nous
avons publié. D'ailleurs, M. de Salisbury le
regrette profondément, la situation agquise
étant devenue définitive. ,
Or, sous l'un des derniers millfètères fran-
çais, le cabinet de Saint-James, toujours
présidé par lord Salisbury, aurait essayé
d'entamer des négociations au sujet de la
revision partielle de ces traités, jugés
trop favorables aux intérêts français.
A c moment, le quai d'Orsay se refusa à
laisser ouvrir un débat que lord Salisbury,
avec l'appui de l'Allemagne, vient de tran-
cher d'une façon radicale.
On ne se moque pas avec plus d'impu-
dence du droit des gens. Et M. Ribot hésite
de plus en plus sur la réponse à faire à
cette violation de la parole donnée.
L'INTERDICTION DU BÉTAIL SUISSE
EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 27 juin.
Le gouvernement italien a interdit l'en-
trée du bétail suisse en Italie, à partir d'au-
jourd'hui.
Le Conseil fédéral va prendre des repré-
sailles. On est très monté au palais fédéral
contre les façons d'agir de M. Cr:spi, qui ne
peut justifier en rien la mesure qu'il vient
de prendre, aucune maladie n'existant sur
le bétail suisse.
DÉPART DE GUILLAUME II
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 27 juin.
L'empereur Guillaume s'est embarqué à
Kiel à bord du cuirassé Kaiser, qui a pris la
mer ce soir à huit heures, accompagné du
yacht Ilohenzollern,de l'escadre d'évolutions,et
se dirigeant sur Elseneur où il arrivera de-
main soir.
LE REICHSTAG ET LE CHANCELIER
(D'UN CORRESPONDANT)
, Berlin, 27 juin.
Une soirée parlementaire, selon l'usage
établi par M. de Bismarck, a été donnée
hier soir chez M. de Caprivi. Le ministre
des affaires étrangères, M. de Marschall, et
tous lès ministres y ont assisté, ainsi que
les membres du Conseil fédéral et le
Reichstag presque au complet.
On a beaucoup remarqué le major
Wissmann qui, avec la permission de l'em-
pereur, portait le sabre d'honneur qui lui
a été donné par le précédent sultan de
Zanzibar.
Sur la proposition du chancelier, le
Reichstag a décidé, dans sa séance d'hierr
de s'ajourner du 2 juillet au 18 novembre.
FERDINAND DE BULGARIE
EN AUTRICHE
(D'UN CORRESPONDANT)
Sofia, 97 juin.
Le prince Ferdinand est parti pour Carls-
bad, en Bohême, où il passera quelques
jours.
Par une proclamation, il confie la ré-
gence au président du conseiL M. Stam-
bouloff.
CHRONIQUE
--
On s'occupe fort en ce mome'nt,dans les
journaux, de la recherche de la paternité.
M. Gustave Rivet a remis la question sur
le tapis, en déposant sur le bureau de la
Chambre un projet de loi, en vertu du-
quel cette recherche, interdite par notre
code civil, seraifrdésormais autorisée..
Il ne me paraît pas que ceux de nos
confrères qui ont traité la question se
soient plac& au vrai point de vue d'où
il faut la regarder. Tous, et même M.
Magnard hier matin au FigarojOnt l'air de
croire que la loi nouvelle est faite en fa-
veur de la. femme contre l'homme, que
l'amant et la maîtresse sont seuls en
cause.
"Nous souhaitons, dit M. Magnard.
que l'initiative de M. Rivet aboutisse et
que le capital de la femme, selon le mot
si profond et si pittoresque d'Alexandre
Dumas fils, trouve dans l'arsenal légis-
latif la même protection que les autres
capitaux.»
ca Eh bien ! si la loi sur la recherche de
la paternité ne visait que l'intérêt de la
femme, je le dis très nettement : je me
rangerais de l'avis de mon spirituel col-
laborateur Fouquier, qui, dans plu-
sieurs journaux et ici même, a montré
avec toutes sortes de grâces de langage
que, dans les affaires deaédllction,
l'homme est plus souvent séduit que la
femme. C'est le lapin qui commence.
On peut avancer sans crainte que, sauf
des*cas particuliers, où l'homme abuse de
son expérience ou de sa force pour trom-
per et mettre à mal une jeune fille inno-
cente, tous deux sont en présence égale-
ment armés pour la lutte. Si la femme
cède, c'est qu'elle le veut bien et la plu-
part du temps elle sait et a dit calculer
les suites de sa faiblesse. On ne lui vole
pas son capital ; elle le donne de son plein
gré.
- L'un et l'autre ont cherché la satisfac-
tion d'un désir ; ils l'ont trouvée ensem-
ble: ils sont à deux de jeu. Tantôt c'est
l'homme gui a conduit l'attaque J et tan-
tôt la femme; il importe.assez peu. La vé-
rité est que (sauf les cas de violence, bien
entendu) il y a eu de part et d'autre con-
sentement mutuel.
Le législateur n'a point à se mêler de
ces accidents. Ce sont des contrats parti-
culiers, que passent entre elles des per-
sonnes emportées par la passion ou par
l'intérêt. Dans ces contrats, qui sont de
leur nature même temporaires et sont
toujours révocables à la volonté des par-
ties, il y en a presque toujours une qui
est avantagée au détriment de l'autre.
Celle qui est lésée n'a qu'à s'en prendre à
elle-meme du dommage dont elle souffre.
La femme aura beau crier : « Le misé-
rable ! il m'a pris mon capital î m tout
le monde lui répondra : « Vous étiez
parfaitement libre de ne pas le laisser
prendre. Il ne fallait pas signer au con-
trat. »
Mais voici qu'un nouveau facteur in-
tervient dans la question :
L'enfant naît.
Il n'a pas demande à naître, lui ; il n'a
point donné son acquiescement au con-
trat à la suite duquel il est venu au
monde. Il y arrive avec des droits, qui se
résument tous dans un seul : le droit de
vivre. Ces droits, il est trop faible et trop
nu pour les faire valoir. C'est à la so-
ciété, à la communauté, qu'incombe na-
turellement le devoir de protéger ceux
de ses membres qui ne peuvent se défen-
dre eux-mêmes. C'est elle qui, de par
une loi primordiale, a la tutelle de tous
les orphelins et de tous les déshérités.
L'enfant dit, en son langage, à la com-
munauté :
Mon père et ma mère ne songeaient
pas, quand ils se sont unis, que je naî-
trais de leurs embrassements. Il est fort
probable que j'ai dérangé leurs calculs.
Mais ce n'est pas ma faute. Ils m'ont
donné la vie, sans y penser, sans y pren-
dre garde. C'est chose faite; je n'y puis
rien. Je leur ai créé à l'un et à l'autre des
devoirs dont ils ne sauraient s'affranchir.
Il faut, puisqu'ils m'ont jeté sur cette
terre, qu'ils me nourrissent, qu'ils m'é-
lèvent, qu'ils me mènent à l'âge d'hom- !
me. Ils avaient le droit de ne pas me
donner l'être ; ils n'ont pas celui de se
débarrasser de moi.
Voilà la vraie question et posée comme
il faut.
Il ne s'agit plus ici des revendications
de la femme contre l'homme, ou de
l'homme contre la femme. Comment les
choses en sont venues à ce point, nous
n'avons pas besoin de l'apprendre ni de
le savoir. Est-ce l'homme qui a séduit
une jeune fille innocente ; est-ce la ma-
drée jeune fille qui a fait tomber un im-
bécile dans ses rets? C'est là un débat
purement psychologique qui est très
oiseux.
Il y a un enfant, Voilà le fait. Cet en-
fant n'a pas été trouvé sous un chou. Il a
une mère et un père qui ont chacun con-
tribué à la faute de le mettre au monde.
C'est à cette mère et à ce père de l'aider à
vivre. La conséquence est invincible, et
si l'une des deux parties ou même toutes
les deux se dérobent à ce devoir la so-
ciété, qui est la tutrice naturelle de tous
les abandonnés, doit le leur rappeler, le
leur imposer.
Ne parlons donc point de la femme, ni
de son capital. Elle n'est pas en cause en
cette affaire. C'est de l'enfant que nous
parlons ; c'est le seul dont l'intérêt soit
évident et incontestable. C'est pour lui et
pour lui seul qu'est instituée la recherche
de la paternité.
On n'a point à rechercher la maternité,
par la raison fort simple que toujours
(sauf les cas d'abandon) la filiation du
côté de la mère est indéniable.
Il est bien plus facile au père de tirer
sa révérence et de dire ; « Moi, je n'y suis
Doux ricg., 4
Un père qui agit de la sorte manque-
t-ila son devoir? Lèse-t-il le droit de
vivre qu'apporte, en venant au monde,
l'enfant né de ses œuvres? Cela n'est pas
douteux. Eh bien, pourquoi la société, à
qtri inoombe-Je-devoir de poursuivre la
réparation des torts commis envers ses N
membres, serait-elle arrêtée de vaut celui-
là par la loi qui interdit la recherche de
la paternité ?
Là-dessus, on nous répond que si la
loi interdit cette recherche, c'est que
la recherche ne saurait aboutir qu'à
une présomption plus ou moins forte.
Eh! mon Dieu! tout ou presque tout
est présomption en ce monde. Il n'y a
rien de si rare que la certitude absolue.
C'est même parce qu'on n'est sûr de rien
qu'on a des juges ; une fois que les juges
ont prononcé, c'est une affaire faite : Res
dijudicatapro veritate habetur; et il n'y
a rien de si commode.
Ce sera donc aux juges à décider si
l'homme à qui la mère demande de sub-
venir aux besoins de l'enfant est bien son
père. On paraît craindre que les femmes
ne profitent de la liberté qui leur se-
rait accordée pour mettre leur enfant sur
le dos du premier venu, qui ne saurait
comment repousser cette prétention. Mais
on oublie que ce ne serait pas à l'homme
à prouver qu'il n'est point le père; une
négation ne se prouve pas. Ce serait à la
femme à faire la preuve de ce qu'elle
avance.
Cette préuve résulterait de l'ensemble
des faits, quand on ne la trouverait pas
dans des lettres ou des témoignages.
Voyons ! est-ce qu'il y a un de nous qui
n'ait pas connu dix faux ménages où les
pères sont parfaitement authentiques ?
La loi leur permet aujourd'hui, si la fem-
me ne leur plait plus, non seulement de
l'abandonner elle qui n'aurait pas à se
plaindre, puisqu'elle a consenti un con-
trat révocable, mais de planter là les en-
fants, qui n'ont rien consenti du tout. et
de dire : Moi, je ne suis pas le père 1 On
ne peut pas prouver que je sois le père!
Mais tout Je prouve ! Que de fois n'a-
vons-noua, pas lu, dans les comptes ren-
dus de la police correctionnelle, la s&-
monce adressée par le président à l'un de
ces misérables qui, voyant leur maîtresse
près de devenir mere, l'avaient lâchée, si
bien que la malheureuse avait tué de ses:
mains un enfant sans père :
- C'est vous, lui disait le magistrat,
c'est vous qui devriez être sur ce banc ! P.
Autant en emportait le vent ! L'homme
s'était retranché derrière là loi qui inter-
dit la recherche de là paternité; il se
.mequait bien de l'opinion du tribunal et
de , celle des honnêtes gens.
Il était le père avéré, il ne le niait
pas; mais la loi le protégeait. Il n'y a qu'à
se féliciter si la loi ne doit plus un jour
protéger son égoïsme.
— Vous avez un enfant, monsieur,
nourrissez-le ; je ne connais que cela.
— Mais je ne suis pas sûr qu'il soit bien
à moi. je ne sais pas.
—11 ne fallait pas vous mettre dans lecas
d'y être pour une oreille. Une autre fois;,
vous vous tiendrez sur vos gardes et tout
le monde y gagnera.
Francisque Sarcey.
LA JAMBE DE BOIS D'HARPAGON
{LETTRE DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, le 23 juin 1890
Un vrai Harpagon vient de mourir ces
jours-ci. Martinoff, propriétaire d'une belle
maison sur la rue Liteinaja et très riche,
vivait comme un pauvre diable et laissait
pour ainsi dire son fils mourir de faim. Il
avait l'habitude, avant de sortir, de s?atta-
cher une jambe en bois sous la jambe
droite.
Pendant la nuit, il mettait sa jambe en
bois sous son oreiller en l'attachant avec *
une longue courroie autour de son cou.
A sa mort, on ne trouva pas un sou ni sur
lui ni dans sa chambre.
Furieux, le fils prit la jambe en bois de
son père et la brisa. A sa grande surprise,
il vit alors qu'elle était creuse et contenait
des valeurs pour 300,000 roubles (environ
un million de francs).
Un fait analogue s'est passé à Moscou il
y a quelques années, où un avare usurier
du nom de Kartascheff, était littéralement
mort de faim, en laissant à ses héritiers
plus de vingt millions.
IiCet homme vivait avec cinq kopeks (deux
sous) par jour.
LA RÉVQLUTION AU SALVADOR
(D'UN CORRESPONDANT)
New-York, 27 juin.
Voici les derniers détails reçus concer-î
nant la révolution qui a éclaté au Salvador
et sur la mort du président Menendez, qui
n'a pas été empoisonné, comme la pre-
mière dépêche le faisait croire, mais a
perdu la vie dans une bagarre, d'une mar-
nière encore imparfaitement expliquée.
Au cours d'iiu bal donné à la résidence duL
président à l'occasion du cinquième anni-
versaire de la nomination du général Me-
nendez aux fonctions présidentielles, le gé-
néral Marcial pénétra dans le salle du bal
et annonça, au nom du général Ezeta, qui
arrivait de Sant'Anna à tête de six cents
hommes, qu'une révolte contre le gouver-
nement avait éclaté, et demanda en mê-
me temps la déposition du général Me-
nendez.
Le président, qui était indisposé et qui.
se trouvait à l'étage supérieur, manda au*
près de lui le général Marcial. 11 y eut una
altercation, en présence du président, en-
tre les généraux Marcial et Martinez, com-
mandant des troupes du gouvernement
dans la capitale, et le général Martinez tua
le général Marcial d'un coup de pistolet.
Les soldats du général Ezeta s'emparèrent
alors du général Martinez et occupèrent les.
casernes. Il y a eu vingt-trois morts.
casernes. Il y a eu vingez est mort d'un ac
Le président Menendez est mort d'un ac-,
cident au cœur dû à l'émotion (sic).
t Le gouvernement révolutionnaire formé
par le général Ezeta n'a pas duré. C'est
maintenant un M. Guirola qui dirige toutes
les branches del'administration.
[Le Salvador compte 665,000 habitants et un«
armée 4e ZÇW bqmnlegù.
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