Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-06-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 15 juin 1890 15 juin 1890
Description : 1890/06/15 (A19,N6726). 1890/06/15 (A19,N6726).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75602659
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — N° 6,'ô
CINO Centimes — paris et Départements — cmq Centimes
DIMANCHE 15 JUIN 1890
LE Xir SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
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A. - ÉDOUARD PORTALIS
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LES AGRICULTEURS
Dans l'article que j'ai consacré ici,
il y a quelques jours, à la lutte écono-
mique des campagnes et des villes, je
me suis volontairement tenu dans les
termes généraux de la question. Je me
suis borné à mettre en relief l'antago-
nisme déjà fort ancien qui existe dans
nos assemblées politiques entre les
représentants des campagnes et ceux
des villes, les premiers profitant de
leur supériorité numérique pour reje-
ter une portion sans cesse croissante
de leurs charges fiscales sur les habi-
tants des villes et les ouvriers des usi-
nes. J'ai montré, enfin, que la politique
financière des représentants des cam-
pagnes consiste depuis un siècle à di-
minuer l'impôt foncier sur la pro-
priété non bâtie, à le supprimer mê-
me, comme ils le demandent aujour-
d'hui, pour y substituer la contribu-
tion foncière sur les propriétés bâties
et les impôts indirects ou les droits de
douane et d'octroi sur les objets de
consommation.
Ce sont là des faits incontestables
et appuyés sur les documents les plus
authentiques. Mais, pour en avoir la
signification exacte, il faut les analy-
ser avec plus de soin que je n'ai pu le
faire dans mon précédent article.
Si, en effet, on se bornait à les en-
visager dans leur ensemble, on serait
tenté de croire que tous les habitants
des campagnes sans exception doivent
tirer un bénéfice réel des victoires
remportées par leurs représentants.
Cependant, c'est de tout autre façon
que les choses se présentent quand on
les examine de plus près.
On ne tarde pas alors à s'apercevoir
que les dépouilles des vaincus sont le
butin d'un très petit nombre de grands
propriétaires, les ouvriers agricoles et
les petits propriétaires étant, au mê-
me degré que les ouvriers des villes,
les victimes d'une lutte dont ils se se-
raient depuis longtemps désintéressés
S'ils avaient pu se rendre compte de
ses résultats. La démonstration du fait
est facile à faire.
, Il existe en France dix-huit millions
environ d'individus de tout âge et de
tout sexe vivant du travail de la terre.
C'est à peu près la moitié de la popu-
lation totale de notre pays. Sur ce
nombre, les statistiques indiquent en-
viron quatre millions et demi de pro-
priétaires du sol agricole, petits ou
grands, plus d'un million de fermiers,
métayers ou colons non propriétaires
cultivant eux-mêmes le sol, et à peu
près trois millions et demi de sala-
riés.
il est évident d'abord que les trois
millions et demi de salariés des cam-
pagnes sont tout à fait assimilables
aux ouvriers des villes et des usines.
Comme eux, ils n'ont rien à gagner
dans une diminution de l'impôt direct
sur la propriété non bâtie, et ils ont
tout à perdre de l'augmentation des
impôts de consommation et même de
celle de la contribution sur les pro-
priétés bâties, car ils sont locataires
et ils achètent tout ce qu'ils consom-
ment.
La plupart des colons, métayers et
fermiers qui cultivent le sol par eux-
mêmes sans être propriétaires ont
des intérêts analogues. Ils ne dispo-
sent généralement que d'une étendue
de terres réduite et sont obligés d'a-
cheter une partie des objets nécessai-
res à leur alimentation, tels que le
vin, la bière, l'alcool, etc.; ils sont
par conséquent plus intéressés à la
diminution des impôts indirects qu'à
celle de l'impôt sur la propriété non
bâtie, qu'ils ne possèdent pas, et ils
verraient augmenter leurs charges si
l'on remplaçait ce dernier impôt par
des taxes nouvelles sur la propriété
bâtie.
Il reste à examiner le sort des qua-
tre millions et demi de propriétaires
du sol agricole. Ceux-ci sont loin
d'avoir tous les mêmes intérêts.
Il y en a d'abord près d'un million
et demi qui possèdent moins d'un hec-
tare de terre et qui paient moins de
cinq francs de contribution foncière
en principal et centimes additionnels.
Tous ces propriétaires minuscules sont
obligés de travailler pour les autres
et d'acheter la majeure partie de ce
dont ils ont besoin. Que gagneraient-
ils à la suppression de l'impôt sur la
propriété non bâtie ?
Un autre million de propriétaires
ne possèdent pas plus d'un à deux
hectares; un troisième million pos-
sèdent de deux à cinq hectares.
Tous ces petits propriétaires ne
paient généralement qu'un impôt mi-
nime sur la propriété non bâtie, et ils
ont un avantage manifeste à ne pas
voir transformer cet impôt soit en une
contribution sur la propriété bâtie,
soit en impôts de consommation.
Voilà donc trois millions et demi de
petits propriétaires cultivateurs dont
les intérêts ne différent pas sensible-
ment as o&a de môm asasolsi
non propriétaires et des ouvriers des
villes.
Le quatrième million de propriétai-
res agricoles comprend en majeure
partie des individus vivant à la ville
et faisant travailler leurs terres par
des fermiers. Parmi eux, cinq cent
mille environ n'ont que des proprié-
tés de moyenne étendue; cinq cent
mille autres se partagent, d'après les
statistiques, environ trente-deux mil-
lions d'hectares sur les cinquante
dont le compose le sol agricole imposé
de la France.
La totalité de l'impôt foncier sur la
propriété non bâtie est aujourd'hui en
principal de 118 millions. Cela fait,
pour les 50 millions d'hectares des ter-
res imposées, une moyenne de â fr. 30
par hectare, en supposant que toutes
les terres soient imposées également.
Si donc on supprimait totalement le
principal de l'impôt, les quatre mil-
lions de propriétaires moyens et pe-
tits, qui possèdent 18 millions d'hecta-
res, ne bénéficieraient ensemble que de
quarante-deux millions et demi de
francs.
La différence entre cette somme et
la totalité du principal de l'impôt,
c'est-à-dire 75 millions et demi de
francs, formerait le bénéfice des cinq
cent mille gros propriétaires qui pos-
sèdent 3n millions d'hectares sur 50.
Mais, en revanche, les 118 millions
d'impôts nouveaux prélevés sur la
propriété bâtie ou sur les objets de
consommation pèseraient presque uni-
quement sur les quatre millions de
propriétaires gros et petits et sur les
autres habitants des campagnes qui
ne possèdent aucune parcelle du sol.
Conclusion : quand les représen-
tants officiels des campagnes deman-
dent la suppression de l'impôt foncier
sur les propriétés non bâties et son
remplacement soit par une augmen-
tation de la contribution sur la pro-
priété bâtie, soit par une augmenta-
tion dès impôts indirects, c'est exclu-
sivement au profit des grands proprié-
taires qu'ils travaillent.
Il est bon que les intéressés le sa-
chent. Il faut qu'ils aient sans cesse
présent à la mémoire que, dans cette
affaire, il y a cinq cent mille dupeurs
et dix-sept millions cinq cent mille
dupés.
J.-L. de Lanessan.
-
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
« Chronique », par M. Paul Ginisty.
L'ÉLECTION DE LA SOMME
Une élection sénatoriale doit avoir lieu
dimanche dans la Somme.
Deux candidats sont en présence : un ré-
publicain de nuance très modérée, M. Ja-
metel, et un ancien député, M. Cadot, qui,
après avoir été boulangiste jusqu'à la der-
nière heure, est aujourd'hui soutenu par
tous les ennemis de la République.
Entre ces deux candidats, le Journal des
Débats et la prétendue « Union libérale »
n'hésitent pas. Ils font dans la Somme ce
qu'ils ont fait à Gien : ils prennent ardem-
ment parti pour le candidat des réaction-
naires contre le candidat républicain.
Il faut espérer que les électeurs n'hésite-
ront pas non plus, et qu'ils enverront di-
manche au Sénat le candidat franchement
républicain, de préférence au candidat
qui, comme le disait très justement hier
soir M. Rane dans le Paris, accepte bien la
République, mais une République ouverte
aux ennemis de la République et fermée
aux républicains.
LES DÉTOURNEMENTS
DE SAINT-ÉTIENNE
(DS NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
.- Saint-Etienne, 13 juin.
Les deux articles que vous avez consa-
crés aux détournements commis à la ma-
nufacture d'armes ont produit une vive
émotion à Saint-Etienne, surtout parmi les
ouvriers de la manufacture.
Ce matin, Charles Alexis, auteur des pre-
mières révélations, s'est rendu au parquet,
où il a eu une entrevue avec M. Vallet,
substitut du procureur de la République.
Ce magistrat lui a déclaré qu'il était déjà
au courant du scandale qui venait d'être
dévoilé et qu'une enquête allait être com-
mencée.
D'un autre côté, je suis allé prendre des
renseignements sur cette grave affaire. Je
me suis rendu route de Roanne, dans un
café où les employés de la comptabilité au-
raient, dans une conversation animée,
après boire, tenu divers propos sur les ir-
régularités qui se passent journellement
dans leur service.
En outre, le père du nommé B., ex-em-
ployé à la manufacture, aujourd'hui soldat
dans une garnison du Midi, m'a montré
une lettre de son fils qui confirme les dires
de Charles-Alexis sur la valeur morale du
chef de la comptabilité et sur ses tripo-
tages. Dans cette lettre, je relève le passage
suivant :
« Le plus souvent, dans les inventaires
partiels que j'étais obligé de faire, il me
fallait balancer les comptes, c'est-à-dire
augmenter ou diminuer une entrée ou une
sortie, suivant le cas, afin de mettre l'arti-
cle à jour. »
On est fort étonné ici que, dans l'enquête
qui a dû être faite par l'administration mi.
litaire, ce jeune homme n'ait pas été
entendu.
UN SÉNATEUR BANQUEROUTIER
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 13 juin.
On télégraphie de Trani que l'ex-sénateur
marquis Diana a demandé au tribunal de Bari
la convocation de ses créanciers en vue d'ob-
tenir un concordat.
il offre M) 0/0, moitié comptant, moitié
dans une année, le tout garanti par les im-
meubles de sa famille.
Le marquis Diana, malgré toutes ses démar-
ches, çgt fflaiateau ça état tf'arresta-
LES -.
DROITS DE MUTATION
Et les congrégations religieuses
UN AMENDEMENT DE M. BRISSON
C'est vraiment une question intéressante
que celle que vient de soulever M. Henri
Brisson, sous forme d'amendement au
budget.
On sait qu'il s'agit des droits de muta-
tion auxquels sont assujetties les con-
grégations religieuses depuis 1885, et que
celles-ci n'ont pas payés jusqu'ici.
Comment et pourquoi?. C'est justement
ce qu'il est curieux de connaître.
L affaire remonte à 1880. On voit qu'elle
n'est pas nouvelle.
M. Brisson, alors président de la com-
mission du budget, présenta, au cours de la
discussion de la loi de finances de 1881, un
amendement sur la situation faite aux con-
grégations religieuses..
Cet amendement contenait tout à la fois
des dispositions de droit civil et de droit
fiscal.
De celles qui concernent le droit civil il
n'y a rien à dire, puisqu'elles ont été jus-
qu'à présent laissées de côté. Mais il n'en
est pas de même de celles qui concernent
le fisc.
A la suite d'un long débat, au cours du-
quel M. Brisson prononça un éloquent dis-
cours, la Chambre décida que le Trésor
percevrait à l'avenir l'équivalent des droits
de mutation dont le prive l'immobilisatton
infinie des biens possédés par les congré-
gations religieuses.
Explication utile
Ceci mérite une explication, car rien
n'est plus compliqué que ces questions
d'enregistrement.
Il s'agit : 1^ des droits de transmission
entre-vifs, entre personnes non parentes,
et 2° des droits de mutation par décès en-
tre personnes non parentes, auxquelles les
congrégations religieuses autorisées ou
non autorisées échappaient. Elles échap-
paient aux premiers, sous prétexte qu'elles
constituaient de simples associations de
personnes. Mais il n'était pas> difficile d'é-
tablir le vide de cet argument, car les sta-
tuts de la plupart d'entre elles établissaient
qu'elles pouvaient s'adjoindre indéfini-
ment des membres et édictaient que « la
retraite obligée de l'un ou de plusieurs
des associés ne pouvait entraîner la dis-
solution ni la retraite de la société ».
Elles échappaient aux seconds sous pré-
texte qu'elles constituaient par elles-mêmes
« une personne », et que, par conséquent,
elle n'héritaient pas de l'apport fait à la
communauté par chacun de ses membres
venant à mourir. Le raisonnement est, on
le voit, par trop subtil pour pouvoir sou-
tenir une minute la discussion.
La Chambre astreignit, donc les congréga-
nistes aux mêmes droits de transmission
entre-vifs et de mutation après décès que
les simples particuliers, et c'était jus-
tice.
,- Mais le Sénat substitua un nouveau texte
à la loi votée par la Chambre. Dans ce texte,
il n'était plus question « de congrégations »,
mais seulement de « sociétés », et cela d'une
façon si confuse, si embrouillée, que l'ad-
ministration se trouva complètement dé-
sarmée pour résister aux fraudes et aux
dissimulations accumulées par les congré-
gations..
L'article additionnel de M. Roche
La loi resta donc sans effet, lorsqu'en
.188.4 M. Jules Roche, rapporteur général
du budget, parvînt à faire insérer dans la
loi de finances de 1885 un article qui n'était
en réalité que le retour à l'amendement de
M. Brisson, et qui était ainsi conçu : -
« Les impôts établis par les articles 3 et
h de la loi de finances du 28 décembre 1880
seront payés par toutes les congrégations,
communautés et associations religieuses
autorisées ou non autorisées, et par toutes
les sociétés ou associations désignées dans
cette loi, dont l'objet n'est pas de distri-
buer leurs produits en tout ou en partie
entre leurs membres. »
Il n'y avait plus d'équivoque possible.
Comme bien on pense, les congrégations
religieuses se souciaient fort peu de payer
les impôts auxquels elles étaient soumises
comme tout le monde.
La justice lente
Elles cherchèrent aussitôt le moyen de
reculer le plus possible l'échéance, et elles
firent montre en cette occasion d'une habi-
leté qu'on aurait tort de méconnaître, puis-
qu'elles réussirent jusqu'ici à ne payer
aucun droit.
- Elles portèrent le débat devant les tribu-
naux et parvinrent à résister aux con-
traintes de l'enregistrement.
La justice est si rapide en France, que
c'est seulement deux ans après, le 18 mars
1887, qu'un jugement du tribunal de la
Seine était rendu et les déboutait de leur
demande.
Comme il n'y a pas d'appel en matière
d'enregistrement, — sans cela où en se-
rions-nous, grand "Dieu ! — les congréga-
tions durent immédiatement saisir la cour
de cassation de cette question.
Celle-ci mit plus de temps encore que le
tribunal à examiner le litige, et c'est seu-
lement le 27 novembre dernier que la cour
de cassation a rendu un arrêt qui met dé-
finitivement fin à la résistance des congré-
gations.
Ce qui est dû au Trésor
M. Rouvier a porté, naturellement, au
budget de 1891 les sommes qui doivent
rentrer de ce chef au Trésor, et il évalue
les droits de transmission entre-vifs à
200,000 fr. et ceux de mutation par décès
à 2,800,000, soit au total, trois millions.
C'est fort bien;mais les sommes dûes pour
les exercices précédent ?. Ne les percevra-
t-on pas?. Il ne s'agit de rien moins ce-
pendant que de 15 millions environ.
Telle est,à vrai dire,la question posée par
l'amendement de M. Brisson.
La loi qui astreint les associations reli-
gieuses à ces droits d'enregistrement date
de 1885, bien qu'en réalité elle remonte à
1881; mais d'après le projet de budget deM.
Rouvier, la loi ne pourra évidemment com-
mencer à avoir son effet qu'en 1891.
Et c'est pourquoi M. Brisson, — les con-
gréganistes ayant perdu leur procès et de-
vant, par suite, au Trésor les sommes qu'ils
auraient dû lui verser depuis six ans, — a
déposé l'amendement en question.
LA JOURNÉE DE TRAVAIL
La commission du travail a adopté le
questionnaire suivant :
A quelle industrie ou à quel travail êtes-
vous occupé? Votre travail est-il payé à la
journée, a l'heure, aux pièces ? Combien de
UfiiflWë. travaillea-vous uar jtQur? A flWfiUç
heure commence et à quelle heure finit
votre travail? Combien, dans la journée,
avez-vous de temps de reposç quelle en est
la durée? Avez-vous chaque semaine un
jour de repos complet? Demandez-vous que
la durée de la journée de travail soit fixée
par la loi? A quel nombre d'heures dési-
rez-vous qu'elle soit limitée ? Doit-on in-
terdire les heures dites supplémentaires ?
Si elles sont maintenues, doit-on en limi-
ter le nombre? Combien gagnez-vous par
jour?
A quel prix sont payées les heures sup-
plémentaires ? Votresalaire vous est-il payé
a la semaine, à la quinzaine ou au mois? Y
a-t-il dans votre industrie des mortes sai-
sons, quelle en est la duré ? Y a-t-il beau-
coup d'ouvriers étrangers employés dans
votre industrie? Reçoivent-ils les mêmes
salaires que vous ? Pensez-vous qu'une di-
minution dans les jours de travail pourrait
avoir pour conséquence une diminution
dans la production.
Le ministre a annoncé à la commission
qu'il adresserait à tous les corps consti-
tués, comme cela lui a été demandé, une
circulaire pour les prier de lui fournir leur
avis.
CE QUE RAPPORTE UNE CONFÉRENCE
Stanley et Mackenzie en tournée
{DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 13 juin.
M. Stanley a pris des arrangements pour
une grande tournée en Amérique, où il se
rendra aussitôt après la cérémonie de sa
réception de docteur en droit de l'Univer-
sité de Cambridge, qui est fixée au 25 oc-
tobre.
Le célèbre explorateur s'est engagé à
donner aux Etats-Unis cinquante confé-
rences, dont la première, qu'il donnera
dès les premiers jours de son arrivée, aura
lieu à New-York le 11 novembre et lui
sera payée 125,000 francs. Ses honoraires,
pour chacune des quarante-neuf autres
conférences sont fixés à 5,000 francs.
L'entrepreneur de cette tournée de pu-
blicité, qui s'appelle le « major » Pond, a
aussi engagé pour l'Amérique un autre per-
sonnage comme conférencier pour une
autre tournée. Le docteur Morell Macken-
zie, qui a soigné, comme on sait, le cancer
de Frédéric III, s'est engagé à donner vingt
conférences à 100 livres sterling (2,500 fr.)
pièce. Il commencera par Toronto, au Ca-
nada, dans le mois d'octobre prochain.
ATTAQUER M. PASTEUR!
Un procès extraordinaire. — Le vaccin.
— Bétail perdu et propriétaires
- condamnés.
Ion nous écrit de Saint-Pétersbourg :}
D'Odessa on me communique un fait ex-
traordinaire.
Il existe dans cette ville un institut bac-
tériologique érigé et entretenu par les soins
-de la ville. Le chef de cet institut est le doc-
teur Bardach, élève de Pasteur, qui sur-
veille la vaccination des bêtes contre le
charbon et contre la peste sibérienne, d'a-
près la méthode Pasteur.
Le gouvernement impérial russe a fait
même envoyer des circulaires à tous les
propriétaires fonciers du Midi de la Russie
les invitant à faire vacciner leur bétail. Les
frères Pankvatjeff, deux millionnaires, ont
laissé l'autre jour venir le docteur Bar-
dach dans leurs propriétés pour vacciner
leurs bêtes.
Mais le docteur s'est trompé de virus de
vaccin, et en deux jours moururent
3,552 moutons, 1,200 bêtes à cornes et quel-
ques centaines de chevaux. Les proprié-
taires ont porté plainte contre l'institut
bactériologique, c'est-à-dire contre la ville
d'Odessa et ont demandé des dommages-
intérêts.
Le procès vient d'être jugé ces jours-ci.
L'avocat de la ville représenta les frères
Panvatjeff comme des gens qui ne com-
prennent rien à la science et ne savent pas
l'estimer, « des gens qui osènt attaquer le
grand et célèbre savant Pasteur ». Bref, il
plaida si bien que non seulement les frères
Pankvatjeff furent déboutés de leur plainte,
mais le tribunal les condamna solidaire-
ment à une amende de 1,117 roubles
(3,500 fr.) et aux frais du procès pour leur
apprendre à mieux estimer la science!
LE PARLEMENT PRUSSIEN
Clôture de la session
(P'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 13 juin.
Les deux chambres de la Diète de Prusse
se sont réunies cette après-midi à 3 heures,
dans la salle des séances de la Chambre des
députés.
M. de Boetticher, secrétaire d'Etat, a lu
un message royal prononçant la clôture de
la session.
Le duc de Ratibor, président de la Cham-
bre des seigneurs, a levé la séance en adres-
sant trois vivats à l'empereur et roi.
LES SENTENCES CRIMINELLES
M. Boysset a saisi, il y a quelques semai-
nes, la Chambre d'une proposition à la-
quelle l'affaire Borras donne un caractère
d'actualité tout particulier.
Il s'agit de modifier la législation de la
revision des sentences criminelles.
Aux termes de cette proposition, la revi-
sion sera admise contre une sentence cor-
rectionnelle ou criminelle, dans les deux
cas suivants :
1° Si l'auteur signalé d'un crime ou d'un
délit pour lequel a été prononcée une
première condamnation ne peut plus être
poursuivi, par suite de décès, de prescrip-
tion, d'irresponsabilité pénale ou d'excusa-
bilité.
2° Si, dans les mêmes circonstances et
par les mêmes motifs, un témoin sur la
fausse déposition duquel la condamnation
s'est produite ne peut être poursuivi.
LES INÉLIGIBILITÉS
La commission chargée d'examiner les pro-
positions de loi relatives aux inéligibilités a
décidé que les militaires en activité de service
sont absolument inéligibles aux fonctions de
conseiller général ou de conseiller d'arron-
dissement. Sont également inéligibles à ces
fonctions: les juges de paix dans leur canton,
les magistrats dans toute l'étendue de l'arron-
dissement du tribunal auquel ils appartien-
nent, et les conseillers dans toute l'étendue
du ressort de - ta c«ur d'appçl qt i" ls fQ!
partie -
CHRONIQUE
Il parait que M. le préfet de police vient
de prendre un arrêté en vertu duquel la
circulation des vélocipèdes, — tricycles,
bicyles et bicyclettes, — est interdite sur
un certain nombre de rues, boulevards et
avenues, la rue de Rivoli, par exemple,
et l'avenue des Champs-Elysées. Il y a
d'autres rues où les velocemen ne pou-
vaient déjà point passer : je les défie
bien, par exemple, de se promener rue
de Douai, où le pavage est déplorable.
Quelques-unes des rues qui avoisinent le
parc Monceau, la rue Alfred-de-Vigny,
entre autres, secouent si bien les malheu-
reux qui s'y hasardent en voiture, que
jamais un tricycliste, à plus forte raison
un bicycliste, n'osera s'y hasarder. Et,
entre parenthèses, est-ce que ce n'est pas
une honte pour une ville comme Paris
que, dans les plus beaux quartiers, se
trouvant des rues d'un pavage si inégal
et si cahoteux, qu'une sous-préfecture en
rougirait ?
J'imagine que M. Lozé ne connaît per-
sonne rue Alfred-de-Vigny. S'il y passait
une seule fois dans sa voiture, il se plain-
drait à l'administration municipale.
Après cela, peut-être est-ce l'affaire du
préfet de la Seine plus encore que du
préfet de police ? Et puisque le hasard
m'a amené à parler du parc Monceau,
M. Lozé ne pourrait-il y envoyer quelques
agents? On se plaint que ce jardin, qui
est un des plus beaux de Paris, un de ceux
où l'on voit flotter le plus de rubans sur
les épaules des nourrices qui viennent y
promener les bébés, soit infesté de gens
qui inspirent des inquiétudes à cette ai-
mable clientèle. Je n'insiste pas, ne sa-
chant pas les faits par moi-même. Mais il
sera facile à M. le préfet de police de s'as-
surer si ces doléances, que je recueille
dans ma correspondance quotidienne,
sont exactes, et s'il est possible d'y faire
droit.
Je sais par expérience qu'un adminis-
trateur ne fait pas tout ce qu'il veut dans
cet ordre d'idées. Je me souviens d'une
pétition que les habitants du quartier du
Louvre envoyèrent au préfet de police.
Les jardins qui entourent le Louvre, et
qui sont si commodes aux mères des en-
virons, étaient en proie à d'ignobles pouil-
leux, qui s'affalaient en loques sur les
bancs et qui insultaient de mots ordu-
riers les oreilles des femmes. Je me fis l'é-
cho de ces réclamations. Le préfet donna
des ordres.Mais,que pouvait-il ? Comment
empêcher un citoyen, fût-il le plus mal
mis du monde, de s'installer sur un banc
et d'y éplucher sa chevelure au grand
jour? On fit, je crois, une ou deux rafles,
et les choses reprirent leur train accou-
tumé. Il en sera de même au parc Mon-
ceau.
Je disais à l'une des personnes qui se
sont adressées à moi :
— Savez-vous ce que vous devriez
faire, au lieu de tendre les bras à M. Lo-
zé, qui ne peut pas grand'chose pour
vous? Vous devriez constituer un syndi-
cat de mères de famille et payer, à frais
communs, une demi-douzaine d'agents
qui, sans titre ni mandat officiels, se-
raient chargés de maintenir au parc Mon-
ceau l'observance des bonnes mœurs. Ils
dresseraient des procès-verbaux qui n'au-
raient, il est vrai, aucun caractère juridi-
que, mais qui permettraient aux délé-
gués de votre syndicat de poursuivre de-
vant les tribunaux les polissons qui se
font un jeu de rendre ce jardin inha-
bitable aux honnêtes gens. Quand il y
aurait eu deux ou trois de ces voyous
condamnés, ils chercheraient un autre
théâtre pour leurs exploits.
Et 'ajoutais :
EtCj'est ainsi que nous avons eu, grâce
«
à l'initiative de M. Gérôme, raison des
saltimbanques qui empoisonnaient deux
fois par an, et pendant trois semaines
chaque fois, le boulevard des Batignolles
et le boulevard de Clichy.Nous avions fa-
tigué de nos pétitions les autorités compé-
-tentes; autant en emportait le vent! Gé-
jôme nous a constitués en syndicat.
Quand nous avons eu de l'argent en cais-
se, nous avons, à frais communs, intenté
un procès à je ne sais quel impresario
de manège de chevaux de bois, sous le
prétexte qu'il empêchait, jusqu'à minuit
passé, les voisins de dormir. Nous avons
demandé un franc de dommages-intérêts;
il ne s'agissait que de vider la question
de droit. Ce procès, nous l'avons gagné
en première instance, puis en appel.
Nous étions dès lors maîtres de la situa-
tion.
Tout locataire d'une maison dont les
fenêtre donnaient sur une de ces bara-
ques de la foire n'avait qu'à prévenir no-
tre syndicat. Il intentait le procès avec
notre argent ; il le gagnait haut la main,
le premier jugement ayant fait jurispru-
dence. Au lieu d'un franc, il nous était
loisible de demander une somme propor-
tionnelle au dérangement et à l'ennui
causés. Force fut aux saltimbanques de
composer avec nous. On s'est entendu;
chacun y a mis du sien ; nous n'aurons
la foire qu'à des intervalles assez éloignés
et durant quinze jours au plus.
Il ne me semble pas que le préfet de
police ait été bien inspiré en légiférant
contre les velocemen. Les velocemen, ou,
si vous préférez un mot de pure termi-
naison française, les vélocipédistes, se
peuvent diviser en deux grandes classes :
les uns, pour qui le vélocipède (bicycle
ou tricycle) est le principal outil de leur
profession ; les autres, pour qui ce n'est
qu'un engin de sport.
Les premiers méritent qu'on s'inté-
resse à eux et qu'on ne les tracasse pas.
Ce sont les gens qui font métier de por-
ter des dépêches; ils savent très bien le
maniement de leur monture. Ils la gou-
vernent aussi sûrement, plus sûrement
même Si ÉPM lSB Sfe"
val*
.--- Il n'y a pas de raisons pour leur in-
terdire une voie plutôt qu'une autre,
sauf, bien entendu, les jours où la circu-
lation n'est pas permise pour cause de
fêtes ou de troubles. On trace aux voitu-
res un autre itinéraire ; il est tout naturel
qu'on écarte de même les tricycles et les
bicycles.
Mais en temps ordinaire, le tricycle,
quand il est monté par un cavalier ex-
pert, est moins dangereux que n'importe
quelle voiture,dont le cheval peut toujours
s'emporter et prendre le mors aux dents.
Le tricycle, qui n'occupe sur la chaussée
qu'une très petite place, file rapide à tra-
vers les obstacles; il est pourvu d'un
frein qui lui permet de s'arrêter pres-
que instantanément, ou de ralentir sa
course, s'il prévoit quelque danger.
Il s'est produit des accidents. Mon Dieu,
sans doute. Mais ces accidents sont fort
rares. Si l'on faisait le compte des pau-
vres diables écrasés par des voitures et
des malheureux renversés par des tri-
cycles, on verrait que le tricycle est infi..
niment plus inoffensif que la voiture.
Notez que, en cas d'accident, la voiture
qui le cause s'en tire presque toujours,
ainsi que le cocher. Dans les accidents de
vélocipède, c'est toujours le veloceman
qui écope. Qu'il se soit heurté à une voi-
ture ou bien à un passant, il est le pre-
mier désarçonné et roule à terre. Heu-
reux s'il ne se casse pas les osl On peut
donc compter qu'il fera grande attention
et ne poussera pas sa bête avec l'insou-
ciance du cocher d'omnibus, qui écraSé
le passant sans douleur, et à qui même
il n'en coûte rien pour le faire, car il est
assuré.
Reste la seconde catégorie des veloce-
men.
Ceux-là, quelque nombreux qu'ils
puissent etre, ne donnent jamais que
quelques heures par semaine à ce diver-
tissement, et ils choisissent toujours leur
terrain de manœuvre dans les parties de
la ville où il n'y a nul péril à craindre.
M. le préfet de police peut être bien tran-
quille. Nous n'en voyons pas rue de Douai,
parce qu'ils y seraient secoués comme un
sac de noix. On les voit évoluer sur les
boulevards extérieurs, et surtout sur les
vastes places, où ils ont tout l'espace né:
cessaire pour leurs jeux.
Il peut se faire néanmoins qu'il y en
ait qui se cassent un bras, une jambe ou
même le cou ; il peut se faire qu'il y en
ait encore qui effraient un cheval en pas-,
sant devant lui, que le cheval s'emballe
et cause un malheur. Où est le sport qui
aille sans accidents ? S'il fallait interdira
tout jeu qui a des risques, nos écoliers us
joueraient plus à la barette.
M. Lozé peut, sans inconvénient, lever
des interdictions qui n'ont pas de raison
d'être. Ces interditions ont ce mauvais
côté qu'elles donnent lieu à des répres-
sions peu intelligentes. On assure que les
agents, quand ils voient un tricycle lancé
à fond de train, s'arrangent pour le bous-
culer sournoisement, au risque de ce qui
pourra en arriver. Le velocemen qui a
roulé à terre se relève pour injurier l'a-
gent, et il aggrave son cas.
A quoi bon taquiner d'honnêtes gens
qui ne pensent point à mal et qui n'en
font pas? -
Francisque Sarcey.
LES PREMIÈRES
Une bataille au Théâtre-Libre
Je sors du Théâtre-Libre à une heure
du matin. On vient d'y jouer Myrane,
une pièce de M. E. Bergerat qui a passé
sans encombre et qui ne peut amener
qu'une discussion purement littéraire.
Mais, en même temps, on a donné un
acte de MM. L. Descaves et Darien, les
Chaponsy qui a soulevé une tempête. Le
scandale a été épouvantable. L'acte ra-
conte la conduite abominable de deux
bourgeois pendant l'occupation alle
mande à Versailles.
Je suis convaincu qu'entre le publie
et les auteurs — double faute, à mon
sens, non pas anti-patriotique, mais une
faute d'art — il y a eu un malentendu.
Mais ceci est délicat et un peu long à
expliquer. Et comme il s'agit d'un
théâtre où les premières n'ont pas de
lendemain, je crois qu'il est mieux da
remettre a demain l'étude difficile de
cette soirée, qu'il fallait d'abord signa-
1er et qui mérite qu'on y revienne Ion.
guement. -
H. F.
UNE EXPLOSION
A L'ARSENAL DE SPANDAU
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 13 juin.
Une explosion s'est produite dans le sé
choir de la nouvelle fabrique de poudre de
Spandau, qui contenait 26 barils. Le séchoir
a été complètement détruit. Un grand nom-
bre d'autres bâtiments ont été fortement
endommagés. Les fenêtres de beaucoup de
maisons sont brisées.
Plusieurs ouvriers ont été blessés légère-
ment par les débris projetés de tous les cô«
tés par l'explosion.
LE TRAITÉ SUISSE-ALLEMAND
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 13 juin.
Le Reichstag a adopté le traité d'établisse-
ment avec la Suisse, à l'unanimité, en pre-
mière et deuxième lecture.
Le baron de Marschall, secrétaire d'Etat
pour les affaires étrangères, a déclaré que
l'Allemagne n'avait jamais eu l'intention de
violenter la Suisse en dénonçant l'ancien.
traité.
LA TAXE SUR LES ÉTRANGERS ;
M. Ribot, ministre des affaires étrangères, a
déclaré hier à la commission qui examine les
diverses propositions tendant à établir une
taxe sur les étrangers, que, au point de vue
extérieur, on se heurterait à certaines diffi-j
cultés en frappant les étrangers d'une taxe,
contrairement aux traités d'établissement que
nous avQas gonnlUS ,JJJ.Qlt, 4 ver~S ()
-- ,
CINO Centimes — paris et Départements — cmq Centimes
DIMANCHE 15 JUIN 1890
LE Xir SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
IL ai a y Rue 3VLon.tmflLPtre
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DIRECTEUR POLiTIQUE
A. - ÉDOUARD PORTALIS
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LES AGRICULTEURS
Dans l'article que j'ai consacré ici,
il y a quelques jours, à la lutte écono-
mique des campagnes et des villes, je
me suis volontairement tenu dans les
termes généraux de la question. Je me
suis borné à mettre en relief l'antago-
nisme déjà fort ancien qui existe dans
nos assemblées politiques entre les
représentants des campagnes et ceux
des villes, les premiers profitant de
leur supériorité numérique pour reje-
ter une portion sans cesse croissante
de leurs charges fiscales sur les habi-
tants des villes et les ouvriers des usi-
nes. J'ai montré, enfin, que la politique
financière des représentants des cam-
pagnes consiste depuis un siècle à di-
minuer l'impôt foncier sur la pro-
priété non bâtie, à le supprimer mê-
me, comme ils le demandent aujour-
d'hui, pour y substituer la contribu-
tion foncière sur les propriétés bâties
et les impôts indirects ou les droits de
douane et d'octroi sur les objets de
consommation.
Ce sont là des faits incontestables
et appuyés sur les documents les plus
authentiques. Mais, pour en avoir la
signification exacte, il faut les analy-
ser avec plus de soin que je n'ai pu le
faire dans mon précédent article.
Si, en effet, on se bornait à les en-
visager dans leur ensemble, on serait
tenté de croire que tous les habitants
des campagnes sans exception doivent
tirer un bénéfice réel des victoires
remportées par leurs représentants.
Cependant, c'est de tout autre façon
que les choses se présentent quand on
les examine de plus près.
On ne tarde pas alors à s'apercevoir
que les dépouilles des vaincus sont le
butin d'un très petit nombre de grands
propriétaires, les ouvriers agricoles et
les petits propriétaires étant, au mê-
me degré que les ouvriers des villes,
les victimes d'une lutte dont ils se se-
raient depuis longtemps désintéressés
S'ils avaient pu se rendre compte de
ses résultats. La démonstration du fait
est facile à faire.
, Il existe en France dix-huit millions
environ d'individus de tout âge et de
tout sexe vivant du travail de la terre.
C'est à peu près la moitié de la popu-
lation totale de notre pays. Sur ce
nombre, les statistiques indiquent en-
viron quatre millions et demi de pro-
priétaires du sol agricole, petits ou
grands, plus d'un million de fermiers,
métayers ou colons non propriétaires
cultivant eux-mêmes le sol, et à peu
près trois millions et demi de sala-
riés.
il est évident d'abord que les trois
millions et demi de salariés des cam-
pagnes sont tout à fait assimilables
aux ouvriers des villes et des usines.
Comme eux, ils n'ont rien à gagner
dans une diminution de l'impôt direct
sur la propriété non bâtie, et ils ont
tout à perdre de l'augmentation des
impôts de consommation et même de
celle de la contribution sur les pro-
priétés bâties, car ils sont locataires
et ils achètent tout ce qu'ils consom-
ment.
La plupart des colons, métayers et
fermiers qui cultivent le sol par eux-
mêmes sans être propriétaires ont
des intérêts analogues. Ils ne dispo-
sent généralement que d'une étendue
de terres réduite et sont obligés d'a-
cheter une partie des objets nécessai-
res à leur alimentation, tels que le
vin, la bière, l'alcool, etc.; ils sont
par conséquent plus intéressés à la
diminution des impôts indirects qu'à
celle de l'impôt sur la propriété non
bâtie, qu'ils ne possèdent pas, et ils
verraient augmenter leurs charges si
l'on remplaçait ce dernier impôt par
des taxes nouvelles sur la propriété
bâtie.
Il reste à examiner le sort des qua-
tre millions et demi de propriétaires
du sol agricole. Ceux-ci sont loin
d'avoir tous les mêmes intérêts.
Il y en a d'abord près d'un million
et demi qui possèdent moins d'un hec-
tare de terre et qui paient moins de
cinq francs de contribution foncière
en principal et centimes additionnels.
Tous ces propriétaires minuscules sont
obligés de travailler pour les autres
et d'acheter la majeure partie de ce
dont ils ont besoin. Que gagneraient-
ils à la suppression de l'impôt sur la
propriété non bâtie ?
Un autre million de propriétaires
ne possèdent pas plus d'un à deux
hectares; un troisième million pos-
sèdent de deux à cinq hectares.
Tous ces petits propriétaires ne
paient généralement qu'un impôt mi-
nime sur la propriété non bâtie, et ils
ont un avantage manifeste à ne pas
voir transformer cet impôt soit en une
contribution sur la propriété bâtie,
soit en impôts de consommation.
Voilà donc trois millions et demi de
petits propriétaires cultivateurs dont
les intérêts ne différent pas sensible-
ment as o&a de môm asasolsi
non propriétaires et des ouvriers des
villes.
Le quatrième million de propriétai-
res agricoles comprend en majeure
partie des individus vivant à la ville
et faisant travailler leurs terres par
des fermiers. Parmi eux, cinq cent
mille environ n'ont que des proprié-
tés de moyenne étendue; cinq cent
mille autres se partagent, d'après les
statistiques, environ trente-deux mil-
lions d'hectares sur les cinquante
dont le compose le sol agricole imposé
de la France.
La totalité de l'impôt foncier sur la
propriété non bâtie est aujourd'hui en
principal de 118 millions. Cela fait,
pour les 50 millions d'hectares des ter-
res imposées, une moyenne de â fr. 30
par hectare, en supposant que toutes
les terres soient imposées également.
Si donc on supprimait totalement le
principal de l'impôt, les quatre mil-
lions de propriétaires moyens et pe-
tits, qui possèdent 18 millions d'hecta-
res, ne bénéficieraient ensemble que de
quarante-deux millions et demi de
francs.
La différence entre cette somme et
la totalité du principal de l'impôt,
c'est-à-dire 75 millions et demi de
francs, formerait le bénéfice des cinq
cent mille gros propriétaires qui pos-
sèdent 3n millions d'hectares sur 50.
Mais, en revanche, les 118 millions
d'impôts nouveaux prélevés sur la
propriété bâtie ou sur les objets de
consommation pèseraient presque uni-
quement sur les quatre millions de
propriétaires gros et petits et sur les
autres habitants des campagnes qui
ne possèdent aucune parcelle du sol.
Conclusion : quand les représen-
tants officiels des campagnes deman-
dent la suppression de l'impôt foncier
sur les propriétés non bâties et son
remplacement soit par une augmen-
tation de la contribution sur la pro-
priété bâtie, soit par une augmenta-
tion dès impôts indirects, c'est exclu-
sivement au profit des grands proprié-
taires qu'ils travaillent.
Il est bon que les intéressés le sa-
chent. Il faut qu'ils aient sans cesse
présent à la mémoire que, dans cette
affaire, il y a cinq cent mille dupeurs
et dix-sept millions cinq cent mille
dupés.
J.-L. de Lanessan.
-
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
« Chronique », par M. Paul Ginisty.
L'ÉLECTION DE LA SOMME
Une élection sénatoriale doit avoir lieu
dimanche dans la Somme.
Deux candidats sont en présence : un ré-
publicain de nuance très modérée, M. Ja-
metel, et un ancien député, M. Cadot, qui,
après avoir été boulangiste jusqu'à la der-
nière heure, est aujourd'hui soutenu par
tous les ennemis de la République.
Entre ces deux candidats, le Journal des
Débats et la prétendue « Union libérale »
n'hésitent pas. Ils font dans la Somme ce
qu'ils ont fait à Gien : ils prennent ardem-
ment parti pour le candidat des réaction-
naires contre le candidat républicain.
Il faut espérer que les électeurs n'hésite-
ront pas non plus, et qu'ils enverront di-
manche au Sénat le candidat franchement
républicain, de préférence au candidat
qui, comme le disait très justement hier
soir M. Rane dans le Paris, accepte bien la
République, mais une République ouverte
aux ennemis de la République et fermée
aux républicains.
LES DÉTOURNEMENTS
DE SAINT-ÉTIENNE
(DS NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
.- Saint-Etienne, 13 juin.
Les deux articles que vous avez consa-
crés aux détournements commis à la ma-
nufacture d'armes ont produit une vive
émotion à Saint-Etienne, surtout parmi les
ouvriers de la manufacture.
Ce matin, Charles Alexis, auteur des pre-
mières révélations, s'est rendu au parquet,
où il a eu une entrevue avec M. Vallet,
substitut du procureur de la République.
Ce magistrat lui a déclaré qu'il était déjà
au courant du scandale qui venait d'être
dévoilé et qu'une enquête allait être com-
mencée.
D'un autre côté, je suis allé prendre des
renseignements sur cette grave affaire. Je
me suis rendu route de Roanne, dans un
café où les employés de la comptabilité au-
raient, dans une conversation animée,
après boire, tenu divers propos sur les ir-
régularités qui se passent journellement
dans leur service.
En outre, le père du nommé B., ex-em-
ployé à la manufacture, aujourd'hui soldat
dans une garnison du Midi, m'a montré
une lettre de son fils qui confirme les dires
de Charles-Alexis sur la valeur morale du
chef de la comptabilité et sur ses tripo-
tages. Dans cette lettre, je relève le passage
suivant :
« Le plus souvent, dans les inventaires
partiels que j'étais obligé de faire, il me
fallait balancer les comptes, c'est-à-dire
augmenter ou diminuer une entrée ou une
sortie, suivant le cas, afin de mettre l'arti-
cle à jour. »
On est fort étonné ici que, dans l'enquête
qui a dû être faite par l'administration mi.
litaire, ce jeune homme n'ait pas été
entendu.
UN SÉNATEUR BANQUEROUTIER
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 13 juin.
On télégraphie de Trani que l'ex-sénateur
marquis Diana a demandé au tribunal de Bari
la convocation de ses créanciers en vue d'ob-
tenir un concordat.
il offre M) 0/0, moitié comptant, moitié
dans une année, le tout garanti par les im-
meubles de sa famille.
Le marquis Diana, malgré toutes ses démar-
ches, çgt fflaiateau ça état tf'arresta-
LES -.
DROITS DE MUTATION
Et les congrégations religieuses
UN AMENDEMENT DE M. BRISSON
C'est vraiment une question intéressante
que celle que vient de soulever M. Henri
Brisson, sous forme d'amendement au
budget.
On sait qu'il s'agit des droits de muta-
tion auxquels sont assujetties les con-
grégations religieuses depuis 1885, et que
celles-ci n'ont pas payés jusqu'ici.
Comment et pourquoi?. C'est justement
ce qu'il est curieux de connaître.
L affaire remonte à 1880. On voit qu'elle
n'est pas nouvelle.
M. Brisson, alors président de la com-
mission du budget, présenta, au cours de la
discussion de la loi de finances de 1881, un
amendement sur la situation faite aux con-
grégations religieuses..
Cet amendement contenait tout à la fois
des dispositions de droit civil et de droit
fiscal.
De celles qui concernent le droit civil il
n'y a rien à dire, puisqu'elles ont été jus-
qu'à présent laissées de côté. Mais il n'en
est pas de même de celles qui concernent
le fisc.
A la suite d'un long débat, au cours du-
quel M. Brisson prononça un éloquent dis-
cours, la Chambre décida que le Trésor
percevrait à l'avenir l'équivalent des droits
de mutation dont le prive l'immobilisatton
infinie des biens possédés par les congré-
gations religieuses.
Explication utile
Ceci mérite une explication, car rien
n'est plus compliqué que ces questions
d'enregistrement.
Il s'agit : 1^ des droits de transmission
entre-vifs, entre personnes non parentes,
et 2° des droits de mutation par décès en-
tre personnes non parentes, auxquelles les
congrégations religieuses autorisées ou
non autorisées échappaient. Elles échap-
paient aux premiers, sous prétexte qu'elles
constituaient de simples associations de
personnes. Mais il n'était pas> difficile d'é-
tablir le vide de cet argument, car les sta-
tuts de la plupart d'entre elles établissaient
qu'elles pouvaient s'adjoindre indéfini-
ment des membres et édictaient que « la
retraite obligée de l'un ou de plusieurs
des associés ne pouvait entraîner la dis-
solution ni la retraite de la société ».
Elles échappaient aux seconds sous pré-
texte qu'elles constituaient par elles-mêmes
« une personne », et que, par conséquent,
elle n'héritaient pas de l'apport fait à la
communauté par chacun de ses membres
venant à mourir. Le raisonnement est, on
le voit, par trop subtil pour pouvoir sou-
tenir une minute la discussion.
La Chambre astreignit, donc les congréga-
nistes aux mêmes droits de transmission
entre-vifs et de mutation après décès que
les simples particuliers, et c'était jus-
tice.
,- Mais le Sénat substitua un nouveau texte
à la loi votée par la Chambre. Dans ce texte,
il n'était plus question « de congrégations »,
mais seulement de « sociétés », et cela d'une
façon si confuse, si embrouillée, que l'ad-
ministration se trouva complètement dé-
sarmée pour résister aux fraudes et aux
dissimulations accumulées par les congré-
gations..
L'article additionnel de M. Roche
La loi resta donc sans effet, lorsqu'en
.188.4 M. Jules Roche, rapporteur général
du budget, parvînt à faire insérer dans la
loi de finances de 1885 un article qui n'était
en réalité que le retour à l'amendement de
M. Brisson, et qui était ainsi conçu : -
« Les impôts établis par les articles 3 et
h de la loi de finances du 28 décembre 1880
seront payés par toutes les congrégations,
communautés et associations religieuses
autorisées ou non autorisées, et par toutes
les sociétés ou associations désignées dans
cette loi, dont l'objet n'est pas de distri-
buer leurs produits en tout ou en partie
entre leurs membres. »
Il n'y avait plus d'équivoque possible.
Comme bien on pense, les congrégations
religieuses se souciaient fort peu de payer
les impôts auxquels elles étaient soumises
comme tout le monde.
La justice lente
Elles cherchèrent aussitôt le moyen de
reculer le plus possible l'échéance, et elles
firent montre en cette occasion d'une habi-
leté qu'on aurait tort de méconnaître, puis-
qu'elles réussirent jusqu'ici à ne payer
aucun droit.
- Elles portèrent le débat devant les tribu-
naux et parvinrent à résister aux con-
traintes de l'enregistrement.
La justice est si rapide en France, que
c'est seulement deux ans après, le 18 mars
1887, qu'un jugement du tribunal de la
Seine était rendu et les déboutait de leur
demande.
Comme il n'y a pas d'appel en matière
d'enregistrement, — sans cela où en se-
rions-nous, grand "Dieu ! — les congréga-
tions durent immédiatement saisir la cour
de cassation de cette question.
Celle-ci mit plus de temps encore que le
tribunal à examiner le litige, et c'est seu-
lement le 27 novembre dernier que la cour
de cassation a rendu un arrêt qui met dé-
finitivement fin à la résistance des congré-
gations.
Ce qui est dû au Trésor
M. Rouvier a porté, naturellement, au
budget de 1891 les sommes qui doivent
rentrer de ce chef au Trésor, et il évalue
les droits de transmission entre-vifs à
200,000 fr. et ceux de mutation par décès
à 2,800,000, soit au total, trois millions.
C'est fort bien;mais les sommes dûes pour
les exercices précédent ?. Ne les percevra-
t-on pas?. Il ne s'agit de rien moins ce-
pendant que de 15 millions environ.
Telle est,à vrai dire,la question posée par
l'amendement de M. Brisson.
La loi qui astreint les associations reli-
gieuses à ces droits d'enregistrement date
de 1885, bien qu'en réalité elle remonte à
1881; mais d'après le projet de budget deM.
Rouvier, la loi ne pourra évidemment com-
mencer à avoir son effet qu'en 1891.
Et c'est pourquoi M. Brisson, — les con-
gréganistes ayant perdu leur procès et de-
vant, par suite, au Trésor les sommes qu'ils
auraient dû lui verser depuis six ans, — a
déposé l'amendement en question.
LA JOURNÉE DE TRAVAIL
La commission du travail a adopté le
questionnaire suivant :
A quelle industrie ou à quel travail êtes-
vous occupé? Votre travail est-il payé à la
journée, a l'heure, aux pièces ? Combien de
UfiiflWë. travaillea-vous uar jtQur? A flWfiUç
heure commence et à quelle heure finit
votre travail? Combien, dans la journée,
avez-vous de temps de reposç quelle en est
la durée? Avez-vous chaque semaine un
jour de repos complet? Demandez-vous que
la durée de la journée de travail soit fixée
par la loi? A quel nombre d'heures dési-
rez-vous qu'elle soit limitée ? Doit-on in-
terdire les heures dites supplémentaires ?
Si elles sont maintenues, doit-on en limi-
ter le nombre? Combien gagnez-vous par
jour?
A quel prix sont payées les heures sup-
plémentaires ? Votresalaire vous est-il payé
a la semaine, à la quinzaine ou au mois? Y
a-t-il dans votre industrie des mortes sai-
sons, quelle en est la duré ? Y a-t-il beau-
coup d'ouvriers étrangers employés dans
votre industrie? Reçoivent-ils les mêmes
salaires que vous ? Pensez-vous qu'une di-
minution dans les jours de travail pourrait
avoir pour conséquence une diminution
dans la production.
Le ministre a annoncé à la commission
qu'il adresserait à tous les corps consti-
tués, comme cela lui a été demandé, une
circulaire pour les prier de lui fournir leur
avis.
CE QUE RAPPORTE UNE CONFÉRENCE
Stanley et Mackenzie en tournée
{DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 13 juin.
M. Stanley a pris des arrangements pour
une grande tournée en Amérique, où il se
rendra aussitôt après la cérémonie de sa
réception de docteur en droit de l'Univer-
sité de Cambridge, qui est fixée au 25 oc-
tobre.
Le célèbre explorateur s'est engagé à
donner aux Etats-Unis cinquante confé-
rences, dont la première, qu'il donnera
dès les premiers jours de son arrivée, aura
lieu à New-York le 11 novembre et lui
sera payée 125,000 francs. Ses honoraires,
pour chacune des quarante-neuf autres
conférences sont fixés à 5,000 francs.
L'entrepreneur de cette tournée de pu-
blicité, qui s'appelle le « major » Pond, a
aussi engagé pour l'Amérique un autre per-
sonnage comme conférencier pour une
autre tournée. Le docteur Morell Macken-
zie, qui a soigné, comme on sait, le cancer
de Frédéric III, s'est engagé à donner vingt
conférences à 100 livres sterling (2,500 fr.)
pièce. Il commencera par Toronto, au Ca-
nada, dans le mois d'octobre prochain.
ATTAQUER M. PASTEUR!
Un procès extraordinaire. — Le vaccin.
— Bétail perdu et propriétaires
- condamnés.
Ion nous écrit de Saint-Pétersbourg :}
D'Odessa on me communique un fait ex-
traordinaire.
Il existe dans cette ville un institut bac-
tériologique érigé et entretenu par les soins
-de la ville. Le chef de cet institut est le doc-
teur Bardach, élève de Pasteur, qui sur-
veille la vaccination des bêtes contre le
charbon et contre la peste sibérienne, d'a-
près la méthode Pasteur.
Le gouvernement impérial russe a fait
même envoyer des circulaires à tous les
propriétaires fonciers du Midi de la Russie
les invitant à faire vacciner leur bétail. Les
frères Pankvatjeff, deux millionnaires, ont
laissé l'autre jour venir le docteur Bar-
dach dans leurs propriétés pour vacciner
leurs bêtes.
Mais le docteur s'est trompé de virus de
vaccin, et en deux jours moururent
3,552 moutons, 1,200 bêtes à cornes et quel-
ques centaines de chevaux. Les proprié-
taires ont porté plainte contre l'institut
bactériologique, c'est-à-dire contre la ville
d'Odessa et ont demandé des dommages-
intérêts.
Le procès vient d'être jugé ces jours-ci.
L'avocat de la ville représenta les frères
Panvatjeff comme des gens qui ne com-
prennent rien à la science et ne savent pas
l'estimer, « des gens qui osènt attaquer le
grand et célèbre savant Pasteur ». Bref, il
plaida si bien que non seulement les frères
Pankvatjeff furent déboutés de leur plainte,
mais le tribunal les condamna solidaire-
ment à une amende de 1,117 roubles
(3,500 fr.) et aux frais du procès pour leur
apprendre à mieux estimer la science!
LE PARLEMENT PRUSSIEN
Clôture de la session
(P'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 13 juin.
Les deux chambres de la Diète de Prusse
se sont réunies cette après-midi à 3 heures,
dans la salle des séances de la Chambre des
députés.
M. de Boetticher, secrétaire d'Etat, a lu
un message royal prononçant la clôture de
la session.
Le duc de Ratibor, président de la Cham-
bre des seigneurs, a levé la séance en adres-
sant trois vivats à l'empereur et roi.
LES SENTENCES CRIMINELLES
M. Boysset a saisi, il y a quelques semai-
nes, la Chambre d'une proposition à la-
quelle l'affaire Borras donne un caractère
d'actualité tout particulier.
Il s'agit de modifier la législation de la
revision des sentences criminelles.
Aux termes de cette proposition, la revi-
sion sera admise contre une sentence cor-
rectionnelle ou criminelle, dans les deux
cas suivants :
1° Si l'auteur signalé d'un crime ou d'un
délit pour lequel a été prononcée une
première condamnation ne peut plus être
poursuivi, par suite de décès, de prescrip-
tion, d'irresponsabilité pénale ou d'excusa-
bilité.
2° Si, dans les mêmes circonstances et
par les mêmes motifs, un témoin sur la
fausse déposition duquel la condamnation
s'est produite ne peut être poursuivi.
LES INÉLIGIBILITÉS
La commission chargée d'examiner les pro-
positions de loi relatives aux inéligibilités a
décidé que les militaires en activité de service
sont absolument inéligibles aux fonctions de
conseiller général ou de conseiller d'arron-
dissement. Sont également inéligibles à ces
fonctions: les juges de paix dans leur canton,
les magistrats dans toute l'étendue de l'arron-
dissement du tribunal auquel ils appartien-
nent, et les conseillers dans toute l'étendue
du ressort de - ta c«ur d'appçl qt i" ls fQ!
partie -
CHRONIQUE
Il parait que M. le préfet de police vient
de prendre un arrêté en vertu duquel la
circulation des vélocipèdes, — tricycles,
bicyles et bicyclettes, — est interdite sur
un certain nombre de rues, boulevards et
avenues, la rue de Rivoli, par exemple,
et l'avenue des Champs-Elysées. Il y a
d'autres rues où les velocemen ne pou-
vaient déjà point passer : je les défie
bien, par exemple, de se promener rue
de Douai, où le pavage est déplorable.
Quelques-unes des rues qui avoisinent le
parc Monceau, la rue Alfred-de-Vigny,
entre autres, secouent si bien les malheu-
reux qui s'y hasardent en voiture, que
jamais un tricycliste, à plus forte raison
un bicycliste, n'osera s'y hasarder. Et,
entre parenthèses, est-ce que ce n'est pas
une honte pour une ville comme Paris
que, dans les plus beaux quartiers, se
trouvant des rues d'un pavage si inégal
et si cahoteux, qu'une sous-préfecture en
rougirait ?
J'imagine que M. Lozé ne connaît per-
sonne rue Alfred-de-Vigny. S'il y passait
une seule fois dans sa voiture, il se plain-
drait à l'administration municipale.
Après cela, peut-être est-ce l'affaire du
préfet de la Seine plus encore que du
préfet de police ? Et puisque le hasard
m'a amené à parler du parc Monceau,
M. Lozé ne pourrait-il y envoyer quelques
agents? On se plaint que ce jardin, qui
est un des plus beaux de Paris, un de ceux
où l'on voit flotter le plus de rubans sur
les épaules des nourrices qui viennent y
promener les bébés, soit infesté de gens
qui inspirent des inquiétudes à cette ai-
mable clientèle. Je n'insiste pas, ne sa-
chant pas les faits par moi-même. Mais il
sera facile à M. le préfet de police de s'as-
surer si ces doléances, que je recueille
dans ma correspondance quotidienne,
sont exactes, et s'il est possible d'y faire
droit.
Je sais par expérience qu'un adminis-
trateur ne fait pas tout ce qu'il veut dans
cet ordre d'idées. Je me souviens d'une
pétition que les habitants du quartier du
Louvre envoyèrent au préfet de police.
Les jardins qui entourent le Louvre, et
qui sont si commodes aux mères des en-
virons, étaient en proie à d'ignobles pouil-
leux, qui s'affalaient en loques sur les
bancs et qui insultaient de mots ordu-
riers les oreilles des femmes. Je me fis l'é-
cho de ces réclamations. Le préfet donna
des ordres.Mais,que pouvait-il ? Comment
empêcher un citoyen, fût-il le plus mal
mis du monde, de s'installer sur un banc
et d'y éplucher sa chevelure au grand
jour? On fit, je crois, une ou deux rafles,
et les choses reprirent leur train accou-
tumé. Il en sera de même au parc Mon-
ceau.
Je disais à l'une des personnes qui se
sont adressées à moi :
— Savez-vous ce que vous devriez
faire, au lieu de tendre les bras à M. Lo-
zé, qui ne peut pas grand'chose pour
vous? Vous devriez constituer un syndi-
cat de mères de famille et payer, à frais
communs, une demi-douzaine d'agents
qui, sans titre ni mandat officiels, se-
raient chargés de maintenir au parc Mon-
ceau l'observance des bonnes mœurs. Ils
dresseraient des procès-verbaux qui n'au-
raient, il est vrai, aucun caractère juridi-
que, mais qui permettraient aux délé-
gués de votre syndicat de poursuivre de-
vant les tribunaux les polissons qui se
font un jeu de rendre ce jardin inha-
bitable aux honnêtes gens. Quand il y
aurait eu deux ou trois de ces voyous
condamnés, ils chercheraient un autre
théâtre pour leurs exploits.
Et 'ajoutais :
EtCj'est ainsi que nous avons eu, grâce
«
à l'initiative de M. Gérôme, raison des
saltimbanques qui empoisonnaient deux
fois par an, et pendant trois semaines
chaque fois, le boulevard des Batignolles
et le boulevard de Clichy.Nous avions fa-
tigué de nos pétitions les autorités compé-
-tentes; autant en emportait le vent! Gé-
jôme nous a constitués en syndicat.
Quand nous avons eu de l'argent en cais-
se, nous avons, à frais communs, intenté
un procès à je ne sais quel impresario
de manège de chevaux de bois, sous le
prétexte qu'il empêchait, jusqu'à minuit
passé, les voisins de dormir. Nous avons
demandé un franc de dommages-intérêts;
il ne s'agissait que de vider la question
de droit. Ce procès, nous l'avons gagné
en première instance, puis en appel.
Nous étions dès lors maîtres de la situa-
tion.
Tout locataire d'une maison dont les
fenêtre donnaient sur une de ces bara-
ques de la foire n'avait qu'à prévenir no-
tre syndicat. Il intentait le procès avec
notre argent ; il le gagnait haut la main,
le premier jugement ayant fait jurispru-
dence. Au lieu d'un franc, il nous était
loisible de demander une somme propor-
tionnelle au dérangement et à l'ennui
causés. Force fut aux saltimbanques de
composer avec nous. On s'est entendu;
chacun y a mis du sien ; nous n'aurons
la foire qu'à des intervalles assez éloignés
et durant quinze jours au plus.
Il ne me semble pas que le préfet de
police ait été bien inspiré en légiférant
contre les velocemen. Les velocemen, ou,
si vous préférez un mot de pure termi-
naison française, les vélocipédistes, se
peuvent diviser en deux grandes classes :
les uns, pour qui le vélocipède (bicycle
ou tricycle) est le principal outil de leur
profession ; les autres, pour qui ce n'est
qu'un engin de sport.
Les premiers méritent qu'on s'inté-
resse à eux et qu'on ne les tracasse pas.
Ce sont les gens qui font métier de por-
ter des dépêches; ils savent très bien le
maniement de leur monture. Ils la gou-
vernent aussi sûrement, plus sûrement
même Si ÉPM lSB Sfe"
val*
.--- Il n'y a pas de raisons pour leur in-
terdire une voie plutôt qu'une autre,
sauf, bien entendu, les jours où la circu-
lation n'est pas permise pour cause de
fêtes ou de troubles. On trace aux voitu-
res un autre itinéraire ; il est tout naturel
qu'on écarte de même les tricycles et les
bicycles.
Mais en temps ordinaire, le tricycle,
quand il est monté par un cavalier ex-
pert, est moins dangereux que n'importe
quelle voiture,dont le cheval peut toujours
s'emporter et prendre le mors aux dents.
Le tricycle, qui n'occupe sur la chaussée
qu'une très petite place, file rapide à tra-
vers les obstacles; il est pourvu d'un
frein qui lui permet de s'arrêter pres-
que instantanément, ou de ralentir sa
course, s'il prévoit quelque danger.
Il s'est produit des accidents. Mon Dieu,
sans doute. Mais ces accidents sont fort
rares. Si l'on faisait le compte des pau-
vres diables écrasés par des voitures et
des malheureux renversés par des tri-
cycles, on verrait que le tricycle est infi..
niment plus inoffensif que la voiture.
Notez que, en cas d'accident, la voiture
qui le cause s'en tire presque toujours,
ainsi que le cocher. Dans les accidents de
vélocipède, c'est toujours le veloceman
qui écope. Qu'il se soit heurté à une voi-
ture ou bien à un passant, il est le pre-
mier désarçonné et roule à terre. Heu-
reux s'il ne se casse pas les osl On peut
donc compter qu'il fera grande attention
et ne poussera pas sa bête avec l'insou-
ciance du cocher d'omnibus, qui écraSé
le passant sans douleur, et à qui même
il n'en coûte rien pour le faire, car il est
assuré.
Reste la seconde catégorie des veloce-
men.
Ceux-là, quelque nombreux qu'ils
puissent etre, ne donnent jamais que
quelques heures par semaine à ce diver-
tissement, et ils choisissent toujours leur
terrain de manœuvre dans les parties de
la ville où il n'y a nul péril à craindre.
M. le préfet de police peut être bien tran-
quille. Nous n'en voyons pas rue de Douai,
parce qu'ils y seraient secoués comme un
sac de noix. On les voit évoluer sur les
boulevards extérieurs, et surtout sur les
vastes places, où ils ont tout l'espace né:
cessaire pour leurs jeux.
Il peut se faire néanmoins qu'il y en
ait qui se cassent un bras, une jambe ou
même le cou ; il peut se faire qu'il y en
ait encore qui effraient un cheval en pas-,
sant devant lui, que le cheval s'emballe
et cause un malheur. Où est le sport qui
aille sans accidents ? S'il fallait interdira
tout jeu qui a des risques, nos écoliers us
joueraient plus à la barette.
M. Lozé peut, sans inconvénient, lever
des interdictions qui n'ont pas de raison
d'être. Ces interditions ont ce mauvais
côté qu'elles donnent lieu à des répres-
sions peu intelligentes. On assure que les
agents, quand ils voient un tricycle lancé
à fond de train, s'arrangent pour le bous-
culer sournoisement, au risque de ce qui
pourra en arriver. Le velocemen qui a
roulé à terre se relève pour injurier l'a-
gent, et il aggrave son cas.
A quoi bon taquiner d'honnêtes gens
qui ne pensent point à mal et qui n'en
font pas? -
Francisque Sarcey.
LES PREMIÈRES
Une bataille au Théâtre-Libre
Je sors du Théâtre-Libre à une heure
du matin. On vient d'y jouer Myrane,
une pièce de M. E. Bergerat qui a passé
sans encombre et qui ne peut amener
qu'une discussion purement littéraire.
Mais, en même temps, on a donné un
acte de MM. L. Descaves et Darien, les
Chaponsy qui a soulevé une tempête. Le
scandale a été épouvantable. L'acte ra-
conte la conduite abominable de deux
bourgeois pendant l'occupation alle
mande à Versailles.
Je suis convaincu qu'entre le publie
et les auteurs — double faute, à mon
sens, non pas anti-patriotique, mais une
faute d'art — il y a eu un malentendu.
Mais ceci est délicat et un peu long à
expliquer. Et comme il s'agit d'un
théâtre où les premières n'ont pas de
lendemain, je crois qu'il est mieux da
remettre a demain l'étude difficile de
cette soirée, qu'il fallait d'abord signa-
1er et qui mérite qu'on y revienne Ion.
guement. -
H. F.
UNE EXPLOSION
A L'ARSENAL DE SPANDAU
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 13 juin.
Une explosion s'est produite dans le sé
choir de la nouvelle fabrique de poudre de
Spandau, qui contenait 26 barils. Le séchoir
a été complètement détruit. Un grand nom-
bre d'autres bâtiments ont été fortement
endommagés. Les fenêtres de beaucoup de
maisons sont brisées.
Plusieurs ouvriers ont été blessés légère-
ment par les débris projetés de tous les cô«
tés par l'explosion.
LE TRAITÉ SUISSE-ALLEMAND
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 13 juin.
Le Reichstag a adopté le traité d'établisse-
ment avec la Suisse, à l'unanimité, en pre-
mière et deuxième lecture.
Le baron de Marschall, secrétaire d'Etat
pour les affaires étrangères, a déclaré que
l'Allemagne n'avait jamais eu l'intention de
violenter la Suisse en dénonçant l'ancien.
traité.
LA TAXE SUR LES ÉTRANGERS ;
M. Ribot, ministre des affaires étrangères, a
déclaré hier à la commission qui examine les
diverses propositions tendant à établir une
taxe sur les étrangers, que, au point de vue
extérieur, on se heurterait à certaines diffi-j
cultés en frappant les étrangers d'une taxe,
contrairement aux traités d'établissement que
nous avQas gonnlUS ,JJJ.Qlt, 4 ver~S ()
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