Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-05-20
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 20 mai 1890 20 mai 1890
Description : 1890/05/20 (A19,N6700). 1890/05/20 (A19,N6700).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — N® 6,700 CINQ Centimes - Farts ©t Départements CINQ Centimes nui^ siiiiuiss»
- XIX1 SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
rédaction
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PARIS
D IR EctEU R POLITIQUE
A. - Edouard PORTALIS
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DU DISCOURS DE H. FLOQUET
lA RÉUNION DU CIRQUE D'HIVER
LA CHUTE D'UN BALLON
L'Affaire de la porte de Vanves
UN PRÉFET
FIN DE SIÈCLE
Il a suffi que Paul Ginisty signalât
dans le XIX° Siècle, l'autre jour, une
grosse misère pour qu'elle fût aUssi-
tôt soulagée. Nous allons aujourd'hui
signaler une grosse injustice, avec
la ferme confiance que, cette fois en-
core, le XIXe Siècle obtiendra gain de
cause.
Souvent nous nous sommes élevés
contre l'habitude prise depuis trop
longtemps par nos ministres de don-
ner les places les plus élevées de l'ad-
ministration à des hommes qui n'ont
d'autre titre à la faveur gouverne-
mentale que d'être le camarade ou
le protégé de quelque membre influent
de la Chambre ou du Sénat.
Cette habitude, nous l'avons dit
maintes et maintes fois, a pour effet
de décourager les fonctionnaires de
carrière, dont elle rend l'avancement
de plus en plus difficile. A quoi bon
remplir avec zèle des fonctions qui ne
mènent à rien? A quoi bon se donner
de la peine pour voir de nouveaux
venus, des ratés de la politique, du
journalisme ou du barreau, accaparer
les positions qu'on avait cru pouvoir
conquérir à force de travail et d'assi-
duité? ,"
Mais ces nominations ont un autre
inconvénient. Les ministreS qui les si-
gnent, ne sachant pas s'ils seront en-
core ministres, c'est-à-dire responsa-
bles, le lendemain, se préoccupent
peu des capacités, quelquefois même
de l'honorabilité de leurs protégés.
Pour ne citer qu'un exemple à l'ap-
pui de ces observations, nous deman-
dons au lecteur la permission dé lui
mettre sous les yeux une lettre que
nous avons reçue, il y a quelques jours,
et qui signale un fait absolument
monstrueux.
Nous copions textuellement, en sup-
primant toutefois le nom du départe-
ment et celui des fonctionnaires mis en
cause. Nous dirons seulement qu'il
s'agit d'un ami de M. Wilson, subite-
ment bombardé préfet par M. Cons-
tans dans une de nos plus importan-
tes préfectures :
« Je suis, nous écrit notre corres-
pondant, votre abonné depuis plu-
sieurs années. Laissez-moi, à ce titre,
porter à votre connaissance un abus
grave qui cause un véritable scandale
dans notre arrondissement. i
m M. X., préfet d'un des départe-
ments du centre, possède dans les en-
virons de Paris une superbe maison
de campagne meublée avec luxe et
très bien entretenue. M. le préfet est
imposé de ce chef, au rôle des contri-
butions, pour une somme de 1,177fr.;
mais M. le préfet ne paie pas ses im-
positions : il doit les premiers termes
échus de 1890, l'année 1889, et même
l'année 1888 en entier.
a Après des promesses nombreuses
restées sans effet, le percepteur des
contributions de la commune où est
située ladite propriété a décerné une
contrainte extérieure contre M. le pré-
fet; cet acte a été transmis à M. le
trésorier général du département ad-
ministré par ce haut fonctionnaire au
mois de septembre 1889, pour obtenir
paiement des exercices 1888 et 1889,
soit 9,200 fr. environ.
» Mais,pour qu'une contrainte exté-
rieure puisse être mise à exécution,
il faut qu'elle soit autorisée ou visée
par le préfet du département où le
contribuable est domicilié ; or, il pa-
raît que M. le trésorier général n'a
pas encore obtenu le visa de M. le
préfet, puisque la contrainte ou les
contraintes ne sont pas encore reve-
nues. M. le préfet ne signe pas l'ordre
de se poursuivre lui-même, et le comp-
table du Trésor se trouve ainsi dé-
sarmé.
» Pour gagner du temps, M. le pré-
fet a adressé une réclamation à la
préfecture du département où est si-
tuée sa propriété, mais le conseil de
préfecture a rejeté cette demande.
» Enfin, au mois de novembre, le
receveur des finances de l'arrondisse-
ment qui a l'honneur de compter M.
le préfet parmi ses châtelains a dû,
pour se conformer aux ordres du mi-
nistère, verser dans la caisse de l'E-
tat la somme qui n'avait pas été re-
couvrée sur l'exercice 1888, soit, pour
le compte de M. le préfet, 1,177 francs.
» Tous ces faits ont été signalés au
ministre des finances, qui n'a pu, jus-
qu'à ce jour, triompher de la résis-
tance du contribuable.
» Vous le voyez, monsieur le direc-
teur, voilà un préfet qui, abusant de
sa situation et de l'autorité qui lui a
été donnée par le gouvernement, ne
craint pas de faire dans la bourse d'un
modeste agent du Trésor un véritable
emprunt forcé.
v Au mois de novembre, cet agent
sera encore contraint de verser dans
la caisse, de ses deniers personnels, le
montant des contributions de l'exer-
cice 1889 qui n'auront pas été acquit-
tées par M. le préfet.
» Et chaque jour M. le préfet auto-
rise la saisie et la vente de mobiliers
de malheureux ouvriers pour une
somme de 10 ou 15 francs !
» Agréez, etc. »
Cette lettre peut se passer de com-
mentaires. Aussi n'ajouterons - nous
qu'un seul mot.
NoÙsne- sommes pas de ceux qui
ont jamais eu une foi aveugle et quasi
superstitieuse dans l'énergie de M.
Constans. Nous avons, au contraire,
de nombreuses raisons de croire — et
nous ne sommes pas les seuls — que
la légende de ministre à poigne qu'il
a su se faire cache une extraordinaire
mollesse dans la direction quotidienne
de l'administration de l'intérieur. Nous
sommes pourtant convaincus que,cette
fois, les mesures nécessaires vont être
immédiatement prises pour faire ces-
ser un aussi triste scandale.
Si on ne les prenait pas, nous nous
verrions obligés de citer des noms et
de donner des preuves.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
« Chronicrue car M. Paul Ginisty.
ÉLECTION AU CONSEIL GÉNÉRAL
Canton de Bagé-le-Châtel
Bourg, 18 mai.
MM. Bùiron, républicain. 1.5!a ,ELU
de Balor) conservateur.. 1.529
(Siège gagne/. -1
H s'agissait de pourvoir au siège de M. de
Balorre dont l'élection avait été annulée
par le conseil d'Etat. -,
LA CHUTE DU FIGARO"
M. Laguerre en ballon. — Vertigineuse
descente. - Sauvés r
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Beauvais, 18 mai.
Hier après midi, un ballon, le Figaro,
quittait Enghien, emportant M. et Mme La-
guerre, M. Périvier et les aéronautes Jovis
et Mallet.
Surpris par un orage violent, on jeta du
lest, on en jeta encore, tant et si bien que
le ballon, après avoir traversé les nuages,
dépassa quatre mille mètres.
Bientôt on vit le ballon redescendre avec
une vitesse énorme. Impossible de le
modérer ; on jeta tout ce qui restait dans la
nacelle, jusqu'au baromètre ; vains efforts :
la descente devint vertigineuse ; le ballon,
enfin, s'abattit au milieu de la forêt d'Hez,
crevé par les branches d'arbres.
Les voyageurs tombèrent rudement sur
le sol où ils furent pris de vomissements
violents.
Ils avaient dégringolé plus de A.000 mè-
tres en douze minutes !
Nous avons appris dans la soirée qu'ils
avaient pu, à peu près sains et saufs, re-
gagner Paris.
LE TIR INTERNATIONAL DE ROME
Le commandement à Massouah
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 18 mai.
Le grand prix de tir a été gagné par un
Allemand.
Les tireurs français comptent de nom-
breux lauréats. MM. Moreaux, Ligneris,
Dufier, Mérillon ont obtenu des premiers
prix.
Leurs noms ont été très applaudis.
Le général Cagni n'accepte pas le com-
mandement du corps exéditionnaire de
l'Afrique, en remplacement du général
Orero.
TROUBLES A ALAIS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTJCLJaR)
, Alais, 11 h. 10 soir.
Deux femmes, dont une âgée de soixante-
dix ans, qui s'étaient fait remarquer hier,
viennent d'être arrêtées ce soir et conduites
dans la prison du fort.
En ce moment, plus de mille grévistes
sont devant la mairie et réclament à grands
cris leur mise en liberté.
Le procureur de la République vient
d'être prévenu. De graves incidents sont
imminents. Les mineurs sont exaspérés.
La gendarmerie est arrivée pour faire
évacuer la place de la Mairie. Le sous-préfet
est à Bessèges.
La place est occupée militairement. Les
soldats ont mis la baïonnette au canon. L'a-
gitation est à son comble. Le tambour
roule, des sommations sont faites.
LA CONCUSSION EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Florence, 18 mai
De graves malversations et la fabrication
de faux titres ont été découvertes à la tré-
sorerie de notre ville. Le caissier et cinq
autres employés ont été arrêtés,
DISCOURS DEM. FLOQUET
* BANQUET
DES ASSOCIATIONS OUVRIÈRES
Avenue Daumesnil. — Bienfaits de la
coopération et de la collectivité. —
Quelques personnages poli ti-
quée. - Un éloge de M. Flo-
quet. — Discours du
président de la
Chambre.
La chambre consultative des associations
ouvrières de production avait organisé
hier un gratrd banquet dans les salons de
la Porte-Dorée, avenue Daumesnil, pour
fêter la première réunion des nombreuses
sociétés qui ont adhéré à l'association.
En raison des nombreux services qu'il a
rendus à la cause ouvrière, et surtout aux
sociétés coopératives, M. Charles Floquet,
président CI;' la Chambre, avait été prié
d'accepter la présidence du banquet.
Près de hL i" cents personnes, apparte-
nant à tous les corps d'état syndiqués,
avaient pris place dans les salons du rez-
de-chaussée; des tables avaient été instal-
lées jusque dans les couloirs.
A la tahle d'honneur, et aux côtés de M.
Floquet, on remarquait MM. Levasseur et
Barré, l'un président, l'autre délégué de la
chambre consultative; puis de chaque
côté : MM. Bourgeois, ministre de l'instruc-
tion publique; Maze, Martin et Foucher de
Càred, sénate urs*; Stegfri ed, Hubbard, Du-
may et Maujan, députés ; Doumerç, çhef 'du
cabinet du président de la Chambre, et
Pascal, chef duk secrétariat; Marsoulan,
Cattiaux, Deschamps, Chauvièré, bassinet,
Bertau, Faillet, Viliaiia, Rouailttetj Poussier
et Dubois; conseillers municipaux.
M. Fallières, ministre de la justice, s'était
fait excuser par une lettre dans laquelle il
annonçait son départ subit de Paris pour
se rendre près de son enfant malade.
M. Joffrin, député de Paris, s'était fait
excuser lui aussi.
Les discours
Avant d'ouvrir le feu des discours, M.
Marsoulan remercie en quelques mots les
organisateurs du banquet d'avoir choisi
pour lieu de leur réunion le quartier si ré-
publicain de Bel-Air, qu'il a l'honneur de
représenter au conseil municipal.
Il rappelle la lutte énergique que les élec-
teurs de ce quartier ont soutenue contre le
boulangisme.
M. Barré, délégué de la chambre consul-
tative, ne prononcera pas de discours ; il
veut seulement « profiter de ce que c'est la
première fois que se trouventréunis dans la
même enceinte les membres de cette asso-
ciation si imposante de tous les groupes
corporatifs, pour faire l'historique des durs
commencements de l'Union, de ses travaux
acquis, de ses espérances. •»
Et l'orateur rappelle que le point de dé-
part de l'association est l'exposition ou-
vrière qui a été organisée, il y a quelques
aiinéos, dans le pavillon de lu Villé de Paris,
aux Champs-Elysées. Il parie ensuite de
« l'essor que lui a donné la décision de
M. Floquet, alors préfet de la Seine, qui a
admis le* associations: coopératives aux tra-
vaux de la Ville, puis, plus tard encore,
le décret du h juin 1888, M. Floquet étant
ministre, qui admit ces mêmes associa-
tions aux travaux de l'Etat.
Enfin, couronnement de l'œuvre à l'Ex-
position de 1889 où l'association recevait
une médaille d'or.
Parlant de la question sociale, M. Barré
déclare que la répartition équitable du tra-r
vail est le fond de la question sociale, et
qu'il n'y a rien à chercher au-delà.
« Mais nous croyons, dit l'orateur, que
l'évolution sociale doit ne faire sans brus-
querie et sans heurts, et seulement par les
bienfaits de la coopération. »
M. Barré ajoute qu'il existe au sein du
conseil municipal une commission du tra-
vail, qu'à la Chambre une commission ana-
logue a été formée, mais qu'il reste encore
une chose à faire : créer un ministère du
travail. Cette motion est appuyée par les
applaudissements de l'assistance.
- « Notre devise doit être, dit l'orateur :
Vivre libre en travaillant ! C'est par la Ré-
publique que nous, avons eu la liberté;
c'est par la liberté que nous aurons l'égalité
et la fraternité. Aussi je vous prierai de
boire avec moi au premier magistrat de
cette République, à M. Ca,rnot! »
Des cris de Vive la République ! ont ac-
cueilli ce toast.
L'orateur boit aussi à M. Floquet pour
son dévouement à la cause des travailleurs.
Il boit à M. Bourgeois, qui représente le
gouvernement, aux députés, sénateurs et
conseillers municipaux, et à la presse.
DISCOURS DE M. FLOQUET
Il fait une chaleur horrible dans la salle,
et M. Floquet, pendant le cours du ban-
quet, en paru fort incommodé.
Il se lève et prononce le discours sui-
vant :
« Je salue en vous les représentants des
revendications ouvrières, je devrais dire
plutôt des espérances ouvrières, car, dans
l'ère de liberté où nous vivons, il ne doit
pas être question de revendications
M. Floquetfait le procès du boulangisme,
«de ce parti, dit-il, où des hommes avaient la
prétention de réaliser toutes les aspirations
ouvrières d'un seul coup de baguette. »
Les questions ouvrières demandent plus
d'étude que cela et plus de persévérance.
M. Floquet rappelle les débuts de ceux
qui ont voulu l'émancipation des sociétés
ouvrières ; leurs succès en 18h8, succès vite
engloutis dans la nuit du 2 Décembre 1851,
Et sous l'empire, les fallacieuses promesses
du gouvernement aux ouvriers, auxquels
on offrait l'échange des libertés civiques
contre leur liberté politique.
« Le devoir du gouvernement est de
donner son plus ferme appui aux collecti-
vités et à l'association. »
A ce moment de son discours, M. Floquet,
incommodé par la chaleur, est obligé de
s'asseoir; il veut reprendre quelques ins-
tants après, mais la force lui manque. On
ouvre les fenêtres et un peu d'air entre
dans cette salle transformée en étuve.
M. le président de la Chambre peut re-
prendre son discours. Il fait allusion aux
socialistes qui veulent brusquer la solution
de la question sociale. Ce n'est pas en brus-
quant les choses que nous résoudrons le
problème social. En allant progressivement,
nous ne satisferons pas tout le monde,
mais nous arriverons à notre but.
u Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est de plus en
plus substituer l'association et la collecti-
vité à l'émiettement individuel.
» Vous avez complété l'œuvre de la Révo-
lution française qui, elle, n'avait pu, dès le
début, affirmer les principes dç l'Associa-
tion et de la coopération.
» La Révolution française n'a pas donné
h terre au paysan, ellelalui a rendue en lui
permettant de l'acquérir, ce qu'il ne pou-
vait pas faire sous l'ancien régime.
» Vous faites de même avec vos associa-
tions coopératives, car vous tendez à con-
quérir le capital, cet instrument indispen-
sable du travail. (Applaudissements.)
» Vous avez remercié les députés, dit M.
Floquet, les sénateurs, les ministres, les
conseillers municipaux ; mais, avant tout,
vous devez de la reconnaissance à vos pré-
décesseurs de lar.8, qui ont créé les pre-
mières assocaitions, ceux-là qui, sous l'em-
pire, n'ont pas craint de faire en cachette
leurs réunions, qu'on leur interdisait sous
peine d'être traînés sur les bancs de la
police correctionnelle.
» Aussi, je terminerai en buvant avec
vous aux précurseurs de la pensée, de la
pratique, aux persévérants que rien n'a
arrêté. »
C'est au milieu de salves d'applaudisse-
ments que M. Floquet se rassoit. Des cris
de «Vive Floquet! » partent de tous les
coins de la salle.
Après que le calme se fut un peu rétabli
et que M. Dumay eut adressé quelques
mots à l'assemblée, M. Bourgeois, ministre
de l'instruction publique, prend la parole
pour émettre le vœu que l'on donne plus
de travaux aux associations ouvrières et
pour réclamer plus d'adhérents aux asso-
ciations.
Parlant au nom de ses collègues de la
Chambre et dû gouvernement, il assure aux
syndiqués qu'il tiendra la main à ce que
toutes les prérogatives des associations coo-
pératives soient respectées.
« Il ne suffit pas, dit le ministre, que les
corps d'état s'unissent en associations coo-
pératives: il faut que, dès l'école, cette idée
de coopération, d association du travail lut-
tant contre le capital, entre dans le cerveau
de l'ouvrier encore enfant. » Aussi, le minis-
tre souhaite-t-il que l'enseignement popu-
laire soit développé, et, terminant son dis-
cours, il boit aux idées de la coopération
dans l'éducation nationale.
Il se fait tard. M. Maze, dont le nom est
venu quelquefois dans la bouche des ora-
teurs au sujet des associations de secours
mutuels, remercie les orateurs qui ont cité
son nom et assure aux travailleurs que ce
n'est que dans la coopération, dans l'asso-
ciation, qu'ils trouveront le bien-être et la
répartition équitable du travail et du ca-
pital.
Le départ de M. Floquet et de M. Bour-
geois s'est effectué au milieu des plus cha-
leureux applaudissements.
LE TRAITÉ D'ÉTABLISSEMENT
SUISSE-ALLEMAND
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 18 mai.
On assure que le ministre d'Allemagne, M.
de Bulow, est chargé de faire de nouvelles
ouvertures au Conseil fédéral en vue du traité
d'établisse méat, tin jbuu U. le traité, actu"Vel
exp , ,- - \-
PIEUX ANNIVERSAIRE
L'Association tonkinoise. — Souvenir à
Henri Rivière et à Berthe de Vil-
liers. — Le drapeau de l'Asso-
ciation. — Les discours.
L'Association tonkinoise, société frater-
nelle des anciens militaires et marins mé-
daillés du Tonkin, s'est rendue hier au ci-
metière Montmartre, à l'occasion de l'anni-
versaire de la mort du commandant Ri-
vière, et a déposé une couronne devant le
buste érigé sur la tombe de cet héroïque
officier par les soins de la Société des gens
de lettres.
C'est sous une pluie battante que la céré-
monie a eu lieu. Malgré le mauvais temps,
cinq cents personnes environ avaient tenu
à apporter leurs gages de sympathie à la
mémoire de la victime des Pavillons noirs.
M. le général Saussier, gouverneur de
Paris, avait donné des ordres pour que les
régiments de la capitale envoyassent à la
cérémonie des délégations des médaillés du
Tonkin sous les ordres d'un officier ou d'un
sous-officier.
Autour du monument, dont nous avons
parlé l'an dernier au moment de son inau-
guration, on remarquait : M. Ernest Hamel,
président de la Société des gens de lettres,
M. le capitaine retraité de Colomb, prési-
dent d'honneur de l'Association tonkinoise,
notre confrère de Cuers, fondateur de la
société, MM. G. Potel, André, Pierre et
Paul Dumontier, cousin et neveux du com-
mandant Rivière. Une délégation du Groupe
fraternel des anciens défenseurs de la pa-
trie était venue, clairon en tête. Puis par-
tout, au milieu des tombes, des gardes de
Paris, des pompiers, des fantassins, de la
ligne et de la marine, tous portant sur la
poitrine la médaille du Tonkin.
Pour la première fois, l'Association avait
sorti son drapeau. Celui-ci, aux couleurs
du ruban de la médaille, jaune etvert,rap-
pelle sur l'une de ses faces les grandes éta-
pes de la campagne tonkinoise : Can-Quai,
Sontay, Fou-Tcheou, Formose, Thuyen-
Quan, Pescadores; sur l'autre face, les noms
de Francis Garnier, Henri Rivière, Cour-
bet et Bobillot.
Les discours
M. Hamel a pris le premier la parole, au
nom de la Société des gens de lettres, dont
Rivière faisait partie depuis huit ans.
L'orateur a rappelé les commencements
de la campagne du Tonkin et nos premiers
désastres, et malgré cela l'honneur toujours
sauf, car il y a des échecs plus glorieux
que des victoires.
Depuis, l'ennemi a payé chèrement la
mort d'Henri Rivière.
Après avoir rappelé les services du bril-
lant officier, M. Hamel adresse un pieux
souvenir au compagnon d'armes du com-
mandant, M. Berthe de Villiers,ce jeune of-
ficier qui lui aussi, laissant en France une
jeune femme et un enfant, est tombé loin
de sa patrie, sous les coups des Pavillons
noirs.
L'orateur termine en rendant un glorieux
hommage à l'armée française et lui rap-
pelle que la patrieJout entière a mis sa
confiance en ses mains loyales.
M. de Colomb à son tour vient saluer la
mémoire d'Henri Rivière et celle du com-
mandant Berthe de Villiers ; il rappelle en
quelques mots l'idée de mutualité et de
prévoyance qui a présidé à la fondation
de l'Association tonkinoise, dont on l'a
choisi comme président.
La cérémonie s'est terminée par quel-
ques paroles patriotiques prononcés par
deux représentants du groupe fraternel des
anciens défenseurs de la patrie
CHRONIQUE
On a beaucoup parlé ici de la fameuse
loi Griffe; on l'a prise par tous tes bouts.
S'il ne s'agissait que d'économie poli-
tique, je n'en sonnerais mot ; mais de son
application a jailli un cas de conscience
très curieux, que l'on a soumis à mon
appréciation et que je demande la per-
mission de vous présenter.
Je laisse, pour plus de commodité, par-
ler le négociant qui me l'a proposé :
— Je suis négociant en vins dans l'Est;
ma clientèle se compose uniquement de
marchands de vins en gros, qui reven-
dent eux-mêmes, soit aux débitants, soit
aux consommateurs bourgeois.
Vous savez qu'à la suite des ravages du
phylloxéra, une transformation profonde
s'opéra dans le commerce des vins.
Au lieu des vins de nos départements
méridionaux que buvait alors exclusive-
ment la grande consommation, on vit
arriver les vins d'Espagne, de Portugal,
d'Italie, etc., etc., tous vins chargés d'al-
cool, hauts en couleur, qu'on ne pouvait
livrer à la grande consommation sans les
couper d'un vin plus léger.
On trouva le vin de raisins secs.
Cette industrie nouvelle, dont le ber-
ceau fut Marseitlan, près Cette, se localisa
d'abord dans le Midi. Pendant plusieurs
années, le monopole resta entre les mains
du.commerce de quatre départements, té
Gard, l'Hérault,. l'Aude et ièa Pyrénées-
Orientales, qui livrait ainsi les vins du
Midi, ou soi-disant tels, à meilleur mar-
ché, rendus chez nos clients de l'Est, que
nous ne les achetions pris chez les pro-
priétaires du Midi.
A la fin, les maisons de la Bourgogne,
de la Franche-Comté et de la Lorraine
(pour ne parler que des régions que je
connais bien), se lassèrent de tenir,
comme on dit, la chandelle. Nous nous
dîmes que nous étions bien bêtes de ne
pas lutter sur le même terrain que nos
rivaux, en mettant en vente du vin de rai-
sins secs.
Seulement, nous eûmes soin de l'appe-
ler de son vrai nom et de le vendre pour
ce qu'il était.
Nous étions d'ailleurs encouragés par
l'Etat, qui semblait alors protéger cette
industrie nouvelle. L'Etat, en effet, sur
les instances des représentants du Midi,
avait, en 1880, rapporté une mesure qui
établissait un compte de régie distinct
entre les vins de raisins frais et les vins
de raisins secs.
L'abolition du double compte, c'était
comme une reconnaissance officielle de la
légitimité des vins de raisin** secs ; c'était
leur naturalisation comme vins; c'était la
sanction donnée aux consultations des
savants les plus illustres, qui avaient
déclaré les vins de raisins secs analogues
aux vins de raisins frais, et reconnu l'im-
possibilité absolue de les distinguer par
l'analyse chimique les uns des autres.
Nous voilà donc, fondant à grands frais,
dans l'Est, des usines pour la fabrication
des vins de raisins secs. Nous les vendions
à notre clientèle, en les facturant pour ce
qu'ils étaient, concurremment avec ce
qui restait encore de vins français natu-
rels.avec des vins étarngers, et nos clients
faisaient ensuite des mélanges selon le
goût de leurs acheteurs et le prix qu'ils y
voulaient mettre.
Il se passa alors un fait singulier. Les
négociants du Midi, qui s'étaient les
premiers servis du vin de raisins secs,
qui en avaient recueilli les premiers béné-
fices alors qu'il était peu connu, pous-
sèrent des cris de paon dès qu'ils nous
virent marcher sur leurs brisées.
Nous les gênions beaucoup. Ils avaient,
en effet, à mener du Midi chez nous du
vin, marchandise lourde et encombrante ;
nous, nous faisions venir du raisin. Nous
transportions cent kilogrammes de rai-
sin, donnant trois ou quatre hectolitres
de vin,au prix de transport payé par eux
pour un seul hectolitre : d'où un béné-
fice net pour nous.
Alors commença une campagne achar-
née.
Ces messieurs du Midi réclamèrent d'a-
bord le rétablissement du double compte,
aboli en 1880 sur leur demande. Ils
échouèrent en 188A ; mais ils ne se lassè-
rent point, et en 1889, année où la ré-
colte fut exceptionnellement abondante
et de qualité exceptionnellement mau-
vaise, ce qui fit que le prix en fut excep-
tionnellement bas, ils mirent à profit
cette circonstance pour prétendre que les
deux millions d'hectolitres de vins de
raisins secs faisaient aux trente millions
d'hectolitres de vins français une déloyale
concurrence et les empêchaient de se
vendre.
On cria si fort, on gémit si bruyam-
ment sur la ruine de notre viticulture, que
les pouvoirs publics laissèrent passer la
loi Griffe.
Cette loi, vous vous en souvenez, ne se
contente pas d'exiger que le vin de rai-
sins secs se vende sous son vrai nom, ce
qui eût été légitime; elle s'interpose entre
le vendeur et l'acheteur, créant un ré-
gime d'exception. Elle donne à l'admi-
nistration le droit de fouiller les factures,
les livres des négociants, et enfin elle im-
pose à tous les fûts de vin de raisins secs
ou de vin contenant une dose quelconque
de vin de raisins secs, une étiquette en
gros caractères déclarant le liquide com-
me vin de raisins secs ; en sorte que sis
vous, vous désirez en boire ou en faire
boire à votre office, tout votre personnel
en est instruit, tous vos voisins le savent.
C'est une loi inquisitoriale au premier
chef, une loi absolument inique ; mais,
enfin, c'est la loi.
Pour nous, fabricants devins de raisins
secs, c'était la mort sans phrase. Aussitôt
la loi Griffe promulguée, je fermai mon
usine, convaincu que personne ne vou-
drait plus, avec le régime de l'étiquette,
recevoir des vins de raisins secs.
r C'était pour moi une perte nette et une
grosse perte. Mais je m'en consolais ; car il
faut savoir se consoler de tout. Je me di
sais que si j'étais frappé comme fabr
cant de vins de raisins secs, je verrais mat
vente de vins de raisins frais s'augmenter
d'autant et que,d'autre part, faisant aussi
de la viticulture sur une assez grande
échelle dans le Midi, je retrouverais peuté
être d'un côté ce que je perdais de l'a
tre.
J'avais compté sans mon hôte.
La loi Griffe, entre autres défauts, a cet
lui-ci qui est le premier de tous, c'est
qu elle n'est une loi que pour les honnê.¡
tes gens, c'est-à-dire pour ceux qui n'ed
ont pas besoin.
Un seul chimiste en France prétend
avoir trouvé le moyen de distinguer à
l'analyse le vin de raisins secs du vis
de raisins frais. Mais il refuse de livrer
ses procédés. Tous les autres chimistes
assurent qu'il y a, chimiquement par*'
lant, identité.
Qu'arrive-t-il ? c'est que moi, respect
tueux de la loi, si mauvaise que je la
trouve, j'ai fermé mon usine. Quelques-
uns de mes concurrents, moins naïfs que
moi, continuent d'expédier leurs vins de
raisins secs avec des acquits de vins de
vendange. Us sont sûrs de l'impunité.
ïte taus côtés, mes anciens cliëûts m*
disent ; : - - - ,.'
wiivreJMuterdes vIosf ttlisins sec<
nous en avons besoin ; la récolte, de 1883 :'
a été insuffisante ; les vins sont du double
plus chërs que l'an dernier et le consens.
mateur ne veut ni ne peut payer davan-
tage. Il nous en faut. »
— Je veux bien en fabriquer de nou-
veau ; mais les recevrez-vous avec acquit
spécial et fût marqué?
— Jamais de la vie î
— Je ne puis livrer alors ; la loi le dé-
fend.
-- Eh bien ? nous nous adresserons à
d'autres.
Mais ce n'est pas tout. Figurez-vous
que ces propriétaires du Midi qui, à force
de geindre, ont arraché la loi Griffe aux
Chambres, s'en servent à présent pour la
violer.
Quelques-uns d'entre eux Jouent S
présent leurs caves à des industriels, dii
Midi comme eux, qui, pour éluder la fM
meuse loi Griffe, fabriquent chez le viti
culteur des vins de raisins secs, et cea
vins partent de là, grâce à cette complis
cité, avec des certificats de vins de vesn
dange.
Les voisins ferment les yeux loi. i.
en fait autant ; en sorte que la loi Griff j ,
aboutit à ce résultat merveilleux de prcH
léger la commerce de gens peu déHôai#
contre celai des négociants qui le sont-
trop. Et ce qu'il y a de plaisant, c'est
qu'on nous Pa donnée comme une loi da
moralité publiquey de probitécoTnmtJN
ciale.
Eh bien, monsieur, voici mon cas dé
conscience :
Je sais de mes concurrents qui fraibf
dent ainsi la loi et me ruinent.
Puis-je honorablement les dénoncer? j
Et si vous me répondez que l'hon-t
neur me le défend, dois-je faire comnw
eux ?
Voilà là question.
Francisque Sarcey-
LE MARIAGE DE STANLEY
Pendant l'absence. - Correspondance
suivie. *
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIBR) !
Londres, 18 mai. ,
Les journaux et la société anglaise s'occu4
pent beaucoup du prochain mariage da
Stanley et de l'histoire de cette union s*
intéressante. ».
Miss Dorothay-Tennant était chaudement
patronnée, comme artiste et personnelle-
ment, par la baronne Burdett-Coutts, et
c'est dans le salon de cette dernière qua
Stanley a vu pour la première fois, il y a
quatre ans et demi environ, sa future
femme. Il échangea avec elle les promesses
de mariage trois jours avant de partir pour
l'Afrique.
Pendant son absence, il était en corres»
pondance suivie avec sa fiancée. Elle avait
des nouvelles de lui par chaque courrier
qui apportait des lettres d'Afrique au c
mité d'Emin-Pacha.
Une dizaine d'amis intimes seulemen4
avaient eu connaissance des fiançailles.
Lors du départ de M. Stanley pour so
long voyage, ils avaient promis de garde,
le secrët, et ils ont fidèlement tenu leup
promesse.
Miss Tennant assistait hier soir à un ban-
quet offert à Stanley par une société de
gymnastique.
Le mari de la baronne Burdett-Couls,
qui présidait ce banquet,a,dans un toast,fait
allusion au prochain mariage de l'illustra
explorateur qui, de son côté, a remercié de
l'accueil sympathique fait à la nouvelle dp
cet événement de sa vie.
M. YVES GUYOT A ROCHEFORT
(DE NOTRE CORRESPONDANT)
Rochefort, 18 mai.
M. Yves Guyot, ministre des travaux pu
blics, est arrivé ce matin, à huit heures, à
Rochefort, où il a été reçu par le major dq
la flotte, entouré de toutes les autorités
maritimes et par le conseil municipal.
Le préfet de la Charente-Inférieure, la
sous-préfet de Rochefort et M. Braud, maira
de Rochefort, s'étaient rendus au-devant.
de M. le ministre à Aigrefeuille, première
station du département, où ils avaient pris
place dans le train spécial.
M. Yves Guyot s'est aussitôt rendu à la
préfecture maritime, où une grande récep-
tion a eu lieu.
Les troupes de terre et de mer étaient
rangées sur tout le passage et rendaient les
honneurs. -
La population a fait au ministre un ac
cueil sympathique.
[Au cours de la réception qui a eu lieu ca
matin à la préfecture maritime, M. Yves Guyot
a remis les palmes d'officier d'académie à M.
Schmulz, adjoint au maire, et A M. Roche, con-
seiller senéralj -
- XIX1 SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
rédaction
148. Rue iMiontmsxtr®
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D IR EctEU R POLITIQUE
A. - Edouard PORTALIS
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DU DISCOURS DE H. FLOQUET
lA RÉUNION DU CIRQUE D'HIVER
LA CHUTE D'UN BALLON
L'Affaire de la porte de Vanves
UN PRÉFET
FIN DE SIÈCLE
Il a suffi que Paul Ginisty signalât
dans le XIX° Siècle, l'autre jour, une
grosse misère pour qu'elle fût aUssi-
tôt soulagée. Nous allons aujourd'hui
signaler une grosse injustice, avec
la ferme confiance que, cette fois en-
core, le XIXe Siècle obtiendra gain de
cause.
Souvent nous nous sommes élevés
contre l'habitude prise depuis trop
longtemps par nos ministres de don-
ner les places les plus élevées de l'ad-
ministration à des hommes qui n'ont
d'autre titre à la faveur gouverne-
mentale que d'être le camarade ou
le protégé de quelque membre influent
de la Chambre ou du Sénat.
Cette habitude, nous l'avons dit
maintes et maintes fois, a pour effet
de décourager les fonctionnaires de
carrière, dont elle rend l'avancement
de plus en plus difficile. A quoi bon
remplir avec zèle des fonctions qui ne
mènent à rien? A quoi bon se donner
de la peine pour voir de nouveaux
venus, des ratés de la politique, du
journalisme ou du barreau, accaparer
les positions qu'on avait cru pouvoir
conquérir à force de travail et d'assi-
duité? ,"
Mais ces nominations ont un autre
inconvénient. Les ministreS qui les si-
gnent, ne sachant pas s'ils seront en-
core ministres, c'est-à-dire responsa-
bles, le lendemain, se préoccupent
peu des capacités, quelquefois même
de l'honorabilité de leurs protégés.
Pour ne citer qu'un exemple à l'ap-
pui de ces observations, nous deman-
dons au lecteur la permission dé lui
mettre sous les yeux une lettre que
nous avons reçue, il y a quelques jours,
et qui signale un fait absolument
monstrueux.
Nous copions textuellement, en sup-
primant toutefois le nom du départe-
ment et celui des fonctionnaires mis en
cause. Nous dirons seulement qu'il
s'agit d'un ami de M. Wilson, subite-
ment bombardé préfet par M. Cons-
tans dans une de nos plus importan-
tes préfectures :
« Je suis, nous écrit notre corres-
pondant, votre abonné depuis plu-
sieurs années. Laissez-moi, à ce titre,
porter à votre connaissance un abus
grave qui cause un véritable scandale
dans notre arrondissement. i
m M. X., préfet d'un des départe-
ments du centre, possède dans les en-
virons de Paris une superbe maison
de campagne meublée avec luxe et
très bien entretenue. M. le préfet est
imposé de ce chef, au rôle des contri-
butions, pour une somme de 1,177fr.;
mais M. le préfet ne paie pas ses im-
positions : il doit les premiers termes
échus de 1890, l'année 1889, et même
l'année 1888 en entier.
a Après des promesses nombreuses
restées sans effet, le percepteur des
contributions de la commune où est
située ladite propriété a décerné une
contrainte extérieure contre M. le pré-
fet; cet acte a été transmis à M. le
trésorier général du département ad-
ministré par ce haut fonctionnaire au
mois de septembre 1889, pour obtenir
paiement des exercices 1888 et 1889,
soit 9,200 fr. environ.
» Mais,pour qu'une contrainte exté-
rieure puisse être mise à exécution,
il faut qu'elle soit autorisée ou visée
par le préfet du département où le
contribuable est domicilié ; or, il pa-
raît que M. le trésorier général n'a
pas encore obtenu le visa de M. le
préfet, puisque la contrainte ou les
contraintes ne sont pas encore reve-
nues. M. le préfet ne signe pas l'ordre
de se poursuivre lui-même, et le comp-
table du Trésor se trouve ainsi dé-
sarmé.
» Pour gagner du temps, M. le pré-
fet a adressé une réclamation à la
préfecture du département où est si-
tuée sa propriété, mais le conseil de
préfecture a rejeté cette demande.
» Enfin, au mois de novembre, le
receveur des finances de l'arrondisse-
ment qui a l'honneur de compter M.
le préfet parmi ses châtelains a dû,
pour se conformer aux ordres du mi-
nistère, verser dans la caisse de l'E-
tat la somme qui n'avait pas été re-
couvrée sur l'exercice 1888, soit, pour
le compte de M. le préfet, 1,177 francs.
» Tous ces faits ont été signalés au
ministre des finances, qui n'a pu, jus-
qu'à ce jour, triompher de la résis-
tance du contribuable.
» Vous le voyez, monsieur le direc-
teur, voilà un préfet qui, abusant de
sa situation et de l'autorité qui lui a
été donnée par le gouvernement, ne
craint pas de faire dans la bourse d'un
modeste agent du Trésor un véritable
emprunt forcé.
v Au mois de novembre, cet agent
sera encore contraint de verser dans
la caisse, de ses deniers personnels, le
montant des contributions de l'exer-
cice 1889 qui n'auront pas été acquit-
tées par M. le préfet.
» Et chaque jour M. le préfet auto-
rise la saisie et la vente de mobiliers
de malheureux ouvriers pour une
somme de 10 ou 15 francs !
» Agréez, etc. »
Cette lettre peut se passer de com-
mentaires. Aussi n'ajouterons - nous
qu'un seul mot.
NoÙsne- sommes pas de ceux qui
ont jamais eu une foi aveugle et quasi
superstitieuse dans l'énergie de M.
Constans. Nous avons, au contraire,
de nombreuses raisons de croire — et
nous ne sommes pas les seuls — que
la légende de ministre à poigne qu'il
a su se faire cache une extraordinaire
mollesse dans la direction quotidienne
de l'administration de l'intérieur. Nous
sommes pourtant convaincus que,cette
fois, les mesures nécessaires vont être
immédiatement prises pour faire ces-
ser un aussi triste scandale.
Si on ne les prenait pas, nous nous
verrions obligés de citer des noms et
de donner des preuves.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
« Chronicrue car M. Paul Ginisty.
ÉLECTION AU CONSEIL GÉNÉRAL
Canton de Bagé-le-Châtel
Bourg, 18 mai.
MM. Bùiron, républicain. 1.5!a ,ELU
de Balor) conservateur.. 1.529
(Siège gagne/. -1
H s'agissait de pourvoir au siège de M. de
Balorre dont l'élection avait été annulée
par le conseil d'Etat. -,
LA CHUTE DU FIGARO"
M. Laguerre en ballon. — Vertigineuse
descente. - Sauvés r
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Beauvais, 18 mai.
Hier après midi, un ballon, le Figaro,
quittait Enghien, emportant M. et Mme La-
guerre, M. Périvier et les aéronautes Jovis
et Mallet.
Surpris par un orage violent, on jeta du
lest, on en jeta encore, tant et si bien que
le ballon, après avoir traversé les nuages,
dépassa quatre mille mètres.
Bientôt on vit le ballon redescendre avec
une vitesse énorme. Impossible de le
modérer ; on jeta tout ce qui restait dans la
nacelle, jusqu'au baromètre ; vains efforts :
la descente devint vertigineuse ; le ballon,
enfin, s'abattit au milieu de la forêt d'Hez,
crevé par les branches d'arbres.
Les voyageurs tombèrent rudement sur
le sol où ils furent pris de vomissements
violents.
Ils avaient dégringolé plus de A.000 mè-
tres en douze minutes !
Nous avons appris dans la soirée qu'ils
avaient pu, à peu près sains et saufs, re-
gagner Paris.
LE TIR INTERNATIONAL DE ROME
Le commandement à Massouah
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 18 mai.
Le grand prix de tir a été gagné par un
Allemand.
Les tireurs français comptent de nom-
breux lauréats. MM. Moreaux, Ligneris,
Dufier, Mérillon ont obtenu des premiers
prix.
Leurs noms ont été très applaudis.
Le général Cagni n'accepte pas le com-
mandement du corps exéditionnaire de
l'Afrique, en remplacement du général
Orero.
TROUBLES A ALAIS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTJCLJaR)
, Alais, 11 h. 10 soir.
Deux femmes, dont une âgée de soixante-
dix ans, qui s'étaient fait remarquer hier,
viennent d'être arrêtées ce soir et conduites
dans la prison du fort.
En ce moment, plus de mille grévistes
sont devant la mairie et réclament à grands
cris leur mise en liberté.
Le procureur de la République vient
d'être prévenu. De graves incidents sont
imminents. Les mineurs sont exaspérés.
La gendarmerie est arrivée pour faire
évacuer la place de la Mairie. Le sous-préfet
est à Bessèges.
La place est occupée militairement. Les
soldats ont mis la baïonnette au canon. L'a-
gitation est à son comble. Le tambour
roule, des sommations sont faites.
LA CONCUSSION EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Florence, 18 mai
De graves malversations et la fabrication
de faux titres ont été découvertes à la tré-
sorerie de notre ville. Le caissier et cinq
autres employés ont été arrêtés,
DISCOURS DEM. FLOQUET
* BANQUET
DES ASSOCIATIONS OUVRIÈRES
Avenue Daumesnil. — Bienfaits de la
coopération et de la collectivité. —
Quelques personnages poli ti-
quée. - Un éloge de M. Flo-
quet. — Discours du
président de la
Chambre.
La chambre consultative des associations
ouvrières de production avait organisé
hier un gratrd banquet dans les salons de
la Porte-Dorée, avenue Daumesnil, pour
fêter la première réunion des nombreuses
sociétés qui ont adhéré à l'association.
En raison des nombreux services qu'il a
rendus à la cause ouvrière, et surtout aux
sociétés coopératives, M. Charles Floquet,
président CI;' la Chambre, avait été prié
d'accepter la présidence du banquet.
Près de hL i" cents personnes, apparte-
nant à tous les corps d'état syndiqués,
avaient pris place dans les salons du rez-
de-chaussée; des tables avaient été instal-
lées jusque dans les couloirs.
A la tahle d'honneur, et aux côtés de M.
Floquet, on remarquait MM. Levasseur et
Barré, l'un président, l'autre délégué de la
chambre consultative; puis de chaque
côté : MM. Bourgeois, ministre de l'instruc-
tion publique; Maze, Martin et Foucher de
Càred, sénate urs*; Stegfri ed, Hubbard, Du-
may et Maujan, députés ; Doumerç, çhef 'du
cabinet du président de la Chambre, et
Pascal, chef duk secrétariat; Marsoulan,
Cattiaux, Deschamps, Chauvièré, bassinet,
Bertau, Faillet, Viliaiia, Rouailttetj Poussier
et Dubois; conseillers municipaux.
M. Fallières, ministre de la justice, s'était
fait excuser par une lettre dans laquelle il
annonçait son départ subit de Paris pour
se rendre près de son enfant malade.
M. Joffrin, député de Paris, s'était fait
excuser lui aussi.
Les discours
Avant d'ouvrir le feu des discours, M.
Marsoulan remercie en quelques mots les
organisateurs du banquet d'avoir choisi
pour lieu de leur réunion le quartier si ré-
publicain de Bel-Air, qu'il a l'honneur de
représenter au conseil municipal.
Il rappelle la lutte énergique que les élec-
teurs de ce quartier ont soutenue contre le
boulangisme.
M. Barré, délégué de la chambre consul-
tative, ne prononcera pas de discours ; il
veut seulement « profiter de ce que c'est la
première fois que se trouventréunis dans la
même enceinte les membres de cette asso-
ciation si imposante de tous les groupes
corporatifs, pour faire l'historique des durs
commencements de l'Union, de ses travaux
acquis, de ses espérances. •»
Et l'orateur rappelle que le point de dé-
part de l'association est l'exposition ou-
vrière qui a été organisée, il y a quelques
aiinéos, dans le pavillon de lu Villé de Paris,
aux Champs-Elysées. Il parie ensuite de
« l'essor que lui a donné la décision de
M. Floquet, alors préfet de la Seine, qui a
admis le* associations: coopératives aux tra-
vaux de la Ville, puis, plus tard encore,
le décret du h juin 1888, M. Floquet étant
ministre, qui admit ces mêmes associa-
tions aux travaux de l'Etat.
Enfin, couronnement de l'œuvre à l'Ex-
position de 1889 où l'association recevait
une médaille d'or.
Parlant de la question sociale, M. Barré
déclare que la répartition équitable du tra-r
vail est le fond de la question sociale, et
qu'il n'y a rien à chercher au-delà.
« Mais nous croyons, dit l'orateur, que
l'évolution sociale doit ne faire sans brus-
querie et sans heurts, et seulement par les
bienfaits de la coopération. »
M. Barré ajoute qu'il existe au sein du
conseil municipal une commission du tra-
vail, qu'à la Chambre une commission ana-
logue a été formée, mais qu'il reste encore
une chose à faire : créer un ministère du
travail. Cette motion est appuyée par les
applaudissements de l'assistance.
- « Notre devise doit être, dit l'orateur :
Vivre libre en travaillant ! C'est par la Ré-
publique que nous, avons eu la liberté;
c'est par la liberté que nous aurons l'égalité
et la fraternité. Aussi je vous prierai de
boire avec moi au premier magistrat de
cette République, à M. Ca,rnot! »
Des cris de Vive la République ! ont ac-
cueilli ce toast.
L'orateur boit aussi à M. Floquet pour
son dévouement à la cause des travailleurs.
Il boit à M. Bourgeois, qui représente le
gouvernement, aux députés, sénateurs et
conseillers municipaux, et à la presse.
DISCOURS DE M. FLOQUET
Il fait une chaleur horrible dans la salle,
et M. Floquet, pendant le cours du ban-
quet, en paru fort incommodé.
Il se lève et prononce le discours sui-
vant :
« Je salue en vous les représentants des
revendications ouvrières, je devrais dire
plutôt des espérances ouvrières, car, dans
l'ère de liberté où nous vivons, il ne doit
pas être question de revendications
M. Floquetfait le procès du boulangisme,
«de ce parti, dit-il, où des hommes avaient la
prétention de réaliser toutes les aspirations
ouvrières d'un seul coup de baguette. »
Les questions ouvrières demandent plus
d'étude que cela et plus de persévérance.
M. Floquet rappelle les débuts de ceux
qui ont voulu l'émancipation des sociétés
ouvrières ; leurs succès en 18h8, succès vite
engloutis dans la nuit du 2 Décembre 1851,
Et sous l'empire, les fallacieuses promesses
du gouvernement aux ouvriers, auxquels
on offrait l'échange des libertés civiques
contre leur liberté politique.
« Le devoir du gouvernement est de
donner son plus ferme appui aux collecti-
vités et à l'association. »
A ce moment de son discours, M. Floquet,
incommodé par la chaleur, est obligé de
s'asseoir; il veut reprendre quelques ins-
tants après, mais la force lui manque. On
ouvre les fenêtres et un peu d'air entre
dans cette salle transformée en étuve.
M. le président de la Chambre peut re-
prendre son discours. Il fait allusion aux
socialistes qui veulent brusquer la solution
de la question sociale. Ce n'est pas en brus-
quant les choses que nous résoudrons le
problème social. En allant progressivement,
nous ne satisferons pas tout le monde,
mais nous arriverons à notre but.
u Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est de plus en
plus substituer l'association et la collecti-
vité à l'émiettement individuel.
» Vous avez complété l'œuvre de la Révo-
lution française qui, elle, n'avait pu, dès le
début, affirmer les principes dç l'Associa-
tion et de la coopération.
» La Révolution française n'a pas donné
h terre au paysan, ellelalui a rendue en lui
permettant de l'acquérir, ce qu'il ne pou-
vait pas faire sous l'ancien régime.
» Vous faites de même avec vos associa-
tions coopératives, car vous tendez à con-
quérir le capital, cet instrument indispen-
sable du travail. (Applaudissements.)
» Vous avez remercié les députés, dit M.
Floquet, les sénateurs, les ministres, les
conseillers municipaux ; mais, avant tout,
vous devez de la reconnaissance à vos pré-
décesseurs de lar.8, qui ont créé les pre-
mières assocaitions, ceux-là qui, sous l'em-
pire, n'ont pas craint de faire en cachette
leurs réunions, qu'on leur interdisait sous
peine d'être traînés sur les bancs de la
police correctionnelle.
» Aussi, je terminerai en buvant avec
vous aux précurseurs de la pensée, de la
pratique, aux persévérants que rien n'a
arrêté. »
C'est au milieu de salves d'applaudisse-
ments que M. Floquet se rassoit. Des cris
de «Vive Floquet! » partent de tous les
coins de la salle.
Après que le calme se fut un peu rétabli
et que M. Dumay eut adressé quelques
mots à l'assemblée, M. Bourgeois, ministre
de l'instruction publique, prend la parole
pour émettre le vœu que l'on donne plus
de travaux aux associations ouvrières et
pour réclamer plus d'adhérents aux asso-
ciations.
Parlant au nom de ses collègues de la
Chambre et dû gouvernement, il assure aux
syndiqués qu'il tiendra la main à ce que
toutes les prérogatives des associations coo-
pératives soient respectées.
« Il ne suffit pas, dit le ministre, que les
corps d'état s'unissent en associations coo-
pératives: il faut que, dès l'école, cette idée
de coopération, d association du travail lut-
tant contre le capital, entre dans le cerveau
de l'ouvrier encore enfant. » Aussi, le minis-
tre souhaite-t-il que l'enseignement popu-
laire soit développé, et, terminant son dis-
cours, il boit aux idées de la coopération
dans l'éducation nationale.
Il se fait tard. M. Maze, dont le nom est
venu quelquefois dans la bouche des ora-
teurs au sujet des associations de secours
mutuels, remercie les orateurs qui ont cité
son nom et assure aux travailleurs que ce
n'est que dans la coopération, dans l'asso-
ciation, qu'ils trouveront le bien-être et la
répartition équitable du travail et du ca-
pital.
Le départ de M. Floquet et de M. Bour-
geois s'est effectué au milieu des plus cha-
leureux applaudissements.
LE TRAITÉ D'ÉTABLISSEMENT
SUISSE-ALLEMAND
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 18 mai.
On assure que le ministre d'Allemagne, M.
de Bulow, est chargé de faire de nouvelles
ouvertures au Conseil fédéral en vue du traité
d'établisse méat, tin jbuu U. le traité, actu"Vel
exp , ,- - \-
PIEUX ANNIVERSAIRE
L'Association tonkinoise. — Souvenir à
Henri Rivière et à Berthe de Vil-
liers. — Le drapeau de l'Asso-
ciation. — Les discours.
L'Association tonkinoise, société frater-
nelle des anciens militaires et marins mé-
daillés du Tonkin, s'est rendue hier au ci-
metière Montmartre, à l'occasion de l'anni-
versaire de la mort du commandant Ri-
vière, et a déposé une couronne devant le
buste érigé sur la tombe de cet héroïque
officier par les soins de la Société des gens
de lettres.
C'est sous une pluie battante que la céré-
monie a eu lieu. Malgré le mauvais temps,
cinq cents personnes environ avaient tenu
à apporter leurs gages de sympathie à la
mémoire de la victime des Pavillons noirs.
M. le général Saussier, gouverneur de
Paris, avait donné des ordres pour que les
régiments de la capitale envoyassent à la
cérémonie des délégations des médaillés du
Tonkin sous les ordres d'un officier ou d'un
sous-officier.
Autour du monument, dont nous avons
parlé l'an dernier au moment de son inau-
guration, on remarquait : M. Ernest Hamel,
président de la Société des gens de lettres,
M. le capitaine retraité de Colomb, prési-
dent d'honneur de l'Association tonkinoise,
notre confrère de Cuers, fondateur de la
société, MM. G. Potel, André, Pierre et
Paul Dumontier, cousin et neveux du com-
mandant Rivière. Une délégation du Groupe
fraternel des anciens défenseurs de la pa-
trie était venue, clairon en tête. Puis par-
tout, au milieu des tombes, des gardes de
Paris, des pompiers, des fantassins, de la
ligne et de la marine, tous portant sur la
poitrine la médaille du Tonkin.
Pour la première fois, l'Association avait
sorti son drapeau. Celui-ci, aux couleurs
du ruban de la médaille, jaune etvert,rap-
pelle sur l'une de ses faces les grandes éta-
pes de la campagne tonkinoise : Can-Quai,
Sontay, Fou-Tcheou, Formose, Thuyen-
Quan, Pescadores; sur l'autre face, les noms
de Francis Garnier, Henri Rivière, Cour-
bet et Bobillot.
Les discours
M. Hamel a pris le premier la parole, au
nom de la Société des gens de lettres, dont
Rivière faisait partie depuis huit ans.
L'orateur a rappelé les commencements
de la campagne du Tonkin et nos premiers
désastres, et malgré cela l'honneur toujours
sauf, car il y a des échecs plus glorieux
que des victoires.
Depuis, l'ennemi a payé chèrement la
mort d'Henri Rivière.
Après avoir rappelé les services du bril-
lant officier, M. Hamel adresse un pieux
souvenir au compagnon d'armes du com-
mandant, M. Berthe de Villiers,ce jeune of-
ficier qui lui aussi, laissant en France une
jeune femme et un enfant, est tombé loin
de sa patrie, sous les coups des Pavillons
noirs.
L'orateur termine en rendant un glorieux
hommage à l'armée française et lui rap-
pelle que la patrieJout entière a mis sa
confiance en ses mains loyales.
M. de Colomb à son tour vient saluer la
mémoire d'Henri Rivière et celle du com-
mandant Berthe de Villiers ; il rappelle en
quelques mots l'idée de mutualité et de
prévoyance qui a présidé à la fondation
de l'Association tonkinoise, dont on l'a
choisi comme président.
La cérémonie s'est terminée par quel-
ques paroles patriotiques prononcés par
deux représentants du groupe fraternel des
anciens défenseurs de la patrie
CHRONIQUE
On a beaucoup parlé ici de la fameuse
loi Griffe; on l'a prise par tous tes bouts.
S'il ne s'agissait que d'économie poli-
tique, je n'en sonnerais mot ; mais de son
application a jailli un cas de conscience
très curieux, que l'on a soumis à mon
appréciation et que je demande la per-
mission de vous présenter.
Je laisse, pour plus de commodité, par-
ler le négociant qui me l'a proposé :
— Je suis négociant en vins dans l'Est;
ma clientèle se compose uniquement de
marchands de vins en gros, qui reven-
dent eux-mêmes, soit aux débitants, soit
aux consommateurs bourgeois.
Vous savez qu'à la suite des ravages du
phylloxéra, une transformation profonde
s'opéra dans le commerce des vins.
Au lieu des vins de nos départements
méridionaux que buvait alors exclusive-
ment la grande consommation, on vit
arriver les vins d'Espagne, de Portugal,
d'Italie, etc., etc., tous vins chargés d'al-
cool, hauts en couleur, qu'on ne pouvait
livrer à la grande consommation sans les
couper d'un vin plus léger.
On trouva le vin de raisins secs.
Cette industrie nouvelle, dont le ber-
ceau fut Marseitlan, près Cette, se localisa
d'abord dans le Midi. Pendant plusieurs
années, le monopole resta entre les mains
du.commerce de quatre départements, té
Gard, l'Hérault,. l'Aude et ièa Pyrénées-
Orientales, qui livrait ainsi les vins du
Midi, ou soi-disant tels, à meilleur mar-
ché, rendus chez nos clients de l'Est, que
nous ne les achetions pris chez les pro-
priétaires du Midi.
A la fin, les maisons de la Bourgogne,
de la Franche-Comté et de la Lorraine
(pour ne parler que des régions que je
connais bien), se lassèrent de tenir,
comme on dit, la chandelle. Nous nous
dîmes que nous étions bien bêtes de ne
pas lutter sur le même terrain que nos
rivaux, en mettant en vente du vin de rai-
sins secs.
Seulement, nous eûmes soin de l'appe-
ler de son vrai nom et de le vendre pour
ce qu'il était.
Nous étions d'ailleurs encouragés par
l'Etat, qui semblait alors protéger cette
industrie nouvelle. L'Etat, en effet, sur
les instances des représentants du Midi,
avait, en 1880, rapporté une mesure qui
établissait un compte de régie distinct
entre les vins de raisins frais et les vins
de raisins secs.
L'abolition du double compte, c'était
comme une reconnaissance officielle de la
légitimité des vins de raisin** secs ; c'était
leur naturalisation comme vins; c'était la
sanction donnée aux consultations des
savants les plus illustres, qui avaient
déclaré les vins de raisins secs analogues
aux vins de raisins frais, et reconnu l'im-
possibilité absolue de les distinguer par
l'analyse chimique les uns des autres.
Nous voilà donc, fondant à grands frais,
dans l'Est, des usines pour la fabrication
des vins de raisins secs. Nous les vendions
à notre clientèle, en les facturant pour ce
qu'ils étaient, concurremment avec ce
qui restait encore de vins français natu-
rels.avec des vins étarngers, et nos clients
faisaient ensuite des mélanges selon le
goût de leurs acheteurs et le prix qu'ils y
voulaient mettre.
Il se passa alors un fait singulier. Les
négociants du Midi, qui s'étaient les
premiers servis du vin de raisins secs,
qui en avaient recueilli les premiers béné-
fices alors qu'il était peu connu, pous-
sèrent des cris de paon dès qu'ils nous
virent marcher sur leurs brisées.
Nous les gênions beaucoup. Ils avaient,
en effet, à mener du Midi chez nous du
vin, marchandise lourde et encombrante ;
nous, nous faisions venir du raisin. Nous
transportions cent kilogrammes de rai-
sin, donnant trois ou quatre hectolitres
de vin,au prix de transport payé par eux
pour un seul hectolitre : d'où un béné-
fice net pour nous.
Alors commença une campagne achar-
née.
Ces messieurs du Midi réclamèrent d'a-
bord le rétablissement du double compte,
aboli en 1880 sur leur demande. Ils
échouèrent en 188A ; mais ils ne se lassè-
rent point, et en 1889, année où la ré-
colte fut exceptionnellement abondante
et de qualité exceptionnellement mau-
vaise, ce qui fit que le prix en fut excep-
tionnellement bas, ils mirent à profit
cette circonstance pour prétendre que les
deux millions d'hectolitres de vins de
raisins secs faisaient aux trente millions
d'hectolitres de vins français une déloyale
concurrence et les empêchaient de se
vendre.
On cria si fort, on gémit si bruyam-
ment sur la ruine de notre viticulture, que
les pouvoirs publics laissèrent passer la
loi Griffe.
Cette loi, vous vous en souvenez, ne se
contente pas d'exiger que le vin de rai-
sins secs se vende sous son vrai nom, ce
qui eût été légitime; elle s'interpose entre
le vendeur et l'acheteur, créant un ré-
gime d'exception. Elle donne à l'admi-
nistration le droit de fouiller les factures,
les livres des négociants, et enfin elle im-
pose à tous les fûts de vin de raisins secs
ou de vin contenant une dose quelconque
de vin de raisins secs, une étiquette en
gros caractères déclarant le liquide com-
me vin de raisins secs ; en sorte que sis
vous, vous désirez en boire ou en faire
boire à votre office, tout votre personnel
en est instruit, tous vos voisins le savent.
C'est une loi inquisitoriale au premier
chef, une loi absolument inique ; mais,
enfin, c'est la loi.
Pour nous, fabricants devins de raisins
secs, c'était la mort sans phrase. Aussitôt
la loi Griffe promulguée, je fermai mon
usine, convaincu que personne ne vou-
drait plus, avec le régime de l'étiquette,
recevoir des vins de raisins secs.
r C'était pour moi une perte nette et une
grosse perte. Mais je m'en consolais ; car il
faut savoir se consoler de tout. Je me di
sais que si j'étais frappé comme fabr
cant de vins de raisins secs, je verrais mat
vente de vins de raisins frais s'augmenter
d'autant et que,d'autre part, faisant aussi
de la viticulture sur une assez grande
échelle dans le Midi, je retrouverais peuté
être d'un côté ce que je perdais de l'a
tre.
J'avais compté sans mon hôte.
La loi Griffe, entre autres défauts, a cet
lui-ci qui est le premier de tous, c'est
qu elle n'est une loi que pour les honnê.¡
tes gens, c'est-à-dire pour ceux qui n'ed
ont pas besoin.
Un seul chimiste en France prétend
avoir trouvé le moyen de distinguer à
l'analyse le vin de raisins secs du vis
de raisins frais. Mais il refuse de livrer
ses procédés. Tous les autres chimistes
assurent qu'il y a, chimiquement par*'
lant, identité.
Qu'arrive-t-il ? c'est que moi, respect
tueux de la loi, si mauvaise que je la
trouve, j'ai fermé mon usine. Quelques-
uns de mes concurrents, moins naïfs que
moi, continuent d'expédier leurs vins de
raisins secs avec des acquits de vins de
vendange. Us sont sûrs de l'impunité.
ïte taus côtés, mes anciens cliëûts m*
disent ; : - - - ,.'
wiivreJMuterdes vIosf ttlisins sec<
nous en avons besoin ; la récolte, de 1883 :'
a été insuffisante ; les vins sont du double
plus chërs que l'an dernier et le consens.
mateur ne veut ni ne peut payer davan-
tage. Il nous en faut. »
— Je veux bien en fabriquer de nou-
veau ; mais les recevrez-vous avec acquit
spécial et fût marqué?
— Jamais de la vie î
— Je ne puis livrer alors ; la loi le dé-
fend.
-- Eh bien ? nous nous adresserons à
d'autres.
Mais ce n'est pas tout. Figurez-vous
que ces propriétaires du Midi qui, à force
de geindre, ont arraché la loi Griffe aux
Chambres, s'en servent à présent pour la
violer.
Quelques-uns d'entre eux Jouent S
présent leurs caves à des industriels, dii
Midi comme eux, qui, pour éluder la fM
meuse loi Griffe, fabriquent chez le viti
culteur des vins de raisins secs, et cea
vins partent de là, grâce à cette complis
cité, avec des certificats de vins de vesn
dange.
Les voisins ferment les yeux loi. i.
en fait autant ; en sorte que la loi Griff j ,
aboutit à ce résultat merveilleux de prcH
léger la commerce de gens peu déHôai#
contre celai des négociants qui le sont-
trop. Et ce qu'il y a de plaisant, c'est
qu'on nous Pa donnée comme une loi da
moralité publiquey de probitécoTnmtJN
ciale.
Eh bien, monsieur, voici mon cas dé
conscience :
Je sais de mes concurrents qui fraibf
dent ainsi la loi et me ruinent.
Puis-je honorablement les dénoncer? j
Et si vous me répondez que l'hon-t
neur me le défend, dois-je faire comnw
eux ?
Voilà là question.
Francisque Sarcey-
LE MARIAGE DE STANLEY
Pendant l'absence. - Correspondance
suivie. *
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIBR) !
Londres, 18 mai. ,
Les journaux et la société anglaise s'occu4
pent beaucoup du prochain mariage da
Stanley et de l'histoire de cette union s*
intéressante. ».
Miss Dorothay-Tennant était chaudement
patronnée, comme artiste et personnelle-
ment, par la baronne Burdett-Coutts, et
c'est dans le salon de cette dernière qua
Stanley a vu pour la première fois, il y a
quatre ans et demi environ, sa future
femme. Il échangea avec elle les promesses
de mariage trois jours avant de partir pour
l'Afrique.
Pendant son absence, il était en corres»
pondance suivie avec sa fiancée. Elle avait
des nouvelles de lui par chaque courrier
qui apportait des lettres d'Afrique au c
mité d'Emin-Pacha.
Une dizaine d'amis intimes seulemen4
avaient eu connaissance des fiançailles.
Lors du départ de M. Stanley pour so
long voyage, ils avaient promis de garde,
le secrët, et ils ont fidèlement tenu leup
promesse.
Miss Tennant assistait hier soir à un ban-
quet offert à Stanley par une société de
gymnastique.
Le mari de la baronne Burdett-Couls,
qui présidait ce banquet,a,dans un toast,fait
allusion au prochain mariage de l'illustra
explorateur qui, de son côté, a remercié de
l'accueil sympathique fait à la nouvelle dp
cet événement de sa vie.
M. YVES GUYOT A ROCHEFORT
(DE NOTRE CORRESPONDANT)
Rochefort, 18 mai.
M. Yves Guyot, ministre des travaux pu
blics, est arrivé ce matin, à huit heures, à
Rochefort, où il a été reçu par le major dq
la flotte, entouré de toutes les autorités
maritimes et par le conseil municipal.
Le préfet de la Charente-Inférieure, la
sous-préfet de Rochefort et M. Braud, maira
de Rochefort, s'étaient rendus au-devant.
de M. le ministre à Aigrefeuille, première
station du département, où ils avaient pris
place dans le train spécial.
M. Yves Guyot s'est aussitôt rendu à la
préfecture maritime, où une grande récep-
tion a eu lieu.
Les troupes de terre et de mer étaient
rangées sur tout le passage et rendaient les
honneurs. -
La population a fait au ministre un ac
cueil sympathique.
[Au cours de la réception qui a eu lieu ca
matin à la préfecture maritime, M. Yves Guyot
a remis les palmes d'officier d'académie à M.
Schmulz, adjoint au maire, et A M. Roche, con-
seiller senéralj -
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