Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-05-09
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 09 mai 1890 09 mai 1890
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. - 14 16,689
CINQ Centimes - Paris et Départements - CIRO Centimes
VENDREDI 9 MAI 1890 -
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L'ANARCHIE A LYON
ÏÀIIÉII dcs Ittani dciant à luëcg
LES GRÈVES
LES VERRIERS DU BAS-MEUDON
Ponrritllr tlc prison
La question pénitentiaire continue
de fixer l'attention des hommes poli-
tiques et des publicistes. Peu de pro-
blèmes, en effet, sont à la fois plus
captivants et plus graves. Depuis
vingt ans, celui-ci a donné naissance,
dans notre pays, à maintes études et
à quelques lois. Les deux monuments
les plus considérables qui aient enri-
chi, depuis 1870, notre législation pé-
nale sont la loi de 1875 sur le régime
cellulaire et la loi de 188A sur la libé-
ration conditionnelle.
„. La première mérite quelques éloges
et non moins de critiques. La discu-
ter serait faire le procès du régime
cellulaire. Il a été instruit trop sou-
vent, avec trop de passion, de raison
et d'éloquence, pour le recommencer
ici. Qu'il suffise de constater que la
loi de 1875 n'a produit ni tout le bien
qu'en espéraient ses défenseurs, ni
tout le mal qu'en redoutaient ses ad-
versaires.
On ne saurait trop applaudir à l'ins-
piration qui a dicté la loi sur la libé-
ration conditionnelle. Ses dispositions
se résument en deux mots : elle met la
liberté aux mains du prisonnier ; sa
libération sera le prix de sa bonne
conduite. C'est un puissant encoura-
gement qu'une telle perspective. Elle
a le tort d'exciter l'hypocrisie, si com-
mune parmi les prisonniers ; mais
l'inconvénient n'est pas sans remède.
C'est affaire aux agents chargés de
surveiller la conduite des condamnés,
au directeur et aux gardiens, de dé-
mêler sous la comédie la vérité et de
ne point se laisser piper aux tartuffe-
ries d'habiles gredins.
Tout compte fait, la libération con-
ditionnelle n'en constitue pas moins
un progrès dont on ne saurait, sans
injustice, nier la réalité ni l'étendue.
Mais, pour importante qu'elle soit,
cette amélioration est loin de remplir
les vœux des réformateurs de notre
régime pénitentiaire. Rien de plus
utile, sans doute, que d'encourager
par tous moyens les malheureux
enfermés entre les quatre murs d'une
prison à mériter d'en sortir le plus
vite possible.
Mais si l'on pouvait les empêcher
d'y entrer, autrement importante se-
rait l'amélioration. Bon pour les théo-
riciens de professer que la prison est
une école de moralisation. Quand on
en vient aux faits, il faut déchanter.
Comme il y a la pourriture d'hôpi-
tal, il y a la pourriture de prison.
L'une comme l'autre a ses miasmes,
les maladies contagieuses. La promis-
cuité des détenus : mal terrible, con-
tre lequel le régime cellulaire lui-
même n'offre qu'une garantie insuffi-
sante.
Tel entre dans la maison de déten-
tion sain ou à peine contaminé qui en
sort pourri jusqu'aux moelles. Il y
avait été amené par une faute vé-
nielle. Il y fait la connaissance de dé-
linquants d'habitude, vieux « chevaux
de retour » qui changent d'écurie
avec les saisons, se faisant arrêter de
préférence au nord en été, au midi en
hiver, pour qui la qualité de détenu
est devenue une profession. A leur
contact, le conscrit du vice n'est pas
long à se former et à mériter ses che-
vrons. Pour peu qu'il ait l'esprit fai-
ble, quelques semaines de séjour dans
la prison suffiront à parachever son
éducation et à le perdre sans retour.
C'est un homme à la mer. Il peut quit-
ter maintenant la prison, dont, quel-
ques semaines plus tôt, il ne franchis-
sait le seuil qu'avec une heureuse
terreur. Le voilà rassuré, aguerri. On
l'y reverra avant longtemps.
N'y a-t-il point de remède à un mal
.si grave ? Certes si. « Je pose en prin-
cipe, disait récemment, dans un in-
téressant interview, M. Léveillé, le
distingué professeur de droit criminel,
que la prison et les peines de courte
durée ne peuvent être favorables à
l'amendement des coupables. »
Cette assertion trop bien justifiée
appelle un corollaire. Si les petites
peines pervertissent au lieu d'amen-
der, la conclusion s'impose. Il faut,
sinon les supprimer, au moins les ren-
dre aussi rares que possible. Cette ré-
forme apparaît avec un caractère d'ur
gence tout particulier. ouand on sait
que les A/5 de la criminalité dans no-
tre pays sont constitués par la réci-
dive des petits délits.
Des propositions sur la matière ont
été déposées au Sénat par plusieurs
de ses membres. Une des dispositions
les plus intéressantes qui y sont ins-
crites serait le droit de pardon con-
féré au juge devant lequel comparaît
un prévenu coupable, pour la pre-
mière fois, d'un petit délit. Faculté
précieuse, dont l'usage, prudemment
réglé, est appelé à produire les meil-
leurs effets.
Une seconde mesure non moins
utile consisterait à donner au tribu-
nal le droit d'ordonner que la peine
sera « suspendue". Sur la mise en
pratique, les avis peuvent diffé-
rer. Contre l'opinion de M. Léveillé,
nous souhaiterions que la suspension
de la peine eût pour effet d'en retar-
der l'inscription au casier judiciaire
jusqu'à une faute nouvelle. Aucun
obstacle ainsi ne s'opposerait au re-
classement dans la société d'un ci-
toyen qui a commis une faute légère
et s'en repent.
Mais ce sont là détails sur lesquels
la controverse est ouverte. L'impor-
tant est de faire entrer au plus tôt
dans la loi le principe d'équitable et
sage indulgence qui doit sauver de la
contagion du vice tant de malheureux
perdus à jamais par une sévérité sans
discernement.
A. Millerand.
Le XIX- SIECLE publiera demain la
» Vie de Paria » par Henry Fouquier.
W)———~M
L'ETAT-MAJOR DE L'ARMÉE
Notre opinion justifiée. — Une simple
mutation.
L'opinion que nous avions émise sur le
véritable motif de la démission de M. le gé-
néral Haiilot se trouve pleinement justi-
fiée.
Loin d'être mis en disgrâce, comme le pré-
tendaient certains de nos confrères qui ju-
gent trop souvent les actes des généraux
avec une légèreté regrettable, l'ancien chef
d'état-major général du ministre de la
guerre devient nominalement membre du
conseil supérieur de défense, dont il faisait
déjà partie, du reste, en raison de ses fonc-
tions. -,
Il permute, ici comme là, avec M. le gé-
néral de Miribel, puisque celui-ci, en pre-
nant ses fonctions de chef d'état-major
transformées et augmentées, devient à ce
titre membre de droit du conseil supérieur
de la guerre, dont il était auparavant mem-
bre à titre personnel.
Réforme capitale
La substitution de M. le général de Miri-
bel à M. le général Haillot, — que nous
avions encore indiquée comme certaine et
imminente, contrairement à l'avis de cer-
tains journaux qui parlaient d'intérim et
qui mettaient déjà plusieurs noms en avant,
— est accompagnée des mesures que nous
signalions, mesures qui ne pouvaient être
retardées et qui sont le complément néces-
saire des dispositions prises dans ces der-
niers temps par M. de Freycinet pour cons-
tituer le haut commandement de nos ar-
mées actives. nA
il y avait, en euet, ceci d'anormal dans
les institutions militaires édictées par l'As-
semblée nationale, que, lors de la mobili-
sation, toutes les armes, toutes les troupes,
tous les services de l'armée passaient sans
embarras du pied de paix au pied de
guerre, tandis que les quartiers généraux
et les états-majors étaient obligés de se
constituer en entier avec les éléments les
plus disparates.
Il a été remédié à cette défectuosité, du
moins en ce qui concerne le généralissime
et les commandants d'armées ainsi que
leurs aides.
Il n'y avait plus qu'une lacune.
Elle vient d'être comblée.
Institution définitive
La réforme à opérer n'était point sans
écueil.
Nous sommes heureux de constater que
M. de Freycinet a résolu les difficultés avec
une très grande habileté.
Ce que l'on redoutait, c'est que le poste
de chef d'état-major de l'armée en temps
de paix et en temps de guerre fût occupé
par un personnage inamovible et indépen-
dant ; c'est bien ainsi que l'institution avait
été réclamée par quelques novateurs, et
c'est précisément parce que l'on voulait la
revêtir de ce double caractère que l'on ne
parvenait pas à la fonder, malgré l'incon-
testable progrès qu'elle réalise.
Dans son rapport au président de la Ré-
publique, M. de Freycinet a eu bien soin
de spécifier qu'il n'entend imposer aucune
permanence au titulaire de la fonction ; il
la déclare désirable, mais il reconnaît que
nul ne peut la décréter.
Comme il insiste, en outre, dans le même
document, sur la subordination absolue
du chef de l'état-major de l'armée au mi-
nistre de la guerre, et comme il indique
notamment que nulle décision ne pourra
être prise par le premier sans la signa-
ture du second, on est en droit de suppo-
ser que nul inconvénient ne résultera de
la réforme, mais que, au contraire, notre
haut commandement va être à même de
fonctionner enfin, dans les conditions les
plus simples, les plus pratiques et les plus
sures.
C'est une institution définitive et qui
nous donne toute garantie pour la défense
nationale.
UN DE PLUS
M. Sarlat, trésorier-payeur
M. Sarlat, ancien député de la Guade-
loupe, qui, aux dernières élections législa-
tives, n'avait eu que quelques voix, va, as-
sure-t-on, être nommé trésorier-payeur
général à la Martinique. @
M. Sarlat n'aura pas à se plaindre. Son
échec devant le suffrage universel lui vaut
une grosse sinécure. Il ne perd pas au
change.
LES ANARCHISTES
DE LYON
LE QUARTIER GÉNÉRAL DES ANARCHISTES
Les anciens exploits des anarchistes
à Lyon. - Dix-hwt tentatives en
sept ans. — Le complot pour
le ter mai. — Nombreu-
ses arrestations.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lyon, 7 mai.
On sait tous les projets que nourrissaient
les anarchistes pour la journée du 1er mai,
et comment ils ont été déjoués par la po-
lice.
A Lyon, un véritable complot a été dé-
couvert, de nombreuses arrestations ont
été opérées, et on peut s'attendre à de cu-
rieuses révélations au cours du procès qui
se déroulerâ dans quelques mois devant la
cour d'assises du Rhône.
Lyon a d'ailleurs toujours été, depuis
l'origine du parti, le centre des opérations
des anarchistes.
Par sa proximité avec Genève et l'Italie,
il leur offrait,en effet, toutes sortes d'avan-
tages, dont le moindre, à coup sûr, n'était
pas de pouvoir se mettre, — le coup fait,
— rapidement à l'abri des recherches de la
justice en passant la frontière.
D'autre part, Lyon commande la région
ouvrière de la Loire et du Centre, qui est,
avec celle du Nord, la plus importante de
de France.
Il y a là toute une agglomération de tra-
vailleurs chez lesquels les anarchistes vou-
laient fomenter une agitation qui les eût
peut-être poussés à tenter un mouvement.
Ces raisons expliquent suffisamment pour-
quoi les anarchistes ont fait de Lyon leur
quartier général.
De 1883 à 1890
A un moment, en 1883, ils étaient même
assez nombreux, et on se rappelle qu'ils
provoquèrent alors plusieurs attentats dont
quelques-uns eurent des suites funestes.
Personne ne doit avoir oublié l'explosion
de la bombe qui, au café de « l'Assommoir »,
à côté du théatre Bellecour, blessa griève-
ment plusieurs personnes, en tua même
une, et pour laquelle Cyvoct est encore aux
travaux* forcés.
Nous n'avons pas l'intention d'énumérer
un à un les exploits dont les anarchistes
peuvent se vanter. Qu'il nous suffise de dire
que, depuis cette époque, il y eut à Lyon
quinze explosions de bombes ou de boîtes
de poudre et deux tentatives d'incendie,
qui ne firent heureusement que peu de
victimes. Un commissaire de police et sept
agents furent cependant assez gravement
atteints une fois par les éclats d'une bombe.
En 1883, au moment où ils semblaient
devenir un réel danger pour la tranquillité
publique, les anarchistes obéissaient à une
direction et n'agissaient qu'à un mot d'or-
dre donné.
C'était par groupes qu'ils commettaient
leurs attentats.
Depuis, ils ont renonce a toute action
collective ; et c'est maintenant, chacun sé-
parément, qu'ils vont la nuit faire éclater
leurs engins. Ils se réunissent les uns chez
lès autres, sans avoir jamais de lieu de ren-
dez-vous fixe; se répartissent les matières
explosibles qu'un d'entre eux prépare et
agissent où et quand bon leur semble.
Grâce à ce système, ils sont très difficile-
ment découverts, et si par hasard la police
en surprend un sur le fait, les autres peu-
vent continuer tranquillement la série de
leurs méfaits.
Déjà M. Massicault, alors qu'il était pré-
fet du Rhône, avait dû prendre des mesures
de répression très vives. C'est ainsi qu'à la
suite de l'attentat du Palais de Justice, en
1887, quarante-trois anarchistes furent ar-
rêtés dans une nuit.
Beaucoup de sujets étrangers se trouvant
parmi eux furent expulsés ; mais la plupart
durent être relachés faute de preuves.
Avant le 1er mai
Se sentant surveillés de très près, les anar-
chistes cessèrent de faire parier d'eux et
attendirent patiemment qu'une occasion
propice s'offrît de provoquer quelque nou-
veau désordre.
La journée du 1er mai devait être natu-
rellement cette occasion.
Mais M. Cambon, le préfet du Rhône ac-
tuel, connaissait la situation et savait quelles
étaient les intentions des anarchistes. Il fit
exercer sur eux une surveillance toute spé-
ciale.
Un petit groupe se reformait. Les princi-
paux meneurs du parti changeaient chaque
jour de domicile et se réunissaient dans
des quartiers isolés.
Les renseignements du service de la sû-
reté et du commissariat spécial de po-
lice près la préfecture du Rhône ne tardè-
rent pas à établir que les anarchistes de-
vaient profiter de la journée du 1er mai
pour faire sauter un certain nombre d'édi-
fices publics et d'ateliers. Ils se proposaient,
en outre, de jeter le trouble dans la foule
des manifestants en lançant des bombes
sur les agents de l'autorité publique. Quel-
ques attentats devaient même être commis
avant le 1er mai.
Ils espéraient frapper ainsi l'esprit des
ouvriers, peut-être leur faire croire que le
jour de la Révolution était arrivé ; et, en
tout cas, les forcer à prendre parti contre
la force armée.
Des rixes, des bagarres n'auraient pas
manqué de surgir.
C'était ce qu'ils espéraient.
Premières arrestations
Averti de ces projets, M. camoon, d'accord
avec le procureur de la République, fit pro-
céder, dans la nuit du 26 au 37 avril, à l'ar-
restation des « compagnons » les plus en
vue.
Sept individus, les nommés Trimollet,
Gruffat, Krazenbulh, Griffon, Puillet, Cuzin
et Says, furent aussitôt écroués.
Deux autres anarchistes qui devaient
être arrêtés, Bunoz et Vitre, ont été sans
doute avertis à temps pour pouvoir aller se
réfugier à Genève.
Deux femmes étaient également mises à
la disposition de la justice.
Des perquisitions furent faites immédia-
tement au domicile des inculpés j elles n'a-
menèrent aucun résultat.
On commençait à s'inquiéter un peu de
l'inutilité de ces recherches, lorsque, le
lendemain, le commissaire spécial près la
préfecture apprit qu'un anarchiste venait
de se brûler grièvement la figure en prépa-
rant des mélanges explosifs. C'était un
nommé Cadeaux; il fut arrêté le jour
même.
Cadeaux avait trois domiciles. On perqui-
sitionna dans chacun d'eux et, cette fois, ce
ne fut pas inutilement.
On découvrit en effet plusieurs paquets
de produits explosibles et de matières des-
tinées à leur fabrication.
Le lendemain, un autre anarchiste, nom-
mé Régnier, était mis en état d'arrestation.
On découvrit également à son domicile des
paquets d'engins explosibles.
C'était, malgré tout, peu de choses.
La journée du 1er mai arriva. On sait que
la manifestation se borna à un chômage
des ouvriers de différentes maisons, et qu'il
n'y eut aucun désordre à signaler.
Le 2 mai, le commissaire de police du
quartier Pierre-Scize apprenait qu'au n° 67
du quai Pierre-Scize, un individu avait été
rencontré quelques jours auparavant par
plusieurs personnes, entre autres par le
percepteur de l'arrondissement, descen-
dant l'escalier avec précipitation, la figure
ensanglantée.
Comme on se pressait pour lui porter se-
cours, il se sauva à toutes jambes, en
criant : « Je suis brûlé! »
Cet individu qui, comme bien on pense,
n'était autre que Cadeaux, parlait-il au sens
propre du mot ou au figuré ? Probable-
ment aux deux.
Une fabrique de dynamite
En effet, une perquisition fut faite aussi-
tôt dans la maison en question et, cette
fois, on avait découvert une véritable fa-
brique de dynamite.
Au cinquième étage, dans un petit loge-
ment loué par la maîtresse dé Cadeaux —
une fille Caron, actuellement en couches à
l'hôpital de la Charité — se trouvaient une
foule de bouteilles, de cornues, d'alambics,
de boîtes de toutes sortes et de toutes di-
mensions, contenant des explosifs préparés
ou en préparation, des mortiers, des pi-
lons, des acides et des poudres diverses.
Sur une table étaient entassés des livres
de chimie et des formules dont l'une est,
paraît-il, excellente.
La voici, telle qu'on l'a relevée, écrite de
la main même de Cadeaux :
Nitrate de baryum 68 0/0
Charbon riche en hydrogène. 12
Nitroglycérine 29
Sur un fragment de journal, noirci par
la poudre, on a relevé des annotations au
crayon, telles que : « Sans salpêtre — â9 —
sans sucre — plus fin », indications dictées
sans doute par les expériences.
Les habitués de ce lieu se livraient aussi
à de sérieuses études, si l'on en croit des
volumes trouvés dans les tiroirs : Les
épreuves du transformisme, réponse à Vir-
chow par Haeckel.
Quant à la dynamite toute prête, les re-
cherches n'en ont pas fait découvrir de
grandes quantités.
On en a trouvé seulement quelques pa-
quets identiques à ceux découverts chez
Cadeaux et Régnier.
Les anarchistes se gardent bien en géné-
ral de fabriquer ce produit d'avance et de
le garder auprès d'eux. Ils en connaissent
suffisamment le danger pour essayer de
courir un risque quelconque.
Nous avons raconté hier comment on
avait été amené à découvrir encore deux
caisses de sept cents amorces.
Tout cela prouve donc bien *que les anar-
chistes avaient organisé un véritable com-
plot, et que sans la vigilance de la police
lyonnaise et l'habileté qu'a montrée le pré-
fet du Rhône en cette occasion, nous au-
rions eu à déplorer toute une série d'atten-
tats semblables à ceux qui se sont déjà
produits à Lyon.
Une nouvelle arrestation a été opérée,
hier, rue Part-Dieu. Les perquisitions con-
tinuent.
L'instruction de l'affaire se poursuit acti-
vement.
SUICIDE D'UN ANARCHISTE
Par la fenêtre. — Chez le juge
d'instruction.
(D'UN CORRESPONDANT)
Lyon, 7 mai.
Un dramatique suicide a eu lieu cette
après midi, à trois heures, au Palais de
Justice.
Un des anarchistes arrêtés il y a quelques
jours, le nommé Couleur, âgé de quarante
ans, s'est précipité par la fenêtre du cabi-
net de M. Vial, juge d'instruction, situé au
deuxième étage, dans la cour de la Sû-
reié.
Relevé aussitôt, il a été transporté à l'Hô-
tel-Dieu. Son état est désespéré.
Depuis son arrestation, Couleur avait, à
plusieurs reprises, manifesté l'intention
d'en finir avec la vie.
LE PERCEMENT DES VOSGES
Un projet de ligne stratégique
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 7 mai.
S'il faut en croire certaines indiscré-
tions, M. de Freycinet se propose de faire
étudier sur le terrain le projet de cons-
truction d'une ligne stratégique devant re-
lier le plus directement le bassin de la Mo-
selle avec celui de la Saône, par Remire-
mont-Belfort. La ligne irait directement de
Saint-Maurice à Giromagny, se détachant à
Saint-Maurice de celle qui vient de Nancy
par Epinal et Remiremont, pour se raccor-
der à celle déjà existante de Giromagny à
Belfort. La voie passerait entre les Ballons
d'Alsace et de Servance, serait protégée du
côté de Saint-Maurice par le fort de Servan-
ce, du côté de Giromagny par les forts de
la place et des batteries.
L'existence de cette ligne stratégique ren-
drait de signalés services à la défense des
Vosges; de plus, elle faciliterait considéra-
blement une action commune et identique,
c'est-à-dire combinée,des armées du Nord-
Est et de l'Est, et, enfin, permettrait un
déplacement beaucoup plus rapide des ef-
fectifs entre les deux bassins de la Moselle
et de la Saône.
M. YVES GUYOT EN HAUTE-SAVOIE
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Annecy, 7 mai.
M. Yves Guyot, ministre des travaux pu-
blics, viendra le 8 juin prochain à Bonneville
pour inaugurer le chemin de fer de Cluse à
Laroche.
LES ALLEMANDS
DANS L'AFRIQUE ORIENTALE
(D'UN CORRESPONDANT)
Zanzibar, 7 mai.
Le major Wissmann a occupé Quiloa, sur la
côte, le A mai, sans combat. Les indigènes, se 1
sentant incapables de résister, ont évaeué la
ville aussitôt après le bombardement et sans
attendre le débarquement des troupes*
1 CHRONIQUE
L'autre jour, M. Jules Simon se plai-
gnait doucement d'avoir trouvé, dans le
catalogue d'une vente d'autographes et
de manuscrits} mention d'une lettre à lui
adressée par Victor Hugo; le catalogue en
citait, comme échantillon, cette phrase :
« Votre livre sur la Liberté, où l'his-
toire est si puissamment appelée au se-
cours de l'idéal, prendra place, monsieur,
parmi vos plus belles œuvres. Vous avez
choisi la grande heure pour défendre la
liberté. Il n'y a pas de plus beau moment
que la nuit pour glorifier la lumière. »
Comment. cette lettre pouvait-elle être
mise en vente du vivant même de M. Ju-
les Simon, à qui elle appartenait? Il eût
été ignomineux et bête de supposer qu'il
l'eût fait vendre lui-même. 11 n'y avait
pas non plus grande apparence qu'il l'eût
donnée à personne. On ne se dessaisit pas
de lettres pareilles, qui restent, comme des
titres d'honneur, dans les archives de la
famille, et à supposer même qu'il eût
cédé aux instances d'un ami intime, il
était absolument invraisemblable que cet
ami eût jamais eu l'idée de vendre un
cadeau, et surtout un cadeau de cette na-
ture.
11 nè restait donc qu'une hypothèse ; M.
Jules Simon l'insinue plus qu'il ne la
précise, et il ajoute d'un ton mélanco-
lique : l"" :-
« 11 n'y à plus de secret de la. vie pri-
vée, plus de loi Guilloutet. Non seule-
ment les reporters, par un habile système
d'interrogatoire, vous arrachent le se-
cret que vous aviez juré de ne pas révé-
ler, mais les meilleurs tiroirs et les ser-
rures les plus compliquées ne vous met-
tent pas à l'abri des indiscrétions. On
prend chez un ministre, comme on nous
le racontait l'autre jour, le secret de la
France ; on peut bien prendre chez un
vieux savant le secret de son porte-
feuille, qui n'est après tout qu'un mor-
ceau de papier. »
Eh oui! c'est là un vol que commet-
tent sans scrupule des gens fort honnê-
tes, d'ailleurs.Expliquez-moi cela, si vous
pouvez. Vous laissez dans votre cabinet
de travail un de ces mille amis que tout
homme un peu connu possède à Paris. Il
avait un renseignement à prendre chez
vous, un feuilleton ou un livre à consul-
ter, ou simplement un bout de conversa-
tion à faire. Vous êtes dérangé par un
appel du cordon acoustique, qui vous
force à quitter la place un instant. Vous
dites à ce monsieur, que vous savez être
un homme de votre monde, incapable
d'une action; ie ne dis pas vilaine, mais
seulement indélicate : i
— Je vous en prie, restez donc là;
achevez ce que vous avez commencé de
faire. Je reviens dans un quart d'heure.
Il traîne de l'argent sur la cheminée,
des papiers sur votre bureau. Vous reve-
nez. Oh! soyez tranquille, vous n'avez
pas besoin de compter les pièces d'argent
éparses sur le marbre. Le compte y est.
Votre hôte n'a pas eu un seul instant
l'idée d'en dérober une. Il se regarderait
comme le dernier des drôles. Il n'a pas
même eu sur ce point une tentation à
combattre.
Eh bien I ce même nomme, s'il est col-
lectionneur d'autographes, si c'est même
un simple curieux et qu'il voie sur votre
bureau une lettre signée d'un nom célè-
bre, ne se fera aucun scrupule de la lire
ét de la fourrer discrètement dans sa
poche, en se disant pour toute excuse :
Ah! bah! lui, il n'y tient pas! Un de ces
jours je lui conterai, en riant, que c'est
moi qui lui ai chipé l'autographe.
Et ne me dites pas que ce doit être là
un fait assez rare. Il est très fréquent, au
contraire. S'approprier un autographe,
ne pas rendre un livre, ce sont là des
actes qui ne sont pas considérés comme
des vols par ceux qui les commettent. On
s'en rend coupable avec la même allé-
gresse d'inconscience qu'une femme qui
passe à la barrière un poulet dans son
panier. Voler le gouvernement, ce n'est
pas voler. Voler un autographe ou un li-
vre, ce n'est pas voler.
J'ai comme beaucoup de mes confrè-
res, l'habitude d'insérer dans les volumes
que je veux garder dans ma bibliothèque
les lettres que les auteurs m'ont écrites,
soit pour me remercier, soit pour discu-
ter quelques-unes de mes critiques. Le
relieur a ordre de coller l'autographe sur
la garde du volume. Ce n'est pas pour
ajouter du prix aux livres; je ne fais
point de vente avant décès. Mais je suis
bien aise de pouvoir léguer à mes enfants
ces témoignages d'estime ou de sympa-
thie. ,.
J'ai, d'autre part, pour principe qu'une
bibliothèque est comme une fontaine pu-
blique où tout le monde peut venir s'a-
breuver. La mienne est, sauf les volumes
de la réserve, les raretés et les curiosités,
à la disposition de toute personne qui est
peu ou prou connue de moi.
J'excuse encore ceux qui ne me rendent
pas les livres ; il m'en manque beaucoup,
et j'ai un tas d'ouvrages dépareillés;
mais je peux croire que ce sont des ou-
blis. Ce qui me désole et parfois
même m'irrite, c'est que souvent, allant
prendre un volume dans la bibliothèque,
je vois la place qu occupait la îeiire eli les
traces qu'y a laissées son passage. La let-
tre a disparu, soigneusement coupée par
un amateur.
Et notez, je vous prie, que le monsieur
ou la femme qui s'est livré à cette petite
opération n'a pas cru commettre une in-
délicatesse. Non, oette personne ne s'est
rien reproché ; elle a vécu en paix avec sa
conscience. Peut-être même s'est-elle dit :
Il aurait tort de se plaindre, il a de la
chance que je lui rende son volume; je
pourrais le garder avec sa lettre.
Et quelques-uns le font.
N'est-ce pas ici même que j'ai conté
comment un professeur ae mes amis
confisqua à l'un de ses élèves, una
comédie que le gamin Usait en classe 1
Il trouva avec étonnement dans la bro-
chure une fort longue lettre pleine de
verve et de malice, où Sardou répondait
à mes objections et à mes critiques. Il
m'en prévint, en même temps qu'il reUti
dait le volume au père de l'enfant. *.
La plaquette m'avait été volée, cela est
certain, car je ne prête jamais les comé-
dies édition princeps. Le propriétaire
actuel était hors de cause; il l'avait ach
tée à un marchand. Je lui offris de I
rembourser le prix d'achat, il me proposa
gracieusement de m'envoyer copie de lai
lettre. C'était un amateur. Il tenait ai*
volume. Je crois bien que j'aurais pu, ew
faisant un procès, rentrer en possession
de mon exemplaire. C'eût été une ques
tion curieuse à faire trancher par un tri
bunal. Mais c'est si ennuyeux de pIai.,
der !
Moi aussi, j'ai trouvé, un jour, dans Ufl £
catalogue une lettre d'About à moi adre
sée, lettre de jeunesse, lettre intime s'il ea
fut, où il contait l'histoire de certains dis—'
sentiments de famille que j'étais seul à
connaître. Lorsque j'en vis quelques lignes
reproduites dans les journaux, il me passa
un frisson par tout le corps. About souf-
frait déjà de la maladie dont il devait
mourir quelques semaines plus tard. H
était très nerveux, et s'il avait eu con-
naissance de cette indiscrétion, il aurait;
eu une crise de colère qui eut aggravé
son état. Je donnai le mot à ceux qui
pouvaient lui mettre le passage sous les
yeux ; il ne lisait que très sommairement!
les journaux par lui-même. L'article lui
échappa, mais j'eus une belle peur.
Il est clair que cette lettre m'avait été
dérobée. Par qui? où? comment? Je
n'en ai jamais rien su. Un enragé colleo
tionneur, sans doute, qui n'avait vu au-
cun mal à s'emparer d'un morceau de
papier, qui l'avait serré précieusemen t
dans son album, se promettant de ne le
montrer qu'à de rares amis. Il était mort.
la collection avait passé à un autre, puis
a un autre, et c est ainsi que la lettre^
d'étape en étape, avait fini par tombée
dans un catalogue de vente publique.
Ce vol, un vol authentique, indéniable;
avait passé par les mains de trois ou cluam
tre honnêtes gens et n'avait soulevé d.
scrupule chez aucun d'eux. -,
Et ils sont tous persuadés, et ils répè-
tent de l'air le plus convaincu du monda
que la morale est une, universelle, obli-
gatoire ; et ils se récrient si on leur dit
que la morale mondaine est au contraire
très compliquée et très souple aux traBg
sactions. -
Francisque Sucey.:,'
L'ALLIANCE SOCIALISTE,
Les groupes boulangistes. — Une noie!
velle étiquette. f,
Comme le piteux échec des candidate
« investis" n'est pas fait pour les encouÉ
rager dans leur œuvre de propagande
électorale, les groupes boulangistes de lat.
Seine sont sur le point de se désagrégea
complètement.
Mais, pour ne pas perdre le fruit d'un.
organisation assez considérable, certaine
personnalités politiques, anciens chefs dm
comité boulangiste, font leurs efforts pour,,
arriver,à l'aide des éléments que leur fourni»
ront les tronçons de ces comités, à recons*
tituer l'ancienne alliance socialiste, qui fuOI
fondée il y a quelques années par M. Mfcg
chelin et plusieurs de ses amis.
Des pourparlers très actifs sont entamés j
en ce moment à ce sujet avec les prince
paux comités boulangistes, qui se conten
teraient, dès lors, de changer d'étiquette
tout en restant sympathiques à la personne
du général Boulanger. s
LA CRISE PARLEMENTAIRE!
EN ITALIE
La situation de M. Crispi ébranlée i
(DE NOTRE CORRESPONDANT P ARTlCULllt
Rome. 7 mai.
M. Crispi, ayant obtenu la complète adhéf
sion du roi, ne persiste pas dans son idéfi)
de démission. Il a prévenu plusieurs séna-
teurs qu'il briserait la résistance du Sénat.
en faisant signer au roi un décret noni<
mant cent nouveaux sénateurs, ce qui mo"
difierait complètement la composition dupj
Sénat. Il présenterait, en outre, à la Cbam
bre une loi encore plus radicale que cellot
des œuvres pies.
Les façons dictatoriales de M. Crispi com-g
mencent à lasser même ses amis. 4
M. Saracco, ancien ministre des travail»
publics, vient de déclarer, dans une réu-
nion des députés modérés, que le concoure
qu'il apporte au cabinet devrait avoir de
bornes. - -
On dit que M. crispi a insiste, au sein due
conseil des ministres, pour la démission
intégrale du cabinet, parce qu'il avait l'as"¡
surance que le roi l'aurait chargé de formel
le nouveau ministère et qu'il veut se d
barrasser de deux de ses collègues. i
Je puis vous assurer de bonne soure
que les ministres ont décidé de dissoudr
la Chambre aussitôt après le vote du bu
get. Les élections générales sont donc pro.Ja
chaines.
En attendant, la loi sur les œuvres piea
va revenir à la Chambre, qui maintiendrai
le paragraphe supprimé. 1
Malgré les assurances des agences Of;
cieuses, qui disent que le Sénat se déju- s
géra, je crois qu'au contraire il maintie
dra son vote.
La plupart des journaux reconnaissent]
que la situation de M. Crispi est ébrantâçg
L'EMPEREUR GUILLAUME D
ET LE DUEL
(DE NOTRE CORRESPONDANT PA.RTJOULIEB)",
Berlin, 7 mai. Y ï
On cite les paroles suivantes, récemment,
prononcées par l'empereur : ;•
« Mes officiers ne verseront plus leur sanft
dans les duels. Il appartient à la patrie. 3
trouverai d'autres méthodes pour donner sapi
tisfaction en cas d'insulte. »
Il a dit aussi, dans la même occasion :
« J'estime les convictions de chacun. NuI
sera forcé de penser exactement comme soin
supérieur, pourvu qu'il soit bon Allemand QI..
sujet fidèle. »
CINQ Centimes - Paris et Départements - CIRO Centimes
VENDREDI 9 MAI 1890 -
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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L'ANARCHIE A LYON
ÏÀIIÉII dcs Ittani dciant à luëcg
LES GRÈVES
LES VERRIERS DU BAS-MEUDON
Ponrritllr tlc prison
La question pénitentiaire continue
de fixer l'attention des hommes poli-
tiques et des publicistes. Peu de pro-
blèmes, en effet, sont à la fois plus
captivants et plus graves. Depuis
vingt ans, celui-ci a donné naissance,
dans notre pays, à maintes études et
à quelques lois. Les deux monuments
les plus considérables qui aient enri-
chi, depuis 1870, notre législation pé-
nale sont la loi de 1875 sur le régime
cellulaire et la loi de 188A sur la libé-
ration conditionnelle.
„. La première mérite quelques éloges
et non moins de critiques. La discu-
ter serait faire le procès du régime
cellulaire. Il a été instruit trop sou-
vent, avec trop de passion, de raison
et d'éloquence, pour le recommencer
ici. Qu'il suffise de constater que la
loi de 1875 n'a produit ni tout le bien
qu'en espéraient ses défenseurs, ni
tout le mal qu'en redoutaient ses ad-
versaires.
On ne saurait trop applaudir à l'ins-
piration qui a dicté la loi sur la libé-
ration conditionnelle. Ses dispositions
se résument en deux mots : elle met la
liberté aux mains du prisonnier ; sa
libération sera le prix de sa bonne
conduite. C'est un puissant encoura-
gement qu'une telle perspective. Elle
a le tort d'exciter l'hypocrisie, si com-
mune parmi les prisonniers ; mais
l'inconvénient n'est pas sans remède.
C'est affaire aux agents chargés de
surveiller la conduite des condamnés,
au directeur et aux gardiens, de dé-
mêler sous la comédie la vérité et de
ne point se laisser piper aux tartuffe-
ries d'habiles gredins.
Tout compte fait, la libération con-
ditionnelle n'en constitue pas moins
un progrès dont on ne saurait, sans
injustice, nier la réalité ni l'étendue.
Mais, pour importante qu'elle soit,
cette amélioration est loin de remplir
les vœux des réformateurs de notre
régime pénitentiaire. Rien de plus
utile, sans doute, que d'encourager
par tous moyens les malheureux
enfermés entre les quatre murs d'une
prison à mériter d'en sortir le plus
vite possible.
Mais si l'on pouvait les empêcher
d'y entrer, autrement importante se-
rait l'amélioration. Bon pour les théo-
riciens de professer que la prison est
une école de moralisation. Quand on
en vient aux faits, il faut déchanter.
Comme il y a la pourriture d'hôpi-
tal, il y a la pourriture de prison.
L'une comme l'autre a ses miasmes,
les maladies contagieuses. La promis-
cuité des détenus : mal terrible, con-
tre lequel le régime cellulaire lui-
même n'offre qu'une garantie insuffi-
sante.
Tel entre dans la maison de déten-
tion sain ou à peine contaminé qui en
sort pourri jusqu'aux moelles. Il y
avait été amené par une faute vé-
nielle. Il y fait la connaissance de dé-
linquants d'habitude, vieux « chevaux
de retour » qui changent d'écurie
avec les saisons, se faisant arrêter de
préférence au nord en été, au midi en
hiver, pour qui la qualité de détenu
est devenue une profession. A leur
contact, le conscrit du vice n'est pas
long à se former et à mériter ses che-
vrons. Pour peu qu'il ait l'esprit fai-
ble, quelques semaines de séjour dans
la prison suffiront à parachever son
éducation et à le perdre sans retour.
C'est un homme à la mer. Il peut quit-
ter maintenant la prison, dont, quel-
ques semaines plus tôt, il ne franchis-
sait le seuil qu'avec une heureuse
terreur. Le voilà rassuré, aguerri. On
l'y reverra avant longtemps.
N'y a-t-il point de remède à un mal
.si grave ? Certes si. « Je pose en prin-
cipe, disait récemment, dans un in-
téressant interview, M. Léveillé, le
distingué professeur de droit criminel,
que la prison et les peines de courte
durée ne peuvent être favorables à
l'amendement des coupables. »
Cette assertion trop bien justifiée
appelle un corollaire. Si les petites
peines pervertissent au lieu d'amen-
der, la conclusion s'impose. Il faut,
sinon les supprimer, au moins les ren-
dre aussi rares que possible. Cette ré-
forme apparaît avec un caractère d'ur
gence tout particulier. ouand on sait
que les A/5 de la criminalité dans no-
tre pays sont constitués par la réci-
dive des petits délits.
Des propositions sur la matière ont
été déposées au Sénat par plusieurs
de ses membres. Une des dispositions
les plus intéressantes qui y sont ins-
crites serait le droit de pardon con-
féré au juge devant lequel comparaît
un prévenu coupable, pour la pre-
mière fois, d'un petit délit. Faculté
précieuse, dont l'usage, prudemment
réglé, est appelé à produire les meil-
leurs effets.
Une seconde mesure non moins
utile consisterait à donner au tribu-
nal le droit d'ordonner que la peine
sera « suspendue". Sur la mise en
pratique, les avis peuvent diffé-
rer. Contre l'opinion de M. Léveillé,
nous souhaiterions que la suspension
de la peine eût pour effet d'en retar-
der l'inscription au casier judiciaire
jusqu'à une faute nouvelle. Aucun
obstacle ainsi ne s'opposerait au re-
classement dans la société d'un ci-
toyen qui a commis une faute légère
et s'en repent.
Mais ce sont là détails sur lesquels
la controverse est ouverte. L'impor-
tant est de faire entrer au plus tôt
dans la loi le principe d'équitable et
sage indulgence qui doit sauver de la
contagion du vice tant de malheureux
perdus à jamais par une sévérité sans
discernement.
A. Millerand.
Le XIX- SIECLE publiera demain la
» Vie de Paria » par Henry Fouquier.
W)———~M
L'ETAT-MAJOR DE L'ARMÉE
Notre opinion justifiée. — Une simple
mutation.
L'opinion que nous avions émise sur le
véritable motif de la démission de M. le gé-
néral Haiilot se trouve pleinement justi-
fiée.
Loin d'être mis en disgrâce, comme le pré-
tendaient certains de nos confrères qui ju-
gent trop souvent les actes des généraux
avec une légèreté regrettable, l'ancien chef
d'état-major général du ministre de la
guerre devient nominalement membre du
conseil supérieur de défense, dont il faisait
déjà partie, du reste, en raison de ses fonc-
tions. -,
Il permute, ici comme là, avec M. le gé-
néral de Miribel, puisque celui-ci, en pre-
nant ses fonctions de chef d'état-major
transformées et augmentées, devient à ce
titre membre de droit du conseil supérieur
de la guerre, dont il était auparavant mem-
bre à titre personnel.
Réforme capitale
La substitution de M. le général de Miri-
bel à M. le général Haillot, — que nous
avions encore indiquée comme certaine et
imminente, contrairement à l'avis de cer-
tains journaux qui parlaient d'intérim et
qui mettaient déjà plusieurs noms en avant,
— est accompagnée des mesures que nous
signalions, mesures qui ne pouvaient être
retardées et qui sont le complément néces-
saire des dispositions prises dans ces der-
niers temps par M. de Freycinet pour cons-
tituer le haut commandement de nos ar-
mées actives. nA
il y avait, en euet, ceci d'anormal dans
les institutions militaires édictées par l'As-
semblée nationale, que, lors de la mobili-
sation, toutes les armes, toutes les troupes,
tous les services de l'armée passaient sans
embarras du pied de paix au pied de
guerre, tandis que les quartiers généraux
et les états-majors étaient obligés de se
constituer en entier avec les éléments les
plus disparates.
Il a été remédié à cette défectuosité, du
moins en ce qui concerne le généralissime
et les commandants d'armées ainsi que
leurs aides.
Il n'y avait plus qu'une lacune.
Elle vient d'être comblée.
Institution définitive
La réforme à opérer n'était point sans
écueil.
Nous sommes heureux de constater que
M. de Freycinet a résolu les difficultés avec
une très grande habileté.
Ce que l'on redoutait, c'est que le poste
de chef d'état-major de l'armée en temps
de paix et en temps de guerre fût occupé
par un personnage inamovible et indépen-
dant ; c'est bien ainsi que l'institution avait
été réclamée par quelques novateurs, et
c'est précisément parce que l'on voulait la
revêtir de ce double caractère que l'on ne
parvenait pas à la fonder, malgré l'incon-
testable progrès qu'elle réalise.
Dans son rapport au président de la Ré-
publique, M. de Freycinet a eu bien soin
de spécifier qu'il n'entend imposer aucune
permanence au titulaire de la fonction ; il
la déclare désirable, mais il reconnaît que
nul ne peut la décréter.
Comme il insiste, en outre, dans le même
document, sur la subordination absolue
du chef de l'état-major de l'armée au mi-
nistre de la guerre, et comme il indique
notamment que nulle décision ne pourra
être prise par le premier sans la signa-
ture du second, on est en droit de suppo-
ser que nul inconvénient ne résultera de
la réforme, mais que, au contraire, notre
haut commandement va être à même de
fonctionner enfin, dans les conditions les
plus simples, les plus pratiques et les plus
sures.
C'est une institution définitive et qui
nous donne toute garantie pour la défense
nationale.
UN DE PLUS
M. Sarlat, trésorier-payeur
M. Sarlat, ancien député de la Guade-
loupe, qui, aux dernières élections législa-
tives, n'avait eu que quelques voix, va, as-
sure-t-on, être nommé trésorier-payeur
général à la Martinique. @
M. Sarlat n'aura pas à se plaindre. Son
échec devant le suffrage universel lui vaut
une grosse sinécure. Il ne perd pas au
change.
LES ANARCHISTES
DE LYON
LE QUARTIER GÉNÉRAL DES ANARCHISTES
Les anciens exploits des anarchistes
à Lyon. - Dix-hwt tentatives en
sept ans. — Le complot pour
le ter mai. — Nombreu-
ses arrestations.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lyon, 7 mai.
On sait tous les projets que nourrissaient
les anarchistes pour la journée du 1er mai,
et comment ils ont été déjoués par la po-
lice.
A Lyon, un véritable complot a été dé-
couvert, de nombreuses arrestations ont
été opérées, et on peut s'attendre à de cu-
rieuses révélations au cours du procès qui
se déroulerâ dans quelques mois devant la
cour d'assises du Rhône.
Lyon a d'ailleurs toujours été, depuis
l'origine du parti, le centre des opérations
des anarchistes.
Par sa proximité avec Genève et l'Italie,
il leur offrait,en effet, toutes sortes d'avan-
tages, dont le moindre, à coup sûr, n'était
pas de pouvoir se mettre, — le coup fait,
— rapidement à l'abri des recherches de la
justice en passant la frontière.
D'autre part, Lyon commande la région
ouvrière de la Loire et du Centre, qui est,
avec celle du Nord, la plus importante de
de France.
Il y a là toute une agglomération de tra-
vailleurs chez lesquels les anarchistes vou-
laient fomenter une agitation qui les eût
peut-être poussés à tenter un mouvement.
Ces raisons expliquent suffisamment pour-
quoi les anarchistes ont fait de Lyon leur
quartier général.
De 1883 à 1890
A un moment, en 1883, ils étaient même
assez nombreux, et on se rappelle qu'ils
provoquèrent alors plusieurs attentats dont
quelques-uns eurent des suites funestes.
Personne ne doit avoir oublié l'explosion
de la bombe qui, au café de « l'Assommoir »,
à côté du théatre Bellecour, blessa griève-
ment plusieurs personnes, en tua même
une, et pour laquelle Cyvoct est encore aux
travaux* forcés.
Nous n'avons pas l'intention d'énumérer
un à un les exploits dont les anarchistes
peuvent se vanter. Qu'il nous suffise de dire
que, depuis cette époque, il y eut à Lyon
quinze explosions de bombes ou de boîtes
de poudre et deux tentatives d'incendie,
qui ne firent heureusement que peu de
victimes. Un commissaire de police et sept
agents furent cependant assez gravement
atteints une fois par les éclats d'une bombe.
En 1883, au moment où ils semblaient
devenir un réel danger pour la tranquillité
publique, les anarchistes obéissaient à une
direction et n'agissaient qu'à un mot d'or-
dre donné.
C'était par groupes qu'ils commettaient
leurs attentats.
Depuis, ils ont renonce a toute action
collective ; et c'est maintenant, chacun sé-
parément, qu'ils vont la nuit faire éclater
leurs engins. Ils se réunissent les uns chez
lès autres, sans avoir jamais de lieu de ren-
dez-vous fixe; se répartissent les matières
explosibles qu'un d'entre eux prépare et
agissent où et quand bon leur semble.
Grâce à ce système, ils sont très difficile-
ment découverts, et si par hasard la police
en surprend un sur le fait, les autres peu-
vent continuer tranquillement la série de
leurs méfaits.
Déjà M. Massicault, alors qu'il était pré-
fet du Rhône, avait dû prendre des mesures
de répression très vives. C'est ainsi qu'à la
suite de l'attentat du Palais de Justice, en
1887, quarante-trois anarchistes furent ar-
rêtés dans une nuit.
Beaucoup de sujets étrangers se trouvant
parmi eux furent expulsés ; mais la plupart
durent être relachés faute de preuves.
Avant le 1er mai
Se sentant surveillés de très près, les anar-
chistes cessèrent de faire parier d'eux et
attendirent patiemment qu'une occasion
propice s'offrît de provoquer quelque nou-
veau désordre.
La journée du 1er mai devait être natu-
rellement cette occasion.
Mais M. Cambon, le préfet du Rhône ac-
tuel, connaissait la situation et savait quelles
étaient les intentions des anarchistes. Il fit
exercer sur eux une surveillance toute spé-
ciale.
Un petit groupe se reformait. Les princi-
paux meneurs du parti changeaient chaque
jour de domicile et se réunissaient dans
des quartiers isolés.
Les renseignements du service de la sû-
reté et du commissariat spécial de po-
lice près la préfecture du Rhône ne tardè-
rent pas à établir que les anarchistes de-
vaient profiter de la journée du 1er mai
pour faire sauter un certain nombre d'édi-
fices publics et d'ateliers. Ils se proposaient,
en outre, de jeter le trouble dans la foule
des manifestants en lançant des bombes
sur les agents de l'autorité publique. Quel-
ques attentats devaient même être commis
avant le 1er mai.
Ils espéraient frapper ainsi l'esprit des
ouvriers, peut-être leur faire croire que le
jour de la Révolution était arrivé ; et, en
tout cas, les forcer à prendre parti contre
la force armée.
Des rixes, des bagarres n'auraient pas
manqué de surgir.
C'était ce qu'ils espéraient.
Premières arrestations
Averti de ces projets, M. camoon, d'accord
avec le procureur de la République, fit pro-
céder, dans la nuit du 26 au 37 avril, à l'ar-
restation des « compagnons » les plus en
vue.
Sept individus, les nommés Trimollet,
Gruffat, Krazenbulh, Griffon, Puillet, Cuzin
et Says, furent aussitôt écroués.
Deux autres anarchistes qui devaient
être arrêtés, Bunoz et Vitre, ont été sans
doute avertis à temps pour pouvoir aller se
réfugier à Genève.
Deux femmes étaient également mises à
la disposition de la justice.
Des perquisitions furent faites immédia-
tement au domicile des inculpés j elles n'a-
menèrent aucun résultat.
On commençait à s'inquiéter un peu de
l'inutilité de ces recherches, lorsque, le
lendemain, le commissaire spécial près la
préfecture apprit qu'un anarchiste venait
de se brûler grièvement la figure en prépa-
rant des mélanges explosifs. C'était un
nommé Cadeaux; il fut arrêté le jour
même.
Cadeaux avait trois domiciles. On perqui-
sitionna dans chacun d'eux et, cette fois, ce
ne fut pas inutilement.
On découvrit en effet plusieurs paquets
de produits explosibles et de matières des-
tinées à leur fabrication.
Le lendemain, un autre anarchiste, nom-
mé Régnier, était mis en état d'arrestation.
On découvrit également à son domicile des
paquets d'engins explosibles.
C'était, malgré tout, peu de choses.
La journée du 1er mai arriva. On sait que
la manifestation se borna à un chômage
des ouvriers de différentes maisons, et qu'il
n'y eut aucun désordre à signaler.
Le 2 mai, le commissaire de police du
quartier Pierre-Scize apprenait qu'au n° 67
du quai Pierre-Scize, un individu avait été
rencontré quelques jours auparavant par
plusieurs personnes, entre autres par le
percepteur de l'arrondissement, descen-
dant l'escalier avec précipitation, la figure
ensanglantée.
Comme on se pressait pour lui porter se-
cours, il se sauva à toutes jambes, en
criant : « Je suis brûlé! »
Cet individu qui, comme bien on pense,
n'était autre que Cadeaux, parlait-il au sens
propre du mot ou au figuré ? Probable-
ment aux deux.
Une fabrique de dynamite
En effet, une perquisition fut faite aussi-
tôt dans la maison en question et, cette
fois, on avait découvert une véritable fa-
brique de dynamite.
Au cinquième étage, dans un petit loge-
ment loué par la maîtresse dé Cadeaux —
une fille Caron, actuellement en couches à
l'hôpital de la Charité — se trouvaient une
foule de bouteilles, de cornues, d'alambics,
de boîtes de toutes sortes et de toutes di-
mensions, contenant des explosifs préparés
ou en préparation, des mortiers, des pi-
lons, des acides et des poudres diverses.
Sur une table étaient entassés des livres
de chimie et des formules dont l'une est,
paraît-il, excellente.
La voici, telle qu'on l'a relevée, écrite de
la main même de Cadeaux :
Nitrate de baryum 68 0/0
Charbon riche en hydrogène. 12
Nitroglycérine 29
Sur un fragment de journal, noirci par
la poudre, on a relevé des annotations au
crayon, telles que : « Sans salpêtre — â9 —
sans sucre — plus fin », indications dictées
sans doute par les expériences.
Les habitués de ce lieu se livraient aussi
à de sérieuses études, si l'on en croit des
volumes trouvés dans les tiroirs : Les
épreuves du transformisme, réponse à Vir-
chow par Haeckel.
Quant à la dynamite toute prête, les re-
cherches n'en ont pas fait découvrir de
grandes quantités.
On en a trouvé seulement quelques pa-
quets identiques à ceux découverts chez
Cadeaux et Régnier.
Les anarchistes se gardent bien en géné-
ral de fabriquer ce produit d'avance et de
le garder auprès d'eux. Ils en connaissent
suffisamment le danger pour essayer de
courir un risque quelconque.
Nous avons raconté hier comment on
avait été amené à découvrir encore deux
caisses de sept cents amorces.
Tout cela prouve donc bien *que les anar-
chistes avaient organisé un véritable com-
plot, et que sans la vigilance de la police
lyonnaise et l'habileté qu'a montrée le pré-
fet du Rhône en cette occasion, nous au-
rions eu à déplorer toute une série d'atten-
tats semblables à ceux qui se sont déjà
produits à Lyon.
Une nouvelle arrestation a été opérée,
hier, rue Part-Dieu. Les perquisitions con-
tinuent.
L'instruction de l'affaire se poursuit acti-
vement.
SUICIDE D'UN ANARCHISTE
Par la fenêtre. — Chez le juge
d'instruction.
(D'UN CORRESPONDANT)
Lyon, 7 mai.
Un dramatique suicide a eu lieu cette
après midi, à trois heures, au Palais de
Justice.
Un des anarchistes arrêtés il y a quelques
jours, le nommé Couleur, âgé de quarante
ans, s'est précipité par la fenêtre du cabi-
net de M. Vial, juge d'instruction, situé au
deuxième étage, dans la cour de la Sû-
reié.
Relevé aussitôt, il a été transporté à l'Hô-
tel-Dieu. Son état est désespéré.
Depuis son arrestation, Couleur avait, à
plusieurs reprises, manifesté l'intention
d'en finir avec la vie.
LE PERCEMENT DES VOSGES
Un projet de ligne stratégique
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 7 mai.
S'il faut en croire certaines indiscré-
tions, M. de Freycinet se propose de faire
étudier sur le terrain le projet de cons-
truction d'une ligne stratégique devant re-
lier le plus directement le bassin de la Mo-
selle avec celui de la Saône, par Remire-
mont-Belfort. La ligne irait directement de
Saint-Maurice à Giromagny, se détachant à
Saint-Maurice de celle qui vient de Nancy
par Epinal et Remiremont, pour se raccor-
der à celle déjà existante de Giromagny à
Belfort. La voie passerait entre les Ballons
d'Alsace et de Servance, serait protégée du
côté de Saint-Maurice par le fort de Servan-
ce, du côté de Giromagny par les forts de
la place et des batteries.
L'existence de cette ligne stratégique ren-
drait de signalés services à la défense des
Vosges; de plus, elle faciliterait considéra-
blement une action commune et identique,
c'est-à-dire combinée,des armées du Nord-
Est et de l'Est, et, enfin, permettrait un
déplacement beaucoup plus rapide des ef-
fectifs entre les deux bassins de la Moselle
et de la Saône.
M. YVES GUYOT EN HAUTE-SAVOIE
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Annecy, 7 mai.
M. Yves Guyot, ministre des travaux pu-
blics, viendra le 8 juin prochain à Bonneville
pour inaugurer le chemin de fer de Cluse à
Laroche.
LES ALLEMANDS
DANS L'AFRIQUE ORIENTALE
(D'UN CORRESPONDANT)
Zanzibar, 7 mai.
Le major Wissmann a occupé Quiloa, sur la
côte, le A mai, sans combat. Les indigènes, se 1
sentant incapables de résister, ont évaeué la
ville aussitôt après le bombardement et sans
attendre le débarquement des troupes*
1 CHRONIQUE
L'autre jour, M. Jules Simon se plai-
gnait doucement d'avoir trouvé, dans le
catalogue d'une vente d'autographes et
de manuscrits} mention d'une lettre à lui
adressée par Victor Hugo; le catalogue en
citait, comme échantillon, cette phrase :
« Votre livre sur la Liberté, où l'his-
toire est si puissamment appelée au se-
cours de l'idéal, prendra place, monsieur,
parmi vos plus belles œuvres. Vous avez
choisi la grande heure pour défendre la
liberté. Il n'y a pas de plus beau moment
que la nuit pour glorifier la lumière. »
Comment. cette lettre pouvait-elle être
mise en vente du vivant même de M. Ju-
les Simon, à qui elle appartenait? Il eût
été ignomineux et bête de supposer qu'il
l'eût fait vendre lui-même. 11 n'y avait
pas non plus grande apparence qu'il l'eût
donnée à personne. On ne se dessaisit pas
de lettres pareilles, qui restent, comme des
titres d'honneur, dans les archives de la
famille, et à supposer même qu'il eût
cédé aux instances d'un ami intime, il
était absolument invraisemblable que cet
ami eût jamais eu l'idée de vendre un
cadeau, et surtout un cadeau de cette na-
ture.
11 nè restait donc qu'une hypothèse ; M.
Jules Simon l'insinue plus qu'il ne la
précise, et il ajoute d'un ton mélanco-
lique : l"" :-
« 11 n'y à plus de secret de la. vie pri-
vée, plus de loi Guilloutet. Non seule-
ment les reporters, par un habile système
d'interrogatoire, vous arrachent le se-
cret que vous aviez juré de ne pas révé-
ler, mais les meilleurs tiroirs et les ser-
rures les plus compliquées ne vous met-
tent pas à l'abri des indiscrétions. On
prend chez un ministre, comme on nous
le racontait l'autre jour, le secret de la
France ; on peut bien prendre chez un
vieux savant le secret de son porte-
feuille, qui n'est après tout qu'un mor-
ceau de papier. »
Eh oui! c'est là un vol que commet-
tent sans scrupule des gens fort honnê-
tes, d'ailleurs.Expliquez-moi cela, si vous
pouvez. Vous laissez dans votre cabinet
de travail un de ces mille amis que tout
homme un peu connu possède à Paris. Il
avait un renseignement à prendre chez
vous, un feuilleton ou un livre à consul-
ter, ou simplement un bout de conversa-
tion à faire. Vous êtes dérangé par un
appel du cordon acoustique, qui vous
force à quitter la place un instant. Vous
dites à ce monsieur, que vous savez être
un homme de votre monde, incapable
d'une action; ie ne dis pas vilaine, mais
seulement indélicate : i
— Je vous en prie, restez donc là;
achevez ce que vous avez commencé de
faire. Je reviens dans un quart d'heure.
Il traîne de l'argent sur la cheminée,
des papiers sur votre bureau. Vous reve-
nez. Oh! soyez tranquille, vous n'avez
pas besoin de compter les pièces d'argent
éparses sur le marbre. Le compte y est.
Votre hôte n'a pas eu un seul instant
l'idée d'en dérober une. Il se regarderait
comme le dernier des drôles. Il n'a pas
même eu sur ce point une tentation à
combattre.
Eh bien I ce même nomme, s'il est col-
lectionneur d'autographes, si c'est même
un simple curieux et qu'il voie sur votre
bureau une lettre signée d'un nom célè-
bre, ne se fera aucun scrupule de la lire
ét de la fourrer discrètement dans sa
poche, en se disant pour toute excuse :
Ah! bah! lui, il n'y tient pas! Un de ces
jours je lui conterai, en riant, que c'est
moi qui lui ai chipé l'autographe.
Et ne me dites pas que ce doit être là
un fait assez rare. Il est très fréquent, au
contraire. S'approprier un autographe,
ne pas rendre un livre, ce sont là des
actes qui ne sont pas considérés comme
des vols par ceux qui les commettent. On
s'en rend coupable avec la même allé-
gresse d'inconscience qu'une femme qui
passe à la barrière un poulet dans son
panier. Voler le gouvernement, ce n'est
pas voler. Voler un autographe ou un li-
vre, ce n'est pas voler.
J'ai comme beaucoup de mes confrè-
res, l'habitude d'insérer dans les volumes
que je veux garder dans ma bibliothèque
les lettres que les auteurs m'ont écrites,
soit pour me remercier, soit pour discu-
ter quelques-unes de mes critiques. Le
relieur a ordre de coller l'autographe sur
la garde du volume. Ce n'est pas pour
ajouter du prix aux livres; je ne fais
point de vente avant décès. Mais je suis
bien aise de pouvoir léguer à mes enfants
ces témoignages d'estime ou de sympa-
thie. ,.
J'ai, d'autre part, pour principe qu'une
bibliothèque est comme une fontaine pu-
blique où tout le monde peut venir s'a-
breuver. La mienne est, sauf les volumes
de la réserve, les raretés et les curiosités,
à la disposition de toute personne qui est
peu ou prou connue de moi.
J'excuse encore ceux qui ne me rendent
pas les livres ; il m'en manque beaucoup,
et j'ai un tas d'ouvrages dépareillés;
mais je peux croire que ce sont des ou-
blis. Ce qui me désole et parfois
même m'irrite, c'est que souvent, allant
prendre un volume dans la bibliothèque,
je vois la place qu occupait la îeiire eli les
traces qu'y a laissées son passage. La let-
tre a disparu, soigneusement coupée par
un amateur.
Et notez, je vous prie, que le monsieur
ou la femme qui s'est livré à cette petite
opération n'a pas cru commettre une in-
délicatesse. Non, oette personne ne s'est
rien reproché ; elle a vécu en paix avec sa
conscience. Peut-être même s'est-elle dit :
Il aurait tort de se plaindre, il a de la
chance que je lui rende son volume; je
pourrais le garder avec sa lettre.
Et quelques-uns le font.
N'est-ce pas ici même que j'ai conté
comment un professeur ae mes amis
confisqua à l'un de ses élèves, una
comédie que le gamin Usait en classe 1
Il trouva avec étonnement dans la bro-
chure une fort longue lettre pleine de
verve et de malice, où Sardou répondait
à mes objections et à mes critiques. Il
m'en prévint, en même temps qu'il reUti
dait le volume au père de l'enfant. *.
La plaquette m'avait été volée, cela est
certain, car je ne prête jamais les comé-
dies édition princeps. Le propriétaire
actuel était hors de cause; il l'avait ach
tée à un marchand. Je lui offris de I
rembourser le prix d'achat, il me proposa
gracieusement de m'envoyer copie de lai
lettre. C'était un amateur. Il tenait ai*
volume. Je crois bien que j'aurais pu, ew
faisant un procès, rentrer en possession
de mon exemplaire. C'eût été une ques
tion curieuse à faire trancher par un tri
bunal. Mais c'est si ennuyeux de pIai.,
der !
Moi aussi, j'ai trouvé, un jour, dans Ufl £
catalogue une lettre d'About à moi adre
sée, lettre de jeunesse, lettre intime s'il ea
fut, où il contait l'histoire de certains dis—'
sentiments de famille que j'étais seul à
connaître. Lorsque j'en vis quelques lignes
reproduites dans les journaux, il me passa
un frisson par tout le corps. About souf-
frait déjà de la maladie dont il devait
mourir quelques semaines plus tard. H
était très nerveux, et s'il avait eu con-
naissance de cette indiscrétion, il aurait;
eu une crise de colère qui eut aggravé
son état. Je donnai le mot à ceux qui
pouvaient lui mettre le passage sous les
yeux ; il ne lisait que très sommairement!
les journaux par lui-même. L'article lui
échappa, mais j'eus une belle peur.
Il est clair que cette lettre m'avait été
dérobée. Par qui? où? comment? Je
n'en ai jamais rien su. Un enragé colleo
tionneur, sans doute, qui n'avait vu au-
cun mal à s'emparer d'un morceau de
papier, qui l'avait serré précieusemen t
dans son album, se promettant de ne le
montrer qu'à de rares amis. Il était mort.
la collection avait passé à un autre, puis
a un autre, et c est ainsi que la lettre^
d'étape en étape, avait fini par tombée
dans un catalogue de vente publique.
Ce vol, un vol authentique, indéniable;
avait passé par les mains de trois ou cluam
tre honnêtes gens et n'avait soulevé d.
scrupule chez aucun d'eux. -,
Et ils sont tous persuadés, et ils répè-
tent de l'air le plus convaincu du monda
que la morale est une, universelle, obli-
gatoire ; et ils se récrient si on leur dit
que la morale mondaine est au contraire
très compliquée et très souple aux traBg
sactions. -
Francisque Sucey.:,'
L'ALLIANCE SOCIALISTE,
Les groupes boulangistes. — Une noie!
velle étiquette. f,
Comme le piteux échec des candidate
« investis" n'est pas fait pour les encouÉ
rager dans leur œuvre de propagande
électorale, les groupes boulangistes de lat.
Seine sont sur le point de se désagrégea
complètement.
Mais, pour ne pas perdre le fruit d'un.
organisation assez considérable, certaine
personnalités politiques, anciens chefs dm
comité boulangiste, font leurs efforts pour,,
arriver,à l'aide des éléments que leur fourni»
ront les tronçons de ces comités, à recons*
tituer l'ancienne alliance socialiste, qui fuOI
fondée il y a quelques années par M. Mfcg
chelin et plusieurs de ses amis.
Des pourparlers très actifs sont entamés j
en ce moment à ce sujet avec les prince
paux comités boulangistes, qui se conten
teraient, dès lors, de changer d'étiquette
tout en restant sympathiques à la personne
du général Boulanger. s
LA CRISE PARLEMENTAIRE!
EN ITALIE
La situation de M. Crispi ébranlée i
(DE NOTRE CORRESPONDANT P ARTlCULllt
Rome. 7 mai.
M. Crispi, ayant obtenu la complète adhéf
sion du roi, ne persiste pas dans son idéfi)
de démission. Il a prévenu plusieurs séna-
teurs qu'il briserait la résistance du Sénat.
en faisant signer au roi un décret noni<
mant cent nouveaux sénateurs, ce qui mo"
difierait complètement la composition dupj
Sénat. Il présenterait, en outre, à la Cbam
bre une loi encore plus radicale que cellot
des œuvres pies.
Les façons dictatoriales de M. Crispi com-g
mencent à lasser même ses amis. 4
M. Saracco, ancien ministre des travail»
publics, vient de déclarer, dans une réu-
nion des députés modérés, que le concoure
qu'il apporte au cabinet devrait avoir de
bornes. - -
On dit que M. crispi a insiste, au sein due
conseil des ministres, pour la démission
intégrale du cabinet, parce qu'il avait l'as"¡
surance que le roi l'aurait chargé de formel
le nouveau ministère et qu'il veut se d
barrasser de deux de ses collègues. i
Je puis vous assurer de bonne soure
que les ministres ont décidé de dissoudr
la Chambre aussitôt après le vote du bu
get. Les élections générales sont donc pro.Ja
chaines.
En attendant, la loi sur les œuvres piea
va revenir à la Chambre, qui maintiendrai
le paragraphe supprimé. 1
Malgré les assurances des agences Of;
cieuses, qui disent que le Sénat se déju- s
géra, je crois qu'au contraire il maintie
dra son vote.
La plupart des journaux reconnaissent]
que la situation de M. Crispi est ébrantâçg
L'EMPEREUR GUILLAUME D
ET LE DUEL
(DE NOTRE CORRESPONDANT PA.RTJOULIEB)",
Berlin, 7 mai. Y ï
On cite les paroles suivantes, récemment,
prononcées par l'empereur : ;•
« Mes officiers ne verseront plus leur sanft
dans les duels. Il appartient à la patrie. 3
trouverai d'autres méthodes pour donner sapi
tisfaction en cas d'insulte. »
Il a dit aussi, dans la même occasion :
« J'estime les convictions de chacun. NuI
sera forcé de penser exactement comme soin
supérieur, pourvu qu'il soit bon Allemand QI..
sujet fidèle. »
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