Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-04-22
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 22 avril 1890 22 avril 1890
Description : 1890/04/22 (A19,N6671). 1890/04/22 (A19,N6671).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. - NI, 6,671 CïWQ Centimes. Paris et Départements - (JINQ Centimes MARDI 22 AVRIL 1890
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LE TRAVAIL
DE NUIT
On ne rayera pas, d'ici longtemps,
les questions sociales de l'ordre du
jour des préoccupations européennes.
Un mouvement irrésistible s'est pro-
duit, depuis quelques années surtout,
qui a porté leur étude et leur solution
au premier rang des devoirs des gou-
vernements.
Ce n'est plus un seul parti qui, en
France comme ailleurs, proclame son
souci de donner aux classes labo-
rieuses les satisfactions auxquelles
elles prétendent. Aux deux extré-
mités de l'arc-en-ciel politique, les
hommes les plus différents par
leur origine, leurs habitudes d'esprit,
leurs opinions politiques et reli-
gieuses, parlent sur ces questions
presque la même langue et se rallient,
sur plusieurs poins importants, aux
mêmes solutions. Ce spectacle nous
était offert il y a quelques jours
encore, au congrès d'Olten, par les
démocrates et les catholiques suisses,
unis pour faire triompher des reven-
dications communes touchant le tra-
vail des enfants et des femmes, les
syndicats professionnels, etc.
Ce ne sont plus seulement les as-
semblées politiques, les associations
ouvrières qui s'attellent à l'examen de
ces problèmes gros de conséquences.
Voici qu'en France même de grands
corps scientifiques sont sollicités de
donner leur concours à l'étude de ces
questions. Il y a quelques jours, l'Aca-
démie de médecine émettait un avis
motivé sur le travail de nuit des fem-
mes, considéré, bien entendu, au point
de vue de la santé publique et privée.
Ce n'est pas d'hier qu'on agite cette
intéressante question. Au programme
de la conférence qui devait être tenue
à Berne, elle figurait sous ce titre :
« Restriction du travail de nuit pour
les jeunes gens et les femmes", Les
organisateurs de la conférence de Ber-
lin ne manquèrent pas de l'inscrire au
catalogue de ses travaux. « La régle-
mentation du travail des personnes du
sexe féminin » a été l'un des sujets de
discussion des délégués. *
Une loi élaborée pendant la législa-
ture précédente, mais sur tous les points
de laquelle les deux Chambres ne s'é-
taient pas mises d'accord, est aujour-
d'hui en suspens au Palais-Bourbon.
Une commission a été nommée. Sous
la présidence de M. Ricard, député de
Rouen, elle a entrepris une enquête
sur lieux, pour recevoir les déposi-
tions des ouvrières.
C'est à sa demande que l'Académie
de médecine a été saisie de la ques-
tion du travail de nuit des femmes.
Rien de plus légitime et de plus sage
que cette consultation. S'il est, en -ef-
fet, une question qui intéresse au plus
haut degré la santé physique et mo-
rale des travailleurs, la société et la
famille autant que l'individu, c'est
bien celle du travail, pendant la nuit,
de la mère ou de la jeune fille.
Au nom d'une commission compo-
sée de MM. Brouardel, Proust, Tar-
nier et Rochard, ce dernier a déposé
un rapport dont les conclusions ne
sauraient être du moins accusées de
manquer de netteté. « Le travail de
nuit dans les manufactures, y lit-on,
est préjudiciable à la santé des fem-
mes et de leurs enfants, à la moralité
et aux intérêts des familles. »
Le rapporteur a tracé un tableau
saisissant des conséquences qu'en-
traîne au point de vue social le tra-
vail des femmes pendant la nuit. Il
est tout entier, en raccourci, dans
cette phrase énergique du doctenr
Napias que cite, en se l'appropriant,
le rapporteur de l'Académie de méde-
cine : « La femme à l'atelier pendant
la nuit, c'est l'enfant dans la rue, le
père au cabaret, la fille on ne sait
où. »
De telles paroles, sous la plume de
personnages aussi officiels et aussi
autorisés,ne peuvent manquer de pro-
duire sur les hommes politiques qui
seront appelés à résoudre législative-
ment le problème, une impression
considérable. Aussi bien les dangers
signalés ont déjà frappé tous les es-
prits. La France a été précédée dans
la voie ou on la sollicite d'entrer, par
des nations étrangères dont quelques-
unes sont proposées sans cesse comme
des modèles à suivre par les docteurs
les plus orthodoxes de l'économie po-
litique.
Ainsi l'Angleterre, dès 18hh, pose le
principe de l'interdiction du travail
de nuit aux femmes âgées de plus de
dix-huit ans. Nouveau bill en 18.47. La
grande loi de 1878, le Factory and
workshop cict, qui vise et les grandes
manufactures et les ateliers sans mo-
teurs mécaniques, et iuscru'aux affiliée
domestiques, interdit le tray^iï de
nuit aux femmes. Ses appositions ont
1-~- - - .--- -- -- - - -
été élargies et complétées par un bill
de 1886 qui s'occupe des bazars, cafés,
restaurants, etc., pour y réglementer
le travail des employés.
Notons, ainsi que le constate M.
Rouanet, dans une intéressante étude
qu'il consacre à ce sujet, que les ou-
vriers de la Grande-Bretagne ont été
les plus ardents à réclamer ces me-
sures de protection, bien que leur
conséquence immédiate pût en être
une diminution des ressources de la
famille ouvrière. La pratique a montré
qu'ils avaient raison, et qu'aussi bien
au point de vue du budget familial
que de la moralité du ménage, l'inter-
diction du travail de la femme pen-
dant la nuit était une mesure bienfai-
sante.
Nous avons cité l'Angleterre. Nous
aurions pu citer la Suisse, où la même
règle a été posée par la loi fédérale de
1877. Interdiction absolue dans les fa-
briques du travail des femmes et des
enfants pendant la nuit. Le congrès
d'Olten, dont je parlais plus haut, s'est
préoccupé d'étendre ces dispositions à
la petite industrie, où elles ne sont
pas encore applicables. Nul doute
qu'il n'obtienne à bref délai satisfac-
tion. -
En France même, quand, en 1878,
une enquête fut ouverte près des ins-
pecteurs du travail, des conseils de
prud'hommes, chambres de commer-
ce, conseils généraux, etc., sur A7â
avis qui furent recueillis, 31 se pro-
noncèrent en faveur de l'interdiction
du travail de nuit.
Le problème est aujourd'hui d'au-
tant plus urgent qu'ainsi que le faisait
remarquer, dans une récente confé-
rence sur le travail des femmes, le
professeur Singer, à l'Université de
Vienne, le nombre des femmes em-
ployées tant dans la grosse industrie
que dans les métiers domestiques, ne
cesse d'augmenter de jour en jour,
dans le monde entier.
Il est donc permi de croire que,mal-
gré les dernières résistances des éco-
nomistes, français qui ont fait de la
non-intervention de l'Etat, un dogme
sur lequel il serait interdit de porter
la main, notre pays ne tardera pas à
suivre l'exemple salutaire qui lui a
été donné par les nations qui l'en-
tourent.
A. Millerand.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
» Chronique »f par M. Paul Ginisty.
L'AFFAIRE PLESSEN
Un attaché allemand convaincu de
trahison
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 90 avril.
L'affaire du vol de plans de forteresses
et de papiers maritimes produit une sen-
sation énorme.
Le gouvernement russe a immédiatement
demandé le rappel du baron de Plessen,
attaché naval allemand, sur qui retombe
la responsabilité des faits de trahison.
On parle également de la disparition de
certains papiers relatifs à la mobilisation.
L'ESPIONNAGE ITALIEN
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 20 avril.
On apprend ici que Pietro Contin, l'Italien
natif de Venise qui a été arrêté en flagrant
délit d'espionnage à Nice, sera juge à huis clos
par le tribunal correctionnel de cette ville,
samedi prochain.
ÉLECTION DES GILLYSTES
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nîmes, 90 avril.
Dans les élections municipales complémen-
taires qui ont eu lieu aujourd'hui, la liste du
comité radical socialiste de protestation, ayant
à sa tête M. Numa Gilly, et comprenant les
conseillers démissionnaires, a été élue contre
la liste républicaine.
Les conservateurs ont voté pour les gil-
lystes.
GUILLAUME Il ET WALDERSEE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 20 avril.
L'empereur Guillaume a quitté la capitale
pour se rendre à Brème et de là à Bremer-
haven, d'où il s'embarquera pour aller au-
devant de son frère Henri, dans la mer du
Nord, demain soir, à sept heures, toujours
à bord de la Fulda.
Le général de Waldersee est parti avec
l'empereur.
On remarque que le chef de l'état-major
général est devenu le famillier de Guil-
laume II, qu'il ne quitte plus depuis son
retour d'Italie.
UN ORAGE ÉPOUVANTABLE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 20 avril.
On télégraphie de Lubeck qu'un orage épou-
vantable sévit dans le port. Des coups de ca-
non préviennent la population du danger. On
craint que cet orage inattendu ne soit la cause
de grands malheurs en mer.
GRAVE INCENDIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lyon, 20 avril.
Un incendie, qui a pris des proportions con-
sidérables, s'est déclaré cette après-midi, à
trois heures et demie, rue Centrale, 23, dans
un magasin de chapeaux de paille.
A quatre heures, l'escalier de la maison s'ef-
fondrait, empêchant la manœuvre des pom-
piers.
Troi9 étages ont été détruits dans la maison
incendiée, ainsi qu'un étage d'une maison voi-
sine.
Un adjudant de pompiers, le nommé Vivier,
a eu la main fendue par une vitre.
Les dégâts, évalués à plus de 200,000 francs,
sont couverts par une compagnie d'assu-
rances.
CHRONIQUE
C'est une histoire assez amusante, dont
je garantis la parfaite authenticité. Elle
m'a été contée par le héros même de l'a-
venture, qui est un grave professeur de
notre vieille Université. Il m'a prié, si je
la contais au public, de ne pas donner
son nom. Vous comprenez, me dit-il, un
professeur avouant qu'il a été cueilli par
la gendarmerie ! Les cheveux en dresse-
raient d'horreur sur la tête à mon esti-
mable proviseur. Et mes élèves, donc ! Ce
sont de grands garçons, avec qui je suis
en rapports excellents. Mais, franche-
ment, j'hésiterais à leur faire connaître ce
drame de mon existence. J'en ai un qui
réussit fort spirituellement la complain-
te, et, dame ! je serais un Fualdès ou un
Fenayrou délicieux à accommoder à la
sauce piquante.
Ecoutez-moi donc, me dit-il.
-J'ai, comme vous savez, souvent affaire
du côté de la gare de Clamart. La gare de
Clamart, je n'en veux pas dire de mal ;
mais il n'y a pas beaucoup de bien à en
dire. Au reste, personne n'en dit, et le
mieux est de s'en taire. Tant il y a que
jeudi dernier 16 avril, ayant pris un bil-
let pour Versailles, je me présentai quel-
ques minutes avant le passage du train
devant les portes qui donnent accès sur
le quai. Trois étaient fermées et une
quatrième, ouverte celle-là, menait à une
sorte de hangar, clos d'une grille.
J'appelai, criai, tempêtai. Personne. Le
train arrive, s'arrête, reprend sa course
et me passe sous le nez. J'étais toujours
encagé. Vous me connaissez : je ne suis
pas de caractère grincheux. Mais, ma
foi ! la mauvaise humeur m'avait pris,
et, de ma grille, je demandai assez vive-
ment le chef de gare.
Le fonctionnaire de l'Ouest arrive d'un
pas digne et le visage composé : j'expose
ma plainte ; il le prend de très haut avec
moi. La moutarde me monte au nez ; je
demande le registre des réclamations. On
tergiverse ; j'insiste ; on finit par me le
donner, mais d'un air !. comme si c'é-
tait une grâce que l'on me faisait, et dans
le cabinet même du chef de gare, je ré-
dige et signe trois lignes où j'avais expo-
sé le fait le plus simplement que j'avais
pu. 1 t l,
Je reparais sur le quai, et là je me
trouve en face d'un groupe dont les per-
sonnages les plus en évidence étaient deux
ouvriers, deux travailleurs, qui, j'en ré-
ponds, ne revenaient pas du travail, et
deux demoiselles en cheveux. Ces deux
messieurs font mine de se moquer de moi,
m'interpellent, et, avec l'urbanité coutu-
mière de ces gens-là, me déclarent que
j'en ai menti.
J'aurais mieux fait de me taire, j'en
conviens. Mais, que voulez-vous ? j'étais
monté, si bien que je réponds d'une voix
très nette, en haussant les épaules : « Je
ne discute pas avec les voyous. » Ce n'é-
tait pas trop parlementaire, encore un
coup. Mais mettez-vous à ma place. Man-
quer son train et être injurié par-dessus
le marché, avouez que c'est vexant.
Or, sur le quai il y avait un gendarme.
Pandore s'avance d'un pas solennel, sa-
bre au côté, revolver en bandoulière. Il se
garde bien de faire l'ombre d'une obser-
vation aux deux couples qui m'avaient
cherché noise; c'est à moi qu'il enjoint
de cesser le scandale. Je lui fais observer
que si j'ai usé d'un terme un peu vif, je
n'ai fait que répondre à une injure aussi
gratuite que grossière. Nouvelle injonc-
tion d'avoir à m'abstenir de troubler l'or-
dre. Je commençais à mousser sérieuse-
ment. Je dis à la maréchaussée :
— Vous savez bien mal votre métier !
— Fichtre ! m'écriai-je à ce point du
récit. Vous avez eu tort :
Ah ! vous n'auriez pas dû lâcher cette parole.
- Je le sais parbleu bien que j'ai eu
tort, et la suite me l'a fait voir, du reste.
Pandore avait tressailli à ce mot.
— Vos papiers ! me dit-il sévèrement.
— Pour venir à Clamart, on se munit
d'une canne ou d'un parapluie, selon la
saison ; on n'emporte pas un passe-
port.
— Ah ! vous n'avez pas de papiers ?
Nom? prénoms? profession ?
— Un tel, professeur.
— Professeur?.professeur de quoi?
— Peu importe !
— Rebellionnez pas !
— Mettez : professeur de l'Université.
— Professeur d'Université ; bien !
L'Université était sans doute, aux yeux
du bon gendarme, une chose qui s'en-
seigne comme la danse et les mathéma-
tiques.
L'interrogatoire continue :
— Où êtes-vous né?. quelle année?.
quelle date du mois ?.
— J'ignore ce dernier détail.
Indignation du gendarme. Enfin il se
résigne à ne pas connaître cette particu-
larité importante. Il continue :
— Quel âge avez-vous?
— Pardon! gendarme, mais je viens de
vous dire, sur votre demande, en quelle
année et quel mois j'étais né.
- — Quel âge avez-vous? Je vous or-
rt~r~~ é r~nn~*~ :
fv*A~C U(j i' J 1- ê
Ce que les deux groupes s'amusaient!
Les demoiselles en cheveux auraient
embrassé cet excellent gendarme qui em-
bêtait un bourgeois.
J'étais furieux : ça n'avait plus le sens
commun, j'aurais mieux fait de rire. Mais
on a ses nerfs. Du vaudeville nous allions
passer au drame :
— Je vais, me dit Pandore, vous emme-
ner quelque part.
— Où?
— Vous le verrez bien.
— Je n'irai que contraint et forcé, 11l-
poignez-moi, si vous voulez ; m?:jg réflé-
chissez bien à ce que vou faites. Une
arrestation dans ces cation» t
éditions es~ t un
acte arbitraire.
— Vous avez dit que je ne savais pas
mon métier. Allons ! marchez!
Et me voilà parti, sous la huée des
deux groupes, et remontant l'intermina-
ble rue de Clamart, escorté de mon gen-
darme qui, durant la route, évacuait
apophthegmes sur apophthegmes :
« Il y a des gens qui se disent profes-
seurs et qui ne valent pas cher. Si vous
croyez qu'il suffit de se dire professeur
pour qu'on tombe à genoux devant
vous. »
Décidément, le professorat ne semble
pas être en odeur de sainteté auprès de
la gendarmerie de Clamart ; prévenez
mes collègues, je vous prie : s'ils vont au
mois de mai cueillir la violette dans les
bois de Clamart, ils feront bien de se mé-
fier.
Nous arrivons enfin à la caserne, et je
comparais devant le maréchal-des-logis.
L'homme au tricorne explique le cas à sa
manière. Il appert de son rapport que j'ai
fait du scandale, que je n'ai pas obtem-
péré aux injonctions qui m'étaient faites,
que je n'ai pas de papiers, que j'ai refusé
d'indiquer le jour du mois où je suis né ;
enfin, que je l'ai outragé, lui, gendarme,
dans l'exercice de ses fonctions, en dou-
tant de sa capacité professionnelle. Pour
expier le tout, il fallait une nuit de vio-
lon et le lendemain une promenade chez
le commissaire.
Je prends la parole ensuite et je de-
mande au sous-officier s'il juge bien vrai-
semblable que j'aie été, de but en blanc,
sans rime ni raison, traiter de voyous les
individus qui étaient sur le quai. Le su-
périeur avait, au fond, l'air assez embar-
rassé. Il ne pouvait désavouer son gen-
darme, et l'histoire, malgré tout, ne lui
semblait pas bien nette.
— Enfin, dis-je, je tiens à ce que cette
affaire se termine autrement que par une
simple visite à la gendarmerie de Cla-
mart. Indiquez-moi le violon. C'est moi
qui demande à y aller.
— Non, on fera un procès-verbal.
— Je l'espère bien, et nous verrons si
q'on trouvera un juge pour admettre qu'à
propos d'une querelle cherchée à un bour-
geois inoffensif par des personnages qui,
de l'aveu même du gendarme, marquaient
.mal, ce soit le bourgeois inoffensif qui
soit emmené par l'agent de l'autorité,
sans que celui-ci prenne seulement la
peine de relever les noms des autres in-
dividus.
Et je fus relâché, et l'affaire en est là.
— Elle en restera là, dis-je à mon
collègue de l'Université; il est bien pro-
bable que le gendarme aura reçu un
savon pour son zèle intempestif. Vous
vous étiez plaint du chef de gare, qui à
ses yeux représente l'autorité. C'est donc
vous qui étiez pour lui le vrai, l'unique,
le grand coupable. Il a donné dans votre
personne une leçon à ces impertinents
voyageurs qui se permettent de n'être pas
contents quand on leur fait manquer le
train.
Il a affirmé le principe d'autorité. Vous
prendrez votre revanche sur vos élèves.
— Ah bien, oui! nos élèves aujour-
d'hui. ce sont eux qui nous donneraient
des pensums et nous mettraient en re-
tenue.
Francisque Sarcey.
L'INDEMNITÉ MUNICIPALE
Un croisade orléaniste. — La rétribu-
tion des conseillers de j adis.
On sait que le mot d'ordre, aux élections
municipales prochaines,des royalistes, tous
rentiers d'ailleurs, est supression de l'in-
demnité accordée aux conseillers.
Or, ces messieurs, qui aiment tant à rap-
peler le bon vieux temps, paraissent igno-
rer que, sous l'ancien monarchie, les
preud'oumes, — membres du conseil de
ville, — touchaient une rétribution.
Nous relevons cet exemple, parmi quan-
tité d'autres, dans les comptes d'échevinage
de la Ville de Paris :
« L'an de grâce 1295, le mercredi avant
la Saint-Marc, fut retenu au conseil de la
Ville mestre Allain de Lamballe, et doibt
avoir chacun an por sa pension X livres. »
Le conseil et le gouvernement, en établis-
sant cette indemnité, n'ont fait que revenir
aux vieilles traditions de la monarchie
française.
UNE SÉRIE DE DUELS
Carcassonne se remue
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Carcassonne, 20 avril.
Une série de duels vient d'avoir lieu dans
notre ville.
Dimanche dernier, M. Maurice Sarraut,
journaliste, allait sur le terrain avec un
sous-officier de la garnison ; ce dernier fut
blessé à l'épaule.
Vendredi avait lieu un duel à l'épée en-
tre M. Cal vet, maire de Carcassonne, et M.
Sicre. conseiller municipal; après quatre
reprises sans résultat, le combat fut arrêté
sur la demande formelle des médecins.
Aujourd'hui, à la suite d'une discussion
violente au conseil général, un duel au
pistolet a eu lieu entre M. Beverini-Vico,
préfet, et M. Fondi, conseiller général réac-
tionnaire.
Deux balles ont été échangées sans ré-
sultat.
L'INFANT ANTOINE DE MONTPEN-
SIER ET L'ARMÉE ESPAGNOLE
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid, 90 avril.
Suivant une dépêche de la Epoca, l'infant
Antoine de Montpensier aurait l'intention de
demander à être rayé des cadres de l'armée
espagnole.
STANLEY A BRUXELLES
(D'UN CORRESPONDANT)
Bruxelles, Sû avril.
Après le dîner qui a eu lieu hier soir au
palais, Stanley a eu un long entretien avec le
roi.
Ce soir, a l'hôtel de ville, a eu lieu un ban-
quet de 60 couverts offert par le bourgmestre
4e Bruxelles.
LE LABORATOIRE
MUNICIPAL
DOCUMENTS POUR LES ÉLECTEURS
Les finesses d'un possibiliste percées à
jour. — Une réorganisation qui ne
réorganise rien. — Augmentation
de dépenses. — L'avancement de
M. Girard.
Il est nécessaire de revenir, — aujour-
d'hui que nous possédons le texte complet
du rapport de M. Paul Brousse et le compte
rendu officiel des débats, — sur la discus-
sion qui a eu lieu avant-hier au conseil
municipal, au sujet de la réorganisation
du Laboratoire et de l'avancement de M.
Girard, son extraordinaire directeur. A la
veille des élections municipales, il est bon
de faire connaître certaines choses. Quel-
ques candidats y trouveront leur compte ;
tous les électeurs aussi.
Le rapport de M. Brousse
Le rapport de M. Paul Brousse est très
habilement fait. M. Brousse est d'ailleurs
un habile homme; mais ses finesses
ne sauraient tromper quiconque réfléchit
et M. Léon Donnat le lui a démontré.
Après le retentissant procès duXIxeSiècle,
dont la campagne contre les irréguliers
procédés du chimiste Girard a été féconde
puisqu'elle a obligé enfin le conseil muni-
cipal à s'occuper un Pèu du fonctionne-
ment du Laboratoire, le conseil votait la
proposition suivante :
« La commission de contrôle du Labora-
toire municipal est invitée à préparer et à
soumettre au conseil, à bref délai, un pro-
jet de réforme du laboratoire. »
Cette commission de contrôle, qui jus-
qu'alors n'avait rien contrôlé du tout et
dont le seul but paraissait être de soutenir,
aidée du préfet de police,la personne de M.
Girard, se composait de MM. Lamouroux,
président; Brousse, secrétaire; Chautemps,
Chassaing et Jacques, devenus députés; Le-
vraud, Foussier, Emile Richard, Lyon-Ale-
mand et Benon, ces deux derniers seuls
absolument partisans de la révocation du
trop célèbre directeur du Laboratoire.
A différentes reprises, nous avons posé à
cette commission la question suivante :
« Que faites-vous? Où en êtes-vous? Et ce
projet de réforme? » Personne ne répon-
dait. Poussée l'épée dans les reins, elle a
fini par accoucher d'un projet bizarre,
excentrique, qui ne donne satisfaction ni
aux vœux du conseil municipal, ni surtout
aux désirs des consommateurs et des débi-
tants.
Que demande la population parisienne?
Le rattachement du Laboratoire, rouage
de la machine policière, à la préfecture de
la Seine.
Que propose la commission de contrôle ;
que soumettent les amis de M. Girard et
du préfet de police ?
Un projet augmentant le budget de
102,500 francs !
M. Brousse augmente le directeur du
Laboratoire de 1,000 francs; il crée un chef
de service d'inspection, soit 12,000 francs ;
il augmente le personnel des bureaux, soit
8,700 francs ; il crée un service d'inspec-
tion, soit U,000 francs, etc.
Et il fait ces propositions avec un air
pince-sans-rire tout à fait impertinent. Il
va jusqu'à la citation classique. Nous trou-
vons dans son rapport :
« Alphonse Karr disait : L'épicier qui
vole un consommateur est condamné à
l'amende ou à une prison de quelques
jours; le consommateur qui volerait un
épicier serait condamné aux galères. L'é-
picier qui empoisonne un consommateur
est condamné à l'amende; le consomma-
teur qui empoisonnerait un épicier serait
infailliblement guillotiné. »
Il trouve que cette « boutade" est « exa-
gérée », mais il s'empresse d'ajouter : « La
législation actuelle ne frappe pas tous les
delits qu'elle devrait atteindre. »
Et pour les atteindre, il propose une aug-
mentation de 102,500 francs 1
La discussion
* « Mais ce n'est qu'un leurre pour la po-
pulation parisienne ! o, s'est écrié M. Des-
champs.
ltI.Deschamps.-Ce que nous avons demandé
et ce que les intéressés demandaient avec
nous, c'est que le Laboratoire n'eût plus le
caractère policier.
Et il examine le projet : « Vous nous di-
tes que le détachement du Laboratoire des
services de la préfecture de police doit se
faire. Et que faites-vous? Vous laissez une
partie desservices actuellement dépendants
du Laboratoire à la préfecture de police ! »
Et cette réforme qui coûtera par an
102,500 francs ! « Comment réorganise-
t-on? En créant, je ne dirai pas des siné-
cures, mais des emplois nouveaux. »
-On divise en effet le service en trois parties
qui paraissent autonomes : l'une relative à
l'inspection des boissons et des denrées ali-
mentaires, l'autre qui concerne le laboratoire
technique, enfin la troisième, qui constitue le
service administratif des bureaux.
Et à la tête de ces services, qui trouvons-
nous ? Un chef de service au traitement d'un
chef de division, c'est-à-dire 12,000 fr. C'est un
emploi nouveau.
Et pour le service technique, M. Girard avait
11,000 francs d'appointements, vous ajoutez
1,000 francs.
Je pensais cependant qu'assez de critiques
avaient été adressées au chef actuel du Labo-
ratoire pour ne pas lui mériter cet avance-
ment.
M. le préfet de police. — « Mais vous sa-
» vez bien que le chef actuel du Laboratoire
» doit partir prochainement. »
Tiens ! et le démenti qu'on a adressé au
X/Xe Siècle, il y a trois semaines ?
Et le préfet ajoute :
« Mais M. Girard ne partira qu'à cause de
» son avancement et pour une situation
meilleure. »
Et une seconde après :
« C'est une récompense qu'on donne à ce
fonctionnaire. »
Cette réponse va être relevée tout à
l'heure et de verte façon :
M. Deschamps. — Mais, bien plus, vous
augmentez — pour quelle raison ? -~ de 2,000
francs le sous-chef. Il y a encore autre chose,
Pour le service des bureaux, on crée un rouage
nouveau, un sous-chef au traitement de 5,000
francs. On n'a pas osé mettre encore là une
sorte de chef de division ; mais on crée une
place qui est sinon une sinécure, du moins
qui n'a pas une utilité très bien justifiée.
En résumé, la commission nous engage à
voter ses conclusions, attendu que leur adop-
tion entraîne le rattachement du service à la
préfecture de la Seine. Elle dit: Acceptez mes
conclusions et le rattachement sera fait.
Eh bien ! cette promesse est un leurre. Le
vote des conclusions de la commission n'aura
pour effet que d'augmenter de 102,000 franci
la dépense annuelle, et la préfecture de police
soyez-en sûrs, gardera dans son ressort le
Laboratoire municipal.
Nous en avons assez du caractère poli-
cier qu'a pris cette institution.
M. Sauton
Au tour de M. Sauton, maintenant :
M. Sauton. — Je viens combattre le projet
qui nous est soumis,et je le combats enm'em-
parant des paroles prononcées à notre séance
d'hier par notre collègue M. Lamouroux, pré-
sident de la commission du Laboratoire, qui
nous disait que le projet de la commission
avait pour effet de faciliter le rattachement à
la préfecture de la Seine de la partie scien-
tifique du service de contrôle des denrées
et boissons, c'est-à-dire le Laboratoire muni-
cipal.
En lisant le projet de délibération, je me suis
aperçu, en effet, que la commission proposait
tout le contraire de ce qui nous était an-
noncé.
On nous parle de rattachement à la préfec-
ture de la Seine du laboratoire scientifique
d'analyse, et le premier soin de la commission
est de le placer sous le même hef que le ser-
vice administratif de bureau et le service ex-
térieur de prélèvement.
Le commerce d'alimentation ne fuit
pas le contrôle ; il demande que le service soit
fait d'une façon impartiale et que le service
scientifique du Laboratoire perde son carac-
tère policier.
La commission propose de rembourser
les prélèvements quand les échantillons se-
ront reconnus bous.
C'est là une mesure excellente, mais qu'il
faut rendre pratique.
Je demande qu'il soit prélevé trois échan-
tillons, un qui reste chez le débitant, un autre
qui puisse être mis à la disposition du par-
quet, le troisième qui est @ analysé. C'est celui-
ci qui doit être remboursé.
Naturellement, M. Emile Richard, M. La-
mouroux, le préfet de police haussent les
épaules. Rembourser les échantillons!.
Et comme M. Sauton demande que, « pour
toute analyse dont le résultat communiqué
au parquet peut amener une condamna-
tion, l'analyse soit faite avec les seuls
procédés approuvés par une commission
technique", MM. Lamouroux et Brousse
protestent avec indignation.
Déclaration de M. Foussier
9f. Foussier. — Vous savez, messieurs, tout
le mal que le fonctionnement du Laboratoire,
établissement policier, a causé au commerce,
les tracasseries, les malheurs qui en ont été
la conséquence.
Je ne veux pas les augmenter et les étendre
à un plus-grand nombre de personnes, ce qui
ne manquerait pas de se produire si le ser-
vice relevait de la préfecture de police, au
lieu d'être ce que je pensais qu'il devait deve-
nir : un service scientifique, absolument dé-
gagé de toute préoccupation policière, et
auquel les "savants, les syndicats, les com-
munes, les particuliers pourraient avoir re-
cours.
Je me contenterai donc aujourd'hui devoter
seulement, et au préalable, lu principe du rat-
tachement à la préfecture de la Seine.
Discours de M. Donnat
Efin, M. Donnât, dans un discours très
net, vient donner le dernier coup aux con-
clusions de M. Paul Brousse.
Il rappelle quelles sont les pénalités qui
frappent depuis 1885 toutes les falsifica-
tions sans exception, même les plus insic.
gnifiantes :
-C'est le régime de l'arbitraire; c'est lasuba-
titution du bon plaisir administratif au règne
de la loi. Et c'est ce régime détestable que
consacrent les conclusions de la commission.
Elles le consacrent en l'aggravant ; car elle?
donnent à une institution mauvaise des or-
ganes plus compliqués et plus nombreux.
Chacun des services proposés aura, dit-
on, son autonomie. Oui, il aura et il vou-
dra justifier son existence.
-Jusqu'à présent, qu'a fait le Laboratoire? Il
n'a fait autre chose que d'appliquer la loi de
la façon la plus rigoureuse et la plus préju-»
diciable aux intéressés. Il a considéré le
mouillage comme un délit, qui a été pour-
suivi d'office, privant ainsi un grand nombre
de commerçants de leur considération, de leur
liberté, de leurs droits civiques pour une
altération sans danger au point de vue de la
santé publique.
Au lieu d'un laboratoire, vous en aurez trois.
Vous aurez trois groupes de fonctionnaires
intéressés à faire ce qua fait le fonctionnaire
actuel, c'est-à-dire à faire croire qu'ils sont
indispensables et qu'on ne saurait les trop
payer.
Dans le système de la commission, mes-
sieurs, le service des prélèvements pénètre
chez les commerçants. au lieu de se conten-
ter de prélever des échantillons des denrées
alimentaires, il examine tout, le carton des
boîtes, le papier des enveloppes, les capsules
des bouteilles, etc., et, arbitrairement, il
dresse des cou-traventions et poursuit des
commerçants non coupables, le plus souvent,
des faits qu'on leur reproche et trop peu chi-
mistes pour en comprendre la portée.
M. Després. — Que proposez-vous?
M. Léon Dounat. — Voici ce que je pro-
pose :
La Chambre est saisie depuis un certain
temps déjà d'un projet de loi dont l'objet de
définir clairement le délit de falsification. Eh
bien I attendez que le Parlement ait voté ce
projet de loi. Il sera une base solide pour l'or-
ganisation future du Laboratoire municipal.
J'arrive maintenant au projet de délibération
que la commission a divisé si habilement en
trois parties.
M. Deschamps. — Si habilement, en effet,
que nous n'avons pas encore compris pour-
quoi.
M. Léon Donnat. — La première partie est
relative à la réorganisation du Laboratoire ; la
seconde, à l'ouverture d'un crédit de 102,5001
francs, et la troisième, au rattachement à la
préfecture de la Seine.
Les deux premiers projets seront approuvés
par le ministre de l'intérieur; le troisième na~
le sera pas. ;
Le troisième ne le sera pas, quoi que vous-
vouliez faire, et M. le préfet de police, avec sa.
franchise habituelle, est venu vous le dire.
Dès lors, dans quelles conditions vous trou-
verez-vous? Vous serez réduits à deux tron-
çons sur trois.
Vous aurez réorganisé le Laboratoire et
vous en aurez obtenu les effets que je vous ai
dits, et vous aurez inscrit au budget une dé-
pense supplémentaire de 102,000 francs, qui
deviendra obligatoire, qui pourra être aug-
mentée , que vous ne pourrez diminuer ja-
mais.
Je demande au conseil de ne pas se laisser
entraîner dans cette voie, d'y voir clair en-
fin. A
Si la commission de contrôle n'a pas atteint
le but qu'elle poursuivait, il est facile de dis-
cerner celui qu'on a visé à lui faire attein-
dre.
Il ne s'agit plus aujourd'hui d'un labora-
toire d'analyse des denrées alimentaires : on
veut expérimenter jusqu'à des minéraux et
des engrais. En réalité, on veut encore impo-
ser à la Ville de Paris un de ces services pu-
blics si chers aux collectivistes et qui coûtent
si cher aux contribuables.
Et M. Donnat termine en demandant 14
renvoi de l'affaire à la commission.
Grâce au « XIXe Siècle »
M. Benon présente encore auelgues HK
flexions.
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LE TRAVAIL
DE NUIT
On ne rayera pas, d'ici longtemps,
les questions sociales de l'ordre du
jour des préoccupations européennes.
Un mouvement irrésistible s'est pro-
duit, depuis quelques années surtout,
qui a porté leur étude et leur solution
au premier rang des devoirs des gou-
vernements.
Ce n'est plus un seul parti qui, en
France comme ailleurs, proclame son
souci de donner aux classes labo-
rieuses les satisfactions auxquelles
elles prétendent. Aux deux extré-
mités de l'arc-en-ciel politique, les
hommes les plus différents par
leur origine, leurs habitudes d'esprit,
leurs opinions politiques et reli-
gieuses, parlent sur ces questions
presque la même langue et se rallient,
sur plusieurs poins importants, aux
mêmes solutions. Ce spectacle nous
était offert il y a quelques jours
encore, au congrès d'Olten, par les
démocrates et les catholiques suisses,
unis pour faire triompher des reven-
dications communes touchant le tra-
vail des enfants et des femmes, les
syndicats professionnels, etc.
Ce ne sont plus seulement les as-
semblées politiques, les associations
ouvrières qui s'attellent à l'examen de
ces problèmes gros de conséquences.
Voici qu'en France même de grands
corps scientifiques sont sollicités de
donner leur concours à l'étude de ces
questions. Il y a quelques jours, l'Aca-
démie de médecine émettait un avis
motivé sur le travail de nuit des fem-
mes, considéré, bien entendu, au point
de vue de la santé publique et privée.
Ce n'est pas d'hier qu'on agite cette
intéressante question. Au programme
de la conférence qui devait être tenue
à Berne, elle figurait sous ce titre :
« Restriction du travail de nuit pour
les jeunes gens et les femmes", Les
organisateurs de la conférence de Ber-
lin ne manquèrent pas de l'inscrire au
catalogue de ses travaux. « La régle-
mentation du travail des personnes du
sexe féminin » a été l'un des sujets de
discussion des délégués. *
Une loi élaborée pendant la législa-
ture précédente, mais sur tous les points
de laquelle les deux Chambres ne s'é-
taient pas mises d'accord, est aujour-
d'hui en suspens au Palais-Bourbon.
Une commission a été nommée. Sous
la présidence de M. Ricard, député de
Rouen, elle a entrepris une enquête
sur lieux, pour recevoir les déposi-
tions des ouvrières.
C'est à sa demande que l'Académie
de médecine a été saisie de la ques-
tion du travail de nuit des femmes.
Rien de plus légitime et de plus sage
que cette consultation. S'il est, en -ef-
fet, une question qui intéresse au plus
haut degré la santé physique et mo-
rale des travailleurs, la société et la
famille autant que l'individu, c'est
bien celle du travail, pendant la nuit,
de la mère ou de la jeune fille.
Au nom d'une commission compo-
sée de MM. Brouardel, Proust, Tar-
nier et Rochard, ce dernier a déposé
un rapport dont les conclusions ne
sauraient être du moins accusées de
manquer de netteté. « Le travail de
nuit dans les manufactures, y lit-on,
est préjudiciable à la santé des fem-
mes et de leurs enfants, à la moralité
et aux intérêts des familles. »
Le rapporteur a tracé un tableau
saisissant des conséquences qu'en-
traîne au point de vue social le tra-
vail des femmes pendant la nuit. Il
est tout entier, en raccourci, dans
cette phrase énergique du doctenr
Napias que cite, en se l'appropriant,
le rapporteur de l'Académie de méde-
cine : « La femme à l'atelier pendant
la nuit, c'est l'enfant dans la rue, le
père au cabaret, la fille on ne sait
où. »
De telles paroles, sous la plume de
personnages aussi officiels et aussi
autorisés,ne peuvent manquer de pro-
duire sur les hommes politiques qui
seront appelés à résoudre législative-
ment le problème, une impression
considérable. Aussi bien les dangers
signalés ont déjà frappé tous les es-
prits. La France a été précédée dans
la voie ou on la sollicite d'entrer, par
des nations étrangères dont quelques-
unes sont proposées sans cesse comme
des modèles à suivre par les docteurs
les plus orthodoxes de l'économie po-
litique.
Ainsi l'Angleterre, dès 18hh, pose le
principe de l'interdiction du travail
de nuit aux femmes âgées de plus de
dix-huit ans. Nouveau bill en 18.47. La
grande loi de 1878, le Factory and
workshop cict, qui vise et les grandes
manufactures et les ateliers sans mo-
teurs mécaniques, et iuscru'aux affiliée
domestiques, interdit le tray^iï de
nuit aux femmes. Ses appositions ont
1-~- - - .--- -- -- - - -
été élargies et complétées par un bill
de 1886 qui s'occupe des bazars, cafés,
restaurants, etc., pour y réglementer
le travail des employés.
Notons, ainsi que le constate M.
Rouanet, dans une intéressante étude
qu'il consacre à ce sujet, que les ou-
vriers de la Grande-Bretagne ont été
les plus ardents à réclamer ces me-
sures de protection, bien que leur
conséquence immédiate pût en être
une diminution des ressources de la
famille ouvrière. La pratique a montré
qu'ils avaient raison, et qu'aussi bien
au point de vue du budget familial
que de la moralité du ménage, l'inter-
diction du travail de la femme pen-
dant la nuit était une mesure bienfai-
sante.
Nous avons cité l'Angleterre. Nous
aurions pu citer la Suisse, où la même
règle a été posée par la loi fédérale de
1877. Interdiction absolue dans les fa-
briques du travail des femmes et des
enfants pendant la nuit. Le congrès
d'Olten, dont je parlais plus haut, s'est
préoccupé d'étendre ces dispositions à
la petite industrie, où elles ne sont
pas encore applicables. Nul doute
qu'il n'obtienne à bref délai satisfac-
tion. -
En France même, quand, en 1878,
une enquête fut ouverte près des ins-
pecteurs du travail, des conseils de
prud'hommes, chambres de commer-
ce, conseils généraux, etc., sur A7â
avis qui furent recueillis, 31 se pro-
noncèrent en faveur de l'interdiction
du travail de nuit.
Le problème est aujourd'hui d'au-
tant plus urgent qu'ainsi que le faisait
remarquer, dans une récente confé-
rence sur le travail des femmes, le
professeur Singer, à l'Université de
Vienne, le nombre des femmes em-
ployées tant dans la grosse industrie
que dans les métiers domestiques, ne
cesse d'augmenter de jour en jour,
dans le monde entier.
Il est donc permi de croire que,mal-
gré les dernières résistances des éco-
nomistes, français qui ont fait de la
non-intervention de l'Etat, un dogme
sur lequel il serait interdit de porter
la main, notre pays ne tardera pas à
suivre l'exemple salutaire qui lui a
été donné par les nations qui l'en-
tourent.
A. Millerand.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
» Chronique »f par M. Paul Ginisty.
L'AFFAIRE PLESSEN
Un attaché allemand convaincu de
trahison
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 90 avril.
L'affaire du vol de plans de forteresses
et de papiers maritimes produit une sen-
sation énorme.
Le gouvernement russe a immédiatement
demandé le rappel du baron de Plessen,
attaché naval allemand, sur qui retombe
la responsabilité des faits de trahison.
On parle également de la disparition de
certains papiers relatifs à la mobilisation.
L'ESPIONNAGE ITALIEN
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 20 avril.
On apprend ici que Pietro Contin, l'Italien
natif de Venise qui a été arrêté en flagrant
délit d'espionnage à Nice, sera juge à huis clos
par le tribunal correctionnel de cette ville,
samedi prochain.
ÉLECTION DES GILLYSTES
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nîmes, 90 avril.
Dans les élections municipales complémen-
taires qui ont eu lieu aujourd'hui, la liste du
comité radical socialiste de protestation, ayant
à sa tête M. Numa Gilly, et comprenant les
conseillers démissionnaires, a été élue contre
la liste républicaine.
Les conservateurs ont voté pour les gil-
lystes.
GUILLAUME Il ET WALDERSEE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 20 avril.
L'empereur Guillaume a quitté la capitale
pour se rendre à Brème et de là à Bremer-
haven, d'où il s'embarquera pour aller au-
devant de son frère Henri, dans la mer du
Nord, demain soir, à sept heures, toujours
à bord de la Fulda.
Le général de Waldersee est parti avec
l'empereur.
On remarque que le chef de l'état-major
général est devenu le famillier de Guil-
laume II, qu'il ne quitte plus depuis son
retour d'Italie.
UN ORAGE ÉPOUVANTABLE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 20 avril.
On télégraphie de Lubeck qu'un orage épou-
vantable sévit dans le port. Des coups de ca-
non préviennent la population du danger. On
craint que cet orage inattendu ne soit la cause
de grands malheurs en mer.
GRAVE INCENDIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lyon, 20 avril.
Un incendie, qui a pris des proportions con-
sidérables, s'est déclaré cette après-midi, à
trois heures et demie, rue Centrale, 23, dans
un magasin de chapeaux de paille.
A quatre heures, l'escalier de la maison s'ef-
fondrait, empêchant la manœuvre des pom-
piers.
Troi9 étages ont été détruits dans la maison
incendiée, ainsi qu'un étage d'une maison voi-
sine.
Un adjudant de pompiers, le nommé Vivier,
a eu la main fendue par une vitre.
Les dégâts, évalués à plus de 200,000 francs,
sont couverts par une compagnie d'assu-
rances.
CHRONIQUE
C'est une histoire assez amusante, dont
je garantis la parfaite authenticité. Elle
m'a été contée par le héros même de l'a-
venture, qui est un grave professeur de
notre vieille Université. Il m'a prié, si je
la contais au public, de ne pas donner
son nom. Vous comprenez, me dit-il, un
professeur avouant qu'il a été cueilli par
la gendarmerie ! Les cheveux en dresse-
raient d'horreur sur la tête à mon esti-
mable proviseur. Et mes élèves, donc ! Ce
sont de grands garçons, avec qui je suis
en rapports excellents. Mais, franche-
ment, j'hésiterais à leur faire connaître ce
drame de mon existence. J'en ai un qui
réussit fort spirituellement la complain-
te, et, dame ! je serais un Fualdès ou un
Fenayrou délicieux à accommoder à la
sauce piquante.
Ecoutez-moi donc, me dit-il.
-J'ai, comme vous savez, souvent affaire
du côté de la gare de Clamart. La gare de
Clamart, je n'en veux pas dire de mal ;
mais il n'y a pas beaucoup de bien à en
dire. Au reste, personne n'en dit, et le
mieux est de s'en taire. Tant il y a que
jeudi dernier 16 avril, ayant pris un bil-
let pour Versailles, je me présentai quel-
ques minutes avant le passage du train
devant les portes qui donnent accès sur
le quai. Trois étaient fermées et une
quatrième, ouverte celle-là, menait à une
sorte de hangar, clos d'une grille.
J'appelai, criai, tempêtai. Personne. Le
train arrive, s'arrête, reprend sa course
et me passe sous le nez. J'étais toujours
encagé. Vous me connaissez : je ne suis
pas de caractère grincheux. Mais, ma
foi ! la mauvaise humeur m'avait pris,
et, de ma grille, je demandai assez vive-
ment le chef de gare.
Le fonctionnaire de l'Ouest arrive d'un
pas digne et le visage composé : j'expose
ma plainte ; il le prend de très haut avec
moi. La moutarde me monte au nez ; je
demande le registre des réclamations. On
tergiverse ; j'insiste ; on finit par me le
donner, mais d'un air !. comme si c'é-
tait une grâce que l'on me faisait, et dans
le cabinet même du chef de gare, je ré-
dige et signe trois lignes où j'avais expo-
sé le fait le plus simplement que j'avais
pu. 1 t l,
Je reparais sur le quai, et là je me
trouve en face d'un groupe dont les per-
sonnages les plus en évidence étaient deux
ouvriers, deux travailleurs, qui, j'en ré-
ponds, ne revenaient pas du travail, et
deux demoiselles en cheveux. Ces deux
messieurs font mine de se moquer de moi,
m'interpellent, et, avec l'urbanité coutu-
mière de ces gens-là, me déclarent que
j'en ai menti.
J'aurais mieux fait de me taire, j'en
conviens. Mais, que voulez-vous ? j'étais
monté, si bien que je réponds d'une voix
très nette, en haussant les épaules : « Je
ne discute pas avec les voyous. » Ce n'é-
tait pas trop parlementaire, encore un
coup. Mais mettez-vous à ma place. Man-
quer son train et être injurié par-dessus
le marché, avouez que c'est vexant.
Or, sur le quai il y avait un gendarme.
Pandore s'avance d'un pas solennel, sa-
bre au côté, revolver en bandoulière. Il se
garde bien de faire l'ombre d'une obser-
vation aux deux couples qui m'avaient
cherché noise; c'est à moi qu'il enjoint
de cesser le scandale. Je lui fais observer
que si j'ai usé d'un terme un peu vif, je
n'ai fait que répondre à une injure aussi
gratuite que grossière. Nouvelle injonc-
tion d'avoir à m'abstenir de troubler l'or-
dre. Je commençais à mousser sérieuse-
ment. Je dis à la maréchaussée :
— Vous savez bien mal votre métier !
— Fichtre ! m'écriai-je à ce point du
récit. Vous avez eu tort :
Ah ! vous n'auriez pas dû lâcher cette parole.
- Je le sais parbleu bien que j'ai eu
tort, et la suite me l'a fait voir, du reste.
Pandore avait tressailli à ce mot.
— Vos papiers ! me dit-il sévèrement.
— Pour venir à Clamart, on se munit
d'une canne ou d'un parapluie, selon la
saison ; on n'emporte pas un passe-
port.
— Ah ! vous n'avez pas de papiers ?
Nom? prénoms? profession ?
— Un tel, professeur.
— Professeur?.professeur de quoi?
— Peu importe !
— Rebellionnez pas !
— Mettez : professeur de l'Université.
— Professeur d'Université ; bien !
L'Université était sans doute, aux yeux
du bon gendarme, une chose qui s'en-
seigne comme la danse et les mathéma-
tiques.
L'interrogatoire continue :
— Où êtes-vous né?. quelle année?.
quelle date du mois ?.
— J'ignore ce dernier détail.
Indignation du gendarme. Enfin il se
résigne à ne pas connaître cette particu-
larité importante. Il continue :
— Quel âge avez-vous?
— Pardon! gendarme, mais je viens de
vous dire, sur votre demande, en quelle
année et quel mois j'étais né.
- — Quel âge avez-vous? Je vous or-
rt~r~~ é r~nn~*~ :
fv*A~C U(j i' J 1- ê
Ce que les deux groupes s'amusaient!
Les demoiselles en cheveux auraient
embrassé cet excellent gendarme qui em-
bêtait un bourgeois.
J'étais furieux : ça n'avait plus le sens
commun, j'aurais mieux fait de rire. Mais
on a ses nerfs. Du vaudeville nous allions
passer au drame :
— Je vais, me dit Pandore, vous emme-
ner quelque part.
— Où?
— Vous le verrez bien.
— Je n'irai que contraint et forcé, 11l-
poignez-moi, si vous voulez ; m?:jg réflé-
chissez bien à ce que vou faites. Une
arrestation dans ces cation» t
éditions es~ t un
acte arbitraire.
— Vous avez dit que je ne savais pas
mon métier. Allons ! marchez!
Et me voilà parti, sous la huée des
deux groupes, et remontant l'intermina-
ble rue de Clamart, escorté de mon gen-
darme qui, durant la route, évacuait
apophthegmes sur apophthegmes :
« Il y a des gens qui se disent profes-
seurs et qui ne valent pas cher. Si vous
croyez qu'il suffit de se dire professeur
pour qu'on tombe à genoux devant
vous. »
Décidément, le professorat ne semble
pas être en odeur de sainteté auprès de
la gendarmerie de Clamart ; prévenez
mes collègues, je vous prie : s'ils vont au
mois de mai cueillir la violette dans les
bois de Clamart, ils feront bien de se mé-
fier.
Nous arrivons enfin à la caserne, et je
comparais devant le maréchal-des-logis.
L'homme au tricorne explique le cas à sa
manière. Il appert de son rapport que j'ai
fait du scandale, que je n'ai pas obtem-
péré aux injonctions qui m'étaient faites,
que je n'ai pas de papiers, que j'ai refusé
d'indiquer le jour du mois où je suis né ;
enfin, que je l'ai outragé, lui, gendarme,
dans l'exercice de ses fonctions, en dou-
tant de sa capacité professionnelle. Pour
expier le tout, il fallait une nuit de vio-
lon et le lendemain une promenade chez
le commissaire.
Je prends la parole ensuite et je de-
mande au sous-officier s'il juge bien vrai-
semblable que j'aie été, de but en blanc,
sans rime ni raison, traiter de voyous les
individus qui étaient sur le quai. Le su-
périeur avait, au fond, l'air assez embar-
rassé. Il ne pouvait désavouer son gen-
darme, et l'histoire, malgré tout, ne lui
semblait pas bien nette.
— Enfin, dis-je, je tiens à ce que cette
affaire se termine autrement que par une
simple visite à la gendarmerie de Cla-
mart. Indiquez-moi le violon. C'est moi
qui demande à y aller.
— Non, on fera un procès-verbal.
— Je l'espère bien, et nous verrons si
q'on trouvera un juge pour admettre qu'à
propos d'une querelle cherchée à un bour-
geois inoffensif par des personnages qui,
de l'aveu même du gendarme, marquaient
.mal, ce soit le bourgeois inoffensif qui
soit emmené par l'agent de l'autorité,
sans que celui-ci prenne seulement la
peine de relever les noms des autres in-
dividus.
Et je fus relâché, et l'affaire en est là.
— Elle en restera là, dis-je à mon
collègue de l'Université; il est bien pro-
bable que le gendarme aura reçu un
savon pour son zèle intempestif. Vous
vous étiez plaint du chef de gare, qui à
ses yeux représente l'autorité. C'est donc
vous qui étiez pour lui le vrai, l'unique,
le grand coupable. Il a donné dans votre
personne une leçon à ces impertinents
voyageurs qui se permettent de n'être pas
contents quand on leur fait manquer le
train.
Il a affirmé le principe d'autorité. Vous
prendrez votre revanche sur vos élèves.
— Ah bien, oui! nos élèves aujour-
d'hui. ce sont eux qui nous donneraient
des pensums et nous mettraient en re-
tenue.
Francisque Sarcey.
L'INDEMNITÉ MUNICIPALE
Un croisade orléaniste. — La rétribu-
tion des conseillers de j adis.
On sait que le mot d'ordre, aux élections
municipales prochaines,des royalistes, tous
rentiers d'ailleurs, est supression de l'in-
demnité accordée aux conseillers.
Or, ces messieurs, qui aiment tant à rap-
peler le bon vieux temps, paraissent igno-
rer que, sous l'ancien monarchie, les
preud'oumes, — membres du conseil de
ville, — touchaient une rétribution.
Nous relevons cet exemple, parmi quan-
tité d'autres, dans les comptes d'échevinage
de la Ville de Paris :
« L'an de grâce 1295, le mercredi avant
la Saint-Marc, fut retenu au conseil de la
Ville mestre Allain de Lamballe, et doibt
avoir chacun an por sa pension X livres. »
Le conseil et le gouvernement, en établis-
sant cette indemnité, n'ont fait que revenir
aux vieilles traditions de la monarchie
française.
UNE SÉRIE DE DUELS
Carcassonne se remue
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Carcassonne, 20 avril.
Une série de duels vient d'avoir lieu dans
notre ville.
Dimanche dernier, M. Maurice Sarraut,
journaliste, allait sur le terrain avec un
sous-officier de la garnison ; ce dernier fut
blessé à l'épaule.
Vendredi avait lieu un duel à l'épée en-
tre M. Cal vet, maire de Carcassonne, et M.
Sicre. conseiller municipal; après quatre
reprises sans résultat, le combat fut arrêté
sur la demande formelle des médecins.
Aujourd'hui, à la suite d'une discussion
violente au conseil général, un duel au
pistolet a eu lieu entre M. Beverini-Vico,
préfet, et M. Fondi, conseiller général réac-
tionnaire.
Deux balles ont été échangées sans ré-
sultat.
L'INFANT ANTOINE DE MONTPEN-
SIER ET L'ARMÉE ESPAGNOLE
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid, 90 avril.
Suivant une dépêche de la Epoca, l'infant
Antoine de Montpensier aurait l'intention de
demander à être rayé des cadres de l'armée
espagnole.
STANLEY A BRUXELLES
(D'UN CORRESPONDANT)
Bruxelles, Sû avril.
Après le dîner qui a eu lieu hier soir au
palais, Stanley a eu un long entretien avec le
roi.
Ce soir, a l'hôtel de ville, a eu lieu un ban-
quet de 60 couverts offert par le bourgmestre
4e Bruxelles.
LE LABORATOIRE
MUNICIPAL
DOCUMENTS POUR LES ÉLECTEURS
Les finesses d'un possibiliste percées à
jour. — Une réorganisation qui ne
réorganise rien. — Augmentation
de dépenses. — L'avancement de
M. Girard.
Il est nécessaire de revenir, — aujour-
d'hui que nous possédons le texte complet
du rapport de M. Paul Brousse et le compte
rendu officiel des débats, — sur la discus-
sion qui a eu lieu avant-hier au conseil
municipal, au sujet de la réorganisation
du Laboratoire et de l'avancement de M.
Girard, son extraordinaire directeur. A la
veille des élections municipales, il est bon
de faire connaître certaines choses. Quel-
ques candidats y trouveront leur compte ;
tous les électeurs aussi.
Le rapport de M. Brousse
Le rapport de M. Paul Brousse est très
habilement fait. M. Brousse est d'ailleurs
un habile homme; mais ses finesses
ne sauraient tromper quiconque réfléchit
et M. Léon Donnat le lui a démontré.
Après le retentissant procès duXIxeSiècle,
dont la campagne contre les irréguliers
procédés du chimiste Girard a été féconde
puisqu'elle a obligé enfin le conseil muni-
cipal à s'occuper un Pèu du fonctionne-
ment du Laboratoire, le conseil votait la
proposition suivante :
« La commission de contrôle du Labora-
toire municipal est invitée à préparer et à
soumettre au conseil, à bref délai, un pro-
jet de réforme du laboratoire. »
Cette commission de contrôle, qui jus-
qu'alors n'avait rien contrôlé du tout et
dont le seul but paraissait être de soutenir,
aidée du préfet de police,la personne de M.
Girard, se composait de MM. Lamouroux,
président; Brousse, secrétaire; Chautemps,
Chassaing et Jacques, devenus députés; Le-
vraud, Foussier, Emile Richard, Lyon-Ale-
mand et Benon, ces deux derniers seuls
absolument partisans de la révocation du
trop célèbre directeur du Laboratoire.
A différentes reprises, nous avons posé à
cette commission la question suivante :
« Que faites-vous? Où en êtes-vous? Et ce
projet de réforme? » Personne ne répon-
dait. Poussée l'épée dans les reins, elle a
fini par accoucher d'un projet bizarre,
excentrique, qui ne donne satisfaction ni
aux vœux du conseil municipal, ni surtout
aux désirs des consommateurs et des débi-
tants.
Que demande la population parisienne?
Le rattachement du Laboratoire, rouage
de la machine policière, à la préfecture de
la Seine.
Que propose la commission de contrôle ;
que soumettent les amis de M. Girard et
du préfet de police ?
Un projet augmentant le budget de
102,500 francs !
M. Brousse augmente le directeur du
Laboratoire de 1,000 francs; il crée un chef
de service d'inspection, soit 12,000 francs ;
il augmente le personnel des bureaux, soit
8,700 francs ; il crée un service d'inspec-
tion, soit U,000 francs, etc.
Et il fait ces propositions avec un air
pince-sans-rire tout à fait impertinent. Il
va jusqu'à la citation classique. Nous trou-
vons dans son rapport :
« Alphonse Karr disait : L'épicier qui
vole un consommateur est condamné à
l'amende ou à une prison de quelques
jours; le consommateur qui volerait un
épicier serait condamné aux galères. L'é-
picier qui empoisonne un consommateur
est condamné à l'amende; le consomma-
teur qui empoisonnerait un épicier serait
infailliblement guillotiné. »
Il trouve que cette « boutade" est « exa-
gérée », mais il s'empresse d'ajouter : « La
législation actuelle ne frappe pas tous les
delits qu'elle devrait atteindre. »
Et pour les atteindre, il propose une aug-
mentation de 102,500 francs 1
La discussion
* « Mais ce n'est qu'un leurre pour la po-
pulation parisienne ! o, s'est écrié M. Des-
champs.
ltI.Deschamps.-Ce que nous avons demandé
et ce que les intéressés demandaient avec
nous, c'est que le Laboratoire n'eût plus le
caractère policier.
Et il examine le projet : « Vous nous di-
tes que le détachement du Laboratoire des
services de la préfecture de police doit se
faire. Et que faites-vous? Vous laissez une
partie desservices actuellement dépendants
du Laboratoire à la préfecture de police ! »
Et cette réforme qui coûtera par an
102,500 francs ! « Comment réorganise-
t-on? En créant, je ne dirai pas des siné-
cures, mais des emplois nouveaux. »
-On divise en effet le service en trois parties
qui paraissent autonomes : l'une relative à
l'inspection des boissons et des denrées ali-
mentaires, l'autre qui concerne le laboratoire
technique, enfin la troisième, qui constitue le
service administratif des bureaux.
Et à la tête de ces services, qui trouvons-
nous ? Un chef de service au traitement d'un
chef de division, c'est-à-dire 12,000 fr. C'est un
emploi nouveau.
Et pour le service technique, M. Girard avait
11,000 francs d'appointements, vous ajoutez
1,000 francs.
Je pensais cependant qu'assez de critiques
avaient été adressées au chef actuel du Labo-
ratoire pour ne pas lui mériter cet avance-
ment.
M. le préfet de police. — « Mais vous sa-
» vez bien que le chef actuel du Laboratoire
» doit partir prochainement. »
Tiens ! et le démenti qu'on a adressé au
X/Xe Siècle, il y a trois semaines ?
Et le préfet ajoute :
« Mais M. Girard ne partira qu'à cause de
» son avancement et pour une situation
meilleure. »
Et une seconde après :
« C'est une récompense qu'on donne à ce
fonctionnaire. »
Cette réponse va être relevée tout à
l'heure et de verte façon :
M. Deschamps. — Mais, bien plus, vous
augmentez — pour quelle raison ? -~ de 2,000
francs le sous-chef. Il y a encore autre chose,
Pour le service des bureaux, on crée un rouage
nouveau, un sous-chef au traitement de 5,000
francs. On n'a pas osé mettre encore là une
sorte de chef de division ; mais on crée une
place qui est sinon une sinécure, du moins
qui n'a pas une utilité très bien justifiée.
En résumé, la commission nous engage à
voter ses conclusions, attendu que leur adop-
tion entraîne le rattachement du service à la
préfecture de la Seine. Elle dit: Acceptez mes
conclusions et le rattachement sera fait.
Eh bien ! cette promesse est un leurre. Le
vote des conclusions de la commission n'aura
pour effet que d'augmenter de 102,000 franci
la dépense annuelle, et la préfecture de police
soyez-en sûrs, gardera dans son ressort le
Laboratoire municipal.
Nous en avons assez du caractère poli-
cier qu'a pris cette institution.
M. Sauton
Au tour de M. Sauton, maintenant :
M. Sauton. — Je viens combattre le projet
qui nous est soumis,et je le combats enm'em-
parant des paroles prononcées à notre séance
d'hier par notre collègue M. Lamouroux, pré-
sident de la commission du Laboratoire, qui
nous disait que le projet de la commission
avait pour effet de faciliter le rattachement à
la préfecture de la Seine de la partie scien-
tifique du service de contrôle des denrées
et boissons, c'est-à-dire le Laboratoire muni-
cipal.
En lisant le projet de délibération, je me suis
aperçu, en effet, que la commission proposait
tout le contraire de ce qui nous était an-
noncé.
On nous parle de rattachement à la préfec-
ture de la Seine du laboratoire scientifique
d'analyse, et le premier soin de la commission
est de le placer sous le même hef que le ser-
vice administratif de bureau et le service ex-
térieur de prélèvement.
Le commerce d'alimentation ne fuit
pas le contrôle ; il demande que le service soit
fait d'une façon impartiale et que le service
scientifique du Laboratoire perde son carac-
tère policier.
La commission propose de rembourser
les prélèvements quand les échantillons se-
ront reconnus bous.
C'est là une mesure excellente, mais qu'il
faut rendre pratique.
Je demande qu'il soit prélevé trois échan-
tillons, un qui reste chez le débitant, un autre
qui puisse être mis à la disposition du par-
quet, le troisième qui est @ analysé. C'est celui-
ci qui doit être remboursé.
Naturellement, M. Emile Richard, M. La-
mouroux, le préfet de police haussent les
épaules. Rembourser les échantillons!.
Et comme M. Sauton demande que, « pour
toute analyse dont le résultat communiqué
au parquet peut amener une condamna-
tion, l'analyse soit faite avec les seuls
procédés approuvés par une commission
technique", MM. Lamouroux et Brousse
protestent avec indignation.
Déclaration de M. Foussier
9f. Foussier. — Vous savez, messieurs, tout
le mal que le fonctionnement du Laboratoire,
établissement policier, a causé au commerce,
les tracasseries, les malheurs qui en ont été
la conséquence.
Je ne veux pas les augmenter et les étendre
à un plus-grand nombre de personnes, ce qui
ne manquerait pas de se produire si le ser-
vice relevait de la préfecture de police, au
lieu d'être ce que je pensais qu'il devait deve-
nir : un service scientifique, absolument dé-
gagé de toute préoccupation policière, et
auquel les "savants, les syndicats, les com-
munes, les particuliers pourraient avoir re-
cours.
Je me contenterai donc aujourd'hui devoter
seulement, et au préalable, lu principe du rat-
tachement à la préfecture de la Seine.
Discours de M. Donnat
Efin, M. Donnât, dans un discours très
net, vient donner le dernier coup aux con-
clusions de M. Paul Brousse.
Il rappelle quelles sont les pénalités qui
frappent depuis 1885 toutes les falsifica-
tions sans exception, même les plus insic.
gnifiantes :
-C'est le régime de l'arbitraire; c'est lasuba-
titution du bon plaisir administratif au règne
de la loi. Et c'est ce régime détestable que
consacrent les conclusions de la commission.
Elles le consacrent en l'aggravant ; car elle?
donnent à une institution mauvaise des or-
ganes plus compliqués et plus nombreux.
Chacun des services proposés aura, dit-
on, son autonomie. Oui, il aura et il vou-
dra justifier son existence.
-Jusqu'à présent, qu'a fait le Laboratoire? Il
n'a fait autre chose que d'appliquer la loi de
la façon la plus rigoureuse et la plus préju-»
diciable aux intéressés. Il a considéré le
mouillage comme un délit, qui a été pour-
suivi d'office, privant ainsi un grand nombre
de commerçants de leur considération, de leur
liberté, de leurs droits civiques pour une
altération sans danger au point de vue de la
santé publique.
Au lieu d'un laboratoire, vous en aurez trois.
Vous aurez trois groupes de fonctionnaires
intéressés à faire ce qua fait le fonctionnaire
actuel, c'est-à-dire à faire croire qu'ils sont
indispensables et qu'on ne saurait les trop
payer.
Dans le système de la commission, mes-
sieurs, le service des prélèvements pénètre
chez les commerçants. au lieu de se conten-
ter de prélever des échantillons des denrées
alimentaires, il examine tout, le carton des
boîtes, le papier des enveloppes, les capsules
des bouteilles, etc., et, arbitrairement, il
dresse des cou-traventions et poursuit des
commerçants non coupables, le plus souvent,
des faits qu'on leur reproche et trop peu chi-
mistes pour en comprendre la portée.
M. Després. — Que proposez-vous?
M. Léon Dounat. — Voici ce que je pro-
pose :
La Chambre est saisie depuis un certain
temps déjà d'un projet de loi dont l'objet de
définir clairement le délit de falsification. Eh
bien I attendez que le Parlement ait voté ce
projet de loi. Il sera une base solide pour l'or-
ganisation future du Laboratoire municipal.
J'arrive maintenant au projet de délibération
que la commission a divisé si habilement en
trois parties.
M. Deschamps. — Si habilement, en effet,
que nous n'avons pas encore compris pour-
quoi.
M. Léon Donnat. — La première partie est
relative à la réorganisation du Laboratoire ; la
seconde, à l'ouverture d'un crédit de 102,5001
francs, et la troisième, au rattachement à la
préfecture de la Seine.
Les deux premiers projets seront approuvés
par le ministre de l'intérieur; le troisième na~
le sera pas. ;
Le troisième ne le sera pas, quoi que vous-
vouliez faire, et M. le préfet de police, avec sa.
franchise habituelle, est venu vous le dire.
Dès lors, dans quelles conditions vous trou-
verez-vous? Vous serez réduits à deux tron-
çons sur trois.
Vous aurez réorganisé le Laboratoire et
vous en aurez obtenu les effets que je vous ai
dits, et vous aurez inscrit au budget une dé-
pense supplémentaire de 102,000 francs, qui
deviendra obligatoire, qui pourra être aug-
mentée , que vous ne pourrez diminuer ja-
mais.
Je demande au conseil de ne pas se laisser
entraîner dans cette voie, d'y voir clair en-
fin. A
Si la commission de contrôle n'a pas atteint
le but qu'elle poursuivait, il est facile de dis-
cerner celui qu'on a visé à lui faire attein-
dre.
Il ne s'agit plus aujourd'hui d'un labora-
toire d'analyse des denrées alimentaires : on
veut expérimenter jusqu'à des minéraux et
des engrais. En réalité, on veut encore impo-
ser à la Ville de Paris un de ces services pu-
blics si chers aux collectivistes et qui coûtent
si cher aux contribuables.
Et M. Donnat termine en demandant 14
renvoi de l'affaire à la commission.
Grâce au « XIXe Siècle »
M. Benon présente encore auelgues HK
flexions.
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