Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-04-12
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 12 avril 1890 12 avril 1890
Description : 1890/04/12 (A19,N6662). 1890/04/12 (A19,N6662).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. -- N .:
amQ Centimes Paris et Départements — CINQ Centimes
SAMEDI 12 AVRIL 1890
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
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PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A..-EDOUARD PORTALIS
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Eéwlntion prochaine an Portugal
us ÉLECTIONS MUNICIPALES
; iZSEXPULSIONS DE M. CRISPI
lilvssassinat de la rue des Couronnes
NOUVEAU DRAME A CLICHY
CONCENTRATION
RÉACTIONNAIRE
ILe gouvernement a fixé au 27 avril
la date des élections municipales. Nous
avions exprimé la crainte que cette
convocation très hâtive ne fût pas très
favorable aux intérêts du parti répu-
blicain, lequel s'était imaginé que le
scrutin ne s'ouvrirait guère avant la
fin de mai et qui a apporté dans la
préparation de la lutte une négligence
assurément regrettable, mais qu'il eût
peut-être mieux valu lui donner le
temps de réparer. Il nous semblait,
d'autre part, qu'il était intéressant de
donner aux partis d'opposition le temps
de s'expliquer entre eux, certains que
nous étions que, plus ils s'explique-
raient, moins ils s'entendraient, et
pensant que c'était le meilleur moyen
d'accroître les hésitations de ceux qui
éprouvaient quelque répugnance à
resserrer la coalition.
Depuis que nous exprimions ces
idées, rien ne s'est produit pour modi-
fier notre opinion. La préparation
électorale n'a guère avancé du côté
des républicains; mais nous pouvons
constater que, dans l'opposition, des
courants fort différents étaient en
train de s'établir. Le Petit Moniteur et
les monarchistes de la nuance de M.
Ferdinand Duval ne veulent à aucun
prix entendre parler d'alliance avec
le boulangisme. « Entre le conseil ac-
tuel et un conseil boulangiste, disent-
ils, nous n'hésitons pas : nous préfé-
rons mille fois le conseil actuel. »
Cette rude déclaration ne trouve
pas d'écho dans le Gaulois. S'il semble
avoir perdu quelque peu de son an-
cien enthousiasme pour la politique
de l'action parallèle, il cherche sim-
plement à allécher les conservateurs
par un programme « simple, pas abs-
trait du tout, pas compliqué", et il
propose celui-ci : « Les sœurs, et pas
de traitement. » Déjà, le Parti natio-
nal avait formulé le sien : « Le préfet
à l'Hôtel de Ville, et pas de traite-
ment », programme que la Gazette de
France avait traité de simple niaise-
rie. M. Hervé, dans le Soleil, cherche
ce que doivent faire les électeurs con-
servateurs dans les quartiers de Paris
où le comité conservateur ne présen-
tera pas de candidat, et il répond
ainsi : « Conservateurs, là où vous
n'aurez pas un candidat à vous, un
candidat représentant toutes vos opi-
nions, cherchez du moins, parmi les
candidats, celui qui, publiquement,
dans sa circulaire électorale, se pré-
sentera en faveur de la réintégration
des sœurs dans les hospices et les hô-
pitaux. »
L'Union libérale, qui va chercher
ses candidats à la Faculté catholique
de droit, n'a pas de raisons pour re-
jeter cette condition; mais, pas plus
que le comité conservateur, elle ne
-présente partout des candidats. Elle
en présente là où elle estime qu'ils ont
,quelque chance de succès, c'est-à-dire
à peu près dans les mêmes quartiers
que le comité conservateur. Mais, dans
les quartiers où aucun candidat ne de-
mandera le rétablissement des sœurs,
que devront faire les électeurs réac-
tionnaires auxquels s'adressent M.
Cornély et M. Hervé? Il serait d'au-
tant plus intéressant de le savoir, que
C'est dans ces quartiers-là que la lutte
se précisera entre républicains radi-
caux et boulangistes-blanquistes. Le
parti de M. Ferdinand Duval serait
,vite pris : il voterait pour le républi-
cain autonomiste. Il est vraisemblable
que M. Cornély et M. Hervé ne vou-
draient pas prendre la même déter-
mination; mais conseillent-ils à leurs
amis de s'abstenir ou ne se rési-
gnent-ils pas, — oh ! la mort dans
l'âme, assurément 1 — à leur prescrire
4e voter pour le boulangiste?
Au moins, M. de Cassagnac n'a pas
de ces scrupules. Il est en accord
complet avec M. Cornély et avec M.
Herve; il veut, comme eux, le rétablis-
sement des sœurs ; il n'a pas de plus
cher désir que de « chasser la bande
de malandrins qui siège à l'Hôtel de
Ville, qui a laïcisé les écoles, laïcisé
les hôpitaux, ruiné la ville et volé l'ar-
gent des contribuables ». Il promet
son appui aux candidats conserva-
teurs «partout où il y en aura,,' mais,
proclamant lui-même gue les parti
réactionnaires ne sont pas assez forts
pour s'emparer de la majorité du con-
seil municipal, il ajoute que, « au se-
cond tour, le devoir s'imposera à tous
de favoriser celui des opposants qui
aura le plus de voix, fût-il le candidat
de Rochefort ou de Boulanger". Ce
n'est pas, dit-il encore, « l'alliance
avec les boulangistes que nous propo-
sons : c'est la concentration ».
Cette tactique n'est pas nouvelle.
M. Cocliinenafait la triste expérience
aux élections législatives, quand les
conservateurs royalistes et cléricaux
dufaubourg Saint-Germain l'ont aban-
donné pour M. Mermeix, et nous n'a-
vons guère d'illusions sur la conduite
des mêmes réactionnaires au prochain
scrutin. Ils lâcheront M. Ferdinand
Duval pour le candidat « investi" de
Jersey. Ils voteront pour les blan-
quistes, en se disant, comme M. de
Cassagnac, que « qui veut la fin veut
les moyens » et que la fin étant d'in-
fliger « une défaite au gouverne-
ment », il faut « renverser le conseil
municipal actuel à tout prix et avec
n'importe qui Il.
Le parti républicain n'a pas un ins-
tant à perdre s'il veut empêcher cette
opération de réussir, s'il veut empê-
cher l'administration parisienne de
tomber entre les mains des cléricaux
et des boulangistes, s'il veut épargner
à Paris l'humiliation de faire l'expé-
rience du régime que la coalition rê-
vait, il y a quelques mois, d'imposer
à la France. C'est le moment d'avoir
de l'énergie et de la décision. Prou-
vons tous que ces qualités ne nous
sont pas étrangères.
Le « XIX" Siècle » publiera demain la
a Chronique » par M. Francisque Sarcey.
EXPULSION DE ROME
DU
CORRESPONDANT DE L'AGENCE
HAVAS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIBR)
Rome, 10 avril.
Notre confrère M. Lavalette, correspon-
dant de l'agence Havas à Rome, vient de
recevoir l'ordre de. quitter le territoire ita-
lien.
L'arrêté d'expulsion est signe de M.
Crispi.
M. Lavalette a dû quitter Rome sur-le-
champ, aucun sursis ne lui ayant été ac-
cordé.
UN JOURNALISTE ALLEMAND
EXPULSE PAR M. CRISPI
Manque d'enthousiasme pour la triple
alliance.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 10 avril.
M. Grünewald, correspondant du journal
allemand indépendant la Gazette de Franc-
fort, a reçu ce matin communication d'une
ordonnance ministérielle signée Crispi, qui
l'expulse du territoire italien en vertu de
la loi du 30 juin 1889 sur la sûreté pu-
blique.
L'expulsion devait être immédiate et
M. Grünewal devait être conduit par la po-
lice à la frontière. Mais, comme il a de la
famille il a obtenu un sursis de quarante-
huit heures pour quitter Rouen.
M. Grunewald, dans ses correspondances,
bien modérées de ton, n'avait pas caché la
vérité sur la crise économique qui désole
l'Italie. Aussi, le prétexte imaginé contre
lui était l'accusation d'avoir envoyé des
nouvelles financières inexactes. Depuis long-
temps, M. Crispi désirait se débarrasser de
ce correspondant.
La semaine dernière, il avait fait faire, à
Berlin, des plaintes par l'ambassadeur ita-
lien, M. de Launay, au sujet des tendances
hostiles de la Gazette de Francfort à l'égard
de sa politique, et le président de police de
Francfort avait été, en conséquence, chargé
de faire des observations à cet égard au
journal en question.
AU CAMP BOULANGISTE
Réunion du comité. — Candidats pour
le huitième arrondissement. — In-
demnité aux investis.
Le comité boulangiste s'est réuni hier en
son local du faubourg Montmartre.
Les débuts de la séance ont été fort ora-
geux.
M. de Susini a interpellé assez vivement
ses collègues, en raison de la situation qui
lui est faite dans le quartier Clignancourt.
— Comme Lunel et Rabuel, s'est-il écrié
avec son accent corse, ne veulent pas se
retirer, je ne désire pas marcher de nou-
veau à un nouvel échec.
On a tenté de calmer l'ancien candidat
de Toulouse qui, finalement, a déclaré que,
malgré son investiture, il se retirerait de
la lutte si MM. Lunel et Rabuel restaient
candidats.
Après cet incident, on s'est occupé de
l'organisation définitive. On a décidé d'al-
louer à chacun des candidats investis la
somme de deux mille francs pour couvrir
les frais de son élection.
On a complété aussi la liste définitive,qui
sera connue très prochainement.
Voici quels sont maintenant les candi-
dats pour le huitième arrondissement :
Quartier des Champs-Elysées. — M. Du-
four, primitivement candidat investi ex
sequo avec M. Cahu pour le quartier des
Batignolles.
Quartier de la Madeleine. — M. Ma-
zeille.
Quartier de l'Europe. — M. Cruchon, ré-
dacteur au Réveil de Granville, dont nous
avions déjà annoncé l'investiture.
Nous devons ajouter que tout candidat
investi qui recevra de l'argent du comité
boulangiste sera mis dans l'obligation de
signer une déclaration aux termes de la-
quelle il reconnaîtra comme chef le général
Boulanger et déclarera suivre sa politique,
,.. -:
.,
REVOLUTION IMMINENTE
LES RÉPUBLICAINS EN PORTUGAL
Les décrets du gouvernement. — La
suppression des libertés. — Etablis-
sement de la censure. — Protes-
tation des journaux répu-
blicains. — La fin d'un
règne.
Il nous arrive de Portugal des nouvelles
singulièrement graves et qui, dès à pré-
sent, permettent de considérer la révolu-
tion comme imminente en ce pays.
Il y a une dizaine de jours, le gouverne-
ment conservateur de M. de Serpa Pimentel
obtenait aux élections une majorité suivant
son cœur. Mais, pour quiconque est au cou-
rant des mœurs électorales en Portugal, un
tel résultat ne prouve aucunement que la
majorité du pays soit conservatrice ; nulle
part, en effet,autant qu'en Portugal le régi-
me de la candidature officielle n'est établi.
Il s'ensuit naturellement que toute élection
est à la pure discrétion du gouvernement
existant. A Lisbonne seulement, le collège
électoral est réellement indépendant, et il a
nommé des républicains.
Aussi cette élection de quelques députés
hostiles au régime monarchique,la chose est
certaine, a fortement ému le gouvernement
qui, se sentant menacé, cherche actuelle-
ment à se défendre. Dans ce but, on vient
comme nous l'avons dit dans nos dépêches,
d'édicter une série de décrets qui frisent
de près le coup d'Etat et qui, au surplus,
rappellent, dans une grande mesure, les
trop fameuses ordonnances du 25 juillet
1830 que le ministre Polign ac fit signer à
Charles X.
Le gouvernement portugais est dès main-
tenant entré dans une voie de réaction
absolue et qui ne peut manquer de soule-
ver violemment contre lui la majorité de
la population.
Les journaux républicains de Lisbonne
qui nous sont parvenus hier sont unanimes
à protester contre les mesures prises contre
la liberté, et, ils le font avec une véhémence
extrême qui va fatalement, en entraînant
le gouvernement dans la voie de la répres-
sion, exciter au plus haut point l'opinion
publique.
Manifeste du journal « Os Debates »
Le journal Os Debates, l'un des princi-
paux orgnanes républicains du Portugal,
publie en tête de ses colonnes le manifeste
suivant :
Aujourd'hui, le roi dom Carlos et son gou-
vernement ont étranglé la liberté, en s'imagi-
nant, comme Charles X et ses ministres, qu'ils
allaient ainsi sauver la monarchie.
Ils ont supprimé la liberté de la presse, sans
penser qu'en bâillonnant le journalisme, ils
allaient déchaîner l'imprimerie clandestine.
Ils ont supprimé le droit de réunion et d'as-
sociation, sans voir qu'ils allaient du même
coup faire éclore toute une floraison de socié-
tés secrètes.
Ils ont, au nom de la haine et des intérêts
de la couronne, biffé les lois les plus libérales
de ce pays, sans souci de cet enseignement de
l'histoire, que, toujours, la suppression de la
liberté est le prologue des révolutions san-
glantes et terribles, au cours desquelles les op-
primés se vengent par le fer et par le feu de
l'oppression qu'ils ont subie.
Le parti républicain, le parti libéral a été
mis ainsi hors la loi.
De la grande route de la propagan de où il
cheminait tranquillement, au mieux des inté-
rêts de la patrie, le roi et le gouvernement
l'ont précipité dans les sentiers ténébreux de
la conspiration.
Le devoir de tous les libéraux est de relever
ce défi imprudent et impudent. Sans liberté,
par d'ordre, pas de garanties pour les inté-
rêts de la patrie et des citoyens.
CONSPIRONS DONC POUR LA PATRIE ET POUR
LA LIBERTÉ.
Appel aux citoyens portugais
Et le même journal, à la suite d'un long
article ironiquement intitulé : « Vive le roi
et vive l'Angleterre ! » adresse à ses lec-
teurs, c'est-à-dire à tous les républicains
du royaume, ce court appel :
QU'ON Y SONGE I
Les ordonnances d'aujourd'hui sont signées
par les individus dont les noms suivent :
Dom Carlos de Bragance (le roi).
Antonio de Serpa Pimentel.
Lopo Vaz de Sampaïo e Mello.
Joao-Ferreira-Franco-Pinto-Costello Branco.
Joao-Marcellino Arroyo.
Ernesto-Rodolfo Hintze Ribeiro.
Frédérico-Gusmao Correa Arouca.
N'oublions pas ces sept patriotes. Ils sont
dignes de la reconnaissance de la patrie.
Au peuple de trouver le moyen de leur té-
moigner convenablement cette reconnais-
sance.
Il n'y a pas, du reste, que Os Debates qui
protestent vigoureusement. A Patria ,
0 Seculo s'élèvent aussi avec une grande
énergie contre les décrets, et le journal
El Dia, de Lisbonne, déclare qu'ils consti-
tuent une violation de la Constitution.
Les dispositions des décrets
Voici, au surplus, quelles sont les princi-
pales dispositions des nouvelles ordon-
nances, et, notamment, celles qui excitent
si vivement l'opinion.
Le premier de ces décrets décide l'orga-
nisation d'un ministère spécial de l'ins-
truction publique.
C'est certainement la partie la plus heu-
reuse des mesures prises par le gouverne-
ment, et encore, les considérants qui l'ac-
compagnent sont-ils blessants pour le
peuple portugais, à qui l'on reproche amè-
rement, dans l'exposé des motifs, son état
d'ignorance.
Les mesures attentatoires aux libertés
sont nombreuses. Tout d'abord, le droit de
libre réunion et d'association est supprimé
et aucune et réunion publique ou procession
civile" ne pourra avoir lieu sans une au-
torisation préalable de l'autorité, qui se
réserve en outre la faculté, sous peine
d'une amende pouvant s'élever à cent mil-
reis, d'obliger tous les promoteurs de
réunions publiques à s'engager par écrit à
maintenir l'ordre et à garantir qu'aucun
discours séditieux ne sera prononcé.
Toute réunion publique peut-être inter-
dite ou dissoute par l'autorité, et elle le
sera toujours, quand les idées qui devront
y être ou y seront exposées ne seront pas
favorables au régime monarchique.
La liberté de la presse
La liberté du théâtre est supprimée, et
une censure théâtrale est organisée.
La liberté de la presse est réduite à rien,
et, sur ce dernier chapitre, les dispositions
poussent la rigueur au point que l'impri-
meur d'un journal est tenu, sous peine
d'être considéré comme complice, de faire
connaître à l'autorité l'auteur anonyme de
toute publication incriminée.
Toute phrase allusive ou équivoque, toute
allégorie de personnes, ou de lieux, ou de
faits historiques, et en géaéral toute for-
mule « artificieuse » ayant pour objet de
critiquer les institutions, fera encourir à
son auteur une responsabilité juridique
qui se traduira par une amende variant de
cent à cinq cents milreis.
Inutile d'ajouter que les journaux sont
tous menacés d'être purement et simple-
ment supprimés s'ils contreviennent aux
prescriptions, et cela indépendamment des
amendes et même des peines corporelles
qui pourront être infligées à leurs rédac-
teurs.
L'attitude des partis
C'est, comme l'on voit, le régime de l'état
de siège qui est officiellement inauguré en
Portugal.
Combien de temps sera-t-il supporté ? Il
ne faut pas oublier, en effet, que ce ne sont
pas les seuls journaux républicains ou pro-
gressistes qui protestent contre lui.
Certaine fraction du parti conservateur,
ayant à sa tête M. Thomas Ribeiro, l'ancien
directeur politique de l'Impartial, s'élève
également contre les décrets, et même l'Im-
parcial, sur le conseil de M. Ribeiro, a sup-
primé sa publication, estimant qu'un jour-
nal ne peut actuellement paraître en Por-
tugal, alors qu'aucune garantie, de quel-
que nature qu'elle soit, ne lui est as-
surée.
L'irritation est donc générale, et elle est
d'autant plus redoutable pour le gouver-
nement du roi dom Carlos que son pouvoir
est actuellement plus affaibli.
L'ultimatum brutal que la Grande-Bre-
tagne posait, le 11 janvier dernier, au gou-
vernement portugais aura peut-être eu ce
résultat inattendu de concourir fortement
au renversement de la monarchie en ce
pays.
En tous cas, en abaissant l'autorité royale,
il aura été le plus direct agent des mesures
qui viennent d'être prises, mesures qui, il est
permis de le prévoir, pourront bien avant
peu avoir pour conséquence l'expulsion de
l'héritier des Bragance du trône de Portu-
gal.
LA DATE DES ELECTIONS
MUNICIPALES
Date officielle. — Les précédents con-
seils et les précédentes élections.
Le conseil des ministres a fixé hier au
27 avril, dans seize jours, la date des élec-
tions pour le renouvellement du conseil
municipal de Paris et pour le renouvelle-
ment du conseil général de la Seine.
Les ballottages auront lieu le h mai.
L'arrêté préfectoral convoquant les élec-
teurs de Paris sera publié par le Bulletin
municipal.
Le décret convoquant pour la même date
les électeurs des cantons de Sceaux et
Saint-Denis à l'effet d'élire leurs représen-
tants au conseil général de la Seine sera
publié par le Jo t-nal officiel.
Petites statistiques
Il nous paraît intéressant, à ce propos,de
rappeler ce qu'ont été les divers conseils
municipaux de Paris depuis une dizaine
d'années.
Après les élections des 9 et 16 janvier
1881, le conseil municipal de Paris compre-
nait 36 républicains radicaux ou autono-
mistes, 36 républicains anti-autonomistes
et 8 réactionnaires.
Après les élections du h et 11 mai 188A, le
conseil comprenait 37 républicains auto-
nomistes, 33 républicains anti-autonomis-
tes et 10 réactionnaires.
Après les élections des 8 et 15 mai 1887,
le conseil comprenait 145 autonomistes, 13
anti-autonomistes, 9 révolutionnaires pos-
sibilistes et collectivistes, 2 révolution-
naires blanquistes et Il réactionnaires.
En 1881, sur 3911,915 électeurs inscrits,
60,303 prenaient part au scrutin.
Les autonomistes obtenaient 85,121 voix ;
les non-républicains,80,9911 ; les républicains
indépendants, 21,357 ; les monarchistes,
145,186; les révolutionnaires et anarchistes,
17,895.
En 188A, sur A18,519 électeurs inscrits,
303,039 prenaient part au scrutin.
Les autonomistes obtenaient 113,507 voix;
les républicains, 7.14,956; les indépendants,
26,621 ; les monarchistes, 3.14,80; les possi-
bilistes, révolutionnaires et anarchistes,
31,781.
En 1887, sur khh,96Q électeurs inscrits,
306,989 prenaient part au scrutin.
Les autonomistes obtenaient 11A,283 voix;
les républicains anti-autonomistes, 63,7.140;
les monarchistes, 145,7; les révolutionnai-
res de toutes les écoles 51,322 voix. Divers
ou nuls, 32,357. Il y eut 137,977 absten-
tions. -
Le boulangisme
Depuis, un élément nouveau est sur-
venu : le boulangisme.
Au scrutin du 27 janvier 1888, le général
Boulanger obtenait (à Paris seulement)
185,715 voix; M. Jacques, 132,858; M. Boulé,
15,739.
Aux scrutins des 22 septembre et 6 octo-
bre, les républicains obtenaient dans la
Seine 232,000 voix, et les boulangistes et
réactionnaires 236,000.
LA
POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L'ITALIE
L'escadre italienne à Toulon. — Rupture
éventuelle avec la triple alliance.
— L'opinion de M. Tirard.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 10 avril.
On commente beaucoup la note officieuse
de la Riforma, disant que l'envoi d'une di-
vision de l'escadre italienne permanente,
sous les ordres du contre-amiral comte Lo-
vera di Maria, pour saluer le président de
la République française à Toulon, est un
simple acte de courtoisie qui ne comporte
aucune modification de la politique exté-
rieure de l'Italie.
M. Magliani, dans son discours au ban-
quet dé Naples, qui sera comme le pro-
gramme du futur cabinet, déclarera que
l'Italie devra s'abstenir de renouveler ses
engagements avec la triple alliance, qui
expirent en 1892 et qui ne correspondent
plus aux circonstances nouvelles.
Dans un entretien avec M. Ellena, ancien
ministre, qui a été délégué de l'Italie à la
conférence ouvrière de Berlin, M. Tirard a
vivement critiqué les protectionnistes fran-
çais; il a dit que leur intransigeance, leurs
exagérations, amèneront prochainement une
salutaire réaction, qui permettra d'asseoir
la liberté commerciale sur de solides ba-
ses.
LA VIE DE PARIS
Le terrible incendie qui a éclaté hier
dans le haut du faubourg Saint-Honoré
a vivement impressionné la population.
Du boulevard même on apercevait la
lueur rouge des flammes, et comme tou-
jours, si grand que fût le désastre, on
l'exagérait On disait, par exemple, que
l'hôpital Beaujon brûlait et, plus loin,
on pensait que c'était le ministère de
l'Intérieur. Tel qu'il est, cet incendie est
assez considérable pour expliquer l'émoi
des Parisiens. Et il donne l'occasion de
faire des réflexions, toujours les mê-
mes, monotones redites qu'il faut ce-
pendant formuler une fois de plus, car
l'intérêt est grand d'organiser la défense
contre un tel fléau. On a donc remar-
qué, une fois encore, que les pompiers
étaient arrivés tard. Nos pompiers sont
un corps admirable, un corps d'élite,
formé d'hommes très adroits, bien entraî-
nés et, par-dessus tout, très courageux.
Il n'est pas un officier de pompiers qui
ne dise que, dans les sinistres, il n'a pas
à encourager les hommes au travail,
mais bien à les défendre contre les en-
traînements de leur courage. On a toutes
les peines du monde à les empêcher de
rester dans les endroits très dangereux et
de tenter d'inutiles exploits. Mais, en
même temps, on constate parfois que les
secours arrivent tard malgré les avertis-
seurs électriques, malgré la rapidité avec
laquelle on attelle les pompes, qui même,
dans certains postes, sont toutes prêtes à
marcher. Ce qui manque à la machine,
c'est la rapidité de la mise en train. Dans
l'incendie d'hier, entre le moment où le
feu a été signalé et celui où les pompes
sont arrivées,il s'est passé une demi-heure,
ce qui est trop. On pense quels ravages le
feu peut faire pendant cet espace de temps
relativement considérable.
Il arrive quelquefois, paraît-il, que les
avertisseurs marchent mal.En tout cas,les
prises d'eau sont insuffisantes, ou igno-
rées des habitants même du quartier et
des sergents de ville qui y sont de ser-
vice. Il y a, dans la première minute, un
certain désarroi qui est une grosse et fa-
tale perte de temps. C'est à cela qu'il
faudrait remédier. Il me semble que ce
serait une assez bonne mesure que celle
qui consisterait à remettre chez tous
les concierges d'un quartier, chez les
principaux boutiquiers aussi, une courte
instruction préfectorale indiquant l'em-
placement et la façon de se servir des
avertisseurs, marquant la place des pri-
ses d'eaux. Les sergents de ville devraient
aussi avoir une instruction de ce genre. Il
ne serait pas mal qu'on leur fît exécuter
une sorte de répétition de ce qu'ils ont à
faire quand le feu éclate. De la sorte, on
ne perdrait pas une seule de ces minutes
si précieuses en pareille circonstance.
Et puis, — et ici les instructions pré-
fectorales ne sont de rien, et c'est le con-
seil qu'il faut écouter, — il faudrait ar-
river à calmer cette impressionnabilité de
nos esprits, qui fait qu'une foule fran-
çaise devient si aisément une foule affolée.
Il paraît que cet affolement a été extraordi-
naire dans l'incendie ct'hier.Tout le monde
sortait des maisons et des magasins, en-
combrait la rue, allait se planter devant
le lieu du sinistre, chacun donnant son
mot, racontant au besoin des histoires ;
et cette foule, quelque bonne volonté
dont elle fût pleine, ne faisait que nuire
à l'organisation des secours. Les mal-
heureux agents, tiraillés par chacun, ne
savaient à qui entendre et finissaient par
partager l'affolement de la population
qu'ils voulaient calmer. La légende de la
femme changée en statue de sel pour
avoir regardé derrière elle Sodôme et Go-
morrhe qui brûlaient n'est pas une vaine
légende, dont nous ne puissions profiter.
La curiosité des Parisiens est un grand
danger. Ils ne peuvent quitter un édifice
qui brûle sans s'arrêter pour regarder,afin
de faire la place nette à ceux qui mar-
cnent après eux. Et si, en se retournant,
ils ne sont pas exposés à être changés en
statues, du moins ils causent un encom-
brement d'où viennent les plus grands
désastres, les plus terribles accidents de
personnes. J'ai eu la triste bonne fortune
d'assister de très près à l'incendie de
l'Opéra-Comique, à ce grand malheur
dont on n'a pas encore effacé les traces,
puisqu'on ne s'est pas résolu encore soit
à rebâtir l'Opéra-Comique, soit à le rem-
placer. Ep bien ! la moitié du mal aurait
été épargnée si les fuyards, 'arrivés à la
porte, ne s'étaient pas arrêtés, formant
un oDstacle à la sortie de la foule. Et ces
groupes, commencés aux portes mêmes,
s'étendaient et s'épaississaient dans la
rue, où les pompiers ne se sont frayé
d'abord un passage qu'avec toutes sortes
de difficultés. Sans compter qu'il y avait
là, comme partout, ces éternels amateurs
qui se plaignent amèrement quand on
les empêche de voir, ne se rendant pas
compte qu'en cas pareil les spectateurs
gênent singulièrement ceux qui ont à
travailler.
Après l'incendie de l'Opéra-Comique,
ce fut, pendant quelque temps, un zèle
admirable à chercher des remedes contre
le feu. On imposa aux directeurs de
théâtre toutes sortes de précautions, dont
quelques-unes étaient des précautions
de luxe, si ce n'est complètement inutiles.
On étudia je ne sais combien de systèmes
d'extincteurs. Je me souviens que, dans
un seul mois, je fus convié à assister à
trois ou quatre expériences d'extinction
du feu par des cartouches qui, jetées
dans le foyer de l'incendie et répandant
une fumée épaisse, éteignaient les flam-
mes. Après tant d'efforts ingénieux, il
semblait qu'un grand incendie ne pût
plus éclater à Paris. Et voilà que nous
voyons tout le contraire.
Si le vent, hier, eût été plus fort, si
nous avions cu, d'aventure, un de ces
jolis ouragans, comme celui de Marseille
qui vient d'enlever des omnibus et de
renverser un théâtre, un quartier entier
pouvait devenir la proie des flammes. Il
faut songer à ceci. Il en est des incendies
comme des émeutes. Ce n'est presque ja-
mais rien à l'origine. Mais si on laisse
grandir le feu d'appartement ou le
petit tumulte de la rue, on a l'incendie
ou le désordre qui réclament les grands
moyens. Car, une fois que les pompes
sont en jeu, pour ne parler que de l'in-
cendie, l'eau qu'elles jettent abîme les
appartements qu'on protège. Il faut ar-
river à faire la part du feu, comme on
dit. Et c'est une dure extrémité, qui laisse
derrière elle bien des ruines et des
deuils.
Henry Fouquier.
L'ÉCHEC
DE L'EMPRUNT PORTUGAIS
Baisse à la Bourse. — Fausses promes.
ses. - Les sociétés se retirent.
L'opinion que nous émettions hier sur la
valeur du crédit du gouvernement du Por-
tugal parait avoir été partagée par le
monde de la Bourse.
L'annonce de l'emprunt Ephrussi a été
saluée par une forte baisse sur les fonds
portugais.
Le 3 0/0 portugais ancien a perdu 1 fr. 25.
11 est resté à 63 fr. 50.
Or, la parité du cours d'émission des nou-
velles obligations h 0/0 avec le 3 0/0 don-
nerait à ce dernier le taux de 65 fr., c'est
dire que le 3 0/0, au cours actuel, est de
1 fr. 50 meilleur marché, par 100 fr., que
l'obligation nouvelle, trop chère par con-
séquent de 6 fr. 50.
Dans ces conditions, les capitalistes qui
tiendraient absolument à placer leur ar-
gent en fonds portugais feraient mieux
d'acheter du 3 0/0 ancien que d'acheter des
obligations Ephrussi.
Promesses menteuses
D'autant mieux que les promesses faites
par le prospectus d'émission sont entière-
ment illusoires.
On lit à ce propos dans le Petit Jour-
nal :
On annonce un nouvel emprunt du gouver-
nement portugais, qui doit etre émis aux gui-
chets des grandes institutions de crédit.
Le prospectus porte que les formalités se-
ront remplies pour l'admission à la cote offi-
cielle.
Cette assertion a lieu de nous surprendre.
Les sociétés qui prêtent leurs guichets à cette
nouvelle émission ne peuvent, en effet, igno-
rer que le ministère des affaires étrangères a
pris l'engagement de ne plus laisser coter à
l'avenir aucun emprunt portugais, tant que le
Portugal n'aura pas donné à ses créanciers
français la satisfaction qu'ils réclament de*
puis longtemps.
Nous savons même que le nouveau ministre,
M. Ribot, a exprimé, pas plus tard que ce ma-
tin, son grand étonnement à l'annonce de la
nouvelle émission qui se prépare et de la
promesse de demander la cote figurant au
prospectus.
Les sociétés de crédit
L'échec de cette audacieuse opération pa*
raît d'ailleurs dès maintenant certain.
On assure, en etlet, que les établissements
de crédit qui avaient promis d'ouvrir leurs
guichets à l'émission des 126,300 obliga-
tions nouvelles portugaises qui doivent être
émises le 15 courant retirent leur patronage
à M. Ephrussi.
C'est par là qu'ils auraient dû com..
mencer.
M. MICHEL EPHRUSSI -
Le spéculateur et l'accapareur
M. Michel Ephrussi n'est pas seulement
un banquier qui se charge, moyennant
une honnête commission de 52 francs par
titre, de placer des obligations du gouver-
nement portugais : c'est encore un de nos
gros spéculateurs de Bourse, opérant sur
des chiffres énormes à la hausse ou à la
baisse, sans se préoccuper des coups qu'il
porte le plus souvent à la petite épargne,
victime de ces opérations de Bourse dont
elle n'a pas le secret.
On peut voir M. Michel Ephrussi, de midi
à trois heures, sous la colonnade, les mains
dans ses poches, promenant son regard sur
la foule des courtiers qui l'entourent et
l'encensent comme un dieu dont on attend,
les faveurs ou l'aumône. Un homme qui
gagne six millions en apposant sa signature
sur un contrat passé avec le gouvernement
portugais, comme nous l'avons dit hier, est
digne de ces hommages.
Mais ce serait mal connaître M. Ephrussi
que de croire qu'il borne là ses affaires.
Celles-ci s'étendent dans tous les grands
ports de mer, Marseille et le Havre, Odessa
et San-Francisco ; partout où une spécula-
tion sur les grains est engagée, à Rouen
comme à La Rochelle, existent des agences
de cette maison Ephrussi qui, bien humble
à ses débuts, en 185A, a eu pour berceau
les rives de la mer Noire.
M. Ephrussi est le plus grand accapareur
de blés qui soit dans le monde entier. Il sait
à point tenir ses entrepôts fermés ou faire
entrer vingt navires dans le port de Mar-
seille, suivant que le pain renchérit ou que
le prix s'abaisse. Né à Odessa, personne
mieux que lui ne connaît ce commerce des
blés dont, au siècle passé, on condamnait
sans phrases les accapareurs. Aujourd'hui
on les subit.
Cette spéculation effrénée sur les blés
ne s'effectue pas sans causer parfois de
gros ennuis. On se rappelle qu'il a été fort
question, il y a quelques années, de pour-
suites judiciaires à ce propos. Mais tout
s'oublie, comme s'oubliera le prix d'émis-
sion des obligations portugaises offertes au
public à A36 francs, quand elles tomberont
à 200 francs au premier souffle de la révo-
lution portugaise.
UNE LOI CONTRE LES
ACCAPAREMENTS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
New-York, 10 avril.
Le Sénat de Washington vient d'adopter
un projet de loi du sénateur Sherman contre
les syndicats d'accaparement, qui se sont mul-
tiplies, dans ces dernières années, dans toutes
les branches de l'industrie et du commerce.
Ce projet de loi frappe d'illégalité toutes
les associations de ce genre et les contrats
qui lient leurs membres et règlent leurs opé-
rations. Il ne donne cependant pas satisfao-
tion aux adversaires de ce système de syndic
cats, qui trouvent que ses dispositions sont
trop faciles 4 éluder.
amQ Centimes Paris et Départements — CINQ Centimes
SAMEDI 12 AVRIL 1890
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
L14 a, Rue Montmartre
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A..-EDOUARD PORTALIS
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Eéwlntion prochaine an Portugal
us ÉLECTIONS MUNICIPALES
; iZSEXPULSIONS DE M. CRISPI
lilvssassinat de la rue des Couronnes
NOUVEAU DRAME A CLICHY
CONCENTRATION
RÉACTIONNAIRE
ILe gouvernement a fixé au 27 avril
la date des élections municipales. Nous
avions exprimé la crainte que cette
convocation très hâtive ne fût pas très
favorable aux intérêts du parti répu-
blicain, lequel s'était imaginé que le
scrutin ne s'ouvrirait guère avant la
fin de mai et qui a apporté dans la
préparation de la lutte une négligence
assurément regrettable, mais qu'il eût
peut-être mieux valu lui donner le
temps de réparer. Il nous semblait,
d'autre part, qu'il était intéressant de
donner aux partis d'opposition le temps
de s'expliquer entre eux, certains que
nous étions que, plus ils s'explique-
raient, moins ils s'entendraient, et
pensant que c'était le meilleur moyen
d'accroître les hésitations de ceux qui
éprouvaient quelque répugnance à
resserrer la coalition.
Depuis que nous exprimions ces
idées, rien ne s'est produit pour modi-
fier notre opinion. La préparation
électorale n'a guère avancé du côté
des républicains; mais nous pouvons
constater que, dans l'opposition, des
courants fort différents étaient en
train de s'établir. Le Petit Moniteur et
les monarchistes de la nuance de M.
Ferdinand Duval ne veulent à aucun
prix entendre parler d'alliance avec
le boulangisme. « Entre le conseil ac-
tuel et un conseil boulangiste, disent-
ils, nous n'hésitons pas : nous préfé-
rons mille fois le conseil actuel. »
Cette rude déclaration ne trouve
pas d'écho dans le Gaulois. S'il semble
avoir perdu quelque peu de son an-
cien enthousiasme pour la politique
de l'action parallèle, il cherche sim-
plement à allécher les conservateurs
par un programme « simple, pas abs-
trait du tout, pas compliqué", et il
propose celui-ci : « Les sœurs, et pas
de traitement. » Déjà, le Parti natio-
nal avait formulé le sien : « Le préfet
à l'Hôtel de Ville, et pas de traite-
ment », programme que la Gazette de
France avait traité de simple niaise-
rie. M. Hervé, dans le Soleil, cherche
ce que doivent faire les électeurs con-
servateurs dans les quartiers de Paris
où le comité conservateur ne présen-
tera pas de candidat, et il répond
ainsi : « Conservateurs, là où vous
n'aurez pas un candidat à vous, un
candidat représentant toutes vos opi-
nions, cherchez du moins, parmi les
candidats, celui qui, publiquement,
dans sa circulaire électorale, se pré-
sentera en faveur de la réintégration
des sœurs dans les hospices et les hô-
pitaux. »
L'Union libérale, qui va chercher
ses candidats à la Faculté catholique
de droit, n'a pas de raisons pour re-
jeter cette condition; mais, pas plus
que le comité conservateur, elle ne
-présente partout des candidats. Elle
en présente là où elle estime qu'ils ont
,quelque chance de succès, c'est-à-dire
à peu près dans les mêmes quartiers
que le comité conservateur. Mais, dans
les quartiers où aucun candidat ne de-
mandera le rétablissement des sœurs,
que devront faire les électeurs réac-
tionnaires auxquels s'adressent M.
Cornély et M. Hervé? Il serait d'au-
tant plus intéressant de le savoir, que
C'est dans ces quartiers-là que la lutte
se précisera entre républicains radi-
caux et boulangistes-blanquistes. Le
parti de M. Ferdinand Duval serait
,vite pris : il voterait pour le républi-
cain autonomiste. Il est vraisemblable
que M. Cornély et M. Hervé ne vou-
draient pas prendre la même déter-
mination; mais conseillent-ils à leurs
amis de s'abstenir ou ne se rési-
gnent-ils pas, — oh ! la mort dans
l'âme, assurément 1 — à leur prescrire
4e voter pour le boulangiste?
Au moins, M. de Cassagnac n'a pas
de ces scrupules. Il est en accord
complet avec M. Cornély et avec M.
Herve; il veut, comme eux, le rétablis-
sement des sœurs ; il n'a pas de plus
cher désir que de « chasser la bande
de malandrins qui siège à l'Hôtel de
Ville, qui a laïcisé les écoles, laïcisé
les hôpitaux, ruiné la ville et volé l'ar-
gent des contribuables ». Il promet
son appui aux candidats conserva-
teurs «partout où il y en aura,,' mais,
proclamant lui-même gue les parti
réactionnaires ne sont pas assez forts
pour s'emparer de la majorité du con-
seil municipal, il ajoute que, « au se-
cond tour, le devoir s'imposera à tous
de favoriser celui des opposants qui
aura le plus de voix, fût-il le candidat
de Rochefort ou de Boulanger". Ce
n'est pas, dit-il encore, « l'alliance
avec les boulangistes que nous propo-
sons : c'est la concentration ».
Cette tactique n'est pas nouvelle.
M. Cocliinenafait la triste expérience
aux élections législatives, quand les
conservateurs royalistes et cléricaux
dufaubourg Saint-Germain l'ont aban-
donné pour M. Mermeix, et nous n'a-
vons guère d'illusions sur la conduite
des mêmes réactionnaires au prochain
scrutin. Ils lâcheront M. Ferdinand
Duval pour le candidat « investi" de
Jersey. Ils voteront pour les blan-
quistes, en se disant, comme M. de
Cassagnac, que « qui veut la fin veut
les moyens » et que la fin étant d'in-
fliger « une défaite au gouverne-
ment », il faut « renverser le conseil
municipal actuel à tout prix et avec
n'importe qui Il.
Le parti républicain n'a pas un ins-
tant à perdre s'il veut empêcher cette
opération de réussir, s'il veut empê-
cher l'administration parisienne de
tomber entre les mains des cléricaux
et des boulangistes, s'il veut épargner
à Paris l'humiliation de faire l'expé-
rience du régime que la coalition rê-
vait, il y a quelques mois, d'imposer
à la France. C'est le moment d'avoir
de l'énergie et de la décision. Prou-
vons tous que ces qualités ne nous
sont pas étrangères.
Le « XIX" Siècle » publiera demain la
a Chronique » par M. Francisque Sarcey.
EXPULSION DE ROME
DU
CORRESPONDANT DE L'AGENCE
HAVAS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIBR)
Rome, 10 avril.
Notre confrère M. Lavalette, correspon-
dant de l'agence Havas à Rome, vient de
recevoir l'ordre de. quitter le territoire ita-
lien.
L'arrêté d'expulsion est signe de M.
Crispi.
M. Lavalette a dû quitter Rome sur-le-
champ, aucun sursis ne lui ayant été ac-
cordé.
UN JOURNALISTE ALLEMAND
EXPULSE PAR M. CRISPI
Manque d'enthousiasme pour la triple
alliance.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 10 avril.
M. Grünewald, correspondant du journal
allemand indépendant la Gazette de Franc-
fort, a reçu ce matin communication d'une
ordonnance ministérielle signée Crispi, qui
l'expulse du territoire italien en vertu de
la loi du 30 juin 1889 sur la sûreté pu-
blique.
L'expulsion devait être immédiate et
M. Grünewal devait être conduit par la po-
lice à la frontière. Mais, comme il a de la
famille il a obtenu un sursis de quarante-
huit heures pour quitter Rouen.
M. Grunewald, dans ses correspondances,
bien modérées de ton, n'avait pas caché la
vérité sur la crise économique qui désole
l'Italie. Aussi, le prétexte imaginé contre
lui était l'accusation d'avoir envoyé des
nouvelles financières inexactes. Depuis long-
temps, M. Crispi désirait se débarrasser de
ce correspondant.
La semaine dernière, il avait fait faire, à
Berlin, des plaintes par l'ambassadeur ita-
lien, M. de Launay, au sujet des tendances
hostiles de la Gazette de Francfort à l'égard
de sa politique, et le président de police de
Francfort avait été, en conséquence, chargé
de faire des observations à cet égard au
journal en question.
AU CAMP BOULANGISTE
Réunion du comité. — Candidats pour
le huitième arrondissement. — In-
demnité aux investis.
Le comité boulangiste s'est réuni hier en
son local du faubourg Montmartre.
Les débuts de la séance ont été fort ora-
geux.
M. de Susini a interpellé assez vivement
ses collègues, en raison de la situation qui
lui est faite dans le quartier Clignancourt.
— Comme Lunel et Rabuel, s'est-il écrié
avec son accent corse, ne veulent pas se
retirer, je ne désire pas marcher de nou-
veau à un nouvel échec.
On a tenté de calmer l'ancien candidat
de Toulouse qui, finalement, a déclaré que,
malgré son investiture, il se retirerait de
la lutte si MM. Lunel et Rabuel restaient
candidats.
Après cet incident, on s'est occupé de
l'organisation définitive. On a décidé d'al-
louer à chacun des candidats investis la
somme de deux mille francs pour couvrir
les frais de son élection.
On a complété aussi la liste définitive,qui
sera connue très prochainement.
Voici quels sont maintenant les candi-
dats pour le huitième arrondissement :
Quartier des Champs-Elysées. — M. Du-
four, primitivement candidat investi ex
sequo avec M. Cahu pour le quartier des
Batignolles.
Quartier de la Madeleine. — M. Ma-
zeille.
Quartier de l'Europe. — M. Cruchon, ré-
dacteur au Réveil de Granville, dont nous
avions déjà annoncé l'investiture.
Nous devons ajouter que tout candidat
investi qui recevra de l'argent du comité
boulangiste sera mis dans l'obligation de
signer une déclaration aux termes de la-
quelle il reconnaîtra comme chef le général
Boulanger et déclarera suivre sa politique,
,.. -:
.,
REVOLUTION IMMINENTE
LES RÉPUBLICAINS EN PORTUGAL
Les décrets du gouvernement. — La
suppression des libertés. — Etablis-
sement de la censure. — Protes-
tation des journaux répu-
blicains. — La fin d'un
règne.
Il nous arrive de Portugal des nouvelles
singulièrement graves et qui, dès à pré-
sent, permettent de considérer la révolu-
tion comme imminente en ce pays.
Il y a une dizaine de jours, le gouverne-
ment conservateur de M. de Serpa Pimentel
obtenait aux élections une majorité suivant
son cœur. Mais, pour quiconque est au cou-
rant des mœurs électorales en Portugal, un
tel résultat ne prouve aucunement que la
majorité du pays soit conservatrice ; nulle
part, en effet,autant qu'en Portugal le régi-
me de la candidature officielle n'est établi.
Il s'ensuit naturellement que toute élection
est à la pure discrétion du gouvernement
existant. A Lisbonne seulement, le collège
électoral est réellement indépendant, et il a
nommé des républicains.
Aussi cette élection de quelques députés
hostiles au régime monarchique,la chose est
certaine, a fortement ému le gouvernement
qui, se sentant menacé, cherche actuelle-
ment à se défendre. Dans ce but, on vient
comme nous l'avons dit dans nos dépêches,
d'édicter une série de décrets qui frisent
de près le coup d'Etat et qui, au surplus,
rappellent, dans une grande mesure, les
trop fameuses ordonnances du 25 juillet
1830 que le ministre Polign ac fit signer à
Charles X.
Le gouvernement portugais est dès main-
tenant entré dans une voie de réaction
absolue et qui ne peut manquer de soule-
ver violemment contre lui la majorité de
la population.
Les journaux républicains de Lisbonne
qui nous sont parvenus hier sont unanimes
à protester contre les mesures prises contre
la liberté, et, ils le font avec une véhémence
extrême qui va fatalement, en entraînant
le gouvernement dans la voie de la répres-
sion, exciter au plus haut point l'opinion
publique.
Manifeste du journal « Os Debates »
Le journal Os Debates, l'un des princi-
paux orgnanes républicains du Portugal,
publie en tête de ses colonnes le manifeste
suivant :
Aujourd'hui, le roi dom Carlos et son gou-
vernement ont étranglé la liberté, en s'imagi-
nant, comme Charles X et ses ministres, qu'ils
allaient ainsi sauver la monarchie.
Ils ont supprimé la liberté de la presse, sans
penser qu'en bâillonnant le journalisme, ils
allaient déchaîner l'imprimerie clandestine.
Ils ont supprimé le droit de réunion et d'as-
sociation, sans voir qu'ils allaient du même
coup faire éclore toute une floraison de socié-
tés secrètes.
Ils ont, au nom de la haine et des intérêts
de la couronne, biffé les lois les plus libérales
de ce pays, sans souci de cet enseignement de
l'histoire, que, toujours, la suppression de la
liberté est le prologue des révolutions san-
glantes et terribles, au cours desquelles les op-
primés se vengent par le fer et par le feu de
l'oppression qu'ils ont subie.
Le parti républicain, le parti libéral a été
mis ainsi hors la loi.
De la grande route de la propagan de où il
cheminait tranquillement, au mieux des inté-
rêts de la patrie, le roi et le gouvernement
l'ont précipité dans les sentiers ténébreux de
la conspiration.
Le devoir de tous les libéraux est de relever
ce défi imprudent et impudent. Sans liberté,
par d'ordre, pas de garanties pour les inté-
rêts de la patrie et des citoyens.
CONSPIRONS DONC POUR LA PATRIE ET POUR
LA LIBERTÉ.
Appel aux citoyens portugais
Et le même journal, à la suite d'un long
article ironiquement intitulé : « Vive le roi
et vive l'Angleterre ! » adresse à ses lec-
teurs, c'est-à-dire à tous les républicains
du royaume, ce court appel :
QU'ON Y SONGE I
Les ordonnances d'aujourd'hui sont signées
par les individus dont les noms suivent :
Dom Carlos de Bragance (le roi).
Antonio de Serpa Pimentel.
Lopo Vaz de Sampaïo e Mello.
Joao-Ferreira-Franco-Pinto-Costello Branco.
Joao-Marcellino Arroyo.
Ernesto-Rodolfo Hintze Ribeiro.
Frédérico-Gusmao Correa Arouca.
N'oublions pas ces sept patriotes. Ils sont
dignes de la reconnaissance de la patrie.
Au peuple de trouver le moyen de leur té-
moigner convenablement cette reconnais-
sance.
Il n'y a pas, du reste, que Os Debates qui
protestent vigoureusement. A Patria ,
0 Seculo s'élèvent aussi avec une grande
énergie contre les décrets, et le journal
El Dia, de Lisbonne, déclare qu'ils consti-
tuent une violation de la Constitution.
Les dispositions des décrets
Voici, au surplus, quelles sont les princi-
pales dispositions des nouvelles ordon-
nances, et, notamment, celles qui excitent
si vivement l'opinion.
Le premier de ces décrets décide l'orga-
nisation d'un ministère spécial de l'ins-
truction publique.
C'est certainement la partie la plus heu-
reuse des mesures prises par le gouverne-
ment, et encore, les considérants qui l'ac-
compagnent sont-ils blessants pour le
peuple portugais, à qui l'on reproche amè-
rement, dans l'exposé des motifs, son état
d'ignorance.
Les mesures attentatoires aux libertés
sont nombreuses. Tout d'abord, le droit de
libre réunion et d'association est supprimé
et aucune et réunion publique ou procession
civile" ne pourra avoir lieu sans une au-
torisation préalable de l'autorité, qui se
réserve en outre la faculté, sous peine
d'une amende pouvant s'élever à cent mil-
reis, d'obliger tous les promoteurs de
réunions publiques à s'engager par écrit à
maintenir l'ordre et à garantir qu'aucun
discours séditieux ne sera prononcé.
Toute réunion publique peut-être inter-
dite ou dissoute par l'autorité, et elle le
sera toujours, quand les idées qui devront
y être ou y seront exposées ne seront pas
favorables au régime monarchique.
La liberté de la presse
La liberté du théâtre est supprimée, et
une censure théâtrale est organisée.
La liberté de la presse est réduite à rien,
et, sur ce dernier chapitre, les dispositions
poussent la rigueur au point que l'impri-
meur d'un journal est tenu, sous peine
d'être considéré comme complice, de faire
connaître à l'autorité l'auteur anonyme de
toute publication incriminée.
Toute phrase allusive ou équivoque, toute
allégorie de personnes, ou de lieux, ou de
faits historiques, et en géaéral toute for-
mule « artificieuse » ayant pour objet de
critiquer les institutions, fera encourir à
son auteur une responsabilité juridique
qui se traduira par une amende variant de
cent à cinq cents milreis.
Inutile d'ajouter que les journaux sont
tous menacés d'être purement et simple-
ment supprimés s'ils contreviennent aux
prescriptions, et cela indépendamment des
amendes et même des peines corporelles
qui pourront être infligées à leurs rédac-
teurs.
L'attitude des partis
C'est, comme l'on voit, le régime de l'état
de siège qui est officiellement inauguré en
Portugal.
Combien de temps sera-t-il supporté ? Il
ne faut pas oublier, en effet, que ce ne sont
pas les seuls journaux républicains ou pro-
gressistes qui protestent contre lui.
Certaine fraction du parti conservateur,
ayant à sa tête M. Thomas Ribeiro, l'ancien
directeur politique de l'Impartial, s'élève
également contre les décrets, et même l'Im-
parcial, sur le conseil de M. Ribeiro, a sup-
primé sa publication, estimant qu'un jour-
nal ne peut actuellement paraître en Por-
tugal, alors qu'aucune garantie, de quel-
que nature qu'elle soit, ne lui est as-
surée.
L'irritation est donc générale, et elle est
d'autant plus redoutable pour le gouver-
nement du roi dom Carlos que son pouvoir
est actuellement plus affaibli.
L'ultimatum brutal que la Grande-Bre-
tagne posait, le 11 janvier dernier, au gou-
vernement portugais aura peut-être eu ce
résultat inattendu de concourir fortement
au renversement de la monarchie en ce
pays.
En tous cas, en abaissant l'autorité royale,
il aura été le plus direct agent des mesures
qui viennent d'être prises, mesures qui, il est
permis de le prévoir, pourront bien avant
peu avoir pour conséquence l'expulsion de
l'héritier des Bragance du trône de Portu-
gal.
LA DATE DES ELECTIONS
MUNICIPALES
Date officielle. — Les précédents con-
seils et les précédentes élections.
Le conseil des ministres a fixé hier au
27 avril, dans seize jours, la date des élec-
tions pour le renouvellement du conseil
municipal de Paris et pour le renouvelle-
ment du conseil général de la Seine.
Les ballottages auront lieu le h mai.
L'arrêté préfectoral convoquant les élec-
teurs de Paris sera publié par le Bulletin
municipal.
Le décret convoquant pour la même date
les électeurs des cantons de Sceaux et
Saint-Denis à l'effet d'élire leurs représen-
tants au conseil général de la Seine sera
publié par le Jo t-nal officiel.
Petites statistiques
Il nous paraît intéressant, à ce propos,de
rappeler ce qu'ont été les divers conseils
municipaux de Paris depuis une dizaine
d'années.
Après les élections des 9 et 16 janvier
1881, le conseil municipal de Paris compre-
nait 36 républicains radicaux ou autono-
mistes, 36 républicains anti-autonomistes
et 8 réactionnaires.
Après les élections du h et 11 mai 188A, le
conseil comprenait 37 républicains auto-
nomistes, 33 républicains anti-autonomis-
tes et 10 réactionnaires.
Après les élections des 8 et 15 mai 1887,
le conseil comprenait 145 autonomistes, 13
anti-autonomistes, 9 révolutionnaires pos-
sibilistes et collectivistes, 2 révolution-
naires blanquistes et Il réactionnaires.
En 1881, sur 3911,915 électeurs inscrits,
60,303 prenaient part au scrutin.
Les autonomistes obtenaient 85,121 voix ;
les non-républicains,80,9911 ; les républicains
indépendants, 21,357 ; les monarchistes,
145,186; les révolutionnaires et anarchistes,
17,895.
En 188A, sur A18,519 électeurs inscrits,
303,039 prenaient part au scrutin.
Les autonomistes obtenaient 113,507 voix;
les républicains, 7.14,956; les indépendants,
26,621 ; les monarchistes, 3.14,80; les possi-
bilistes, révolutionnaires et anarchistes,
31,781.
En 1887, sur khh,96Q électeurs inscrits,
306,989 prenaient part au scrutin.
Les autonomistes obtenaient 11A,283 voix;
les républicains anti-autonomistes, 63,7.140;
les monarchistes, 145,7; les révolutionnai-
res de toutes les écoles 51,322 voix. Divers
ou nuls, 32,357. Il y eut 137,977 absten-
tions. -
Le boulangisme
Depuis, un élément nouveau est sur-
venu : le boulangisme.
Au scrutin du 27 janvier 1888, le général
Boulanger obtenait (à Paris seulement)
185,715 voix; M. Jacques, 132,858; M. Boulé,
15,739.
Aux scrutins des 22 septembre et 6 octo-
bre, les républicains obtenaient dans la
Seine 232,000 voix, et les boulangistes et
réactionnaires 236,000.
LA
POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L'ITALIE
L'escadre italienne à Toulon. — Rupture
éventuelle avec la triple alliance.
— L'opinion de M. Tirard.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 10 avril.
On commente beaucoup la note officieuse
de la Riforma, disant que l'envoi d'une di-
vision de l'escadre italienne permanente,
sous les ordres du contre-amiral comte Lo-
vera di Maria, pour saluer le président de
la République française à Toulon, est un
simple acte de courtoisie qui ne comporte
aucune modification de la politique exté-
rieure de l'Italie.
M. Magliani, dans son discours au ban-
quet dé Naples, qui sera comme le pro-
gramme du futur cabinet, déclarera que
l'Italie devra s'abstenir de renouveler ses
engagements avec la triple alliance, qui
expirent en 1892 et qui ne correspondent
plus aux circonstances nouvelles.
Dans un entretien avec M. Ellena, ancien
ministre, qui a été délégué de l'Italie à la
conférence ouvrière de Berlin, M. Tirard a
vivement critiqué les protectionnistes fran-
çais; il a dit que leur intransigeance, leurs
exagérations, amèneront prochainement une
salutaire réaction, qui permettra d'asseoir
la liberté commerciale sur de solides ba-
ses.
LA VIE DE PARIS
Le terrible incendie qui a éclaté hier
dans le haut du faubourg Saint-Honoré
a vivement impressionné la population.
Du boulevard même on apercevait la
lueur rouge des flammes, et comme tou-
jours, si grand que fût le désastre, on
l'exagérait On disait, par exemple, que
l'hôpital Beaujon brûlait et, plus loin,
on pensait que c'était le ministère de
l'Intérieur. Tel qu'il est, cet incendie est
assez considérable pour expliquer l'émoi
des Parisiens. Et il donne l'occasion de
faire des réflexions, toujours les mê-
mes, monotones redites qu'il faut ce-
pendant formuler une fois de plus, car
l'intérêt est grand d'organiser la défense
contre un tel fléau. On a donc remar-
qué, une fois encore, que les pompiers
étaient arrivés tard. Nos pompiers sont
un corps admirable, un corps d'élite,
formé d'hommes très adroits, bien entraî-
nés et, par-dessus tout, très courageux.
Il n'est pas un officier de pompiers qui
ne dise que, dans les sinistres, il n'a pas
à encourager les hommes au travail,
mais bien à les défendre contre les en-
traînements de leur courage. On a toutes
les peines du monde à les empêcher de
rester dans les endroits très dangereux et
de tenter d'inutiles exploits. Mais, en
même temps, on constate parfois que les
secours arrivent tard malgré les avertis-
seurs électriques, malgré la rapidité avec
laquelle on attelle les pompes, qui même,
dans certains postes, sont toutes prêtes à
marcher. Ce qui manque à la machine,
c'est la rapidité de la mise en train. Dans
l'incendie d'hier, entre le moment où le
feu a été signalé et celui où les pompes
sont arrivées,il s'est passé une demi-heure,
ce qui est trop. On pense quels ravages le
feu peut faire pendant cet espace de temps
relativement considérable.
Il arrive quelquefois, paraît-il, que les
avertisseurs marchent mal.En tout cas,les
prises d'eau sont insuffisantes, ou igno-
rées des habitants même du quartier et
des sergents de ville qui y sont de ser-
vice. Il y a, dans la première minute, un
certain désarroi qui est une grosse et fa-
tale perte de temps. C'est à cela qu'il
faudrait remédier. Il me semble que ce
serait une assez bonne mesure que celle
qui consisterait à remettre chez tous
les concierges d'un quartier, chez les
principaux boutiquiers aussi, une courte
instruction préfectorale indiquant l'em-
placement et la façon de se servir des
avertisseurs, marquant la place des pri-
ses d'eaux. Les sergents de ville devraient
aussi avoir une instruction de ce genre. Il
ne serait pas mal qu'on leur fît exécuter
une sorte de répétition de ce qu'ils ont à
faire quand le feu éclate. De la sorte, on
ne perdrait pas une seule de ces minutes
si précieuses en pareille circonstance.
Et puis, — et ici les instructions pré-
fectorales ne sont de rien, et c'est le con-
seil qu'il faut écouter, — il faudrait ar-
river à calmer cette impressionnabilité de
nos esprits, qui fait qu'une foule fran-
çaise devient si aisément une foule affolée.
Il paraît que cet affolement a été extraordi-
naire dans l'incendie ct'hier.Tout le monde
sortait des maisons et des magasins, en-
combrait la rue, allait se planter devant
le lieu du sinistre, chacun donnant son
mot, racontant au besoin des histoires ;
et cette foule, quelque bonne volonté
dont elle fût pleine, ne faisait que nuire
à l'organisation des secours. Les mal-
heureux agents, tiraillés par chacun, ne
savaient à qui entendre et finissaient par
partager l'affolement de la population
qu'ils voulaient calmer. La légende de la
femme changée en statue de sel pour
avoir regardé derrière elle Sodôme et Go-
morrhe qui brûlaient n'est pas une vaine
légende, dont nous ne puissions profiter.
La curiosité des Parisiens est un grand
danger. Ils ne peuvent quitter un édifice
qui brûle sans s'arrêter pour regarder,afin
de faire la place nette à ceux qui mar-
cnent après eux. Et si, en se retournant,
ils ne sont pas exposés à être changés en
statues, du moins ils causent un encom-
brement d'où viennent les plus grands
désastres, les plus terribles accidents de
personnes. J'ai eu la triste bonne fortune
d'assister de très près à l'incendie de
l'Opéra-Comique, à ce grand malheur
dont on n'a pas encore effacé les traces,
puisqu'on ne s'est pas résolu encore soit
à rebâtir l'Opéra-Comique, soit à le rem-
placer. Ep bien ! la moitié du mal aurait
été épargnée si les fuyards, 'arrivés à la
porte, ne s'étaient pas arrêtés, formant
un oDstacle à la sortie de la foule. Et ces
groupes, commencés aux portes mêmes,
s'étendaient et s'épaississaient dans la
rue, où les pompiers ne se sont frayé
d'abord un passage qu'avec toutes sortes
de difficultés. Sans compter qu'il y avait
là, comme partout, ces éternels amateurs
qui se plaignent amèrement quand on
les empêche de voir, ne se rendant pas
compte qu'en cas pareil les spectateurs
gênent singulièrement ceux qui ont à
travailler.
Après l'incendie de l'Opéra-Comique,
ce fut, pendant quelque temps, un zèle
admirable à chercher des remedes contre
le feu. On imposa aux directeurs de
théâtre toutes sortes de précautions, dont
quelques-unes étaient des précautions
de luxe, si ce n'est complètement inutiles.
On étudia je ne sais combien de systèmes
d'extincteurs. Je me souviens que, dans
un seul mois, je fus convié à assister à
trois ou quatre expériences d'extinction
du feu par des cartouches qui, jetées
dans le foyer de l'incendie et répandant
une fumée épaisse, éteignaient les flam-
mes. Après tant d'efforts ingénieux, il
semblait qu'un grand incendie ne pût
plus éclater à Paris. Et voilà que nous
voyons tout le contraire.
Si le vent, hier, eût été plus fort, si
nous avions cu, d'aventure, un de ces
jolis ouragans, comme celui de Marseille
qui vient d'enlever des omnibus et de
renverser un théâtre, un quartier entier
pouvait devenir la proie des flammes. Il
faut songer à ceci. Il en est des incendies
comme des émeutes. Ce n'est presque ja-
mais rien à l'origine. Mais si on laisse
grandir le feu d'appartement ou le
petit tumulte de la rue, on a l'incendie
ou le désordre qui réclament les grands
moyens. Car, une fois que les pompes
sont en jeu, pour ne parler que de l'in-
cendie, l'eau qu'elles jettent abîme les
appartements qu'on protège. Il faut ar-
river à faire la part du feu, comme on
dit. Et c'est une dure extrémité, qui laisse
derrière elle bien des ruines et des
deuils.
Henry Fouquier.
L'ÉCHEC
DE L'EMPRUNT PORTUGAIS
Baisse à la Bourse. — Fausses promes.
ses. - Les sociétés se retirent.
L'opinion que nous émettions hier sur la
valeur du crédit du gouvernement du Por-
tugal parait avoir été partagée par le
monde de la Bourse.
L'annonce de l'emprunt Ephrussi a été
saluée par une forte baisse sur les fonds
portugais.
Le 3 0/0 portugais ancien a perdu 1 fr. 25.
11 est resté à 63 fr. 50.
Or, la parité du cours d'émission des nou-
velles obligations h 0/0 avec le 3 0/0 don-
nerait à ce dernier le taux de 65 fr., c'est
dire que le 3 0/0, au cours actuel, est de
1 fr. 50 meilleur marché, par 100 fr., que
l'obligation nouvelle, trop chère par con-
séquent de 6 fr. 50.
Dans ces conditions, les capitalistes qui
tiendraient absolument à placer leur ar-
gent en fonds portugais feraient mieux
d'acheter du 3 0/0 ancien que d'acheter des
obligations Ephrussi.
Promesses menteuses
D'autant mieux que les promesses faites
par le prospectus d'émission sont entière-
ment illusoires.
On lit à ce propos dans le Petit Jour-
nal :
On annonce un nouvel emprunt du gouver-
nement portugais, qui doit etre émis aux gui-
chets des grandes institutions de crédit.
Le prospectus porte que les formalités se-
ront remplies pour l'admission à la cote offi-
cielle.
Cette assertion a lieu de nous surprendre.
Les sociétés qui prêtent leurs guichets à cette
nouvelle émission ne peuvent, en effet, igno-
rer que le ministère des affaires étrangères a
pris l'engagement de ne plus laisser coter à
l'avenir aucun emprunt portugais, tant que le
Portugal n'aura pas donné à ses créanciers
français la satisfaction qu'ils réclament de*
puis longtemps.
Nous savons même que le nouveau ministre,
M. Ribot, a exprimé, pas plus tard que ce ma-
tin, son grand étonnement à l'annonce de la
nouvelle émission qui se prépare et de la
promesse de demander la cote figurant au
prospectus.
Les sociétés de crédit
L'échec de cette audacieuse opération pa*
raît d'ailleurs dès maintenant certain.
On assure, en etlet, que les établissements
de crédit qui avaient promis d'ouvrir leurs
guichets à l'émission des 126,300 obliga-
tions nouvelles portugaises qui doivent être
émises le 15 courant retirent leur patronage
à M. Ephrussi.
C'est par là qu'ils auraient dû com..
mencer.
M. MICHEL EPHRUSSI -
Le spéculateur et l'accapareur
M. Michel Ephrussi n'est pas seulement
un banquier qui se charge, moyennant
une honnête commission de 52 francs par
titre, de placer des obligations du gouver-
nement portugais : c'est encore un de nos
gros spéculateurs de Bourse, opérant sur
des chiffres énormes à la hausse ou à la
baisse, sans se préoccuper des coups qu'il
porte le plus souvent à la petite épargne,
victime de ces opérations de Bourse dont
elle n'a pas le secret.
On peut voir M. Michel Ephrussi, de midi
à trois heures, sous la colonnade, les mains
dans ses poches, promenant son regard sur
la foule des courtiers qui l'entourent et
l'encensent comme un dieu dont on attend,
les faveurs ou l'aumône. Un homme qui
gagne six millions en apposant sa signature
sur un contrat passé avec le gouvernement
portugais, comme nous l'avons dit hier, est
digne de ces hommages.
Mais ce serait mal connaître M. Ephrussi
que de croire qu'il borne là ses affaires.
Celles-ci s'étendent dans tous les grands
ports de mer, Marseille et le Havre, Odessa
et San-Francisco ; partout où une spécula-
tion sur les grains est engagée, à Rouen
comme à La Rochelle, existent des agences
de cette maison Ephrussi qui, bien humble
à ses débuts, en 185A, a eu pour berceau
les rives de la mer Noire.
M. Ephrussi est le plus grand accapareur
de blés qui soit dans le monde entier. Il sait
à point tenir ses entrepôts fermés ou faire
entrer vingt navires dans le port de Mar-
seille, suivant que le pain renchérit ou que
le prix s'abaisse. Né à Odessa, personne
mieux que lui ne connaît ce commerce des
blés dont, au siècle passé, on condamnait
sans phrases les accapareurs. Aujourd'hui
on les subit.
Cette spéculation effrénée sur les blés
ne s'effectue pas sans causer parfois de
gros ennuis. On se rappelle qu'il a été fort
question, il y a quelques années, de pour-
suites judiciaires à ce propos. Mais tout
s'oublie, comme s'oubliera le prix d'émis-
sion des obligations portugaises offertes au
public à A36 francs, quand elles tomberont
à 200 francs au premier souffle de la révo-
lution portugaise.
UNE LOI CONTRE LES
ACCAPAREMENTS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
New-York, 10 avril.
Le Sénat de Washington vient d'adopter
un projet de loi du sénateur Sherman contre
les syndicats d'accaparement, qui se sont mul-
tiplies, dans ces dernières années, dans toutes
les branches de l'industrie et du commerce.
Ce projet de loi frappe d'illégalité toutes
les associations de ce genre et les contrats
qui lient leurs membres et règlent leurs opé-
rations. Il ne donne cependant pas satisfao-
tion aux adversaires de ce système de syndic
cats, qui trouvent que ses dispositions sont
trop faciles 4 éluder.
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