Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-04-11
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 11 avril 1890 11 avril 1890
Description : 1890/04/11 (A19,N6661). 1890/04/11 (A19,N6661).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — N" 6,661
CINQ Centimes -Paris et Départements - CINQ Centimes
VENDREDI 11 AVRIL 1833.
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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L'AVENTURE DU DAHOMEY
f L'ÉMISSION PORTUGAISE
VQL D'UN SAC DE DÉPÊCHES
Incendie du faubourg Saint-Honoré
ASSASSINAT RUE DES COURONNES
LE MINISTÈRE
DU TRAVAIL
M. Camille Raspail vient de saisir la
Chambre d'une proposition de réso-
lution qu'il avait soumise déjà aux
délibérations de la législature précé-
dente.
Le député du Var propose la créa-
tion d'un ministère du travail. Rassu-
rez-vous, contribuables. Il ne s'agit
pas d'allonger d'une unité la liste déjà
longue des membres du gouverne-
ment. Je comprends les répugnances
que soulèverait une telle perspective.
Une excellence de plus, ce n'est pas
seulement soixante mille francs ajou-
tés au budget des dépenses.
La Fontaine disait : « Tout petit
prince a ses ambassadeurs, tout mar-
quis veut avoir des pages. » Venu
deux siècles plus tard, ce n'est ni de
marquis ni de princes qu'il aurait
parlé. Pas de ministre qui ne s'en-
toure d'un état-major, utile parfois, <
coûteux toujours : chef de cabinet,
chef-adjoint, chef du secrétariat. J'en
passe et non des moins rentés.
Puis l'eau, comme on dit, va à la
rivière. Il n'y a pas un ministère créé
qui n'éprouve le besoin de s'arrondir.
Là où un chef de bureau suffisait à
mener la tâche à bien, la nécessité
d'un chef de division se fait sentir.
Pourquoi ce ministère n'aurait-il pas,
comme celui d'en face, son lot de di-
recteurs? C'est la boule de neige. Elle
grossit en roulant. Mais elle ne fond
pas au soleil.
M. Camille Raspail n'ignore pas
plus que nous ces mœurs de la bureau-
cratie. Aussi, n'est-ce pas un douzième
ministère qu'il réclame, mais bien une
division nouvelle des services, une or-
ganisation plus rationnelle du pou-
voir exécutif.
Il lui paraîtrait convenable - de join-
dre le commerce et l'agriculture, en
confiant à un même titulaire le travail
et l'industrie. Volontiers même il fe-
rait l'économie d'un ministère, en réu-
nissant comme autrefois, dans la mê-
me main, commerce, agriculture et
travaux publics.
Ce qui le choque, non sans raison
semble-t-il, c'est que, dans une grande
république démocratique comme la
nôtre , les intérêts des travailleurs
manuels ne soient pas remis aux mains
d'un département ministériel spécial,
quand le commerce, l'industrie, les
beaux-arts ont, pour étudier et défen-
dre leurs droits, des administrations
autonomes.
M. Raspail trace d'ailleurs, par
avance et dans ses grandes lignes, le
programme des attributions qui seront
réservées au ministère nouveau. La
législation internationale du travail,
l'organisation, la réglementation du
travail, l'hygiène des ateliers, la colo-
nisation de l'Algérie et de la Tunisie,
toutes les questions qui se rattachent
au travail des villes et des campagnes
(syndicats, juridiction des prud'hom-
mes, sociétés coopératives, participa-
tion aux bénéfices) feraient l'objet de
ses préoccupations.
Surtout, avant tout, ce ministère
sera un bureau central de statistique
où viendront affluer, pour être mis à
la disposition des intéressés, tous les
renseignements utiles au monde du
travail. Qu'on ne croie point qu'une
institution de ce genre soit superflue.
Elle est appelée à rendre les plus si-
gnalés services.
- Elle permettrait à l'Etat et aux com-
munes d'entreprendre au moment op-
portun les grands travaux publics,
qui doivent de préférence être com-
mencés dans les périodes de crise, aux
heures où le chômage des industries
privées fait un devoir aux autorités de
venir par tous les moyens au secours
des honnêtes gens qui demandent à
gagner leur pain en travaillant.
Combien ce bureau de statistique
eût été appelé à rendre de services
dans les discussions parlementaires,
comme celle des lois sur les accidents,
sur les assurances, où ce qui man-
quait le plus était précisément une
statistique bien faite qui fît autorité.
Ce n'est pas, d'ailleurs, une idée
nouvelle que celle du ministère du
travail. Elle descend en ligne droite de
la conception fourriériste, reprise par
Louis Blanc lorsqu'il demandait la
création d'un ministère du progrès.
Comme touj ours, si l'idée est fran-
çaise, les applications premières en
ont été faites à l'étranger. Il y a long-
temps qu'en Suisse et en Belgique
existent des commissions du travail.
L'Angleterre a son Board of Trade.
Une loi fédérale du 37 juin 1886 a
institué à Washington, au ministère
de l'intérieur, un Bureau of Labour,
placé sous la direction de M. Carroll
D. Wright, commissaire du travail.
Le 13 juin 1888, le ministère du tra-
vail était institué aux Etats-Unis, et
M. Wright était placé à sa tête. La loi
qui le crée définit ainsi la besogne
qu'il est chargé d'accomplir : « Le dé-
partement fédéral du travail a pour
tâche de vulgariser et de rassembler
parmi les populations de l'Union toutes
les informations utiles concernant le
travail dans le sens le plus vaste du
mot, et notamment des renseigne-
ments sur le capital, les heures de
travail, les salaires des ouvriers et, en
général, sur les moyens d'améliorer
leur condition matérielle, sociale, in-
tellectuelle et morale ».
« J'espère, écrivait, il y a quelques
mois, le ministre du travail aux Etats-
Unis à notre confrère Gustave Roua-
net, j'espère que le Parlement français
établira prochainement un ministère
semblable au nôtre, de sorte que nous
pourrons alors faire une étude très
intéressante des résultats comparés
obtenus dans les deux pays. »
Souhaitons que ce vœu d'un étran-
ger, ami de la France, ne reste pas
lettre morte, et que notre République
ne demeure pas plus longtemps en ar-
rière de la République américaine et
de la monarchie anglaise.
A. Millerand.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
» Vie da Paris » par Henry Fouquier.
VOL D'UN SAC DE DÉPECHES
50,000 francs de valeurs.— Arrestation
du voleur. - Un louis dépensé.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Etienne, 9 avril.
Hier soir, en comptant ses sacs de dépê-
ches, l'entreposeur des postes de la gare de
Saint-Etienne reconnut qu'il en manquait
un.
Ne pouvant d'abord croire à un vol, il fit
prévenir le directeur du bureau central,
mais toutes les recherches furent inutiles ;
le sac avait bel et bien été enlevé, pendant
que les voyageurs étaient encore nombreux
dans la cour de l'embarcadère.
Les recherches, aussitôt commencées, ont
amené ce matin l'arreatation d'un sieur Bes-
son, employé congédié depuis peu par M.
Maza, entrepreneur du service des voitu-
res pour les postes. Besson, qui était au
courant des habitudes des convoyeurs, a
nié sur le premier moment,
Fouillé, on trouva sur lui 1,200 francs et,
dans les perquisitions faites à son domi-
cile, rue de la Montât, on découvrit le sac,
les lettres, les plis chargés déchirés, éven-
trés, 5,000 francs en billets de banque, 3,000
francs en actions des Mines de la Loire, des
valeurs de toutes sortes, des envois admi-
nistratifs, etc.
Le vol se montait à 50,000 francs au
moins. Devant l'évidence, Besson ne put
continuer à nier; il avoua à M. Bénad, chef
de la sûreté, auteur de son arrestation,
qu'il avait profité du moment où le cour-
rier convoyeur rentrait aubureau de postes
de la gare, pour soustraire le sac et l'em-
porter tranquillement chez lui.
Arrêté douze heures après le vol, Besson
n'a pas eu le temps de dépenser plus d'un
louis.
M. CARNOT A TOULON
L'escadre en Corse. — Les saluts des
flottes étrangères.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Toulon, 9 avril.
Si le temps le permet, — car, en ce mo-
ment, il règne un fort coup de vent sur la
Méditerranée, — toute l'escadre se rendra
en Corse avec le président de la Répu-
blique.
M. Carnot embarquera sur le vaisseau-
amiral le Formidable, à bord duquel seront
seuls admis M. le général Brugère, M. le
capitaine de vaisseau de Maigret, aide de
camp, et le secrétaire particulier de M. le
président de la République.
Deux navires seulement de l'escadre es-
pagnole viendront à Toulon. L'escadre amé-
ricaine étant en Grèce, il n'est pas sûr
qu'elle se rende dans nos eaux.
L'escadre italienne ne pourra pas venir à
Toulon, où elle n'est pas admise, nos vais-
seaux ne pouvant pas aller dans le port de
la Spezzia. Il n'y aurait pas réciprocité, et
nous nous exposerions naïvement à mon-
trer nos défenses de la côte et de la rade
aux Italiens. Ceux-ci salueront, au large,
le président de la République se rendant
en Corse.
LA TOURNÉE D'INSPECTION
DU MINISTRE DE LA GUERRE
Voyage retardé. — Les ministres
absents.
Le voyage d'inspection de M. le ministre
de la guerre se trouve retardé de quelques
jours par des raisons d'ordre purement ad-
ministratif.
M. de Freycinet, qui devait s'absenter
avant le départ de M. Constans pour ses
propriétés de l'Aveyron, a dû faire l'inté-
rim du ministère de l'intérieur ; présente-
ment, il remplit les mêmes fonctions à la
justice, M. Fallières étant en Gascogne.
Il semble impossible, d'autre part, que
M. le ministre de la guerre s'absente pen-
dant le voyage de M. le président de la Ré-
publique, la plupart de ses collègues devant
à cette époque se trouver hors Paris, soit
qu'ils accompagnent le chef de l'Etat, soit
qu'ils siègent dans les conseils généraux.
M. de Freycinet partirait done, selon
toute prévision, vers la fin du présent mois,
pour sa tournée d'inspection, qui compren-
drait l'Est et le Sud-Est, Lyon, Grenoble et
la frontière des Alpes.
AU DAHOMEY
DÉLÉGATION AUPRÈS DE H. ÉTIENNE
Une délégation auprès de M. Etienne
L'opinion du haut commerce
français. — Les périls de la
situation. Nécessité d'une
intervention énergique.
La question du Dahomey, à l'heure ac-
tuelle, a pris une importance toute particu-
lière, et le silence que l'on fait autour d'elle
semble ne présager rien de bon.
Aussi le public, — ou du moins une cer-
taine portion du public, celle qui, par
ses relations d'affaires et ses occupations
spéciales, est plus directement qu'aucune
autre au courant des questions coloniales,
— commence-t-il à s'émouvoir et à crain-
dre pour l'avenir.
Là est la raison pour laquelle hier matin
M. Etienne, sous-secrétaire d'Etat- aux co-
lonies, a reçu la visite d'une délégation de
la Société d'économie industrielle 0 et com-
merciale, délégation composée de M, Léon
Thorel, président, et de MM. Beraud, Kneff
et Pra, président de la chambre des négo-
ciants commissionnaires, qui est venue
l'entretenir des affaires du Dahomey et, no-
tamment, de la situation de nos nationaux
à Porto-Novo, Wyddah et Kotonou.
Nous nous sommes rendus auprès de
M. Pra, qui nous a mis au courant de l'en-
tretien que la délégation avait eu avec
M. Etienne.
Nos lecteurs verront que la thèse soute-
nue par l'honorable président de la cham-
bre des négociants commissionnaires n'est
pas celle du X/xe Siècle résolument et pru-
demment hostile à toute aventure colo-
niale ; néanmoins, il nous a paru intéres-
sant de reproduire textuellement l'opinion
exposée par un représentant du haut com-
merce français.
Les difficultés de la situation
— Notre entretien, nous a dit M. Pra, a été
fatalement fort réservé, et cela en raison
même de la situation où se trouve présen-
tement M. Etienne relativement à cette fà-
cheuse question du Dahomey.
Vous savez, en effet, que M. Etienne qui,
au début, avait la direction totale de l'af-
faire, en est aujourd'hui dépossédé au bé-
néfice du ministère de la marine, à qui elle
a été remise.
Il semble, en effet, qu'il y ait en la cir-
constance certaines questions de personna-
lité et que, à l'heure présente, on craigne
d'engager des responsabilités.
Cela est si exact qu'une expédition vi-
goureuse, et du reste très nécessaire pour
la sauvegarde de nos intérêts, avait dès le
prime abord été décidée en principe.
Même M. le lieutenant-colonel Terrillon,
à.qui le commandement en avait été con-
fié, était tout prêt à partir, quand il reçut
des dépêches lui enjoignant de demeurer
dans l'attente.
La conséquence immédiate de ce contre-
ordre est que la ville de Whydah est tou-
jours plus exposée que jamais. Des Euro-
péens, sept, je crois, y ont été enlevés par les
bandes du roi de Dahomey. Et, il ne faut
pas l'oublier, Wyddah est le point le plus
important de cette position de la côte.
L'expédition est nécessaire
Dans l'état présent de la situation en ces
contrées, il n'y a qu'une intervention bru-
tale, énergique et rapide qui puisse tout
sauver. Les bandes dahoméennes sont ac-
tuellement encore des plus mal armées ; un
petit nombre de nos soldats, remontant
dans l'intérieur sur des chaloupes canon-
nières, auraient, — toutes les personnes
connaissant bien ces contrées sont unani-
mes sur ce point, — assez facilement rai-
son de ces ennemis.
Du reste, il est permis de prévoir que
l'Angleterre,qui possède des établissements
tout voisins des nôtres et qu'il faudrait
traverser en ce cas pour remonter dans
l'intérieur, ne s'opposerait pas au passage
de notre expédition. D'ailleurs, son intérêt
est dans la circonstance absolument paral-
lèle au nôtre. S'il en était ainsi, avec 1,500
ou 2,000 hommes, en agissant vivement,
on aurait sûrement raison de l'armée du
roi de Dahomey. Si, par contre, l'on tem-
porise jusqu'à la rentrée des Chambres,
ainsi que le gouvernement, contrairement
aux déclarations faites à la Chambre par
M. Etienne lorsque la question fut portée à
la tribune, semble vouloir le faire, il
n'en sera plus de même, et ce ne sera plus
1,500 ou 3,000 hommes qu'il sera nécessaire
d'envoyer, mais bien davantage. On devra
alors organiser une véritable expédition
qui sera fatalement très coûteuse en hom-
mes et en argent.
Avantages d'une expédition
Le roi de Dahomey, en effet, a présente-
ment une police fort bien organisée ; sa-
chant que nous temporisons, il en inférera
fatalement que nous avons peur de lui et
son audace s'en accroîtra.
Or, si l'on marchait vigoureusement con-
tre lui, on se concilierait sûrement la
grande majorité des tribus qui peuplent
la contrée et qui ont à souffrir des incur-
sions et des razzias continuelles que fait
à leur détriment l'armée dahoméenne. Il
y a là des alliés tout trouvés pour nous et
qu'il serait fort impolitique de découra-
ger.
Tels sont les points sur lesquels nous
avons plus particulièrement attiré l'atten-
tion de M. Etienne.
Le commerce francais estime unanime-
ment que, dans une aventure de ce genre,
les demi-mesures sont toujours regretta-
bles, c'est-à-dire qu'il estime être néces-
saire d'en finir rapidement.
Espérons que le président du conseil,qui
semble être plus particulièrement de l'avis
de la temporisation, au moins tant que les
Chambres, aujourd'hui en vacances, n'au-
ront pu dégager sa responsabilité, com-
prendra sans retard qu'il faut de toute né-
cessité agir au plus vite et avec vigueur, et
cela même pour le plus grand intérêt du
pays.;
DÉSAVEU
La marine substituée aux colonies. -
La question du Dahomey devant le
Parlement. — Les affaires colo-
niales en désarroi.
Dès son arrivée à la présidence du con -
seil, M. de Freycinet s'est préoalfcupé de la
question du Dahomey. Il ny pas tardé à
s'apercevoir qu'elle avait été commencée et
conduite par l'administration des colonies
d'une façon déplorable.
Le premier acte du président du conseil
a été de renoncer à l'opération projetée sur
Whyddah,puis de prescrire au commandant
Fournier de bloquer la côte et de se con-
tenter de pourvoir à la garde de Porto-
Novo et de Kotonou. Enfin, il a été décidé
que la question serait soumise au Parle-
ment dès la rentrée.
Ce n'est pas tout : la direction de l'affaire
du Dahomey est passée des mains du sous-
secrétaire d'Etat aux colonies, qui l'a in-
ventée, aux mains du ministre de la marine,
qui y était resté complètement étranger
jusqu'ici.
L'agent des colonies, M. Bayol, qui avait
comploté la prise du Dahomey, est rappelé,
et le député d'Oran passe la suite de ses af-
faires à M. Barbey, qui est chargé d'étudier
les conditions dans lesquelles pourra se
faire une expédition et l'époque à laquelle
on devra l'entreprendre.
Le désaveu est complet.
Nous nous permettrons de faire remar-
quer que ce n'est pas l'affaire du Dahomey
seule qui est conduite de la façon qu'on
sait ; ce sont toutes nos affaires coloniales
qui sont dans le plus complet, le plus ab-
solu désarroi
LE CASQUE A POINTE
Les transformations dans l'armée al-
lemande. — Les casquettes des
chasseurs saxons.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 9 avril.
Je vous confirme la nouvelle de la trans-
formation, peut-être même de la suppres-
sion du casque à pointe dans l'armée alle-
mande.
Depuis 1871, l'apparence du casque n'a
que fort peu varié. En 1888 seulement la
bordure de cuivre de la visière a été sup-
primée et la jugulaire de même métal a été
remplacée par une jugulaire en cuir. C'est
à la même époque que l'armée bavaroise
adopta le casque à pointe prussien, en
remplacement du trop lourd et trop coû-
teux casque à chenille.
Le casque allemand a de grands inconvé-
nients : en rase campagne comme sous
bois, ses ornements métalliques et le bril-
lant du cuir le font distinguer de très loin;
aussi, souvent les soldats l'accrochent-ils à
la garde de leur baïonnette ; d'autres fois,
quand ils marchent sous bois, en tirail-
leurs, tandis qu'ils tiennent leur fusil d'une
main, ils doivent de l'autre se décoiffer, de
crainte d'être trop tôt aperçus de l'ennemi.
Du reste, la presse allemande est una-
nime à réclamer la transformation du cas-
que actuel, et particulièrement le bronzage
des parties métalliques.
D'autres feuilles même, comme la Milita-
rische Woche, en réclament la suppression.
Cet organe militaire conseille l'adoption de
l'affreuse casquette à double visière du ré-
giment des chasseurs saxons.
Il faut donc s'attendre à 'voir peut-être
disparaître le fameux casque à pointe et la
quantité d'ornements métalliques dont sont
parés les uniformes allemands.
LE SECOND MARIAGE DE LA VEUVE
DU PRINCE RODOLPHE.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Vienne, 9 avril,
L'empereur François-Joseph a fait deman-
der au pape son assentiment pour le mariage
religieux de l'archiduchesse Stéphanie, veuve
de l'archiduc Rodolphe, avec le cousin de ce-
lui-ci, l'archiduc François-Ferdinand, héritier
du trône impérial.
TROUBLES A VIENNE
Entre grévistes et soldats. — Violences
antisémitiques.
(D'UN CORRESPOND VNT)
Vienne, 9 avril.
Des désordres assez graves ont signalé
dans l'après-midi et la soirée d'hier, la grève
des maçons, pour recommencer ce matin
encore.
La foule des maçons sans ouvrage s'était
portée au faubourg de Neulerchenfeld.
Comme elle ne se dispersait pas, même
après qu'on eut tiré à blanc, la police dut
faire usage de l'arme blanche. Mais c'était
l'heure de la sortie des ateliers. Le nombre
des manifestants augmenta rapidement.
Des magasins tenus par des juifs furent
pillés. Dans deux établissements de bois-
son, les tonneaux furent jetés à la rue et
défoncés et le feu mis a l'alcool qui cou-
lait.
Un incendie en est résulté et une maison
a été en partie détruite.. Aux environs, tou-
tes les fenêtres sont brisées à eoups de
pierres, les tramways sont renversés ; on se
servait des pavés des rues comme projec-
tiles.
L'ordre n'a pu être rétabli que vers dix
heures du soir, à l'arrivée de deux esca-
drons de cavalerie et d'un bataillon d'in-
fanterie, qui ont pris position dans les en-
droits menacés.
Le nombre des arrestations s'est élevé à
37. Plusieurs civils et 10 agents de police
sont blessés. Chez quelques-uns les bles-
sures sont graves.
Les émeutiers ont pénétré dans un poste
occupé par les agents de police et, après
leur avoir livré un combat corps à corps,
ils ont brisé le mobilier. On voit épars de
tous côtés des papiers et les débris d'un
bureau télégraphique.
Des boutiques de marchands d'eau-de-
vie et de denrées diverses ont leurs devan-
tures détruites. Les marchandises détério-
rées gisent à terre.
On trouve çà et là les traces de commen-
cements d'incendie.
La population commerçante de ces quar-
tiers est terrifiée.
Ce matin, il y a eu une tentative de répéti-
tion des désordres. Quelques gamins ont
lancé des pierres contre la boutique d'un
marchand de vins; ils ont été aussitôt ar-
rêtés.
Les désordres présentent, comme l'année
dernière, un caractère antisémite, et l'on
entendait hier soir, de tous les côtés, le cri
de ; « Il faut voler les juifs! »
Aujourd'hui, la foule ne pousse aucun
cri. La cavalerie sillonne les rues. Le géné-
ral Schoenfeld, commandant de la place,
est resté sur les lieux une partie de la
journée.
Grâce peut-être à une pluie abondante,
les désordres n'ont pas recommencé ce soir,
comme on le craignait.
Plusieurs bataillons d'infanterie ont formé
les faisceux sur la voie publique. Des pa-
trouilles de cavalerie circulen t de tous cô-
tés. Des agents de police se tiennent dans
chaque rue.
Beaucoup de magasins, appartenant sur-
tout aux israélites, ont fermé dès cinq heu-
res du soir.
CHRONIQUE
J'ai déjà, dans ce journal même, il y a
de cela bien longtemps, bien longtemps,
parlé du goût que les jeunes écrivains de
ce temps semblaient professer pour l'im-
parfait, qu'ils emploient constamment,
même alors que le sens de la phrase sem-
ble réclamer impérieusement le passé dé-
fini ou le passé indéfini.
Vous savez que, ces jours-ci, vient de
paraître un nouvel ouvrage de M. Ed. de
Concourt, qui a pour titre : La Clairon.
Je l'ouvre, et à la troisième page — vous
voyez que je n'ai pas eu à pousser bien
avant — je trouve ce paragraphe, que je
demande la permission de citer m ex-
tenso.
M. de Goncourt vient de dire que la
petite fille qui devait plus tard devenir la
Clairon avait manifesté tout enfant une
vocation singulière pour le théâtre, mais
que sa mère, qui la destinait à la cou-
ture, refusait de céder à ce qu'elle croyait
être un simple caprice; et il ajoute :
« La petite fille dépérissait visiblement,
et sa mère, qui n'était que violente et
non foncièrement méchante, et dont
l'horreur du théâtre venait, sans mora-
lité aucune, de ses idées de peuple, de
l'appréhension pour son enfant de la
damnation éternelle, était comme tra-
vaillée au fond d'elle et comme prise de
remords de ses inhumaines sévérités.
Elle s'ouvrait à une femme d'intelligence
chez qui elle travaillait et qui venait à
bout de ses préventions. De retour à la
maison, après une scène d'attendrisse-
ment où elle redemandait à sa fille son
petit cœur d'enfant, elle lui annonçait
qu'elle consentait à son désir et la menait,
à quelques jours de là, chez la dame qui
s'était intéressée à sa vocation. La dame
faisait entendre la fillette à Deshays, ac-
teur de la Comédie-Italienne, qui était
assez content de l'audition de Claire pour
la présenter à la troupe et obtenir qu'on
lui donnât des maîtres d'écriture, de mu-
sique et de langue italienne. »
Vous avez remarqué, n'est-ce pas ? que
aans ce morceau tous les veroes sont a
l'imparfait. Reprenons, si vous voulez,
chacune de ces phrases.
'E La petite fille dépérissait visiblement,
et sa mère, qui n'était que violente, était
travaillée au fond d'elle et prise de re-
mords de ses inhumaines sévérités. »
Ici, l'imparfait est de mise. Car l'im-
parfait dans notre langue, telle au moins
qu'elle a été pratiquée jusqu'à nos jours,
remplit un double rôle. Tantôt il ex-
prime qu'une action a eu lieu, dans le
passe, en même temps qu'une autre. Ainsi:
J'étais à la maison quand vous êtes ar-
rivé. Tantôt il marque une manière d'être
qui se prolonge, pendant que d'autres
choses se passent, dont on ne parle pas.
Ainsi : La petite fille dépérissait visible-
ment. L'imparfait indique très bien que
le dépérissement continuait, tandis que
la mère refusait de se rendre ; et pendant
que ce dépérissement se poursuivait, la
mère était travaillée au fond d'elle et
prise de remords de ses inhumaines sé-
vérités.
Jusque-là donc, tout va bien. Mais M.
de Goncourt ajoute : « Elle s'ouvrait à
une femme d'intelligence chez qui elle
travaillait et qui venait à bout de ses pré-
tentions. »
Elle s'ouvrait !. elle s'ouvrait !. Pour-
quoi cet imparfait? Est-ce que c'est là
une manière d'être qui se prolonge? Non;
c'est un fait. Est-ce que c'est un fait qui
est simultané avec d'autres? Point du
tout. C'est un fait, un simple fait qui a
eu lieu et que l'auteur nous conte parce
qu'il a eu lieu et qu'il lui est nécessaire
pour son récit. Et comme ce fait est, à
l'heure où il en parle, terminé, clos, que
les conséquences ne s'en font plus sen-
tir; comme c'est un fait de narration, il
faudrait user là évidemment du prétérit
défini:
« Elle s'ouvrit à une femme d'intelli-
gence chez qui elle travaillait, et qui vint
à bout de ses préventions. »
Je garde travaillait à l'imparfait; c'est
qu'en effet elle travaillait tous les jours
chez cette personne ; son habitude était d'y
travailler ; c'était une manière d'être (état
ou action) qui se poursuivait depuis long-
temps. Mais j'écris : qui vint à bout de Ses
préventions, parce que c'est un fait pré-
cis, défini, qui a eu lieu dans le passé «
une certaine minute et qui ne s'est pas
reproduit.
Et de même j'écrirai :
a De retour à la maison, elle rede-
manda à sa fille son petit cœur d'enfant ;
elle lui annonça qu'elle consentait à son
désir, et la mena, à quelques jours de là,
chez la dame qui s'était intéressée à sa
vocation. »
Pourquoi est-ce que je garde consen-
tait? C'est que les deux actions sont si-
multanées. En même temps qu'elle an-
nonce, elle consent, et, la chose ayant lieu
dans le passé, il faut dire : elle annonça
qu'elle consentait.
Et je continuerai de même :
« La dame fit entendre la fillette à Des-
hays, acteur de la Comédie-Italienne,
qui fut assez content de l'audition pour
la présenter à la troupe. »
Vous pensez bien que si je fais ces ob-
servations, ce n'est point par pédantisme
de grammairien qui prétend régenter et
morigéner des écrivains excellents. Quel-
que opinion que l'on ait du style de M.
de Goncourt, il est évident qu'il sait sa
langue à merveille, et je n'ai pas l'imper-
tinence de lui vouloir donner des le-
çons.
Il sait ce qu'il fait, et s'il met tous les
passés de ses verbes à l'imparfait, c'est
qu'il a ses raisons ; et ces raisons doivent
être bonnes, car je vois que les meilleurs
écrivains suivent l'exemple de MM. de
Concourt, qui ont les premiers donné le
branle. Vous trouverez constamment
dans les derniers ouvrages de Daudet,sur-
tout dans les Rois en exil, l'imparfait dans
une foule de phrases où nos pères au.
raient mis, soit le prétérit indéfini, soit
le prétérit défini.
Vous en rencontrerez aussi, quoique
en moins grand nombre, chez M. Emile
Zola. Il y a là, sinon un parti-pris, au
moins une tendance.
Mais cette tendance, je ne me l'explique
pas. Quel avantage ces messieurs voient-
ils à cet emploi abusif de l'imparfait ?
Les inconvénients en sautent aux yeux.
Le premier et le plus grand, à mon avis,
c'est la répétition incessante de cetta
même sonorité ait, qui n'est déjà pas si
harmonieuse. Relisez la page de M. de
Goncourt: vous vous assurerez que cette
syllabe aiguë et lourde revient quatorze
fois en dix-huit lignes.Voyez,au contraire,
comme les sonorités que fournit le pré-
térit défini sont brèves et variées : il fit,
il vint, il annonça, il reçut, qui au plu-,
riel font : ils vinrent, ils firent, ils an-
noncèrent, ils reçurent ; tandis qu'à l'im-
parfait vous avez : il faisait et ils fai-
saient; il venait et ils venaient ; il annon-
çait et ils annonçaient: il recevait et ils?
recevaient : toujours ait et aient qui sa
prononcent de même.
Est-il bien utile de troubler l'ordre ac- !
coutumé de nos temps de verbe pour
écrire moins harmonieusement?
Je souhaiterais qu'un de ces messieurs};
— et, à leur défaut, tous les jeunes gens
qui se sont laissé séduire à cette nou-
velle mode, — nous expliquât les raisons
de son goût pour l'imparfait. Car enfin il
doit y en avoir, et je ne les soupçonna
pas.
Francisque Saroey.
LA CRISE ESPAGNOLE
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid, 9 avril. , •
Le Sénat continue la discussion de l'affaii^f
du général Daban. L'opposition réactionnaire
cherche à prolonger le débat et fait cause
commune avec le parti des généraux.
Hier, M. Elduayen a déclaré, au Sénat, que
le parti conservateur et M. Canovas étaient,
dans cette affaire, du même avis que le maré-
chaI Martinez Campos.
Le cabinet Sagasta pose la question de COD.
fiance.
L'ÉMISSIOK PORTUGAISE,
DE LA MAISON EPHRUSSI
Ce que rapporte une émission. — Utt
gouvernement aux abois.
Au moment où les journaux les plus ré
servés dans leurs appréciations, tels que la
Soleil, monarchiste, et le Temps, républicain.
modéré, annoncent comme fatale et immi-
nente une révolution en Portugal, certains:
banquiers recommandent à l'épargne fran-
çaise un nouvel emprunt du gouvernement
portugais.
M. Michel Ephrussi a passé, il y a un mois.
et demi environ, avec le gouvernement
portugais, un contrat par lequel il s'enga-
geait a lui fournir une somme de 9,000 con-
tos de rois, soit en francs 49,500,000. -:
Nous ne voulons pas examiner aujour-
d'hui ce que le gouvernement portugais
compte faire de cette somme ; nous voulons
simplement indiquer les conditions dans
lesquelles M. Michel Ephrussi présenta
cette affaire au public.
Ces A9,500,000 francs sont devenus entra
ses mains 55,129,950 francs, représentés par
136,300 obligations offertes au public ail
prix de ú36 fr. 50.
Si on déduit des /»9,500,000 francs la com-
mission de a 0/0 allouée à la maison
Ephrussi, on voit que le bénéfice qu'elle se
réserve sur l'opération n'est pas moindra
de 6,619,950 francs. !
C'est un courtage honnête.
A ce prix,M.Lphrussiauraitpus inquiéter
des garanties accompagnant ce nouvel appel
à l'épargne française, d'un gouvernement
qui a laissé en souffrance un emprunt an-
térieur et qui désigne sous le nom vagua
et élastique de travaux publics l'emploi
qu'il veut faire de ces fonds.
Si le gouvernement portugais avait voulu
réellement appliquer le montant de vefc
emprunt à des travaux publics, il aurait
spécifié la nature de ces travaux et en au-
rait affecté le produit comme première ga-
rantie de cet emprunt.
En réalité, l'emprunt n'a d'autre but que
de couvrir le déficit sans cesse grandissant
du trésor portugais.
Le gouvernement du jeune roi Carlos est
à bout de ressources. Et comment pour-
rait-il en être autrement dans un pays qui,
disposant d'un budget total de 170 millions
de francs en recettes, est contraint d'en af-
fecter 103 millions au service des arrérages
de la dette publique, soit plus de 60 0/0 de
ses revenus ?
C'est d'ailleurs le seul pays du monde où
cette proportion soit aussi écrasante.
Nos grands établissements de crédit, dont
la plupart se montrent cependant peu scru-
puleux quand il s'agit de drainer l'argent
français au profit de l'étranger, connais..
sent si bien cette situation, qu'aucun d'eux
n'a voulu prendre une part directe dans
l'emprunt contracté par le gouvernement
portugais avec M. Michel Ephrussi, et qua
tous se bornent uniquement à ouvrir leurs
guichets à une souscription qui semble un
défi au bon sens public.
LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'ITALII
Le Crédit foncier italien. — Une
banque en déconfiture.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 9 avril.
Un syndicat allemand vient de se consti..
tuer pour venir en aide au crédit italien. Il
se compose des établissements suivants da
Berlin : la Deutsche Bank, la Disconto Ge-
sellschaft, la Handeis Gesellschaft et la mai-
son Bleichrœder. Ce consortium s'occupera
tout d'abord de la constitution du Crédit
foncier italien, au capital de 100 millions
de francs.
La banque Spogliardi, de Milan, vient
d'être déclarée en faillite. Le passif est de
plusieurs .millions. Cette catastrophe causa
une émotion considérable sur la place de
Milan.
CINQ Centimes -Paris et Départements - CINQ Centimes
VENDREDI 11 AVRIL 1833.
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
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PARIS
DIRECTEUR POI.ITIQUE
A. - EDOUARD PORTALIS
PRIX DE L'ABOHMHMT :
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L'AVENTURE DU DAHOMEY
f L'ÉMISSION PORTUGAISE
VQL D'UN SAC DE DÉPÊCHES
Incendie du faubourg Saint-Honoré
ASSASSINAT RUE DES COURONNES
LE MINISTÈRE
DU TRAVAIL
M. Camille Raspail vient de saisir la
Chambre d'une proposition de réso-
lution qu'il avait soumise déjà aux
délibérations de la législature précé-
dente.
Le député du Var propose la créa-
tion d'un ministère du travail. Rassu-
rez-vous, contribuables. Il ne s'agit
pas d'allonger d'une unité la liste déjà
longue des membres du gouverne-
ment. Je comprends les répugnances
que soulèverait une telle perspective.
Une excellence de plus, ce n'est pas
seulement soixante mille francs ajou-
tés au budget des dépenses.
La Fontaine disait : « Tout petit
prince a ses ambassadeurs, tout mar-
quis veut avoir des pages. » Venu
deux siècles plus tard, ce n'est ni de
marquis ni de princes qu'il aurait
parlé. Pas de ministre qui ne s'en-
toure d'un état-major, utile parfois, <
coûteux toujours : chef de cabinet,
chef-adjoint, chef du secrétariat. J'en
passe et non des moins rentés.
Puis l'eau, comme on dit, va à la
rivière. Il n'y a pas un ministère créé
qui n'éprouve le besoin de s'arrondir.
Là où un chef de bureau suffisait à
mener la tâche à bien, la nécessité
d'un chef de division se fait sentir.
Pourquoi ce ministère n'aurait-il pas,
comme celui d'en face, son lot de di-
recteurs? C'est la boule de neige. Elle
grossit en roulant. Mais elle ne fond
pas au soleil.
M. Camille Raspail n'ignore pas
plus que nous ces mœurs de la bureau-
cratie. Aussi, n'est-ce pas un douzième
ministère qu'il réclame, mais bien une
division nouvelle des services, une or-
ganisation plus rationnelle du pou-
voir exécutif.
Il lui paraîtrait convenable - de join-
dre le commerce et l'agriculture, en
confiant à un même titulaire le travail
et l'industrie. Volontiers même il fe-
rait l'économie d'un ministère, en réu-
nissant comme autrefois, dans la mê-
me main, commerce, agriculture et
travaux publics.
Ce qui le choque, non sans raison
semble-t-il, c'est que, dans une grande
république démocratique comme la
nôtre , les intérêts des travailleurs
manuels ne soient pas remis aux mains
d'un département ministériel spécial,
quand le commerce, l'industrie, les
beaux-arts ont, pour étudier et défen-
dre leurs droits, des administrations
autonomes.
M. Raspail trace d'ailleurs, par
avance et dans ses grandes lignes, le
programme des attributions qui seront
réservées au ministère nouveau. La
législation internationale du travail,
l'organisation, la réglementation du
travail, l'hygiène des ateliers, la colo-
nisation de l'Algérie et de la Tunisie,
toutes les questions qui se rattachent
au travail des villes et des campagnes
(syndicats, juridiction des prud'hom-
mes, sociétés coopératives, participa-
tion aux bénéfices) feraient l'objet de
ses préoccupations.
Surtout, avant tout, ce ministère
sera un bureau central de statistique
où viendront affluer, pour être mis à
la disposition des intéressés, tous les
renseignements utiles au monde du
travail. Qu'on ne croie point qu'une
institution de ce genre soit superflue.
Elle est appelée à rendre les plus si-
gnalés services.
- Elle permettrait à l'Etat et aux com-
munes d'entreprendre au moment op-
portun les grands travaux publics,
qui doivent de préférence être com-
mencés dans les périodes de crise, aux
heures où le chômage des industries
privées fait un devoir aux autorités de
venir par tous les moyens au secours
des honnêtes gens qui demandent à
gagner leur pain en travaillant.
Combien ce bureau de statistique
eût été appelé à rendre de services
dans les discussions parlementaires,
comme celle des lois sur les accidents,
sur les assurances, où ce qui man-
quait le plus était précisément une
statistique bien faite qui fît autorité.
Ce n'est pas, d'ailleurs, une idée
nouvelle que celle du ministère du
travail. Elle descend en ligne droite de
la conception fourriériste, reprise par
Louis Blanc lorsqu'il demandait la
création d'un ministère du progrès.
Comme touj ours, si l'idée est fran-
çaise, les applications premières en
ont été faites à l'étranger. Il y a long-
temps qu'en Suisse et en Belgique
existent des commissions du travail.
L'Angleterre a son Board of Trade.
Une loi fédérale du 37 juin 1886 a
institué à Washington, au ministère
de l'intérieur, un Bureau of Labour,
placé sous la direction de M. Carroll
D. Wright, commissaire du travail.
Le 13 juin 1888, le ministère du tra-
vail était institué aux Etats-Unis, et
M. Wright était placé à sa tête. La loi
qui le crée définit ainsi la besogne
qu'il est chargé d'accomplir : « Le dé-
partement fédéral du travail a pour
tâche de vulgariser et de rassembler
parmi les populations de l'Union toutes
les informations utiles concernant le
travail dans le sens le plus vaste du
mot, et notamment des renseigne-
ments sur le capital, les heures de
travail, les salaires des ouvriers et, en
général, sur les moyens d'améliorer
leur condition matérielle, sociale, in-
tellectuelle et morale ».
« J'espère, écrivait, il y a quelques
mois, le ministre du travail aux Etats-
Unis à notre confrère Gustave Roua-
net, j'espère que le Parlement français
établira prochainement un ministère
semblable au nôtre, de sorte que nous
pourrons alors faire une étude très
intéressante des résultats comparés
obtenus dans les deux pays. »
Souhaitons que ce vœu d'un étran-
ger, ami de la France, ne reste pas
lettre morte, et que notre République
ne demeure pas plus longtemps en ar-
rière de la République américaine et
de la monarchie anglaise.
A. Millerand.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
» Vie da Paris » par Henry Fouquier.
VOL D'UN SAC DE DÉPECHES
50,000 francs de valeurs.— Arrestation
du voleur. - Un louis dépensé.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Etienne, 9 avril.
Hier soir, en comptant ses sacs de dépê-
ches, l'entreposeur des postes de la gare de
Saint-Etienne reconnut qu'il en manquait
un.
Ne pouvant d'abord croire à un vol, il fit
prévenir le directeur du bureau central,
mais toutes les recherches furent inutiles ;
le sac avait bel et bien été enlevé, pendant
que les voyageurs étaient encore nombreux
dans la cour de l'embarcadère.
Les recherches, aussitôt commencées, ont
amené ce matin l'arreatation d'un sieur Bes-
son, employé congédié depuis peu par M.
Maza, entrepreneur du service des voitu-
res pour les postes. Besson, qui était au
courant des habitudes des convoyeurs, a
nié sur le premier moment,
Fouillé, on trouva sur lui 1,200 francs et,
dans les perquisitions faites à son domi-
cile, rue de la Montât, on découvrit le sac,
les lettres, les plis chargés déchirés, éven-
trés, 5,000 francs en billets de banque, 3,000
francs en actions des Mines de la Loire, des
valeurs de toutes sortes, des envois admi-
nistratifs, etc.
Le vol se montait à 50,000 francs au
moins. Devant l'évidence, Besson ne put
continuer à nier; il avoua à M. Bénad, chef
de la sûreté, auteur de son arrestation,
qu'il avait profité du moment où le cour-
rier convoyeur rentrait aubureau de postes
de la gare, pour soustraire le sac et l'em-
porter tranquillement chez lui.
Arrêté douze heures après le vol, Besson
n'a pas eu le temps de dépenser plus d'un
louis.
M. CARNOT A TOULON
L'escadre en Corse. — Les saluts des
flottes étrangères.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Toulon, 9 avril.
Si le temps le permet, — car, en ce mo-
ment, il règne un fort coup de vent sur la
Méditerranée, — toute l'escadre se rendra
en Corse avec le président de la Répu-
blique.
M. Carnot embarquera sur le vaisseau-
amiral le Formidable, à bord duquel seront
seuls admis M. le général Brugère, M. le
capitaine de vaisseau de Maigret, aide de
camp, et le secrétaire particulier de M. le
président de la République.
Deux navires seulement de l'escadre es-
pagnole viendront à Toulon. L'escadre amé-
ricaine étant en Grèce, il n'est pas sûr
qu'elle se rende dans nos eaux.
L'escadre italienne ne pourra pas venir à
Toulon, où elle n'est pas admise, nos vais-
seaux ne pouvant pas aller dans le port de
la Spezzia. Il n'y aurait pas réciprocité, et
nous nous exposerions naïvement à mon-
trer nos défenses de la côte et de la rade
aux Italiens. Ceux-ci salueront, au large,
le président de la République se rendant
en Corse.
LA TOURNÉE D'INSPECTION
DU MINISTRE DE LA GUERRE
Voyage retardé. — Les ministres
absents.
Le voyage d'inspection de M. le ministre
de la guerre se trouve retardé de quelques
jours par des raisons d'ordre purement ad-
ministratif.
M. de Freycinet, qui devait s'absenter
avant le départ de M. Constans pour ses
propriétés de l'Aveyron, a dû faire l'inté-
rim du ministère de l'intérieur ; présente-
ment, il remplit les mêmes fonctions à la
justice, M. Fallières étant en Gascogne.
Il semble impossible, d'autre part, que
M. le ministre de la guerre s'absente pen-
dant le voyage de M. le président de la Ré-
publique, la plupart de ses collègues devant
à cette époque se trouver hors Paris, soit
qu'ils accompagnent le chef de l'Etat, soit
qu'ils siègent dans les conseils généraux.
M. de Freycinet partirait done, selon
toute prévision, vers la fin du présent mois,
pour sa tournée d'inspection, qui compren-
drait l'Est et le Sud-Est, Lyon, Grenoble et
la frontière des Alpes.
AU DAHOMEY
DÉLÉGATION AUPRÈS DE H. ÉTIENNE
Une délégation auprès de M. Etienne
L'opinion du haut commerce
français. — Les périls de la
situation. Nécessité d'une
intervention énergique.
La question du Dahomey, à l'heure ac-
tuelle, a pris une importance toute particu-
lière, et le silence que l'on fait autour d'elle
semble ne présager rien de bon.
Aussi le public, — ou du moins une cer-
taine portion du public, celle qui, par
ses relations d'affaires et ses occupations
spéciales, est plus directement qu'aucune
autre au courant des questions coloniales,
— commence-t-il à s'émouvoir et à crain-
dre pour l'avenir.
Là est la raison pour laquelle hier matin
M. Etienne, sous-secrétaire d'Etat- aux co-
lonies, a reçu la visite d'une délégation de
la Société d'économie industrielle 0 et com-
merciale, délégation composée de M, Léon
Thorel, président, et de MM. Beraud, Kneff
et Pra, président de la chambre des négo-
ciants commissionnaires, qui est venue
l'entretenir des affaires du Dahomey et, no-
tamment, de la situation de nos nationaux
à Porto-Novo, Wyddah et Kotonou.
Nous nous sommes rendus auprès de
M. Pra, qui nous a mis au courant de l'en-
tretien que la délégation avait eu avec
M. Etienne.
Nos lecteurs verront que la thèse soute-
nue par l'honorable président de la cham-
bre des négociants commissionnaires n'est
pas celle du X/xe Siècle résolument et pru-
demment hostile à toute aventure colo-
niale ; néanmoins, il nous a paru intéres-
sant de reproduire textuellement l'opinion
exposée par un représentant du haut com-
merce français.
Les difficultés de la situation
— Notre entretien, nous a dit M. Pra, a été
fatalement fort réservé, et cela en raison
même de la situation où se trouve présen-
tement M. Etienne relativement à cette fà-
cheuse question du Dahomey.
Vous savez, en effet, que M. Etienne qui,
au début, avait la direction totale de l'af-
faire, en est aujourd'hui dépossédé au bé-
néfice du ministère de la marine, à qui elle
a été remise.
Il semble, en effet, qu'il y ait en la cir-
constance certaines questions de personna-
lité et que, à l'heure présente, on craigne
d'engager des responsabilités.
Cela est si exact qu'une expédition vi-
goureuse, et du reste très nécessaire pour
la sauvegarde de nos intérêts, avait dès le
prime abord été décidée en principe.
Même M. le lieutenant-colonel Terrillon,
à.qui le commandement en avait été con-
fié, était tout prêt à partir, quand il reçut
des dépêches lui enjoignant de demeurer
dans l'attente.
La conséquence immédiate de ce contre-
ordre est que la ville de Whydah est tou-
jours plus exposée que jamais. Des Euro-
péens, sept, je crois, y ont été enlevés par les
bandes du roi de Dahomey. Et, il ne faut
pas l'oublier, Wyddah est le point le plus
important de cette position de la côte.
L'expédition est nécessaire
Dans l'état présent de la situation en ces
contrées, il n'y a qu'une intervention bru-
tale, énergique et rapide qui puisse tout
sauver. Les bandes dahoméennes sont ac-
tuellement encore des plus mal armées ; un
petit nombre de nos soldats, remontant
dans l'intérieur sur des chaloupes canon-
nières, auraient, — toutes les personnes
connaissant bien ces contrées sont unani-
mes sur ce point, — assez facilement rai-
son de ces ennemis.
Du reste, il est permis de prévoir que
l'Angleterre,qui possède des établissements
tout voisins des nôtres et qu'il faudrait
traverser en ce cas pour remonter dans
l'intérieur, ne s'opposerait pas au passage
de notre expédition. D'ailleurs, son intérêt
est dans la circonstance absolument paral-
lèle au nôtre. S'il en était ainsi, avec 1,500
ou 2,000 hommes, en agissant vivement,
on aurait sûrement raison de l'armée du
roi de Dahomey. Si, par contre, l'on tem-
porise jusqu'à la rentrée des Chambres,
ainsi que le gouvernement, contrairement
aux déclarations faites à la Chambre par
M. Etienne lorsque la question fut portée à
la tribune, semble vouloir le faire, il
n'en sera plus de même, et ce ne sera plus
1,500 ou 3,000 hommes qu'il sera nécessaire
d'envoyer, mais bien davantage. On devra
alors organiser une véritable expédition
qui sera fatalement très coûteuse en hom-
mes et en argent.
Avantages d'une expédition
Le roi de Dahomey, en effet, a présente-
ment une police fort bien organisée ; sa-
chant que nous temporisons, il en inférera
fatalement que nous avons peur de lui et
son audace s'en accroîtra.
Or, si l'on marchait vigoureusement con-
tre lui, on se concilierait sûrement la
grande majorité des tribus qui peuplent
la contrée et qui ont à souffrir des incur-
sions et des razzias continuelles que fait
à leur détriment l'armée dahoméenne. Il
y a là des alliés tout trouvés pour nous et
qu'il serait fort impolitique de découra-
ger.
Tels sont les points sur lesquels nous
avons plus particulièrement attiré l'atten-
tion de M. Etienne.
Le commerce francais estime unanime-
ment que, dans une aventure de ce genre,
les demi-mesures sont toujours regretta-
bles, c'est-à-dire qu'il estime être néces-
saire d'en finir rapidement.
Espérons que le président du conseil,qui
semble être plus particulièrement de l'avis
de la temporisation, au moins tant que les
Chambres, aujourd'hui en vacances, n'au-
ront pu dégager sa responsabilité, com-
prendra sans retard qu'il faut de toute né-
cessité agir au plus vite et avec vigueur, et
cela même pour le plus grand intérêt du
pays.;
DÉSAVEU
La marine substituée aux colonies. -
La question du Dahomey devant le
Parlement. — Les affaires colo-
niales en désarroi.
Dès son arrivée à la présidence du con -
seil, M. de Freycinet s'est préoalfcupé de la
question du Dahomey. Il ny pas tardé à
s'apercevoir qu'elle avait été commencée et
conduite par l'administration des colonies
d'une façon déplorable.
Le premier acte du président du conseil
a été de renoncer à l'opération projetée sur
Whyddah,puis de prescrire au commandant
Fournier de bloquer la côte et de se con-
tenter de pourvoir à la garde de Porto-
Novo et de Kotonou. Enfin, il a été décidé
que la question serait soumise au Parle-
ment dès la rentrée.
Ce n'est pas tout : la direction de l'affaire
du Dahomey est passée des mains du sous-
secrétaire d'Etat aux colonies, qui l'a in-
ventée, aux mains du ministre de la marine,
qui y était resté complètement étranger
jusqu'ici.
L'agent des colonies, M. Bayol, qui avait
comploté la prise du Dahomey, est rappelé,
et le député d'Oran passe la suite de ses af-
faires à M. Barbey, qui est chargé d'étudier
les conditions dans lesquelles pourra se
faire une expédition et l'époque à laquelle
on devra l'entreprendre.
Le désaveu est complet.
Nous nous permettrons de faire remar-
quer que ce n'est pas l'affaire du Dahomey
seule qui est conduite de la façon qu'on
sait ; ce sont toutes nos affaires coloniales
qui sont dans le plus complet, le plus ab-
solu désarroi
LE CASQUE A POINTE
Les transformations dans l'armée al-
lemande. — Les casquettes des
chasseurs saxons.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 9 avril.
Je vous confirme la nouvelle de la trans-
formation, peut-être même de la suppres-
sion du casque à pointe dans l'armée alle-
mande.
Depuis 1871, l'apparence du casque n'a
que fort peu varié. En 1888 seulement la
bordure de cuivre de la visière a été sup-
primée et la jugulaire de même métal a été
remplacée par une jugulaire en cuir. C'est
à la même époque que l'armée bavaroise
adopta le casque à pointe prussien, en
remplacement du trop lourd et trop coû-
teux casque à chenille.
Le casque allemand a de grands inconvé-
nients : en rase campagne comme sous
bois, ses ornements métalliques et le bril-
lant du cuir le font distinguer de très loin;
aussi, souvent les soldats l'accrochent-ils à
la garde de leur baïonnette ; d'autres fois,
quand ils marchent sous bois, en tirail-
leurs, tandis qu'ils tiennent leur fusil d'une
main, ils doivent de l'autre se décoiffer, de
crainte d'être trop tôt aperçus de l'ennemi.
Du reste, la presse allemande est una-
nime à réclamer la transformation du cas-
que actuel, et particulièrement le bronzage
des parties métalliques.
D'autres feuilles même, comme la Milita-
rische Woche, en réclament la suppression.
Cet organe militaire conseille l'adoption de
l'affreuse casquette à double visière du ré-
giment des chasseurs saxons.
Il faut donc s'attendre à 'voir peut-être
disparaître le fameux casque à pointe et la
quantité d'ornements métalliques dont sont
parés les uniformes allemands.
LE SECOND MARIAGE DE LA VEUVE
DU PRINCE RODOLPHE.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Vienne, 9 avril,
L'empereur François-Joseph a fait deman-
der au pape son assentiment pour le mariage
religieux de l'archiduchesse Stéphanie, veuve
de l'archiduc Rodolphe, avec le cousin de ce-
lui-ci, l'archiduc François-Ferdinand, héritier
du trône impérial.
TROUBLES A VIENNE
Entre grévistes et soldats. — Violences
antisémitiques.
(D'UN CORRESPOND VNT)
Vienne, 9 avril.
Des désordres assez graves ont signalé
dans l'après-midi et la soirée d'hier, la grève
des maçons, pour recommencer ce matin
encore.
La foule des maçons sans ouvrage s'était
portée au faubourg de Neulerchenfeld.
Comme elle ne se dispersait pas, même
après qu'on eut tiré à blanc, la police dut
faire usage de l'arme blanche. Mais c'était
l'heure de la sortie des ateliers. Le nombre
des manifestants augmenta rapidement.
Des magasins tenus par des juifs furent
pillés. Dans deux établissements de bois-
son, les tonneaux furent jetés à la rue et
défoncés et le feu mis a l'alcool qui cou-
lait.
Un incendie en est résulté et une maison
a été en partie détruite.. Aux environs, tou-
tes les fenêtres sont brisées à eoups de
pierres, les tramways sont renversés ; on se
servait des pavés des rues comme projec-
tiles.
L'ordre n'a pu être rétabli que vers dix
heures du soir, à l'arrivée de deux esca-
drons de cavalerie et d'un bataillon d'in-
fanterie, qui ont pris position dans les en-
droits menacés.
Le nombre des arrestations s'est élevé à
37. Plusieurs civils et 10 agents de police
sont blessés. Chez quelques-uns les bles-
sures sont graves.
Les émeutiers ont pénétré dans un poste
occupé par les agents de police et, après
leur avoir livré un combat corps à corps,
ils ont brisé le mobilier. On voit épars de
tous côtés des papiers et les débris d'un
bureau télégraphique.
Des boutiques de marchands d'eau-de-
vie et de denrées diverses ont leurs devan-
tures détruites. Les marchandises détério-
rées gisent à terre.
On trouve çà et là les traces de commen-
cements d'incendie.
La population commerçante de ces quar-
tiers est terrifiée.
Ce matin, il y a eu une tentative de répéti-
tion des désordres. Quelques gamins ont
lancé des pierres contre la boutique d'un
marchand de vins; ils ont été aussitôt ar-
rêtés.
Les désordres présentent, comme l'année
dernière, un caractère antisémite, et l'on
entendait hier soir, de tous les côtés, le cri
de ; « Il faut voler les juifs! »
Aujourd'hui, la foule ne pousse aucun
cri. La cavalerie sillonne les rues. Le géné-
ral Schoenfeld, commandant de la place,
est resté sur les lieux une partie de la
journée.
Grâce peut-être à une pluie abondante,
les désordres n'ont pas recommencé ce soir,
comme on le craignait.
Plusieurs bataillons d'infanterie ont formé
les faisceux sur la voie publique. Des pa-
trouilles de cavalerie circulen t de tous cô-
tés. Des agents de police se tiennent dans
chaque rue.
Beaucoup de magasins, appartenant sur-
tout aux israélites, ont fermé dès cinq heu-
res du soir.
CHRONIQUE
J'ai déjà, dans ce journal même, il y a
de cela bien longtemps, bien longtemps,
parlé du goût que les jeunes écrivains de
ce temps semblaient professer pour l'im-
parfait, qu'ils emploient constamment,
même alors que le sens de la phrase sem-
ble réclamer impérieusement le passé dé-
fini ou le passé indéfini.
Vous savez que, ces jours-ci, vient de
paraître un nouvel ouvrage de M. Ed. de
Concourt, qui a pour titre : La Clairon.
Je l'ouvre, et à la troisième page — vous
voyez que je n'ai pas eu à pousser bien
avant — je trouve ce paragraphe, que je
demande la permission de citer m ex-
tenso.
M. de Goncourt vient de dire que la
petite fille qui devait plus tard devenir la
Clairon avait manifesté tout enfant une
vocation singulière pour le théâtre, mais
que sa mère, qui la destinait à la cou-
ture, refusait de céder à ce qu'elle croyait
être un simple caprice; et il ajoute :
« La petite fille dépérissait visiblement,
et sa mère, qui n'était que violente et
non foncièrement méchante, et dont
l'horreur du théâtre venait, sans mora-
lité aucune, de ses idées de peuple, de
l'appréhension pour son enfant de la
damnation éternelle, était comme tra-
vaillée au fond d'elle et comme prise de
remords de ses inhumaines sévérités.
Elle s'ouvrait à une femme d'intelligence
chez qui elle travaillait et qui venait à
bout de ses préventions. De retour à la
maison, après une scène d'attendrisse-
ment où elle redemandait à sa fille son
petit cœur d'enfant, elle lui annonçait
qu'elle consentait à son désir et la menait,
à quelques jours de là, chez la dame qui
s'était intéressée à sa vocation. La dame
faisait entendre la fillette à Deshays, ac-
teur de la Comédie-Italienne, qui était
assez content de l'audition de Claire pour
la présenter à la troupe et obtenir qu'on
lui donnât des maîtres d'écriture, de mu-
sique et de langue italienne. »
Vous avez remarqué, n'est-ce pas ? que
aans ce morceau tous les veroes sont a
l'imparfait. Reprenons, si vous voulez,
chacune de ces phrases.
'E La petite fille dépérissait visiblement,
et sa mère, qui n'était que violente, était
travaillée au fond d'elle et prise de re-
mords de ses inhumaines sévérités. »
Ici, l'imparfait est de mise. Car l'im-
parfait dans notre langue, telle au moins
qu'elle a été pratiquée jusqu'à nos jours,
remplit un double rôle. Tantôt il ex-
prime qu'une action a eu lieu, dans le
passe, en même temps qu'une autre. Ainsi:
J'étais à la maison quand vous êtes ar-
rivé. Tantôt il marque une manière d'être
qui se prolonge, pendant que d'autres
choses se passent, dont on ne parle pas.
Ainsi : La petite fille dépérissait visible-
ment. L'imparfait indique très bien que
le dépérissement continuait, tandis que
la mère refusait de se rendre ; et pendant
que ce dépérissement se poursuivait, la
mère était travaillée au fond d'elle et
prise de remords de ses inhumaines sé-
vérités.
Jusque-là donc, tout va bien. Mais M.
de Goncourt ajoute : « Elle s'ouvrait à
une femme d'intelligence chez qui elle
travaillait et qui venait à bout de ses pré-
tentions. »
Elle s'ouvrait !. elle s'ouvrait !. Pour-
quoi cet imparfait? Est-ce que c'est là
une manière d'être qui se prolonge? Non;
c'est un fait. Est-ce que c'est un fait qui
est simultané avec d'autres? Point du
tout. C'est un fait, un simple fait qui a
eu lieu et que l'auteur nous conte parce
qu'il a eu lieu et qu'il lui est nécessaire
pour son récit. Et comme ce fait est, à
l'heure où il en parle, terminé, clos, que
les conséquences ne s'en font plus sen-
tir; comme c'est un fait de narration, il
faudrait user là évidemment du prétérit
défini:
« Elle s'ouvrit à une femme d'intelli-
gence chez qui elle travaillait, et qui vint
à bout de ses préventions. »
Je garde travaillait à l'imparfait; c'est
qu'en effet elle travaillait tous les jours
chez cette personne ; son habitude était d'y
travailler ; c'était une manière d'être (état
ou action) qui se poursuivait depuis long-
temps. Mais j'écris : qui vint à bout de Ses
préventions, parce que c'est un fait pré-
cis, défini, qui a eu lieu dans le passé «
une certaine minute et qui ne s'est pas
reproduit.
Et de même j'écrirai :
a De retour à la maison, elle rede-
manda à sa fille son petit cœur d'enfant ;
elle lui annonça qu'elle consentait à son
désir, et la mena, à quelques jours de là,
chez la dame qui s'était intéressée à sa
vocation. »
Pourquoi est-ce que je garde consen-
tait? C'est que les deux actions sont si-
multanées. En même temps qu'elle an-
nonce, elle consent, et, la chose ayant lieu
dans le passé, il faut dire : elle annonça
qu'elle consentait.
Et je continuerai de même :
« La dame fit entendre la fillette à Des-
hays, acteur de la Comédie-Italienne,
qui fut assez content de l'audition pour
la présenter à la troupe. »
Vous pensez bien que si je fais ces ob-
servations, ce n'est point par pédantisme
de grammairien qui prétend régenter et
morigéner des écrivains excellents. Quel-
que opinion que l'on ait du style de M.
de Goncourt, il est évident qu'il sait sa
langue à merveille, et je n'ai pas l'imper-
tinence de lui vouloir donner des le-
çons.
Il sait ce qu'il fait, et s'il met tous les
passés de ses verbes à l'imparfait, c'est
qu'il a ses raisons ; et ces raisons doivent
être bonnes, car je vois que les meilleurs
écrivains suivent l'exemple de MM. de
Concourt, qui ont les premiers donné le
branle. Vous trouverez constamment
dans les derniers ouvrages de Daudet,sur-
tout dans les Rois en exil, l'imparfait dans
une foule de phrases où nos pères au.
raient mis, soit le prétérit indéfini, soit
le prétérit défini.
Vous en rencontrerez aussi, quoique
en moins grand nombre, chez M. Emile
Zola. Il y a là, sinon un parti-pris, au
moins une tendance.
Mais cette tendance, je ne me l'explique
pas. Quel avantage ces messieurs voient-
ils à cet emploi abusif de l'imparfait ?
Les inconvénients en sautent aux yeux.
Le premier et le plus grand, à mon avis,
c'est la répétition incessante de cetta
même sonorité ait, qui n'est déjà pas si
harmonieuse. Relisez la page de M. de
Goncourt: vous vous assurerez que cette
syllabe aiguë et lourde revient quatorze
fois en dix-huit lignes.Voyez,au contraire,
comme les sonorités que fournit le pré-
térit défini sont brèves et variées : il fit,
il vint, il annonça, il reçut, qui au plu-,
riel font : ils vinrent, ils firent, ils an-
noncèrent, ils reçurent ; tandis qu'à l'im-
parfait vous avez : il faisait et ils fai-
saient; il venait et ils venaient ; il annon-
çait et ils annonçaient: il recevait et ils?
recevaient : toujours ait et aient qui sa
prononcent de même.
Est-il bien utile de troubler l'ordre ac- !
coutumé de nos temps de verbe pour
écrire moins harmonieusement?
Je souhaiterais qu'un de ces messieurs};
— et, à leur défaut, tous les jeunes gens
qui se sont laissé séduire à cette nou-
velle mode, — nous expliquât les raisons
de son goût pour l'imparfait. Car enfin il
doit y en avoir, et je ne les soupçonna
pas.
Francisque Saroey.
LA CRISE ESPAGNOLE
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid, 9 avril. , •
Le Sénat continue la discussion de l'affaii^f
du général Daban. L'opposition réactionnaire
cherche à prolonger le débat et fait cause
commune avec le parti des généraux.
Hier, M. Elduayen a déclaré, au Sénat, que
le parti conservateur et M. Canovas étaient,
dans cette affaire, du même avis que le maré-
chaI Martinez Campos.
Le cabinet Sagasta pose la question de COD.
fiance.
L'ÉMISSIOK PORTUGAISE,
DE LA MAISON EPHRUSSI
Ce que rapporte une émission. — Utt
gouvernement aux abois.
Au moment où les journaux les plus ré
servés dans leurs appréciations, tels que la
Soleil, monarchiste, et le Temps, républicain.
modéré, annoncent comme fatale et immi-
nente une révolution en Portugal, certains:
banquiers recommandent à l'épargne fran-
çaise un nouvel emprunt du gouvernement
portugais.
M. Michel Ephrussi a passé, il y a un mois.
et demi environ, avec le gouvernement
portugais, un contrat par lequel il s'enga-
geait a lui fournir une somme de 9,000 con-
tos de rois, soit en francs 49,500,000. -:
Nous ne voulons pas examiner aujour-
d'hui ce que le gouvernement portugais
compte faire de cette somme ; nous voulons
simplement indiquer les conditions dans
lesquelles M. Michel Ephrussi présenta
cette affaire au public.
Ces A9,500,000 francs sont devenus entra
ses mains 55,129,950 francs, représentés par
136,300 obligations offertes au public ail
prix de ú36 fr. 50.
Si on déduit des /»9,500,000 francs la com-
mission de a 0/0 allouée à la maison
Ephrussi, on voit que le bénéfice qu'elle se
réserve sur l'opération n'est pas moindra
de 6,619,950 francs. !
C'est un courtage honnête.
A ce prix,M.Lphrussiauraitpus inquiéter
des garanties accompagnant ce nouvel appel
à l'épargne française, d'un gouvernement
qui a laissé en souffrance un emprunt an-
térieur et qui désigne sous le nom vagua
et élastique de travaux publics l'emploi
qu'il veut faire de ces fonds.
Si le gouvernement portugais avait voulu
réellement appliquer le montant de vefc
emprunt à des travaux publics, il aurait
spécifié la nature de ces travaux et en au-
rait affecté le produit comme première ga-
rantie de cet emprunt.
En réalité, l'emprunt n'a d'autre but que
de couvrir le déficit sans cesse grandissant
du trésor portugais.
Le gouvernement du jeune roi Carlos est
à bout de ressources. Et comment pour-
rait-il en être autrement dans un pays qui,
disposant d'un budget total de 170 millions
de francs en recettes, est contraint d'en af-
fecter 103 millions au service des arrérages
de la dette publique, soit plus de 60 0/0 de
ses revenus ?
C'est d'ailleurs le seul pays du monde où
cette proportion soit aussi écrasante.
Nos grands établissements de crédit, dont
la plupart se montrent cependant peu scru-
puleux quand il s'agit de drainer l'argent
français au profit de l'étranger, connais..
sent si bien cette situation, qu'aucun d'eux
n'a voulu prendre une part directe dans
l'emprunt contracté par le gouvernement
portugais avec M. Michel Ephrussi, et qua
tous se bornent uniquement à ouvrir leurs
guichets à une souscription qui semble un
défi au bon sens public.
LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'ITALII
Le Crédit foncier italien. — Une
banque en déconfiture.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 9 avril.
Un syndicat allemand vient de se consti..
tuer pour venir en aide au crédit italien. Il
se compose des établissements suivants da
Berlin : la Deutsche Bank, la Disconto Ge-
sellschaft, la Handeis Gesellschaft et la mai-
son Bleichrœder. Ce consortium s'occupera
tout d'abord de la constitution du Crédit
foncier italien, au capital de 100 millions
de francs.
La banque Spogliardi, de Milan, vient
d'être déclarée en faillite. Le passif est de
plusieurs .millions. Cette catastrophe causa
une émotion considérable sur la place de
Milan.
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