Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-04-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 avril 1890 10 avril 1890
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
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LES ACTES DE M. PARDON
LES PRISONNIERS DU DAHOMEY
ET L'ATTAQUE DE WHYDDAH
La grâce du duc d'Orléans
Réforme du régime des Monts-fle-Piété
LA
Date des Elections
Il avait été dit que la date des élec-
tions .municipales parisiennes serait
fixée dans le conseil des ministres
- d'hier. Le conseil s'est, en effet, oc-
cupé de. cette question, mais il n'a
pas pris de décision et il statuera
seulement demain. Bien que ce re-
tard soit motivé, assure-t-on, par
le désir qu'aurait exprimé M. Cons-
tans de prendre des renseignements
complémentaires, on laisse cepen-
dant entendre que la date dès main-
tenant la plus probable serait le 27
avril. Le second tour de scrutin
ayant lieu huit jours après, c'est-
à-dire- le h mai, tout serait ter-
miné pour la rentrée des Chambres.
Cela donnerait satisfaction à un vœu
qui a été émis dans les couloirs parle-
mentaires. Certains députés, encore
mal familiarisés avec Paris, aime-
raient mieux que l'agitation électo-
rale fût calmée lorsqu'ils rentreront.
Prudence bien exagérée.
Cette considération ne doit pe-
ser que bien faiblement sur la dé-
termination du gouvernement, et la
question, principale est de savoir s'il
vaut mieux, dans l'intérêt du parti
républicain, abréger ou allonger la
période électorale. Nous savons fort
bien qu'en invoquant ici l'intérêt du
parti républicain, nous allons déchaî-
ner les fureurs de l'opposition et
qu'elle ne manquera pas de répéter
qu'un gouvernement fidèle à son de-
voir ne devrait pas songer aux inté-
rêts d'un parti plutôt que d'un autre,
mais assurer seulement la liberté du
scrutin. On ne manquera pas de pren-
dre texte de ce mot pour renouveler
la campagne sur les cc candidatures
administratives ». Nous prévenons
d'avance ceux qui seraient disposés à
ouvrir cette polémique qu'ils déna-
tureront notre pensée. Nous sommes
aussi respectueux qu'eux de la liberté
des électeurs; nous ne croyons pas
du tout à leur invention des « can-
didatures administratives M; mais nous
estimons qu'un gouvernement, quel
qu'il soit, doit rechercher tout d'a-
bord si, sans sortir des limites de son
droit, il peut aider au succès du parti
qu'il représente et que c'est cette con-
sidération qui doit le guider avant
toute autre.
Or, si nous regardons la situation
électorale à l'heure actuelle, nous
voyons que l'opposition et le parti ré-
publicain ne sont pas dans des condi-
tions identiques. L'opposition, dont la
pensée constante est de battre en brè-
che la République, s'est préparée à la
lutte électorale municipale dès le len-
demain des élections législatives. Elle
a ses listes de candidats, elle a ses
programmes. La tâche lui est, d'ail-
leurs, assez facile. Tous les candidats,
à quelque fraction de l'opposition
qu'ils appartiennent, cherchent seule-
ment à détruire ou tout au moins à
empêcher le fonctionnement de ce qui
existe. Même lorsqu'ils sont plusieurs
à briguer un siège, ils ne luttent pas
les uns contre les autres : ils rivalisent
seulement d'ardeur, et chacun d'eux
s'efforce de prouver qu'il est un dé-
molisseur plus habile que ses concur-
rents. En dépit des divergences qui
ont paru se produire ces jours-ci,
nous disions hier qu'au jour du scru-
tin l'apaisement se ferait et que la
coalition se reformerait. Si, cepen-
dant, quelque chose peut empêcher,
dans une certaine mesure, les coalisés
de s'unir, c'est l'aigreur des discus-
sions qui se seront produites entre eux
avant le scrutin, et plus la période
électorale sera longue, plus les polé-
miques ont de chances de s'enveni-
mer, plus les désaccords qui existent
entre les partis coalisés sont exposés
à se révéler au grand jour.
Du côté des républicains, au con-
traire, l'organisation n'est guère avan-
cée. Dans une vingtaine de quartiers,
les conseillers actuels ne sollicitent
pas le renouvellement de leur man-
Õat et les candidats nouveaux n'ont
pas encore eu le temps d'entrer en re-
lations avec les électeurs. Que ce soit
négligence de la part des candidats
et de celle des comités, que le parti
républicain fasse parfois preuve d'une
imprévoyance regrettable, nous ne le
contestons pas. Mais ce n'est pas le
moment de moraliser : il faut prendre
la situation telle qu'elle est. Or, à
l'heure actuelle, il y a beaucoup de
quartiers où il n'y a encore que des
velléités de candidatures et où les co-
mités sont encore à l'état embryon-
naire. Si la date des élections est trop
rapprochée, le parti républicain com-
mencera la lutte en plein désarroi. Il
sera obligé de procéder à son orga-
nisation pendant la bataille même, et
cette méthode, qui ne vaut rien —
nous avons nos raisons pour le sa-
voir, — en manière militaire, ne vaut
pas mieux en matière électorale.
On s'est d'autant moins pressé de
songer aux élections, qu'on a toujours
pensé qu'elles se feraient dans le cou-
rant de mai. L'opposition, au con-
traire, s'est depuis longtemps imposé
cette règle d'être toujours prête. En
rapprochant l'ouverture du scrutin,
ce n'est vraisemblablement pas l'op-
position qu'on dérangerait; nous
croyons même avoir suffisamment in-
diqué qu'on - lui rendrait plutôt ser-
vice, et c'est le parti républicain qu'on
surprendrait à l'improviste. Il est donc
désirable que le gouvernement étudie
la question très attentivement, et il
nous paraît désirable que le résultat
de cette étude soit le renvoi des élec-
tions à une date plus éloignée.
Le a XIX" Siècle » publiera demain la
« Chronique » par M. Francisque Sarcey.
CONVOCATIONS D'ÉLECTEURS
Election législative en Dordogne
Les électeurs de la deuxième circonscrip-
tion de Périgueux sont convoqués pour le
A mai, à l'effet d'élire un député par suite
de l'invalidation de M. Meilhodon, réaction-
naire.
Election sénatoriale de l'Yonne
Les électeurs sénatoriaux de l'Yonne sont
convoqués pour le 25 mai, à l'effet d'élire
un sénateur en remplacement de M.
Edouard Charton, décédé. Les conseils mu-
nicipaux de ce département sont convo-
qués pour le 20 avril, à l'effet d'élire leurs
délégués sénatoriaux.
AU DAHOMEY -"'
Nos compatriotes et l'attaque
de Whyddah
Depuis la notification aux puissances
maritimes du blocus de la côte des Escla-
ves, la direction et la responsabilité des opé-
rations contre le Dahomey sont passées
entre les mains du ministre de la ma-
rine.
L'attaaue de Whyddah avait été décidée
en principe. Mais, depuis, des renseigne-
ments arrivés rue Royale ont fait savoir au
gouvernement que le jour même où Wyd-
dah serait bombardé, nos sept compatrio-
tes prisonniers de Gléglé, et qu'on suppose
être à Whyddah, auraient la tête tran-
chée.
Dans ces conditions, le gouvernement a
décidé de temporiser et d'attendre.
LA GRACE DU DUC D'ORLÉANS
Une dépêche de Paris.— Quelques mots
de réflexion. — Ce qui est vrai.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
.- Genève, 8 avril
Une dépêche de Paris à la Tribune de Ge-
nève dit qu'il « semble se confirmer que M.
Carnot signera aujourd'hui le décret gra-
ciant le duc d'Orléans. On >> suppose qu'il
sera conduit la nuit prochaine à Bricon,
où il prendra le train express de deux
heures du matin, qui le conduira à la fron-
tière suisse. Il arriverait à Porrentruy à
dix heures six minutes demain matin. On
a jugé utile de libérer le duc d'Orléans
avant que le président de la République se
mît en voyage. »
La vérité
Nous ajouterons quelques mots à cette
information :
Le correspondant de la Tribune s'est trop
hâté. Le bruit a couru, il est vrai, que le
gouvernement avait résolu de faire au duc
d'Orléans remise du restant de sa peine;
mais nous croyons savoir que si la grâce
est, en effet, décidée en principe, le minis-
tre de l'intérieur a manifesté le désir que
cette affaire fût menée avec la plus grande
discrétion et qu'il fût laissé juge du jour et
de l'heure. C'est ainsi, d'ailleurs, que les
choses s'étaient passées lors du transfert du
prince à Clairvaux.
L'exécution de cette mesure de clémence
est proche.
LA SOCIÉTÉ DES MÉTAUX
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 8 avril.
La cour du banc de la reine a condamné
aujourd'hui la Société des métaux à payer une
indemnité d'un million à la maison Gibbs,
pour avoir refusé de prendre livraison du
cuivre acheté à cette dernière.
M. DRUMONT CANDIDAT
Une prochaine réunion. - Naquet contre
Drumont.
C'est décidé ! M. Edouard Drumont a ac-
cepté la candidature pour les prochaines
élections municipales dans le quartier du
Gros-Caillou.
Une grande réunion aura lieu samedi ou
lundi prochain, au cours de laquelle M.
Drumont sera appelé à exposer son pro-
gramme.
On nous annonce d'un autre côté que
M. Naquet a l'intention de venir lui-même
combattre le candidat antisémite, et l'on
parle aussi d'une candidature nettement
sémite aui sera opposée à celle de M. Dru-
mont. "_:
M. HOEL PARDON
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Le passé d'un gouverneur. — Le pro-
tecteur des grandes compagnies
et des réactionnaires. — Suspen-
sion du directeur de Tinté*
rieur. — Rappel d'un
magistrat.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nouméa, 13 février 1890.
Le XIXe Siècle a, en son temps, signalé le
passé administratif du gouverneur actuel
de la Nouvelle-Calédonie, M Noël Pardon.
Vous avez raconté avec quelle désinvolture
ce singulier administrateur traitait les
finances de la Cochinchine et levait arbi-
trairement des contributions de guerre dont
il disposait seul, sans contrôle, par de sim-
ples chèques. Nous savions que M. Pardon
remplaçait les caisses publiques par un
compte-courant à son nom à la Hong-Kong
Bankfet que,frappant des amendes de trente
et quarante mille piastres sur les provinces
troublées, il recevait, encaissait, dépensait
ces sommes sans en rendre compte à per-
sonne.
Nous n'ignorions pas que c'est M. Pardon
qui concédait à un Chinois la ferme des
jeux de la Cochinchine et faisait revivre,
sous le nom de « Bourses de commerce »,
des lieux de débauche et des tripots, coupe-
gorge et lupanars, que notre délégué au
conseil supérieur fit fermer.
Nous n'avons, pas oublié davantage que
c'est M. Pardon qui, pour gagner quelques
centaines de francs sur son traitement, a
bouleversé la comptabilité de la Cochin-
chine en traduisant le budget en francs au
lieu de le laisser en piastres, ce qui pro-
duisait une augmentation de vingt pour
cent dans les charges des contribuables.
Aussi n'est-ce pas sans une certaine
crainte que nous avons vu arriver en Nou-
velle-Calédonie, qui a connu les Olry, les
Courbet, les Pallu de la Barrière, les Nouet,
un gouverneur jouissant d'une réputation
qui ne ressemblait que de très loin à celle
de ses prédécesseurs.
Les griefs
Nos craintes, hélas ! n'étaient que trop
fondées. Notre gouverneur, dès son arrivée,
est devenu l'allié des réactionnaires et des
grandes compagnies. Pendant les élections
au conseil général, il a soutenu, quasi ou-
vertement, le chef reconnu des cléricaux,
l'adversaire du gouvernement républi-
cain.
Tous les fonctionnaires de la colonie
tremblent d'être sous les ordres d'un po-
tentat qui se livre aux fantaisies les plus
extraordinaires. C'est ainsi que nous avons
vu M. Pardon mettre pendant un mois aux
arrêts un médecin en chef de la marine
universellement estimé, dont le seul tort
était de ne pas plier assez docilement l'é-
chine devant notre haut et puissant sei-
gneur.
Cein'est pas tout : le gouverneur M. Par-
don a suspendu de ses fonctions M. Faw-
tier, directeur de l'intérieur. M. Fawtier
doit sa suspension à plusieurs causes ; la
principale est son refus d'aider le gouver-
neur dans ses actes de pression officielle
aux dernières élections au conseil général
en faveur des partisans et des agents
de ce que nous appelons ici « les grandes
compagnies ». M. Fawtier a aussi, depuis
son arrivée dans la colonie, pris la défense
de l'élément libre contre là pénitentiaire,
ce qui ne paraît pas du tout être agréable
à notre gouverneur.
Pour tous ceux qui ne sont pas familiers
avec notre politique locale, il peut sembler
étrange que l'immense majorité de la po-
pulation soit si complètement opposée aux
« grandes compagnies", alors qu'on peut
supposer qu'elles sont pour la colonie une
grande source de revenus. Malheureuse-
ment, c'est le contraire qui est vrai. Les so-
ciétés « le Nickel", « les Mines du Nord",
« la Société générale des Mines », dans les-
quelles les Rosthchild sont largement inté-
ressés, ont non seulement obtenu par des
faveurs spéciales le travail des forçats pres-
que sans limite, mais elles évitent l'impôt.
Nous voyons nos minerais exportés en
grande quantité sans qu'il en rentre un
sou dans les caisses de la colonie 1
Je n'en ai pas fini avec les actes d'auto-
rité de M. Pardon. Tout dernièrement, un
magistrat du tribunal supérieur de Nou-
méa, des plus estimés et des plus capables,
était remis à la disposition du ministre,
avec ordre de partir par le plus prochain
paquebot, sans qu'on sache exactement
pour quel motif. Probablement, sans au-
cun doute, parce que le magistrat dont
nous parlons ne trouvait pas que l'admi-
nistration de M. Pardon fût la meilleure
pour la colonie.
Vous voyez par les détails que je vous
donne si on souhaite en Nouvelle-Calédo-
nie le départ de ce fonctionnaire ! Ce sera
un véritable soulagement pour la co-
lonie.
L'OUVERTURE DU REICHSTAG
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 8 avril.
Le Moniteur de l'Empire publie un ordre de
cabinet de l'empereur convoquant le Parle-
ment allemand pour le 6 mai prochain.
RÉFORMES EN PORTUGAL
Décrets extra-constitutionnels.
L'instruction publique. — La
liberté de la presse.
(D'UN CORRESPONDANT)
Lisbonne, 8 avril.
Une série de décrets, rendus par le roi,
sur sa propre initiative et sans consultation
préalable des Cortès, et publiés au journal
officiel, produisent une grande sensation à
Lisbonne.
Par un décret-qui comprend seize arti-
cles, le régime de la presse est modifié,
quoiqu'on proclame en principe sa liberté
absolue.
Le droit de réunion et d'asssociation est
également modifié ; l'intervention de l'au-
'torité dans les représentations théâtrales
où se produiraient des attaques contre les
institutions ou les personnes est réglemen-
tée par un autre décret.
Les fonctions de ministre sont déclarées
incompatibles avec cetles de directeur ou
d'administrateur de compagnies finan-
cières.
Enfin, un décret autorise le gouverne-
ment à procéder à la réorganisation judi-
ciaire, à l'amélioration de la situation des
magistrats, à la création de tribunaux de
commerce dans tous les ressorts judiciaires
du pays.
Le journal officiel publie, en outre, un
décret qui crée un nouveau ministère, ce-
lui de l'instruction publique, qui, dit l'ex-
posé des motifs, laisse beaucoup à désirer
en Portugal.
M. Arroyo est nommé titulaire de ce por-
tefeuille; il est remplacé au ministère de la
marine par M. Jules Vilhenra.
Les journaux de l'opposition Drotestent
vivement contre ces décrets, en les quali-
fiant de dictatoriaux. Ils disent que le dé-
cret qui supprime le jury pour les délits de
presse est un véritable coup d'Etat. Ils con-
sidèrent la conduite du gouvernement por-
tugais comme très grave, alors que l'ou-
verture des Chambres doit avoir lieu dans
douze jours.
TEMPÊTE ANNONCÉE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
New-York, 8 avril.
La tempête que nous avons eue ces jours der-
niers arrivera aujourd'hui sur les cotes d'Eu-
rope.
mmmm4
LE CONGRÈS OUVRIER D'OLTEN
La question des assurances ouvrières
en Suisse
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 8 avril.
Le congrès des ouvriers suisses a tenu
hier à Olten (canton de Soleure) son uni*
que séance. Le nombre des délégués pré-
sents était de M7.
L'assemblée a élu pour son président M.
Scherer, président de la commission du
Grutli, et pour vice-président le député
catholique Decurtins.
M. le conseiller national Curti a exposé la
question des assurances contre les acci-
dents; il en revendique le caractère obli-
gatoire et officiel.
Cette assurance doit être organisée par
la Confédération et dirigée par un office
central fédéral.
Il estime que la Confédération devra sub-
ventionner très largement la caisse des as-
surances. c-
Pour se procurer les ressources nécessai-
res, elle devra instituer le monopole des
billets de banque et le monopole des ta-
bacs.
M. Grenlich, secrétaire du congrès, a dé-
veloppé la question de l'assurance contre
la maladie. Il a appuyé sur la libre organi-
sation et la libre administration de ces
caisses et le groupement par professions.
Par contre, il veut des médecins officiels,
ainsi que le paiement des frais de pharma-
cie et d'hôpital par la Confédération, ce
qu'il estime à 7 millions annuels de contri-
bution fédérale.
M. Decurtins a fait son rapport sur l'ex-
tension à donner à la loi des fabriques. Il
conclut à la limitation de la journée de
travail à dix heures. Cette proposition a été
adoptée par le congrès, dont la clôture a
ensuite été votée.
MORT DU BANQUIER MORGAN
Souvenirs de 1870.- L'emprunt de la
Défense nationale. — La France et
les Rothschild.
On nous télégraphie de Monaco :
M. Morgan, banquier anglo-américain,
connu par l'emprunt qui porte son nom,
est mort cette nuit à la villa Henriette
(Monte-Carlo), des suites d'un accident de
voiture survenu jeudi.
M. Morgan était âgé de soixante-dix-huit
ans.
Il était chef de la maison J. Morgan and Co
de Londres, avec laquelle Clément Laurier,
mandataire de la délégation de Tours, con-
tracta, à la date du M octobre 1870, un em-
prunt de 350 millions nominaux, dit de la
Défense nationale, à 6 0/0, remboursable en
trente ans, mais converti en 5 0/0 et con-
fondu avec la rente consolidée ordinaire,
en vertu d'une loi du 31 mai 1875.
La maison Morgan était alors une ban-
que de second ordre, et l'on attaqua beau-
coup, à propos de ce choix, M. Laurier, dont
la justification était dans ce fait que la mai-
son Rothschild de Londres avait refusé de
soutenir le crédit de la France à ce moment
critique.
Un fait peu connu, bien qu'historique-
ment attesté, c'est que M. Laurier, durant
sa mission en Angleterre, avait avec lui,
comme secrétaire, un espion allemand qui
transmettait au quartier général prussien
la correspondance de Laurier avec Gam-
betta, et, en général, les renseignements
sur lesquels il pouvait mettre la main. La
chose est racontée sans ambages, et le nom
est donné dans les mémoires de Maurice
Busch sur M. de Bismarck et la guerre.
LE BANQUET DE NAPLES
Discours préparé par M. Magliani. —
Le renversement du cabinet Crispi.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 8 avril.
Il résulte d'un entretien que je viens
d'avoir avec M. Nicotera, un des membres
du triumvirat, qu'au banquet de Naples,
M. Magliani prendra seul la parole. Dans
son discours, il examinera les conditions
économiques du pays et indiquera les re-
mèdes pour mettre fin à la criàe.
Il ne formulera aucune critique person-
nelle contre M. Crispi, mais jettera les bases
de toute une nouvelle politique au point
de vue de l'économie dans les finances de
l'Etat. Il s'élèvera contre l'établissement de
tout impôt nouveau.
M. Nicotera a déclaré que des sous-comi-
tés allaient être créés dans toutes les villes
d'Italie ; mais les cléricaux en seront abso-
lument exclus : on veut renverser le cabi-
net sans leur appui.
Il a dit que la date du banquet n'était
pas encore arrêtée définitivement. Il croit
qu'il ne pourra pas avoir lieu avant le
SO avril. Cinq cents convives y prendront
part,
LA CONFÉRENCE DE MADRID
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid 8 avril.
Un banquet aura lieu demain mercredi à
l'ambassade de France, en l'honneur des délé-
gués français à la conférence internationale.
Les délégués espagnols, M. Moret, président
de la conférence, ainsi que les ministres des
affaires étrangères et des travaux publics sont
invités.
LA VIE DE PARIS
J'ai quelquefois raillé la statistique,
cette science complaisante à qui les éco-
nomistes, par exemple, font souvent dire
tout ce qu'ils veulent. Mais, néanmoins,
on ne peut nier que la statistique n'ait
du bon, ne nous apprenne souvent beau-
coup de choses, quand on ne se fie pas
uniquement à ses chiffres et que, pour
avoir un avis sur une question, on re-
garde d'autres faces que celle qu'ils nous
montrent, avec une rigueur quelquefois
toute d'apparence. Ces réserves faites, j'ai
lu avec intérêt la statistique publiée par
un journal, nous donnant le mouvement
d'entrée et de sortie d'un asile de nuit de
Paris pendant un mois, avec la nationa-
lité et les professions des malheureux qui
ont dû recourir à cette triste hospi-
talité.
En un mois, il s'est présenté à l'asile de
nuit de la rue du Château-des-Rentiers—
un asile rue du Château-des-Rentiers,
quelle ironie! — dix-sept cent soixante
personnes sans abri. Là-dessus, il n'y a
guère qu'une cinquantaine d'étrangers,
Allemands, Belges et Suisses. Les Belges
«t les Suisses sont en majorité, tout sim-
plement, je crois, parce qu'ils savent no-
tre langue, ce qui fait qu'ils se risquent à
Paris, avec l'espoir d'y trouver du travail.
Un seul .Anglais est venu à l'asile. Les
misérables anglais, en effet, ne peuvent
quitter leurs tanières de Londres, où ils
vivent, me disait un Londonien, des exis-
tences entières s tier. L'Anglais qui s'aventure à l'étranger
ne le fait pas sans ressources.
Au point de vue des professions, cette
statistique nous cause des surprises. La
majorité des ci sans domicile » est com-
posée de journaliers et de forgerons, puis
viennent les cuisiniers et garçons d'hôtel.
Peu de paysans. Le terrien ne s'embarque
pas sans savoir où il va. On trouve, en
proportion respectable, des comptables et
des employés de commerce. Deux clercs
d'huissier seulement ont été recueillis.
C'est bien peu. On rencontre quatre am-
bulants, marchands et chanteurs des
rues, alors qu'on pourrait croire ces irré-
guliers bien plus exposés à la détresse
suprême que des ouvriers d'un corps
d'état. Deux philosophes sont venus
échouer là, et un seul artiste dramatique.
Cependant, il y a de noires misères chez
les artistes. Mais on sait cru'il v a entre
eux un vif sentiment de solidarité : ils
s'aident beaucoup. Je vois avec plaisir
qu'on ne trouve pas d'hommes de lettres
dans l'asile, ce qui m'est agréable pour la
corporation, tout en me mettant en dé-
fiance contre les prétendus journalistes
qui, de temps en temps, viennent me re-
lancer, en me disant tout justement qu'ils
sortent de l'asile de nuit!
Ce chiffre de dix-sept cents malheu-
reux allant demander, en un mois, une
planche pour dormir et une soupe pour
ne pas mourir de faim, est un chiffre at-
tristant, car il ne nous est donné que
pour un seul asile, et il ne peut être con-
sidéré que comme indiquant très approxi-
mativement le nombre des désespérés de
la ville. C'est* un grand bonheur que la
récente institution des asiles de nuit ait
réussi, et c'est un sujet de graves ré-
flexions que cette institution soit néces-
saire et que les maisons d'hospitalité,
quoique multipliées par la charité publi-
que et privée, soient notoirement insuf-
fisantes. Dans ces maisons on demande
des papiers et on surveille les arrivants.
De plus, on n'y reçoit pas les malades,
dirigés sur les hôpitaux. Ce sont donc de
braves gens, ayant la bonne volonté de
travailler, ayant pour la plupart des
métiers et, quelques-uns, des métiers de-
mandant de l'instruction — on a noté
trente-deux typographes et correcteurs ;
et cependant, ayant épuisé toutes les
ressources qu'ils pouvaient avoir, toutes
les économies du passé, tout le crédit
qu'ils pouvaient se créer, ils ont été aux
limites dernières de la misère. Ces
hommes, ces concitoyens, au milieu de
notre civilisation, sont semblables à l'ani-
mal errant et dépaysé qui ne sait où
trouver abri et nourriture. C'est une
chose effroyable à constater ! Et ce qui
me frappe surtout dans cette constata-
tion, c'est le courage que montrent ces
malheureux à rester honnêtes, à ne nas
devenir des révoltés, alors surtout que,
dans nos idées, il s'attache je ne sais
quelle honte à recevoir les secours de la
charité publique. En quoi nous ne va-
lons peut-être pas les anciens, qui ne
rougissaient pas de la pauvreté. .1
Aussi je trouve nos lois bien sévères,
particulièrement nos lois de police correc-
tionnelle, qui sont terribles pour certains
attentats à la propriété. Le pauvre diable
qui vole pour manger est souvent plus
durement traité que l'escroc qui a ruiné
des gens pour mener la grande vie. Il se
peut que la conservation sociale exige ces
sévérités. Elles paraissent toujours exces-
sives au regard d'une justice plus philo-
sophique que celle des tribunaux, et
c'est pour s'approcher de cette justice que
j'incline, malgré les inconvénients du ju-
ry, vers le jury correctionnel, auquel je
préférerais de beaucoup un juge unique,
irresponsable, pouvant même juger en
équité, - - comme -- le -juge - anglais. Le jury
pourra peut-être, en certains cas, atté-
nuer la répression vis-à-vis de pauvres
diables. Car enfin, quoique je ne sois ni
socialiste ni révolutionnaire, je me de-
mande ce qu'on peut objecter à l'homme
qui offre son travail, n'en trouve pas le
placement et meurt de faim? Je voudrais
bien y voir ceux qui le condamnent. S'il
y a chez nous beaucoup de charité, il y a
aussi d'incroyables duretés. En certains
cas, le volé est plus criminel à mes yeux
que le voleur. Certains refus d'assistance
sont chose pire que le détournement
"un obiet de première nécessité et de va-
leur médiocre. En tout cas, une grande
civilisation, qu'on la considère comme
chrétienne ou comme démocratique, ne
devrait connaître d'autres misérables que
ceux qui ne veulent pas travailler. Je n'ai
jamais compris la loi contre la mendicité
et le vagabondage sans le work-house.
D'ailleurs, le temps est peut-être proche
où les problèmes sociaux, arrachés aux
politiciens, seront résolus par des hom-
mes pratiques, qui ne songeront ni à ex.
périmenter des systèmes ni à exploiter
des passions, mais qui auront assez de
loisirs dans le gouvernement d'un pays
apaisé et uni pour penser à supprimer
non l'inégalité des conditions — ce qui
est une utopie et une injustice — mais la
misère sous sa forme aiguë, celle où man-
quent le lit et le morceau de pain que
donne l'asile.
Henry Fouquier.
LE CLERGÉ HOSTILE A SARAH
BERNHARDT -
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 8 avril.
Le cierge catholique fait une campagne con-
tre Sarah Bernhardt et engage ses fidèles à
s'abstenir d'assister à ses prochaines repré-
sentations à Londres, parce qu'elle a eu l'au.
dace de personnifier la Vierge.
LE ROBINSON
ET LA
BANQUE RUSSE ET FRANÇAISE
Fondation de la Société. — Pufflsme. -—3
Morcellement des actions. — A la
recherche de souscripteurs.
Nous avons vu, dans notre numéro du
2 avril, dans quelles conditions s'est cons-,
tituee et a vécu la Banque russe et française J
puisque c'est ainsi qu'elle s'intitule, san
avoir jamais fait une affaire ni russe DI
française.
Il nous reste à examiner les quelques af
faires exotiques qu'elle a lancées, sur la
marché de Paris.
Nous commencerons par le RobinsortJ
cette étrange valeur émise à 1 h0 francs
pour tomber, trois mois après, à 70 francs.
malgré l'appui soutenu que n'a cessé de),:
lui donner le Petit Journal.
La mine. d'or Robinson, primitivement
dénommée Tartar, est située à l'est de la
République du Transvaal, dans la région,
dite de Witwatersrandt.
En 1887 fut créée à Londres une société
pour l'exploitation de cette mine, sous la
patronage de la maison Porgès. -
Le capital primitif était de 1,33A,375 fr:¡
divisé en 53,375 actions de 35 francs..
Les promoteurs de l'affaire recurent pouÀ
leurs apports 33,375 actions, de sorte qua
30,000 actions, représentant 750,000 fr. seu"¡
lement furent offertes au public. "T\
• Ça ne prend pas
Le titre était léger. Néanmoins, les sous-
cripteurs anglais ne répondirent point, otij
tout au moins répondirent fort peu à l'ap..¡
pel qui leur était fait. &
On connaît, en effet, parfaitement à Lon.
dres toutes ces nombreuses mines dæ
Transvaal, bonnes aujourd'hui, mauvaises^
demain, parce que le filon a subitement
disparu ou s'est rapidement épuisé, maiw,,
dont la plupart, en tout cas, laissent fort &
désirer. • t.
Néanmoins, au moment de rémission.
l'entreprise était bonne, bonne s'enten
pour le capital restreint dont disposait Isr
société. ,
Mais les promoteurs de l'affaire ne voiti
laient point en faire leur chose et garder les;
titres en portefeuille. Il fallait à toute fomq
en faire de bon argent sonnant, car la po.
che du public sera toujours la plus rich
de toutes les mines d'or. SW
Et voici ce qu'on imagina :
A l'aide des premiers résultats, on fit vi",
goureusement mousser la valeur sur la
marché anglais. On la fit monter jusq* u'à"■
1,500 fr. - ;"
On aurait pu laporter plus haut impuné-v
ment, à 3 ou 3,000fr. par exemple,puisque.
les actions étant presque toutes restées en-
tre les mains des fondateurs, personne nq
pouvait en vendre. Nous devons donc eni
core leur savoir gré de leur modéra-
tion.
Mais pas plus à 1,500 fr. qu'à 35, les An..
glais ne consentirent à mettre en porte-
feuille cette valeur douteuse. 1
Consolidation du jeu de Bourse
Pour conserver le bénéfice acquis par coi
petit coup de Bourse on eut recours à un
procédé vraiment étonnant.
Dans le courant de 1889,on décida de con.
solider les cours en divisant chaque action
primitive en 10 actions de 5 livres sterling
ou 135 fr.
Ce qui veut dire que 2 fr. 50, le dixièmg
de 25, étaient devenus 125 fr. t
Et du jour au lendemain la compagnie de
Robinson fut portée au capital de 68 mil-
lions 750 mille francs, représentés part
550,000 actions de 125 fr. chacune.
Les actionnaires primitifs, les seuls fon:
dateurs probablement, reçurent 10 actions
de 135 fr. pour une action de 35, soit 533,750
actions de 135 fr. pour leurs 53,375 actions
de 35 f., quelque chose comme plus de 6ti
millions pour leur première mise de 750,00(1
francs, apport déduit, car l'apport n'avait
certainement pas coûté cher.
C'était joli. Mais c'était toujours du pa-
pier, et pour que l'opération fût utile, iï
était nécessaire d'échanger ces titres con..,
tre de bonnes pièces de monnaie.
Chercher ce placement en Angleterre
était impossible, car, indépendamment du
succès négatif remporté jusque-là par cetta
affaire, il faut savoir qu'il existe à Londres
138 sociétés de mines d'or du Sud de l'A- :
frique avec un capital global de. plus de 617-:
millions de francs et que la production toi
tale de l'or en Afrique atteint à peine si
millions (statistique officielle).
Cela ne représente donc pas un pour cent
du capital nominal. ';
Les gogos français
On songea un instant à s'adresser à Ber-
lin. Mais là aussi, le public n'ayant pas la
prétention d'acheter chat en poche, il étaif
inutile d'essayer.
C'est alors qu'on se décida pour Paris e6
que l'on ouvrit des négociations avec un
certain nombre de nos grands établisse
ments de crédit pour arriver au placement
sur le marché de Paris du plus grand nom
bre possible de ces 53A,000 actions.
Cependant, malgré la facilité avec laZ
aueJJe certains d'entre eux donnent leug
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LES ACTES DE M. PARDON
LES PRISONNIERS DU DAHOMEY
ET L'ATTAQUE DE WHYDDAH
La grâce du duc d'Orléans
Réforme du régime des Monts-fle-Piété
LA
Date des Elections
Il avait été dit que la date des élec-
tions .municipales parisiennes serait
fixée dans le conseil des ministres
- d'hier. Le conseil s'est, en effet, oc-
cupé de. cette question, mais il n'a
pas pris de décision et il statuera
seulement demain. Bien que ce re-
tard soit motivé, assure-t-on, par
le désir qu'aurait exprimé M. Cons-
tans de prendre des renseignements
complémentaires, on laisse cepen-
dant entendre que la date dès main-
tenant la plus probable serait le 27
avril. Le second tour de scrutin
ayant lieu huit jours après, c'est-
à-dire- le h mai, tout serait ter-
miné pour la rentrée des Chambres.
Cela donnerait satisfaction à un vœu
qui a été émis dans les couloirs parle-
mentaires. Certains députés, encore
mal familiarisés avec Paris, aime-
raient mieux que l'agitation électo-
rale fût calmée lorsqu'ils rentreront.
Prudence bien exagérée.
Cette considération ne doit pe-
ser que bien faiblement sur la dé-
termination du gouvernement, et la
question, principale est de savoir s'il
vaut mieux, dans l'intérêt du parti
républicain, abréger ou allonger la
période électorale. Nous savons fort
bien qu'en invoquant ici l'intérêt du
parti républicain, nous allons déchaî-
ner les fureurs de l'opposition et
qu'elle ne manquera pas de répéter
qu'un gouvernement fidèle à son de-
voir ne devrait pas songer aux inté-
rêts d'un parti plutôt que d'un autre,
mais assurer seulement la liberté du
scrutin. On ne manquera pas de pren-
dre texte de ce mot pour renouveler
la campagne sur les cc candidatures
administratives ». Nous prévenons
d'avance ceux qui seraient disposés à
ouvrir cette polémique qu'ils déna-
tureront notre pensée. Nous sommes
aussi respectueux qu'eux de la liberté
des électeurs; nous ne croyons pas
du tout à leur invention des « can-
didatures administratives M; mais nous
estimons qu'un gouvernement, quel
qu'il soit, doit rechercher tout d'a-
bord si, sans sortir des limites de son
droit, il peut aider au succès du parti
qu'il représente et que c'est cette con-
sidération qui doit le guider avant
toute autre.
Or, si nous regardons la situation
électorale à l'heure actuelle, nous
voyons que l'opposition et le parti ré-
publicain ne sont pas dans des condi-
tions identiques. L'opposition, dont la
pensée constante est de battre en brè-
che la République, s'est préparée à la
lutte électorale municipale dès le len-
demain des élections législatives. Elle
a ses listes de candidats, elle a ses
programmes. La tâche lui est, d'ail-
leurs, assez facile. Tous les candidats,
à quelque fraction de l'opposition
qu'ils appartiennent, cherchent seule-
ment à détruire ou tout au moins à
empêcher le fonctionnement de ce qui
existe. Même lorsqu'ils sont plusieurs
à briguer un siège, ils ne luttent pas
les uns contre les autres : ils rivalisent
seulement d'ardeur, et chacun d'eux
s'efforce de prouver qu'il est un dé-
molisseur plus habile que ses concur-
rents. En dépit des divergences qui
ont paru se produire ces jours-ci,
nous disions hier qu'au jour du scru-
tin l'apaisement se ferait et que la
coalition se reformerait. Si, cepen-
dant, quelque chose peut empêcher,
dans une certaine mesure, les coalisés
de s'unir, c'est l'aigreur des discus-
sions qui se seront produites entre eux
avant le scrutin, et plus la période
électorale sera longue, plus les polé-
miques ont de chances de s'enveni-
mer, plus les désaccords qui existent
entre les partis coalisés sont exposés
à se révéler au grand jour.
Du côté des républicains, au con-
traire, l'organisation n'est guère avan-
cée. Dans une vingtaine de quartiers,
les conseillers actuels ne sollicitent
pas le renouvellement de leur man-
Õat et les candidats nouveaux n'ont
pas encore eu le temps d'entrer en re-
lations avec les électeurs. Que ce soit
négligence de la part des candidats
et de celle des comités, que le parti
républicain fasse parfois preuve d'une
imprévoyance regrettable, nous ne le
contestons pas. Mais ce n'est pas le
moment de moraliser : il faut prendre
la situation telle qu'elle est. Or, à
l'heure actuelle, il y a beaucoup de
quartiers où il n'y a encore que des
velléités de candidatures et où les co-
mités sont encore à l'état embryon-
naire. Si la date des élections est trop
rapprochée, le parti républicain com-
mencera la lutte en plein désarroi. Il
sera obligé de procéder à son orga-
nisation pendant la bataille même, et
cette méthode, qui ne vaut rien —
nous avons nos raisons pour le sa-
voir, — en manière militaire, ne vaut
pas mieux en matière électorale.
On s'est d'autant moins pressé de
songer aux élections, qu'on a toujours
pensé qu'elles se feraient dans le cou-
rant de mai. L'opposition, au con-
traire, s'est depuis longtemps imposé
cette règle d'être toujours prête. En
rapprochant l'ouverture du scrutin,
ce n'est vraisemblablement pas l'op-
position qu'on dérangerait; nous
croyons même avoir suffisamment in-
diqué qu'on - lui rendrait plutôt ser-
vice, et c'est le parti républicain qu'on
surprendrait à l'improviste. Il est donc
désirable que le gouvernement étudie
la question très attentivement, et il
nous paraît désirable que le résultat
de cette étude soit le renvoi des élec-
tions à une date plus éloignée.
Le a XIX" Siècle » publiera demain la
« Chronique » par M. Francisque Sarcey.
CONVOCATIONS D'ÉLECTEURS
Election législative en Dordogne
Les électeurs de la deuxième circonscrip-
tion de Périgueux sont convoqués pour le
A mai, à l'effet d'élire un député par suite
de l'invalidation de M. Meilhodon, réaction-
naire.
Election sénatoriale de l'Yonne
Les électeurs sénatoriaux de l'Yonne sont
convoqués pour le 25 mai, à l'effet d'élire
un sénateur en remplacement de M.
Edouard Charton, décédé. Les conseils mu-
nicipaux de ce département sont convo-
qués pour le 20 avril, à l'effet d'élire leurs
délégués sénatoriaux.
AU DAHOMEY -"'
Nos compatriotes et l'attaque
de Whyddah
Depuis la notification aux puissances
maritimes du blocus de la côte des Escla-
ves, la direction et la responsabilité des opé-
rations contre le Dahomey sont passées
entre les mains du ministre de la ma-
rine.
L'attaaue de Whyddah avait été décidée
en principe. Mais, depuis, des renseigne-
ments arrivés rue Royale ont fait savoir au
gouvernement que le jour même où Wyd-
dah serait bombardé, nos sept compatrio-
tes prisonniers de Gléglé, et qu'on suppose
être à Whyddah, auraient la tête tran-
chée.
Dans ces conditions, le gouvernement a
décidé de temporiser et d'attendre.
LA GRACE DU DUC D'ORLÉANS
Une dépêche de Paris.— Quelques mots
de réflexion. — Ce qui est vrai.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
.- Genève, 8 avril
Une dépêche de Paris à la Tribune de Ge-
nève dit qu'il « semble se confirmer que M.
Carnot signera aujourd'hui le décret gra-
ciant le duc d'Orléans. On >> suppose qu'il
sera conduit la nuit prochaine à Bricon,
où il prendra le train express de deux
heures du matin, qui le conduira à la fron-
tière suisse. Il arriverait à Porrentruy à
dix heures six minutes demain matin. On
a jugé utile de libérer le duc d'Orléans
avant que le président de la République se
mît en voyage. »
La vérité
Nous ajouterons quelques mots à cette
information :
Le correspondant de la Tribune s'est trop
hâté. Le bruit a couru, il est vrai, que le
gouvernement avait résolu de faire au duc
d'Orléans remise du restant de sa peine;
mais nous croyons savoir que si la grâce
est, en effet, décidée en principe, le minis-
tre de l'intérieur a manifesté le désir que
cette affaire fût menée avec la plus grande
discrétion et qu'il fût laissé juge du jour et
de l'heure. C'est ainsi, d'ailleurs, que les
choses s'étaient passées lors du transfert du
prince à Clairvaux.
L'exécution de cette mesure de clémence
est proche.
LA SOCIÉTÉ DES MÉTAUX
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 8 avril.
La cour du banc de la reine a condamné
aujourd'hui la Société des métaux à payer une
indemnité d'un million à la maison Gibbs,
pour avoir refusé de prendre livraison du
cuivre acheté à cette dernière.
M. DRUMONT CANDIDAT
Une prochaine réunion. - Naquet contre
Drumont.
C'est décidé ! M. Edouard Drumont a ac-
cepté la candidature pour les prochaines
élections municipales dans le quartier du
Gros-Caillou.
Une grande réunion aura lieu samedi ou
lundi prochain, au cours de laquelle M.
Drumont sera appelé à exposer son pro-
gramme.
On nous annonce d'un autre côté que
M. Naquet a l'intention de venir lui-même
combattre le candidat antisémite, et l'on
parle aussi d'une candidature nettement
sémite aui sera opposée à celle de M. Dru-
mont. "_:
M. HOEL PARDON
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Le passé d'un gouverneur. — Le pro-
tecteur des grandes compagnies
et des réactionnaires. — Suspen-
sion du directeur de Tinté*
rieur. — Rappel d'un
magistrat.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nouméa, 13 février 1890.
Le XIXe Siècle a, en son temps, signalé le
passé administratif du gouverneur actuel
de la Nouvelle-Calédonie, M Noël Pardon.
Vous avez raconté avec quelle désinvolture
ce singulier administrateur traitait les
finances de la Cochinchine et levait arbi-
trairement des contributions de guerre dont
il disposait seul, sans contrôle, par de sim-
ples chèques. Nous savions que M. Pardon
remplaçait les caisses publiques par un
compte-courant à son nom à la Hong-Kong
Bankfet que,frappant des amendes de trente
et quarante mille piastres sur les provinces
troublées, il recevait, encaissait, dépensait
ces sommes sans en rendre compte à per-
sonne.
Nous n'ignorions pas que c'est M. Pardon
qui concédait à un Chinois la ferme des
jeux de la Cochinchine et faisait revivre,
sous le nom de « Bourses de commerce »,
des lieux de débauche et des tripots, coupe-
gorge et lupanars, que notre délégué au
conseil supérieur fit fermer.
Nous n'avons, pas oublié davantage que
c'est M. Pardon qui, pour gagner quelques
centaines de francs sur son traitement, a
bouleversé la comptabilité de la Cochin-
chine en traduisant le budget en francs au
lieu de le laisser en piastres, ce qui pro-
duisait une augmentation de vingt pour
cent dans les charges des contribuables.
Aussi n'est-ce pas sans une certaine
crainte que nous avons vu arriver en Nou-
velle-Calédonie, qui a connu les Olry, les
Courbet, les Pallu de la Barrière, les Nouet,
un gouverneur jouissant d'une réputation
qui ne ressemblait que de très loin à celle
de ses prédécesseurs.
Les griefs
Nos craintes, hélas ! n'étaient que trop
fondées. Notre gouverneur, dès son arrivée,
est devenu l'allié des réactionnaires et des
grandes compagnies. Pendant les élections
au conseil général, il a soutenu, quasi ou-
vertement, le chef reconnu des cléricaux,
l'adversaire du gouvernement républi-
cain.
Tous les fonctionnaires de la colonie
tremblent d'être sous les ordres d'un po-
tentat qui se livre aux fantaisies les plus
extraordinaires. C'est ainsi que nous avons
vu M. Pardon mettre pendant un mois aux
arrêts un médecin en chef de la marine
universellement estimé, dont le seul tort
était de ne pas plier assez docilement l'é-
chine devant notre haut et puissant sei-
gneur.
Cein'est pas tout : le gouverneur M. Par-
don a suspendu de ses fonctions M. Faw-
tier, directeur de l'intérieur. M. Fawtier
doit sa suspension à plusieurs causes ; la
principale est son refus d'aider le gouver-
neur dans ses actes de pression officielle
aux dernières élections au conseil général
en faveur des partisans et des agents
de ce que nous appelons ici « les grandes
compagnies ». M. Fawtier a aussi, depuis
son arrivée dans la colonie, pris la défense
de l'élément libre contre là pénitentiaire,
ce qui ne paraît pas du tout être agréable
à notre gouverneur.
Pour tous ceux qui ne sont pas familiers
avec notre politique locale, il peut sembler
étrange que l'immense majorité de la po-
pulation soit si complètement opposée aux
« grandes compagnies", alors qu'on peut
supposer qu'elles sont pour la colonie une
grande source de revenus. Malheureuse-
ment, c'est le contraire qui est vrai. Les so-
ciétés « le Nickel", « les Mines du Nord",
« la Société générale des Mines », dans les-
quelles les Rosthchild sont largement inté-
ressés, ont non seulement obtenu par des
faveurs spéciales le travail des forçats pres-
que sans limite, mais elles évitent l'impôt.
Nous voyons nos minerais exportés en
grande quantité sans qu'il en rentre un
sou dans les caisses de la colonie 1
Je n'en ai pas fini avec les actes d'auto-
rité de M. Pardon. Tout dernièrement, un
magistrat du tribunal supérieur de Nou-
méa, des plus estimés et des plus capables,
était remis à la disposition du ministre,
avec ordre de partir par le plus prochain
paquebot, sans qu'on sache exactement
pour quel motif. Probablement, sans au-
cun doute, parce que le magistrat dont
nous parlons ne trouvait pas que l'admi-
nistration de M. Pardon fût la meilleure
pour la colonie.
Vous voyez par les détails que je vous
donne si on souhaite en Nouvelle-Calédo-
nie le départ de ce fonctionnaire ! Ce sera
un véritable soulagement pour la co-
lonie.
L'OUVERTURE DU REICHSTAG
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 8 avril.
Le Moniteur de l'Empire publie un ordre de
cabinet de l'empereur convoquant le Parle-
ment allemand pour le 6 mai prochain.
RÉFORMES EN PORTUGAL
Décrets extra-constitutionnels.
L'instruction publique. — La
liberté de la presse.
(D'UN CORRESPONDANT)
Lisbonne, 8 avril.
Une série de décrets, rendus par le roi,
sur sa propre initiative et sans consultation
préalable des Cortès, et publiés au journal
officiel, produisent une grande sensation à
Lisbonne.
Par un décret-qui comprend seize arti-
cles, le régime de la presse est modifié,
quoiqu'on proclame en principe sa liberté
absolue.
Le droit de réunion et d'asssociation est
également modifié ; l'intervention de l'au-
'torité dans les représentations théâtrales
où se produiraient des attaques contre les
institutions ou les personnes est réglemen-
tée par un autre décret.
Les fonctions de ministre sont déclarées
incompatibles avec cetles de directeur ou
d'administrateur de compagnies finan-
cières.
Enfin, un décret autorise le gouverne-
ment à procéder à la réorganisation judi-
ciaire, à l'amélioration de la situation des
magistrats, à la création de tribunaux de
commerce dans tous les ressorts judiciaires
du pays.
Le journal officiel publie, en outre, un
décret qui crée un nouveau ministère, ce-
lui de l'instruction publique, qui, dit l'ex-
posé des motifs, laisse beaucoup à désirer
en Portugal.
M. Arroyo est nommé titulaire de ce por-
tefeuille; il est remplacé au ministère de la
marine par M. Jules Vilhenra.
Les journaux de l'opposition Drotestent
vivement contre ces décrets, en les quali-
fiant de dictatoriaux. Ils disent que le dé-
cret qui supprime le jury pour les délits de
presse est un véritable coup d'Etat. Ils con-
sidèrent la conduite du gouvernement por-
tugais comme très grave, alors que l'ou-
verture des Chambres doit avoir lieu dans
douze jours.
TEMPÊTE ANNONCÉE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
New-York, 8 avril.
La tempête que nous avons eue ces jours der-
niers arrivera aujourd'hui sur les cotes d'Eu-
rope.
mmmm4
LE CONGRÈS OUVRIER D'OLTEN
La question des assurances ouvrières
en Suisse
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 8 avril.
Le congrès des ouvriers suisses a tenu
hier à Olten (canton de Soleure) son uni*
que séance. Le nombre des délégués pré-
sents était de M7.
L'assemblée a élu pour son président M.
Scherer, président de la commission du
Grutli, et pour vice-président le député
catholique Decurtins.
M. le conseiller national Curti a exposé la
question des assurances contre les acci-
dents; il en revendique le caractère obli-
gatoire et officiel.
Cette assurance doit être organisée par
la Confédération et dirigée par un office
central fédéral.
Il estime que la Confédération devra sub-
ventionner très largement la caisse des as-
surances. c-
Pour se procurer les ressources nécessai-
res, elle devra instituer le monopole des
billets de banque et le monopole des ta-
bacs.
M. Grenlich, secrétaire du congrès, a dé-
veloppé la question de l'assurance contre
la maladie. Il a appuyé sur la libre organi-
sation et la libre administration de ces
caisses et le groupement par professions.
Par contre, il veut des médecins officiels,
ainsi que le paiement des frais de pharma-
cie et d'hôpital par la Confédération, ce
qu'il estime à 7 millions annuels de contri-
bution fédérale.
M. Decurtins a fait son rapport sur l'ex-
tension à donner à la loi des fabriques. Il
conclut à la limitation de la journée de
travail à dix heures. Cette proposition a été
adoptée par le congrès, dont la clôture a
ensuite été votée.
MORT DU BANQUIER MORGAN
Souvenirs de 1870.- L'emprunt de la
Défense nationale. — La France et
les Rothschild.
On nous télégraphie de Monaco :
M. Morgan, banquier anglo-américain,
connu par l'emprunt qui porte son nom,
est mort cette nuit à la villa Henriette
(Monte-Carlo), des suites d'un accident de
voiture survenu jeudi.
M. Morgan était âgé de soixante-dix-huit
ans.
Il était chef de la maison J. Morgan and Co
de Londres, avec laquelle Clément Laurier,
mandataire de la délégation de Tours, con-
tracta, à la date du M octobre 1870, un em-
prunt de 350 millions nominaux, dit de la
Défense nationale, à 6 0/0, remboursable en
trente ans, mais converti en 5 0/0 et con-
fondu avec la rente consolidée ordinaire,
en vertu d'une loi du 31 mai 1875.
La maison Morgan était alors une ban-
que de second ordre, et l'on attaqua beau-
coup, à propos de ce choix, M. Laurier, dont
la justification était dans ce fait que la mai-
son Rothschild de Londres avait refusé de
soutenir le crédit de la France à ce moment
critique.
Un fait peu connu, bien qu'historique-
ment attesté, c'est que M. Laurier, durant
sa mission en Angleterre, avait avec lui,
comme secrétaire, un espion allemand qui
transmettait au quartier général prussien
la correspondance de Laurier avec Gam-
betta, et, en général, les renseignements
sur lesquels il pouvait mettre la main. La
chose est racontée sans ambages, et le nom
est donné dans les mémoires de Maurice
Busch sur M. de Bismarck et la guerre.
LE BANQUET DE NAPLES
Discours préparé par M. Magliani. —
Le renversement du cabinet Crispi.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 8 avril.
Il résulte d'un entretien que je viens
d'avoir avec M. Nicotera, un des membres
du triumvirat, qu'au banquet de Naples,
M. Magliani prendra seul la parole. Dans
son discours, il examinera les conditions
économiques du pays et indiquera les re-
mèdes pour mettre fin à la criàe.
Il ne formulera aucune critique person-
nelle contre M. Crispi, mais jettera les bases
de toute une nouvelle politique au point
de vue de l'économie dans les finances de
l'Etat. Il s'élèvera contre l'établissement de
tout impôt nouveau.
M. Nicotera a déclaré que des sous-comi-
tés allaient être créés dans toutes les villes
d'Italie ; mais les cléricaux en seront abso-
lument exclus : on veut renverser le cabi-
net sans leur appui.
Il a dit que la date du banquet n'était
pas encore arrêtée définitivement. Il croit
qu'il ne pourra pas avoir lieu avant le
SO avril. Cinq cents convives y prendront
part,
LA CONFÉRENCE DE MADRID
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid 8 avril.
Un banquet aura lieu demain mercredi à
l'ambassade de France, en l'honneur des délé-
gués français à la conférence internationale.
Les délégués espagnols, M. Moret, président
de la conférence, ainsi que les ministres des
affaires étrangères et des travaux publics sont
invités.
LA VIE DE PARIS
J'ai quelquefois raillé la statistique,
cette science complaisante à qui les éco-
nomistes, par exemple, font souvent dire
tout ce qu'ils veulent. Mais, néanmoins,
on ne peut nier que la statistique n'ait
du bon, ne nous apprenne souvent beau-
coup de choses, quand on ne se fie pas
uniquement à ses chiffres et que, pour
avoir un avis sur une question, on re-
garde d'autres faces que celle qu'ils nous
montrent, avec une rigueur quelquefois
toute d'apparence. Ces réserves faites, j'ai
lu avec intérêt la statistique publiée par
un journal, nous donnant le mouvement
d'entrée et de sortie d'un asile de nuit de
Paris pendant un mois, avec la nationa-
lité et les professions des malheureux qui
ont dû recourir à cette triste hospi-
talité.
En un mois, il s'est présenté à l'asile de
nuit de la rue du Château-des-Rentiers—
un asile rue du Château-des-Rentiers,
quelle ironie! — dix-sept cent soixante
personnes sans abri. Là-dessus, il n'y a
guère qu'une cinquantaine d'étrangers,
Allemands, Belges et Suisses. Les Belges
«t les Suisses sont en majorité, tout sim-
plement, je crois, parce qu'ils savent no-
tre langue, ce qui fait qu'ils se risquent à
Paris, avec l'espoir d'y trouver du travail.
Un seul .Anglais est venu à l'asile. Les
misérables anglais, en effet, ne peuvent
quitter leurs tanières de Londres, où ils
vivent, me disait un Londonien, des exis-
tences entières s
ne le fait pas sans ressources.
Au point de vue des professions, cette
statistique nous cause des surprises. La
majorité des ci sans domicile » est com-
posée de journaliers et de forgerons, puis
viennent les cuisiniers et garçons d'hôtel.
Peu de paysans. Le terrien ne s'embarque
pas sans savoir où il va. On trouve, en
proportion respectable, des comptables et
des employés de commerce. Deux clercs
d'huissier seulement ont été recueillis.
C'est bien peu. On rencontre quatre am-
bulants, marchands et chanteurs des
rues, alors qu'on pourrait croire ces irré-
guliers bien plus exposés à la détresse
suprême que des ouvriers d'un corps
d'état. Deux philosophes sont venus
échouer là, et un seul artiste dramatique.
Cependant, il y a de noires misères chez
les artistes. Mais on sait cru'il v a entre
eux un vif sentiment de solidarité : ils
s'aident beaucoup. Je vois avec plaisir
qu'on ne trouve pas d'hommes de lettres
dans l'asile, ce qui m'est agréable pour la
corporation, tout en me mettant en dé-
fiance contre les prétendus journalistes
qui, de temps en temps, viennent me re-
lancer, en me disant tout justement qu'ils
sortent de l'asile de nuit!
Ce chiffre de dix-sept cents malheu-
reux allant demander, en un mois, une
planche pour dormir et une soupe pour
ne pas mourir de faim, est un chiffre at-
tristant, car il ne nous est donné que
pour un seul asile, et il ne peut être con-
sidéré que comme indiquant très approxi-
mativement le nombre des désespérés de
la ville. C'est* un grand bonheur que la
récente institution des asiles de nuit ait
réussi, et c'est un sujet de graves ré-
flexions que cette institution soit néces-
saire et que les maisons d'hospitalité,
quoique multipliées par la charité publi-
que et privée, soient notoirement insuf-
fisantes. Dans ces maisons on demande
des papiers et on surveille les arrivants.
De plus, on n'y reçoit pas les malades,
dirigés sur les hôpitaux. Ce sont donc de
braves gens, ayant la bonne volonté de
travailler, ayant pour la plupart des
métiers et, quelques-uns, des métiers de-
mandant de l'instruction — on a noté
trente-deux typographes et correcteurs ;
et cependant, ayant épuisé toutes les
ressources qu'ils pouvaient avoir, toutes
les économies du passé, tout le crédit
qu'ils pouvaient se créer, ils ont été aux
limites dernières de la misère. Ces
hommes, ces concitoyens, au milieu de
notre civilisation, sont semblables à l'ani-
mal errant et dépaysé qui ne sait où
trouver abri et nourriture. C'est une
chose effroyable à constater ! Et ce qui
me frappe surtout dans cette constata-
tion, c'est le courage que montrent ces
malheureux à rester honnêtes, à ne nas
devenir des révoltés, alors surtout que,
dans nos idées, il s'attache je ne sais
quelle honte à recevoir les secours de la
charité publique. En quoi nous ne va-
lons peut-être pas les anciens, qui ne
rougissaient pas de la pauvreté. .1
Aussi je trouve nos lois bien sévères,
particulièrement nos lois de police correc-
tionnelle, qui sont terribles pour certains
attentats à la propriété. Le pauvre diable
qui vole pour manger est souvent plus
durement traité que l'escroc qui a ruiné
des gens pour mener la grande vie. Il se
peut que la conservation sociale exige ces
sévérités. Elles paraissent toujours exces-
sives au regard d'une justice plus philo-
sophique que celle des tribunaux, et
c'est pour s'approcher de cette justice que
j'incline, malgré les inconvénients du ju-
ry, vers le jury correctionnel, auquel je
préférerais de beaucoup un juge unique,
irresponsable, pouvant même juger en
équité, - - comme -- le -juge - anglais. Le jury
pourra peut-être, en certains cas, atté-
nuer la répression vis-à-vis de pauvres
diables. Car enfin, quoique je ne sois ni
socialiste ni révolutionnaire, je me de-
mande ce qu'on peut objecter à l'homme
qui offre son travail, n'en trouve pas le
placement et meurt de faim? Je voudrais
bien y voir ceux qui le condamnent. S'il
y a chez nous beaucoup de charité, il y a
aussi d'incroyables duretés. En certains
cas, le volé est plus criminel à mes yeux
que le voleur. Certains refus d'assistance
sont chose pire que le détournement
"un obiet de première nécessité et de va-
leur médiocre. En tout cas, une grande
civilisation, qu'on la considère comme
chrétienne ou comme démocratique, ne
devrait connaître d'autres misérables que
ceux qui ne veulent pas travailler. Je n'ai
jamais compris la loi contre la mendicité
et le vagabondage sans le work-house.
D'ailleurs, le temps est peut-être proche
où les problèmes sociaux, arrachés aux
politiciens, seront résolus par des hom-
mes pratiques, qui ne songeront ni à ex.
périmenter des systèmes ni à exploiter
des passions, mais qui auront assez de
loisirs dans le gouvernement d'un pays
apaisé et uni pour penser à supprimer
non l'inégalité des conditions — ce qui
est une utopie et une injustice — mais la
misère sous sa forme aiguë, celle où man-
quent le lit et le morceau de pain que
donne l'asile.
Henry Fouquier.
LE CLERGÉ HOSTILE A SARAH
BERNHARDT -
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 8 avril.
Le cierge catholique fait une campagne con-
tre Sarah Bernhardt et engage ses fidèles à
s'abstenir d'assister à ses prochaines repré-
sentations à Londres, parce qu'elle a eu l'au.
dace de personnifier la Vierge.
LE ROBINSON
ET LA
BANQUE RUSSE ET FRANÇAISE
Fondation de la Société. — Pufflsme. -—3
Morcellement des actions. — A la
recherche de souscripteurs.
Nous avons vu, dans notre numéro du
2 avril, dans quelles conditions s'est cons-,
tituee et a vécu la Banque russe et française J
puisque c'est ainsi qu'elle s'intitule, san
avoir jamais fait une affaire ni russe DI
française.
Il nous reste à examiner les quelques af
faires exotiques qu'elle a lancées, sur la
marché de Paris.
Nous commencerons par le RobinsortJ
cette étrange valeur émise à 1 h0 francs
pour tomber, trois mois après, à 70 francs.
malgré l'appui soutenu que n'a cessé de),:
lui donner le Petit Journal.
La mine. d'or Robinson, primitivement
dénommée Tartar, est située à l'est de la
République du Transvaal, dans la région,
dite de Witwatersrandt.
En 1887 fut créée à Londres une société
pour l'exploitation de cette mine, sous la
patronage de la maison Porgès. -
Le capital primitif était de 1,33A,375 fr:¡
divisé en 53,375 actions de 35 francs..
Les promoteurs de l'affaire recurent pouÀ
leurs apports 33,375 actions, de sorte qua
30,000 actions, représentant 750,000 fr. seu"¡
lement furent offertes au public. "T\
• Ça ne prend pas
Le titre était léger. Néanmoins, les sous-
cripteurs anglais ne répondirent point, otij
tout au moins répondirent fort peu à l'ap..¡
pel qui leur était fait. &
On connaît, en effet, parfaitement à Lon.
dres toutes ces nombreuses mines dæ
Transvaal, bonnes aujourd'hui, mauvaises^
demain, parce que le filon a subitement
disparu ou s'est rapidement épuisé, maiw,,
dont la plupart, en tout cas, laissent fort &
désirer. • t.
Néanmoins, au moment de rémission.
l'entreprise était bonne, bonne s'enten
pour le capital restreint dont disposait Isr
société. ,
Mais les promoteurs de l'affaire ne voiti
laient point en faire leur chose et garder les;
titres en portefeuille. Il fallait à toute fomq
en faire de bon argent sonnant, car la po.
che du public sera toujours la plus rich
de toutes les mines d'or. SW
Et voici ce qu'on imagina :
A l'aide des premiers résultats, on fit vi",
goureusement mousser la valeur sur la
marché anglais. On la fit monter jusq* u'à"■
1,500 fr. - ;"
On aurait pu laporter plus haut impuné-v
ment, à 3 ou 3,000fr. par exemple,puisque.
les actions étant presque toutes restées en-
tre les mains des fondateurs, personne nq
pouvait en vendre. Nous devons donc eni
core leur savoir gré de leur modéra-
tion.
Mais pas plus à 1,500 fr. qu'à 35, les An..
glais ne consentirent à mettre en porte-
feuille cette valeur douteuse. 1
Consolidation du jeu de Bourse
Pour conserver le bénéfice acquis par coi
petit coup de Bourse on eut recours à un
procédé vraiment étonnant.
Dans le courant de 1889,on décida de con.
solider les cours en divisant chaque action
primitive en 10 actions de 5 livres sterling
ou 135 fr.
Ce qui veut dire que 2 fr. 50, le dixièmg
de 25, étaient devenus 125 fr. t
Et du jour au lendemain la compagnie de
Robinson fut portée au capital de 68 mil-
lions 750 mille francs, représentés part
550,000 actions de 125 fr. chacune.
Les actionnaires primitifs, les seuls fon:
dateurs probablement, reçurent 10 actions
de 135 fr. pour une action de 35, soit 533,750
actions de 135 fr. pour leurs 53,375 actions
de 35 f., quelque chose comme plus de 6ti
millions pour leur première mise de 750,00(1
francs, apport déduit, car l'apport n'avait
certainement pas coûté cher.
C'était joli. Mais c'était toujours du pa-
pier, et pour que l'opération fût utile, iï
était nécessaire d'échanger ces titres con..,
tre de bonnes pièces de monnaie.
Chercher ce placement en Angleterre
était impossible, car, indépendamment du
succès négatif remporté jusque-là par cetta
affaire, il faut savoir qu'il existe à Londres
138 sociétés de mines d'or du Sud de l'A- :
frique avec un capital global de. plus de 617-:
millions de francs et que la production toi
tale de l'or en Afrique atteint à peine si
millions (statistique officielle).
Cela ne représente donc pas un pour cent
du capital nominal. ';
Les gogos français
On songea un instant à s'adresser à Ber-
lin. Mais là aussi, le public n'ayant pas la
prétention d'acheter chat en poche, il étaif
inutile d'essayer.
C'est alors qu'on se décida pour Paris e6
que l'on ouvrit des négociations avec un
certain nombre de nos grands établisse
ments de crédit pour arriver au placement
sur le marché de Paris du plus grand nom
bre possible de ces 53A,000 actions.
Cependant, malgré la facilité avec laZ
aueJJe certains d'entre eux donnent leug
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