Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-03-31
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 31 mars 1890 31 mars 1890
Description : 1890/03/31 (A19,N6650). 1890/03/31 (A19,N6650).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — N* 6,650 CINQ Centimes — Paris et DépaeDts CINQ Centimes LUNDI 31 MARS 1890
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
.il48, Rue Montmartre
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DIRECTEUR POLITIQUE
EDOUARD PORTALIS
m K l'ABONREIEIT :
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Départements - 71; - 12 U — 341
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Départements - 7L; — 12 L; — U L
VaioB Postale — 9L; — 16 L; — 32 L
L. parimi du 1** •< 15. cHaqutmoit
tMégr.^phlqpa* : XIX* SIÈCLE - PARIS
LE PARLEMENT EN VACANCES
H. JULES FERRY AU SÉNAT
-
: Clôture de la conléreoce de Berlin
MANIFESTATION
DES OUVRIERS BOUCHERS
LA TÊTE COUPÉE
EN VACANCES
La Chambre s'est séparée hier jus-
qu'au 6 mai. Depuis le la novembre,
elle avait siégé presque sans interrup-
tion, car, ette année, l'intervalle en-
tre la session d'automne et la session
ordinaire a été exceptionnellement
court, et cela fait au moins quatre
bons mois de travail. Sans parti pris,
on a quelque droit de dire que ce
temps, déjà assez long, aurait pu être
mieux employé et que la Chambre n'a
pas jusqu'ici fait preuve d'une activité
bien remarquable. La plus forte par-
tie de sa besogne consiste dans l'inter-
minable et fastidieuse vérification des
pouvoirs, qui est à peine terminée.
L'opposition s'est affirmée par des
scènes de violence d'abord, et ensuite
par un système d'escarmouches sans
cesse répétées, tantôt de motions et
tantôt de questions uniquement faites
dans le but d'entretenir dans le pays
un état d'agitation et de retenir les
électeurs dans une sorte de coalition
d'inquiétudes et donnant à croire, tan-
tôt aux uns et tantôt aux autres, que
leurs intérêts étaient menacés. Mais le
parti républicain n'a trouvé que d'une
façon un peu insuffisante le moyen de
dégager ses intentions politiques et de
dresser le programme des travaux
- auxquels il se proposait de consacrer
la législature.
On aurait tort de dire qu'il est en-
core trop tôt pour que l'on sache à
quoi s'en tenir sur ce sujet. L'une des
causes de discrédit de la dernière
Chambre a été, — on ne saurait se
lasser de le répéter, — qu'elle a vécu
au jour le jour, et la Chambre nou-
velle aurait été sagement inspirée en
montrant immédiatement qu'elle n'en-
tendait pas suivre les mêmes erre-
ments Avec les lenteurs du régime par-
lementaire, c'est à peine si les quatre
années d'une législature suffisent à
conduire à terme quelques lois un
peu importantes, et si la première de
ces quatre années se passe en tâton-
ments et en hésitations, on peut être
presque assuré que la législature lais-
sera après elle plus de déceptions qut;
de satisfactions.
Il aurait fallu que la Chambr, nou-
velle arrivât avec le ferine propos de
se livrer sans réserve à l'accomplisse-
ment de son mandat et qu'elle fût
animée d'un ardent désir de travail-
ler. Divers incidents ont déjà montré
qu'au contraire un trop grand nom-
bre de ses membres prenaient leurs
fonctions un peu en amateurs. On les
voit arriver les jours où le programme
de la séance paraît intéressant, soit
qu'on s'attende à une grande lutte où
le talent oratoire de quelques-uns pro-
met un régal de dilettantisme, ou bien
encore où un débat mettant en dan-
ger les jours du ministère donne à la
journée un intérêt dramatique. Mais,
le reste du temps, on confie volontiers
sa boîte de bulletins à un voisin; il y
a des hommes obligeants qui dispo-
sent ainsi, à eux seuls, de quinze ou
vingt suffrages et qui jettent les bul-
letins dans les urnes par paquets.Dans
les bureaux, c'est bien pis encore, et
- l'on se souvient de , l'incident qui se
produisit lorsque fut nommée la com-
mission d'enquête sur l'élection de M.
Vacher dans la Corrèze : les républi-
cains ne s'étaient pas dérangés; les
réactionnaires et les boulangistes
avaient pu ainsi se partager les fonc-
tions de commissaires, et il fallut que
la Chambre, eh séance publique, trou-
vât un moyen d'annuler ces nomina-
- tions et de faire recommencer l'opéra-
tion.
Hier encore, un député mentionnait
à la tribune un fait assez piquant. Il
faisait partie d'une sous-commission
chargée d'examiner un dossier d'élec-
tion; la sous-commission est convo-
quée : lui seul est exact au rendez-
vous, et il engage à lui seul une dis-
cussion sur la valeur des faits allé-
gués dans le dossier.
Cette négligence dans l'accomplisse-
ment du mandat est déjà fâcheuse
pour celui qui s'en rend coupable, car
elle trahit de sa part un - penchant à
des capitulations de conscience; mais
elle est plus fâcheuse encore pour la
Chambre, car elle retarde les travaux
et elle fait que la besogne prépara-
toire, qui devrait être accomplie dans
les bureaux et dans les commissions,
etaj~ 4-oeinfi .^uchée^ toutse trouve
à faire en séance publique. Le résultat
du travail s'en ressent. On ajoute, au
petit bonheur de l'inspiration, des pa-
ragraphes additionnels ou des articles
nouveaux à une loi, sans s'inquiéter
de la concordance avec la législation
déj à existante ou des décisions déj à pri-
ses. La seconde Chambre qui examine
la loi est obligée de la remanier, puis
elle revient devant la première Cham-
bre, et quand, enfin, ces promenades
d'une Chambre à l'autre sont termi-
nées, il arrive encore que la loi est obs-
cure, que toutes les contradictions
n'ont pas disparu, et il n'est pas rare
qu'il soit nécessaire de corriger la loi
par une nouvelle loi.
- Ces procédés donnent beau jeu aux
adversaires du régime parlementaire,
qui ne se font pas faute d'user contre
la Chambre des armes que la Chambre
elle-même leur fournit, ét ils entre-
tiennent dans le pays un sentiment de
mécontentement dont les ennemis de
la République peuvent seuls recueillir
le bénéfice. La Chambre ne doit pas
pérdre de vue qu'elle a une lourde
responsabilité. En la nommant, en
donnant la majorité au parti républi-
cain, en donnant à celui-ci un mandat
précis, le pays a voulu faire une expé-
rience décisive. Si cette expérience n'é-
tait pas satisfaisante, il pourrait bien
manifester sa lassitude, et la Chambre
porterait la responsabilité de ce revi-
rement d'opinion. Nous livrons ces
réflexions à ses méditations pendant
les vacances, avec l'espoir que la pé-
riode d'hésitations est finie et que la
législature, dont on avait par avance
fixé le véritable commencement à la
rentrée de janvier, commencera, sans
nouvel ajournement, le 6 mai.
Le a XIX* Siècle. publiera demain la
a Chronique. par M. Francisque Sarcey.
M. JULES FERRY AU SÉNAT
L'élection de Saint-Dié. — Le concur-
rent de M. Picot.
Après de longues hésitations et de nom-
breuses conférences avec ses amis, M. Jules
Ferry a pris la résolution de ne pas se re-
présenter dans la première circonscription
de Saint-Dié, dans le cas, fort probable, où
l'élection de M. Picot serait invalidée.
M. Picot aurait pour concurrent un grand
industriel du pays, qui a, dit-on, les plus
grandes chances d'être élu.
Quant à M. Jules Ferry, il se réserve pour
les élections sénatoriales du mois de jan-
vier prochain, le département des Vosges
étant compris dans la série renouvelable,
A JERSEY
Réunion du comité boulangiste. — Les
élections municipales.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Jersey, 29 mars.
Le comité boulangiste se réunira ven-
dredi prochain, au grand complet, à Jersey,
sous la présidence du général boulanger.
La délibération portera sur le choix dé-
finitif des candidats boulangistes aux élec-
tions municipales.
La liste arrêtée, le général Boulanger
donnera l'investiture officielle à ses candi-
dats et leur adressera une lettre particu-
lière, comme il l'a déjà fait à l'occasion des
élections législatives.
M. DE BlEBERSTEIN
Le nouveau ministre des affaires
étrangères. — Toile général.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 29 mars.
Il s'élève un toile général contre la nomi-
nation du baron de Marschall de Bieber-
stein au secrétariat des affaires étrangères.
On rappelle que, vers 1879, ce personnage
a été l'adversaire de la politique de M. de
Bismark et de l'hégémonie de la Prusse en
Allemagne.
La presse lui fait un accueil aussi peu
flatteur que possible.
Mesures contre les socialistes
Je vous confirme que l'empereur médite
des mesures sévères contre les socialistes.
Attendez-vous à de graves événements.
LES AFFAIRES DE liMES
Démission de conseillers. — Elections
nécessaires
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
-- Nîmes, 29 mars. ----
La crise municipale prend un caractère
aigu.
Quatre conseillers étaient déjà démission-
naires; huit autres viennent de donner
leur démission. Tous sont des partisans de
M. Numa Gilly.
Dans la lettre de démission que ces con-
seillers adressent au préfet, ils se montrent
très violents pour M. Pascal, maire.
Le nombre des conseillers municipaux
étant de 36 et le chiffre des démissions s'é-
levant à 12, des élections complémentaires
s'imposent.
M. Pascal a déposé une plainte contre M.
Aumeras, conseiller municipal, à qui il a
fait dresser un procè-verbal pour l'avoir
insulté publiquement pendant la dernière
séance du conseil.
M. Vatin, préfet du Gard, après avoir in-
formé le ministre de l'intérieur de la situa-
tion, a été invité à se rendre immédiate-
ment à Paris.
M. le préfet est parti à midi.
On s'attend à voir paraître un décret qui
dissoudra le conseil municipal de Nîmes.
——M
LE BUDGET
La commission du budget s'est ajournée au
29 avril.
Les rapporteurs des budgets des affaires
étrangères, de l'intérieur, du commerce, des
beaux-arts et de l'Imprimerie nationale espè-
rent pouvoir présenter leurs rapports à cette
CLOTURE
PARLEMENTAIRE
LES VACANCES DE PAQUES
Les Chambres en congé jusqu'au 6 mai.
- Nouveaux incidents boulan-
gistes. — M. Ferroul et la ma-
nifestation du 1er mai. —
Encore une interpel-
lation.
Le Parlement est en vacances depuis hier
soir : il s'est ajourné au mardi 6 mai. C'est
donc cinq semaines de congé que vont
prendre les deux Chambres.
Au Sénat, la chose a été décidée sans
contestation ni difficulté, et on s'est séparé
après avoir liquidé quelques dernières af-
faires, notamment les crédits supplémen-
taires demandés pour la marine marchande
et pour le prochain -congrès télégraphique,
puis aussi la réforme de la législation sur
les marques de fabrique.
Mais au Palais-Bourbon il y a eu du ti-
rage. Certains ont estimé sans doute que
les électeurs leur sauraient gré de réclamer
une réduction du congé législatif. Et à ce
propos s'est engagé un. débat fertile en in-
cidents tumultueux et assez violents.
Les séances de tous ces jours derniers ont
été d'ailleurs, notons-le en passant, beau-
coup plus mouvementées quutilement em-
ployées. Et cette constatation n'était pas
pour modifier l'opinion des partisans des
vacances — ce calmant souverain.
Dates variées
C'est un membre de la Droite, M. du
Breuil de Saint-Germain, qui, le premier,
a proposé une limitation à trois semaines
de l'entr'acte législatif. « Reposons-nous
seulement, a-t-il dit, du 1er au 22 avril :
c'est bien assez, car nous avons devant
nous une besogne considérable à abat-
tre. »
Immédiatement un boulangiste, M. Chi-
ché, est venu surenchérir, et l'on a en-
tendu, non sans quelque stupeur, cet en-
nemi du parlementarisme demander la
permanence parlementaire : « Pas de congé !
s'est écrié le farouche Chiché A quoi bon?
Notre séparation serait agréable aux seuls
ministres, que gêne le contrôle des Cham-
bres. De vrais républicains, des républi-
cains nationaux, ne chôment jamais ! »
— C'est pour cela, n'est-ce pas, que les
chefs de file du boulangisme se promènent
à l'heure qu'il est en Orient ? a riposté M. de
Lanessan.
L'honorable député de la Seine a même
proposé que les vacances fussent prolon-
gées jusqu'au 12 mai, afin de donner le plus
de durée possible au salutaire contact des
élus et des électeurs.
- Là-dessus, grand tapage au camp bou-
langiste. M. Floquet a du intervenir. pour
faire cette remarque qui contient la mora-
lité de l'incident :
M. le président. — Je vous prie de cesser
ce bruit. Vous prouvez une fois de plus que
ceux qui empêchent de travailler siègent de oe
côté de la Chambre; vous ne cessez, quand
vous venez aux séances, de les troubler par un
tumulte qui est absolument intolérable. (Très
bien! très bien 1)
H. Ernest Boche, qui interromptest rap-
pelé à l'ordre.
M. Dugué de la Fauconnerie a émis cet
avis que moins la Chambre siège, mieux
cela vaut, et M. Antide Boyer a conseillé à
ses collègues de se trouver en session pour
le 1er mai, jour assigné à la manifestation
qu'on sait.
Après quoi, la date la plus éloignée,
c'est-à-dire celle du 12 mai recommandée
par M. de Lanessan, est mise, aux voix.
Scrutin, puis pointage. Finalement, la
Chambre s'est divisée en deux parties
égales. Le 12 mai a 2A6 partisans et autant
d'adversaires. Cela équivaut, on le sait, au
rejet de cette date.
Le 6 mai, jour arrêté d'avance, triomphe
l'instant d'après, par 389 voix contre 127.
M. Déroulède censuré
Mais un très vif incident ne tarde pas à
surgir a propos du pointage ayant précé-
demment abouti au rejet du 12 mai.
On voit les boulangistes s'agiter furieuse-
ment : on les entend parler de fraudes, de
falsification du vote. M. Deroulède de-
mande la parole. Comme on scrutinait à ce
moment sur la date du 6 mai, la parole est
naturellement refusée au député d'Angou-
lême.
Celui-ci continue de mener un tapage
d'enfer : il veut monter à la tribune quand
même, malgré les efforts de M. Floquet, qui
se voit bientôt forcé de proposer la censure
dont le règlement frappe tout député ayant
donné le signal d'une scène tumultueuse.
M. Déroulède est admis à s'expliquer sur
l'application de la peine. Il dit avoir appris
dans les couloirs que des bulletins ont été
ajoutés après la fermeture du vote, en vue
de faire repousser la date du 12 mai.
— N'avez-vous pas voté pour ceux de vos
amis qui sont à Constantinople? lui crie
M. Pichon.
— Donc, conclut M. Déroulède, on a fal-
sifié le scrutin, manipulé les votes. Nous
dénonçons de telles pratiques au pays!
Le président fait remarquer à l'orateur
qu'il pourra formuler ses protestations sous
forme de rappel au règlement, mais qu'en
attendant, il a, en causant une scène tu-
multueuse, encouru la censure. Et aussitôt
la majorité prononce contre M. Déroulède
la peine de la censure.
M. Rabier, qui, en qualité de secrétaire,
a procédé à l'opération du pointage, vient
expliquer qu'il a tout simplement accepté,
après la fermeture du scrutin, le bulletin
d'un retardataire désireux de prendre part
au vote. Nombre de députés, appartenant
tant à la minorité qu'à la majorité, ont
maintes fois bénéficié d'une pareille tolé-
rance.
— Que celui qui n'a jamais remis son
bulletin en retard jette la première pierre !
ajoute M. Floquet.
M. Goussot a encore voulu épiloguer sur
cette affaire, mais quelques explications
réglementaires du président ont terminé
l'incident.
L'ordre du jour de la séance du 6 mai a
ensuite été longuement discuté. On a fini
par l'arrêter de la façon suivante : Loi sur
le libre exercice des syndicats profession-
nels ; loi sur les délégués mineurs ; loi sur
la presse (proposition Barthe); puis ensuite
— sur la demande de MM. Viger et Méline,
et malgré l'opposition de M. Peytral- lois
sur les maïs et sur les mélasses.
Mais, avant tout cela, il faudra encore
discuter trois interpellations boulangistes
précédemment ajournées à un mois. Déci-
dément M, Chiché et ses mi sont bien
fondés à se plaindre de ce qu'on n'arrive
à bout d'aucune loi utile !
Une question de M. Ferroul
Avant les incidents que nous venons de
rapporter, M. Ferroul avait, par voie de
question, demandé au ministre de l'inté-
rieur s'il autoriserait les ouvriers et em-
ployés de l'Etat à participer à la manifes-
tation dlliar mai, -. manifestation toute
pacifique, a dit le député de l'Aude, et par
laquelle les travailleurs de tous les pays
veulent affirmer leurs desiderata, notam-
ment en ce qui concerne la réduction de la
journée de travail à huit heures.
M. Constans lui a répondu de la façon
suivante :
Mes employés ne travaillent que sept heu-
res par jour, et ils n'ont pas intérêt à se join-
dre aux manifestants qui demandent la réduc-
tion de la journée de travail à huit heures.
(Rires à gauche et au centre.)
Quant aux ouvriers des manufactures de
l'Etat, je n'en ai pas dans mon département;
je ne puis donc prendre de mesure à leur
égard.
Cependant je dirai à M. Ferroul quelle est
l'opinion que je suppose être celle des divers
membres du gouvernement : nous n'accorde-
rons pas de congé le 1" mai à des ouvriers qui
ne le demandent pas.
Je n'admets pas qu'on appuie des réclama-
tions de la présence d'un grand nombre de
personnes, et si j'ai confiance dans les ou-
vriers, je n'ai pas du tout confiance dans ceux
qui ne sont pas ouvriers et qui se mettent à
leur tête. (Applaudissements à gauche et au
Centre. — Bruit sur quelques bancs à l'extrême
gauche.)
M. Daudi.- Ce sont des ouvriers qui ma-
nifesteront le lw mai. Nous n'aurons rien de
commun avec les césariens et les boulan-
gistes.
Cette affimation du député socialiste du
Cher a fort mécontenté M. Déroulède et ses
amis, qui l'ont accueillie par de vives pro-
testations.
M. Ferroul a répondu au ministre et parlé
au nom des travailleurs.
-Quel est votre métier ? lui a crié M. Emile
Ferry.
— Je suis né dans la bourgeoisie, a ri-
posté le député de l'Aude, mais je l'ai quit-
tée pour aller au peuple!
L'incident a pris fin bientôt après.
Une interpellation de M. Le Provost
de Launay.
Enfin, il y a eu, hier encore, l'interpella-
tion sans laquelle il semble qu'il n'y ait
plus de séance possible. C'est M. Le Pro-
vost de Launay qui l'a développée, et nous
n'y insisterons guère.
Le député de la Droite a prétendu que la
loi de 1889 sur le traitement des institu-
teurs est violée, parce que l'indemnité de
résidence, imposée aux communes pour
leurs instituteurs, ne serait pas versée à
ceux de ces instituteurs qui sont congré-
ganistes.
« Il y a donc, a-t-il ajouté, un prélève-
ment sur le budget des communes pour-
vues d'instituteurs congréganistes, prélè-
vement fait au profit du budget de l'Etat.
Les communes payent, l'Etat encaisse. »
M. Le Povost avait même dit : empoche.
Le mot a été vertement relevé par M. Bour-
geois. Le ministre de l'instruction publique
a, en outre, expliqué que la loi de 1889
n'est nullement violée, que les institutéurs
congréganistes sont traités actuellement
comme les laïques; mais que, comme les
instituteurs congréganistes sont appelés à
disparaître progressivement, on ne s'oc-
cupe pas — ce qui est tout naturel — de
leur préparer les avantages que cette loi
de 1889 assurera dans l'avenir à nos insti-
tuteurs.
Le vote, par 305 voix contre 192, de l'ordre
du jour pur et simple, demandé par le
gouvernement, a terminé cette interpella-
tion.
Mentionnons encore, pour en finir avec
cette dernière séance, le dépôt par le mi-
nistre de l'instruction publique : 1° de la
demande de crédit d'un million pour les
instituteurs; 2° d'un projet tendant à l'a-
doption de l'heure de Paris comme heure
légale de France ; puis le dépôt, par le mi-
nistre du commerce, du projet relatif à la
conservation des monuments de l'Exposi-
tion.
A signaler encore l'adoption du projet
relatif aux communications téléphoniques
entre diverses villes,et la prise en considé-
ration accordée à une proposition sur la
suppression du monopole des avocats, et à
une autre proposition concernant la créa-
tion d'un conseil supérieur du travail.
STATISTIQUE PARLEMENTA IRE
Le travail de la Chambre. — Session
ordinaire et session extraordinaire.
La Chambre, qui prend cinq semaines de
vacances, n'a pas fait grand'chose dans la
première partie de sa session ordinaire.
Rentrée le 1A janvier, elle a tenu 39 séan-
ces.
Sur ces 39 séances publiques, il n'y a pas
eu moins de 10 interpellations et de 17 ques-
tions auxquelles des membres du gouver-
nement ont dû répondre.
Le reste des séances a été pris par le tra-
vail des vérifications de pouvoirs.
Les deux propositions de loi à signaler,
adoptées par la Chambre, sont le Journal
officiel à cinq centimes et le projet sur la
dérivation des eaux de l'Avre,l'un et l'autre
actuellement devant le Sénat.
Enfin, il y a 136 projets ou propositions
de loi qui n'ont même pas été examinés
par les commissions d'initiative et plus
de 80 qui sont encore à l'état de rapports
sommaires-
Session extraordinaire
Dans la session extraordinaire (du 12 no-
vembre au 23 décembre), la Chambre avait
tenu 25 séances.
Sur ces 25 séances, il y avait eu 3 inter-
pellations et 5 questions adressées au gou-
vernement.
La Chambre avait été saisie de 107 pro-
jets de loi, de 1A1 propositions d'initiative
parlementaire, et de 17 propositions ve-
nant du Sénat.
Sur les 1M propositions d'initiative par-
lementaire, 10 avaient obtenu le bénéfice
de l'urgence, h avaient été prises en consi-
dération, 7 avaient été renvoyées directe-
ment à des commissions spéciales, 1 avait
été rejetée et 2 avaient été retirées.
La Chambre ayant terminé la vérification
des pouvoirs de ses membres. — il ne reste
plus, en effet, à statuer que sur l'élection
de M. Picot, — espérons qu'elle se mettra
à l'œuvre résolument et que ses séances
seront plus iécondes,
CHRONIQUE
Dieu sait tout ce qui s'est écrit depuis
un mois au sujet du dernier roman de
M. Emile Zola,lai Bête humaine. Non seu-
lement toute la critique a « donner mais
les fantaisistes se sont mis aussi de la
partie, et hier encore, un chroniqueur
s'amusait à parodier la manière du maî-
tre en un chapitre plaisant, censément
oublié dans l'impression du volume.
L'œuvre a pu être jugée diversement; il
va de soi que, pour provoquer ces polé-
miques passionnées, il faut qu'elle soit
puissante.
L'opinion des revues catholiques nous
manquait encore; nous l'avons aujour-
d'hui, et curieuse à souhait. L'étude con-
sacrée à la Bête humaine par une de ces
revues a, en effet, une conclusion vrai-
ment inattendue. D'autres journaux ont
fait des objections ou des réserves; ce
savoureux article finit, lui, le plus gra-
vement du monde, en conseillant à la
congrégation de l'Index, à Rome, de se
montrer impitoyable pour ce livre et d'en
interdire la lecture.
M. Zola, évidemment, ne s'attendait
pas à ce coup, qui est rude. Ce n'est pas
l'interdiction temporaire qui est sollici-
tée, avec la formule consacrée : Donec
expurgetur, mais bien l'interdiction com-
plété, irrévocable, le roman n'étant
qu'« un long blasphème », un « écrit » d'un
matérialisme funeste. L'écrivain appelle
donc sur lui les foudres de l'Eglise et ré-
clame l'intervention du Vatican. Il n'y va
pas par quatre chemins.
L'aventure n'est-elle pas tout à fait pi-
quante, et, en fait de fantaisie, eût-on
rien imaginé de plus original ? Mais l'au-
teur de cet article est parfaitement sé-
rieux, et c'est ce sérieux même qui peut
provoquer quelques réflexions.
J'avoue que je suis toujours frappé par
le parti pris, sincère ou non, de certaines
gens à vouloir s'entêter dans un passé
impossible à ressusciter. Vainement le
monde marche, se transforme, secoue de
vieux errements.
Ces rêveurs ne veulent rien voir ni
rien entendre; cette obstination peut
parfois, malgré tout, ne pas manquer de
quelque grandeur, mais le plus souvent,
elle est purement ridicule. C'est assez du
cas présent. Evoquer cette puissance ja-
dis redoutable de la congrégation de l'In-
dex, n'est-ce pas faire toucher du doigt
ce qu'elle a de dérisoire aujourd'hui? La
pensée va, vole, se répand; qui se soucie
du tribunal religieux qui prétend la ré-
gler et la refréner? Où est la sanction de
ses arrêts ?
Tolstoï a dit un jour «qu'il fallait trai-
ter les vieilles institutions avec douceur. »
Mais, à l'heure même où s'est évanoui
tout le prestige des institutions de l'E-
glise, on peut constater, assez étrange-
ment, des sortes de provocations de la
part de ses soutiens contre le bon sens et
la raison. N'avions-nous pas à parler ré-
cemment de l'excommunication lancée
par un évêque contre un parpaillot, qui
traita du reste fort légèrement l'ana-
thème. Ne nous entretient-on pas, de
temps en temps, des réunions des der-
niers chevaliers de Malte, qui ne peuvent
pourtant plus guerroyer contre le Turc?
Il ne manquait, maintenant, que de
mettre en avant la congrégation de l'In-
dex? Comment la prudence même n'em-
pêche-t-elle pas certains catholiques ar-
dents de hasarder des mots qui sont ac-
tuellement vides de sens ?
Le tribunal, autrefois terrible, du Vati-
can, condamnât-il solennellement la Bête
humaine, on ne voit pas beaucoup que
M. Zola puisse être atteint par cette déci-
sion, ni dans sa réputation, ni dans ses
intérêts. On ne l'imagine guère s'humi-
liant, se frappant la poitrine et corrigeant
son livre, pris de remords, faisant de Sé-
verine et de Jacques Lantier deux modè-
les de vertu employant leurs loisirs, dans
leurs petits voyages du vendredi à Paris,
à s'édifier mutuellement par la lecture de
la Morale en action ou des Annales de la
Propagande de la foi, et transformant
M. Grandmorin en un saint laïque, pré-
sidant non des conseils d'administration,
mais une œuvre pour le rachat des âmes
du Purgatoire et n'ayant révélé à Séve-
rine que d'édifiants enseignements.
Puisque toutes ces menaces sont prodi-
gieusement vaines aujourd'hui, à quoi
bon les proférer? On ne songeait plus
guère à la congrégation de l'Index : pour-
quoi diable forcer à railler sou action
maintenant chimérique? -
Ce qu'il y a à retenir, c'est que l'intolé-
rance est toujours la même, dans le camp
d'où sont venues ces récriminations, qui
frisent un peu l'anachronisme, contre le
roman de M. Zola. Là, on n'admet point
la discussion, on souhaite des mesures
de rigueur, et on se désole d'être con-
traint à se borner à ces désirs d'exécu-
tion. Ah! si l'on pouvait encore faire
brûler des livres par la main du bour-
reau 1
Il n'en va pas moins que le pieux cri-
tique n'a pas « sauté » les passages qui
lui semblent si abominables; il paraît
même les avoir relus avec assez de com-
plaisance , et, sans qu'il y prenne garde,
il insiste volontiers, précisément, sur ces
pages scabreuses. En dépit des euphé-
mismes dont il se sert, ce qu'il met le
plus de soin à raconter dans son ana-
lvse. ce sont les scènes passionnées du
livre. C'est une façon un peu singulière
d'éloigner les lecteurs, qu'il déclare
perdus s'ils feuillettent ce volume mau-
dit!
A tout prendre, M. Zola ne serait pas
en mauvaise compagnie sur le catalogue
des ouvrages mis à l'index : il s'y ren-
contrerait avec Descartes, avec Voltaire,
voire avec Fénelon lui-même, qui, tout
évêque qu'il fût, n'échappa pas à ces sé-
vérités de l'Eglise, et avec nombre d'aca-
».
démiciens d'antan, ce qui ne poul'raitful
être désagréable, au moment où il brigue
les suffrages de l'illustre compagnie. Le
farouche écrivain qui le veut vouer à
toutes les rigueurs religieuses a-t-il pensé
a cola? * *
Elles sont parfois curieuses à parcourir,
cos revues Catholiques, toujours veni- >
mèuses, à ce qu'on voit, et ne prenant *
même plus la peine d'affecter des ap.
rences doucereuses. 1
Il n'est pas mauvais de rappeler, quanet
l'occasion s'en présente, quels procédé* y
sont couramment usités et de quel esprit
de charité on y est animé. &oihïàe on doit
souffrir, dans ces pieusesotfitiRGS, d'être
obligé de se contenter de menaces foroé-
ment platoniques, puisque, faute de
mieux, on va chercher des armes dans
l'arsenal où reposent ces foudres cadu-
ques, qui ne sont plus que des curiosités
du passé !
Paul Ginisty.
CONFÉRENCE DE BERLIN
La séance de clôture.- Remerciements
à Guillaume II
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 29 mars.
La conférence a tenu aujourd'hui sa
séance de clôture.
M. de Berlepsch, ministre du commerce,
a prononcé une longue allocution où il a
fait ressortir que la conférence n'était pas
chargée d'amener une entente internatio-
nale, mais qu'elle devait formuler des vœux *
et des opinions.
« Je crois, a-t-il dit, que la conférence a
trouvé les vrais moyens de réaliser et de
développer les idées tendant à protéger
davantage les ouvriers et à garantir leurs
forces matérielles, physiques, morales et
intellectuelles; si les diffieutés ont paru
considérables au début, on a cependant ob-
tenu ce résultat, que les différents Etats
ont une manière de voir commdne qui
pourra guider les gouvernements dans la
solution des questions sociales, en même
temps qu'ils tiendront compte des particu-
larités propres à chaque nation.
» Je suis chargé par l'empereur de vous
exprimer les remerciements les plus cha-
leureux pour vos travaux savants et appro-
fondis. Que la bénédiction du Seigneur
fasse porter des milliers de fruits à votre
œuvre! »
M. Gorst, délégué anglais, a remercié
l'empereur d'avoir convoqué une confé-
rence dont les résultats ont été extraordi-
nairement satisfaisants. Il a exprimé l'es-
poir que ce ne serait pas la dernière. Quand
des millions d'enfants auront pu échapper
à une condition misérable, quand des mil-
lions de femmes auront été rendues aux
soins domestiques, les uns et les autres se
souviendront avec reconnaissance de L'ini-
tiative de l'empereur.
La conférence a été déclarée close, à trois
heures vingt-cinq, au. nom de l'empe
reur.
Les délégués français
M. Jules Simon a été reçu hier par l'im-
pératrice Frédéric.
Ce soir, les délégués français dînent à
l'ambassade de France. Ils assisteront en-
suite au thé intime qu'offre l'empereur à
tous les délégués de la conférence.
tLEcriONS MUNICIPALES
AVANT LA BATAILLE
Les candidats et les partis. — ArrOA",
dissements et quartiers. — Com- -
pétitions et compétiteurs.
DIXIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier de la Porte-Saint-Martin
Ce quartier était représenté par M. Paifc
lot, récemment décédé. Les comités répu<
blicains se sont mis d'accord pour lui don*
ner comme successeur M. Thuillier, archi*
tectej membre du conseil de surveillance
de l'Assistance publique. :
Un groupe radical-socialiste a pour can-
didat M. Combrisson.
Les boulangistes et les antisémistes réu-
nis présenteront M. Xavier Feuillant, an;
cien officier.
Quartier de la Porte-Saint-Denis
Le conseiller sortant, M. Frédéric Hattat;
républicain, sera soutenu par toutes les
nuances du parti.
Le candidat boulangiste est M. Lucien
Gouriet, ancien négociant.
Quartier Saint-Vincent-de-Paul
M. Léopold Hervieux, conseiller sortant
a spontanément décliné toute candidature.
Le comité de M. Hervieux a désigné pour la
remplacer M. Georges Villain, journaliste,
républicain progressiste.
Le comité radical-socialiste a choisi pour
candidat M. de Serres, artiste peintre.
Le candidat boulangiste est M. Dagonelt)
comptable, de la Ligue des patriotes.
Quartier de l'Hôpital-Saint-Louis v
Le conseiller sortant, M. Faillet, appar-*
tient au parti ouvrier. Il sera combattu par
deux boulangistes : M. O. Justice, ubli.,
ciste, et M. Jules Rateau, révolutionnaire.
Il est question d'une autre candidature
républicaine, celle de M. Bertrand. „
ONZIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier de la Folie-Méricourt
Le conseiller sortant est M. Lefebvre^
Roncier, autonomiste, qui se représente.
Le prédécesseur de M. Lefebvre-Roncier,
M. H. Michelin, sera le candidat boulangiste
unique, dans son ancienne circonscriptioq
municipale.
Les possibilistes auront pour candidat;
M. Jean Allemane, l'ouvrier. typographe
bien connu. :,
Quant au comité radical, il n'a pas en
core désigné de candidat. Les noms da.
M. Fontaine-Besson et de M. Péan ont étt:
toutefois mis en avant.
Quartier Saint-Ambroise
Le conseiller sortant est M. le docteuf
Léonce Levraud, républicain radical. Une
candidature dissidente xie même tiuance
lui est opposée, celle de M. Duchesnay.
Le candidat boulangiste est M. Avezard»
de 1 £ Ligue des patriotes.
Quartier de la Roquette -
Jusqu'à posent, M, Charles Longuet, COU*,
seiller sortant radical-socialiste, n'a pas de'
concurrent connu ; les boulangistes n'ont
e' fait aucun chojutj - ---,
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
.il48, Rue Montmartre
tANt
DIRECTEUR POLITIQUE
EDOUARD PORTALIS
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VaioB Postale — 9L; — 16 L; — 32 L
L. parimi du 1** •< 15. cHaqutmoit
tMégr.^phlqpa* : XIX* SIÈCLE - PARIS
LE PARLEMENT EN VACANCES
H. JULES FERRY AU SÉNAT
-
: Clôture de la conléreoce de Berlin
MANIFESTATION
DES OUVRIERS BOUCHERS
LA TÊTE COUPÉE
EN VACANCES
La Chambre s'est séparée hier jus-
qu'au 6 mai. Depuis le la novembre,
elle avait siégé presque sans interrup-
tion, car, ette année, l'intervalle en-
tre la session d'automne et la session
ordinaire a été exceptionnellement
court, et cela fait au moins quatre
bons mois de travail. Sans parti pris,
on a quelque droit de dire que ce
temps, déjà assez long, aurait pu être
mieux employé et que la Chambre n'a
pas jusqu'ici fait preuve d'une activité
bien remarquable. La plus forte par-
tie de sa besogne consiste dans l'inter-
minable et fastidieuse vérification des
pouvoirs, qui est à peine terminée.
L'opposition s'est affirmée par des
scènes de violence d'abord, et ensuite
par un système d'escarmouches sans
cesse répétées, tantôt de motions et
tantôt de questions uniquement faites
dans le but d'entretenir dans le pays
un état d'agitation et de retenir les
électeurs dans une sorte de coalition
d'inquiétudes et donnant à croire, tan-
tôt aux uns et tantôt aux autres, que
leurs intérêts étaient menacés. Mais le
parti républicain n'a trouvé que d'une
façon un peu insuffisante le moyen de
dégager ses intentions politiques et de
dresser le programme des travaux
- auxquels il se proposait de consacrer
la législature.
On aurait tort de dire qu'il est en-
core trop tôt pour que l'on sache à
quoi s'en tenir sur ce sujet. L'une des
causes de discrédit de la dernière
Chambre a été, — on ne saurait se
lasser de le répéter, — qu'elle a vécu
au jour le jour, et la Chambre nou-
velle aurait été sagement inspirée en
montrant immédiatement qu'elle n'en-
tendait pas suivre les mêmes erre-
ments Avec les lenteurs du régime par-
lementaire, c'est à peine si les quatre
années d'une législature suffisent à
conduire à terme quelques lois un
peu importantes, et si la première de
ces quatre années se passe en tâton-
ments et en hésitations, on peut être
presque assuré que la législature lais-
sera après elle plus de déceptions qut;
de satisfactions.
Il aurait fallu que la Chambr, nou-
velle arrivât avec le ferine propos de
se livrer sans réserve à l'accomplisse-
ment de son mandat et qu'elle fût
animée d'un ardent désir de travail-
ler. Divers incidents ont déjà montré
qu'au contraire un trop grand nom-
bre de ses membres prenaient leurs
fonctions un peu en amateurs. On les
voit arriver les jours où le programme
de la séance paraît intéressant, soit
qu'on s'attende à une grande lutte où
le talent oratoire de quelques-uns pro-
met un régal de dilettantisme, ou bien
encore où un débat mettant en dan-
ger les jours du ministère donne à la
journée un intérêt dramatique. Mais,
le reste du temps, on confie volontiers
sa boîte de bulletins à un voisin; il y
a des hommes obligeants qui dispo-
sent ainsi, à eux seuls, de quinze ou
vingt suffrages et qui jettent les bul-
letins dans les urnes par paquets.Dans
les bureaux, c'est bien pis encore, et
- l'on se souvient de , l'incident qui se
produisit lorsque fut nommée la com-
mission d'enquête sur l'élection de M.
Vacher dans la Corrèze : les républi-
cains ne s'étaient pas dérangés; les
réactionnaires et les boulangistes
avaient pu ainsi se partager les fonc-
tions de commissaires, et il fallut que
la Chambre, eh séance publique, trou-
vât un moyen d'annuler ces nomina-
- tions et de faire recommencer l'opéra-
tion.
Hier encore, un député mentionnait
à la tribune un fait assez piquant. Il
faisait partie d'une sous-commission
chargée d'examiner un dossier d'élec-
tion; la sous-commission est convo-
quée : lui seul est exact au rendez-
vous, et il engage à lui seul une dis-
cussion sur la valeur des faits allé-
gués dans le dossier.
Cette négligence dans l'accomplisse-
ment du mandat est déjà fâcheuse
pour celui qui s'en rend coupable, car
elle trahit de sa part un - penchant à
des capitulations de conscience; mais
elle est plus fâcheuse encore pour la
Chambre, car elle retarde les travaux
et elle fait que la besogne prépara-
toire, qui devrait être accomplie dans
les bureaux et dans les commissions,
etaj~ 4-oeinfi .^uchée^ toutse trouve
à faire en séance publique. Le résultat
du travail s'en ressent. On ajoute, au
petit bonheur de l'inspiration, des pa-
ragraphes additionnels ou des articles
nouveaux à une loi, sans s'inquiéter
de la concordance avec la législation
déj à existante ou des décisions déj à pri-
ses. La seconde Chambre qui examine
la loi est obligée de la remanier, puis
elle revient devant la première Cham-
bre, et quand, enfin, ces promenades
d'une Chambre à l'autre sont termi-
nées, il arrive encore que la loi est obs-
cure, que toutes les contradictions
n'ont pas disparu, et il n'est pas rare
qu'il soit nécessaire de corriger la loi
par une nouvelle loi.
- Ces procédés donnent beau jeu aux
adversaires du régime parlementaire,
qui ne se font pas faute d'user contre
la Chambre des armes que la Chambre
elle-même leur fournit, ét ils entre-
tiennent dans le pays un sentiment de
mécontentement dont les ennemis de
la République peuvent seuls recueillir
le bénéfice. La Chambre ne doit pas
pérdre de vue qu'elle a une lourde
responsabilité. En la nommant, en
donnant la majorité au parti républi-
cain, en donnant à celui-ci un mandat
précis, le pays a voulu faire une expé-
rience décisive. Si cette expérience n'é-
tait pas satisfaisante, il pourrait bien
manifester sa lassitude, et la Chambre
porterait la responsabilité de ce revi-
rement d'opinion. Nous livrons ces
réflexions à ses méditations pendant
les vacances, avec l'espoir que la pé-
riode d'hésitations est finie et que la
législature, dont on avait par avance
fixé le véritable commencement à la
rentrée de janvier, commencera, sans
nouvel ajournement, le 6 mai.
Le a XIX* Siècle. publiera demain la
a Chronique. par M. Francisque Sarcey.
M. JULES FERRY AU SÉNAT
L'élection de Saint-Dié. — Le concur-
rent de M. Picot.
Après de longues hésitations et de nom-
breuses conférences avec ses amis, M. Jules
Ferry a pris la résolution de ne pas se re-
présenter dans la première circonscription
de Saint-Dié, dans le cas, fort probable, où
l'élection de M. Picot serait invalidée.
M. Picot aurait pour concurrent un grand
industriel du pays, qui a, dit-on, les plus
grandes chances d'être élu.
Quant à M. Jules Ferry, il se réserve pour
les élections sénatoriales du mois de jan-
vier prochain, le département des Vosges
étant compris dans la série renouvelable,
A JERSEY
Réunion du comité boulangiste. — Les
élections municipales.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Jersey, 29 mars.
Le comité boulangiste se réunira ven-
dredi prochain, au grand complet, à Jersey,
sous la présidence du général boulanger.
La délibération portera sur le choix dé-
finitif des candidats boulangistes aux élec-
tions municipales.
La liste arrêtée, le général Boulanger
donnera l'investiture officielle à ses candi-
dats et leur adressera une lettre particu-
lière, comme il l'a déjà fait à l'occasion des
élections législatives.
M. DE BlEBERSTEIN
Le nouveau ministre des affaires
étrangères. — Toile général.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 29 mars.
Il s'élève un toile général contre la nomi-
nation du baron de Marschall de Bieber-
stein au secrétariat des affaires étrangères.
On rappelle que, vers 1879, ce personnage
a été l'adversaire de la politique de M. de
Bismark et de l'hégémonie de la Prusse en
Allemagne.
La presse lui fait un accueil aussi peu
flatteur que possible.
Mesures contre les socialistes
Je vous confirme que l'empereur médite
des mesures sévères contre les socialistes.
Attendez-vous à de graves événements.
LES AFFAIRES DE liMES
Démission de conseillers. — Elections
nécessaires
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
-- Nîmes, 29 mars. ----
La crise municipale prend un caractère
aigu.
Quatre conseillers étaient déjà démission-
naires; huit autres viennent de donner
leur démission. Tous sont des partisans de
M. Numa Gilly.
Dans la lettre de démission que ces con-
seillers adressent au préfet, ils se montrent
très violents pour M. Pascal, maire.
Le nombre des conseillers municipaux
étant de 36 et le chiffre des démissions s'é-
levant à 12, des élections complémentaires
s'imposent.
M. Pascal a déposé une plainte contre M.
Aumeras, conseiller municipal, à qui il a
fait dresser un procè-verbal pour l'avoir
insulté publiquement pendant la dernière
séance du conseil.
M. Vatin, préfet du Gard, après avoir in-
formé le ministre de l'intérieur de la situa-
tion, a été invité à se rendre immédiate-
ment à Paris.
M. le préfet est parti à midi.
On s'attend à voir paraître un décret qui
dissoudra le conseil municipal de Nîmes.
——M
LE BUDGET
La commission du budget s'est ajournée au
29 avril.
Les rapporteurs des budgets des affaires
étrangères, de l'intérieur, du commerce, des
beaux-arts et de l'Imprimerie nationale espè-
rent pouvoir présenter leurs rapports à cette
CLOTURE
PARLEMENTAIRE
LES VACANCES DE PAQUES
Les Chambres en congé jusqu'au 6 mai.
- Nouveaux incidents boulan-
gistes. — M. Ferroul et la ma-
nifestation du 1er mai. —
Encore une interpel-
lation.
Le Parlement est en vacances depuis hier
soir : il s'est ajourné au mardi 6 mai. C'est
donc cinq semaines de congé que vont
prendre les deux Chambres.
Au Sénat, la chose a été décidée sans
contestation ni difficulté, et on s'est séparé
après avoir liquidé quelques dernières af-
faires, notamment les crédits supplémen-
taires demandés pour la marine marchande
et pour le prochain -congrès télégraphique,
puis aussi la réforme de la législation sur
les marques de fabrique.
Mais au Palais-Bourbon il y a eu du ti-
rage. Certains ont estimé sans doute que
les électeurs leur sauraient gré de réclamer
une réduction du congé législatif. Et à ce
propos s'est engagé un. débat fertile en in-
cidents tumultueux et assez violents.
Les séances de tous ces jours derniers ont
été d'ailleurs, notons-le en passant, beau-
coup plus mouvementées quutilement em-
ployées. Et cette constatation n'était pas
pour modifier l'opinion des partisans des
vacances — ce calmant souverain.
Dates variées
C'est un membre de la Droite, M. du
Breuil de Saint-Germain, qui, le premier,
a proposé une limitation à trois semaines
de l'entr'acte législatif. « Reposons-nous
seulement, a-t-il dit, du 1er au 22 avril :
c'est bien assez, car nous avons devant
nous une besogne considérable à abat-
tre. »
Immédiatement un boulangiste, M. Chi-
ché, est venu surenchérir, et l'on a en-
tendu, non sans quelque stupeur, cet en-
nemi du parlementarisme demander la
permanence parlementaire : « Pas de congé !
s'est écrié le farouche Chiché A quoi bon?
Notre séparation serait agréable aux seuls
ministres, que gêne le contrôle des Cham-
bres. De vrais républicains, des républi-
cains nationaux, ne chôment jamais ! »
— C'est pour cela, n'est-ce pas, que les
chefs de file du boulangisme se promènent
à l'heure qu'il est en Orient ? a riposté M. de
Lanessan.
L'honorable député de la Seine a même
proposé que les vacances fussent prolon-
gées jusqu'au 12 mai, afin de donner le plus
de durée possible au salutaire contact des
élus et des électeurs.
- Là-dessus, grand tapage au camp bou-
langiste. M. Floquet a du intervenir. pour
faire cette remarque qui contient la mora-
lité de l'incident :
M. le président. — Je vous prie de cesser
ce bruit. Vous prouvez une fois de plus que
ceux qui empêchent de travailler siègent de oe
côté de la Chambre; vous ne cessez, quand
vous venez aux séances, de les troubler par un
tumulte qui est absolument intolérable. (Très
bien! très bien 1)
H. Ernest Boche, qui interromptest rap-
pelé à l'ordre.
M. Dugué de la Fauconnerie a émis cet
avis que moins la Chambre siège, mieux
cela vaut, et M. Antide Boyer a conseillé à
ses collègues de se trouver en session pour
le 1er mai, jour assigné à la manifestation
qu'on sait.
Après quoi, la date la plus éloignée,
c'est-à-dire celle du 12 mai recommandée
par M. de Lanessan, est mise, aux voix.
Scrutin, puis pointage. Finalement, la
Chambre s'est divisée en deux parties
égales. Le 12 mai a 2A6 partisans et autant
d'adversaires. Cela équivaut, on le sait, au
rejet de cette date.
Le 6 mai, jour arrêté d'avance, triomphe
l'instant d'après, par 389 voix contre 127.
M. Déroulède censuré
Mais un très vif incident ne tarde pas à
surgir a propos du pointage ayant précé-
demment abouti au rejet du 12 mai.
On voit les boulangistes s'agiter furieuse-
ment : on les entend parler de fraudes, de
falsification du vote. M. Deroulède de-
mande la parole. Comme on scrutinait à ce
moment sur la date du 6 mai, la parole est
naturellement refusée au député d'Angou-
lême.
Celui-ci continue de mener un tapage
d'enfer : il veut monter à la tribune quand
même, malgré les efforts de M. Floquet, qui
se voit bientôt forcé de proposer la censure
dont le règlement frappe tout député ayant
donné le signal d'une scène tumultueuse.
M. Déroulède est admis à s'expliquer sur
l'application de la peine. Il dit avoir appris
dans les couloirs que des bulletins ont été
ajoutés après la fermeture du vote, en vue
de faire repousser la date du 12 mai.
— N'avez-vous pas voté pour ceux de vos
amis qui sont à Constantinople? lui crie
M. Pichon.
— Donc, conclut M. Déroulède, on a fal-
sifié le scrutin, manipulé les votes. Nous
dénonçons de telles pratiques au pays!
Le président fait remarquer à l'orateur
qu'il pourra formuler ses protestations sous
forme de rappel au règlement, mais qu'en
attendant, il a, en causant une scène tu-
multueuse, encouru la censure. Et aussitôt
la majorité prononce contre M. Déroulède
la peine de la censure.
M. Rabier, qui, en qualité de secrétaire,
a procédé à l'opération du pointage, vient
expliquer qu'il a tout simplement accepté,
après la fermeture du scrutin, le bulletin
d'un retardataire désireux de prendre part
au vote. Nombre de députés, appartenant
tant à la minorité qu'à la majorité, ont
maintes fois bénéficié d'une pareille tolé-
rance.
— Que celui qui n'a jamais remis son
bulletin en retard jette la première pierre !
ajoute M. Floquet.
M. Goussot a encore voulu épiloguer sur
cette affaire, mais quelques explications
réglementaires du président ont terminé
l'incident.
L'ordre du jour de la séance du 6 mai a
ensuite été longuement discuté. On a fini
par l'arrêter de la façon suivante : Loi sur
le libre exercice des syndicats profession-
nels ; loi sur les délégués mineurs ; loi sur
la presse (proposition Barthe); puis ensuite
— sur la demande de MM. Viger et Méline,
et malgré l'opposition de M. Peytral- lois
sur les maïs et sur les mélasses.
Mais, avant tout cela, il faudra encore
discuter trois interpellations boulangistes
précédemment ajournées à un mois. Déci-
dément M, Chiché et ses mi sont bien
fondés à se plaindre de ce qu'on n'arrive
à bout d'aucune loi utile !
Une question de M. Ferroul
Avant les incidents que nous venons de
rapporter, M. Ferroul avait, par voie de
question, demandé au ministre de l'inté-
rieur s'il autoriserait les ouvriers et em-
ployés de l'Etat à participer à la manifes-
tation dlliar mai, -. manifestation toute
pacifique, a dit le député de l'Aude, et par
laquelle les travailleurs de tous les pays
veulent affirmer leurs desiderata, notam-
ment en ce qui concerne la réduction de la
journée de travail à huit heures.
M. Constans lui a répondu de la façon
suivante :
Mes employés ne travaillent que sept heu-
res par jour, et ils n'ont pas intérêt à se join-
dre aux manifestants qui demandent la réduc-
tion de la journée de travail à huit heures.
(Rires à gauche et au centre.)
Quant aux ouvriers des manufactures de
l'Etat, je n'en ai pas dans mon département;
je ne puis donc prendre de mesure à leur
égard.
Cependant je dirai à M. Ferroul quelle est
l'opinion que je suppose être celle des divers
membres du gouvernement : nous n'accorde-
rons pas de congé le 1" mai à des ouvriers qui
ne le demandent pas.
Je n'admets pas qu'on appuie des réclama-
tions de la présence d'un grand nombre de
personnes, et si j'ai confiance dans les ou-
vriers, je n'ai pas du tout confiance dans ceux
qui ne sont pas ouvriers et qui se mettent à
leur tête. (Applaudissements à gauche et au
Centre. — Bruit sur quelques bancs à l'extrême
gauche.)
M. Daudi.- Ce sont des ouvriers qui ma-
nifesteront le lw mai. Nous n'aurons rien de
commun avec les césariens et les boulan-
gistes.
Cette affimation du député socialiste du
Cher a fort mécontenté M. Déroulède et ses
amis, qui l'ont accueillie par de vives pro-
testations.
M. Ferroul a répondu au ministre et parlé
au nom des travailleurs.
-Quel est votre métier ? lui a crié M. Emile
Ferry.
— Je suis né dans la bourgeoisie, a ri-
posté le député de l'Aude, mais je l'ai quit-
tée pour aller au peuple!
L'incident a pris fin bientôt après.
Une interpellation de M. Le Provost
de Launay.
Enfin, il y a eu, hier encore, l'interpella-
tion sans laquelle il semble qu'il n'y ait
plus de séance possible. C'est M. Le Pro-
vost de Launay qui l'a développée, et nous
n'y insisterons guère.
Le député de la Droite a prétendu que la
loi de 1889 sur le traitement des institu-
teurs est violée, parce que l'indemnité de
résidence, imposée aux communes pour
leurs instituteurs, ne serait pas versée à
ceux de ces instituteurs qui sont congré-
ganistes.
« Il y a donc, a-t-il ajouté, un prélève-
ment sur le budget des communes pour-
vues d'instituteurs congréganistes, prélè-
vement fait au profit du budget de l'Etat.
Les communes payent, l'Etat encaisse. »
M. Le Povost avait même dit : empoche.
Le mot a été vertement relevé par M. Bour-
geois. Le ministre de l'instruction publique
a, en outre, expliqué que la loi de 1889
n'est nullement violée, que les institutéurs
congréganistes sont traités actuellement
comme les laïques; mais que, comme les
instituteurs congréganistes sont appelés à
disparaître progressivement, on ne s'oc-
cupe pas — ce qui est tout naturel — de
leur préparer les avantages que cette loi
de 1889 assurera dans l'avenir à nos insti-
tuteurs.
Le vote, par 305 voix contre 192, de l'ordre
du jour pur et simple, demandé par le
gouvernement, a terminé cette interpella-
tion.
Mentionnons encore, pour en finir avec
cette dernière séance, le dépôt par le mi-
nistre de l'instruction publique : 1° de la
demande de crédit d'un million pour les
instituteurs; 2° d'un projet tendant à l'a-
doption de l'heure de Paris comme heure
légale de France ; puis le dépôt, par le mi-
nistre du commerce, du projet relatif à la
conservation des monuments de l'Exposi-
tion.
A signaler encore l'adoption du projet
relatif aux communications téléphoniques
entre diverses villes,et la prise en considé-
ration accordée à une proposition sur la
suppression du monopole des avocats, et à
une autre proposition concernant la créa-
tion d'un conseil supérieur du travail.
STATISTIQUE PARLEMENTA IRE
Le travail de la Chambre. — Session
ordinaire et session extraordinaire.
La Chambre, qui prend cinq semaines de
vacances, n'a pas fait grand'chose dans la
première partie de sa session ordinaire.
Rentrée le 1A janvier, elle a tenu 39 séan-
ces.
Sur ces 39 séances publiques, il n'y a pas
eu moins de 10 interpellations et de 17 ques-
tions auxquelles des membres du gouver-
nement ont dû répondre.
Le reste des séances a été pris par le tra-
vail des vérifications de pouvoirs.
Les deux propositions de loi à signaler,
adoptées par la Chambre, sont le Journal
officiel à cinq centimes et le projet sur la
dérivation des eaux de l'Avre,l'un et l'autre
actuellement devant le Sénat.
Enfin, il y a 136 projets ou propositions
de loi qui n'ont même pas été examinés
par les commissions d'initiative et plus
de 80 qui sont encore à l'état de rapports
sommaires-
Session extraordinaire
Dans la session extraordinaire (du 12 no-
vembre au 23 décembre), la Chambre avait
tenu 25 séances.
Sur ces 25 séances, il y avait eu 3 inter-
pellations et 5 questions adressées au gou-
vernement.
La Chambre avait été saisie de 107 pro-
jets de loi, de 1A1 propositions d'initiative
parlementaire, et de 17 propositions ve-
nant du Sénat.
Sur les 1M propositions d'initiative par-
lementaire, 10 avaient obtenu le bénéfice
de l'urgence, h avaient été prises en consi-
dération, 7 avaient été renvoyées directe-
ment à des commissions spéciales, 1 avait
été rejetée et 2 avaient été retirées.
La Chambre ayant terminé la vérification
des pouvoirs de ses membres. — il ne reste
plus, en effet, à statuer que sur l'élection
de M. Picot, — espérons qu'elle se mettra
à l'œuvre résolument et que ses séances
seront plus iécondes,
CHRONIQUE
Dieu sait tout ce qui s'est écrit depuis
un mois au sujet du dernier roman de
M. Emile Zola,lai Bête humaine. Non seu-
lement toute la critique a « donner mais
les fantaisistes se sont mis aussi de la
partie, et hier encore, un chroniqueur
s'amusait à parodier la manière du maî-
tre en un chapitre plaisant, censément
oublié dans l'impression du volume.
L'œuvre a pu être jugée diversement; il
va de soi que, pour provoquer ces polé-
miques passionnées, il faut qu'elle soit
puissante.
L'opinion des revues catholiques nous
manquait encore; nous l'avons aujour-
d'hui, et curieuse à souhait. L'étude con-
sacrée à la Bête humaine par une de ces
revues a, en effet, une conclusion vrai-
ment inattendue. D'autres journaux ont
fait des objections ou des réserves; ce
savoureux article finit, lui, le plus gra-
vement du monde, en conseillant à la
congrégation de l'Index, à Rome, de se
montrer impitoyable pour ce livre et d'en
interdire la lecture.
M. Zola, évidemment, ne s'attendait
pas à ce coup, qui est rude. Ce n'est pas
l'interdiction temporaire qui est sollici-
tée, avec la formule consacrée : Donec
expurgetur, mais bien l'interdiction com-
plété, irrévocable, le roman n'étant
qu'« un long blasphème », un « écrit » d'un
matérialisme funeste. L'écrivain appelle
donc sur lui les foudres de l'Eglise et ré-
clame l'intervention du Vatican. Il n'y va
pas par quatre chemins.
L'aventure n'est-elle pas tout à fait pi-
quante, et, en fait de fantaisie, eût-on
rien imaginé de plus original ? Mais l'au-
teur de cet article est parfaitement sé-
rieux, et c'est ce sérieux même qui peut
provoquer quelques réflexions.
J'avoue que je suis toujours frappé par
le parti pris, sincère ou non, de certaines
gens à vouloir s'entêter dans un passé
impossible à ressusciter. Vainement le
monde marche, se transforme, secoue de
vieux errements.
Ces rêveurs ne veulent rien voir ni
rien entendre; cette obstination peut
parfois, malgré tout, ne pas manquer de
quelque grandeur, mais le plus souvent,
elle est purement ridicule. C'est assez du
cas présent. Evoquer cette puissance ja-
dis redoutable de la congrégation de l'In-
dex, n'est-ce pas faire toucher du doigt
ce qu'elle a de dérisoire aujourd'hui? La
pensée va, vole, se répand; qui se soucie
du tribunal religieux qui prétend la ré-
gler et la refréner? Où est la sanction de
ses arrêts ?
Tolstoï a dit un jour «qu'il fallait trai-
ter les vieilles institutions avec douceur. »
Mais, à l'heure même où s'est évanoui
tout le prestige des institutions de l'E-
glise, on peut constater, assez étrange-
ment, des sortes de provocations de la
part de ses soutiens contre le bon sens et
la raison. N'avions-nous pas à parler ré-
cemment de l'excommunication lancée
par un évêque contre un parpaillot, qui
traita du reste fort légèrement l'ana-
thème. Ne nous entretient-on pas, de
temps en temps, des réunions des der-
niers chevaliers de Malte, qui ne peuvent
pourtant plus guerroyer contre le Turc?
Il ne manquait, maintenant, que de
mettre en avant la congrégation de l'In-
dex? Comment la prudence même n'em-
pêche-t-elle pas certains catholiques ar-
dents de hasarder des mots qui sont ac-
tuellement vides de sens ?
Le tribunal, autrefois terrible, du Vati-
can, condamnât-il solennellement la Bête
humaine, on ne voit pas beaucoup que
M. Zola puisse être atteint par cette déci-
sion, ni dans sa réputation, ni dans ses
intérêts. On ne l'imagine guère s'humi-
liant, se frappant la poitrine et corrigeant
son livre, pris de remords, faisant de Sé-
verine et de Jacques Lantier deux modè-
les de vertu employant leurs loisirs, dans
leurs petits voyages du vendredi à Paris,
à s'édifier mutuellement par la lecture de
la Morale en action ou des Annales de la
Propagande de la foi, et transformant
M. Grandmorin en un saint laïque, pré-
sidant non des conseils d'administration,
mais une œuvre pour le rachat des âmes
du Purgatoire et n'ayant révélé à Séve-
rine que d'édifiants enseignements.
Puisque toutes ces menaces sont prodi-
gieusement vaines aujourd'hui, à quoi
bon les proférer? On ne songeait plus
guère à la congrégation de l'Index : pour-
quoi diable forcer à railler sou action
maintenant chimérique? -
Ce qu'il y a à retenir, c'est que l'intolé-
rance est toujours la même, dans le camp
d'où sont venues ces récriminations, qui
frisent un peu l'anachronisme, contre le
roman de M. Zola. Là, on n'admet point
la discussion, on souhaite des mesures
de rigueur, et on se désole d'être con-
traint à se borner à ces désirs d'exécu-
tion. Ah! si l'on pouvait encore faire
brûler des livres par la main du bour-
reau 1
Il n'en va pas moins que le pieux cri-
tique n'a pas « sauté » les passages qui
lui semblent si abominables; il paraît
même les avoir relus avec assez de com-
plaisance , et, sans qu'il y prenne garde,
il insiste volontiers, précisément, sur ces
pages scabreuses. En dépit des euphé-
mismes dont il se sert, ce qu'il met le
plus de soin à raconter dans son ana-
lvse. ce sont les scènes passionnées du
livre. C'est une façon un peu singulière
d'éloigner les lecteurs, qu'il déclare
perdus s'ils feuillettent ce volume mau-
dit!
A tout prendre, M. Zola ne serait pas
en mauvaise compagnie sur le catalogue
des ouvrages mis à l'index : il s'y ren-
contrerait avec Descartes, avec Voltaire,
voire avec Fénelon lui-même, qui, tout
évêque qu'il fût, n'échappa pas à ces sé-
vérités de l'Eglise, et avec nombre d'aca-
».
démiciens d'antan, ce qui ne poul'raitful
être désagréable, au moment où il brigue
les suffrages de l'illustre compagnie. Le
farouche écrivain qui le veut vouer à
toutes les rigueurs religieuses a-t-il pensé
a cola? * *
Elles sont parfois curieuses à parcourir,
cos revues Catholiques, toujours veni- >
mèuses, à ce qu'on voit, et ne prenant *
même plus la peine d'affecter des ap.
rences doucereuses. 1
Il n'est pas mauvais de rappeler, quanet
l'occasion s'en présente, quels procédé* y
sont couramment usités et de quel esprit
de charité on y est animé. &oihïàe on doit
souffrir, dans ces pieusesotfitiRGS, d'être
obligé de se contenter de menaces foroé-
ment platoniques, puisque, faute de
mieux, on va chercher des armes dans
l'arsenal où reposent ces foudres cadu-
ques, qui ne sont plus que des curiosités
du passé !
Paul Ginisty.
CONFÉRENCE DE BERLIN
La séance de clôture.- Remerciements
à Guillaume II
(D'UN CORRESPONDANT)
Berlin, 29 mars.
La conférence a tenu aujourd'hui sa
séance de clôture.
M. de Berlepsch, ministre du commerce,
a prononcé une longue allocution où il a
fait ressortir que la conférence n'était pas
chargée d'amener une entente internatio-
nale, mais qu'elle devait formuler des vœux *
et des opinions.
« Je crois, a-t-il dit, que la conférence a
trouvé les vrais moyens de réaliser et de
développer les idées tendant à protéger
davantage les ouvriers et à garantir leurs
forces matérielles, physiques, morales et
intellectuelles; si les diffieutés ont paru
considérables au début, on a cependant ob-
tenu ce résultat, que les différents Etats
ont une manière de voir commdne qui
pourra guider les gouvernements dans la
solution des questions sociales, en même
temps qu'ils tiendront compte des particu-
larités propres à chaque nation.
» Je suis chargé par l'empereur de vous
exprimer les remerciements les plus cha-
leureux pour vos travaux savants et appro-
fondis. Que la bénédiction du Seigneur
fasse porter des milliers de fruits à votre
œuvre! »
M. Gorst, délégué anglais, a remercié
l'empereur d'avoir convoqué une confé-
rence dont les résultats ont été extraordi-
nairement satisfaisants. Il a exprimé l'es-
poir que ce ne serait pas la dernière. Quand
des millions d'enfants auront pu échapper
à une condition misérable, quand des mil-
lions de femmes auront été rendues aux
soins domestiques, les uns et les autres se
souviendront avec reconnaissance de L'ini-
tiative de l'empereur.
La conférence a été déclarée close, à trois
heures vingt-cinq, au. nom de l'empe
reur.
Les délégués français
M. Jules Simon a été reçu hier par l'im-
pératrice Frédéric.
Ce soir, les délégués français dînent à
l'ambassade de France. Ils assisteront en-
suite au thé intime qu'offre l'empereur à
tous les délégués de la conférence.
tLEcriONS MUNICIPALES
AVANT LA BATAILLE
Les candidats et les partis. — ArrOA",
dissements et quartiers. — Com- -
pétitions et compétiteurs.
DIXIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier de la Porte-Saint-Martin
Ce quartier était représenté par M. Paifc
lot, récemment décédé. Les comités répu<
blicains se sont mis d'accord pour lui don*
ner comme successeur M. Thuillier, archi*
tectej membre du conseil de surveillance
de l'Assistance publique. :
Un groupe radical-socialiste a pour can-
didat M. Combrisson.
Les boulangistes et les antisémistes réu-
nis présenteront M. Xavier Feuillant, an;
cien officier.
Quartier de la Porte-Saint-Denis
Le conseiller sortant, M. Frédéric Hattat;
républicain, sera soutenu par toutes les
nuances du parti.
Le candidat boulangiste est M. Lucien
Gouriet, ancien négociant.
Quartier Saint-Vincent-de-Paul
M. Léopold Hervieux, conseiller sortant
a spontanément décliné toute candidature.
Le comité de M. Hervieux a désigné pour la
remplacer M. Georges Villain, journaliste,
républicain progressiste.
Le comité radical-socialiste a choisi pour
candidat M. de Serres, artiste peintre.
Le candidat boulangiste est M. Dagonelt)
comptable, de la Ligue des patriotes.
Quartier de l'Hôpital-Saint-Louis v
Le conseiller sortant, M. Faillet, appar-*
tient au parti ouvrier. Il sera combattu par
deux boulangistes : M. O. Justice, ubli.,
ciste, et M. Jules Rateau, révolutionnaire.
Il est question d'une autre candidature
républicaine, celle de M. Bertrand. „
ONZIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier de la Folie-Méricourt
Le conseiller sortant est M. Lefebvre^
Roncier, autonomiste, qui se représente.
Le prédécesseur de M. Lefebvre-Roncier,
M. H. Michelin, sera le candidat boulangiste
unique, dans son ancienne circonscriptioq
municipale.
Les possibilistes auront pour candidat;
M. Jean Allemane, l'ouvrier. typographe
bien connu. :,
Quant au comité radical, il n'a pas en
core désigné de candidat. Les noms da.
M. Fontaine-Besson et de M. Péan ont étt:
toutefois mis en avant.
Quartier Saint-Ambroise
Le conseiller sortant est M. le docteuf
Léonce Levraud, républicain radical. Une
candidature dissidente xie même tiuance
lui est opposée, celle de M. Duchesnay.
Le candidat boulangiste est M. Avezard»
de 1 £ Ligue des patriotes.
Quartier de la Roquette -
Jusqu'à posent, M, Charles Longuet, COU*,
seiller sortant radical-socialiste, n'a pas de'
concurrent connu ; les boulangistes n'ont
e' fait aucun chojutj - ---,
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